1885 - Le Franc Maçon n°14 - 26 décembre 1885 au 2 janvier 1886 - 1ère année.pdf

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Première Année. !\' 14. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 26 Décembre 1885 au Samedi 2 Janvier 4880 Liberté égalité Fraternité Travail Soliclsuri-té Justice I?a,:ra,isssL:r]L-t le Samedi Bien penser Bien dire Bien faire Vérité ï_i \x xn. ière Humanité ABONNEMENTS Six mois.. 4 fr. 50 Un an 6 fr. Etranger Le port en sus Recouvrement par la posle, 50 c. en plus. Adresser les demandes et émois de lords an TrcseriiT-Admiuisliatsur. Balle, rue Ferrautièn, 52 RÉDACTION & ADMINISTRATION Adresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52 -—3 L-^roisr îPARIS Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PKEUNET, 9, rue du Croissant— PARIS ANNONCES Les Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNIER & G ie 14, rue Confort, 14 et sua. Bureau du Journal Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus AVI8 Le Franc-Maçon est mis en vente à : PARIS Agence de librairie PÉRINET, 9 , rue du Crois- sant. Les abonnements sont reçus à la même adresse. MONTPELLIER Société anonyme du Petit Méridional, 5, rue Leenhardl, doivent être adressées les de- mandes de dépôts dans les diverses villes des départements du Gard, de l'Hérault et dépar- tements limitrophes. SEDAN Papeterie-librairie, Carlier aine, 1, Grande- Rue. BORDEAUX Chez M. Graby, marchand de journaux. ALGER Librairie Pioget, Place Sous-la-Règence. Librairie Mouranchon. ORAN Librairie Calia, rue Fond-Ouck. MARSEILLE Agence de librairie Blanchard, dépositaire et marchand de journaux. Noire journal est également mis en vente dans les bibliothèques des principales gares. SOIMZIM: -A-IKEI A la Chambre. Esprit des Morts et des Vivants.— La Société maçonnique. Le vrai culte national. Deux mots de réponse. Lettre de Yizille. L'Ouvrière. Les dangers de la confession. Les taxes de la Chan- cellerie. Les canonisations et Jeanne d'Arc. Laïcité. De l'Indifférence {suite). Chronique maçonnique. Revue des Théâtres. Feuilleton : Le Mariage d'un Franc-Maçon Petits Dialogues philosophiques. r --n,' ' "' T mtJŒjjuljâLigg^ A LA CHAUBBE r Nous ne voulons pas voir les bancs des députés de l' extrême-gauche serrent les mains des députés de la ligue conservatrice. Laissons ces intrigues parlementaires ; là, les plus dévoués dans la lutte du 18 octobre se montrent oublieux de l'union qui permit de vaincre la coalition réaction- naire- et acceptent au Parlement des al- liances qu'ils ne pourraient hautement avouer devant leurs électeurs. C'est à la tribune qu'il faut porter ses regards. Un député de la droite défend la politique coloniale ; il est interrompu sur tous les rangs des élus de la ligue cléricale. En effet, il ne s'est pas souvenu de son ori- gine politique, il ne parle plus en député d'un parti, il prêche, en évêque, pour la propagation de la foi. Il expose les idées de colonisation, moins pour la grandeur du pays dont il est le re- présentant, que pour l'extension de la reli- gion apostolique et romaine, dont il est le prélat; il montre les avantages de la puis- sance coloniale, et il pense au développe- ment, dans des pays neufs, de la légende catholique qui disparaît sur le continent. La droite, qui n'a « fait » de la religion que dans un but politique, veut renverser le gouvernement sans se soucier des con- vertis annamites et tonkinois de M. Frep- pel. Or, l'évêque n'entendpaslaisserprimer la politique sur la religion lorsqu'il s'agit de perdre un pays bien préparé par ses missionnaires ; il tient avant tout aux con- trées voisines de l'immense empire, si mal connu, alors, qu'on put faire d'admirables quêtes pour racheter des petits Chinois qui ne furent jamais à vendre. Quel enseignement pour les électeurs ! Les députés pieux que ces électeurs de bonne foi et d'entière crédulité, recevant leurs inspirations à confesse, par eux-mê- mes ou par l'intermédiaire de leurs dévotes épouses, ont nommé pour sauver la vraie religion, invectivent un évêque ! Un digni- taire de l'Eglise, dans sa robe sainte, aux liserés de voyante couleur, est conspué par ceux mêmes qu'il peut bénir ou maudire, envoyer en enfer ou mener au paradis. Un des organes autorisés de l'Eglise immuable, un porte-voix du Pape infaillible combat pour ses ouaîITes annamites et tonkinoises, il supplie en faveur de ses missionnaires intrépides, il montre le martyre de ces apôtres, le massacre inévitable de ces infi- dèles d'autrefois, aujourd'hui enfants de l'Eglise, éclairés parla fou II dit qu'ils sont 500,000 chrétiens.... La droite, qui a pro- mis de défendre la religion catholique con- tre les républicains libres-penseurs, cette ligue cléricale sortie de la propagande des curés/ des conseils du confessionnal, de tous ces tripotages religieux que nous ont dévoilés les enquêtes sur les élections, la droite enfin jette par dessus bord l'évêque, les missionnaires et les chrétiens de l'An- nam et du Tonkin. Qu'importe le catholi- cisme au delà des mers, quand il s'agit d'un beau coup parlementaire. Certes, la reli- gion, en temps d'élections, on aime à en parler ; mais après. .. l'évêque Freppel vient la rappeler fort mal à propos. Voilà un curieux et instructif spectacle : il peut offrir un suj et de méditations sérieuses auxpersonnes vraiment convaincues. Leur piété, qui les aura poussées à soutenir de leur mieux les députés bien pensants, devra souffrir de voir ces élus si ardemment dé- fendus, injurier un évêque parlant pour les populations converties, les missionnaires et la propagation de la foi. Ne pourraient- elles en tirer cette conclusion, que, con- naissant assez mal leur propre culte, et pas du tout les questions politiques, elles auraient été plus sages d'étudier leurs li- vres saints que de se mêler d'élections. ESPRIT. DES MORTS ET DES YIÏANTS S'appliquer à valoir mieux que ses ennemis, c'est com- mencer à les détruire. PRÉVOST-PARADOL. L'Univers préconise systématiquement l'ignorance. Hier encore, il protestait contre les progrès de la raison hu- maine. Il prend à la lettre le texte Beati pauperes spirilu (bienheureux les pauvres d'esprit), et il a naguère crié de toutes ses forces : « Abêtissez-vous ! » Il faut bien qu'il prêche d'exemple. E. DK LA BÉDOLIÈRE. Taudis que nos missionnaires se font martyriser en Cochinchine, ceux do l'Angleterre vendent des "bibles et autres articles do commerce. PROUDHON. Par quel miracle rencontre-t-on aujourd'hui tant d'incré- dules zélés pour la conversion du prochain ? PRÉVOST-PARADOL. La plupart des papes aiment mieux faire des bien- heureux que des heureux. PASQUIN. Un homme religieux traite avec la divinité comme avec un ami ; le superstitieux comme un esclave avec son despote. LAROCHEFOUCAULD. Le catholicisme est une forme religieuse, et tonte forme se modifie. L. JOURDAIN. * Le sentiment religieux est incompatible avec l'enfer éternel. Cl. FAUVETY. Les femmes nous gouvernent, tâchons de lés rendre par- faites. SHERIDAN. : Ll 8Ntt 11(111 D'aucuns pensaient que la Société maçonnique, léguant à la démocratie française la République, était décédée ab intestat, son rôle fini, et qu'il convenait de lui faire des funérailles décentes. D'autres docteurs consentaient bien à prolon- ger son existence jusqu'à la fin de la lutte ; clé- ricale, mais ils pensaient , comme leurs confrères, que son rôle politique et social était fini, et qu'elle n'avait plus raison d'être. Nous n'avons pas accepté ce dédaigneux sur-. sis ; l'action de la Société maçonnique n'est pas bornée dans le temps ni dans l'espace, et c'est tout d'abord ce que nous nous sommes efforcés de prouver en théorie. Il s'est trouvé que nous, avions plus raison que nous ne pensions, ou plu- tôt que notre avis était celui de bien des gens d'expérience et de sagesse. Il suffisait de le for- muler pour les rallier. Ce qui s'est fait, et cela nous a donné du courage. Les grandes lignes du programme maçonnique étant tracées, il fallait passer aux moyens d'ac- tion pratiques que nous devions mettre en œuvre, sous peine d'un avortement stérile. Voici fran- chement notre pensée : le premier soin de la Maçonnerie a été d'affranchir les opinions, les idées humaines, de la tutelle, des carcans et des in-pace d'une oppression imbécile. Elle a parlé au nom de la raison, et l'on a vu les trônes tré- bucher sur les inquisitions et tous ensemble, comme des capucins de cartes, tomber dans leurs propres traquenards. L'humanité, en enfantement depuis dix -huit siècles, a brusquement accouché du génie qu'elle portait en ses flancs, et qui, libre d'entraves, s'est librement ébattu à travers le monde. Ça été vertigineux : le xix° siècle est Feuilleton du " FRANC-MAÇON " (13) LE MARIAGE D'UN FRANC-MAÇON (Suite) Louise avait promis de tout son cœur à Jacques qu'elle garderait le plus profond secret sur leur petite escapade maçonnique. En le lui demandant, son mari savait bien quelles seraient les suites d'une indiscrétion. Et cependant, il ne se doutait même pas de l'orage épouvantable qu'il amassait sur sa tête. Une mère et une fille ne sortent pas seules ensemble, pendant de longues heures, sans se faire leurs plus intimes confidences, surtout quand ces confidences prennent l'attrait d'une mystérieuse aventure. Louise, après de nombreuses réticences, finit par raconter à sa mère la séance de la Loge à la- quelle elle avait assisté, et pendant que la bonne dame se confondait en exclamations indignées, elle lui fit jurer à son tour de ne raconter cette histoire à personne. M me Lebonnard jura tout ce que voulut sa fille, et quelques heures plus tard, l'abbé Robert recevait à son tour la grande confidence toujours sous le sceau du secret le plus absolu. L'abbé fit un bond. Jacques est un franc-maçon ! Dame, il lui serait difficile de le nier. Ce scandale ne peut durer, il faut absolu- ment y mettre ordre et tout de suite. Gomment cela ? Je le verrai, je lui parlerai, j'userai de mon influence ; si je ne suis pas assez puissant, Louise, je l'espère, sera plus persuasive. Nous emploie- rons la douceur, nous emploierons la rigueur, mais il faut que Jacques rompe avec cette épou- vantable institution . Elle est donc bien satanique? Satanique, vous avez dit le mot propre. Vous voyez , ma chère madame Lebonnard qu'il y a déjà conduit votre enfant. Bientôt, il ac- complirait sur elle aussi l'œuvre intellectuelle, qui depuis longtemps l'a lui-même transformé. Dans cette secte, on perd la notion du respect, on perd la notion de la crainte, l'esprit devient audacieux et téméraire, on s'y imprègne de libre-pensée, de libéralisme, de cette philanthropie utopique qui conduit aux pires doctrines antisociales et surtout antichrétiennes. Votre gendre est déjà bien com- promis, et il tente en ce moment de nous voler votre fille. Que deviendrait la maison Lebonnard, lancée dans cette voie et guidée par ces princi- pes ? Je vous aime trop, j'ai trop d'intérêt de tous les genres, qui m'attachent à vous et à votre prospérité, pour voir de sang-froid se perdre ainsi deux, insensés; fiez-vous à moi, pour mener à bien cette campagne, qui, je l'espère, deviendra une véritable conversion. Alors, vous allez en causer avec Jacques? De ce pas. C'est que j'avais promis à Louise de ne dire à personne. .. Rapportez-vous en de grâce à ma prudence. Et l' homme de Dieu ' s'éloigna, ruminant déjà de quelle façon il attaquerait son adversaire sur ce terrain brûlant. L'occasion l'aida. Jacques rentrait justement au logis tenant à la main un numéro d'un journal républicain du matin. Cachez, cachez donc cet affreux journal, s'écria le prêtre, en souriant de son air le plus paterne. Comment, affreux! riposta Jacques, mais je vous assure qu'il est très bien informé et très in- téressant. ^ Laissez donc! une feuille de Rigaud. Je suis sûr qu'ils sont tous Francs-Maçons là-dedans. Jacques pâlit légèrement. Il ne voulait pas en- gager de discussions sur ce point, mais il n'en- tendait ni mentir à ses convictions ni rien dire qui ne fut la vérité. _— On peut, monsieur l'abbé, soyez en persua- dé, être Franc-Maçon et le plus honnête homme du monde. Je le nie, s'écria l'abbé. On ne se cache que pour accomplir des œuvres de ténèbres qui redou- tent la lumière. Je vous demande pardon. On peut se cacher pour accomplir d'excellentes choses, quand ces excellentes choses vont à l'encontre des abus pro- tégés par ceux qui détiennent le pouvoir légal ou le pouvoir occulte. >- Vous défendez bien fort ces gens-là. Je les défends parce que vous me semblez les accabler sans les connaître. Ce sont les pires ennemis de la religion. Pardon, ce sont les pires ennemis de l'into- lérance religieuse, ce qui est bien différent. Qu'en savez-vous? Eh ! parbleu !.. . Jacques s'arrêta ; il allai,t livrer son secret. Je le sais... Peu vous im- porte comment je le sais. Mais déjà le prêtre avait barre sur lui. Feriez-vous, par hasard, partie de la secte? Cela ne regarderait que moi et ma cons- cience. C'est me dire que vous n'avez pas le courage de votre opinion. Eh bien ! admettons que je sois Franc - Maçon. . . Je ne vous l'ai pas : fait dire, riposta vive- ment l'abbé, mais je le tiens pour dit. (A suivre.^

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Première Année. — !\' 14. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 26 Décembre 1885 au Samedi 2 Janvier 4880

Liberté

égalité

Fraternité

Travail

Soliclsuri-té

JusticeI?a,:ra,isssL:r]L-t le Samedi

Bien penser

Bien dire

Bien faire

Vérité

ï_i \x xn. ière

Humanité

ABONNEMENTSSix mois.. 4 fr. 50 — Un an 6 fr.

Etranger Le port en susRecouvrement par la posle, 50 c. en plus.

Adresser les demandes et émois de lords an TrcseriiT-Admiuisliatsur. Balle, rue Ferrautièn, 52

RÉDACTION & ADMINISTRATIONAdresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52

-—3 L-^roisr î——

PARIS — Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PKEUNET, 9, rue du Croissant— PARIS

ANNONCESLes Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNIER & Gie

14, rue Confort, 14et sua. Bureau du Journal

Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus

AVI8

Le Franc-Maçon est mis en vente à :

PARISAgence de librairie PÉRINET, 9 , rue du Crois-

sant. Les abonnements sont reçus à la même

adresse.MONTPELLIER

Société anonyme du Petit Méridional, 5, rueLeenhardl, où doivent être adressées les de-mandes de dépôts dans les diverses villes desdépartements du Gard, de l'Hérault et dépar-

tements limitrophes.

SEDAN

Papeterie-librairie, Carlier aine, 1, Grande-

Rue.BORDEAUX

Chez M. Graby, marchand de journaux.

ALGERLibrairie Pioget, Place Sous-la-Règence.

Librairie Mouranchon.

ORAN

Librairie Calia, rue Fond-Ouck.

MARSEILLEAgence de librairie Blanchard, dépositaire

et marchand de journaux.

Noire journal est également mis en vente dans lesbibliothèques des principales gares.

SOIMZIM: -A-IKEI

A la Chambre. — Esprit des Morts et des Vivants.— La

Société maçonnique. — Le vrai culte national. — Deux

mots de réponse. — Lettre de Yizille. — L'Ouvrière. —

Les dangers de la confession. — Les taxes de la Chan-

cellerie. — Les canonisations et Jeanne d'Arc. — Laïcité.

De l'Indifférence {suite). — Chronique maçonnique. —

Revue des Théâtres.

Feuilleton : Le Mariage d'un Franc-Maçon — Petits

Dialogues philosophiques.

r —--n,' ' "'T—mtJŒjjuljâLigg^

A LA CHAUBBEr Nous ne voulons pas voir les bancs où

des députés de l' extrême-gauche serrent lesmains des députés de la ligue conservatrice.

Laissons ces intrigues parlementaires ; là,les plus dévoués dans la lutte du 18 octobrese montrent oublieux de l'union quipermit de vaincre la coalition réaction-naire- et acceptent au Parlement des al-liances qu'ils ne pourraient hautementavouer devant leurs électeurs.

C'est à la tribune qu'il faut porter sesregards. Un député de la droite défend lapolitique coloniale ; il est interrompu surtous les rangs des élus de la ligue cléricale.En effet, il ne s'est pas souvenu de son ori-gine politique, il ne parle plus en députéd'un parti, il prêche, en évêque, pour lapropagation de la foi.

Il expose les idées de colonisation, moinspour la grandeur du pays dont il est le re-présentant, que pour l'extension de la reli-gion apostolique et romaine, dont il est leprélat; il montre les avantages de la puis-sance coloniale, et il pense au développe-ment, dans des pays neufs, de la légendecatholique qui disparaît sur le continent.

La droite, qui n'a « fait » de la religionque dans un but politique, veut renverserle gouvernement sans se soucier des con-vertis annamites et tonkinois de M. Frep-pel. Or, l'évêque n'entendpaslaisserprimerla politique sur la religion lorsqu'il s'agitde perdre un pays bien préparé par sesmissionnaires ; il tient avant tout aux con-trées voisines de l'immense empire, si malconnu, alors, qu'on put faire d'admirablesquêtes pour racheter des petits Chinois quine furent jamais à vendre.

Quel enseignement pour les électeurs !Les députés pieux que ces électeurs de

bonne foi et d'entière crédulité, recevantleurs inspirations à confesse, par eux-mê-mes ou par l'intermédiaire de leurs dévotesépouses, ont nommé pour sauver la vraiereligion, invectivent un évêque ! Un digni-taire de l'Eglise, dans sa robe sainte, auxliserés de voyante couleur, est conspué parceux mêmes qu'il peut bénir ou maudire,envoyer en enfer ou mener au paradis. Undes organes autorisés de l'Eglise immuable,un porte-voix du Pape infaillible combatpour ses ouaîITes annamites et tonkinoises,il supplie en faveur de ses missionnaires

intrépides, il montre le martyre de cesapôtres, le massacre inévitable de ces infi-dèles d'autrefois, aujourd'hui enfants del'Eglise, éclairés parla fou II dit qu'ils sont500,000 chrétiens.... La droite, qui a pro-mis de défendre la religion catholique con-tre les républicains libres-penseurs, cetteligue cléricale sortie de la propagande descurés/ des conseils du confessionnal, detous ces tripotages religieux que nous ontdévoilés les enquêtes sur les élections, ladroite enfin jette par dessus bord l'évêque,les missionnaires et les chrétiens de l'An-nam et du Tonkin. Qu'importe le catholi-cisme au delà des mers, quand il s'agit d'unbeau coup parlementaire. Certes, la reli-gion, en temps d'élections, on aime à enparler ; mais après. . . l'évêque Freppel vientla rappeler fort mal à propos.

Voilà un curieux et instructif spectacle :il peut offrir un suj et de méditations sérieusesauxpersonnes vraiment convaincues. Leurpiété, qui les aura poussées à soutenir deleur mieux les députés bien pensants, devrasouffrir de voir ces élus si ardemment dé-fendus, injurier un évêque parlant pour lespopulations converties, les missionnaireset la propagation de la foi. Ne pourraient-elles en tirer cette conclusion, que, con-naissant assez mal leur propre culte, etpas du tout les questions politiques, ellesauraient été plus sages d'étudier leurs li-vres saints que de se mêler d'élections.

ESPRIT. DES MORTS ET DES YIÏANTS

S'appliquer à valoir mieux que ses ennemis, c'est com-mencer à les détruire. PRÉVOST-PARADOL.

L'Univers préconise systématiquement l'ignorance. Hierencore, il protestait contre les progrès de la raison hu-maine. Il prend à la lettre le texte Beati pauperes spirilu(bienheureux les pauvres d'esprit), et il a naguère crié detoutes ses forces : « Abêtissez-vous ! » Il faut bien qu'ilprêche d'exemple. E. DK LA BÉDOLIÈRE.

Taudis que nos missionnaires se font martyriser enCochinchine, ceux do l'Angleterre vendent des "bibles etautres articles do commerce. PROUDHON.

Par quel miracle rencontre-t-on aujourd'hui tant d'incré-dules zélés pour la conversion du prochain ?

PRÉVOST-PARADOL.

La plupart des papes aiment mieux faire des bien-heureux que des heureux. PASQUIN.

Un homme religieux traite avec la divinité commeavec un ami ; le superstitieux comme un esclave avec sondespote. LAROCHEFOUCAULD.

Le catholicisme est une forme religieuse, et tonte formese modifie. L. JOURDAIN.

* •Le sentiment religieux est incompatible avec l'enfer

éternel. Cl. FAUVETY.

Les femmes nous gouvernent, tâchons de lés rendre par-faites. SHERIDAN.

:

Ll 8Ntt 11(111D'aucuns pensaient que la Société maçonnique,

léguant à la démocratie française la République,était décédée ab intestat, son rôle fini, et qu'ilconvenait de lui faire des funérailles décentes.

D'autres docteurs consentaient bien à prolon-ger son existence jusqu'à la fin de la lutte ; clé-ricale, mais ils pensaient , comme leurs confrères,que son rôle politique et social était fini, etqu'elle n'avait plus raison d'être.

Nous n'avons pas accepté ce dédaigneux sur-.sis ; l'action de la Société maçonnique n'est pasbornée dans le temps ni dans l'espace, et c'esttout d'abord ce que nous nous sommes efforcésde prouver en théorie. Il s'est trouvé que nous,avions plus raison que nous ne pensions, ou plu-tôt que notre avis était celui de bien des gensd'expérience et de sagesse. Il suffisait de le for-muler pour les rallier. Ce qui s'est fait, et celanous a donné du courage.

Les grandes lignes du programme maçonniqueétant tracées, il fallait passer aux moyens d'ac-tion pratiques que nous devions mettre en œuvre,sous peine d'un avortement stérile. Voici fran-chement notre pensée : le premier soin de laMaçonnerie a été d'affranchir les opinions, lesidées humaines, de la tutelle, des carcans et desin-pace d'une oppression imbécile. Elle a parléau nom de la raison, et l'on a vu les trônes tré-bucher sur les inquisitions et tous ensemble,comme des capucins de cartes, tomber dans leurspropres traquenards. L'humanité, en enfantementdepuis dix-huit siècles, a brusquement accouchédu génie qu'elle portait en ses flancs, et qui,libre d'entraves, s'est librement ébattu à traversle monde. Ça été vertigineux : le xix° siècle est

Feuilleton du " FRANC-MAÇON " (13)

LE MARIAGED'UN FRANC-MAÇON

(Suite)

Louise avait promis de tout son cœur à Jacquesqu'elle garderait le plus profond secret sur leurpetite escapade maçonnique. En le lui demandant,son mari savait bien quelles seraient les suitesd'une indiscrétion. Et cependant, il ne se doutaitmême pas de l'orage épouvantable qu'il amassaitsur sa tête. Une mère et une fille ne sortent passeules ensemble, pendant de longues heures, sansse faire leurs plus intimes confidences, surtoutquand ces confidences prennent l'attrait d'unemystérieuse aventure.

Louise, après de nombreuses réticences, finitpar raconter à sa mère la séance de la Loge à la-quelle elle avait assisté, et pendant que la bonnedame se confondait en exclamations indignées,elle lui fit jurer à son tour de ne raconter cette

histoire à personne. Mme Lebonnard jura toutce que voulut sa fille, et quelques heures plustard, l'abbé Robert recevait à son tour la grandeconfidence — toujours sous le sceau du secret leplus absolu. L'abbé fit un bond.

— Jacques est un franc-maçon !— Dame, il lui serait difficile de le nier.— Ce scandale ne peut durer, il faut absolu-

ment y mettre ordre et tout de suite.— Gomment cela ?— Je le verrai, je lui parlerai, j'userai de mon

influence ; si je ne suis pas assez puissant, Louise,je l'espère, sera plus persuasive. Nous emploie-rons la douceur, nous emploierons la rigueur,mais il faut que Jacques rompe avec cette épou-vantable institution .

— Elle est donc bien satanique?— Satanique, vous avez dit le mot propre.

Vous voyez , ma chère madame Lebonnardqu'il y a déjà conduit votre enfant. Bientôt, il ac-complirait sur elle aussi l'œuvre intellectuelle, quidepuis longtemps l'a lui-même transformé. Danscette secte, on perd la notion du respect, on perdla notion de la crainte, l'esprit devient audacieuxet téméraire, on s'y imprègne de libre-pensée,de libéralisme, de cette philanthropie utopique quiconduit aux pires doctrines antisociales et surtoutantichrétiennes. Votre gendre est déjà bien com-promis, et il tente en ce moment de nous volervotre fille. Que deviendrait la maison Lebonnard,lancée dans cette voie et guidée par ces princi-pes ? Je vous aime trop, j'ai trop d'intérêt de tousles genres, qui m'attachent à vous et à votre

prospérité, pour voir de sang-froid se perdreainsi deux, insensés; fiez-vous à moi, pour menerà bien cette campagne, qui, je l'espère, deviendraune véritable conversion.

— Alors, vous allez en causer avec Jacques?

— De ce pas.

— C'est que j'avais promis à Louise de ne direà personne. . .

— Rapportez-vous en de grâce à ma prudence.

Et l'homme de Dieu ' s'éloigna, ruminant déjàde quelle façon il attaquerait son adversaire surce terrain brûlant.

L'occasion l'aida. Jacques rentrait justementau logis tenant à la main un numéro d'un journalrépublicain du matin.

— Cachez, cachez donc cet affreux journal,s'écria le prêtre, en souriant de son air le pluspaterne.

— Comment, affreux! riposta Jacques, mais jevous assure qu'il est très bien informé et très in-téressant.

^ — Laissez donc! une feuille de Rigaud. Je suissûr qu'ils sont tous Francs-Maçons là-dedans.

Jacques pâlit légèrement. Il ne voulait pas en-gager de discussions sur ce point, mais il n'en-tendait ni mentir à ses convictions ni rien dire quine fut la vérité.

_— On peut, monsieur l'abbé, soyez en persua-dé, être Franc-Maçon et le plus honnête hommedu monde.

— Je le nie, s'écria l'abbé. On ne se cache que

pour accomplir des œuvres de ténèbres qui redou-tent la lumière.

— Je vous demande pardon. On peut se cacherpour accomplir d'excellentes choses, quand cesexcellentes choses vont à l'encontre des abus pro-tégés par ceux qui détiennent le pouvoir légal oule pouvoir occulte.

—>- Vous défendez bien fort ces gens-là.

— Je les défends parce que vous me semblez lesaccabler sans les connaître.

— Ce sont les pires ennemis de la religion.

— Pardon, ce sont les pires ennemis de l'into-lérance religieuse, ce qui est bien différent.

— Qu'en savez-vous?

— Eh ! parbleu !.. . Jacques s'arrêta ; il allai,tlivrer son secret. Je le sais... Peu vous im-porte comment je le sais.

Mais déjà le prêtre avait barre sur lui.

— Feriez-vous, par hasard, partie de la secte?

— Cela ne regarderait que moi et ma cons-cience.

— C'est me dire que vous n'avez pas le couragede votre opinion.

— Eh bien ! admettons que je sois Franc -Maçon. . .

— Je ne vous l'ai pas : fait dire, riposta vive-ment l'abbé, mais je le tiens pour dit.

(A suivre.^

LE FRANC-MAÇON

une épopée, d'autant plus belle qu'elle a été géné-rale et qu'elle s'est faite seule. Nous ne pensonspas, en effet, que cette fois, on aille bêtement luiaccoler le nom d'un roi. Ce bouleversement desanciennes conditions normales de la vie n'a paspris plus d'un âge d'homme et beaucoup ont faitce rêve de naître dans une époque presque bar-bare et de mourir dans la pleine floraison, dansl'entier épanouissement d'une merveilleuse civili-

sation.Mais on a été si vite, qu'on a oublié le point

de départ et le but final. Les idées délivrées sesont dispersées dans toutes les directions; ilimporte de les réunir, de les grouper, de lesconcentrer dans une discipline librement acceptée,

dans une règle librement voulue. Toute Egliseest trop exclusive, elle devrait trop penser auciel, à notre avis, pour s'occuper assez des inté-rêts de la terre, et mise à l'épreuve assez long-temps, elle a montré ses résultats. On n'en veutplus. Qui donc pourra grouper sous son drapeau,toutes les bonnes énergies, tous les féconds dé-

vouements ?La Maçonnerie, qui accepte les hommes de

toutes les opinions, qui ne leur impose qu unmot d'ordre, celui de travailler en commun, pourle progrès est toute désignée. Mais il est néces-saire qu'elle semontre capable de gérer l'héritagequi lui déchoit avec toutes ses responsabilités.

Est-elle suffisamment organisée pour agir àl'extérieur ? Nous ne le pensons pas ; niais nousnous hâtons de reconnaître que depuis quelquesannées, sous l'impulsion d'hommes vraiment su-périeurs, beaucoup s'est fait dans ce sens, et queles Loges maçonniques sont mûres à la nouvelleet nécessaire évolution de l'ordre. Les deuxgrands Congrès qui se sont tenus presque simul-tanément, à une date récente, à l'Ouest et àl'Est, et où toutes les Loges de ces diverses régionsse sont réunies, dans une entente commune, pourétudier de concert toutes les questions difficiles,nous en est une preuve irrécusable. L'accueil faità notre journal, les encouragements prodiguésaux Sociétés de conférences, les tentatives degroupement de maçons, en dehors des Loges, enréunions politiques, en société amicales^ nous enfourniraient d'autres, s'il était besoin. L'élan estdonné de partout ; spontané, par là plus^ remar-quable ; et après un court arrêt, la Société ma-çonnique s'ébranle de nouveau à la conquête hu-

manitaire.Pour notre part , quoique jeune en maçonne-

rie, nous n'avons cessé d'applaudir à cet admi-rable mouvement, à nous associer à l'effort com-mun, et à y participer dans la mesure de nosmoyens. C'est dire que nous en sommes absolu-ment partisan et .que nous l'approuvons pleine-ment — mais ie succès est si grand, si inattenduqu'il nous fait peur. Nous en concevons de légi-times appréhensions et nous nous demandons sirien n'a été laissé au hasard, si nul détail d'or-ganisation n'a été oublié. Rien n'est plus facile àsurprendre qu'une armée en marche, — et lesennemis de la société maçonnique sont assez nom-breux et assez vigilants pour ne point laisser

perdre l'occasion.Pour agir efficacement, il nous faut nous

appuyer encore davantage sur les ouvriers, cetteforce vive de toute démocratie et favoriser da-vantage encore le recrutement de l'élément jeuneet libéral, de cette jeunesse instruite et intelli-gente que l'Etat élève dans ses écoles et quipeut-être pour lui ou le pire ennemi ou le plusprécieux auxiliaire. Nos deux articles sur '«l'Ou-vrière » et les étudiants répondaient à cette doublepréoccupation.

Il nous reste à voir maintenant si, au sein mêmede nos loges, il n'est pas de dispositions utiles àprendre, s'il ne s'y produit pas de réclamationsauxquelles il faut faire droit, car elles sont l'in-dice d'une grave situation.

On vante souvent la solidarité maçonnique etc'est un grand argument de nos adversaires deprésenter toutes nos actions, toutes nos démarchescomme empreintes d'une camaraderie suspecte.Nous savons au fond ce qu'en vaut l'aune, et qu'àce sujet le parti clérical pourrait nous fournird'utiles enseignements et de précieux exemples .Il serait même fâcheux d'aller aussi loin que lui,et sous prétexte d'amitié, d'offrir à de francsgredins comme il le fait trop souvent le moyende se jouer impunément des recherches de lajustice.

Sans arriver à cette blâmable extrémité, laMaçonnerie pourrait faire pour ses membres plusqu'elle ne fait, venir en aide d'une façon plusétroite à ceux qui sont dans le besoin et en par-ticulier fournir aux vieux maçons, lorsqu'ils sontdevenus incapables 4e se suffire à eux-mêmes,la récompense méritée de leur long travail et deleur long dévouement.

Je sais bien qu'en cas de nécessité, la loge àlaquelle appartient ce membre malheureux, faitun appel de fonds qu'elle s'adresse même auxautres loges, et que, celles-ci, dans un louableesprit de charité maçonnique s'efforcent de luivenir en aide dans la mesure de leurs moyens .Mais ces moyens sont malheureusement fort res-treints, des demandes réitérées les épuisent en peu

de temps.Il faudrait que le Maçon qui travaille active-

ment pour la société maçonnique fut au moinsassuré d'une vieillesse tranquille et que cettetranquille vieillesse, il puisse la réclamer noncomme une aumône, mais comme un droit.

Il suffit de présenter cette hypothèse pour quela pensée de la création d'une Caisse de Retraitemaçonnique vienne immédiatement à l'esprit.

(.A suivre)

Ll MAI GDLTI I1T1IIALNous ne voulons pas laisser passer, sans en

parler, l'inauguration du monument qui rappellele courageux dévouement des légions du Rhône ;nous ne pourrions mieux dire que M. Adrien Du-vand qui adresse au Réveil de l'Ainla. lettre sui-vante :

Nous prenons à la conclusion de cette lettre, letitre de notre article.

Dimanche, on inaugurait, à Nuits, le monument destiné

à perpétuer le souvenir de l'héroïque résistance des légions

lyonnaises, dans la terrible journée du 18 décembre 1871.

Un gai soleil, brillant comme en un j#ur d'été, dorait ces

coteaux de Bourgogne où, il y a quinze années, presque à

pareil jour — un dimanche aussi — quelques milliers de

Français, rougissant la terre de leur sang, disputaient à

trente mille Allemands ce coin du sol sacré de la patrie.

Au lieu de cette mêlée sinistre, dans le décor d'un paysage

glacé par un implacable hiver, sous la morsure d'un froid

pareil à celui de la retraite de Russie, nous avions hier le

spectacle d'un jour de fête : une foule émue, mais sou-

riante, malgré les larmes du souvenir ; des visages con-

fiants ; un rayon d'espoir dans tous les yeux. Jamais

apothéose funèbre ne ressembla plus à une renaissance.

Jamais l'éternelle jeunesse, la glorieuse fécondité de cette

généreuse terre de Gaule n'apparut plus éclatante !

Autour de nous, les jeunes de la génération nouvelle ;

ceux qui ont gardé dans leurs prunelles d'enfants la vision

de ces jours maudits de la défaite ; ceux qui voient passer,

comme dans *un mauvais rêve, le souvenir de ces lon-

gues files de capotes noires surmontées d'un casque, éten-

dant sur le linceul des neiges leurs sombres silhouettes.

Ils sont là, pleins d'ardeur et d'espérance, côtoyant leurs

camarades de la jeune armée, vibrant aux patriotiques

paroles qu'ils entendent, couvrant de leurs acclamations

enthousiastes ces mots superbes de France, de Patrie, de

République, qui traversent, comme des éclairs, la phra-

séologie, parfois un peu banale, des harangues officielles.

Ils sont là, les petits, les vieillards, les femmes, ceux

d'hier et ceux de demain, tendant leurs mains, comme

pour un solennel serment, vers ce drapeau de la Patrie,

qu'un survivant de la journée du 18 décembre déploie fiè-

rement sur le socle de la pyramide triomphale !

Comment douter de l'avenir devant ce fortifiant specta-

cle? Et, comme ils devaient, hier, tressaillir de joie dans

leurs tombes, les morts glorieux qui donnèrent leur vie

pour la patrie, en la voyant si vivante, si confiante et si

forte !

Ce sont des journées consolantes que celles-ci, des heures

de trêve entre les partis où tous oublient les querelles de

la veille, les rancunes et les colères pour se jeter dans les

bras de la Patrie, comme deux frères ennemis qu'une mère

réconcilie un instant, en les pressant sur son sein. Hélas !

elles sont fugitives et trop courtes, ces heures! Demain, il

faudra reprendre nos discordes et nos haines, nous retrou-

ver divisés en deux camps. Mais, au moins, nous avons la

rassurante certitude que le péril national referait immédia-

tement cette union et qu'il suffirait du danger de la Patrie

pour que nous n'ayions tous « qu'un cœur et qu'une âme »,

suivant la belle expression d'un orateur d'hier.

Les journées, comme celle-ci, n'auraient-elles que ce ré-

sultat, qu'il faudrait s'en réjouir. Mais elles ont une portée

plus haute. Elles sont un hommage rendu à ces héros qui,

pour employer la magnifique image du poète, « de leur

sang nous ont fait la patrie », et elles constituent les céré-

monies du vrai culte qui peut tous nous unir : du culte na-

tional, la religion qui survit à toutes les autres dans notre

siècle où, chaque jour, la science diminue le domaine de

la foi.

DEUX MOTS DE RÉPONSENous reproduisons intégralement ci dessous une

lettre que nous recevions, il y a quelques jours, et à

laquelle le défaut d'espace ne nous a pas permis de

répondre plus tôt.

Monsieur le Rédacteur en chef du Franc-Maçon.

Je lis, à titre de curiosité, la feuille que vous rédigez, etparmi différents sujets que vous traitez dans le n° 11,je serais heureux que vous voulussiez bien me donner,sur deux d'entre eux. une petite explication.

I. Dans votre article : La femme et l'Eglise catholique,vous dites § 3 in fine : « les docteurs catholiques ne sont-ils pas allés jusqu'à discuter dans un concile si la femmeavait une âme ...»

J'ai déjà lu dans beaucoup de livres cette assertion,mais je n'ai pu encore trouver la source vraie, c'est-à-direquel est le concile (lieu, date) où la question se seraittraitée. Si vous me l'indiquiez,vous seriez bien aimable.

II. Vous avez ensuite un article sur la confession auri-culaire ; après avoir procédé avec M. des Piliers à unéreintement en règle de cette pratique, vous émettez desvues que je n'ai pas à discuter, mais qui me semblent assezhasardées.

Pourriez-vous me dire : 1° s'il est vrai que M. de Pres-sensé, pasteur protestant, écrivain éminent, dont je lis avecplaisir les articles dans «les Débats, » pourriez-vous medire,dis-je, s'il est vrai que dans un synode qui se tient ence moment dans le Midi, M. de Pressensé ait proposé l'é-tablissement de la confession auriculaire dans le calvi-nisme? 2° en cas d'affirmative, pourriez-vous médire quelsmobiles peuvent déterminer un libéral comme M. de'Pressensé à agir ainsi?

Un petit mot de réponse dans votre petite correspon-dance, me donnant :

1* La date du concile en question ;2° L'indication succincte des motifs qui ont pu détermi-

ner M. de Pressensé.Ma situation ne me permet pas de me faire connaître,

et j'espère que en galant homme, vous voudrez bien ne pastrouver mauvaise ma réserve.

C'est pour mon instruction que je vous pose ces questions.Je les pose à quelqu'un dont je ne partage absolumentpas les opinions, précisément parce que les réponses aurontune valeur spéciale.

Recevez, M. le Rédacteur, l'assurance de ma parfaiteconsidération.

Un des vos lecteurs bénévoles.K.

N. B. — Permettez-moi de vous assurer que, si je suisennemi delà Franc-Maçonnerie, je n'englobe pas ses adep-tes dans la haine que j'ai contre les doctrines maçonniques.Je fais une distinction qui devrait toujours exister dansles discussions. On éviterait ainsi bien des choses désa-gréables.

Nous nous sommes, dès la réception de cette lettre,mis en mesure de fournir à notre mystérieux et bien-veillant correspondant les renseignements qu'il de-mandait « pour s'instruire, » si gracieusement, à

notre obligeance.Nous avons donc recherché la date du concile, le

lieu où il s'était tenu, et, faut-il le dire, nous ensommes à regretter le temps passé à cette recherche,notre poseur gde questions, connaissant sans doutecelle-ci mieux que nous. C'est en effet une croyanceaccréditée dans le public, qu'un concile s'est deman-

dé si la femme avait une âme.Notre collaborateur avait, de bonne foi, et sans y

voir malice, reproduit cette assertion dans son articlesur la Femme et l'Eglise, notre correspondant ano-nyme ne l'a pas laissée passer, et c'était son droit.

Nous avouerons donc hautement, renseignementspris, que la question posée au concile de Mâcon, en585, n'était pas de savoir « si la femme avait uneâme » mais bien si le mot « hommes » les hommes,employé dansl'Ecriture comprenait aussi les femmes:Nous avouerons qu'on s'est demandé depuis long-temps quelle était l'intention de l'Evêque qui a sou-levé ce débat ; que de nombreuses controverses onteu lieu à c > sujet, sur lequel H. Martin et Gorini,Vacherot et le P. Gratry ont longtemps et vainement

discuté.Notre correspondant, ferré, on le voit sur. la ques-

tion, n'avait pas d'autre intention que de nous em-barrasser, nous nous en tirerons par la franchise.

Mais, étant absolument sans rancune, nous nousferons encore un plaisir de le soulager d'une angoisse.

Au sujet d& l'introduction de la confession auricu-laire, dans le calvinisme, M. de Pressensé, ami d'unde nos amis, a répondu lui-même à la question : quece canard était un des plus stupides qui aient jamaispris leur vol, et que plus que jamais le protestan-tisme était ennemi des tendances rétrogrades quisont dans l'esprit de l'Eglise catholique.

L'avis contraire de M. de Pressensé ne nous eûtpas liés.

Nous sommes heureux d'avoir à constater par nous-mêmes un libéralisme dont notre correspondant nedoute pas.

LETTRE DE VIZILLE

Vizille, le 18 décembre 1885.

Nous recevons la lettre suivante :

Monsieur le Rédacteur en chef,Dans un récent sermon, M. l'abbé J.., s'est livré

à des attaques furibondes contre une société secrète,dont il se garda bien de donner le nom. Il est facilede comprendre qu'il s'agit de la Franc-Maçonnerie.Il a insisté d'abord sur les progrès rapides que cetteassociation maudite fait dans la société moderne ;elle en est, parait-il, la gangrène.

Ce nouveau Fava, n'a pas arrêté l'a ses diatribes ;il arrive à démontrer que les Francs-Maçons, qu'ilredoute tant, sont la cause de tous les maux: choléra,phylloxéra, guerre, etc.. En effet, dit-il, d'aprèsl'Evangile (de St-Mathieu, je crois), la fin du mondeserait précédée d'une série de catastrophes, qui bou-leverseraient la terre : choléra, peste, tremblementsde terre, bruit de guerre, etc. . Tous ces symptômes,nous les avons depuis quelques années, donc, la findu siècle est proche. De plus, tous ces fléaux qui sévi-ront sur la terre, seront l'œuvre de l'antechrist, sortede génie du mal, qui paraîtra sur la terre pour tenterun dernier effort de séduction sur les hommes pourles entraîner dans le péché. Or, l'Ecriture sainte, ditce saint homme, n'a pas dit sous qu'elle forme paraî-trait l'antech)ist ; sa conviction intime est, que cemauvais esprit n'est autre que cette société excom -muniée.

Ce savant raisonnement de M. l'abbé J... pourraitêtre facilement combattu ; les arguments ne man-queraient pas. Pour moi, j'en tire une seule conclu-sion, c'est la suivante : « Attribuer aux quelquesFrancs-Maçons et libres-penseurs répartis dans lemonde entier, tous les malheurs qui sévissent surl'humanité, c'est nier l'existence même d'un ©ieu demiséricorde, de pitié et de justice et partant, voustous, gens d'Eglise qui vous dites représentants,, vousêtes parfaitement inutiles. »

Veuillez, etc.

L'OUVRIÈRE

Audaces for tuna juvat. Nous avons timidementexposé l'idée de « l'Ouvrière. » Elle était engerme dans bien des esprits. Beaucoup d'hommesde bonne volonté sont venus à nous, et l'accords'est fait.

Cela ne veut pas dire que l'Ouvrière soit for-mée; c'est au moins dire qu'elle est en bonnevoie. Son sort définitif est dans les mains de noslecteurs. C'est à eux de prononcer et de ratifierou d'annuler la décision des premiers juges.

On nous a demandé une amélioration à cettesociété théorique. Un architecte ne refuse jamaisun étage de plus, quand la maison est encore surle papier ; nous avons volontiers souscrit à cetétage de plus.

Il nous a été observé qu'une des principalesutilités de l'Ouvrière pourrait être principale-ment d'attirer à nous les jeunes gens qui sortentde l'école, ne savent où aller, et d'enlever ainsiaux cercles catholiques une bonne partie de leurjeune clientèle pour en faire une des principalesforces du parti républicain.

On nous citait des cas touchants : des enfants,élevés à l'école laïque et que les parents, au sor-tir de l'école, envoyaient aux cercles catholiques,aimant mieux les sentir là, après tout, qu'en train

de fréquenter les mauvais garnements dans une '*liberté corruptive. L'enfant lui-même y prenaitgoût ; on le choyé, on l'amuse, on le nourrit, mê-me on l'abreuve, et on le beree d'illusions. Lecercle a de bons protecteurs; s'il se conduit bienles protecteurs du cercle le protégeront à sontour; on le placera en apprentissage, on lui trou-vera de bonnes places, et s'il a besoin d'un coupde main, dans un moment, on ne sait pas, ehbien, aux cercles, il se sera fait assez d'amis, etassez puissants, pour être assuré quececoupdemain, on le lui donnera à l'occasion.

Le souci enfui, le présent riant, l'avenir tran-quille, qui résisterait à de pareilles tentations?Et d'ailleurs, cela coûte si peu ; à l'âge où on lesprend, ces enfants, ils n'ont que les idées qu'onveut bien leur donner, et ils les prennent de trèsbonne foi.

Et c'est ainsi que silencieusement se formecette armée des « chers camarades » que nousavons vue à Lyon , des ouvriers signant des affichesen faveur des candidats réactionnaires en exhortantles autres ouvriers, « leurs chers camarades » , àvoter de même. Tentative risible, car elle étaitprématurée. Les chers camarades n'étaient en-core qu'une avant-garde, leur armée a des cadresmais pas de troupes. En sera-t-il longtemps ainsi?Tous les jours, les cercles catholiques lui fournis-sent de nouvelles recrues et dévouées. Qui ne voitle danger ou le nie ?

L'idée étant des meilleures, nous l'adoptonsdonc avec empressement, pour la joindre au projetprimitif.il s'agit tout d'abord de savoir si ce projettrouvera assez d'adhérents pour qu'il soit utile detravailler à sa réalisation, et si les premiers inté-ressés, les ouvriers, s'y intéresseroHt vraiment.

Nous avons déjà reçu quelques adhésions. Nousprions tous ceux que la fondation de l'Ouvrièrepeut véritablement tenter, de vouloir bien nousadresser de même leurs adhésions et, sifaire se peut,de nous adresser celles de leurs amis.

Dès qu'un certain chiffre d'adhérents aura étéatteint, nous convoquerons une réunion provisoiredans laquelle seront examinés et débattus les sta-tuts de la société à fonder.

La parole est aux lecteurs.

LES DANGERS DE LA COKFESSIÛI

Quelle vie, quelle condition que celle de nos prêtres !

On leur défend l'amour, et le mariage surtout : on leur

livre les femmes. Ils n'en peuvent avoir une, et vivent avec

toutes familièrement : c'est peu; mais dans la confidence,

l'intimité, le secret de leurs actions cachées, de toutes leurs

pensées. L'innocente fillette, sous l'aile de sa mère, entend

leprêtre d'abord, qui, bientôt l'appelant, l'entretient seule à

seule; qui, lé premier, avant qu'elle puisse faillir, lui

nomme le péché. Instruite, il la marie; mariée, la confesse

encore et la gouverne. Dans ses affections, il précède l'é-

poux et s'y maintient toujours. Ce qu'elle n'oserai! confier

à sa mère, avouer à son mari, lui, prêtre, le doit savoir,

le sait, et ne sera point son amant. En effet, le moyen?

N'est-il pas tonsuré ? Il s'entend déclarer à l'oreille, tout

bas, par une jeune femme, ses fautes, ses passions, ses

désirs, ses faiblesses, recueille ses soupirs sans se sentir,et il a vingt-cinq ans ?

Confesser une femme ! imaginez ce que c'est. Tout au

fond de l'église, une espèce d'armoire, de guérite, est

dressée contre le mur exprès, où ce prêtre, non Mingroz,

mais quelque homme dé bien, je le veux, sage, pieux,

comme j'en ai connu, homme pourtant encore jeune (ils le

sont presque tous), attend le soir, après vêpres, sa jeune

pénitente, qu'il aime, elle le sait : l'amour ne se cache point

à la personne aimée. Vous m'arrêterez là : son caractère de

prêtre, son éducation, son vœu.... Je vous réponds qu'il

n'y a vœu qui tienne ; que tout curé de village, sortant du

séminaire, sain, robuste et dispos, aime sans aucun doute

une de ses paroissiennes. Cela ne peut être autrement, et

si vous contestez, je vous dirai bien plus : c'est qu'il les

aime toutes, celles du moins de son âge; mais il en préfère

une, qui lui semble, sinon plus belle que les autres, plus

noble et plus sage, et qu'il épouserait; il en ferait une

femme vertueuse, pieuse, n'était le pape. Il la voit chaque

jour, la rencontre à l'église ou ailleurs, et devant elle as-

sis, aux veillées de l'hiver, il s'abreuve, imprudent, dupoison de ses yeux.

Or, je vous prie, celle-là, lorsqu'il l'entend venir le len-

demain approcher du confessionnal,, qu'il reconnaît ses

pas et qu'il peut dire : c'est elle ! Que se- passe-t-il dans

l'âme du pauvre confesseur? Honnêteté, devoir, sages réso-

lutions, ici servent peu, sans une grâce du ciel toute parti-

culière. Je le suppose un saint; ne pouvant fuir, il gémit

apparemment, soupire, se recommande à Dieu; mais si ce

n'est qu'un homme, il frémit, il désire, et déjà, malgré lui,

sans le savoir peut-être, il espère. Elle arrive, se met à

ses genoux, à genoux devant lui, dont le cœur saute et

palpite. Vous êtes jeune, monsieur, ou vous l'avez été;

que vous semble, entre nous, d'une telle situation ? Seuls la

plupart du temps, et n'ayant pour témoins que ces murs,

que ces voûtes, ils causent; de quoi? hélas ! de tout ce qui

n'est pas innocent. Ils parlent, ou plutôt ils murmurent à

voix basse, et leurs bouches s'approchent, leur souffle se

confond. Cela dure une heure ou plus et se renouvellesouvent.

Ne pensez pas que j'invente, cette scène a lieu telle que

je vous la dépeins, et dans toute la France, chaque jour se

renouvellent par 40,000 jeunes prêtres, avec autant de jeu-

nes filles qu'ils aiment, parce qu'ils sont hommes, confes-

sent de la sorte, entretiennent tête à tête, visitent parcequ'ils sont prêtres

PAUL-LOUIS COURIER.

LE FRANC-MAÇON

LES TAXES DE LA CHANCELLERIE(Suite)

XXVI. — CONFIRMATIONS ET LICENCES

Des particuliers qui voudront se réunir, pour deschosesnon défendues par les constitutions canoniques,pourront le faire librement moyennant la somme de45 livres 19 sous 6 deniers une fois payée.

Les confréries, universités, monastè i es qui voudront

s'établir paieront, pour leur première bulle d mstitu-tion,87 livres 3 sous.

Une alliance perpétuelle entre des princes ou desaeiffneurs, pour des choses permises et des fins Hon-nêtes, sera confirmée par le pape pour la somme de

50 livres.

XXVII. — DÉBITEURS INSOLVABLES

Pour payer ses créanciers à son aise et se mettre àl'abri des poursuites ordinaires, un débiteur insolva-ble versera dans la caisse du pape 31 livres 19 sous.

Un ecclésiastique qui se trouverait insolvable et quine voudrait ni être brusqué par ses créanciers, ni êtrepoursuivi comme banqueroutier, paiera 17 livres18 sous 6 deniers. Et pour être relevé de toute irré-gularité, il paiera également 20 livres 2 sous 6 de-

niers.Nous transposerons un peu les derniers cha-

pitres, afin de joindre à la fin de cetta étude leschapitres traitant de matières diverses.

XXIX. — DE LA CONFESSION

Toute personne qui voudrait avoir, hors de sa pa-roisse, un confesseur à son choix paiera 27 livres1 sou. Si la femme et le mari veulent accorder leurconfiance à ce même confesseur,ils ne paieront ensem-ble que 29 livres 5 sous. Si les enfants ou d'autresparents sont compris dans la demande, la taxe aug-mentera de 4 livres par tête.

Un moine qui demandera la licence de se choisir unconfesseur, avec la permission de son supérieur,paiera 27 livres 1 sou. Et sans la permission de sonsupérieur, 45 livres 19 sous 6 deniers. Un moine quivoudra sortir de son monastère pour se confesserpaiera 0 livres.

XXXI. — DES ABSOLUTIONS

L'absolution générale est taxée à 6 livres 8 sous.L'absolution a'un pécheur, qu'il soit en bonne santé

ou à l'article de la mort, coûte 10 livres.L'absolution pour un souverain qui a fait, avec ses

officiers, le pèi°rinage du Saint Sépulcre sans la per-mission du pape coûte 40 livres.

L'absolution, pour un ecclésiastique qui a commisun homicide, qui a coupé quelque bras ou quelqueiembe , en ra mot, qui a tué ou mutilé, coûte 14 li-vres, si l'on y joint la permission de posséder des bé-néfices. L'absolution itimple de meurtre ou de mu-tilation, sans dispense, ne coûte que 4 livres 8 sous.

Un prêtre qui s'est emuaré de l'argent et des biensd'une église, et qui ne veut pas les restituer quoi-qu'on l'en avertisse, en forme, peut être absous pour2 livres 16 sous.

Quelle morale facile à suivre : pour 2 livres lb

sous, un prêtre peut voler, même l'Eglise, sans

être tenu à restituer.L'absolution d'un confesseur qui révèle les confes-

sions de ses pénitentes et de ses pénitents, est taxéeégalement à 2 livres 16 sous.

L'absolution pour un mari et une femme qui trou-vent leur enfant mort entre eux deux, dans le lit, esttaxée à 2 livres 8 sous par tête.

; - :

Les canonisations et Jeanne d'ArcFeu l'évêque d'Orléans, Mgr Dupanloup, a enfin

obtenu gain de cause. La cour de Rome, cédant à desinstances réilérées, s'est décidée à approuver l'idée

de la canonisation de Jeanne Darc, et ces jours-ci,

à Orléans, commence pour la grande suppliciée un

troisième procès, destiné, celui-là, à aboutira la béa-

tification et à l'apothéose de l'héroïne qui sauva la

France.L'Eglise catholique voit, en effet, tout l'intérêt qu'il

y a pour elle à' accaparer .cette grande figure de mar-

tyre, cette noble victime de la superstition et de l'in-

tolérance, qui s'est attiré?, par ses services et son pa-

tiiotisme, la reconnaissance unanime des Français.

Elle a reconnu .qu'il lui fallait profiter de l'enthou-

siasme que réveille dans les cœurs le souvenir des

hauts faits de l'humble bergère, à l'heure où vibre

surtout chez nous la corde du patriotisme, et raviver

un peu, par une manifestation solennelle, la tiède indifférence des fidèles.

Certes, il y avait urgence. Est-ce que le monde laï-

que n'a pas essayé, en effet, de manifester sa recon-

naissante admiration pour la grande libératrice du sol

national ? Est-ce qu'un hérétique n'a pas osé prendre,

en dehors d'elle, l'initiative d'une immense souscrip-

tion destinée à élever un monument grandiose à celle

qui chassa l'Anglais ? Jeanne Darc était croyante et

catholique sincère; sa vie est entourée d'une certaine

auréole légendaire, sa mémoire est l'objet de la véné-

ration des uns, de l'admiration de tous : c'est une ri-

che proie. Il y avait là une occasion unique de se re-

lever un peu du piteux effet produit par la sotte cano-

nisation du grand saint pouilleux, Benoît Labre.

L'Eglise l'a compris. Aussi continue-telle à s'em-

ployer avec ferveur à faire oublier les injurieuses

attaques d'autrefois, et à couvrir de gloire celle

qu'elle insultait et brûlait jadis.

C'est, en effet, chose curieuse et utile à rappeler

que la conduite du clergé envers Jeanne Darc.

Du vivant de l'héroïne, il a entravé sa mission au-

tant qu'il a pu ; prisonnière, c'est lui qui la juge, la

condamne et la fait mourir; morte, c'est encore lui

qui, sous prétexte de la réhabiliter, charge de légen

des sa mémoire, altère les faits et essaye de donner le

change à l'histoire.

Le procès de condamnation n'est pas, comme quel-

ques écrivains ecclésiastiques l'insinuent, l'œuvre de

quelques juges vendus aux Anglais, c'est l'œuvre de

lout le clergé de France et des, plus fameux théolo-

giens de l'époque. Ceux qui n'y participèrent pas vir-

tuellement furent aussi coupables que les juges,

puisque, pendant les sept longs mois que dura l'ins-

truction, ils ne trouvèrent pas une parole pour pro-

tester. Ce procès, que les écrivains ecclésiastiques

taxent aujourd'hui d'iniquité, rejetant sur l'évêque

de Beauvaiss, qu'ils sacrifient, tout l'odieux de cette

besogne, fut ff.it suivant toutes les règles d'une insti-

tution qui leur est pourtant bien chère, l'inquisition.

C'est l'école du moyen âge, la doctrine d'Innocent III

et de l'Inquisition, qui condamnait Jeanne. M. Qui-

cherat a prouvé que la plus grande régularité des for-

mes fut observée au cours du procès ; que l'accusf e eut

toutes les garanties habituelles à cette odieuse pro-

cédure. Ce procès fut inique, sans doute, mais pas

plus que n'importe quel autre de l'Inquisition.Quant au procès de réhabilitation, que le clergé

conduisit et qu'il voudrait aujourd'hui faire passerpour une expiation sincère, il est certain qu'en l'en-

treprenant il se proposa un triple but : t lo établir

que le procès de condamnation avait été imaginé uni-

quement par haine contre le roi de France, pour dé-

précier son honneur, et faire oublier que la haine

contre le roi avait eu pour auxiliaire la haine contre

l'inspiration divine de Jeanne; en d'autres fermes,

faire ressortir exclusivement le côté anglais et politi-

que de l'affaire et effacer le côté clérical; 2° montrer

que Jeanne Darc avait été soumise en toute chose au

pape et à l'Eglise, afin qu'il n'y eut plus à imputer au

roi d'avoir été conduit au sacre par une hérétique ;

rétablir officiellement la renommée de Jeanne. Quant

aux faits d'Orléans et de Reims, et couvrir d'un voile

épais tout ce qui s'était passé entre le sacre et la ca-

tastrophe de Compiègne, surtout la rupture de Jeanne

avec le roi. » (Henri Martin.)

Ce plan était habile et il a été atteint ; il est évi-

dent que la politique y tient plus de place que la

religion. L'Eglise continue son œuvre aujourd'hui,

et voilà "pourquoi le procès de canonisation déroule

sa première phase, celle des enquêtes diocésaines,

qui précèdent les débats devant les tribunaux supé-

rieurs de l'Église.Car les procédures de ce genre sont longues et

multiples. Les enquêtes de canonisation occupent

souvent plusieurs générations. La canonisation a été

soumise à des mesures préparatoires longuement

énumérées dans un ouvrage in-folio du cardinal

Lambertini, qui fut pape sous le nom de Benoit XIV.

Dès que la réputation de sainteté de quelqu'un est

fortement entrée dans l'esprit du peuple, et qu'on

cite de nombreux miracles dus à son intervention,

l'Eglise procède à l'instruction de la cause. Une triple

enquête est faite dans les diocèses intéressés : elle

porte: 1" Sur la vie du fidèle; 2° sur les miracles

qu'on lui attribue ; 3' sur ses écrits. Elle est ensuite

envoyée à Rome pour être soumise à une congréga-

tion spéciale, sur l'ordre du pape. Le résultat de ce

premier examen donne lieu à ce qu'on appelle la

béatification. Le pape donne, par cet aite, au saint

personnage le titre de bienheureux, sans toutefois le

proposer au culte de l'Eglise universelle, et en res-

treignant à certaines communautés ou catégories de

fidèles le droit de l'honorer comme un saint. La béa-

tification ne peut avoir lieu que cinquante ans après

la mort du bienheureux. Un certain temps s'éconle,

puis la cause est de nouveau soumise à une autre

congrégation, et longuement débattue entre l'avocat

de Dieu, ou défenseur de celui qui est proposé pour

être canonisé, et l'avocat du diable, ou son accusa-

teur.Enfin le tribunal, suffisamment éclairé par ses

débats, rend son jugement, ensuite de quoi le pape

ordonne, s'il y a lieu, l'inscription d'un nouveau nom

dans le canon des Saints reconnus par toute l'Eglise,

et, dès lors, tous les fidèles sont tenus d'honorer ce

nom comme appartenant à un habitant du ciel.

D'abord innombrables et laissées à l'initiative des

fidèles, les canonisations sont aujourd'hui très rares

et constituent un droit exclusif pour le pape. La rai-

son de ce fait est bien simple : à notre époque où la

critique historique et l'esprit d'examen tiennent une

place si importante, il est difficile de mettre à l'actif

du plus recommandable personnage une puissance

surnaturelle se traduisant par des miracles. Or, les

miracles constituent une des conditions indispensa-

bles à l'origine, même encore aujourd'hui, de toute

canonisation. Nous trouvons encore une raison à la

lenteur que met à s'accroître la liste du martyrologe

catholique dans l'affaiblissement, au point de vue du

nombre et de la puissance des divers ordres religieux.

Autrefois, une sorte de rivalité s'élevait entre les

congrégations, chacune voulant compter parmi ses

membres le plus grand nombre des saints du calen-

drier, et n'épargnant dans ce but ni ses démarches,

ni son argent. Le pape était eu butte aux sollicita-

tions nombreuses des monarques et des évoques:

aujourd'hui, l'intérêt de l'Eglise demande plus de

prudence.

Ce n'est pas qu'elle ait mis beaucoup de tact dans

le choix des derniers saints qu'elle s'est donnés.

Nous n'en voulons pour preuve que celui du peu re-

commaniable Benoit Labre, canonisé en 1882, par

Pie IX. Etait-il bon, était-il politique, de proposer

à l'imitation de l'univers un exemple si répugnant de

paresse, de vagabondage et de misère hideuse et vo-

lontaire ? Mais Labre, peu considéré de son vivant,

passait pour avoir, après sa mort, été la cause de

nombreux miracles opérés sur son tombeau, mi-

racles « attestés par des personnes dignes de foi. »

Cela devait suffire : la foule superstitieuse se dis-

putait ses moindres loques, il fallait bien donner

du prix à ces reliques.

Actuellement, deux nouveaux saints sont en ins-

tance : Jeanne Darc et le curé d'Ars. Ce dernier

était un très brave homme, un curé de campagne,

très estimable pour sa vertu, faisant le bien, et mul-

tipliant au loin ses œuvres de charité et ses aumô-

nes. Après sa mort, un grand commerce d'images se

fit sous son couvert : il est juste que son pays

d'adoption tire parti de ses vertus et qu'il répande,

même après sa mort l'aisance et le bonheur au milieu

de ses ouailles. De son coté encore, il y a miracles.

Nous ne sachons pas que Jeanne d'Arc en ait ja

mais accompli d'évidents. C'est ce qui rendra peut-

être sa canonisation plus laborieuse. Si le patriotisme

et les services rendus au pays et à l'ùumanité suffi

saient pour l'obtenir, il est pas mal de personnes qui

mériteraient d'être placées en tête du calendrier des

saints, quand nous ne citerons que l'abbé de l'Epée.

Mais il eut le malheur d'être entaché de jansénisme,

et beaucoup de fidèles émettent même des doutes

pour son salut. Quoi qu'il en soit le procès de Jeanne

Darc vient de commencer. Il ne nous convient pas

de nous faire l'écho des bruits et légendes antiques

dontun journal d'Outre-Manche s'est récemment em-

paré pour les lancer à nouveau dans la circulation.

Nous professons à l'endroit de Jeanne Darc le plus

grand respect et la plus vive reconnaissance ; mais

nous consentirons à avouer, pour terminer, avec un

de nos confrères catholieo-monarchiste, et en nous

plaçant au même point de vue que lui que, « quelles

que soient les impatiences française*, la matière

est spécialement délicate, et que lk,plus que par-

tout ailleurs, la prudence est nécessaire »

OH nous signale un fait qui se passe dans un grand

nombre d'écoles laïques de filles; et que nous soumettons à

qui de droit.

Des directrices obligent leurs adjointes, non-seulement

à accompagner les enfants au catéchisme, mais encore à

les y attendre pendant toute sa durée ; elles doivent assis-

ter à la leçon religieuse donnée aux enfants. Cette obliga-

tion ne leur est pas seulement imposée les jours de classe,

mais encore les jeudis, jours qui devraient être absolument

réservés.

Est-ce là l'esprit de la loi , en sont-ce les termes ? Nous

ne le pensons pas, et nous espérons qu'il suffira de signa-

ler ces faits pour qu'ils disparaissent.

^

DE L'IffDIFFÉSENCE(Suite)

Je prends au hasard un de ces indifférents. S'il estcatholique pratiquant, il lui sera désagréable de voirsupprimer le budget des culte.<; mais s'il est maho-méian ou libre-penseur, il trouvera sans doute fortillogique de payer des impositions destinées à sub-ventionner des cultes qui ne sont pas siens, qu'il re-prouve et condamne même. Si cet indifférent, est in-dustriel, commerçant, il verra désagréablementaugmenter le chiffre de ses patentes, car il seraitalors directement atteint dans ce qu'il a de plus cher,sa bourse. Si, par suite de conventions avec desgrandes compagnies de chemins de fer, le prix destransports vient à augmenter dans la région où il setrouve, il est encore atteint. Si, par suite des traitésde commerce, on abaisse les droits perçus à l'en-trée en France sur les produits similaires venant del'étranger, sa situation commerciale peut devenir sé-rieusement compromise ; et qui sait si ce ne sera paspour lui sa ruine à bref délai.

S'il est ouvrier et qu'on augmente les octrois, si onfrappe d'un droit élevé les produits de consommationcomme le blé, la viande, sa situation devient pré-caire. Si, par une prescription légale renouvelant lesanciennes corporations, on oblige cet ouvrier à choi-sir un métier et à n'exercer que celui qu'il aura choisi,lui défendant de sortir de sa localité pour aller vivreailleurs de ce même métier, si on réglemente encorel'exercice, on empêchera cet ouvrier de profiter desavantages qui peuvent s'offrir à lui, et parfois on lecondamnera à la misère obligatoire.

Si l'indifférent dont nous parlons est agriculteur ets'adonne particulièrement à la culture du blé et desautres céréales, il ne verra pas sans inquiétude éleverles droits de douane sur le bétail étranger, droitsdont la conséquence première serait l'élévation duprix de la viande ; mais il estimera comne une sagemesure l'élévation des droits sur les céréales qui lui

Petits Dialogues pnilosopnips

DOUZIÈME DIALOGUE

Jacques Bonhomme cheminant le long de la routerencontre M le Curé de son village.

Jacques Bonhomme. — Serviteur! monsieur

le curé.

M. le curé (bourru). — Bonjour! bonjour !

Jacques Bonhomme. — Saperlotte ! vous

n'avez pas l'air gai, ce matin; vous est-il arrivé

quelque chose de fâcheux ?

M. le curé (furibond). — Comment, vous ne

savez pas ce que m'ont fait ces gredins, ces co-

quins, ces misérables, ces antéchrists !

Jacques Bonhomme. — Eh là ! eh là! après

qui donc en avez-vous si fort ?

M. le curé. — Après qui? après ces infâmes

républicains! après cet ignoble gouvernement...

Jacques Bonhomme. — Et que vous ont-ilsdonc fait ?

M. le curé, avec explosion. — Ils m'ont sus-

pendu mon traitement!

Jacques Bonhomme. — Pas possible !

M. le curé. — Tel que je vous le dis. J'ai reçu

ce matin, de leur sale préfecture, un sale papier

qui m'annonce que j'en ai pour deux mois à tirer

la langue.

Jacques Bonhomme. — Et pourquoi donc ça,

qu'ils vous ont si cruellement coupé les vivres ?

M. le curé. — Pourquoi? pour des bêtises,

pour rien du tout, pure persécution.

Jacques Bonhomme. — Mais enfin, ils ont bien

donné un prétexte.

M. le curé. — Oh! mon Dieu, oui. Ils ont pré-

tendu que j'avais fait de la propagande électo-

rale en faveur des candidats réactionnaires et que

j'avais outrepassé tous mes droits en compromet-

tant gravement mon caractère religieux. Ça fait

pitié.

Jacques Bonhomme. — Ah ! diable ! diable !

yous avez donc fait de la politique enragée?

Monsieur le curé. — Si l'on peut dire ! C'est à

peine si j'ai prononcé une demi-douzaine de ser-

mons où j'annonçais qu'on serait damné si on vo-

tait pour le candidat républicain, et où je pro-

mettais la vie éternelle aux électeurs de notre

excellent candidat monarchiste.

Jacques Bonhomme. — Ah! diable! diable! et

vous avez bien fait aussi votre petite campagne

dans la commune.

Monsieur le curé. — Je vous assure que ce

n'est seulement pas la peine d'en parler. J'ai sim-

plement refusé d'admettre au catéchisme tous les

enfants dont les parents étaient notés comme ré-

publicains, j'ai fait une simple visite dans toutes

les maisons, pour annoncer que je ne baptiserai,

ni marierai, ni enterrerai aucun des électeurs du

candidat radical, j'ai distribué quelques aumônes

que m'avait remises notre excellent candidat mo-

narchiste.

Jacques Bonhomme. — A qui les avez-vous

distribuées, aux malheureux, aux indigents?

Monsieur le curé. — Ma foi, non. Aux fem-

mes des électeurs indécis. Aussi, ils ont tous bien

voté, et le candidat, l'excellent candidat monar-

chiste a passé.

Jacques Bonhomme. — Seulement, on vient

de l'invalider pour corruption électorale, avec la

complicité du clergé du département. Eh bien!

dites-donc, monsieur le curé, savez-vous que le

ministre des cultes a encore été bien doux de ne

vous suspendre votre traitement que pendantdeux mois !

Monsieur le curé. — Vous dites!...

Jacques Bonhomme. — A sa place, j'aurais

été plus sévère. Et vous en ferez tant qu'il faudra

en arriver aux moyens de rigueur, puisque les au-

tres ne réussissent pas.

Comment ! . . . vous êtes salarié par le gouver-

nement, vous touchez un traitement de fonction-

naire, on vous paie, on vous donne la pâture,

on a même eu la bonhomie d'augmenter vos

appointements (car il n'y a qu'un gouvernement

qui a augmenté vos appointements, c'est la Répu-

blique), et vous ne penzez qu'à mordre la main

qui vous nourrit.

Vous combattez la République au profit des

plus cruels ennemis de la démocratie française.

Vous faites cause commune avec tous les partis

réactionnaires. La monarchie et ses abus ne

comptent en vous que des soldats ardents etfidèles.

Toutes les fois qu'il y a une lutte politique, vous

vous jetez dans la mêlée, en agitant le drapeau

blanc , en vous attrapant traîtreusement aux

femmes, aux enfants, à tous les faibles, à tous

les petits, et, quand cette belle besogne est faite,

vous vous étonnez qu'on vous en tienne rigueur'.Il faudrait être battu et content !

A d'autres, monsieur le curé ! Le temps est

fini où nous étions assez bornés pour supporter

humblement toutes vos incartades. Vous' criez

bien fort, uniquement, parce qu'on prétend vous

faire entrer dans la loi, comme tous les citoyens.

Vous crierez sans doute. moins fort, quand vous

verrez qu'on est décidé à vous traiter comme

tous les fonctionnaires. Ou vous vous conduirez

correctement, ou vous serez pris par ce qui vousest le plus cher : par l'argent.

C'est bien le moins, quand le maître paye, que

ses salariés ne le frappent pas de la main qui reçoit

son argent. Toutes ces choses vous semblent nou-

velles et abominables : ce n'est que justice et rai-

son. Seulement, vous vous êtes si peu accoutumés

à la justice et à la raison, qu'il faudra là-dessus,

comme sur bien des choses , faire votre ap-prentissage.

Commencez-le pendant ces deux mois et rap-

pelez-vous que le régime des privilèges a cessé,

pour être remplacé par celui de l'égalité devant là

loi. Nous respectons tous vos droits, mais nous

exigerons tous vos devoirs. Tenez-vous-le pourdit.

i

Le curé tourne les talons sans mot dire, et JacquesBonhomme se dirige tranquillement vers son champ.

LE -FRANC-MAÇON

permettront de réaliser de plus gros bénéfices sur cesventes.

Si nous avions affaire à un grand éleveur, la situa -tion serait absolument inverse. Mais si, au contraire,il s'agit d'un petit cultivateur produisant bien justepour sa consommation, il protestera contre toute sur-élévation des droits.

Ainsi, de quelque côté qu'on se tourne, quel quesoit l'homme que l'on interroge, son intérêt parti-culier est lié à une question politique. Il n'est pas unemesure prise par le législateur, que ce législateur fûtcommunal, dépar'emental ou national, qui ne toucheà des intérêts privés, lésant parfois les uns pouravantager les autres.

L'intérêt de chacun devrait donc être de ne passe désintéresser des affaires publiques. Bien aucontraire, tout citoyen devrait prendre une part,quelque minime qu'elle fût, à la préparation des élec-tions, au choix des hommes qui seront appelés, dansun poste quelconque, à administrer une part de sesintérêts.

Nous étudierons, dans un prochain article, com-ment nous pensons que tout citoyen, sans qu'il encoûte à ses travaux, sans se priver des heures deliberté et de repos auxquelles il a droit, peut exercerd'une façon conforme à ses intérêts, le premier et leplus imprescriptible de ses droits.

Mais qu'on n'oublie jamais que les droits du citoyensont inséparables de ses devoirs.

GIIflNUHACOlIIIIML'abondance des matières nous a empêchés de

rendre compte, dans notre précédent numéro, duBanqaet solsticial des Loges du Gourguillon, lesAmis de la Yèritè et les Amis des hommes.

Ce petit retard n'a pas diminué l'excellent sou-venir que nous avons gardé de l'accueil gracieux,qui a été fait à notre administrateur délégué.Encore une fois, nous en remercions bien chaleu-reusement ces deux Loges, ainsi que du toast deprospérité qu'elles ont portées au journal leFranc-Maçon.

Quel dommage*, que le monde profane ne puissevoir de plus près ces agapes fraternelles, où laplus franche gaieté n'empêche pas de songer à lacause des malheureux et des petits, mais sontau contraire l'occasion de bonnes recettes pourles œuvres républicaines et humanitaires. Commealors les préjugés ridicules répandus dans les mas-ses par les jésuites, disparaîtraient avec ceux-ci, etn'empêcheraient plus l'action bienfaisante de laMaçonnerie dans le monde !

Le banquet s'est terminé au milieu des chan-sons et de la joie la plus franche, et nous noussommes retirés en emportant la conviction queles Amis de la vérité et les Amis des hommes,savaient tenir haut et ferme sur ce mont Aventinlyonnais du cléricalisme et de la paresse le dra-peau du Travail et du Progrès.

Lyon. — GRAND-THÉÂTRE. — La premièrereprésentation à'Hèrodiade, dirigée par Massenetlui-même, a été une de ces brillantes soiréesdont les Lyonnais garderont longtemps le souve-

nir.L'œuvre du jeune maître a admirablement

réussi et les applaudissements et les rappels n'ontcessé d'acclamer l'œuvre, les musiciens, les in-terprètes et les impresarii, qui ont eu leur grandepart du succès commun, en présentant Hèrodiadedans des décors et avec des costumes magnifi-ques. Il y a là une superbe série de représenta-tions en perspective en même temps qu'une grandevictoire artistique.

CÉLESTINS. — Les Célestins continuent à fairede fort belles salles avec les Pommes d'Or etl'approche des vacances de Noël et du jour del'an va augmenter encore l'affluenco du publicque cette féerie fort amusante et fort lestementjouée, attire dans notre second théâtre munici-pal.

BELLECOUR. — La Doctoresse, qu'on vient dejouer, a bien réussi, grâce à la charmante inter-prétation de Mmc Kolb, qui fait oublier à forcede grâce et de talent les imperfections d'unetroupe qu'on aurait pu désirer meilleure. Lapièce est d'ailleurs tout à fait gaie, et tout lemonde voudra voir la folle aventure de cette dame,docteur en médecine et qui oublie beaucoup trop ,du reste, la femme de son mari , ce qui fait quece mari va chercher ailleurs ce qu'on lui refuseau logis.

SALLE PHILHARMONIQUE. — Immense succèsdu violoniste Wolff et de Mme Mauvernay. Oncompte qu'ils vont donner une représentation po-pulaire. La salle sera comble, quelque grandequ'elle soit.

Marseille. — Le Songe d'une Nuit d'été,les Huguenots, Rigoletto. Trois succès cette se-maine au Grand-Théâtre.

Le choix de ces trois pièces, pas M. Campo-Casso, lui à valu une assistance complète â lasalle Beauvau.

M. Dereims a obtenu, dans tout le cours duSonge d'une Nuit d'été et de Rigoletto unsuccès que plusieurs rappels du public n'ont faitque confirmer. Notre premier ténor léger a joué le rôle de

Shakspeare avec une prestance et une autoritéremarquables.

Le rôle du duc de Mantoue, dans Rigoletto, atrouvé également dans lui un interprète comme ilest rare d'en entendre.

Dans le rôle de la reine Elisabeth, M"e Wey-

renden, première chanteuse légère, quoique para-lysée d'abord par l'émotion, a su bientôt retrouverune assurance qui lui a permis d'enlever avec vir-tuosité les vocalises des derniers actes.

Dans le rôle deGilda, qu'elle tient dans Rigo-letto, elle a chanté avec une délicatesse extrêmeet vaillamment fait sa partie dans les ensembles.A la chute finale du rideau, des salves bien nour-ries ont décrété son admission.

Dans les Huguenots, M. Claverie, le baryton,a produit une impression satisfaisante. Il a faitentendre une jolie voix à laquelle on peut repro-cher une insuffisance de volume.

M"° Dufranc, notre première forte chanteuse,a donné au personnage de Valentine un relieféclatant. Largesse de style, puissance dramati-que, telles sont les qualités qui placent cette ar-tiste au premier plan. Son succès a été très grandet très mérité.

Dans le personnage de Raoul, M. Salomon aeu un accueil assez froid aux deux premiers ac-tes, mais à partir du troisième acte, il a retrouvéses plus beaux accents ; la voix s'échauffe et lesapplaudissements ont été fréquents, On peut direque le 4e acte n'a été qu'une longue ovation pourM. Salomon.

Succès aussi pour la basse, M. Loyrette, quiest une des meilleures acquisitions de M. Campo-Casso.

M. Desmet, dans le personnage de Saint-Bris,a affirmé d'excellentes qualités. Belle voix quidemande à se développer.

Quant à M'"' Mendes, première dugazon, savoix laisse un peu à désirer... mais, à part sesquelques défectuosités, la représentation a étéexcellente et promet une saison des plus remar-quables.

Bordeaux. — GRAND-THÉÂTRE. — Cettesemaine a été chargée : trois reprises. Si du moinson peut compter le charmant acte de Maître Pa-thelin pour une reprise. Ceci dit, j'aborde lesHuguenots. Mme Laville-Ferminel (Valentine) aété fêtée et choyée comme elle le méritait et si jecitais tel ou tel morceau, où elle a été plus ap-plaudie que dans l'autre, il faudrait, pour êtrejuste, tous les énumérer, ce serait trop long, jepréfère constater son triomphe. M. Guillemot,dans Raoul, est toujours le même excellent;aussi les applaudissements et les rappels ne luiont pas manqué. M. Paravey personnifie tropSaint-Bris, pour qu'il soit nécessaire de dire quetoute la soirée n'a été pour lui qu'un triomphe .M. Lestellier, a- été bon ainsi que M" 0 Delcroireet M. Jouanne. Par contre, M. Tapiau a eu desdéfaillances inexplicables jusqu'à oublier, au cin-quième acte, d'attaquer son air : Ah ! voyez le

ciel s'ouvre et rayonne ; il est vrai de dire qu'ila eu de bons moments, mais si 'rares qu'une fautpas en parler. M

lle Bouland (Urbain) a été assez

faible, mais avec les dames il faut être galant"je m'arrête. Je dois cependant ajouter que mespetites observations à l'égard de Mllc Bouland etTapiaux, mises de côté, les Huguenots n'ontété pour le reste de la troupe qu'une série detriomphes.

Je ne dois pas oublier l'orchestre et surtoutson habile chef, il maestro Mezenay, qui ont droità des félicitations.

La Fille du Régiment, n'a été pour M.m"Jouanne-Vachot (Marie) que la répétition des'Huguenots , pour M

mc Laville-Ferminet , un

triomphe. Il faut dire qu'elle a été dignementsecondée par M. Paravey, Jouanne, Tournade etM

mo Geinnav. Voilà deux succès qui vont tenir

alternativement l'affiche. Je ne puis que féliciterla. direction de ces deux reprises te de l'homogé-nité de la troupe.

THÉÂTRE FRANÇAIS. — Pauvre cette semaine.Il n'y a à signaler que la reprise de Denise. Unprochain courrier vous rendra compte du béné-fice de M. Landrin.

Grenoble. — THÉÂTRES. — Mardi 15 dé-cembre. — M

mo Joly Watson, chanteuse légère*

et M. Norval, première basse ont fait, dans Luciede Lamermoor, le Chalet, leur troisième début.Ces deux artistes d'un grand mérite ont étéreçus à l'unanimité; c'est vous dire combien ilsont été goûtés par les amateurs même les plusdifficiles. Il y a longtemps que nous n'avionsété si bien partagés.

Jeudi 17 décembre. — Excellente soirée; ondonnait les « Jurons de Cadillac, » comédie en1 acte, et Faust, grand opéra en 5 actes, grandeaflluence de spectateurs.

Samedi 1 9 décembre . — Dans le Suppliced'une femme, comédie en 3 actes, nous avonsassisté au troisième début de M. Renoud, grandpremier rôle qui a obtenu un légitime succès.Cet artiste qui, à mon avis, remplit conscieusementet avec beaucoup de tact les rôles qui lui incom-bent, n'a pourtant été reçu qu'avec 38 « oui »contre 12 « non. »

Il nous a ensuite été donné d'assister à uneséance de magnétisme et d'hypnotisme, donnéeparle célèbre professeur Montin, élève du baronPotet qui nous a fait assister à une foule d'expé-riences toutes plus surprenantes les unes que lesautres. Pour n'en citer qu'une, je ne parieraique de l'ivresse simulée qu'il a provoquée et quia bien fait rire la nombreuse assistance qui s'étaitdonnée rendez-vous au théâtre ce jour-là.

Le Gérant : MÉNABÉ."

Imprimerie Nouvelle lyonnaise, rue Ferrandière-, 5ÎF

(Association syndicale des Ouvriers typographes)