1885 - Le Franc Maçon n°11 - 5-12 décembre 1885 - 1ère année.pdf

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Première Année. IV 11. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi S au Samedi 12 Décembre 1885 Liberté Egalité Fraternité Travail Solidarité Justice Paraissant le Samedi Bien penser 33 i e ITL ôL i r e Bien faire Vérité Lumière Humanité ABONNEMENTS Six mois. 4 fr. 50 Un an 6 fr. Etranger Le port en sus Recouvrement par la poste, 50 c. en plus. Adresser les demandes et envois de fonds au Trésorier-Administrateur. Boite, rue Ferrandière, 52 RÉDACTION & ADMINISTRATION Adresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52 5 LTTOIT SPARIS Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PERINET, 9, rue du Croissant— PARIS ANNONCES Les Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNIER & G 19 14, rue Confort, 14 ©-t B.TJL Bureau cLu. Journal Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus AVIS Le Franc-Maçon est mis en vente à : PARES Agence de librairie PÉRINET,9, rue du Crois- sant. Les abonnements sont reçus à la même adresse. MONTPELLIER Société anonyme du Petit Méridional, 5, rue Leenhardt, doivent être adressées les de- mandes de dépôts dans les diverses villes des départements du Gard, de l'Hérault et dépar- tements limitrophes. SEDAN Papeterie-librairie, Cartier aine, 1, Grande- Rue. BORDEAUX Chez M. Graby, marchand de journaux. ALGER Librairie Pioget, Place Sous-la-Rêgence. Librairie Mouranchon. ORAN Librairie Calia, rue Fond-Ouck. MARSEILLE Agence de librairie Blanchard, dépositaire et marchand de journaux. Notre journal est également mis en vente dans les bibliothèques des principales gares. s OIWEM: AIEE allons-nous ? La situation. Esprit des Morts et des Vivants. La femme et l'Eglise catholique. Pile ou face. La gloire de Dieu. Révélations sur la Franc- Maçonnerie. Le Célibat ecclésiastique. La Confes- sion auriculaire.—- La Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les dogmes et la dogmatique. Revue des Théâtres. Petite Correspondances. Feuilletons : Le Mariage d'un Franc-Maçon. Petits dialogues philosophiques. Allons-nous ? Nous voulions encore rappeler à nos amis, dans ce premier article, que l'union de toutes les fractions du parti républicain est un devoir si impérieux, que rien ne doit nous faire oublier la coalition du 18 octo- bre, notre coalition à nous, en réponse à la ligue cléricale. Et au moment nous allions répéter ces conseils, qu'on semble trop oublier, notre confrère Edmond Gar- dien nous adressait la lettre suivante, qui répond à ces préoccupations de tous. La voici : Aujourd'hui que le Franc-Maçon a conquis son droit de cité parmi les organes les plus au- torisés de la presse, permettez-moi de féliciter la rédaction d'avoir su mener à bonne fin une oeuvre à la fois si difficile et si nécessaire. Mettre la Franc-Maçonnerie à la portée de tout le monde (permettez-moi l'expression), dévoiler de cette institution tout ce que notre constitution nous permet de révéler, réfuter les insoutenables attaques de la presse cléricale et réduire à néant les grotesques accusations portées contre notre Ordre par des dévots pleins de fiel et d'intolé- rance, tel a été votre but et telle a été aussi la cause qui a fait que notre journal, le Franc-Ma- çon, a obtenu, dès le lendemain de sa création, un immense et légitime succès. L'action de la Franc-Maçonnerie doit se faire de plus en plus sentir à cette époque critique, à cette époque de transition, la République se transforme et subit une crise qui pourrait lui être fatale si ses défenseurs naturels n'employaient tous leurs efforts pour la défendre contre les tentatives de toutes les réactions coalisées. Quel doit être notre rôle, à nous Francs-Ma- çons, à nous qui avons toujours souffert et lutté pour la cause de la démocratie? La Franc-Maçonnerie est comme une mère ja- louse et anxieuse, à qui, deux fois déjà, on a dé- robé son enfant, au 18 brumaire et au 2 décem- bre : aussi doit-elle veiller sans cesse, redoubler de prévoyance et d'activité et faire de tous ses adeptes un rempart à jamais infranchissable. A cette époque les divisions du parti répu- blicain ont été si habilement exploitées par les réactions groupées sous la bannière du clérica- lisme, les Maçons se souviennent de l'un des grands principes de leur institution : Tolérance ! Tolérance, qui veut dire : Union, concentra- tion ! Il n'y a plus de faction parmi nous : Nous som- mes tous les soldats de la grande armée démo- cratique, qui marchera désormais, les rangs ser- rés, contre l'ennemi commun, contre cet ennemi sans cesse terrassé et qui, sans cesse, revient à la charge, contre tous ceux dont les sectaires sont partout et le chef à Rome. Combien sont dans l'erreur ceux qui croient que le rôle de la Franc-Maçonnerie n'a plus, de nos jours, qu'une importance secondaire! Elle est, au contraire, la pierre d'achoppement contre laquelle tous les extrêmes se briseront. C'est la première pierre du colossal édifice social, c'est celle sur laquelle se trouvent gravés, en caractères ineffaçables, les mots de Liberté, d'Egalité et de Fraternité. Et c'est sur cette pierre que nous avons élevé la République, qui est, nous osons le dire, notre œuvre. Dans ces dernières années, la Maçonnerie s'était quelque peu reposée sur ses succès : croyant la République désormais inattaquable, les Loges avaient peut-être moins travaillé, les Ma- çons, dans leur trop grande confiance, ne fai- saient plus que contempler leur ouvrage. Le cléricalisme, sentant que la Maçonnerie ne veillait plus que mollement, a tenté un suprême effort, et la journée du 4 octobre fut pour la Ré- publique comme le prélude d'une défaite. Mais, aussitôt, la Maçonnerie s'écria : Au dra- peau! et le 18 octobre les réactions coalisées es- suyaient la défaite méritée. Une fois encore, la Maçonnerie avait sauvé la République. Travaillons donc sans cesse et sans relâche : que notre mot d'ordre reste toujours le même : Tolérance ! Concentrons-nous, unissons-nous et ne mar- chons pas en rangs dispersés, car à tout instant pourrait sonner l'heure du combat. Dans notre union, nous puisons notre force : conservons-la donc, et tous les partis viendront se briser contre notre symbolique triangle, que nul ne saurait entamer. LA SITUATION Beaucoup la trouvent décourageante et en font un sombre tableau. Beaucoup d'ambitions divi- sées, et pas une entente. Nombre de lieutenants, pas un capitaine. La France va à la banqueroute ou à la monarchie. Elle ne va ni à l'une ni à l'autre. Il est évident qu'un peuple ne passe pas sans secousses du gouvernement absolu à l'exercice de sa pleine liberté, que les errements des fonction- naires, les traditions du personnel, les mœurs ad- ministratives en elles-mêmes sont en contradic- tion avec les nouvelles lois. De des secousses, des heurts, dont s'irritent les impatiences qui croyaient encore aux coups de baguette pour mo- difier les caractères des peuples. Ilya déjàquinze ans que nous sommes en République. C'est à peine assez pour faire arriver aux premiers rangs les derniers fonctionnaires nommés sous l'empire; c'est insuffisant pour que de nouvelles nomina- tions de fonctionnaires plus jeunes et d'une édu- cation plus libérale aient pu introduire dans l'ad- ministration un esprit nouveau. De ce passé de quinze années si court, trois choses merveilleuses se détachent, qui resteront à l'actif de ceux qui n'ont jamais désespéré de la République et ont travaillé pour elle comme si elle avait toujour duré : La reconstitution de l'armée, de la défense na- tionale ; La reconstitution de l'influence du nom français. La reconstitution de l'école et de l'outillage na- tional. Et avec une vigueur inattendue, en même temps que la République se défendait à l'intérieur, et qu'elle réparait, en quinze ans, toutes les fautes et les incuries des régimes précédents, elle agran- dissait notre empire colonial. C'est une thèse contestée de savoir si c'est un réel bienfait. La chose l'a été à toute époque, même sous la monarchie ; car les générations pré- sentes payent les frais des conquêtes dont les générations suivantes seules recueillent les béné- fices. Personne n'a protesté quand on a misérable- ment abandonné Dupleix et Labourdonnaye aux Indes, quand on a fait mourir Lally-Tollendal, quand Louis XV a cédé aux Anglais le Canada et la Louisiane. Mais l'histoire a enregistré ces faits comme une ignominieuse lâcheté dont les générations con- temporaines supportent lourdement la responsa- bilité. L'évacuation de l'Algérie a été discutée comme l'évacuation duTonkin. Si elle avait pour elle la proximité de la métropole, elle n'était pas peuplée d'une race industrieuse et économe, voisine d'un des pays les plus producteurs du monde, auquel l'avenir réserve certainement de bien surpre- nantes destinées. Nos négociants voudraient-ils. aujourd'hui, se passer de l'Algérie, dont nous étudierons prochai- nement le développement commercial et économi- que, et qui arrive à couvrir ses frais d'occupa- tion, en attendant que sa contribution soit comptée en bénéfice d'ans le budget de la France? Nous avions vingt années d'empire à réparer. C^est fait. Nous avons déployé l'activité qui acquiert, il faut déployer l'activité qui conserve. Espérons que l'entente à la Chambre se fera sur ce point. Il y a d'autres économiesà faire que de jeter nos colo- nies par dessus bord. Il n'est pas même besoin de nouveaux impôts pour maintenir la situation ac- tuelle, tout en dégrevant dans une large mesure le commerce qui se meurt. Il faut que nos colonies servent à notre com- merce; or, par suite des impôts écrasants, l'in- dustrie nationale ne peut lutter contre les pro- ducteurs étrangers, qui ont moins de frais géné- raux et une main-d'œuvre très réduite. Comme on ne peut songer à baisser encore le taux des salaires, ni à donner aux ouvriers étrangers une plus grande somme de besoins, il faut de toute né- cessité dégrever les frais généraux qui pèsent sur notre production nationale. Feuilleton du " FRANC-MAÇON " (10) LE MARIAGE D'UN FRANC-MAÇON L'abbé Jacquet, que le sacristain était allé chercher à la cure, ne tarda pas à paraître à la porte de la sacristie. C'était un jeune vicaire de la paroisse, poupin et béat. Ses petits yeux rusés clignotaient derrière les lunettes dont il les abri- tait prudemment. Il avait les cheveux gras et lustrés, taillés « à l'ange », comme on dit dans le monde pieux, et cette face épanouie cachait mal l'inquiétude ambitieuse de tout petit prêtre dressant ses batteries pour devenir gros cha- noine. Son digne acolyte l'avait déjà mis au courant de la situation. Un regard jeté à la dérobée sur Jacques Mignot le renseigna bien vite sur le ca- ractère et les allures de cet interlocuteur. Il n'était pas sans avoir déjà beaucoup cancané avec les commères habituées du presbytère sur le mariage de mademoiselle Lebonnard. Sa petite police lui avait appris que Mignot ne passait pas jour pratiquant. Au contraire, le nom exécré de Franc-Maçon avait été prononcé. C'était donc un futur ennemi contre qui il serait bon d'engager, l'heure venue, la lutte telle qu'on sait la prati- quer dans le monde bien pensant. Raison de plus pour se signaler d'abord par un premier avan- tage, en s'introduisant du coup dans la place ; l'abbé eut bien vite dressé ses batteries. Vous désirez, monsieur ? Ma foi, monsieur l'abbé, je suis assez em- barrassé et je vous prie d'excuser d'abord mon indiscrétion et ensuite mon ignorance. Vous êtes tout excusé, monsieur. Je me marie demain et ma fiancée m'a de- mandé de communier avec elle à la messe de mon mariage. Je dois aussi présenter à monsieur le curé un certificat de confession et je viens me renseigner... -*- Mais rien de si facile, mon cher monsieur. On fait, je ne sais pourquoi, un véritable épou- vantai! de ce qui est, au fond, la plus simple de toutes les choses. Je vous avouerai pour être franc... Chut ! ne me dites pas certaines paroles que je ne dois pas savoir. Il y a des cérémonies dont l'utilité... Chut encore! Ne croyez pas, monsieur, que l'Eglise, moins ennemie que vous ne supposez de la large tolérance et des accommodements moraux, demande aux gens du monde, aux esprits supé- rieurs (cet abbé était tout miel et tout encens) les pratiques formalistes qui lui semblent nécessaires aux humbles esprits et aux classes peu éclairées. Le symbolisme strict est pour la masse, l'élite a droit d'être traitée d'autre sorte. Nous allons respecter la loi en nous l'accommodant. Il est bien certain, monsieur, que si vous avez commis des fautes contre les graves préceptes de morale, de charité, de douceur, d'austérité même, vous n'en éprouvez aucun orgueil. Certainement non. Il vaudrait mieux, n'est-ce pas? avoir vécu plus sagement que dans les circonstances où, par exemple, la colère, la galanterie vous ont entraîné à quelques sottises. Sans aucun doute. Eh bien! c'est du repentir cela. En somme, vous vous êtes toujours conduit en homme d'hon- neur et de probité ! Mais, répliqua en souriant Jacques, c'est un interrogatoire, cela, M. l'abbé. C'est simplement une confession, mon cher paroissien , et elle est terminée. L'abbé Jacquet murmura quelques paroles latines. Voilà qui est fait ; vous êtes absous et en état de partager la sainte communion avec votre fiancée. Je vous demanderai seulement de vous souvenir que la loi stricte, celle que l'on ne doit pas transgresser ouvertement sans scandale, or- donne d'être à jeun pour recevoir le sacrement de la communion. Je vous demande, au nom de l'Eglise qui vous traite en homme de haute intel- ligence, de ne pas jeter la déconsidération sur notre culte, en en transgressant les prescriptions. Je manquerais absolument aux convenances si j'agissais autrement. Je n'en attendais pas moins de votre bon goût et de votre tact parfait. Vous voyez, monsieur, qu'on nous représente bien plus noirs que nous ne sommes. Je n'aurais pas cru, en effet, que je trouve- rais ici cette obligeance et surtout cette largeur d'esprit C'est qu'il est rare, monsieur, que nous rencontrions des juges impartiaux et avisés. Veuillez me dire maintenant de quelle somme je suis redevable à la paroisse. C'est ici que l'abbé Jacquet attendait son « pénitent. » Oh! je vous en prie, monsieur, ne me parlez pas de cela. J'aurai l'honneur d'aller présenter mes hommages à M mo Mignot et de lui demander alors son obole pour les pauvres de la paroisse. Vous serez le bienvenu, monsieur. Et c'est ainsi que l'abbé Jacquet reconduisit Jacques avec force salutations et qu'il se disait à part lui en remontant dans sa chambre de vicaire : j'ai un pied chez toi, mon bonhomme, je crois que c'est que je trouverai ma première cure. Il s'agit seulement de jouer fin et serré, et tu verras si tes francs -maçons te tireront du guêpier que je te ménage. Sur quoi, l'honnête serviteur de Dieu tira sa montre et s'écria, subitement furieux : Françoise! c'est insupportable; il est onze heures, et le déjeuner n'est pas servi. A quoi pensez-vous donc, ma fille? (A suivre.)

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Première Année. — IV 11. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi S au Samedi 12 Décembre 1885

Liberté

Egalité

Fraternité

Travail

Solidarité

Justice

Paraissant le Samedi

Bien penser

33 i e ITL ôL i r e

Bien faire

Vérité

Lumière

Humanité

ABONNEMENTSSix mois. 4 fr. 50 — Un an 6 fr.

Etranger Le port en susRecouvrement par la poste, 50 c. en plus.

Adresser les demandes et envois de fonds au Trésorier-Administrateur. Boite, rue Ferrandière, 52

RÉDACTION & ADMINISTRATIONAdresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52

——5 LTTOIT S——

PARIS — Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PERINET, 9, rue du Croissant— PARIS

ANNONCESLes Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNIER & G19

14, rue Confort, 14©-t B.TJL Bureau cLu. Journal

Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus

AVIS

Le Franc-Maçon est mis en vente à :

PARESAgence de librairie PÉRINET,9, rue du Crois-

sant. Les abonnements sont reçus à la mêmeadresse.

MONTPELLIERSociété anonyme du Petit Méridional, 5, rue

Leenhardt, où doivent être adressées les de-mandes de dépôts dans les diverses villes desdépartements du Gard, de l'Hérault et dépar-tements limitrophes.

SEDANPapeterie-librairie, Cartier aine, 1, Grande-

Rue.BORDEAUX

Chez M. Graby, marchand de journaux.

ALGERLibrairie Pioget, Place Sous-la-Rêgence.

Librairie Mouranchon.

ORANLibrairie Calia, rue Fond-Ouck.

MARSEILLEAgence de librairie Blanchard, dépositaire

et marchand de journaux.

Notre journal est également mis en vente dans lesbibliothèques des principales gares.

s OIWEM: AIEE

Où allons-nous ? — La situation. — Esprit des Morts et

des Vivants. — La femme et l'Eglise catholique. — Pile

ou face. — La gloire de Dieu. — Révélations sur la Franc-

Maçonnerie. — Le Célibat ecclésiastique. — La Confes-

sion auriculaire.—- La Séparation de l'Eglise et de l'Etat.

— Les dogmes et la dogmatique. — Revue des Théâtres.

— Petite Correspondances. — Feuilletons : Le Mariage

d'un Franc-Maçon. — Petits dialogues philosophiques.

Où Allons-nous ?

Nous voulions encore rappeler à nosamis, dans ce premier article, que l'unionde toutes les fractions du parti républicainest un devoir si impérieux, que rien ne doitnous faire oublier la coalition du 18 octo-bre, notre coalition à nous, en réponse àla ligue cléricale. Et au moment où nousallions répéter ces conseils, qu'on semble

trop oublier, notre confrère Edmond Gar-dien nous adressait la lettre suivante, quirépond à ces préoccupations de tous. Lavoici :

Aujourd'hui que le Franc-Maçon a conquisson droit de cité parmi les organes les plus au-torisés de la presse, permettez-moi de féliciter larédaction d'avoir su mener à bonne fin une oeuvreà la fois si difficile et si nécessaire.

Mettre la Franc-Maçonnerie à la portée de toutle monde (permettez-moi l'expression), dévoilerde cette institution tout ce que notre constitutionnous permet de révéler, réfuter les insoutenablesattaques de la presse cléricale et réduire à néantles grotesques accusations portées contre notreOrdre par des dévots pleins de fiel et d'intolé-rance, tel a été votre but et telle a été aussi lacause qui a fait que notre journal, le Franc-Ma-çon, a obtenu, dès le lendemain de sa création,un immense et légitime succès.

L'action de la Franc-Maçonnerie doit se fairede plus en plus sentir à cette époque critique, àcette époque de transition, où la République setransforme et subit une crise qui pourrait lui êtrefatale si ses défenseurs naturels n'employaienttous leurs efforts pour la défendre contre lestentatives de toutes les réactions coalisées.

Quel doit être notre rôle, à nous Francs-Ma-çons, à nous qui avons toujours souffert et luttépour la cause de la démocratie?

La Franc-Maçonnerie est comme une mère ja-louse et anxieuse, à qui, deux fois déjà, on a dé-robé son enfant, au 18 brumaire et au 2 décem-bre : aussi doit-elle veiller sans cesse, redoublerde prévoyance et d'activité et faire de tous sesadeptes un rempart à jamais infranchissable.

A cette époque où les divisions du parti répu-blicain ont été si habilement exploitées par lesréactions groupées sous la bannière du clérica-lisme, les Maçons se souviennent de l'un desgrands principes de leur institution : Tolérance !

Tolérance, qui veut dire : Union, concentra-tion !

Il n'y a plus de faction parmi nous : Nous som-mes tous les soldats de la grande armée démo-cratique, qui marchera désormais, les rangs ser-rés, contre l'ennemi commun, contre cet ennemisans cesse terrassé et qui, sans cesse, revient à lacharge, contre tous ceux dont les sectaires sontpartout et le chef à Rome.

Combien sont dans l'erreur ceux qui croientque le rôle de la Franc-Maçonnerie n'a plus, denos jours, qu'une importance secondaire! Elleest, au contraire, la pierre d'achoppement contrelaquelle tous les extrêmes se briseront.

C'est la première pierre du colossal édificesocial, c'est celle sur laquelle se trouvent gravés,en caractères ineffaçables, les mots de Liberté,d'Egalité et de Fraternité.

Et c'est sur cette pierre que nous avons élevéla République, qui est, nous osons le dire, notreœuvre.

Dans ces dernières années, la Maçonneries'était quelque peu reposée sur ses succès :croyant la République désormais inattaquable, lesLoges avaient peut-être moins travaillé, les Ma-çons, dans leur trop grande confiance, ne fai-saient plus que contempler leur ouvrage.

Le cléricalisme, sentant que la Maçonnerie neveillait plus que mollement, a tenté un suprêmeeffort, et la journée du 4 octobre fut pour la Ré-publique comme le prélude d'une défaite.

Mais, aussitôt, la Maçonnerie s'écria : Au dra-peau! et le 18 octobre les réactions coalisées es-suyaient la défaite méritée.

Une fois encore, la Maçonnerie avait sauvé laRépublique.

Travaillons donc sans cesse et sans relâche :que notre mot d'ordre reste toujours le même :Tolérance !

Concentrons-nous, unissons-nous et ne mar-chons pas en rangs dispersés, car à tout instantpourrait sonner l'heure du combat.

Dans notre union, nous puisons notre force :conservons-la donc, et tous les partis viendront sebriser contre notre symbolique triangle, que nulne saurait entamer.

LA SITUATIONBeaucoup la trouvent décourageante et en font

un sombre tableau. Beaucoup d'ambitions divi-sées, et pas une entente. Nombre de lieutenants,pas un capitaine. La France va à la banquerouteou à la monarchie.

Elle ne va ni à l'une ni à l'autre.Il est évident qu'un peuple ne passe pas sans

secousses du gouvernement absolu à l'exercice desa pleine liberté, que les errements des fonction-naires, les traditions du personnel, les mœurs ad-ministratives en elles-mêmes sont en contradic-tion avec les nouvelles lois. De là des secousses,des heurts, dont s'irritent les impatiences quicroyaient encore aux coups de baguette pour mo-difier les caractères des peuples. Ilya déjàquinzeans que nous sommes en République. C'est àpeine assez pour faire arriver aux premiers rangsles derniers fonctionnaires nommés sous l'empire;c'est insuffisant pour que de nouvelles nomina-tions de fonctionnaires plus jeunes et d'une édu-cation plus libérale aient pu introduire dans l'ad-ministration un esprit nouveau.

De ce passé de quinze années si court, troischoses merveilleuses se détachent, qui resteront

à l'actif de ceux qui n'ont jamais désespéré de laRépublique et ont travaillé pour elle comme sielle avait toujour duré :

La reconstitution de l'armée, de la défense na-tionale ;

La reconstitution de l'influence du nom français.La reconstitution de l'école et de l'outillage na-

tional.Et avec une vigueur inattendue, en même temps

que la République se défendait à l'intérieur, etqu'elle réparait, en quinze ans, toutes les fauteset les incuries des régimes précédents, elle agran-dissait notre empire colonial.

C'est une thèse contestée de savoir si c'est làun réel bienfait. La chose l'a été à toute époque,même sous la monarchie ; car les générations pré-sentes payent les frais des conquêtes dont lesgénérations suivantes seules recueillent les béné-fices.

Personne n'a protesté quand on a misérable-ment abandonné Dupleix et Labourdonnaye auxIndes, quand on a fait mourir Lally-Tollendal,quand Louis XV a cédé aux Anglais le Canadaet la Louisiane.

Mais l'histoire a enregistré ces faits comme uneignominieuse lâcheté dont les générations con-temporaines supportent lourdement la responsa-bilité.

L'évacuation de l'Algérie a été discutée commel'évacuation duTonkin. Si elle avait pour elle laproximité de la métropole, elle n'était pas peupléed'une race industrieuse et économe, voisine d'undes pays les plus producteurs du monde, auquell'avenir réserve certainement de bien surpre-nantes destinées.

Nos négociants voudraient-ils. aujourd'hui, sepasser de l'Algérie, dont nous étudierons prochai-nement le développement commercial et économi-que, et qui arrive à couvrir ses frais d'occupa-tion, en attendant que sa contribution soit comptéeen bénéfice d'ans le budget de la France?

Nous avions vingt années d'empire à réparer.C^est fait.Nous avons déployé l'activité qui acquiert, il

faut déployer l'activité qui conserve. Espérons quel'entente à la Chambre se fera sur ce point. Il ya d'autres économiesà faire que de jeter nos colo-nies par dessus bord. Il n'est pas même besoin denouveaux impôts pour maintenir la situation ac-tuelle, tout en dégrevant dans une large mesurele commerce qui se meurt.

Il faut que nos colonies servent à notre com-merce; or, par suite des impôts écrasants, l'in-dustrie nationale ne peut lutter contre les pro-ducteurs étrangers, qui ont moins de frais géné-raux et une main-d'œuvre très réduite. Commeon ne peut songer à baisser encore le taux dessalaires, ni à donner aux ouvriers étrangers uneplus grande somme de besoins, il faut de toute né-cessité dégrever les frais généraux qui pèsentsur notre production nationale.

Feuilleton du " FRANC-MAÇON " (10)

LE MARIAGED'UN FRANC-MAÇON

L'abbé Jacquet, que le sacristain était alléchercher à la cure, ne tarda pas à paraître à laporte de la sacristie. C'était un jeune vicaire dela paroisse, poupin et béat. Ses petits yeux rusésclignotaient derrière les lunettes dont il les abri-tait prudemment. Il avait les cheveux gras etlustrés, taillés « à l'ange », comme on dit dansle monde pieux, et cette face épanouie cachaitmal l'inquiétude ambitieuse de tout petit prêtredressant ses batteries pour devenir gros cha-noine.

Son digne acolyte l'avait déjà mis au courantde la situation. Un regard jeté à la dérobée surJacques Mignot le renseigna bien vite sur le ca-ractère et les allures de cet interlocuteur. Iln'était pas sans avoir déjà beaucoup cancanéavec les commères habituées du presbytère surle mariage de mademoiselle Lebonnard. Sa petitepolice lui avait appris que Mignot ne passait pasjour pratiquant. Au contraire, le nom exécré de

Franc-Maçon avait été prononcé. C'était donc unfutur ennemi contre qui il serait bon d'engager,l'heure venue, la lutte telle qu'on sait la prati-quer dans le monde bien pensant. Raison de pluspour se signaler d'abord par un premier avan-tage, en s'introduisant du coup dans la place ;l'abbé eut bien vite dressé ses batteries.

— Vous désirez, monsieur ?— Ma foi, monsieur l'abbé, je suis assez em-

barrassé et je vous prie d'excuser d'abord monindiscrétion et ensuite mon ignorance.

— Vous êtes tout excusé, monsieur.— Je me marie demain et ma fiancée m'a de-

mandé de communier avec elle à la messe de monmariage. Je dois aussi présenter à monsieur lecuré un certificat de confession et je viens merenseigner...

-*- Mais rien de si facile, mon cher monsieur.On fait, je ne sais pourquoi, un véritable épou-vantai! de ce qui est, au fond, la plus simple detoutes les choses.

— Je vous avouerai pour être franc...— Chut ! ne me dites pas certaines paroles

que je ne dois pas savoir.— Il y a des cérémonies dont l'utilité...— Chut encore! Ne croyez pas, monsieur, que

l'Eglise, moins ennemie que vous ne supposez dela large tolérance et des accommodements moraux,demande aux gens du monde, aux esprits supé-rieurs (cet abbé était tout miel et tout encens) lespratiques formalistes qui lui semblent nécessairesaux humbles esprits et aux classes peu éclairées.Le symbolisme strict est pour la masse, l'élite a

droit d'être traitée d'autre sorte. Nous allonsrespecter la loi en nous l'accommodant. Il est biencertain, monsieur, que si vous avez commis desfautes contre les graves préceptes de morale, decharité, de douceur, d'austérité même, vous n'enéprouvez aucun orgueil.

— Certainement non.— Il vaudrait mieux, n'est-ce pas? avoir vécu

plus sagement que dans les circonstances où, parexemple, la colère, la galanterie vous ontentraîné à quelques sottises.

— Sans aucun doute.— Eh bien! c'est du repentir cela. En somme,

vous vous êtes toujours conduit en homme d'hon-neur et de probité !

— Mais, répliqua en souriant Jacques, c'est uninterrogatoire, cela, M. l'abbé.

— C'est simplement une confession, mon cherparoissien , et elle est terminée. — L'abbéJacquet murmura quelques paroles latines. —Voilà qui est fait ; vous êtes absous et enétat de partager la sainte communion avec votrefiancée. Je vous demanderai seulement de voussouvenir que la loi stricte, celle que l'on ne doitpas transgresser ouvertement sans scandale, or-donne d'être à jeun pour recevoir le sacrementde la communion. Je vous demande, au nom del'Eglise qui vous traite en homme de haute intel-ligence, de ne pas jeter la déconsidération surnotre culte, en en transgressant les prescriptions.

— Je manquerais absolument aux convenancessi j'agissais autrement.

— Je n'en attendais pas moins de votre bon

goût et de votre tact parfait. Vous voyez,monsieur, qu'on nous représente bien plus noirsque nous ne sommes.

— Je n'aurais pas cru, en effet, que je trouve-rais ici cette obligeance et surtout cette largeurd'esprit

— C'est qu'il est rare, monsieur, que nousrencontrions des juges impartiaux et avisés.

— Veuillez me dire maintenant de quellesomme je suis redevable à la paroisse.

C'est ici que l'abbé Jacquet attendait son« pénitent. »

— Oh! je vous en prie, monsieur, ne meparlez pas de cela. J'aurai l'honneur d'allerprésenter mes hommages à Mmo Mignot et de luidemander alors son obole pour les pauvres de laparoisse.

— Vous serez le bienvenu, monsieur.Et c'est ainsi que l'abbé Jacquet reconduisit

Jacques avec force salutations et qu'il se disait àpart lui en remontant dans sa chambre de vicaire :j'ai un pied chez toi, mon bonhomme,je crois quec'est là que je trouverai ma première cure. Ils'agit seulement de jouer fin et serré, et tu verrassi tes francs -maçons te tireront du guêpier que jete ménage.

Sur quoi, l'honnête serviteur de Dieu tira samontre et s'écria, subitement furieux :

— Françoise! c'est insupportable; il est onzeheures, et le déjeuner n'est pas servi. A quoipensez-vous donc, ma fille?

(A suivre.)

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LE FRANC-MAÇON

Il suffirait pour cela que les députés voulussent

bien s'occuper d'affaires et moins de politique et

engager le gouvernement à tourner contre ses

chefs de bureau l'énergie qu'il est obligé de dé-

ployer contre tous ses interpellateurs. Il faut

avoir le courage de tailler dans le vif de certainsabus.

On a laissé l'administration bureaucratique et

paperassière tout envahir, même et surtout le

budget. Par mille fissures administratives s'é-

chappe l'or du pays, comme sa vitalité se meurt

dans les' entraves de toutes sortes que l'administra-

tion invente pour s'occuper, pour gagner son

argent, comme disent ses employés.

Quand on a dans son budget une pareille source

d'abus, qu'on a les scandaleux frais de justice pour

lesquels depuis quinze ans, on attend une loi et qui

depuis quinze ans, en fortunes particulières, ont

dévoré deux budgets ; quand on a, les sous-pré-

fectures et les gros traitements, on ne doit son-

ger nia la réduction des dépenses, qu'on pourrait

appeler d'honneur national, ni à la création de

nouveaux impôts.

Le préfet de la Seine, en quelques jours, vient

de mettre sur pied un projet qui diminue de trois

millions et demi les dépenses de Paris, et le gou-

vernement ne pourrait pas trouver une réduction

analogue sur notre formidable budget !

Voilà le véritable terrain des interpellations,

et sur ce terrain-là, nos députés auront le pays

derrière eux.

ESPRIT SES MORTS ET DES YIYAKTS

Tout journal libre est un poteau sur lequel chaquecitoyen peut afficher sa réclamation, ses griefs : pas depoteau, pas de liberté. EDM. TEXIER.

Qui dit couvent dit marais ; la putrescibilité des cou-vents est évidente, leur stagnation est malsaine.

VICTOR HUGO.

Toute réforme, si petite qu'elle soit, doit faire partied'un plan d'ensemble. E. de GIRARDIN.

11 y a des esprits qui, à force de vouloir être catho-liques, cessent d'être chrétiens. LAURENTIE.

Le pouvoir absolu n'est que l'anarchie sous un autre nom.BENJAMIN CONSTANT.

C'est par l'éducation de la femme que doit préludertoute politique d'avenir. VACHEROT.

Il faut laisser à la presse le soin de se corriger elle-même. PITT.

C'est une des propriétés du gouvernement populaire quedu sein même du mal sorte presque toujours le remède.

BIGNON.

LAIlIILillfilKIlL'Eglise catholique d'aujourd'hui s'appuie, tout

le monde le sait, pour dominer et diriger la so-

ciété moderne, sur la femme. C'est par elle, à

l'aide de la confession, que le prêtre connaît les

secretsles plus intimes des familles ; c'est par elle

qu'il y sème les germes de la discorde, si le mari

refuse de s'approcher des sacrements. Enfin, c'est

surtout comme éducatrice de l'enfance, comme

mère, que l'Eglise a un intérêt immédiat à tenir

la femme sous sa domination ; cette Eglise

qui enseigne le mépris de celle que la nature

a donné comme moitié à l'homme, puisque,

selon les dogmes, l'état le plus idéal de pu-

reté pour l'homme, est l'abstention complète derelations avec la femme.

Personne n'ignore, en effet, que certains

religieux poussent le fanatisme jusqu'à pu-

rifier par le feu l'emplacement où a passé une

femme comme si cette femme n'était pas une

créature de ce même Dieu qu'ils adorent. Celte

Eglise, disons-nous, qui s'attache tant auiour-

dhm a posséder la femme- et son but est d'autant

plus facile a atteindre, étant donné le caractère

mystique de celle-ci, son esprit poétique et sessentiments qui la poussent au merveilleux,- cette

Eglise_ a commis au point de vue historique, un

véritable acte cl opportunisme. Et pourtant ellese croit immuable ! Voyant les hommes lui échap-

per a me^re que le niveau intellectuel de l'hu-manité s élevé, a mesure que la science se déve-

loppe et vient discuter la fausseté des dogmes

efle n a pas cherché à retourner aux tradition;chrétiennes, elle a évolué du côté des intérêts

catholiques ; elle s est rabattue sur la femme

L'histoire nous apprend, en effet, que l'Eglise

traitait autrefois la femme comme un être infé

rieur de la création; les docteurs catholiques nesont-ils pas allés jusqu'à discuter, dans un concile

si la femme avait une âme. Il n'a tenu qu'à Quel-ques voix qu'elle n'en eût pas.

Cela nous remet en mémoire ces vers d'unauteur dont nous ignorons le nom :

Un vieux prêtre autrefois assuraitQu'en paradis nulle femme n'irait,Car, disait-il, le maître du tonnerre,Dont la sagesse éclaire la bonté,Peut-il sauver, sans blesser l'équité,Celles qui font damner toute la terre?

Aussi, si nous avons le bonheur de posséder

quelques lectrices qui fréquentent les offices, nous

leur dirons : Mesdames, comparez ce qu'a fait

pour vous l'Église catholique avec ce qu'ont fait

pour votre émancipation morale les penseurs et

les philosophes, et réfléchissez !

C'est à ce propos que nous sommes heureux de

mettre sous les yeux de nos lectrices quelques pa-

ragraphes du beau livre ayant pour titre l'Amour,

de notre illustre historien Michelet, un livre dans

lequel l'auteur, avec son grand talent, assigne à

la femme son véritable rôle dans la famille et

dans la société , où il l'élève au rang qu'elle doit

occuper dans le monde, où il dépeint si bien, sous

une forme poétique, la fonction sublime que la

nature lui a assignée.

Chères lectrices, lisez et vous jugerez entre ces

saints hommes qui représentent le passé et ces

parpaillots de libres-penseurs, ces savants qui j

n'admettent que les révélations de la science, re-

présentant eux, l'avenir.

Nous relevons, sans autres commentaires.

En parlant du mariage :

Contrat bien icégall... Ni la loi de l'Église, ni la

loi de l'État, n'ont essayé sérieusement d'y modifier

la nature. L'une et l'autre en réalité y sont très con-

traires à la femme.

L'Église est nettement contre elle et lui garde ran-

cune du péché d'Eve. Elle la tient pour la tentation

incarnée et l'intime amie du démon. Elle souffre le

mariage en préférant le célibat comme vie de pureté,

car impure est ia femme. Cette doctrine est si pro-

fondément ceile du nwyen âge, que ceux qui veulent

en renouveler l'esprit soutiennent (contre la chimie,

voy. la note), que justement, dans sa crise sacrée, le

sang de la femaieest immonde. Telle physique, telle

législation. La femme à ce point ravalée, que sera-

t elle, sinon serve et servante de l'être plus pur qui

est l'homme ? Elle est le corps, il est l'esprit.

Et plus loin, aux chapitres des notes et éclair-

cissements :

Or, jusqu'ici, la plupart des lois religieuses et

civiles à l'égard de la femme pouvaient se résumer

d'un mot: Elle est livrée comme une chose, punie

comme une personne. Telle physique, telle législa-

tion. La contradiction législative venait originaire-

ment de la physiologie insensée des temps barbares.

Ils disaient tout à la fois : « La femme est une chose

impure, — et une personne responsable, »

Une chose tellement impure que Moïse prononce

la mort contre l'homme qui s'approche d'elle à certainmoment du mois.

Une personne tellement responsable, qu'il a suffi

de sa faute pour fausser à jamais la volonté du genrehumain.

Le christianisme suit Moïse. Toute la série des

Pères la condamne et la fait servante de l'homme,

qui est l'être supérieur et pur relativement. Le der-

nier et le plus terrible est le métaphysicien qui for- '

mule leur pensée, saint Thomas; il va jusqu'à dire

que, la femme étant un être accidentel et manqué,

elle ne dut pas entrer dans la création primitive.

Enorme proposition ! Dieu se trompa, manqua sonœuvre !

Mais enfin, en quoi manqué? Pour la beauté, non,

sans doute. On n'a rien à alléguer que l'idée enfan-

tine de la physique barbare : < Elle est impure. » —

Le pape Innocent III l'exprima avec violence : « La

puanteur et l'immondice l'accompagnent toujours. »

PILE OU FACEOn lit dans l'Echo de Fourvières le morceau

suivant que nous livrons à l'admiration de noslecteurs :

Un grand chrétien, M. Dupont, avait fondé à Toursle culte de la Sainte Face. Ce culte, qui est une desformes spéciales de la dévotion à ia Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, s'est répandu non seulementdans la ville de Tours, mais dans toute la France, eton voit dans plusieurs églises de Paris l'image de laSainte Face exposée à l'adoration des fidèles. UneConfrérie en l'honneur de la Sainte Face avait étéformée. Le Souverain Pontife, par Bref en date du1" octobre, a érigé cette p-euse association en Archi-co»frerie. Mgr l'Archevêque de Tours adresse à sesdiocésainsuue lettre pastorale pour leur faire connaîtrela faveur accordée par le Saint Siège, et dità ce sujet :« Nous avons lieu d'espérer qu'en France nos'vé'né-rés collègues dans l'episcopat voudront bien favoriserde tout leur pouvoir, dans leurs diocèses respectifs,l'établissement et la diffusion de la nouvelle Arcbi-confrérie : ce qu'un grand nombre d'entre eux, nousle savons, font di'jà avec le plus heureux succès, etdes fruits consolants et abondants pour lésâmes.

« Nos vœux et nos espérances vont plus loin encore.Grâce à la munificence pontificale et à l'extension dupouvoir accordé aux directeurs de l'Ârchiconfrérie ladévotion à la Sainte Face, nous n'en doutons pas,' sepropagera de plus en plus au sein des nations étran-gères les plus lointaines, et, comme les besoins reli-gieux sont, à l'heure présente, à peu près partout lesmêmes, nous croyons notre chère Archiconfrerie ap-pelée à pro mire en tout lieu une sainte émulation dezèle pour l'honneur de Jésus-Christ et letriomnhe deson Eglise, un vaste et unanime concert de ferventesprières réparatrices, qui embrasseront le monde en-tier, et qu3 Dieu daign :ra.récompenser par les résul-tats les plus conformes aux dé.irs de son Vicaire surla terre. »

Nous ignorions, nous sommes honteux de l'a-

vouer, qu'un grand chrétien eût illustré le nom

de Dupont et qu'il existât un culte de la Sainte

Face. Et même maintenant sommes-nous bien plus

avancés? Nous savons, il est vrai, que ce culte est

une des formes spéciales de la dévotion à la

Passion, et que plusieurs églises de Paris ont le

bonheur de posséder l'image de la Sainte Face;

mais cette forme spéciale quelle est-elle? Et cette

bienheureuse Face, nouvellement révélée par

M. Dupont, à quelles hypothèses hasardeuses, à

quelles étranges suppositions n'ouvre-t-elle pas le

chemin?

Respectueux de la tradition et des anciens usa-

ges, nous, n'imaginions pas qu'on pût représenter

et adorer le Fils de Dieu avec une autre face que

celle que nous lut avons connue jusqu'à ce jour.

Notre pieux confrère nous a détrompés!

Nous espérons qu'il ne verra pas de motifs sé-

rieux pour refuser de nous indiquer dans quelles

églises on peut contempler cette innovation.

Quant à M. Dupont, nous ne doutons pas que

l'invention de son nouveau culte, auquel nous

souhaitons un plein succès, ne lui obtienne auprès

de la postérité la confirmation de la juste gloire,

dont, paraît-il, il jouit déjà.

Bonne chance à la nouvelle Archiconfrerie !

La Gloire de Dieu

Une étude curieuse à faire, ce serait celle des

différents cultes qu'on voit pulluler dans la grande

Eglise Catholique comme d'innombrables proto-

zoaires dans une goutte d'eau de boutasse. Cha-

cun a sa chapelle particulière, ses ministres, ses

fidèles et ses finances. Ils s'appellent de noms

mystérieux et doux, le Rosaire perpétuel, le Ro-

saire vivant, ou, par une sorte de synecdoche

religieuse qui fait qu'on adore la partie pour le

tout, le Cœur agonisant de Jésus, le Cœur com-

patissant de Marie, la sainte Face, culte inventé

par un M. Dupont, moderne père de l'Eglise, ou

bien encore, la sainte Eucharistie dont la vertu

doit sauver le monde.

De même que le sirop Vial est souverain pour

les bronchites, le gargarisme Barnoud pour les

angines, les capsules X pour autre chose, chacun

de ces cultes, chacune de ces formules a son ef-

ficacité, ses propriétés particulières. Tous sont

brevetés du Pape, sans garantie du Gouverne-

ment, c'est-à-dire' du Père Eternel dont le culte,

seul reconnu autre fois comme authentique et vé-

ritable, nous paraît ne pas souffrir médiocrement

de la concurrence.

Au sujet du nouveau culte de la sainte Face,

un théologien de nos amis nous fournit les docu-

ments suivants, qui sont destinés à le faire con-naître et apprécier .

On lit au chapitre XXXIII de l'Exode :

Le Seigneur parla donc a Mosé (Moïse)or le Sa:gneur parlait à Mosé face à face comme unhomme parte à son ami. . . Puis le Seigneur lui dit:je marcherai devant toi et je te procurerai du repos...Mosé repartit : Fais moi voir ta gloire. Dieu rép ondit:je te montrerai tous les biens, et en passant devanttoi je te ferai voir ma gtoire : je créeiai moi-mêmeen prononçant mon nom ; je ferai miséricorde à quije voudrai, et il dit de plus : Tu ne pourras voir muface, car nul homme ne me verra sans mourir : tute mettras sur le rocher et, quand ma globe passera,je te mettrai dans une fente de rocher, et je te ca-cherai de ma main : tu verras mon derrière ; maistu ne pourras voir mon vis ;ge.

Telle est la traduction donnée par Voltaire.

Une variante des bibles à l'usage des person-nes pieuses, dit:

Puis je retirerai ma. main et tu me verras par der-rière, mais ma face ne se verra point.

Peu importe la traduction, c'est toujours le

même côté qui devait se trouver en face de Moïse

dans sa fente de rocher, lorsque le Seigneur re-tirait sa main.

C'est ce qui fait faire à Voltaire ces judicieusesréflexions :

Il n'est pas aisé d'expliquer ce que l'auteur entendquand Mosé demande à Dieu de lui faire voir sa gloire,il semble qu'il l'a vue assez pleinement et d'assezprès quand il a conversé avec Dieu pendant quarantejours sur la montagne, qu'il a vu Dieu face à face, etque Dieu lui a parlé comme à un ami. Dieu lui répondcependant : vous ne pouvez voir ma face, car « nulhomme ue me verra sans mourir. » C'était en effetl'opinion daus l'antiquité qu'on mourait quand onavait vu les Dieux.

S'il est permis de joindre ici le profane au sacréon peut remarquer que Sémélé mourut pour avoirvoulu voir Zeus, que nous nommons Jupiter, danstoute sa gloire. Il faut supposer que quand Moïseparla à Dieu face à face « comme un ami à un ami »il y avait enti'euxune nuitée pareille à celle qui con-duisait ks Hébreux dans le désert; autrement ceserait une contradiction inexplicable : car ici Dieu nelui permit point de voir sa facn sans voile il luipermit seulement de voir son deirière.

Ces choses, ajoute Voittire, sont si éloignées desopinions, des usages, des mœurs qui règneut aujour-d'hui sur la terre, qu'il faut, en lisant, cet ouvragedivin, se regarder comme dans un autre monde.

. M. ^ Dupont nous a rappelé toutes ces choses

bien à propos. On ne lit pas assez souvent les

textes sacrés, et ceux qui les lisent le moins sontceux qui y croient le plus.

Ainsi, on lit encore dans la Bible (nombreschap. XII, verset 10) :

En ce temps, Marie et Aaron parlèrent contreM. use. ..Aussitôt le Seigneur descendit dans la co -i°Tt

eA î

na6e; il se mita la porte du tabernacle etil dit à Aaron et à Marie : S'il y a entre vous un pro-pnete, je lu apparaîtrai en vision ou je lui parleraien songe; mais il n'en est pas ainsi rie Moïse monserviteur : car je lui parle de bouche à bouche:il me voit clairement, et non point en obscurité, nien aucune représentation de l'Éternel. Pourquoi avez-vous donc parlé mal de mon serviteur Moire, etc..

Et Voltaire remarque encore dans sa note :

b^lZ *&* ici

, 1U'U ?arIe toujours bouche àS™Mowe; cela semble contraire à ce qui est

derrière ^ °leU ne M pemit dele voir W ar

Si c'est là ce qu'on appelle la gloire, on peut dire

avec Bossuet: Vanitasvanitatum,omniavanitas.

Révélations sur la Franc-Maçonnei

Nous comptions dire quelques mots du deuxième vol

que Léo Taxil a publié; mais le maçon radié mf|

remis au service du cléricalisme écrit de telles absu

qu'il n'y a plus à s'occuper de cette publication. Au m

des textes copiés dans les ouvrages maçonniques et do

comme révélations précieuses à ses lecteurs crédules

les contes qu'il glisse à la grande joie des sous-sacristises collaborateurs pieux :

« L'histoire prouve , par les assass inats politim

que les sociétés secrètes ont le coup de l'art,

carotide. Depuis Rossi, en 1848, jusqu'à Gai

Morino, en 1875, presque toutes les victimes

la Franc-Maçonnerie ont été frappées de lam(manière.

« Une école du poignard existe, a-t-on le d

de dire, au fond des arrières-loges. La méth

est simple, il suffit de deux fanatiques coqupour faire le coup. »

Et voilà comment M. Taxil explique le procédé :

« On laisse passer devant soi l'homme à as:

siner. Le premier meurtrier, venant par demi

appuie avec familiarité sa main sur l'épaule dr<

de l'individu désigné aux vengeances maçonnim

celui-ci instinctivement tourne la tête de ce ci

et le second meurtrier, qui s'est tenu aussi

derrière, mais à gauche, n'a plus qu'à tranc

d'un coup net l'artère carotide de gauche quevictime a tendue. »

Et M. Taxil ajoute que les chevaliers Kadoschoccui

leur temps dans les loges à s'exercer sur des manneq

à ce fameux coup.

Il va sans le dire, que si le scribe auquel on dicte de t<

inepties y avait cru un seul instant, il se serait bien ga

d'écrire son ouvrage contre les Franc-Maçons, et ai

craint pour lui-même le coup de la carotide.

Et comme les gens à la solde desquels s'est mis 1

athée, président du congrès de l'athéisme, à Rome, ne

culent devant aucunes invraisemblances, tant ils ont

fiance en la bêtise humaine, à laquelle ils offrent 1

miracles en pâture, ils font dire encore à leur homme :

« Quanta moi, — c'est ici une opinion pera

nelle que j'émets, — je vois la main de la Frai

Maçonnerie dans la mort de Gambetta. »

Voilà l'inconvénient de confier la rédaction des pamph

à des sous-ordres ; ils tombent bientôt dans la charge

l'œuvre qu'on les a chargés de préparer, devient une a

contre le parti même qu'ils servent sans intelligence. C

ainsi que les miracles, où la sottise le dispute à l'ig

rance,,ont nui si gravement à la religion. En vain, les

prits supérieurs, dans le monde catholique, ont essayé

couper « leur queue », comme ils le disaient à propos

Gambetta, ils n'ont pu résister à la poussée des sous-

cristains. Il a fallu accepter la canonisation du mendii

pouilleux, Saint-Labre, on a dû supporter la série des :

racles ridicules qui encombrent les publications desdévo

Où cette débauche d'inventions folles s'arrêtera-t-el

sans doute lorsqu'il sera trop tard pour revenir en arrii

et reprendre la voie que lés chefs du protestantisme

prudemment tracée aux fidèles du christianisme.

C'est déjà par cet excès de religiosité que le paganis

est tombé dans la risée publique ; le nombre indéfini

saints mène à la même fin que la multiplication des di

des païens. Les défenseurs du catholicisme, dans le ge:

de Léo Taxil, accélèrent cette débâcle.

Le Célibat Ecclésiastique

Les tribunaux ont été appelés à s'occup

dans ces dernières années surtout, d'un certi

nombre d'atteintes à la morale publique commi

par des ecclésiastiques ou par des institutei

congréganistes. Il ne semble donc pas hors

propos d'examiner la question du célibat <

prêtres et des frères de la Doctrine chrétien

et de rechercher si la position anormale et con

nature faite à ces hommes dans la société n

derne, n'entre pas pour la plus grande part di

les crimes et dans les délits qui, chaque ann

en amènent un nombre de plus en plus consiirable devant les tribunaux.

Aussi aurons-nous plusieurs fois l'occasion d''

tretenir noslecteursde ce sujet, et d'étudier po

par point, dans ses origines et dans ses coni

quences, cette importante question du célibat (prêtres.

Pour aujourd'hui, nous ne pouvons résister

désir de placer sous leurs yeux quelques pa£

empreintes d'une noble et profonde éloquence q

nous empruntons aux derniers chapitres d'un In

couronné par l'Académie Française, l'Educatides Familles.

Ces pages, écrites il y a un demi-siècle, se

dues à la plume d'un des nos compatriotes lyo

nais, l'ami et le disciple de Bernardin de Saii

Pierre, AIMÉ MARTIN. Cet homme, bon par exe

lence, spiritualiste convaincu, religieux jusque

fond de l'âme, ne saurait être accusé demenson

ou de partialité que par quelques esprits autoi

taires ou prévenus. Mais tous ceux que n'égare

point une foi aveugle ou intéressée accord ero

l'attention qu'elle mérite à cette étude magistra

où l'auteur dévoile, avec une force et une orig

nalité admirables, la conception gigantesque, s

blime par son audace, satanique par ses résultat

qui a présidé à l'établissement du célibat dprêtres, violant en même temps et les droits- di

Page 3: 1885 - Le Franc Maçon n°11 -  5-12 décembre 1885 - 1ère année.pdf

LE FRANC-MAÇON

peuples, et les doctrines de l'Evangile, et les lois

de la nature.

Le célibat des prêtres est-il un dogme fondamentalde la foi, dont l'examen ne puisse être soumis sans

sacrilège à la raison humaine ?Ce n'est pas un dogme de la foi, puisqu'on le re-

trouve chez les païens et chez les idolâtres longtempsavant la religion de Jésus-Christ.

Ce n'est pas un dogme de la foi, puisque dans laprimitive Église, les prêtres se mariaient, et -qu'aucundogme fondamental ne saurait dater du v« ou du

xnc siècle.Ce n'est pas un dogme de la foi, puisque le pape

conserve le droit de séculariser les prêtres, c'est-à-dire de les rejeter da, s le siècle, en brisant le vœude chasteté, et que tous les droits du pape s'arrêtent

devant les dogmes de la foi.Le célibat est donc tout simplement un objet de

discipline ecclésiastique. Établi dans l'intérêt maté-riel de l'Église, on peut examiner s'il est dans l'in-térêt moral des peuples ; car il ne s'agit plus de savoirce qui convient â Rome, roais ce qui convient à l'hu-

manité.Et toutefois, ce qui convient à l'humanité est au-

jourd'hui ce qui convient à Rome. Le salut du sacer-doce est remis à son propre bon sens. En traversantdix-huit siècles de barbarie et de lumière, ses yeux,comme ceux du genre humain, ont eu le temps des'ouvrir : le voilà au bord d'un nouvel horizon ; yarrivera-t-il la tête cachée sous le froc, le visagesouillé de cendre, la main armée d'une discipline,sous les regards de l'intellig mee et de la liberté ?

Et pour briser ainsi la loi de la nature, de quelprétexte, de quel argument ostensible le clergé vient-il

s'appuyer ?Le grand argument de saint Jérôme était celui-ci :

« Lorsque Jésus-Christ fit son entrée triomphante àJérusalem, il n'était pas monté sur un âne, mais surun ânon, c'est-à-dire sur un âne vierge. •

Du temps de saint Jérôme cet argument parut sansréplique ; mais aujourd'hui, quel ecclésiastique, queldocteur oserait le présenter sérieusement ? Il est vraique sur ce point la nouvelle théologie ne donne pasde meilleures raisons que l'ancienne, seulement sesraisons sont moins bouffonnes...

Les enseignements divins n'ont pas moins de forceque les lois naturelles. Partout ils supposent le ma-riage des prêtres, et le supposer sans le défendre,c'est l'adepter. « Que Tévêque soit le mari d'une seulefemme, » dit saint Paul. « Établissez les prêtres selonl'ordre, c'est-à-dire maris d'une seule femme, » ditencore saint Paul. Remarquez bien ces mots selonl'ordre, c'est-à-dire selon les lois de la nature. Etailleurs, lorsque, emporté par son zèle, il préconise lecélibat, il se hâte d'ajouter : « Et quant à la virgi-nité, je n'ai reçu aucun précepte du Seigneur, et ceque je dis est «ri conseil que je donne. » Ainsi, lemaître n'a fait aucun commandement ! ainsi, le dis-ciple n'ose donner qu'un conseil! Évoques de nosjours, où donc est votre autorité pour parler unautre langage que les apôtres ?

Je cherche la mission des puissances ecclésiasti-ques, et je leur demande de qui elles ont reçu le droitd'imposer aux hommes des obligations contrairesaux lois de la nature, et qui rendent le salut impos-

sible.En créant des vertus imaginaires, les prêtres ont

créé des vices et des crimes réels. C'est ainsi quele célibat, au lieu d'établir la pureté, est en mêmetemps le véhicule de la débauche, le scandale dumonde et le suicide du genre humain.

Plus les textes sont précis, plus on s'étonne deleur violation. Comment Rome osa-t-elle les effacerde son livre à la face du monde ? Question immense,qui ne peut se résoudre que par celle-ci : Dans quelbut le célibat fut-il institué ? Ici se découvrent à nos

yeux les plus secrets ressorts de la puissance et dugmvernement pontifical. Conception gigantesque,création audacieuse, qui réalisa un moment,au milieudes peuples, la monarchie universelle. Les conqué-rants l'avaient rêvée ; l'Église pacifique l'exécuta :un peuple de moines devint un peuple-roi. La démo-cratie ia plus large dans les mains du despote le pluspuissant: un mortel dont la parole est infaillible;un juge dont les jugements sont sans appel; unmaître des trônes et des consciences qui fait ies roissur la terre et les saints dans le ciel; un demi-dieuqui règne sur les âmes, et dont la volonté inflexibleimprime une seule pensée, une seule croyance, unseul mouvement à tous les peuples de l'univers; voilàRome et sa loi.

Quel génie superbe, dans un jour de dédain, osadire le premier : Je bâtirai une cité savante sur latête des nations barbares, j'appuierai une républiquelibre sur les trônes des despotes mes sujets. Armantceux-ci d'intelligence, ceux-là de stupidité, suivantle besoin, je couvrirai le monde de mes soldats,capucins, chartreux, minimes, cordeliers, carmes,récolets, jésuites ; armée sainte qui ne meurt jamais,armée dévorante qui mendie à la porte des chau-mières le dernier morceau de pain du pauvre, etreçoit sur les marches des temples les hommages etles supplications des rois ?

Quel génie infernal, jetant ses fik-ts sur le monde,imagina de le dominer par le fouet, par le jeûne etpar le martyre, étendant partout sa discipline, luidonnant la force d'une loi politique, et réglant la viedes nations comme la vie des monastères ; ayant uneoreille dans tous les temples pour recueillir les secretsd'un monde qu'il maudissait, et des yeux sur tout leglobe pour veiller à l'accomplissement d'une seuleloi, à la gloire d'une seule volonté ?...

Ainsi, la société religieuse domina la société civile,et L'Occident barbare s'étant réuui dans une seulepensée qui venait de Rome, il arriva que Rome futproclamée une seconde fois la capitale du monde.

C'est alors que la terre, livrée à des convulsionseffroyables, offrit le terrible spectacle des croyancesimposées par le fer et par le feu. Alors le dogme par-courait le globe chargé de piloris, de haches, detenailles, de poignards, le regard féroce, l'attitudehypocrite ou menaçante, avec ses cent mille livréesmonastiques, depuis la bure jusqu'à la pourpre,depuis l'ignoble capuchon jusqu'à la tiare aux troiscouronnes, d'une main demandant l'aumône, del'autre tenant l'épée et fendant la tôte des rois em-brassant la terre pour l'enchaîner, égorgeant lesnations pour les convaincre, se disant l'héritier decelui dont le royaume n'est pas de ce monde, et répé-tant avec une infernale audace les paroles de Satansur la montagne : « Tous les royaumes de la terresont à moi I «

Tel fut l'empire du gouvernement pastoral. Ajoutezqus ses lévites et ses moines levaient la dîme surtoutes les nations; qu'héritant toujours et ne léguantjamais, les richesses de l'univers s'accumulaient dansses temples; que, s'attribuant le monopole de l'édu-cation publique, il dictait les pensées de toutes lesgénérations et leur imposait ses doctrines ; que,faible, il régna par le martyre ; que, fort, il régnapar le bûcher ; que, seul enfin sur le globe, il hono-rait l'intelligence en lui donnant les dignités que lemonde n'attribuait qu'à la noblesse, et l'on recon-naîtra d'un coup d'œii l'origine de son pouvoir etles espérances de son ambition... Système sublime parson audace, satanique par ses résultats, à la duréeduquel il n'a manqué qu'une condition : l'immobilitédu genre humain...

Quelle surprise, lorsqu'en jetant les yeux sur cetteBabel, dont la cime croulante se perd dans les cieux,on vient à reconnaître qu'elle n'a d'autre appui surla terre que le célibat ecclésiastique. Donnez, en

effet, à l'armée de Rome une autre patrie que Rome,une autre épouse que l'Église, un autre souverainque le pape ; mariez les prêtres, en un mot, et l'utopiethéocratique s'évanouit comme un songe. Ainsi, lecélibat fut institué dans l'intérêt de la puissanceuniverselle : « Nous proscrivons le mariage, s'écrientles évêques du concile de Trente, parce qu'il détour-nerait l'affection des prêtres vers leurs femmes etleurs enfants, et les détacherait d°, la dépendancede l'Église en leur donnant une famille et unepatrie. » Et comme si ces paroles n'étaient pasassez claires, ils ajoutent aussitôt : « Permettre auxprêtres de se marier, ce serait briser la hiérarchieecclésiastique et réduire le pape à n'être plus quel'évoque de Rome. » Écoutez, chrétiens, voilà que,de l'aveu des prêtres, le prêtre ne doit avoir nifamille ni patrie! Écoutez, chrétiens, et ne croyezpas qu'il s'agisse de la pureté du passeur ; il s'agitde posséder le monde et non de le sanctifier !

En terminant notre précédente étude, nous ci-tions un aveu précieux à retenir de saint Tho-mas d'Aquin, aux termes duquel ce théologienreconnaît : « que l'on ne rencontre pas, dans lessaintes Ecritures, la confession auriculaire ».

Un jésuite, disions-nous, a trouvé cependantou cru trouver le moyen d'effacer ce qu'un, pareilaveu pouvait avoir de désagréable pour l'Eglise,et remontant plus haut (on n'est pas jésuite pourrien), il a découvert jusque dans le Paradis ter-restre des confessionnaux où nos premiers pa-rents allèrent humblement confesser leur péchéde désobéissance et en recevoir l'absolution.

Le même cardinal jésuite a découvert uneautre preuve de la confession dans l'obstinationque mit Caïn à nier effrontément son crime àDieu, l'interrogeant sur la mort de son frèreAbel.

« Voilà certes, conclut M. de Piliers, un bel exemple àla fois de Confession auriculaire et de sincérité ! Etmaintenant je mets l'escobarderie universelle ou catho-lique à la remorque, aujourd'hui, du jésuite Bellarmin,faisant autorité dans l'Eglise, au défi de trouver dans leParadis terrestre et dans tout le culte hébraïque ombre deconfessionnaux où pénitentes et pénitents allassent s'age-nouiller, comme ombre aussi de prêtres, recevant lesaveux circonstanciés des fidèles et les en absolvant de pardélégation de l'autorité divine. D'ailleurs, qui dit trop nedit rien.

« En effet, si les fantasmagories jésuitiques d'un Bel-larmin avaient quelque valeur, il' en résulterait que, loind'être une institution simplement chrétienne, ainsi que leprétend la papauté, suivie en cela par tout le corps épis-copal, sacerdotal, monacal et clérical, la Confession auri-culaire aurait été même une institution primordiale, anté-diluvienne, hébraïqae, etc., et que ne saurait revendiquerle Christianisme lui-même. »

Or, si laissant là le vieux Testament, où l'onne saurait rien découvrir qui touche à la confes-sion, nous abordons le Nouveau, qu'y lisons-nousdéplus fort à ce sujet?

Dans saint Mathieu (III, 6), 'à l'occasion deshabitants de la Judée venant à Jean-Baptiste, ilest dit : « Et ils étaient baptisés par lui dansle Jourdain, confessant leurs péchés » . Mais ,si de ces trois derniers mots, les ergoteurs cléri-caux veulent faire dériver la Confession auricu-laire, il en résultera les absurdités suivantes :

1° Que la confession doit être publique, etnon secrète, auriculaire;

2° Qu'elle ne doit pas être faite au prêtre,Jean-Baptiste ne l'étant pas ;

3° Qu'on ne doit la faire également qu'avantle baptême ;

4° Qu'elle est une institution de Jean-Baptisteet non du Christ ;

5° Que le Concile de Trente a dit là-dessusdeux faussetés manifestes, savoir : « D'abordqu'il l'institua seulement [après la résurrection,puis, qu'il l'institua pour les seuls péchés com-mis après le baptême » .

Or, il est de notoriété que l'Eglise papaleenseigne absolument l'opposé des cinq conclusionsque tire avec raison M. des Piliers.

De plus, si la Confession auriculaire étaitnécessaire à la rémission des péchés commisaprès le baptême, elle serait mentionnée avecclarté dans l'Evangile et surtout dans les textesconcernant ladite rémission.

Eh bien, dans les quatre évangélistes, ainsi quedans les Actes des apôtres, les Epitres de saintPaul, de saint Pierre, etc., il n'est trace en rien,ni de confessionnaux où siègent les prêtres, ni defidèles allant s'y mettre à genoux, pour déclarerleurs péchés et en recevoir l'absolution.

L'apôtre Jacques (V, 6) parle bien de l'aveumutuel que nous devons nous faire en toute ré-procité, les uns aux autres des torts que nousavons eus, mais il ne dit mot d'une confession àfaire à un prêtre que nous n'aurions pas person-nellement offensé.

« Si Nicolas offense Jules, ce u'est point à Joseph,« impuissant à lui pardonner, qu'il doit avouer sa faute,« c'est à Jules qu'il est tenu d'exprimer ses regrets : c'est« Jules seul qui peut remettre à Nicolas l'offense reçue« de lui.

« Mais, à quoi bon alléguer d'autres textes ? poursuit« M. des Piliers, il est avéré, par tout ce que nous venons« de voir, que la Confession auriculaire est une invention« papale, antichrétienne et condamnée expressément par(( le silence éloquent de l'Evangile. »

En effet, n'est-elle pas absolument nuisible à lafoi? Si le chrétien peut se racheter par la confes-sion, ne réduit-il pas à néant la rédemption parle Christ ? Lé confessé croit qu'il a payé son par-don en accomplissant la pénitence à lui imposéepar le confesseur, et se tenant quitte envers Dieu,rien nel'empêchera de pécher encore. Il se dit quesi l'on achète une marchandise et qu'on la paie auprix convenu, l'on ne doit plus rien au négociantqui l'a vendue. Et, à ce point de vue, il a raisonetpeut légitimement se croire libéré envers Dieu.

« Le mode absolument mercantile du pape, dit l'autenr,« endort le pécheur dans ses fautes, et ses vices, sans effa-« eer les premières ni corriger les seconds, le malheureux« n'est ni pardonné, ni changé ! >> (A suivre.)

La Séparation fie l'Eglise et de l'EtalAu moment où l'on se préoccupe à juste titre

des moyens de rendre à î Eglise et à l'Etat leurindépendance réciproque, nous croyons devoir si-gnaler un travail des plus ingénieux qui vientd'être fait.

Pour faciliter l'étude de cette intéressantequestion, la loge la Ijumière, de Neuilly-sur-Seine, vient de faire imprimer le Concordat et lesarticles organiques qui en réglementent l'appli-cation.

La loge la Lumière mettra ce document à ladisposition des loges qui en feront la demande,par séries de 10, 25, 50 ou 100 exemplaires, auprix de 11 francs le cent.

^ Une disposition typographique spéciale, permetd'inscrire des annotations en regard de chaquearticle.

S'adresser à M. Petitfrère, 94, avenue deNeuilly, à Neuilly-sur-Seine.

Noue reviendrons dans notre prochain numéro,sur cette brochure, que nous nous bornons à si-gnaler pour aujourd'hui.

Petits Dialogues niilosoBiips

DIXIÈME DIALOGUE

Le sympathique Léo Taxil, le recommandableauteur de l'ouvrage édifiant intitulé les Frères troispoints, voit revenir chez lui le révérend père jésuiteavec lequel il s'était quitté un peu froidement lasemaine passée.

Le bon père. — Mon cher enfant

Léo Taxil. — Vous ne m'appelez donc pluscanaille ?

Le bon père. — Oubliez, mon cher enfant,un mot que je regrette, je n'avais pas lu la fin devotre excellent ouvrage, mais maintenant toutvous est pardonné.

Léo Taxil. — Ah ! j'y suis. C'est parce que j'aigravement raconté que les francs-maçons avaientassassiné Gambetta.

Le bon père. — En effet, cela c'est assez gentil,mais je vous avoue que je n'ai pas pris cetteénorme bourde plus au sérieux que ne le ferontvos lecteurs et ce n'est pas ce qui m'a enthou-siasmé, v

Léo Taxil. — Ah ! je vois, c'est quand j'aiaffirmé que tous les crimes restés impunis étaientdes exécutions de francs-maçons, condamnés parleurs frères ! On condamne un malheureux, onle fait passer dans un couloir étroit, on l'appelle,il tourne la tête, et crac ! le bourreau profite de cemouvement pour lui couper la carotide, c'estsimple comme bonjour et ça se pratique couram-ment.

Le bon père. — Hi ! hi ! hi ! elle est biendrôle, et vous avez tout de même une richeimagination ! mais ce n'est pas encore cela quim'a charmé.

Léo Taxil. — Alors, c'est la divulgationde tous les signes et mots...

Le bon père. — Non, non, mon ami, c'est lechef-d'œuvre d'invention : les loges de femmes,la maçonnerie des deux sexes, voilà une trou-vaille, voilà ce qu'il faudra soigner dans votreprochain volume.

Léo Taxil. — Je vous avouerai entre nousque ce n'est pas vrai du tout. Il n'y a point defranc-maçonne, il n'y a point de « loges d'adop-tion, » et j'ai glissé simplement cette bourde à lafin de mon second volume pour allécher la curio-sité des badauds et pousser à la vente du tomesuivant.

Le bon père. — Mon Dieu! peu importe qu'ily en ait ou qu'iln'y en ait pas , pourvu que vousledisiez 'carrément, on vous croira ou à peu près.

Léo Taxil. — Seulement je me demande oùje vais trouver un rituel, des statuts, des céré-monies.

Le bon père. — Nous organiserons cela en-

semble. Voyez-vous, mon cher enfant, si nousarrivions à jeter un soupçon dans le public, si nouslivrions au vent de la calomnie cette colossalemystification des loges de francs-maçonnes affiliéesà des loges| de maçons supérieurs , nous aurionsporté un coup terrible à l'ennemi.

Léo Taxil. — Comment cela !

Le bon père. — Enfant! vous ne sentez pasque si on parle peu ou prou de mystères maçonni-ques où soient mêlées des femmes, sinous laissonsentrevoir des pratiques plus ou moins inconve-nantes, des promiscuités indiscrètes, nous aurons,par le fait, ameuté contre la Maçonnerie toutes lesfemmes de maçons, jalouses de leurs maris etcraignant que vos contes ne soient une vérité.

Léo Taxil. — Tiens ! tiens ! tiens ! vous avezraison. Il faut raconter même que, pour certainsinitiés choisis prudemment, les loges deviennentde véritables maisons 'de débauche. On le croirad'autant mieux que le compère Fava a eu l'origi-nale idée d'en dire déjà quelque chose d'appro-chant, et si nous donnons une jolie couleur porno-graphique à ce petit roman, nous aurons avecnous l'unanimité des épouses de ces braves gens,qui ne se doutent pas du tour que leur ancienfrère leur prépare.

Le bon père. — Mais ça prendra-t-il ?

Léo Taxil. — C'est bien un peu gros. Mais sila plupart en rient, quelques-uns en croiront peuou prou. Ce sera autant de gagné.

Le bon père. — Ah ! c'est qu'ils n'ont pas parugober le coup de Gambetta.

Léo Taxil. — Et celui de l'assassinat dans lecouloir ?

Le bon père. — Pas mieux que l'autre. Vousavez eu tort de vous lancer dans de telles pas-quinades. On ne va plus croire maintenant vosmystères maçonniques féminins. Toujours vousfaites des sottises.

Léo Taxil. — Allons, vous étiez enchantétout a l'heure, et voilà que vous allez encore m'in-vectiver.

Le bon père. — Je ne pensais plus â cette stu-pide invention d'assassinat de Gambetta. Il estbien évident que par là vous avez rendu votrelivre sans portée et sans valeur. On ne peutplus ajouter la moindre créance aux affirmationsd'un farceur qui a sérieusement avancé de sem-blables calembredaines.

Léo Taxil. — Ce qui est fait est fait, inutilede récriminer. Donnez-moi plutôt un petità-compte sur mon troisième volume.

Le bon père.— Ah! il vous en faut de l'ar-gent et puis de l'argent!

Léo Taxil. — C'est bien la moindre des chosesque je sois payé du joli métier que vous me faitesfaire.

Le bon père {tirant son porte-monnaie).Aurait, il y a peu de gredins, parmi lés pluscyniques, qui consentiraient à manger de ce pain-là. Nous avons une fière chance d'avoir rencontrécelui-là... Sitnomen domini benedictum.

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LE FRANC-MAÇON

LES DOMES Eï LA DOGMATIQUECertaines questions abstraites trouvent diffici-

lement place dans les colonnes d'un journal quo-tidien, lu de tous, mis à la portée de chacun etcritiqué par tous ; mais l'organe autorisé decitoyens qui tendent à un même but : l'émanci-pation de la pensée humaine, doit offrir l'hospita-lité à toutes les argumentations justes et vraies,jetant à terre, vouant au ridicule, je dis mieux,dénonçant au mépris public ce vain fatras d'er-reurs, de superstitions, que les faillibles d'unautre temps aussi bien que les infaillibles d'au-jourd'hui ont dénommé : les dogmes et la dogma-tique. Je n'entends pas traiter à la légère et encritique inconscient semblable matière, mais jetiens à jeter un coup d'œil d'ensemble sur leserrements de ceux qui, s'intitulant Pères del'Eglise, cardinaux, ou papes, membres des con-ciles ou des sacrés collèges, ont jeté leurs ana-thèmes â la face de tout ce qui a été progrès,intelligence et raison et qui viennent encore au-jourd'hui lancer leurs foudres contre la vie intel-lectuelle, vie qui n'est morale que parce qu'elleest intelligente.

A une époque où penser était un crime, unvaillant lutteur, un des précurseurs de l'ère deliberté, longtemps absorbé parle dogme et, sonhistoire, s'indignait, et brisant une chaîne déjàvermoulue pour s'adapter un collier quelque peumoins lourd, s'écriait devant un monde encorefanatisé : « Je ne veux point servir ! — J'ai nomméLuther, qui, s'il eût vécu à notre époque, eûtd'un seul coup renversé ce pitoyable échafau-dage de non-sens et d'anomalies, et certes n'eûtpoint été enseveli sous ses ruines toutes de pous-sière et d'ombre.

En effet, raisonnons, et sans lieux communsétablissons ce qu'est ou doit être le dogme : il estbien évidemment basé sur des appréciations per-sonnelles, sur des interprétations de mots oud'idées qui toutes sont le propre de penseurs etde traducteurs agissant de parti pris et faisantservir leurs élucubrations parfois ridicules, et leplus souvent malsaines, aux différents et nom-breux besoins de leur cause. Personne ne doutede ce fait, établi par l'histoire de l'Égliseelle-même et par ses écrivains les plus autorisés,que le dogme est indiscutable, qu'il est une affir-mation sans appel, et que — singulière anomalie— tout en étant immuable, il peut en temps etlieux subir les plus singulières des modifications,à la condition expresse pourtant que la dernièreédition parue ne soit revue et augmentée que pardes gens quelque peu égoïstes et un peu plus pré-tentieux.

Comment ! on m'ordonne de croire ce que d'au-

tres ont cru, on m'affirme que telle chose estvraie, et on veut défendre à ma raison de con-trôler telle ou telle de ces affirmations, on mereconnaît le droit de servir, mais rien ne m'au-torise à entrer en communication directe avec laforce qui me commande ! N'est-ce pas l'histoiredu vieux sergent qui punit parce que subsidiaire-ment vous avez tort et qui punit encore dans lecas contraire parce que subséquemment vousn'avez pas le droit d'avoir raison ou tout au moinsde le dire. Croyez, dit le dogme, c'est la foi quisauve; servez et obéissez, dit le prêtre, car sivous n'êtes pas asservis, vous ne pourrez pascroire. Nous sommes concile, réunion de gens àpart, rabbins, prêtres ou pasteurs, nous avonsmission de régenter vos consciences, et nous vousordonnons, naïves brebis, de par un droit de su-périorité sur vous que nous nous sommes toutsimplement arrogé, de croire à tout ce qui nousparaît être vrai! S'il y a des disputes entre nous,il ne saurait y avoir chicane entre vous; car,bien que nous ne soyons jamais d'accord, noussommes dans une sphère trop élevée pour quevous puissiez avoir voix au chapitre, et quand,tous tant que nous sommes nous vous crions :mystère, nous savons aussi vous crier : silence!

Sur pareil texte, on pourrait parler à l'infini,mais qu'il me suffise de me résumer en quelquesmots et de dire qu'il est un devoir pour nous d'é-tablir dates, époques et histoire en main l'inutilitédes dogmes, leur origine, leur durée et surtout lerôle persistant qu'ils ont joué à travers les sièclescontre tout ce qui a été progrès, raison et liberté.Peut-être aurais-je bientôt l'occasion de traiterplus à fond ces questions, qui abstraites, de primeabord, sont sans portée pour tout être pensant etraisonnant, pour tous ceux qui, quoiqu'on en dise,ne veulent pas mettre leur conscience et leur in-telligence au service d'une triste cause.

Lyon. — Bourgeois, notre nouvelle premièrebasse, vient d'accomplir brillamment ses débuts.Il a été accepté avec acclamations, après la bellereprésentation de la Juive, où Merrit, en posses-sion de tous ses moyens, l'a secondé avec unsuccès de bon augure pour Guillaume que notretrop timide ténor se décidera sans doute à chan-ter devant ses compatriotes.

Pendant ce temps, on travaille ferme aux répé-titions d'IIerodiade, qui paraîtra, dit-on, du 10au 12 décembre et que Massenet viendra, lui-même, mener à la première représentation.

CÉLESTINS. — Calme plat , en attendant laféerie des Pommes d'Or, pour laquelle la direc-

tion a engagé une nombreuse figuration et quel-ques étoiles parisiennes de première grandeur.Cette nouveauté attirera sans doute à notre théâ-tre de comédie un public rebuté par la monotonied'un répertoire connu, qu'interprètent des comé-

diens plus connus encore.BELLECOTJR. — Le Voyage en Suisse est suivi

maintenant de Divorçons, que la toute charmanteMarie Kolb joue avec' son incroyable bonne hu-meur, en attendant qu'elle nous donne, la se-maine prochaine, une nouvelle et charmanteédition de Ma Camarade. On conçoit qu'untel programme fasse salle comble et que le cais-

sier se frotte les mains.Marseille. — Mon prochain courrier vous

donnera le tableau officiel de la troupe de no-

tre Grand-Théâtre.M. Campo-Casso, notre directeur, va probable-

ment communiquer au public, dans le courant decette semaine, par la voie de la presse et desaffiches, les noms des artistes engagés.

L'ouverture reste provisoirement fixée au 7 dé-cembre. Cette date est, d'ailleurs, la dernière limitequi est assignée par le cahier des charges pourl'inauguration de la saison.

A l'heure actuelle, la troupe est à peu prèscomplète. Voici les artistes engagés :

MM. Salomon, fort premier ténor de grand-opéra ; Lamarche, premier ténor de grand-opéraet de traduction ; Dereims, premier ténor léger etde traductions ;Michaeli, deuxième ténor léger despremiers; Blaverie, baryton de grand-opéra;Poirier, baryton d'opéra-comique ; Louyrette,basse noble ; Desmets, basse chantante de grand-opéra; Degrave, basse chantante d'opéra-comique;Henry, basse; Dervilliers, ténor comique, trial;Nief, laruette.

MMme"Dargy,forte chanteuse falcon; Vidal, fortechanteuse Stolz ; Wereyden, première chanteuselégère ; Darcel, deuxième chanteuse légère ;Mendès, première Dugazon; Moraldy, deuxièmeDugazon ; Durand, duègne.

M. Campo-Casso a, en outre, signé pour desséries des représentations avec MM. Faure etBoudouresque et avec M118 Dufrane ; cette der-nière, ainsi que je vous l'ai déjà annoncé, ne chan-tera qu'à partir du 15 décembre et pendant deuxmois seulement.

La direction du Gymnase nous a donné, jeudisoir, la première d'une opérette jouée il y a deuxans et demi aux Folies-Dramatiques de Paris : laPrincesse des Canaries, opéra-bouffe en troisactes, de MM. Chivot et Duru, musique de Ch.Lecocq.

La pièce est bête comme tout, mais elle faitbeaucoup rire. L'interprétation en est bonne etles toilettes des chanteuses sont ravissantes. Telleest l'impression générale qu'elle m'a produite.

L'impartialité, d'ailleurs, me fait un devoir

de constater que les directeurs de notre deuxièm,scène font tous leurs efforts pour localiser les co.médies nouvelles, en les disputant aux « tournéesparisiennes à l'usage externe. »

Ainsi, outre Antoinette Rigaud et la Priacesse des Canaries, qui figurent tour à tour surl'affiche, nous pourrons applaudir incessammentau Gymnase, Mon Oncle, folie-vaudeville entpoisactes, et les Maucroix, comédie en 3 actes cbThéâtre-Français, par Albert Delpit.

Bordeaux. — GRAND -THÉÂTRE. — Cettesemaine, première reprise de l'Africaine, Mm8 La.ville-Ferminet (Sélika) n'était pas disposée , effln'a obtenu qu'un demi-succès dans ce rôle, niest un de ses meilleurs. Elle nous doit une rêvaitche, nous n'attendrons pas longtemps.

M. Lestellier (Vasco de Gama) a été d'un boulà l'autre excellent et a obtenu un franc et légitimesuccès. (Nélusko) comme toujours a remporté, ciqui est justice , un vrai triomphe. Au quatriènifacte, après avoir enlevé l'andante : Encore ce siorifice, d'une façon au-dessus de tout éloge $l'allégro : Ecrase-moi, tonnerre ! il a été rappelé

MUe Delcroix (Inès) il faudrait trop dire, il vanmieux se taire.

M. Tapiau , est bon. — M. Paravey (le graininquisiteur) est toujours le même, excellent.

Les autres rôles sont bien tenus. — L'orchestresous l'habile direction de M. Mézeray , ne laissjrien à désirer.

A bientôt le Prophète. Le Pardon de Plofomet et Sigurd... Nous aurons donc de bonne!soirées à passer cet hiver. Nos félicitations à-Jdirection.

Théâtre Français. — Rien de nouveaitoujours les Exilés. — Cependant nous avons eitrois représentations de Mounet-Sully, dans RuuBlas.

PETITE CORRESPONDANCESoMtter. — Grenoble. — Nous vous remercions vi

ment de votre communication, dont nous prenons HOMalheureusement, la ligne de politique générale du Fra:Maçon, ne nous permet pas de publiar la question poidans votre lettre.

Elles trouveront mieux leur place, dans un journal delocalité.

C**\ employé. — Nous sommes très touchés de volettre et nous vous en remercions ainsi que ceux qui (bien voulu s'associer à votre sympathique pensée.

E. de Yizille. — Vos réflexions sont malheureusemfondées, mais ne pensez-vous qu'il ne serait peut-être [très à propos de les publier isolément, Nous pensons qvaut mieux leur donner une place incidemment dans unnos prochains articles. Merci toujours.

Ulliac. — Lettre reçue trop tard, au moment de la nien pages; mercredi matin, nous la soumettrons au prochcomité de rédaction. Merci et bien à vous.

Le Gérant : PONCETT~

Imprimerie Nouvelle lyonnaise, rue Ferrandière, 52(Association sjadicale des Cimiers typographes

TRIBUNE DU TRAVAILNous ne saurions adresser de

trop pressants appels à la solida-rité maçonnique, en présence dela crise industrielle et de la misèresociale qui sévit partout. Nom-breux sont les gens de tout âgeet de toutes conditions qui vien-nent aux bureaux du journal,réclamer souvent de quoi vivre.

C'est un acte d'humanité quenos correspondants rempliraienten nous adressant des Offresd'Emploi. Nous les remercionssincèrement de prendre note decet avis.

Dans le prochain numéronous commencerons la publi-cation des Demandes et Offresd'emplois.

MAISONS RECOMMANDÉESPour répondre à diverse» demandes

qui nous ont été adressées, nous nousempressons d'informer nos abonnés quenous sommes tout disposés à insérergratuitement, dans chaque numéro, sousla rubrique maisons recommandées,l'adresse de leur maison de commerce.

Les personnes qui auront une annoncedans le journal conserveront leur adressedans les maisons recommandées tant quedurera leur annonce.

Pour nos autres abonnés l'insertionne sera faite que pour un numéro afind'établir un roulement entre eux. Cepen-dant moyennant 0,25 c. par insertion, ilsauront le droit de la renouveler à leurgré.

Pour les non abonnés, le prix del'insertion dans les maisons recomman-dées sera de un franc pour la premièreinsertion e.t de 0,50 cent, pour les sui-vantes.

Pour obtenir l'insertion, nos abonnésn'ont qu'à la demander par lettre oucarte postale, si possible, en donnant letexte.

CHAUX-DE-FONDS (Suisse). — Ch. Aubry,buffet de la gare.

GENÈVE. — Grand café delà Couronne.CHATKLLERAULT (Vienne). — Grand hôtel

de l'Univers. Recommandé aux voyageursde comaaerce.

POITIERS (Vienne). Grand café Tribot, enface de la gare, consommations de 1er choix.

BOURGES (Cher).— Grandhôtel delà Bou-cle d'or.

GUBRET (Creuse). — Hôtel Rousseau, aucentre de la villa.