#18 - Indomptables malgré tout

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JUIN - AOÛT 2016 #18 INDOMPTABLES MALGRÉ TOUT LES ENTREPRENEURS CAMEROUNAIS PRENNENT LA PAROLE

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Les entrepreneurs camerounais prennent la parole ...

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JUIN - AOÛT 2016 #18

INDOMPTABLES MALGRÉ TOUTLES ENTREPRENEURS CAMEROUNAIS PRENNENT LA PAROLE

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32. LES PENSÉES DE...

YANN GWET

INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / JUIN - AOÛT 20164

SOMMAIRE

5. EDITO

6. INSPIR’NEWS

31. INSPIR’ECO

34. FOCULTURE

8. TENDANCES10. COUP DE CŒUR

20. OSER INSPIRER

28. CARRIÈRE

24. INSPIR’START-UP

13. INSPIR’INTERVIEW

ILS REGARDENT LE CAMEROUN DU CIEL

PHILIPPE JONG ET JIM BAKOUME,HISTOIRES D’AGRICULTURES

EASY RIDE

QUAND LES CAMEROUNAIS ACHÈTENT SUR INTERNET

LES « PUSH PUSH MEN »

DU CAMEROUN ANGLOPHONE

PIT BACCARDI,LE PARRAIN DE

L’AFRO-POP +237 ?

CIRCA237

ALEXANDRE MBIAM

16. INSPIR’ASSOCIATIONMELTING POT DEVELOPMENT :

JUSTE UN SOURIRE

36. 4 QUESTIONS ÀSTELLA MEKA

ENGAMBA-YINDA

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Couverture : Jim Bakoume, Bee Makina, Sophy Aida, Philippe Jong, Stella

Meka Yinda, Serge Owona Crédits photos, Orphé Noubissi, Studio

DokotiPublicité  : Dju’Events / 06 83 61 87 82. Partenariats / Presse / Recrutement :

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Les photos non créditées proviennent de Google Images et ne sont en aucun cas la propriété d’Inspire Afrika Magazine.

Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite pour tous les articles sauf accord écrit de la Rédaction.

INSPIRE AFRIKA MAGAZINE - Edition 18Juin - Août 2016

RÉDACTRICE EN CHEFJOAN YOMBO

REDACTEUR EN CHEF ADJOINTLOUIS GILBERT BISSEK

DIRECTRICE ARTISTIQUE ALICE AMIEL

REDACTRICE EN CHEF ANGLAIS CHRYS NYETAM

REDACTRICE CULTUREMARIE SIMONE NGANE

TRADUCTIONSRAKY TOURÉ, ANITA BAKAL

RELECTURESOILA KENYA ET LEYLA ISMAILY

AFRIQUEHYACINTHE ISSOMBO

AMÉRIQUEANITA BAKAL

EUROPEFRANCESCA NGAHANE

ORPHÉE NOUBISSI (Photographe et créateur de Dokoti Events)

BEE MAKINA (Make Up Artist et créatrice de Uzuri Make Up)

DIRECTRICE GÉNÉRALECHRYS NYETAM

DIRECTRICE DE PUBLICATIONJOAN YOMBO

RESPONSABLE COMMERCIALANITA BAKAL

RESPONSABLE JURIDIQUE IVAN NYETAM

LA RÉDACTION

PARTENARIATS

INSPIRE AFRIKA MAGAZINEEST ÉDITÉ PAR

ANINKA MEDIA GROUP

ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO 

« On va faire comment ? Le Cameroun c’est le Cameroun ».Si vous êtes originaire de l’ « Afrique en miniature » et que vous y avez grandi, cette phrase a dû vous bercer. Est-ce encore seulement une phrase ? Il s’agit d’un réflexe cultu-rel. La réponse (quasi) automatique aux aberrations, injus-tices et autres manquements qu’il arrive d’observer sur le sol camerounais. Elle est aussi le reflet d’un état d’esprit  : des citoyens qui se laissent noyer dans le quotidien et la routine, et qui ont oublié qu’ils ont le droit et surtout le devoir d’exiger le meilleur d’eux-mêmes et de la société. Au Cameroun, disons-le, on a parfois tendance à se contenter de (trop) peu.

Mais je reste convaincue que ce qui se passe en coulisses est bien plus intéressant : le Cameroun regorge d’un po-tentiel hors norme, qui ne demande qu’à être exploité. Parmi ses atouts, un secteur agricole porteur (l’agriculture représentait 20% du PIB global en 2014) et une population éduquée (71% de taux d’alphabétisation chez les adultes en

2012). Mais en réalité, la liste est longue…

En 2015, il était le 4ème pays «  le plus entrepreneur  » au monde selon le Global Entre-preneurship Monitor. Ce qui soulève la question de la perception que nous avons de l’en-trepreneur. Oublions le costume, les chaussures bien cirées et les aller-retours en avion. Dans de nombreux pays africains, notamment au Cameroun, l’entrepreneuriat est avant tout culturel… et souvent informel : la plupart des gens ont deux ou trois activités annexes qui leur permettent d’arrondir leurs fins de mois : une échoppe de quartier, une activité de taxi, un « call box » …. Ce qui manque, c’est de professionnaliser ces activités, mais surtout, d’élever les standards.

Pourquoi devrais-je trouver normal que le taxi que j’emprunte le matin soit sale ? Pourquoi devrais-je trouver normal que le « boutiquier  » du coin ne me dise pas bonjour quand je me rends dans son commerce ? Pourquoi devrais-je trouver normal de ne pas être payé(e) en temps et en heure après avoir effectué un service ou une prestation ?

L’éclosion de ce potentiel passera aussi par cette prise de conscience collective.Dans ce numéro, nous vous montrons un aperçu de ce qui se passe en coulisses jus-tement  : des jeunes « Kamers  » qui ont décidé de sortir de la léthargie et de braver les obstacles. De tutoyer le chemin de l’excellence et de redorer le blason du pays. Parce que finalement, être entrepreneur, avoir moins de 40 ans et « être local » ne sont pas (plus) des raisons assez suffisantes pour être médiocres. Ils sont de tous bords : producteurs de mu-sique, architectes, agriculteurs, patrons d’agence…

Leur point commun ? Le sens du travail bien accompli, la rigueur et la culture du résultat.

Bonne lecture !

Rédactrice en chef

ÉLEVONS LES STANDARDS !

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INSPIR’NEWS

La Côte d’Ivoire a désormais sa société de vidéos à la demande

Fondée et dirigée depuis 2015 par Vamehi BAMBA, la société MIABOX a lancé les précommandes pour son service de Vidéo à la demande et de télévision en direct sur Internet. 50 chaînes de télévision (dont 25 africaines) et plus de 5000 heures de films et de séries seront accessibles via le site web et des applications mobiles dès la commercialisation, entre le 1er juin et le 1er juillet 2016. Membre de la French Tech Abidjan, une plateforme qui regroupe les acteurs du numérique en Côte d’Ivoire, MIABOX entend devenir un acteur majeur du marché de la télévision dans le pays.

Le chanteur Blick Bassy sort un livre sur l’immigra-tion (Cameroun)

Né au Cameroun, Blick Bassy vit en France depuis une dizaine d’années. Après avoir connu le succès au Ca-meroun dans les années 90 avec le groupe Macase, le chanteur a déjà sorti deux albums solo. Son style  ? Une musique en Bassa’a teintée de blues américain. A l’été 2015, la marque Apple choisit un extrait de la chanson Kiki pour une publicité. Son premier livre Le Moabi Cinéma est paru le 11 mai. Il y dénonce la ferme-ture des frontières et prône la créa-tion d’un monde sans visas.

L’Afrique accueille un meeting Diamond League d’athlétisme pour la première fois (Maroc)

La Diamond League est organisée depuis mars 2009 par l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme. Elle réunit les meilleurs ath-lètes du monde qui s’affrontent dans 32 disciplines individuelles. Après avoir fait étape en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, le circuit qui compte 14 meetings par an, fait désormais escale à Rabat. C’est la pre-mière fois que l’Afrique accueille la compétition.

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La Banque Africaine de Développe-ment mise sur les TIC et les jeunes

La BAD veut mettre les jeunes et l’innovation au cœur de sa nouvelle approche de réalisation de projets. Elle a récemment lancé le programme iYes (Innovation and Youth Entrepreneurship Support Programme) pour aider les jeunes afri-cains à développer des technologies et des projets innovants. Des ateliers de coaching, des week-ends axés sur les start-ups et des incuba-teurs seront mis en place, de même qu’un pro-

gramme d’enseignement à distance.

La marque de poupées noires “Queens of Africa” va faire son entrée aux USA (Nigéria)

Permettre à chaque petite fille noire de pouvoir s’identifier à ses poupées, c’est le but du Nigérian Taofick Okoya. Il a lancé en 2007 la marque de poupées Queens of Afri-ca, l’une des pionnières en la matière. Fabriquées dans une petite usine de la ban-lieue de Lagos, les poupées se déclinent en différentes versions selon les ethnies du Nigéria. Cet été, Taofick Okova va faire le tour de plusieurs grandes villes américaines

pour rencontrer sa future clientèle et étendre le royaume de ses reines d’Afrique.

L’exposition “Lumières d’Afrique” voyage sur le continent (Sénégal)

Inaugurée en 2015 à Paris, au Théâtre Chaillot, l’exposition Lumières d’Afrique démarre son voyage en Afrique. Com-posée de vidéos, de peintures, de sculptures et de photo-graphies produites par 54 artistes du continent, elle appelle à la mobilisation internationale pour la création d’un réseau d’accès à l’énergie. Après Abidjan où elle s’expose depuis

fin avril, elle s’installera à Dakar pendant le mois de Juin.

Aïda Muluneh, Ethiopie,Darkness Give Way to Light (Chelema le berhane botawen seelek), 2015,

Tirage sur Hahnemühle photorag baryta, 120 x 120 cm ©Aîda Muluneh

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TENDANCES

Il y’a quelques mois, j’assistais à un de ces évènements en plein air dont raffole désormais la jeunesse branchée de Douala. Tout se passait bien, jusqu’au moment où je vis surgir de nulle part deux appareils qui survolaient la foule en extase : tout le monde faisait de grands gestes vers le ciel. J’ignorais de quoi il s’agissait, mais reçus quelques éclair-cissements au sujet de ces deux « choses » qui allaient et venaient au-dessus de nous plus tard : il s’agissait de drones. Pour dire vrai, le nom de ces objets, ainsi que leur usage étaient enfouis quelque part dans ma mémoire. Cette dernière associait les drones à la guerre. Je devins inquiet  : nous étions dans une zone civile en train de mener une activité tout à fait innocente, dans une belle ambiance…On finit par m’expliquer que les drones étaient là pour capturer la beauté du moment…depuis les airs. J’étais fasciné !

 Un drone, est un aéronef non habité et piloté à distance, capable de mener des missions d’ordres civils ou militaires (cartographies ou mis-sions de surveillance par exemple). La plupart du temps, les drones sont militaires, et sont utilisés durant les conflits. Cependant, il existe depuis longtemps, tout un marché de drones civils. Celui-ci com-mence tout juste à s’ouvrir au grand public grâce à des mini-drones ludiques, utilisable autant par les adultes que par les enfants. L’en-

gouement pour ces objets volants en Afrique, est de plus en plus grand, mais les données sur le marché des drones civil, précisément sur le continent, sont rares et précieuses. Dans un article publié par BBC Jonathan Ledgard, Directeur du projet Afrotech, estime que les drones pourraient représenter 10 à 15 % du secteur des transports en Afrique dans la prochaine décennie. Par ailleurs, la règlementation sur les drones civils n’est pas encore assez claire, mis à part au Rwanda. Le pays s’est fait pionnier du secteur en instaurant un cadre légal pour leur exploitation. Il accueillera le premier « Drone-port » du monde, sur les rives du lac Kivu, à Kibuye.Je suis donc parti à la recherche de ce qui se fait au Cameroun dans le domaine, et je suis tombé sur deux passionnés, du petit objet volant.

Le Premier s’appelle Junior Chavez. Plus connu sous le pseudonyme de «camairdroneboy», ce  photographe et cameraman, a monté une entreprise appelée B Tv Media, spécialisée dans les prises de vues aériennes. Cet « artiste du ciel », poste les plus belles images aériennes du Cameroun sur ses comptes Instagram, Snapchat et Facebook, et réinvente ainsi la promotion du tourisme du pays. Il a travaillé entre autres avec le cinéaste Camerounais Jean-Pierre Bekolo, la star montante du Hip-Hop Jovi et des organismes tels que, EDC (Electricité

Par Ludovic NsangouCrédit photo, Camair Drone Boy

ILS REGARDENT LE CAMEROUN DU CIEL

Nous avons voulu republier cet article, qui a été votre coup de cœur sur www.inspireafrika.com durant de nombreux mois. Retour sur la #dronemania au Cameroun. Début d’une tendance ?

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Barrage de Lom Pangar

du Cameroun) et le FEICOM (Fond Spécial d’Equipement et D’Interven-tion Intercommunale).

Patriote, Junior Chavez veut embellir le label Cameroun, d’abord aux yeux de ses habitants et ensuite aux yeux des potentiels touristes et investisseurs : « Le drone nous montre l’image vue d’en haut, ce qui nous permet d’admirer la beauté et d’arranger les défauts. Tout ce que je montre n’est pas forcément beau. Mais ça nous donne une autre perspective, et nous permet aussi de suivre le développement de notre pays par le ciel ». Visionnaire jusqu’au bout, il n’oublie pas les autres secteurs primordiaux pour le développement du pays, auxquels la drone mania pourrait servir : « Le secteur qui en bénéficiera le plus pour moi, c’est l’agriculture. On pourra vérifier nos récoltes d’une manière plus efficace et les multiplier. Par exemple savoir quelle partie de la produc-tion souffre d’un manque d’eau ou de soleil, surveiller les animaux ou insectes qui détruisent les plantes … »

Ma deuxième rencontre s’est faite avec William Elong, jeune entrepreneur de 23  ans, qui se définit comme «  un rêveur sans li-mites ». Les rêves de William l’ont conduit à mettre sur pied le projet Drone Africa. Cette initiative a pour but de déployer une offre de ser-

vices à base de drones au Cameroun et sur tout le continent : «Nous avons cartographié des dizaines de rues de Douala et partagé ces images avec notre partenaire Aymard Bamal, un entrepreneur Came-rounais qui a créé ShoOwer, une application de géolocalisation de ser-vices. Ceci permettra à nos concitoyens de se repérer plus facilement ».Et Pour répondre à la question sur l’apport du drone à l’économie touristique et à la culture Camerounaise, il fait référence à un cas pratique : « Le Ngondo est un des évènements culturels majeurs au Cameroun, nous l’avons présenté sous un angle inédit jusque-là et diffusé les images sur plusieurs plateformes, y compris notre chaîne YouTube. Grace aux réseaux sociaux, nous avons touché plus de 5000 personnes. Avec ces images, certains découvriront une facette positive du Cameroun et voudront visiter le pays. Cela représente des entrées pour les hôtels, les transports, et l’économie dans son ensemble ». Et certains commencent à comprendre les enjeux. Courant Mai, la plate-forme touristique PlanUgo a fait appel à Drone Africa pour couvrir une de ses excursions organisée aux Monts Bamboutos et donner une autre dimension à l’événement.

En observant ces deux amoureux du drone, je ne peux m’empêcher de penser que le développement de l’Afrique pourrait venir du ciel !

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Propos recueillis par Joan YomboCrédit photos, Orphée Noubissi

Inspire Afrika Magazine  : Philippe, vous avez fondé ÜkoFood et Jim, Farmtech. Pouvez-vous nous en dire plus  ? De quoi s’agit-il ? Jim : Farmtech est une solution dédiée aux agriculteurs, qui possède trois principaux piliers : Des notifications par sms sur les prix des vivres dans les différents marchés, sur les données météorologiques, sur les conseils et astuces pour optimiser leur l’activité ; Un Marketplace, où nous mettons en relation les agriculteurs et les acheteurs  ; Des workshops pour apprendre à utiliser Farmtech, et montrer aux agricul-teurs les nouvelles techniques dans leur domaine d’activité.Philippe : ÜkoFood est une marque de produits maraîchers bio lancée en 2014 et distribuée par la société coopérative Pandora Lands. Nous assistons les restaurants de Douala dans leur approvisionnement en vivres frais de qualité supérieure. Nous aspirons à devenir le premier partenaire des restaurants à Douala.

IAM  : Avez-vous effectué des formations en agronomie  ? Philippe dans une tribune, vous expliquiez à quel point il est difficile de se documenter sur l’agriculture au Cameroun, no-tamment lorsqu’on est positionné bio. Où avez-vous appris les bases que vous possédez aujourd’hui ?Philippe : Je n’ai pas suivi de formation en agronomie mais j’ai énor-mément lu sur l’agriculture maraîchère et les différentes branches de l’agriculture. Je me suis beaucoup informé sur internet. Sur le terrain, j’ai mené de nombreux échanges de bonnes pratiques pour pouvoir mener toutes mes cultures à terme. J’ai assisté à diverses conférences et séminaires en France et au Canada. Du point de vue technique, je peux dire que j’ai une solide connaissance du métier.Je pense toutefois que l’information qui manque, c’est l’information

locale. Toutes les connaissances que j’ai pu avoir sur l’agriculture étaient basées sur la réalité occidentale. Or, en fonction des aires géo-graphiques et des climats, on ne pratique pas l’agriculture de la même manière. Quand, elles existent, les informations locales ne sont pas à jour.Jim : Je suis dans la même situation que Philippe. Je n’ai pas suivi de formation particulière en agri-business. J’ai appris sur le tas et je me suis énormément documenté. L’information est toujours disponible si on la cherche vraiment.

IAM  : Peut-on dire que l’agriculture est un secteur « difficile d’accès » au Cameroun ?Jim : Ce qui rend l’agriculture « difficile » à mon sens, c’est la logis-tique. Les routes sont en général mauvaises et il est compliqué de transporter la marchandise des villages aux villes.Philippe : Je dirais déjà que le véritable problème de l’agriculture est en rapport avec le foncier. Il faut avoir des terres à exploiter...

IAM : A ce sujet Philippe comment vous êtes-vous procuré les terres que vous exploitez actuellement ?Philippe : J’ai eu beaucoup de chance, car j’ai une famille qui pos-sédait déjà des terres. Mais autour de moi, je rencontre des jeunes agriculteurs qui sont confrontés à ce problème. Pourtant, à y regarder de plus près, cette difficulté peut être contournée. Beaucoup de chefs souhaitent mettre leurs terres à disposition. Mais il faudrait la motiva-tion et la volonté en face pour que les jeunes acceptent de se rendre dans des zones plus reculées pour exploiter la terre.

IAM : Il existe donc un véritable paradoxe au Cameroun : l’agri-

PHILIPPE JONG ET JIM BAKOUME

H I S T O I R E S D ’AGR ICULTURES

COUP DE CŒUR

Jim Bakoume et Philippe Jong ont deux points en commun : le désir d’apporter un plus au développement du Cameroun, et l’agriculture. C’est dans cette optique que Jim, 22 ans, étudiant en génie logiciel à l’Institut Supérieur de Siantou à Yaoundé, décide de mettre son expertise au service de l’agriculture qu’il identifie comme un secteur porteur. Il lance donc l’application Farmtech. Philippe quant à lui est un « returnee », qui après un diplôme en gestion des affaires à l’UQAM, retourne au Cameroun pour s’adonner à sa passion, la restauration. Sur le terrain, il constate l’absence de produits maraî-chers de qualité sur le marché camerounais et décide de lancer sa propre structure, ÜkoFood, pour pallier à ce manque. Rencontre avec deux jeunes hommes qui n’ont pas forcément choisi la voie la plus facile…

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culture est un secteur d’activité porteur, qui reste pourtant peu attractif, notamment auprès des jeunes …Jim : Oui je le confirme. La plupart de mes camarades ont été surpris d’apprendre que je faisais de l’agriculture alors que j’ai une formation en informatique. Pour eux être agriculteur est un métier dégradant et sale. C’est un cliché qui est ancré dans les esprits. Or, les plus grands agriculteurs au Cameroun sont nos ministres et nos directeurs, ou en-core les grands hommes d’affaires, qui ont des plantations dans leurs villages, et emploient des personnes pour s’en occuper.Philippe : Je suis assez d’accord. Quand je dis que je suis agriculteur, les gens me prennent généralement de haut. Mais je pense que c’est un problème qu’on retrouve partout dans le monde. L’agriculture en général ne séduit pas car, comme l’explique Jim, on l’associe à beau-coup de choses négatives : la saleté, la pauvreté, etc. Au Cameroun, on pense que quand on est agriculteur, on est pauvre. C’est tout simplement de l’ignorance.

IAM  : Philippe, que signifie faire du bio aujourd’hui  ? N’est-ce pas simplement un label pour faire vendre ? L’agriculture en Afrique (en tout cas selon les a priori) n’est-telle pas déjà « bio » ?Philippe : Très bonne question ! Votre dernière observation illustre le préjugé qu’on a souvent sur les agriculteurs et surtout le manque d’in-formation sur ce métier. Les agriculteurs au Cameroun utilisent beau-coup de pesticides et d’engrais chimiques dans leurs produits. Mais en général, puisqu’on associe l’agriculteur à une personne pauvre, on part du postulat qu’il n’a pas les moyens d’acheter ces pesticides et qu’il travaille de manière naturelle. Or, c’est complètement faux. Le mot bio c’est vrai, suscite beaucoup d’incompréhension aujourd’hui. Mais le bio selon ÜkoFood, renvoie vraiment au fait de produire de manière naturelle, simplement parce que nous avons à cœur de fournir des pro-duits de qualité supérieure. Nous sommes en train de mettre sur pied une charte Üko, où nous expliquerons quels sont nos engagements et que signifie le bio pour nous.

IAM : Vous êtes un adepte de la culture sous serre. Qu’est-ce qu’elle apporte en plus par rapport aux autres techniques de culture ? Combien de temps cela prend t-il pour effectuer une récolte ?

La solution ne réside pas dans le fait d’encourager plus de jeunes à se lancer. Il faudrait déjà mettre en place des mesures d’encadre-ment et les outils de performance

pour faire réussir ceux qui sont déjà en activité.

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Philippe : La culture sous serre est la meilleure technique de culture qui existe. Les résultats sont exceptionnels. La serre permet de contrô-ler les aléas extérieurs tels que la température ou encore les insectes, pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, on peut vraiment faire pousser ce qu’on veut sous serre, peu importe les saisons. Le taux de perte en termes de récolte est très bas. Pour ce qui est du cycle des récoltes, nous sommes sur 2 à 3 mois. Ce qui est le cycle le plus court en agri-culture. Ce cycle correspond à tous les produits maraîchers : tomates, piments, poivrons, etc.

IAM  : Jim, une des solutions de Farmtech est de notifier les agriculteurs sur les fluctuations des prix des vivres sur les marchés locaux. En fonction de quoi sont fixés ces prix en gé-néral et comment varient-ils ? Jim : Il existe une véritable variation des prix dans nos marchés. Le prix de la tomate par exemple, n’est pas le même au marché Mokolo et au marché du Mfoundi. Le système de transport est différent, et chaque vendeuse fixe ses prix en fonction de besoins particuliers. Sur la plateforme, les prix seront mis à jour au quotidien. Nous aurons une équipe qui descendra sur le terrain pour nous donner des informations sur les prix de chaque produit. Cela sera fait dans les marchés prin-cipaux de chaque ville et sur la base des produits les plus demandés. L’application sera donc aussi utile aux ménagères, qui pourront savoir quel marché leur offre quel vivre au prix le plus bas.

IAM : D’après vos études, en 2015, 60% de la population came-rounaise était employée dans le domaine de l’agriculture. Ces agriculteurs ne sont pas tous connectés à Internet. Comment comptez-vous procéder pour toucher le plus grand nombre et proposer vos services ?Jim : Tous les agriculteurs ne sont pas connectés à internet, mais la grande majorité possède un téléphone portable et est connectée au

réseau mobile via Orange, MTN ou Nextel. Ils seront donc tout à fait capables d’utiliser notre service sms, qui leur permettra de s’enre-gistrer sur la plateforme, d’y introduire leurs produits, de recevoir des notifications lorsqu’un acheteur est intéressé ou s’est procuré un de leurs produits. Ils recevront aussi comme expliqué précédemment, des astuces et des conseils pour optimiser leur activité. Ils n’ont pas néces-sairement besoin d’avoir un accès à internet ou un smartphone.

IAM : Concrètement comment gagnerez-vous de l’argent avec Farmtech ?Jim : Les sms seront facturés aux agriculteurs de manière journalière, hebdomadaire et mensuelle. Nous débattons encore, mais à priori nous partirons sur 25 FCFA par jour, 150 FCFA par semaine et 500 FCFA par mois.

IAM : Comment pourrait-on encourager les jeunes à se lancer dans le secteur aujourd’hui ?Jim : Je pense que tout commence par la qualité et le montant des subventions qu’on accorde aux agriculteurs. Ensuite, il faudra absolu-ment améliorer l’acheminement des vivres des villages vers les zones urbaines. Et pour terminer, nous avons besoin d’informations à jour sur le secteur agricole camerounais.Philippe : Je pense que la solution ne réside pas dans le fait d’encou-rager plus de jeunes à se lancer. Il faudrait déjà mettre en place des mesures d’encadrement et les outils de performance pour faire réussir ceux qui sont déjà en activité. Sans ces solutions, tout jeune qui décide de se lancer sans expérience ou avec de petites connaissances sera ralenti. Si on demande aux jeunes de s’engager dans l’agriculture, il faut qu’ils aient en face d’eux des modèles de réussite. Le problème n’est pas dans l’engouement des jeunes. Croyez-moi, de nombreux jeunes sont disposés à se lancer dans l’agri-business.

La plupart de mes camarades ont été surpris d’apprendre que

je faisais de l’agriculture alors que j’ai une formation en informatique.

Pour eux être agriculteur est un métier dégradant et sale.

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ALEXANDRE MBIAM«  L’ESSOR ÉCONOMIQUE POURRAIT PASSER PAR L’EXPLOITATION ET LA TRANSFORMATION DES RESSOURCES

NATURELLES DU PAYS. »

Diplômé d’un Master en Finance de la prestigieuse Massachussetts Institue of Technology (MIT) et ancien consultant en Finance au sein du bureau New Yorkais du cabinet Deloitte, Alexandre Mbiam a opéré un virage à 360 degrés au cours de l’année 2013. Il décide alors de s’intéresser au domaine des mines et lance Xplor-Tech, structure au sein de laquelle il applique son expertise en Finance et sa passion pour le secteur minier. Président de la commission de financement de la fédération minière du Cameroun - qui compte une trentaine de membres - M. Mbiam est aussi un homme d’action qui compte bien contribuer au développement de l’industrie minière du Cameroun.

Propos Recueillis par Chrys NyetamCrédit photo, Orphée Noubissi

INSPIR’INTERVIEW

Inspire Afrika Mag : Comment arrive-t-on dans le secteur mi-nier alors qu’on a fait des études en finance ? Alexandre Mbiam: Lorsque j’effectuais ma maitrise au sein du MIT j’ai eu l’occasion de participer à des conférences qui parlaient des prin-cipales industries d’intérêts en Afrique. Au cours d’une d’elles, il a été mentionné le potentiel de l’industrie minière en Afrique. Suite à cette conférence je me suis documenté sur l’état de ce secteur au Cameroun en particulier. Il en est ressorti que 60% du territoire Camerounais était inexploré et plus important encore, que le secteur minier faisait partie des secteurs que le gouvernement souhaitait promouvoir. Je me suis ensuite renseigné sur la possibilité d’acquérir des permis d’explora-tion pour des métaux qui, à moyens termes, pouvaient être développés dans un pays qui a une culture minière très jeune. Il convient de noter que le Cameroun a eu son premier code minier en 2001 ; celui-ci a été réformé en 2010, et il est encore en train d’être réformé.

I.A.M  : C’est donc suite à ces recherches qu’est née Xplor-Tech…A.M : Exactement ! Xplor-Tech est une société spécialisée dans l’ex-ploration de l’or et du diamant, même si notre activité s’est principa-lement concentrée sur l’or. Nous couvrons une zone d’exploitation de 200.000 hectares située dans la province de l’Est du Cameroun, entre Bertoua et Bétaré-Oya. Les activités d’exploration que nous menons depuis 3 ans nous ont permis de mettre à disposition des zones qui peuvent être exploitées de manière semi-mécanisée. Nous avons noué des partenariats avec des sociétés venues d’horizons divers, qui effec-tuent l’exploitation de lits historiques de rivières. Les données qu’elles

obtiennent nous permettent de mieux définir les zones où nous ferons des explorations plus avancées, grâce notamment à des méthodes gé-ochimiques ou géophysiques, afin de mettre en relief des zones d’in-térêts qui pourraient constituer la source primaire de l’or. En d’autres termes, il s’agit de trouver des filons aurifères. Ce type de zones, à terme, permettra le développement de véritables mines d’exploitation industrielle. A l’heure actuelle, le Cameroun ne dispose pas de ce type de mines. Par conséquent, le rôle des acteurs du secteur – gouver-nement et/ou sociétés privés – est de permettre l’avènement de plu-sieurs mines industrielles. C’est ce qu’ont fait des pays comme la Côte d’Ivoire, dont le code minier est l’un des meilleurs en Afrique.

I.AM : Quel est votre objectif à moyen terme ? A.M : L’objectif de l’année 2016 est de compléter notre première cam-pagne de forage. En 2017, nous souhaitons débuter notre phase de développement en levant les fonds nécessaires à la mise en place de la première petite mine industrielle. Nous espérons commencer l’ex-ploitation aurifère industrielle dans les deux à trois prochaines années. La mine c’est aussi une question de financement. La difficulté est bien souvent d’accéder aux financements durant les différentes phases d’exploration, de développement et d’exploitation. C’est l’accès à ce capital qui permet aux mines de voir le jour.

I.A.M : Pourquoi vous êtes-vous concentré sur l’or et le diamant alors qu’il y a d’autres minerais exploitables au Cameroun ?A.M : C’est un choix délibéré qui tient à la faiblesse infrastructurelle de notre nation. L’un des avantages avec des métaux précieux tel que l’or,

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c’est qu’au moment de la mise en place de l’usine et de l’ensemble du camp permettant l’exploitation de votre minerais, vous n’avez que très peu d’investissement infrastructurel à effectuer. Vous n’avez pas de route à tracer, vous avez juste besoin d’une piste dégagée pour ache-miner votre produit. Etant donné le prix de l’or, vous pouvez vous per-mettre de déplacer vos produits par voiture, ou par hélicoptère si né-cessaire. Tandis que lorsque vous exploitez des métaux de base comme le fer, vous devez faire de lourds investissements infrastructurels. C’est le problème qu’a rencontré le projet CAM IRON et qui requiert des mil-liards de FCFA en investissement infrastructurel avant même que la mine ne puisse être exploitée. Cette mine se trouve à la frontière avec le Congo, au Sud-est du Cameroun et requiert l’établissement d’un chemin de fer la reliant au port de Kribi. Bien que la valeur actualisée nette d’un tel projet a été très positive, il n’en demeure pas moins qu’il s’est révélé extrêmement ardu de lever un tel montant dans un pays qui a une culture minière jeune. En d’autres termes, même quand vous arrivez avec un projet dont vous avez prouvé la validité économique, si les montants sont trop importants de part les efforts infrastructurels qu’il requiert, vous risquez de ne pas pouvoir développer votre mine. Alors que dans le cas des métaux précieux, vu que ces investissements infrastructurels ne sont pas élevés, il vous suffit de prouver la faisabilité économique de votre projet pour pouvoir lever les fonds nécessaires.

I.A.M : Parlons des ressources humaines nécessaires dans ce

domaine. Combien de personnes employez-vous ? Quels sont les métiers dont vous avez besoin  ? Est-il est simple de les trouver au Cameroun ? A.M : Nous employons 20 personnes à temps plein. La grande chance du Cameroun est que le pays a su développer des écoles qui forment de plus en plus de jeunes compétents. Nous nous entourons de pro-fessionnels locaux expérimentés, ainsi que de jeunes diplômés, afin qu’ils acquièrent de l’expérience et des compétences. C’est avec eux que nous démarrons le processus d’exploration. Le processus d’exploi-tation étant extrêmement couteux, nous avons besoin de ressources humaines qui soient accrédités au niveau international. J’insiste  : on ne parle pas de qualifications mais d’accréditations. La qualification existe au Cameroun ; mais vu qu’elle est jeune, à l’échelle mondiale et au niveau des marchés financiers, elle ne connait pas encore la recon-naissance qui lui est due. De ce fait, lorsque nous arrivons à une phase d’étude de préfaisabilité ou de faisabilité économique, nous faisons venir des experts accrédités aux normes NI40301 afin qu’ils confir-ment les résultats obtenus par la structure, et pour qu’ensuite les fonds puissent être levés. Les jeunes que nous recrutons localement sont issus de l’école nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, ou de l’école des mines de Ngaoundéré.

I.A.M : Quels sont les avantages et les inconvénients d’exercer dans ce domaine ?

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INSPIR’INTERVIEW

A.M : Le principal avantage de ce secteur encore inexploité est qu’il est porteur de beaucoup d’espoir pour la nation toute entière. Dans le cas de CAM IRON, si la mine voit le jour, ce sont des dizaines de milliards de dollars de bénéfices pour le Trésor Public Camerounais, et plusieurs milliers d’emplois directs créés. D’ailleurs, des retombées sociales se voient déjà à l’échelle de l’exploitation alluvionnaire. En principe, lorsqu’une société s’installe dans une zone comme celle de l’Est du Cameroun - où il n’y a pas assez d’écoles, de centres de santé, et où le travail des enfants est malheureusement encore une réalité - géné-ralement elle a un effet positif. Elle peut financer la construction d’une école ou d’un puit, et appliquer des règles strictes interdisant le travail des enfants. L’inconvénient vient du processus d’élaboration du code minier Ca-merounais. Le gouvernement souhaite améliorer l’attractivité de notre code minier, afin de susciter l’intérêt des investisseurs internationaux. Malheureusement son élaboration est très complexe, et prend beau-coup plus de temps que ce que le gouvernement et les acteurs du secteur privé auraient souhaité. Nous sommes cependant confiants que le problème sera résolu au cours de cette année. Le deuxième incon-vénient est dû au fait que l’activité minière, comme l’activité agricole, est soumise aux aléas des marchés financiers internationaux. Vous n’êtes pas sans ignorer que le marché des commodités en général a connu depuis 2008 une crise progressive. Le marché de l’or avait été épargné jusqu’en 2012, puisque l’once d’or atteignait 1900$, mais il s’est retrouvé lui aussi frappé. Quand il y a une telle chute, l’impact se ressent d’avantage au niveau de la phase d’exploration. Généralement, les mines qui sont en exploitation continuent à fonctionner, du moment qu’elles demeurent au-dessus de leur coût d’exploitation. Pour les pays qui ont une industrie mature, ce n’est pas un problème car ils peuvent résister. Mais pour un pays jeune où les mines sont encore en cours d’exploration, une telle évolution du cours des commodités est assez difficile à gérer. La bonne nouvelle vient du fait que la majorité du terri-toire était inexploré ; il existe des zones où les coûts d’exploitation sont incroyablement faibles. Ce qui signifie que les projets restent rentables.

I.A  .M  : Pensez-vous que l’essor économique du Cameroun pourrait passer par l’exploitation des ressources naturelles ?A.M : Absolument. L’essor économique pourrait passer par l’exploitation et la transformation des ressources naturelles du pays. J’insiste sur la transformation. Il n’y a qu’en maîtrisant cette valeur ajoutée qu’on permettra au pays de réellement bénéficier de ses ressources et de rentabiliser des projets qui aujourd’hui ne le sont pas. Reprenons le cas de l’industrie du fer. Aujourd’hui, la plupart des projets d’exploitation ou d’exploration de l’industrie du fer sont au point mort ou tournent au ralenti à cause de l’effondrement des cours du fer. Mais en réali-té, si ce fer venait à être transformé, nous pourrions approvisionner toute la sous-région en matière d’acier. Hors le principal coût en ce qui concerne ce métal c’est le transport. Si vous le produisez localement, vous allez être productif. Certains des membres de notre fédération ont fait l’étude et ce sont rendus compte que leurs projets devenaient rentables une fois que la transformation était opérée dans le pays.

I.A.M : Vous êtes aussi le président de la commission de finan-cement de la fédération minière du Cameroun. Quel a été l’im-pact de cette fédération dans la pratique quotidienne de votre activité ? A.M : Déjà je dois admettre que notre fédération a eu le plaisir d’être conviée à différentes réunions concernant la mise en place d’un nou-veau code minier. Le code préliminaire nous a été présenté l’an dernier et nous y avons apporté des commentaires. Certains de ces commen-

taires étaient positifs et d’autres concernaient des points qui d’après nous devaient être revus. L’un des points sur lesquels nous insistons est la facilitation des procédures permettant aux investisseurs d’accéder aux permis de recherche, et de celles permettant d’accéder à la phase d’exploration. Ces processus peuvent être relativement longs, et néces-sitent la signature d’une convention étatique. Bien que le gouvernement fasse tout son possible pour que la procédure soit accélérée, nous sou-haitons que ce soit un peu plus rapide. Nous souhaiterions également que la TVA se rapproche de ce qui se fait à l’échelle continentale et internationale. En ce qui concerne les métaux de bases et les pierres précieuses, la TVA est 4 à 5 fois supérieure à celle pratiquée chez nos voisins. Ce n’est pas attractif. Nous sommes heureux que certains de ces points soient entrain d’être améliorés. Notre fédération a aussi eu à intervenir à plusieurs reprises dans des différends concernant les limites territoriales qui opposent des membres de la fédération minière entre eux, ou des membres et d’autres sociétés ne faisant pas partie de la fédération. Nous aidons donc à ce que ces quelques conflits se règlent à l’amiable.

I.A.M : Parlons d’entrepreneuriat : Est-ce que le fait d’avoir un parent entrepreneur rend les affaires plus faciles, ou est-ce qu’au contraire, on vous considère comme un « fils à papa » ? A.M  : Avoir un parent entrepreneur facilite beaucoup les choses en termes d’état d’esprit. C’est l’état d’esprit de l’individu qui détermine sa réussite avant toute autre chose. Dans mon cas depuis mon plus jeune âge, la carrière dans le secteur publique n’était pas envisageable car mon père m’a fait apprécier l’entrepreneuriat. Cela a fortement orienté de manière consciente ou inconsciente les choix que j’ai opérés. Cer-tainement, j’ai été perçu comme un fils à papa à certains moments, c’est inévitable. Maintenant c’est à moi de faire la différence. On peut être perçu d’une manière, mais ce sont vos réussites ou vos échecs qui détermineront si les jugements initiaux étaient fondés.

I.A.M  : Pensez-vous qu’il soit facile d’être un jeune entrepre-neur Camerounais ? A.M : Je pense que c’est extrêmement difficile. Certains des leviers que l’on retrouve dans d’autres pays ne sont pas encore pleinement fonc-tionnels au Cameroun. Lorsque vous vous lancez vous avez besoin d’un capital initial. Dans de nombreux pays, ce qui se passe c’est qu’une fois que vous avez prouvé la validité de votre idée, vous allez pouvoir lever des fonds de type venture capital, ensuite du private equity et enfin vous allez pouvoir accéder à la dette bancaire. Les deux premiers leviers que sont le venture capital et le private equity sont presque inexistants au Cameroun. Il est donc difficile pour les jeunes d’obtenir les finance-ments nécessaires au développement de leurs activités. Ils sont donc obligés de recourir à une croissance organique et qui par définition ne peut que ralentir leur essor. Il faut cependant reconnaitre que le gou-vernement a fait des efforts, en matière de facilitation de création d’une entreprise : vous pouvez créer une entreprise en 24h et le lendemain obtenir votre compte bancaire. Cependant même lorsque vous pouvez avoir accès à la dette bancaire, les taux d’intérêts restent très élevés. De plus, lorsque passe la première année très rose où vous êtes exo-nérés d’impôts tant que vous ne dépassez pas 15 millions de FCFA de chiffres d’affaires, et que vous devez faire face aux paiements de vos taxes, de vos patentes, malheureusement, les choses commencent à se complexifier. Il faut aussi noter que le passage des douanes demeure quelque chose d’extrêmement complexe, stressant et très couteux. Tout ceci n’est donc pas pour faciliter la vie des jeunes entrepreneurs Camerounais.

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Tout est binaire dans la vie et il ne faut pas se mentir, l’argent est le

nerf de la guerre.

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INSPIR’ASSOCIATION

Par Louis Gilbert BISSEKCrédit photo, Orphée Noubissi

Tendre la main au prochainAu commencement, il y avait la conscience de la détresse humaine. Un regard vers autrui marginalisé et à qui la société a tourné le dos aura suffit à un groupe d’amis africains - de nationalités camerounaise, congolaise, sénégalaise, malienne - unis par les mêmes réalités socié-tales et un idéal commun, pour imaginer MPD. L’obstination à ne pas détourner le visage face aux orphelins et aux jeunes de la rue souvent pointés du doigt comme des croque-mitaines, aura fait le reste. Redonner le sourire. Un labeur patient de neuf années - en octobre prochain - à panser les blessures de ces âmes brisées et à leur redon-ner confiance en leurs propres capacités, en la vie et en l’être humain. Redonner le sourire. Une action bénévole fondée sur quatre piliers ma-jeurs - l’éducation, la santé, la nutrition et l’insertion sociale - dans trois des quatre pays où l’association a implanté ses bureaux à sa création en 2007: le Cameroun, le Congo-Brazzaville et le Gabon. Pour Serge Stéphane Owona, qui aurait voulu opérer pleinement dans quatre pays, l’absence d’activités au pays de la Téranga est un crève-cœur : ‘Au Sé-négal, nous n’avons pas pu avoir les activités que nous souhaitions. Il faut dire que l’essentiel de notre bureau est issu ou basé au Cameroun, au Gabon et au Congo-Brazzaville.’

Maigre motif de déception si l’on considère l’effort que fournit l’asso-ciation en faveur des couches défavorisées de la jeunesse, indifférem-ment des pays où elle est présente et dans la mesure de ses moyens. En effet, les activités et la pensée originelle de Melting Pot Develop-ment ont fédéré à ce jour plus de 200 membres bénévoles disséminés à travers le monde (USA, Canada, France, Guinée, Sénégal, Congo, Cameroun, Gabon), auxquels il faut rajouter la quinzaine de membres

actifs en permanence sur le terrain.

D’après le Président de MPD, qui est plein de gratitude envers les sa-crifices consentis par ses anciens et ses actuels compagnons de route, eu égard à leurs occupations principales : ‘Ce sont ces membres-là qui - par leur contribution physique, matérielle ou financière - nous permettent de mener à bien ces activités et à qui l’association doit une telle longévité.’

En effet, l’association qui a engrangé au fil des ans des soutiens de poids comme Tradex, RFI, Total, AES Sonel, Média Plus ou encore Sa-muel Eto’o Fils - qui leur a octroyé en mars 2014 la somme de 7500 euros - dépend des collectes de dons de ses membres et sympathi-sants (habits, chaussures, cahiers, livres...etc.); de l’appui financier et matériel de ses sponsors; et des collectes de fonds qu’elle réalise durant ses évènements. Dans ce dernier cas, ce sont des activités so-cioculturelles comme des expositions-ventes photos, des concerts de musique ou encore des soirées de gala; qui permettent de financer au quotidien les actions en faveur des protégés de l’association: prépa-ration des fournitures scolaires lors des rentrées annuelles de près de 250 jeunes des orphelinats parrainés, organisation des arbres de noël ou encore activités socio-sportives. Ainsi, lorsque MPD réalise un bénéfice net de 2 millions de FCFA sur la vente des billets de Opéra sur fond de Jazz le 09 octobre 2015 à Douala - avec à l’affiche le maestro de l’art lyrique Jacques-Greg Belobo - c’est une plus-value non négligeable en faveur de la cause. Serge Stéphane Owona assume : « Tout est binaire dans la vie et il ne faut pas se mentir, l’argent est le nerf de la guerre. »

Parfois, ce sont les formules simples qui changent le monde. Celle de Melting Pot Development (MPD) tient en sept syl-labes: redonner le sourire. A la tête de cette association, Serge Stéphane Owona, membre fondateur du mouvement et consultant en marketing & communication à l’état civil. La trentaine révolue, l’homme a l’ambivalence du taiseux déter-miné qui a fait un rêve: promouvoir l’égalité des chances sociales pour les jeunes africains défavorisés. ‘Ne vous souciez pas de n’être pas remarqué; cherchez plutôt à faire quelque chose de remarquable.’ disait Confucius. Il en déteint ainsi le caractère du Président sur l’association, dont la discrétion voire l’anorexie médiatique assumée tranche avec la boulimie d’actions sur le terrain. Lire ou écouter le discours fondateur de cet organisme solidaire à but non lucratif, relève d’une expérience qui va chercher entre sagesse, bon sens citoyen, altruisme véritable et convictions spirituelles fortes. Pour le reste, prise de parole parcimonieuse. La consigne est claire en matière de charité : la main droite doit ignorer ce que la main gauche donne. Lumière sur une association qui a choisie de briser les barrières sociales, religieuses, ethniques et

JUSTE UN SOURIRE...

MELTING POT DEVELOPMENT :

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Des paroles et des actesRedonner le sourire d’après MPD, c’est aussi un engagement citoyen. Par les vertus de la morale et les mentalités nouvelles qu’elle entend prêcher par l’exemple, l’association constitue un laboratoire de ce que la société civile africaine peut apporter aux Nations.D’ailleurs, pour Serge Stéphane, la notion de responsabilité individuelle dans les actes quotidiens, est au cœur de toute logique de développe-ment des pays africains :

Et la mission a d’ores et déjà pris forme, au-delà des actions ponc-tuelles de réconfort et toujours dans le champ de compétences que s’est attribué MPD. Au Cameroun notamment, deux projets phares sont en cours d’élaboration dans deux des quatre orphelinats que parraine en permanence l’association sur le territoire national. Le premier projet concerne la construction d’une bibliothèque-médiathèque pour l’or-phelinat de Nkoabang - à quelques encablures de Yaoundé - estimée à 30 millions de FCFA. Dotée de trois compartiments et prévue pour être aussi ouverte au public, elle est conçue pour générer à terme des revenus pour l’orphelinat afin qu’il devienne auto-suffisant, pour subvenir aux besoins des jeunes orphelins. Le second projet est celui d’une petite infirmerie pour l’orphelinat de Tiko - dans la région du Sud-ouest - qui en croissant génèrera sans aucun doute des voca-tions professionnelles auprès des jeunes, mais étoffera également les infrastructures sanitaires de cette petite commune de plus d’une cen-taine de milliers d’habitants. Car voilà la stratégie à moyen terme de

MPD pour ses protégés et pour le Continent: donner les moyens pour sortir de la précarité aux premiers et en faire de futurs citoyens utiles au second. En gageant qu’ils s’inscriront plus tard dans cette chaîne de solidarité et favoriseront à leur tour de manière exponentielle, l’émer-gence d’autres citoyens utiles aux pays africains. Pas étonnant donc que Serge Stéphane Owona envisage - après ou pendant son propre engagement à la tête de l’association - une évo-lution vers une fondation, avec un vrai fonctionnement d’entreprise, où les Secrétaires-Généraux des détachements sous régionaux auront une réelle autonomie dans leurs actions. Ils pourront ainsi tisser plus de synergies avec des organisations équivalentes dont l’intérêt soli-daire est le même, dans une coopération horizontale; et bénéficieront de la confiance des nations elles-mêmes, dont elle partage la volonté sociale. Il conclut :

En attendant des jours encore plus radieux pour l’association, chaque année depuis cinq ans - en août - ont lieu les ‘Road Trip’. Véritables temps forts de l’association, ils permettent une fois par an aux membres et aux sympathisants de l’association d’aller au contact de quelques orphelinats à travers le Cameroun notamment, où - en 2009 - le Mi-nistère des Affaires Sociales dénombrait 183.000 orphelins et enfants vulnérables. Bamenda, Bertoua, Douala, Ebepda, Edéa, Yaoundé et Tiko ont déjà fait l’objet de visites lors des cinq précédentes éditions. Que nous réserve la VIème édition ? À vous de voir.

Ce sera la preuve qu’au-delà de la longévité de l’association, on aura créé cette faculté au leadership et à la prise

d’initiative. Il faut qu’on cesse d’avoir peur d’agir, et qu’on prenne plus d’initiative

en ligne de front.

C’est de la société civile que naît la conscience collective. Nous sommes dans une ère où il faut poser des actions. Il faut beaucoup plus d’actions d’individus et de groupes d’individus pour forger un intérêt

collectif à bâtir un idéal commun

Quelques enfants de l’orphelinat Le Bon Berger de Nkoabang

INSPIR’ASSOCIATION

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OSER INSPIRER

Inspire Afrika Magazine : Comment vous êtes-vous rencontrés et quel a été l’élément clé qui vous a permis de savoir que vous vouliez travailler ensemble ?Barbara Njoh : Nous avons été mis en contact en Août dernier par un ami commun à qui j’avais parlé de mon idée et qui voulait m’accom-pagner dans le développement de l’application mobile et du logiciel de gestion du service. Absent du Cameroun à cette période, il m’a donc proposé de rencontrer Wilfried pour que de vive voix, je lui explique dans les détails l’idée que j’avais afin qu’il puisse qualifier le besoin en solution IT. Après une heure de brainstorming, il est apparu comme une évidence que nous devions approfondir et formaliser les idées par-tagées.

I.A.M: Pour quel modèle économique avez-vous opté ?Wilfried Chokoteu : Pour monter notre projet nous avons opté pour la méthode du « business model canvas » (du livre Business Model Gene-ration). Ce procédé permet d’avoir une vue d’ensemble de l’activité à démarrer et de pouvoir donc identifier quels en sont les principaux en-jeux : Quelle est la proposition de valeur ? Quel segment clientèle vise-t-on? Quelles sont les ressources clés ? Quelles seront les sources de revenus  ? Autant de questions essentielles que nous nous sommes posés pour pouvoir bâtir la base de notre service. Ces questions nous ont aussi permis de définir notre stratégie de pénétration du marché.

I.A.M : Le processus de création de votre entreprise a-t-il été simple ? Si non, quelles difficultés avez-vous rencontré lors de la création ?Barbara: Il n’est jamais simple de créer une entreprise. Les longues et

pénibles démarches administratives auprès des services des impôts et des banques, les procédures de recrutement et de formation du personnel, sont autant de challenges que nous avons dû relever à la création d’EASY RIDE. De plus, le choix du fournisseur d’accès internet était un important sachant que nos outils de prise et traitement de commandes utilisent essentiellement internet. La qualité et la stabilité de notre connexion impacte fortement notre qualité de service.

I.A.M  : A quoi devez-vous le succès (ou la notoriété) rapide d’EASY RIDE ?Wilfried: Parler de succès serait précoce vu la jeunesse d’EASY RIDE (nous n’avons que 7 mois d’activité), mais de notoriété oui plus pro-bablement. Nous le devons en grande partie au caractère innovant de notre service et à l’engagement de l’ensemble de notre équipe qui se dédie jours et nuits, depuis le lancement, à fournir un service de qualité à nos clients.

I.A.M : Quel est votre avantage comparatif ?Wilfried: Notre avantage comparatif se décline en trois axes. Parlons d’abord de la qualité de nos véhicules qui ont tous été acquis à 0 kilomètre au compteur, pour éviter tout désagrément à nos clients. De plus, le service à bord est d’un confort absolu avec la mise à disposition d’ipad et d’une connexion internet. Il convient ensuite de noter le pro-fessionnalisme de nos chauffeurs et la discrétion de notre solution car nos véhicules sont totalement banalisés.

I.A.M : EASY RIDE n’est plus accessible au grand public après 18h, pourquoi ?

Si la situation des transports en commun à Yaoundé et à Douala devait être résumée en une phrase, ce serait « plus de taxis, moins de sécurité ». Des taxis qui ne sont pas toujours propres, et dont l’attitude des chauffeurs laisse souvent à dé-sirer. C’est justement pour cette raison que Barbara NJoh – qui avait déjà une expérience dans le secteur de la location de véhicule - a créé en Juillet 2015, EASY RIDE, un service de Voiture Tourisme avec Chauffeur (VTC). Son collaborateur Wilfried Chokoteu a rejoint les rangs en tant que Directeur d’exploitation. Qui ne voudrait pas faire partie d’un projet aussi prometteur ? En moins d’un an, EASY RIDE compte 25 véhicules répartis entre Yaoundé et Douala, 70 employés, plus de 25.000 courses à son actif et plus de 2000 abonnés.

EASY RIDE« LA SÉCURITÉ EST UN PILIER DE NOTRE

PROPOSITION DE VALEUR. »

Propos Recueillis par Chrys NyetamCrédit photo, Orphée Noubissi

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OSER INSPIRER

Barbara : Envoyer nos véhicules à des personnes non identifiées pré-sente déjà quelques risques comme l’éventualité que la demande soit un canular. Offrir ce service la nuit, sachant que nous avons encore beaucoup de rues enclavées et non éclairées dans nos deux capitales, est un risque supplémentaire pour la sécurité de nos chauffeurs et de notre parc automobile. C’est la raison pour laquelle nous demandons aux clients souhaitant utiliser le service à plus de 18h, de nous fournir au préalable un plan de localisation de leur domicile et une photocopie d’une de leurs pièces d’identités valide afin que ces informations soient enregistrées dans notre base de données. Nous sommes conscients qu’il n’existe pas de risque zéro, mais ces précautions nous permettent de limiter les risques de vols ou d’agressions.

I.A.M : La sécurité est un aspect qui vous tient à cœur…Wilfried : La sécurité est un pilier de notre proposition de valeur. Lorsque vous commandez un VTC vous voulez être sûr de la moralité du chauf-feur qui viendra vous chercher et de l’état du véhicule qu’il conduira. Vous souhaitez savoir qu’en cas de problèmes survenus pendant le trajet vous aurez un interlocuteur unique qui pourra au besoin connaître la localisation exacte du véhicule dans lequel vous vous trouvez afin de vous porter assistance dans les plus brefs délais. C’est pour toutes ces raisons que nos véhicules sont équipés de tracking afin que nous puis-sions les géolocaliser en temps réel. De plus, nos chauffeurs sont tous formés à la conduite défensive et leurs antécédents ont été étudiés afin de pouvoir attester de leur bonne moralité. Enfin, nous avons un standard ouvert 24/7 pour apporter une assistance rapide à nos clients pendant leurs trajets.

I.A.M : Quels sont vos perspectives de développement à court et moyen termes ?Barbara : Étant une jeune entreprise nous cherchons continuellement à améliorer nos prestations et à renforcer notre offre avec par exemple, notre nouveau produit « hors ville » qui, lancé depuis deux mois main-tenant, nous permet de vous accompagner aussi lors de vos déplace-ments interurbains vers des destinations telles que Kribi, Limbé ou Tiko. A court terme nous prévoyons de renforcer notre parc automobile et à moyen terme d’ouvrir des agences dans d’autres villes à fort potentiel.

Barbara Njoh

Barbara Njoh et William Chokoteu en séance de travail avec une collègue

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Inspire Afrika Magazine  : Quelle est la mission et l’objectif de CIRCA237 ?Bee Makina : La mission de CIRCA237 est d’élever les standards de la communication et du Marketing au Cameroun et dans la région de l’Afrique centrale. En observant ce qui était fait jusqu’ici dans notre secteur, nous avons la conviction que le marketing et la communication peuvent être mieux gérés. En tant qu’agence, nous devons nous as-surer que nous proposons des solutions innovantes qui répondent aux besoins de nos clients.Sophy Aiida : Notre slogan est « Nous portons votre marque vers l’infi-ni et au-delà.». Chaque fois que nous prenons en charge l’image d’une marque, nous mettons tout en place pour qu’elle puisse communiquer de manière efficace en lui proposant des idées qui sortent de l’ordi-naire. Nous poussons les marques le plus loin possible afin qu’elles puissent démontrer leur potentiel dans leur communication. Malheu-reusement, certaines entreprises sont souvent timides dans leur com-munication et parfois elles ne comprennent pas l’importance d’avoir une stratégie marketing ou même d’investir dans la communication. Nous devons aussi accompagner ces entreprises-là, en rendant leurs marques visibles. I.A.M : De quels types de métiers vous entourez-vous et com-ment les recrutez-vous ? Est-il simple de trouver ces sa-voir-faire localement ? B.M : Sophy et moi venons de deux univers différents mais complé-mentaires. J’ai travaillé pendant près de six ans dans une agence de publicité à Singapour. Sophy quant à elle a travaillé dans le monde des médias et du cinéma pendant longtemps, donc elle sait commu-niquer. Nous avons les métiers basiques d’une agence de marketing, un community manager, un graphic designer, un chef de projet, un photographe avec qui nous travaillons régulièrement, pour ne citer que ceux-là. La chance que nous avons à CIRCA237 est que plusieurs per-sonnes viennent à nous avec leur CV pour savoir si nous avons besoin de leur aide. S.A : Nous avons une équipe très jeune. D’abord parce que nous sommes une startup, donc nous n’avons pas forcément les moyens d’employer des personnes expérimentées. Notre processus de recru-

tement consiste donc à embaucher les personnes que nous pensons compétentes et à les tester sur des missions concrètes. Ce processus reste intéressant parce que la majeure partie de notre équipe a la pos-sibilité de se faire la main sur le terrain et d’apprendre en pratiquant. Notre community manager par exemple a commencé en tant que sta-giaire et est aujourd’hui à plein temps. Je dirais que les compétences sont là, il faut juste les trouver.

I.A.M : Quelle est votre roadmap de travail ? Décrivez nous une journée type chez CIRCA237S.A : Il n’y a pas de journée type chez CIRCA237. Chaque jour est une nouvelle aventure. Nous avons de nouveaux challenges, nous devons faire face aux imprévus et nous devons être prêtes à trouver des so-lutions. Nous travaillons dans un domaine où il faut être constamment créatif. Et la créativité, peut venir de n’importe où, que ce soit quand on est dans son bureau ou assis chez soi. Le seul jour qui peut paraître typique chez nous est le vendredi où nous essayons de faire un point sur tout ce que nous avons pu avoir comme inspiration tout au long de la semaine. A chacun de ces meetings nous essayons de voir dans quelle mesure nous pouvons transformer ces idées pour nos clients. Cependant nous avons des processus clairs. Par exemple quand nous préparons un évènement, nous avons une checklist, nous suivons une feuille de route prédéfinie pour être sûres que tout se passe bien le jour-j.

I.A.M : CIRCA237 en chiffres, qu’est-ce que ça donne ? S.A : Pour commencer nous existons seulement depuis un an et demi. Aujourd’hui nous avons plus de dix clients dont trois avec lesquels nous avons un contrat annuel. Nous travaillons avec Heineken et nous sommes chargées de faire des activations autour de leur marque. Nous collaborons aussi avec Martini et nous sommes en charge de leur communication au Cameroun. Ces deux entreprises ont renouvelé leur contrat avec nous. Cela prouve que nous faisons du bon travail. Les autres entreprises sont des Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui ont des projets ponctuels. En ce qui concerne les évènements, je vous dirais que nous avons organisé une quinzaine d’évènements. C’est aussi une opportunité pour moi de rappeler que nous ne sommes pas

CIRCA237 « Nous portons votre marque vers l’infini et au-delà »

Propos recueillis par Chrys NyetamCrédit photo, Orphée Noubissi

INSPIR’START UP

Tout a commencé sur les réseaux sociaux. Bee Makina, qui est alors basée en Afrique du Sud, tombe sur le profil Instagram de Sophy Aiida Tankou. Après plusieurs discussions, elles décident de se lan-cer ensemble et de créer une agence de marketing intégré et de publicité d’un nouveau genre appelé CIRCA237. Leur objectif : donner un souffle nouveau à l’univers du marketing et de la communication au Cameroun. Ces deux jeunes demoiselles sont convaincues que la créativité et la stratégie seront les facteurs du développement du continent. Rencontre…

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une agence d’organisation d’évènements. Plusieurs personnes pensent que l’organisation d’évènements est notre activité principale, alors que ce n’est que la partie visible de ce que nous faisons. Certains de nos clients n’en ont pas besoin. Tout dépend de leur stratégie et de leur positionnement.

I.A.M : Nous savons tous que le plus important pour une agence c’est son portefeuille clients. Comment avez-vous démarché votre premier client ? Etes-vous de ceux qui pensent qu’au Ca-meroun on ne peut réussir que grâce à son réseau ? B.M : Nous avons eu notre premier client par cooptation. L’idée était de préparer une activation complète. Nous devions travailler à la fois sur le packaging et sur le lancement de la marque en question. Nous devions également préparer une stratégie marketing pour que cette entreprise entre sur le marché Camerounais. Nous travaillons toujours avec cette compagnie aujourd’hui. S.A : Dans l’environnement camerounais, il est important d’avoir des relations. Ce n’est pas indispensable, mais ça peut être utile. Pour ce premier client nous avons été mis en relation, mais pour Heineken par exemple, nous avons juste frappé à la porte et elle nous a été ouverte. Nous avons présenté notre concept et il a été accepté. Ils nous ont donné notre chance et c’est comme cela que nous avons pu avoir notre contrat.

I.A.M : Diriez-vous qu’il a été difficile de convaincre ces entre-prises de travailler avec vous de manière générale ? B.M : Après que nous ayons travaillé pour Heineken, les gens sont ve-nus vers nous. Nous n’avons plus vraiment eu à faire du démarchage. Dans le cas de Martini par exemple, nous leur avions proposé un projet qui n’a pas abouti. Mais après l’évènement réussi avec Heineken, c’est eux qui nous ont approché afin de travailler avec nous.

I.A.M : CIRCA237 est surtout connu pour ses évènements. Quel regard portez-vous sur le secteur du divertissement au Came-roun ? La ville de Douala a-t-elle une particularité quand on la compare à Yaoundé ?S.A : Ce qui est certain c’est que le Cameroun a besoin de plus d’évè-nements de manière générale. Mais il faudrait que nous Camerounais puissions organiser des évènements au cours desquels les invités vivent une vraie expérience. Deuxièmement il faudrait que les gens ne pensent pas qu’il faut faire des évènements pour devenir riche. Il est dif-ficile de comprendre l’attitude de certains organisateurs d’évènements, car je vous le dis franchement, les gens se font la guerre uniquement pour avoir la primauté sur l’organisation des évènements. C’est as-sez perturbant pour moi, parce qu’au final ce n’est pas si sérieux. Ça reste de l’évènementiel et on ne devrait pas en arriver à un point où certains sabotent le travail des autres. Il faudrait que les organisateurs comprennent que même s’ils organisent un seul évènement par mois, les gens viendront parce qu’il n’y a presque rien d’autre à faire au Cameroun. Dans des pays comme le Nigéria ou la Côte d’Ivoire, il y a des évènements tous les jours, alors que chez nous il y en a à peine un par semaine. Malheureusement, les gens sont déjà prêts à se battre pour cela, alors qu’il reste encore beaucoup à faire. En ce qui concerne la comparaison entre Douala et Yaoundé, la popularité de Douala vient principalement du fait que la majorité des entreprises cherchent à avoir une notoriété dans la capitale économique.

I.A.M : Vous assistez aussi les célébrités dans leur communica-tion. Qu’est-ce qui vous différencie des autres agences ?B.M  : Oui. Nous avons notamment travaillé avec l’artiste Locko, qui

vient de publier son EP. Nous avons choisi de travailler avec lui parce que parmi les artistes qui nous ont approchés, il était celui dont le tra-vail artistique était le plus aboutit. L’avantage comparatif de CIRCA237 est que nous sommes une petite entreprise. Notre taille nous permet de mieux nous concentrer sur chacun de nos clients et de leur préparer des réponses sur mesure adaptées à leurs besoins et à leurs ambitions. De plus, nous voyageons beaucoup pour être inspirées par ce qui se fait ailleurs.

I.A.M : Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de votre lan-cement et comment les avez-vous contourné ? Sont-elles plus ou moins liées à votre jeune âge ou au fait que vous soyez des femmes ? B.M : Nous n’avons pas rencontré de problèmes à avoir de nouveaux clients. Mais parfois nous faisons face à des retards de paiement, ou à des problèmes administratifs. Et nous avons ces problèmes à la fois parce que nous sommes jeunes et parce que nous sommes des femmes. Une fois, nous avons eu une réunion avec un monsieur beau-coup plus âgé que nous qui pensait qu’il pouvait s’adresser à nous comme à des enfants. Nous avons dû lui faire comprendre que nous étions en affaire et que notre âge ne comptait pas. Il faut aussi relever la lenteur administrative. Pour opérer légalement, la procédure d’ouver-ture d’une entreprise comme la nôtre prend en moyenne trois semaines au Cameroun. Mais pour avoir nos papiers, il nous a fallu près de trois mois.

I.A.M : Quel est le problème rencontré par les entreprises came-rounaises en terme de communication ? B.M  : Le véritable problème rencontré par les entreprises camerou-naises est que celles-ci ne savent pas comment atteindre leur cible. Je regardais une publicité d’une grande entreprise locale tout à l’heure et j’ai réalisé que parfois, les entreprises ne connaissent même pas le comportement de leurs consommateurs. Elles doivent pourtant com-prendre leur marché et savoir par quelles voies y entrer pour être ef-ficace.

I.A.M : Quelle est selon vous, l’étape incontournable pour ouvrir une agence au Cameroun ? B.M : Je pense que l’étape incontournable pour ouvrir une agence au Cameroun ou ailleurs, est d’abord de comprendre le marché que vous souhaitez servir, et de trouver ce que vous pouvez apporter de différent. C’est la loi pour tout lancement d’entreprise. Vous devez ensuite sa-voir ce que vous devez faire pour être performant. Dans notre secteur, il y a plusieurs agences, mais elles ne sont pas toutes compétentes. Plusieurs personnes pensent que si X a pu faire quelque chose, alors elles seront capables de le faire. Pourtant les choses ne sont pas aussi simples. Il faut avoir un certain savoir-faire en fonction des domaines.

I.A.M : Est-il simple de travailler en tandem ?B.M : Les avantages sont supérieurs aux inconvénients. D’abord tra-vailler en tandem veut dire que quand vous avez une idée, votre par-tenaire vous enrichit soit en vous renforçant dans cette idée, soit en vous disant que vous n’allez pas dans la bonne direction. Le but en travaillant à deux est de se supporter tout en respectant les missions et les valeurs de l’entreprise. Ensuite, pour des raisons financières, il est toujours moins couteux de se lancer à deux. Enfin, c’est agréable de savoir qu’on n’est pas seul face aux difficultés. Au début, quand nous avions des imprévus nous avions tendance à paniquer. Mais maintenant que nous savons que nous pouvons vraiment compter l’une sur l’autre, nous prenons les choses avec plus de sérénité.

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« Notre taille nous permet de mieux nous concentrer sur chacun de nos clients et de leur préparer des réponses sur me-sure adaptées à leurs besoins et à leurs ambitions. »

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« nous nous étions dit: ok, on met nos couilles sur la table - excusez-moi le terme  - et on fait quelque chose de grandiose. on met les moyens et on dépense ce qu’il faut pour

avoir l’impact qu’il faut. »

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CARRIÈRE

PIT BACCARDI LE PARRAIN DE L’AFRO-POP +237 ?

Par Louis Gilbert BISSEKCrédit photo, Orphée Noubissi

Quiconque a séjourné à Yaoundé en août 2013 en a encore le cerveau retourné, tant la prise était brutale et le crime, parfait. S’attaquer à l’immeuble iconique dit Shell - jouxtant la cathédrale Notre-Dame des Victoires - en plein cœur de la capitale, personne ne l’avait jamais osé. Ou plutôt, personne n’y avait jamais songé... Sur une toile extravagante couvrant de long en large une des façades de l’immeuble, le trio le plus célèbre du pays : X-Maleya. Dans une mise en scène digne d’un blockbuster de science-fiction, Roger, Auguste et Haïs, mi-hommes mi-super héros, toisent le-tout Yaoundé qui fourmille 40m plus bas. C’est le début de la promotion de leur 3ème album nommé Révolution... L’audace est signée ‘Empire Company’, dirigée par Guillaume N’Goumou alias Pit Baccardi, qui se la remémore : « Nous nous étions dit: Ok, on met nos couilles sur la table - excusez-moi le terme - et on fait quelques chose de grandiose. On met les moyens et on dépense ce qu’il faut pour avoir l’impact qu’il faut. » Résultat, 10 000 exemplaires du disque écoulés dès le premier jour de la sortie officielle de l’album le 26 août 2013 ! Rappeur depuis 1996 et producteur depuis 1999, l’industrie musicale n’a aucun secret pour Pit Baccardi. Ses références ont tout pour réjouir les puristes de la catégorie Hip-Hop francophone du 4ème art: Trois albums - dont un disque d’or pour le premier opus éponyme « Pit Baccardi » en 1999 - et une demie douzaine de mix-tape au compteur; initiateur et coproducteur - avec Jacky et Ben J - du label Première Classe; ses col-laborations professionnelles internationales ont un goût de grands crus. Mais, tandis que son frère cadet - Dosseh - est en train de mener avec brio le cartel du hip-hop français, Pit Baccardi a donc choisi de revenir aux sources où il a vu le jour 38 ans plutôt.

RETOUR EN CHAIR ET EN ... SONSDu cocktail à base de fibre patriotique et de flair de businessman ré-sulte ‘Empire Company’. Le Cameroun de la Musique, fertile, créatif et innovant, a été « un environnement et un contexte plus motivant » pour le virage professionnel du natif d’Ongola et un catalyseur d’opportuni-tés à concrétiser.Implantée en 2010 au Cameroun - après sa création en 2006 en France - la compagnie est le défi que s’est fixé Pit Baccardi à lui-même d’apporter sa part d’originalité à la renaissance de la profession de producteur au Cameroun. En effet, depuis les heures glorieuses du makossa et du bikutsi dans les années 1980 - 1990, l’activité était substantiellement en perte de vitesse: ‘J’aurais pu sortir plus d’albums comme ça se fait de manière courante, mais j’avais envie d’apporter quelques chose de nouveau, de me fixer un nouveau challenge.’ Fait-il remarquer, avant de poursuivre : ‘Mon travail est de créer des voies pour que l’artiste développe au mieux son art. Le mérite des retombées revient à l’artiste, tandis que mon mérite est de sublimer la belle œuvre qu’il aura donné.’Et ce n’est pas une sinécure ! Même s’il existe deux sociétés de droits d’auteurs du domaine musical au Cameroun, elles peinent actuelle-ment à répertorier les passages à la radio, à la télévision, en disco-thèque ou dans les publicités et à reverser les royalties aux artistes. Aucune d’entre elles ou aucun équivalent n’existe actuellement pour

répartir les droits et/ou subventionner l’activité de production et d’au-toproduction, à l’instar de sociétés françaises comme la S.A.C.E.M, de la S.C.P.P ou la S.P.P.F.C’est donc dans ce contexte qu’Empire Company produit ses artistes. Dans l’escarcelle, X-Maleya, Duc-Z, Magasco, le groupe les Né-grié, le chorégraphe King Creol et sa troupe GTB ont déjà bénéficié du sa-voir-faire du professionnel et de son réseau. Ainsi, d’une part X-Ma-leya s’est ouvert aux featurings internationaux avec Chidinma, J. Martins ou Patience Dabany durant leur collaboration, débouchant sur une nomination aux ‘Trace Urban Music Awards 2013’ dans la catégorie ‘Meilleur artiste africain’. D’autre part, Duc-Z a remixé son célèbre titre ‘Je ne donne pas le lait’ avec Singuila en 2013. Et comme si ça ne suffisait pas, Empire Company a lancé en 2015 Empire Image, un pôle de production exécutive de vidéogrammes, en plus du pôle évènementiel qui existait déjà et qui a organisé et promu les concerts de Fally Ipupa, Mokobé et Singuila au Cameroun.

À L’ANCIENNECependant, en plus des problèmes structurels liés à l’activité de pro-duction au Cameroun, l’artiste-producteur a dû s’adapter à la piraterie et à l’émergence des NTIC en Afrique. En effet, la piraterie a été en grande partie à l’origine de la baisse de

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CARRIÈRE

la production artistique au Cameroun dès le début des années 2000. A l’âge d’or du makossa et du bikutsi dans les années 1980 - 1990, ont succédé les périodes de vaches maigres obligeant beaucoup d’ar-tistes à recourir soit à l’autoproduction, soit à l’exercice d’une autre activité pour survivre. Ainsi, des géants de la production locale comme Ebobolo Fia productions - avec plus de 97 albums bikutsi à succès à son actif - ont dû mettre la clef sous le paillasson. En 2006, selon la Cameroon Music Corporation, 70% des œuvres musicales du pays étaient contrefaites. Ce que n’arrangeait pas à l’époque l’avènement des nouvelles technologies, qui donnait la possibilité de télécharger les musiques et de les dupliquer sur des supports numériques pour la revente ou l’usage privé. Pit Baccardi reconnaît d’ailleurs à son corps défendant que : « Les pirates sont les meilleurs distributeurs de la mu-sique au Cameroun, car ils sont partout ». Pragmatique et bon stratège, plutôt que de se lancer dans une chasse aux sorcières onéreuse, il a choisi d’engager son effort sur la vente et le marketing. Comment ? En alignant le prix de vente des disques de ses artistes sur le coût du marché pirate - 1000 FCFA - et en utilisant les mêmes circuits de distribution. En gageant sur l’effet levier de la présence massive des produits originaux sur toute l’étendue du territoire et le matraquage via les réseaux sociaux et autres plateformes NTIC, il a fait le pari gagnant. Initiée dès l’album ‘Révolution’ de X-Maleya en 2013, la stratégie a per-mis au label de cumuler depuis 2011 un capital visibilité - 7.000.000 de visiteurs uniques au total sur son compte YouTube et 300.000 disques vendus - sans cesse en hausse pour ses poulains et potentiel-lement convertible par les fans en tickets d’entrée lors des concerts. Il conclut :

Globalement, les années 2010 s’annoncent plus rayonnantes pour la musique camerounaise en général, même si l’industrialisation du secteur demeure un objectif à atteindre. Depuis une demi-douzaine d’années, l’afro-pop +237 est régulièrement en tête des hits parades africains et des succès mondiaux récents comme Coller la petite de Franko, Hein Père de Stanley Enow ou encore Ça sort comme ça sort de Maalhox, confirment la tendance. Malgré le manque de visibilité sur la rentabilité actuelle du secteur musical camerounais - à l’opposé du géant voisin nommé Nigéria où les artistes musiciens ont réalisé en 2015 un revenu de plus de 150 millions$ grâce à la vente de leurs œuvres - l’artiste-producteur reste optimiste : « D’un point de vue artistique, nous n’avons pas à jalouser ce qui se fait au Nigéria, au Ghana ou ailleurs. Le Cameroun est un vivier d’artistes et d’arrangeurs incroyables depuis la grande époque du makossa. Nous devons continuer ce travail là et il y a un moment donné où - je crois aux forces de la nature - Universal Music ou Sony Music va s’implanter au Cameroun. »

D’ici qu’on n’y soit, Pit Baccardi prévoit de sortir en solo une mix-tape courant 2016 et n’exclut pas de lancer un jour prochain Empire Ci-néma, pour parachever le passage de la compagnie à la production exécutive de vidéogrammes qu’il a entamé avec des partenaires de travail comme NS Pictures. Dr Pit Baccardi s’apprêterait-il à faire main basse sur la scène artis-tique afro-pop camerounaise comme M. N’Goumou Guillaume en a fait de la production ?

À défaut d’avoir un système bien définit, on se crée nos

propres logiques

Les pirates sont les meilleurs distributeurs de la musique au Cameroun, car ils sont partout

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11% des camerounais ont accès à internet mais seulement 2% de la population effectue des achats en ligne. Dans le cadre du projet e-post, qui a pour but de numériser et interconnecter les 234 bureaux de poste du pays, le gouvernement a mis en place un Datacenter. Le ministre camerounais des Postes et Télécommunication a précisé que celui-ci était « prédisposé à héberger les plateformes de l’e-commerce, e-banking, e-money, e-santé, e-éducation et e-governement ». La vo-lonté du pays d’investir dans l’économie numérique est claire. Avec l’évolution des services de paiement en ligne, de plus en plus d’entre-preneurs investissent dans le secteur du e-commerce au Cameroun.

L’e-commerce au Cameroun s’est premièrement développé autour des réseaux sociaux. Les boutiques en ligne se sont développées majoritai-rement sur Facebook. Utilisant les pages pour présenter leurs produits, les vendeurs conviennent alors des prix et des lieux de livraisons avec le client. Le même principe se développe désormais sur Instagram. Pour s’adapter au secteur et aux taux faibles de bancarisation, les premiers véritables sites d’e-commerce ont été des sites d’annonces mettant en relation vendeurs et acheteurs. Kerawa ou encore Sellamquick sont les pionniers du marché. En 2013, Anaïs Tchienda lance Wandashops, un site internet qui permet de commander des produits en ligne et de payer à la livraison. Seulement, les tarifs sont souvent élevés et peu de camerounais peuvent se le permettre.

Le salaire moyen au Cameroun est de 32.670 FCFA, et selon le Bu-reau International du Travail (BIT), près de 6 millions de camerounais seraient en sous-emploi. Africashops exploite la même idée mais en s’associant à plus de vendeurs.

L’arrivée d’Africa Internet Group va apporter un souffle nouveau au secteur. Avec Jumia et Kaymu, les commerçants disposent désor-mais d’une vitrine en ligne pour exposer leurs produits. Les paiements peuvent se faire à la livraison, par dépôt à la banque ou en ligne grâce au système Kaymu Safe Pay. L’autre grand acteur du secteur est le groupe Casino avec les services de Cdiscount.

Selon une enquête de Kaymu, leader de l’e-commerce dans le pays, les services d’e-commerce sont utilisés majoritairement par les 25-34 ans (35%), suivis par les 35-44 ans (26%) et les 18-24 ans (20%). Les hommes sont plus nombreux à utiliser ces services ; 61% contre 39% de femmes. Les villes principales du pays, Douala et Yaoundé sont sans surprise celles où les services sont le plus utilisés. On peut néanmoins observer une grande proportion d’utilisateurs dans le Nord du pays avec 9% d’utilisateurs à Maroua (Extrême-Nord) et 6% à Ngaoundéré (Adamaoua). Les camerounais commandent majoritairement des pro-duits high-tech et des accessoires de beauté (vêtements, maquillage, parfums et bijoux). L’ordinateur est dans 70% des cas le moyen utilisé pour accéder aux sites de vente en ligne. Le paiement à la livraison est le moyen de paiement le plus utilisé. Outre le fait qu’il soit pratique pour

une population utilisant peu les cartes bancaires, il offre un sentiment de sécurité aux utilisateurs.

Le commerce en ligne a de belles perspectives au Cameroun. La même enquête de Kaymu prévoit une augmentation de 75% des chiffres du e-commerce au Cameroun en 2016. Tidjane Deme, Directeur Google Afrique francophone a déclaré lors d’une interview accordée au site Ecofin : «Il y a un certain nombre de pays que je regarde aujourd’hui avec beaucoup d’envie. Prenez un pays comme le Cameroun, dont le niveau de formation universitaire est élevé. Le niveau d’alphabétisa-tion est très élevé et le pays est bilingue. C’est un cocktail formidable pour réussir sur internet. Mais la connectivité est un énorme problème. Résolvez les problèmes de connectivité du Cameroun et vous avez un champion potentiel de l’internet. »

Outre les coûts de connexion élevés, les camerounais sont sceptiques face au e-commerce à cause des prix pratiqués. Comme le souligne Danielle Ihbon, blogueuse multimédia basée au Cameroun, il est sou-vent facile de retrouver les mêmes produits sur le marché. Elle prend l’exemple de produits vendus à 17.000 FCFA sur le site de Jumia contre 10.000 FCFA sur les marchés ou de ballerines vendues à 8.000 FCFA sur une boutique Facebook contre 2.000 FCFA dans l’un des marchés de la ville. Pour ce qui est de Cdiscount, les délais de livraison allant de 30 à 70 jours découragent les plus patients des utilisateurs.Avec l’augmentation constante du taux de pénétration mobile (71% en 2015 selon l’Institut National de Statistiques), les sites d’e-com-merce vont devoir de plus en plus s’adapter aux services mobiles et trouver des solutions pour y sécuriser les paiements. Grâce à la multi-plication d’offres internet mobile, les camerounais vont de plus en plus se connecter sur leurs téléphones. Le rapprochement avec les déve-loppeurs de solutions locales de paiement mobile serait un plus. Aussi, pour poursuivre leur croissance, les acteurs du commerce en ligne au Cameroun gagneraient à développer des campagnes digitales sur les réseaux sociaux pour toucher toute cette génération de cadres de 25-34 ans qui aspirent à avoir les meilleurs produits dans les meilleurs délais aux meilleurs coûts.

QUAND LES CAMEROUNAIS ACHÈTENT SUR INTERNETPar Marie Simone NGANE Crédit photo, Willy Ndao pour OuiCarry.com

INSPIR’ECO

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« DANS L’ENSEMBLE NOUS DEVONS TOUS, ENTREPRENEURS COMME NON-ENTREPRENEURS, ÊTRE PLUS HUMBLES ET PLUS ACHARNÉS AU TRAVAIL. »

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LES PENSÉES DE

Le portrait-robot de l’entrepreneur camerounais… Selon des chiffres publiés par le GICAM il y a quelques années, 44,2% des entrepreneurs camerounais sont diplômés du primaire, et 14% sont sans diplôme. Par ailleurs 81% des entreprises auraient moins de 10 ans. S’il y a un portrait-robot (avec ce que cela a de nécessaire-ment caricatural) de l’entrepreneur camerounais, alors celui-ci est peu diplômé, est à la tête d’une activité très fragile, et exerce probablement dans l’informel.

Parlons des obstacles auxquels font face les entrepreneurs camerounaisLes obstacles structurels sont connus  : la corruption est omnipré-sente  ; les infrastructures (réseau routier, télécommunications, etc.) sont de mauvaise qualité (ce qui engendre toutes sortes de coûts)  ; les ressources humaines demeurent un vrai problème ; la fiscalité est punitive, notamment pour les jeunes entreprises qui ne sont pas tour-nées vers l’export (ce sont les plus nombreuses) ; l’insécurité juridique est totale (le coût de la malhonnêteté est très faible), les possibilités de financement sont réduites, etc.Pour le reste, tout dépend du profil de l’entrepreneur  : l’entrepre-neur-type, dont je parle plus haut, sera (sauf exception) freiné par une insuffisance de qualifications. Il existe de nombreux entrepreneurs-po-litiques au Cameroun : ceux-là se servent de leur statut – d’hommes politiques - pour s’octroyer toutes sortes de privilèges et faciliter leurs affaires (certains les brandissent comme des modèles alors qu’il s’agit de contre-modèles). Enfin il existe une classe d’entrepreneurs jeunes et éduqués qui à mon sens souffre d’une faible émulation, d’un mar-ché intérieur petit et dans lequel le pouvoir d’achat est faible, d’une insuffisance d’intégration régionale, mais aussi d’un environnement francophone qui n’est pas propice au développement d’entreprises.

…Et du nombre sans cesse croissant d’initiatives Je n’ai pas de chiffres pour évaluer la progression « d’initiatives » en-trepreneuriales. Mais il est vrai que l’entrepreneuriat est à la mode. Il y a eu la mode de l’informatique dans les années 90, ensuite celle de la Finance jusqu’au début de la crise financière en 2007, et désormais celle de l’entrepreneuriat. Le statut « d’entrepreneur » est prestigieux. Le thème porte médiatiquement. Une sorte de bulle semble s’être for-mée d’ailleurs. Les média en parlent sans cesse, on distribue toutes sortes de prix à toutes sortes « d’entrepreneurs », qui pour certains ont réalisé bien peu ; en retour cela suscite toujours plus de vocations, et donc de nouveaux « jeunes entrepreneurs » arrivent sur la scène dans l’espoir d’être médiatisés et récompensés en conséquence. C’est un peu dans ce cycle absurde que nous sommes. L’entrepreneur 2.0 veut avant tout être connu et primé. Son principal atout est la communica-tion. L’entrepreneuriat est pour lui une fin en soi. Il est entrepreneur pour être entrepreneur. J’observe que lorsque Bill Gates inventait Win-dows, il était occupé à travailler (pas à faire sa promotion ou à recevoir

des récompenses)  ; lorsque Steve Jobs concevait ce qui est devenu le Mac, il était tout autant absorbé par son travail. La communication (ou la promotion) devrait servir le fond. Les entrepreneurs devraient communiquer lorsqu’ils ont quelque chose à présenter ou à annoncer. Autrement, leur fonction première est de travailler à améliorer l’état de la société. Il n’y a aucun mal à œuvrer dans l’obscurité si l’on construit « Apple ». De ce point de vue, la multiplication des initiatives, si elle est avé-rée, n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. Nous avons be-soin d’entrepreneurs talentueux et sérieux capables de résoudre de vrais problèmes (éducation, santé, agriculture, etc.) et créer les mil-lions d’emplois dont notre économie a besoin. La qualité me semble ici plus importante que le nombre. Or pour l’instant, je vois le nombre, pas nécessairement la qualité. Lorsque la bulle éclatera (comme celle d’internet et de la Finance), les choses seront peut-être plus claires.

À propos des entrepreneurs Camerounais… Indomptables ?De manière générale, les entreprises camerounaises ont une durée de vie faible et restent petites (elles emploient peu de monde et trop sou-vent elles sont incapables d’assurer le salaire de leurs employés tous les mois). Ici ou là, il y a des individus qui ont manifestement du po-tentiel (ce qui fait plaisir). Il faut souhaiter qu’ils aillent au bout de leur potentiel, car c’est tout le pays qui en profitera. Mais dans l’ensemble nous devons tous, entrepreneurs comme non-entrepreneurs, être plus humbles et plus acharnés au travail. Ceci dit, quand on compare le Cameroun à de nombreux pays africains, je crois qu’on peut se risquer à affirmer que nous avons une culture entrepreneuriale. Et cela est indéniablement un atout pour la suite.

Sur le soutien apporté aux entrepreneurs CamerounaisEst-ce nécessairement notre rôle, en tant que camerounais, de « sou-tenir  » des entrepreneurs sur la seule base de leur nationalité  ? Ce n’est pas évident. En tant que client, il n’y a aucun doute : à qualité et prix comparables, j’opterai pour un produit camerounais. Autrement, non  ; je suis avant tout un consommateur préoccupé de son intérêt propre. C’est aussi à « nos » entrepreneurs de nous encourager à les « soutenir ».

5 ingrédients qui mèneraient à la renaissance Came-rounaise à travers l’entrepreneuriat Pas sûr que 5 ingrédients soient nécessaires. Nous avons avant tout besoin d’un gouvernement sérieux, qui combatte la corruption, qui rénove nos infrastructures, qui réforme en profondeur la fonction publique (plus rapide, plus réactive, etc.) et le système judiciaire, qui améliore significativement le système éducatif et la fiscalité des entre-prises, etc. Seule une renaissance politique conduira à la renaissance que vous appelez de vos vœux.

YANN GWETPropos recueillis par Chrys Nyetam

Crédit photo, Donie Gwet

Même s’il est difficile de définir l’entrepreneur-type d’origine Camerounaise sans le caricaturer, il demeure tout de même une certitude : L’entrepreneuriat est à la mode. Yann Gwet, journaliste-écrivain camerounais, nous livre en quelques lignes son opinion sur cette activité qui se veut être l’une des plus attractives du moment.

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FOCULTURE

Le 26 mars 2016, les lions indomptables disputent un match contre l’Afrique du Sud. Le pays tout entier, qui avait commencé à se désintéresser des performances de l’équipe nationale de foot-ball, est devant la télévision. Tout le monde veut voir le nouveau stade de Limbé. Ville côtière située dans le Sud-Ouest, Limbé est l’une des agglomérations retenues pour accueillir les infrastruc-tures liées à la Coupe d’Afrique des Nations que le Cameroun de-vrait recevoir (féminine, courant 2016 et masculine en 2019). Lim-bé est une ville en mouvements comme Buea, Bamenda ou Kumba, ces villes porte-étendards d’un Cameroun anglophone qui bouge.

Plus de 40 ans après la réunification des Cameroun anglophone et francophone, le mariage peine toujours à trouver son équi-libre. Les camerounais anglophones se sont souvent sentis mar-ginalisés. La proportion anglophone est passée de 21  % de la population du pays en 1976, à 16  % en 2015. Indomptables mal-gré tout, les «  anglos  » comme les appellent péjorativement les autres camerounais sont en train de faire du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays, l’un de ses plus grands pôles de croissance.

La région du Sud-Ouest est la plus prolifique. Buea est désormais sur-nommée la «  Silicon mountain  » en raison du nombre important de startups technologiques qui y naissent. Rien ne prédestinait réellement la ville à devenir la capitale numérique du Cameroun. En 2012, Njorku est la première start-up à sortir du lot en apparaissant dans le clas-sement des 20 start-ups qui comptent en Afrique publié par le très célèbre magazine Forbes Africa. Cette distinction a été le premier signe révélateur du dynamisme de la région. Depuis 2015, Buea accueille la conférence annuelle #SMCON qui réunit près de 500 développeurs, designers et hackers de la région pour des cours et des conférences dans le but de les inspirer. De nombreuses autres success stories ont suivi  depuis: Pursar, Agro-hub, Feeperfect et l’incubateur Ac-tivSpaces qui organise des bootcamps pour aider les jeunes startups.

Buea est la ville la plus chère du Cameroun selon une étude de l’Institut des Statistiques du Cameroun en 2015. Le taux d’inflation y a augmen-té de 4.9% contre 2.9% à Yaoundé. Poussés par l’engouement pour la ville, de nombreux entrepreneurs ont lancé des projets ambitieux à l’instar du Buea Shopping Mall qui a ouvert en 2015. Premier centre commercial de la région, il accueille plusieurs commerces locaux. Début 2016, le restaurant Iya ouvre, des cuisiniers entraînés par le chef re-connu Dieuveil Malonga propose une cuisine africaine gastronomique. C’est dans le Nord-Ouest qu’est né et a été lancé l’un des projets camerounais les plus primés à l’international. En effet, c’est en visite

dans son village qu’Alain Nteff a l’idée de Gifted Mom, cette hotline destinée à aider les femmes enceintes dans le suivi de leur grossesse. Ici, se développe également une industrie cinématographique produc-tive. Le 25 avril dernier, Buea accueillait le 5e Cameroon International Film Festival (CAMIFF). Les acteurs réputés de Nollywood comme John Dumelo ou Van Vicker (tous deux ghanéens) s’y intéressent de plus en plus et se déplacent pour des tournages et des avant-premières.

Bamenda est la plaque tournante de la région. La proximité avec le Nigéria voisin et le partage de la langue « pidgin » sont un atout pour les échanges économiques avec la première puissance économique du continent. Depuis peu, l’aéroport de la ville est en train d’être ré-habilité pour améliorer le transport inter-régional. Il permettra ainsi de rallier plus facilement les principales villes du pays (Yaoundé, Douala). Bamenda accueillera également l’un des futurs stades dont compte se doter le Cameroun pour la CAN de 2019. Le stade de 3 hectares sera construit sur les ruines de l’ancien stade municipal de la ville pour un budget de 780 millions de FCFA.

Conscient de son potentiel touristique, le Cameroun anglophone profite de ses atouts. A Bamenda, on peut visiter le Fort, un ensemble fortifié qui a servi de camp militaire à l’époque coloniale allemande, des musées, des galeries d’art et des bâtiments religieux anciens sont également des attractions. Si la course de l’espoir sur le Mont Cameroun, les plages noires de Limbé ou son parc botanique ont souvent volé la vedette, Bimbia est aujourd’hui à l’honneur. En effet, la ville est un des vestiges de l’esclavage au Cameroun. On peut y voir les chaînes et la porte de non-retour. Les premiers circuits ont été organisés par des locaux mais aujourd’hui, l’Etat s’y intéresse fortement et prévoit de réhabiliter les lieux pour en faire l’une des premières attractions touristiques du pays.

Les « don men », « push push men » ou « hustlers » (prononcer |eus-la|), ainsi pourrait-on appeler en pidgin toute cette génération relative-ment jeune qui se bat pour améliorer ses conditions. Tout le Cameroun chante et danse aux rythmes de Jovi, Mr Leo, Ambe ou Magasco. Les barrières de la langue ont été abolies. Si les Camerounais ne sont toujours pas aussi bilingues que leur pays, les choses changent. Les cultures du Nord-Ouest et du Sud-Ouest se font connaître de leurs pairs francophones. Cette région est en passe de devenir le princi-pal pôle d’innovation de la sous-région Afrique Centrale grâce à cette génération d’innovateurs qui ont choisi de trouver des solutions aux problèmes de leur pays.

LES « PUSH PUSH MEN » DU CAMEROUN ANGLOPHONE

Buea est désormais surnommée la « Silicon mountain » en raison du nombre important de

startups technologiques qui y naissent.

Bamenda est la plaque tournante de la région. La proximité avec le Nigéria voisin et le partage de la langue « pidgin » sont un atout pour les

échanges économiques avec la première puis-sance économique du continent.

Par Marie Simone NganeCrédit photo, Studio Dokoti_Shoreditch Company Ltd

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FOCULTURE

Le Restaurant IYA niché au pied du Mont Cameroun dans une bâtisse coloniale est devenue l’un des lieux incontournables à visiter à Buea.

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STELLA MEKA ENGAMBA - YINDA 

Propos Recueillis par Chrys NyetamCrédit photo, Orphée Noubissi

Alors que son Baccalauréat ES la prédestinait à des études en Sciences Economiques, Stella Meka Engamba épouse Yinda décide de s’inté-resser à sa passion: l’architecture. Elle intègre alors une école privée parisienne, MJM Gra-phic Design, où elle obtient son diplôme d’ar-chitecte d’intérieur en 2001. La même année, elle décide d’aller plus loin et d’intégrer l’école supérieure d’architecture Paris La Villette. Elle devient épouse en 2004, puis mère d’une pe-tite fille en 2006. Mais sa vie familiale ne l’em-pêche pas d’obtenir son diplôme d’architecte DPLG en 2007. Après un passage dans un ca-binet d’architecture, la volonté d’entreprendre l’amène à mettre sur pieds AR Design, un cabinet d’architecture et d’architecture d’inté-rieur. Mme Stella Yinda partage en 4 questions, son expérience et son analyse de ce secteur.

Inspire Afrika Magazine : Parlez-nous de votre parcours. Quand, comment et pour-quoi avez-vous créé AR Design ?Stella Yinda  : Tout d’abord, je remercie le ciel pour la chance que j’ai eu de côtoyer de grands architectes au cours de mes stages et dans ma quête de connaissances. Je pense notamment  au regretté M. Olivier Clément Cacoub - architecte des palais nationaux et notamment de celui du Palais de l’UNITE à Yaoundé - à mon mentor M. Philippe Bissek et à M. Nikos Fragiadakis. Lorsque je rentre au Cameroun en 2007, j’intègre le cabinet ADM dirigé par Mme Danielle Moukede, que je quitte en 2009 pour créer AR DESIGN. Il me tardait de porter mon projet d’entreprise et d’imprimer mon empreinte dans l’univers architectural du Cameroun. Aujourd’hui nous employons 4 personnes à temps plein et nous avons régulièrement recours à 3 consultants. Nos projets - d’échelles variables - nous per-mettent de servir au minimum une dizaine de clients par an. Nous intervenons à la fois dans les projets d’architecture et d’architec-

ture d’intérieur, aussi bien dans la phase de conception que celle de suivi et d’exécution. Architecte du nouveau design des boutiques TRADEX à travers le Cameroun, notre cabinet intervient également sur l’architecture inté-rieure de l’immeuble siège à Douala. Nous intervenons dans les projets de construction d’immeubles de logement, de bureaux, d’hô-tel et résidence hôtelière, de villas et duplex. Nous effectuons aussi la rénovation d’apparte-ments, de villas, de clinique et travaillons aussi à l’aménagement d’espaces commerciaux  : boulangeries, boites de nuit. De plus, je suis gestionnaire de projet indépendant pour le Cameroun pour Shelter Afrique depuis 2013.

I.A.M  : Beaucoup confondent le métier d’architecte d’intérieur à celui de déco-ratrice. Quelles sont les principales dif-férences entre ces deux métiers ? Com-ment votre profession est-elle perçue au Cameroun ? S.Y  : L’architecte d’intérieur exécute avec poésie le concept architectural et technique qu’il a conçu en termes de volume, de lu-mière, de matériaux de couleur, de mobilier, et d’équipements. Il a le souci permanent du dé-tail des espaces domestiques, professionnels, culturels ou commerciaux auxquels il confère un caractère fonctionnel et esthétique. A la dif-férence du décorateur d’intérieur, l’architecte d’intérieur peut intervenir sur le bâti en mo-difiant son volume, l’éclairage, les matériaux. Le décorateur d’intérieur quant à lui, fait un travail de mise en scène du mobilier, des ob-jets et des accessoires. En ce qui concerne la perception du métier, il convient de noter que les usagers croient pouvoir se passer des services d’un architecte d’intérieur du fait de la facilité d’accès à des modèles préétablis sur Internet qu’ils seraient tentés de copier en omettant l’importance des normes techniques ou du cahier des charges. De plus, d’aucuns

pensent à tort qu’il est onéreux de s’attacher les services d’un architecte d’intérieur. Ils pourraient cependant pour s’en convaincre se rapprocher d’un architecte d’intérieur au moins pour une consultation, un diagnostic ou des conseils, ce qui permettrait à plus d’une personne d’éviter quelques désagréments. I.A.M  : Est-il facile de faire valoir ses services ou de se vendre quand on sait que peu de gens ont recours à des archi-tectes ou à des architectes d’intérieurs ? Existe-t-il un ordre des architectes d’in-térieurs ? S.Y  : Je dirais oui et non. La valorisation de nos services dépend de l’interlocuteur et de son ouverture d’esprit. Ce métier est peu connu pour son identité propre, il est cependant fort apprécié au Cameroun no-tamment par toutes personnes sensibles aux espaces de qualité. L’avènement d’in-ternet aura permis - au corps défendant de certains conservateurs - d’apprécier les es-paces savamment architecturés. Il existe un ordre des architectes auquel je suis inscrite depuis 2010, cependant il n’existe pas à ce jour d’ordre d’Architecte d’Intérieur car nous sommes moins d’une dizaine au Cameroun.

I.A.M  : Quelles difficultés rencon-trez-vous dans votre métier ? Ces diffi-cultés sont-elles liées au fait que vous soyez une femme ? S.Y : Comme il peut vous être aisé de com-prendre, nous rencontrons bien des déboires liés à l’approche genre  ; à ces derniers s’ajoutent ceux liés à l’environnement des affaires et à l’environnent socio-culturel du Cameroun.

Cependant de nature optimiste, je préfère mettre en lumière le côté positif de notre belle profession afin de susciter

des vocations.

4 QUESTIONS À

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INSPIR’TALKS #4 / RECAP 

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Le 10 Novembre 2015, Inspire Afrika Magazine organisait son 4ème Inspir’Talk, portant sur l’industrie de la mode Africaine. Cet événement a aussi été l’occa-sion de lancer la première version papier du Magazine distribuée en France, au Cameroun et aux USA. Retour en images sur les meilleurs moments.

1- Bernard Kouao et Simon Louvel (Galeries Lafayette)2- Katia Bumba (Kate Bee)3- Laura Eboa Songue (Fondation Africa France) et Scheena Donia (Consultante en image et en communication)4- Maureen Ayité (Directrice NanaWax)5- Nelly Wandji (Directrice Moonlook)6-Francesca Ngahane (IA Magazine)7- Atelier Maison Udjuwa8- Claire Yverneau (Champagne Nicolas Feuillate) et Louis Gilbert Bissek (Inspire Afrika Magazine)9- Chrys Nyetam (Inspire Afrika Magazine), Ouendeno Moriba (Moriba) et Louis Gilbert Bissek (Inspire Afrika Magazine)10-Benjamin Ngongang (Oser l’Afrique)11-Les partenaires d’Inspir’Talks #412- Pascale Guasp (ELSS Collection)13- Barbara et Siti (Maison Udjuwa)14- Le ‘gift bag’ XXL de ‘Inspir’Talks #415- Distribution de IA#17 aux participants de ‘Inspir’Talks #4’16- Joan Yombo (Inspire Afrika Magazine) 17- Anouche Babayan (Association Led by Her), Julie Abissegue (Inspire Afrika Magazine) et Claire Mays (Association Led by Her)18- Marie Simone Ngane (Inspire Afrika Magazine)19- Diane Audrey Ngako (Visiter l’Afrique / Le Monde Afrique) et une invitée20 - Grâce Samnick et Philippe de Bailliencourt (Arc Informatique)

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NOTREÉLÉGANCEJOCELYN ARMELLE BACHELORCRÉATEUR DE LA MARQUECONNIVENCES#TALENTDUCONGO

FAIREVOYAGER