17303564 Gilles Deleuze QuEstce Que Fonder 1956[1]

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 Gilles Deleuze QU’EST-CE QUE FONDER? Cours hypokhâgne, Lycée Louis le Grand, 1956 Notes manuscrites prises par Pierre Lefebvre

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Gilles Deleuze

QU’EST-CE

QUE FONDER?

Cours hypokhâgne, Lycée Louis le Grand, 1956

Notes manuscrites prises par Pierre Lefebvre

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(Le début manque: Deleuze commençait par évoquer les héros 

 fondateurs de la mythologie. Ex. Ulysse )

…Les empiristes ont raison: ce que nous réalisons ce

sont les fins naturelles.

Mais le comportement a peut-être d’autres dimensions.

Peut-être y a-t-il dans le comportement des fins que la

réalisation passe dans l’inconscient?

L’homme, d’une part, peut réaliser des fins naturelleset en même temps, du fait qu’il est homme ne se produit il

pas quelque chose en lui? Il transforme les fins naturelles.

Quelle est la fonction d’une cérémonie et d’un rite? Celui-ci se

distingue de la fin naturelle. Soit un groupe social, la famille,

dans son aspect cérémoniel. Elle agit bizarrement. Elle

arrache à la nature des déterminations pour en faire desévènements de l’histoire: manger, aimer, dormir et mourir. La

fonction de la famille c’est la nourriture en commun,

La sexualité, le sommeil, la mort. La mort est une

détermination de la nature. La famille en fait un évènement

de l’histoire en la recueillant dans la mémoire.

Cette activité du rituel il faut l’appeler cérémonie. Demême la sexualité devient évènement de l’esprit sous la forme

par exemple du consentement. La nature est portée au

niveau de l’histoire au cours de la cérémonie.

C’est en même temps que l’homme transforme…et qu’il

réalise des fins naturelles par des moyens indirects.

Le comportement humain a donc trois pôles: les finsnaturelles sont des fins naturelles transformées, les fins

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naturelles subsistent en elles-mêmes en dehors de la

cérémonie. L’homme les réalise donc. Mais si l’homme ne

réalise pas les fins naturelles cela ne veut pas dire qu’ellesn’existent pas. Elles ne se donnent pas à réaliser parce que la

transformation des fins naturelles en fins culturelles rend

celles-ci infinies. Il faut prendre cela à la lettre. Les morts que

nous aimons c’est une tâche pour nous inépuisable. Peu

importe qu’on s’en détache. Elle n’en reste pas moins infinie.

Dire je t’aime au lieu de dire je te désire c’est se proposer unetâche infinie. Celle-ci ne se présente donc pas comme à

réaliser. Mais à quoi sert-elle? On dira qu’elles sont

seulement pensées, senties.

Si alors la mythologie est l’imaginaire c’est que les

tâches infinies ne sont pas à réaliser. La mythologie nous

présente cet état des tâches infinies qui nous sollicitentautrement qu’à réaliser.

Les dieux passent leur temps à boire une boisson qui

leur est réservée. En essayant de vivre un symbole on en

retrouve le sens. Les Dieux immortels passent leur temps à

boire. A l’origine il y a deux groupes de surhomme qui luttent

pour devenir des dieux. L’enjeu de la lutte est la boisson quirend immortel. Alors les dieux sont immortels parce qu’ils

boivent. C’est la transformation de la fin naturelle, boire, en

une tâche infinie. Si les dieux cessaient de boire ils ne

seraient plus immortels.

Ce à quoi les tâches infinies servent c’est que seules

elles permettent à l’homme de réaliser les fins naturellesd’une façon qui ne soit plus simplement directe. C’est

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pourquoi le cynisme est antiphilosophique. Il faut prendre le

cynique au mot. Qu’est-ce qui permet le piège. Le détour que

le cynique voit. C’est précisément que le cynique nie latransformation des fins naturelles en fins infinies.

Mais les fins naturelles ne sont pas encore des fins de

la raison. Ce sont des valeurs, des sentiments qui sont sentis,

vécus.

Que faudra t’il alors appeler raison? Si les fins

naturelles se présentent à leur tour à réaliser cette fois-ci seseraient des tâches infinies qui réclament à être réalisées.

Elles deviendront la fin propre de la raison. Celle-ci est la

pensée lorsqu’elle se donne à réaliser elle-même.

Il y a donc maintenant quatre termes:

- les moyens indirects

- les fins naturelles- les fins culturelles senties

- les fins culturelles de raison

Qu’est-ce alors que la tâche infinie de réalisation?

Kant et Hegel disent que c’est la volonté qui se recueille

elle-même ou s’élève a l’absolu quand elle est volonté de

liberté. Dans cette volonté de liberté il y a l’activité de l’êtreraisonnable qui consiste à réaliser la tâche infinie. Pour Hegel

cette réalisation se fait dans une Histoire.

Le fondateur est alors celui qui pose et propose une

tâche infinie

Comment la propose t’il et sur quel ordre?

Fonder c’est élever la nature au niveau de l’histoire etde l’esprit.Tous ceux qui nous proposent des valeurs se

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réclament d’une fondation.

Quand donc le problème de fonder devient-il

philosophique? A partir du moment où le fondateur nouspropose des tâches infinies comme quelque chose qui doit

être réalisé dans ce monde même. La notion de fondation

devient alors plus claire.

Dans la première manière l’homme s’éprouve comme

être sentant et dans la seconde comme être raisonnable.

D’une manière à l’autre la fondation prend conscience de soi.Il ne s’agit plus de fonder au niveau des valeurs mais de

s’interroger sur ce qu’est fonder.

Il faut fonder la fondation elle-même.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

Des quatre caractères du fondement on peut retenir le

caractère équivoque du fondateur. Celui-ci est moins celui

qui fonde que celui qui se réclame d’un fondement. A la lettre

fonder c’est se réclamer d’un fondement. Ex. Moïse est

fondateur car il apporte une religion en prétendant qu’elle est

fondée.

Il faudra se demander quel est cet être bizarre se

réclamant du fondement. D’où les expressions «bien et mal

fondé» Une nouvelle recherche s’ouvre: quand se réclame t’on

d’un fondement? Quand on ne rapporte plus son activité à soi

agent.

Mais quand invoque t’on autre chose? C’est, nous

l’avons vu, passer de la mythologie à la philosophie en

trouvant un sujet commun à ses actes (caractères). Cette

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racine commune c’est la tâche infinie. Nous avons vu que

dans le comportement humain il y avait quatre caractères:

1- l’homme poursuit des fins naturelles.2- Il poursuit ses fins obliquement. Il agence des

moyens.

3- Qu’est-ce qui rend possible un tel détour? C’est

qu’en même temps et autre part les fins de la nature

retentissent dans l’imagination. Elles se transforment en

valeurs ou fins originales de l’homme. Ce sont elles qui justement se présentent comme des tâches infinies, mais qui

en elles-mêmes ne sont pas à réaliser. Elles sont à éprouver.

Elles déterminaient un genre d’action: la cérémonie et le

rituel. Ce sont elles qui permettent la réalisation indirecte des

fins de la nature. L’homme est déjà fondateur. On répond à la

question: à quoi sert de fonder?4- Ces fins originales de l’homme ne sont pas encore

celles de la raison. Celle-ci comme fin suprême ne pouvait se

présenter que dans la mesure où les tâches infinies

deviennent elles-mêmes comme choses à réaliser.

Les valeurs ont un caractère extrêmement ambigu. Il y

a toujours en elles, semble t’il, une espèce de mystification.(cf. la philosophie des valeurs). La notion de valeur a été créée

par Nietzsche dans La Volonté de Puissance . Pour lui il n’y a

pas de vérité, il n’y a que des évaluations. Affirmer que tout

est valeur c’est présenter une mystification qu’il faut détruire.

D’où la polémique de Nietzsche. Au contraire les philosophes

des valeurs refusent cette mystification. Mais elle y est toutde même. On ne sait plus de quoi on parle.

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Le cynisme a tort car il veut qu’on s’en tienne aux fins

de la nature alors que les valeurs sont les règles d’une

détermination indirecte des fins de la nature. Où ils ontraison c’est que les valeurs ne sont qu’un moyen. Mais

soumises au tribunal de la raison les valeurs deviennent la

fin de l’être raisonnable.

Réaliser l’homme n’a pas de sens. Comment se fait

donc la conversion? La tâche infinie comme valeur était un

contenu de la volonté. Il s’agissait d’autre chose que d’unsimple désir. Aimer c’est d’abord vouloir. La volonté au

niveau des valeurs avait un contenu qui lui était extérieur,

hétéronome (Kant). «Je veux boire» est autre chose que «je

désire boire». Mais la volonté est encore extérieure au

contenu de la volonté.

La conversion est simple. Ces valeurs à réaliser perdentleurs figures particulières parce que la volonté devient

autonome. C’est une volonté qui ne veut pas autre chose

qu’elle-même. Une volonté qui ne veut pas autre chose que

son propre contenu. L’autonomie est présentée comme

universalité. C’est là exactement la volonté autonome de

Kant. C’est la volonté de liberté (liberté universelle). La moralekantienne (Critique de la Raison Pratique) consiste à dire qu’il

 y a bien une liberté de la volonté lorsque celle-ci veut et ne

veut rien d’autre que la liberté.

La diversité des valeurs venait de ce qu’elles étaient des

fins naturelles transformées. Elles étaient encore rattachées

aux fins naturelles. Mais lorsque la volonté détermine sonpropre contenu il n’y a plus de diversité des valeurs.

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Les fondations ne sont plus des tâches infinies qu’on se

présentait comme valeurs. La fondation devenait

conceptuelle. On passe de la mythologie à la philosophie.

CHAPITRE II

«CE QUI FAIT L’ ETRE ESSENTIEL D’UN FONDEMENT 

OU RAISON» (Heidegger)

Introduction

Heidegger veut chercher le fondement du fondement. Il

pense que la recherche s’arrête avec la raison de la raison.

“La liberté est le fondement du fondement, la raison de la

raison».

Nous avons vu que fonder c’est se réclamer d’un

fondement, poser une question comme déjà fondée. Alors

qu’est-ce qui se réclame d’un fondement? Qui a besoin que

son action soit fondée?

C’est celui qui prétend. Prétendre c’est prétendre à

quelque chose en vertu d’un droit. Peut-être ce droit est-il

inventé, lui dira - t’on, que ce droit n’est pas fondé. On

prétend à la main de la fille et au pouvoir et parfois aux deux

à la fois (cf. Ulysse). Que veut dire ici le droit?

  Toute prétention présuppose un droit. On peut avoir

mauvais caractère à cause des humeurs. Il est juvénile. Dans

le vieillissement le mauvais caractère s’exerce au nom d’un

droit. C’est l’indignation. La mauvaise humeur se réclame

d’un droit. Il y a deux manières d’avoir faim. En elle-même

c’est l’état du besoin qui se présente comme le fait dans

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l’expérience de l’urgence. On cherche à satisfaire sa faim.

 Tout est rapport de force. Mais l’état d’urgence ça veut dire

un certain temps, un besoin de retenir un certain tempsdéterminé et limité. Le besoin est notre expérience la plus

profonde d’être dans le temps.

L’autre manière d’avoir faim: quand l’homme a faim il

peut arriver qu’au lieu de chercher à manger dans la nature il

revendique. Il y a un rapport de fait et de force. Mais n’est-ce

pas l’exigence qui a été fondée?Le fondement c’est donc ce qui nous donnera ou ne

nous ne donnera pas le droit. Il se présentera comme le tiers.

Le fondement ou tiers fondement. Prétendre c’est prétendre à

quelque chose. En prétendant on prétend comparaître devant

ce qui peut donner ou confirmer son droit. C’est accepter de

se soumettre à l’épreuve. Le fondement est le tiers parce qu’iln’est ni le prétendant, ni ce à quoi il prétend, mais il est

l’instance qui rendra le prétendu docile au prétendant.

  Jamais l’objet en lui-même n’est soumis à la prétention.

L’exigence et la prétention viennent toujours du dehors sur

l’objet. Exemple: en réclamant la main de la fille on peut se

réclamer de quoi? On prend comme arbitre le père qui est letiers, le fondement. Mais le père peut dire: faites une épreuve,

tuer le dragon. Ce qui fonde alors c’est l’épreuve. Affronter le

fondement n’est pas sans danger. Les prétendants n’ont ni

Pénélope, ni le pouvoir.

Le père peut dire aussi que ça dépend d’elle. Il y a

encore un tiers. L’amour que la fille éprouve n’est pas commeson être lui-même mais le principe qui rend son être docile à

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la prétention.

Il y a toujours un tiers et il faut le chercher puisque

c’est le fondement qui se présente comme un tiers.Mais est-il tiers parce qu’il vient en troisième?

Certainement pas. Il est même le premier. Mais il est tiers

parce qu’il agit dans l’ombre, dans l’inconscient. Il est

premier. Ce qui est au commencement, voilà le tiers. Une

exploration de l’inconscient sera donc sans doute nécessaire.

Mais pourquoi revendique t’on? Puisque ce n’est passans danger c’est que ça sert à quelque chose. Sans doute ce

quelque chose m’est donné d’une nouvelle manière. De plus

se réclamer d’un droit c’est perdre du temps. Cette perte doit

être compensée. Mais par le détour ne risque t’on pas de

perdre de vue ce à quoi on prétend?

Pourquoi les philosophes disent-ils du fondement qu’ilest un tiers? Définition plus philosophique: le fondement est

l’instance invoquée par et dans l’exigence ou la prétention

comme devant soumettre la chose à cette prétention.

Question: à force de m’intéresser à ce qui soumet la

chose à la prétention ne risquerai-je pas de perdre de vue la

chose elle-même et moi en même temps?I - De Hume à Kant: formation de l’idée kantienne du

transcendantal.

Kant a eu à sa manière une position telle que le

problème du fondement était posé par rapport à la prétention.

C’est une notion mystérieuse de Kant: le

transcendantal. Pour comprendre cela il faut partirhistoriquement de Hume à qui Kant doit beaucoup, bien que

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le premier soit empiriste. Kant va s’apercevoir que le

problème de fond doit être posé autrement. (Hume ne l’avait

pas vu mais c’est grâce à lui qu’il continue.) Hume a apportéquelque chose de nouveau: l’analyse de la structure de la

subjectivité. Le mot sujet, comme par hasard, est très

rarement employé par Hume. Ce n’est peut-être pas par

hasard. Hegel lui aussi analyse la subjectivité sans prononcer

le mot sujet. De même Heidegger qui va plus loin et qui dit

qu’il ne faut pas employer le mot sujet. Il faut le désigner parla structure essentielle qu’on a trouvée. Quand on a défini le

sujet il n’y a plus de raison d’en parler. Heidegger, Hegel nous

disent tous que le sujet c’est se développer. Hegel l’analyse

dialectiquement. Se développer c’est se transformer etc.

L’essence c’est la médiation. Heidegger dit que l’essence de la

subjectivité c’est la transcendance. Avec un sens nouveau:avant c’était l’état de quelque chose dit transcendant, avec

Heidegger c’est le mouvement de se transcender. C’est le

mode d’être du mouvement à ce qui se transcende.

Hume se demande: qu’est-ce que connaître? Il nous dit

c’est dépasser le donné. La connaissance est définie comme

dépassement.

Analogie des trois auteurs

Connaître c’est dépasser parce que c’est dire plus que

ce qui est donné. Je dis le soleil se lèvera demain. C’est un

  jugement posé comme vrai. Il implique, semble t’il,

l’affirmation de quelque chose qui n’est pas donné. C’est par

exemple: « toujours demain » qui n’est pas donné. Ce qui

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m’est donné c’est que le soleil s’est levé tant de fois et je sais

que dans le passé il n’a pas cessé de se lever. Je ne dis pas

qu’il s’est levé toujours mais qu’il se lèvera demain (il en estde même pour l’eau qui bout à 100°)

Hume a pressenti le problème du fondement. La

question «de quel doit» (quid juris ) est posée. Hume dans le

Traité de la Nature Humaine dit: je ne discute pas le fait, je ne

suis pas sceptique. Il faut dire que le soleil se lèvera demain.

Il en est persuadé. Mais son problème c’est d’où vient cetteraison. C’est le problème du fondement de l’induction. Il est

persuadé que c’est dans la nature humaine de dire que l’eau

boue à 100). Mais de quel droit le dit-on? De quel droit fait-on

une inférence du passé au futur. Si je juge je dépasse le

donné, mais ce n’est pas le donné qui peut expliquer que

l’homme dépasse le donné.Hume tombait sur un problème extraordinaire. Il pose

le problème ainsi: connaître c’est dépasser (ce qu’on appelait

prétention, exigence). Mais d’où cela vient?

C’est se demander ce qui fonde la connaissance. Et

selon Hume ce ne peut être qu’un principe subjectif. Ce n’est

pas l’objet c’est le sujet qui permet de trouver le fondement.C’est lui qui dépasse, qui suscite le problème du fondement.

Ce qui fonde la connaissance ne peut donc pas être

cherché du côté de l’objet connu.

La réponse de Hume peut paraître extraordinairement

décevante. Cela vient de son génie lorsqu’il posa

extraordinairement le problème. Cette réponse c’est que c’estle principe de la nature humaine qui permet de dépasser ce

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qui est. Ce principe c’est l’habitude. Que veut-il dire? Ce

principe c’est la possibilité qu’à l’homme de prendre des

habitudes. Selon lui l’habitude implique une répétition descas semblables et c’est l’expérience qui la fournit (1000 fois

  j’ai vu le soleil se lever). L’expérience livre une répétition de

cas semblables. La répétition ne change rien dans l’objet lui-

même. Chaque cas logiquement est indépendant de l’autre. Il

faut pour cela que la nature humaine y soit disposée. D’où

chez Hume l’étrange identité de la raison et de l’habitude.Hume a posé généralement le problème mais n’y a pas

répondu. Le principe lui semble psychologique. En ce sens

sans Hume il n’y aurait pas eu Kant qui en retient la

légitimité du fondement.

Kant va pousser le problème jusqu’au bout et va

dépasser cette interprétation psychologique. Pour Kant lefondement doit être un principe subjectif mais ne peut pas

être psychologique. Ce sera une subjectivité transcendantale.

Kant parle d’une remarque: il y a un fait curieux. Non

seulement le sujet dépasse le donné mais le donné se soumet

à ce dépassement. C’est vrai que l’eau se soumet au jugement

de l’homme et boue bien à 100°. Le donné est singulièrementhostile à ce dépassement. Kant conclu que Hume n’a pas

expliqué cela. Pour une raison c’est qu’il ne pouvait pas, il a

conclu que c’est un principe de notre nature humaine. Kant

nous dit que la nature humaine dépasse le donné de la

nature et en plus voilà que la nature se soumet à ce

dépassement. Comment expliquer que la Nature se soumetteà la nature humaine? Hume avait pensé à cela et dit «c’est

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qu’il y a une harmonie entre les principes de la Nature et la

nature humaine». Sur cette harmonie il est très discret. Il dit

si on veut invoquer Dieu c’est pas cela. Mais Hume n’invoqueguère Dieu. Il invoque Dieu pour les besoins de la cause. Il

avait besoin de Dieu. On pourrait se dire: qu’est-ce qu’il y a

d’étonnant qu’il y est cette harmonie? Mais on ne peut pas

dire à ce point là que les principes de la nature humaine et

ceux de la Nature s’accordent puisque les premiers sont ceux

par lesquels justement je dépasse la nature humaine. Il devra y avoir soumission de la Nature à la nature humaine.

Cette réponse de Hume était cohérente mais ne

renseignait guère et était inquiétante de la part d’un auteur

qui attaque l’idée de Dieu.

Quelle sera alors la thèse de Kant? Pour lui on n’a pas

le choix. Il faut bien que le donné par lui-même (la Nature)soit dès lors soumis à des principes du même genre que ceux

auxquels la nature humaine est soumise et non pas l’inverse.

Il faut que le soleil en tant que donné soit soumis à des

principes du même genre que ceux dont dépend ma

conscience du soleil, quand je dis le soleil se lèvera demain.

Le fondement dès lors ne peut plus être psychologique.Maintenant le principe selon Kant doit être principe de la

soumission du donné à la connaissance. Le principe qui rend

la connaissance possible, qui la fonde, doit en même temps

rendre nécessaire la soumission du donné à cette même

connaissance. Le principe n’est donc plus psychologique car

il ne l’était que dans la mesure où il était seulement principede connaissance. D’où le paradoxe de Kant: le fondement est

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subjectif mais il ne peut plus d’agir de vous et de moi. Le

sujet n’est pas nature.

Ce que Kant va appeler sujet transcendantal c’est cesujet qui va se distinguer de la subjectivité empirique ou

psychologique car il va rendre compte de ce que le donné se

soumet au dépassement que j’opère. Ce qui rend la

connaissance possible doit rendre nécessaire la soumission

du donné à cette même connaissance.

En style kantien qu’est-ce que cela donne? Dans La Critique de la Raison Pure , dans la première édition seulement

et supprimée dans la second car il était trop clair et pouvait

conduire le lecteur à l’erreur, on le trouve à la fin. C’est le

texte des trois synthèses (2e section). La synthèse du divers a

un triple aspect.

Ces trois aspects sont:- synthèse de l’appréhension dans l’intuition.

- synthèse de la reproduction dans l’imagination.

- Synthèse de la recognition dans le concept.

Si le donné n’était pas soumis à des principes du même

genre que ceux qui rendent la connaissance possible: « notre

imagination empirique (c’est à dire notre faculté de connaîtrecomme par citation, faculté de passer d’une représentation à

une autre suivant une règle) n’aurait jamais rien à faire qui

fut conforme à sa puissance et par conséquent demeurerait

enfoui dans le fond de l’esprit comme une faculté morte et

inconnue à nous.

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II- Caractères du fondement dans La Critique de la Raison Pure

Les trois œuvres majeures de Kant: Critique de la 

Raison Pure  (fondement de la connaissance), Critique de la 

Raison Pratique  (morale), Critique du jugement  (vivant et

œuvre d’art.

La subjectivité transcendantale au niveau du premier

livre reste une exigence logique. La connaissance est un fait

nous dit-il. C’est un fait qu’il y a des mathématiques, qu’il y a

de la physique. La connaissance en effet réussit.La question posée par Kant c’est: à quelle condition la

connaissance est-elle possible?

Mais quelles sont les conditions de possibilité? Quid

 juris? C’est une position tout à fait originale. Puisque c’est un

fait que nous connaissons nous ne pouvons pas échapper à

l’idée que les objets doivent être soumis à des principes dumême genre que ceux qui règlent la connaissance. L’idée de

subjectivité transcendantale doit être déduite à partir d’un

état de chose. Que l’idée de subjectivité transcendantale soit

indispensable ce n’est pas donner un être en lui-même. (Les

deux autres livres précisent la richesse de la subjectivité

transcendantale.Chez Kant le fondement a trois caractères:

Condition, Localisation et Limitation.

1) le fondement est condition.

La condition c’est ce qui rend possible. C’est donc une

notion curieuse puisqu’il s’agit de la connaissance. Il y a unprincipe qui rend la connaissance possible.

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Le problème classique de la possibilité change tout à

fait de sens. La possibilité est condition de possibilité. Pour

les classiques le possible c’est le non - contradictoire: le cerclecarré est impossible. Ce qui «n’implique pas» (sous entendre

contradiction) cela est possible. Mille choses ne sont pas

contradictoires et ne sont pas pourtant réelles. Le possible

était donc une notion logique et c’était l’être en tant qu’il

n’impliquait pas contradiction. Le non contradictoire

constituait l’être même du possible. Le problème del’existence était posé comme le passage du possible au réel.

Dans l’entendement de Dieu il y a le système de tout ce

qui est possible et Dieu par un acte de volonté fait passer au

réel certains possibles. (Cf. Malebranche, Leibniz ).

Le possible devient possibilité de l’être lui-même. Il

conditionne l’être lui-même. Or il y a une discontinuitéindubitable pour Kant entre le possible et le réel. L’idée de

100F c’est toujours l’idée comme possible. L’idée pose l’objet

comme pouvant exister. L’idée de quelque chose est toujours

comme pouvant exister et l’existence n’ajoute rien à l’idée.

L’existant est toujours extérieur à l’idée: il n’y a pas de

passage du possible au réel. L’existence n’est pas donnéedans un concept, elle lui est donnée dans l’espace et le

temps. Ceux-ci sont les milieux existants. Kant s’interroge

sur les conditions de possibilité de l’être existant. Il s’agit à la

lettre d’une espèce de logique de ce qui est. Le fondement est

précisément le principe qui rend possible. Voila pourquoi

Kant oppose à la logique formelle la logique transcendantalequi est l’étude du non contradictoire. La contradiction c’est le

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néant. Mais Kant au lieu de considérer logiquement ce qui

n’implique pas contradiction va en faire une fondée sur les

conditions de possibilité. Le fondement rend quelque chosepossible en rendant nécessaire la soumission d’autre chose à

cette même connaissance. Le fondement fonde quelque chose

en rendant nécessaire la soumission d’autre chose à ce qu’il

fait. C’est le tiers. Kant dit que la condition de l’expérience est

en même temps la condition des objets de l’expérience.

Le phénomène kantien n’est pas du tout l’apparence.On l’interprète souvent comme un compromis

apparence/être. C’est ne rien comprendre car Kant veut

dépasser apparence / être. Le phénomène n’est pas une

apparence qui cacherait l’être mais l’être en tant qu’il

apparaît. Le «noumène» c’est le pur pensé et il ne se distingue

pas du phénomène comme apparence et réalité mais commeêtre qui apparaît et être purement pensé.

Le fondement fonde en rendant possible. Il rend

possible en soumettant l’être à la connaissance et cela se

manifeste dans l’opposition.

2) Le fondement localise.

Le fondement se développe. Ce qu’il fonde il le pose

dans un donné, dans un milieu. La connaissance est

précisément dans le milieu et presque au milieu de ce qu’elle

connaît. Or elle connaît les phénomènes. Le fondement en

rendant la connaissance possible situe la connaissance dans

le domaine des phénomènes. Elle sera connaissance des

phénomènes. Il n’y a de connaissance que phénoménale. Le

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noumène, être purement pensé n’est pas objet de

connaissance. Ce qui est fondé: la connaissance est située

dans un milieu exactement défini par ce qui était rapportéessentiellement à la connaissance. D’où une formule

étonnante: «la connaissance ne commence qu’avec

l’expérience mais elle n’en dérive pas”. Kant dépasse ou

prétend dépasser les empiristes et les rationalistes.

Pour les premiers la conscience ne commence qu’avec

l’expérience. Kant leur donne raison. (Je ne peux pas direavant l’expérience que le soleil durcit l’argile ou le fait fondre.)

Mais les empiristes ont oublié que la connaissance ne dérive

pas de l’expérience. Ce n’est pas ce que nous connaissons

dans l’expérience qui fonde dans l’expérience. Ce qui rend la

connaissance possible n’est pas donné dans l’expérience.

C’est pourquoi ces conditions sont transcendantales. Je neconnais aucun objet à priori. Je dois attendre l’expérience

pour connaître. Il n’en reste pas moins que je sais sur l’objet

quelque chose à priori: qu’il sera dans l’espace et dans le

temps et qu’il remplira certaines conditions, à la fois

conditions de la connaissance et conditions de l’objet de la

connaissance.Enfin je sais de tout objet qu’il est soumis à la

causalité, qu’il est un et multiple.

Mais quelles sont ces conditions? L’un, le multiple, la

causalité sont des catégories. Kant fait une table des

catégories. Il y en a douze (pas espace et temps). Ce sont les

prédicats, les attributs universels qui sont attribués à tousles objets possibles. Je ne connais aucun objet à priori mais

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 je sais à priori toutes les conditions auxquelles un objet quel

qu’il soit est nécessairement soumis.

Le fondement doit faire de la connaissance, uneconnaissance des phénomènes.

3) Le fondement limite

Il impose à la connaissance une limite. Si je prétends

quelque chose à priori sans expérience, par là même je

dépasse les limites de la connaissance. Et quand on a cette

prétention? Quand je fais de la métaphysique. Quand je

pense que les catégories, au lieu d’être les conditions des

phénomènes, me font connaître un objet en soi. La

métaphysique au lieu de dire tout objet est soumis à la

causalité, pense que le principe de causalité fera connaître

quelque chose indépendamment de l’expérience: l’âme ou le

monde ou Dieu.

D’où le fameux thèmes de La Critique de la Raison Pure :

une critique de la métaphysique, non parce qu’il voudrait la

remplacer par la science (comme les scientistes) mais par ce

qu’il veut la remplacer par la logique transcendantale.

Substituer à la philosophie science une réflexion sur les

possibilités de la science. L’idée de science n’est pas

scientifique. Seule une analyse philosophique peut justifier

cette idée, le fondement de la connaissance en lui donnant

des bases qu’elle ne peut pas dépasser.

L’ennemi de la connaissance n’est plus seulement

l’erreur. Elle est menacée du dedans par une tendance, une

illusion selon Kant, à dépasser ses propres limites.

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Kant essaye alors dans la dernière partie de nous

montrer que nos questions sur le monde etc. sont des faux

problèmes.Ces trois sens se retrouvent chez un auteur qui en ce

sens n’a pas tort de se réclamer de Kant: Heidegger1. Pour

Heidegger le monde est structure de l’existence humaine.

Alors la notion de monde ne peut plus être séparée de la

manière d’être de l’homme. Celle-ci est la transcendance ou le

dépassement. Le mot transcendant ne signifie plus un êtreextérieur ou supérieur au monde mais un acte. L’existence

humaine existe comme transcendante. Heidegger distingue ce

que nous dépassons et ce vers quoi nous dépassons. La

transcendance est l’essence de la subjectivité et il remplace

même ce mot par transcendance.

Ce que nous dépassons? En tant que l’homme a uncorps etc. c’est un existant parmi d’autres existants. Mais

l’homme n’est pas un existant comme les autres par ce

pouvoir de dépasser. Et ce qui est dépassé c’est l’existant lui-

même, c’est le créé.

Vers quoi est-il dépassé? C’est vers le monde. Mais ce

«vers quoi» n’existe pas indépendamment de l’acte detranscendance. Ce qui est dépassé c’est bien la totalité du

créé mais ce vers quoi nous dépassons c’est le monde

structure de la subjectivité.

Nous trouvons alors la distinction fondamentale de

Heidegger: l’existant et l’être de l’existant. Tous les

philosophes, sauf Kant, ont traité l’être comme quelque chose

1 Cf. son livre sur Kant et la métaphysique.

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qui est. Heidegger leur reproche, il va jusqu’à dire que c’est

essentiel à la métaphysique de traiter l’être comme existant et

son histoire est celle de l’oubli de l’être. L’être de l’existant nese ramène à aucune existence, pas même à Dieu. C’est l’être

même de ce qui apparaît, c’est ce en quoi se trouve fondée

toute apparition comme telle. Le privilège de l’homme est

précisément de dépasser l’existant et se mettre en rapport

avec l’être. L’homme est le berger de l’être.Pourtant l’homme

est parmi l’existant.Le maître de Heidegger fut Husserl. Chez celui-ci la

notion de conscience reçoit une nouvelle signification. Elle

n’est plus du tout définie comme intériorité. Pour lui la

conscience est définie comme dépassement: «toute conscience

est conscience de quelque chose”. C’est la notion

d’intentionnalité.Est-ce que Husserl pouvait garder l’idée de conscience

dans la mesure où il rénovait l’idée de subjectivité? Heidegger

n’a-t-il pas raison?

En tous cas c’est bien à partir de la nouvelle conception

husserlienne de la subjectivité que Heidegger va concevoir le

monde.La triple notion de fondement s’éclaire.

1- en dépassant, l’existence humaine fait advenir le

monde. Elle institue le monde.

2- prendre pour base la réalité humaine. L(homme, n

même temps qu’il fait advenir le monde, est dans le monde. Il

est au milieu. Bien plus il est investi par l’existant car «pourdépasser l’existant encore faut-il être accordé à son ton».

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3- fonder signifie motiver. Heidegger développe le thème

que toute motivation trouve sa racine dans la transcendance.

Poser une question sur l’existant suppose l’acte de latranscendance.

4- D’où l’identification entre la transcendance et la

liberté. La liberté c’est ce qui fonde le fondement lui-même.

La liberté est liberté de fonder. C’est la raison de la raison.

Quelle est la différence entre la thèse kantienne et celle

de Heidegger?Nous avons vu la ressemblance. La différence est

curieuse. L’influence de Kant sur Heidegger est évidente et

pourtant il y a un changement de ton. Il existe pour qu’on ne

fasse pas un contre sens sur le kantisme. Les «phénomènes»

de Kant c’est précisément l’existant. C’est ce qui apparaît et

non l’apparence. Alors pourquoi Kant oppose t’il phénomèneet noumène? Parce qu’il est le premier à ne pas avoir

confondu l’existant et l’être de l’existant.

Comment concevoir le rapport des deux subjectivités?

Avec Heidegger le transcendantal devient une structure

même de la subjectivité empirique. Seulement cela devient la

structure essentielle. Le transcendantal est réduit à latranscendance, au dépassement. Peut-être que la subjectivité

transcendantale perd alors de son importance. Chez Kant elle

rendait la connaissance possible car elle soumettait les objets

sensibles à la connaissance humaine. Mais le sujet

transcendantal c’est ce qui rend possible la transcendance en

soumettant nécessairement les phénomènes à cette opérationde dépasser. Le sujet transcendantal c’est ce à quoi la

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transcendance même était immanente.

Avec Heidegger au contraire ce qui disparaît c’est la

distinction entre la transcendance et le transcendantal. Chezlui ils sont identifiés au point que ne se distingue plus ce qui

fonde et ce qui est fondé. D’où la racine de tout fondement est

la liberté.

Conclusion

Nous avons essayé de montrer en quoi le fondement

était un tiers.

Ce qui est fondé, disions nous, n’entre pas tout seul en

rapport avec le fondement. Il fonde quelque chose en lui

donnant autre chose. Tout le problème est de savoir quelle

est la nature de cette autre chose. Il semble que chez les

philosophes une fois le fondement trouvé cela ne change rien.

Kant fonde les mathématiques, la physique et pourtant il

nous dit c’est un fait. Elles restent les mêmes après avoir été

fondées. Et pourtant si le fondement laisse subsister ce qui

fonde on peut se demander à quoi ça sert. En revanche si

fonder change quelque chose alors on voit à quoi ça sert.

  Tout fondement n’entraîne t’il pas une surprise

inattendue? Le fondement n’entraîne t’il pas quelque chose

qu’on attendait pas? Ce n’est peut-être qu’à première vue que

chez Kant que les choses restent les mêmes. Cf. le livre

d’Alquier sur Descartes. Pour lui il y a toute une évolution de

Descartes. Petit à petit il se serait aperçu qu’il ne suffisait pas

d’une méthode mathématique pour fonder la connaissance

mais qu’il fallait un véritable fondement métaphysique. Mais,

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dit Alquier, ceci l’amène à un renversement complet de l’idée

qu’il se faisait de la science. La recherche du fondement nous

apporte donc autre chose que ce qu’on en attendait.Celà, on peut l’appeler surprise ou déception.

Ce qui reste à se demander c’est pourquoi de

philosophes nous donnent l’impression qu’il faut rechercher

le fondement et pourtant qu’il ne change rien. Problème chez

Kant. Mais justement chez lui il y a une séparation:

l’opération de fonder est séparé du changement qu’apportel’opération de fonder.

Une fois dit que le fondement a bien les caractères que

Kant et Heidegger lui reconnaissent, en quoi ce qui est fondé

va manifester dans sa propre nature le changement, la

modification qui va permettre de répondre à «qu’est ce que

fonder?»

CHAPITRE III - FONDEMENT ET QUESTION

Introduction

Le fondement est un tiers. Le fondé de ce fait prend

une autre figure.

En quoi la chose fondée change d’état? Ce tiers ne se

ramène ni au fondateur, ni au commencement. Quel est-il?

Quelle surprise nous apporte ce qui est fondé?

Là on pourrait se demander quel est le mobile de la

philosophie.

Pour les uns c’est l’étonnement. Pour les autres c’est

l’angoisse.

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On avait vu ce qui apparaissait de nouveau mais

mythologiquement: c’est une dimension cosmique. Répétition,

éternel retour (thème cher à Nietzsche).Résultat: celui qui appelle un fondement exige. Il se

pose comme pourvu d’un droit. Le quelque chose réclamé est

le fondé. Cela oppose l’homme à l’animal. L’homme trouve la

raison sous la forme de l’énoncé d’un droit.

On avait distingué trois sens du fondement chez Kant

et Heidegger.1) fonder c’est rendre nécessaire la soumission de l’un

à l’autre. Le fondement est bien un troisième terme, le tiers.

2) Le fondement est l’assignation d’un domaine ou d’un

territoire.

3) L’exigence a des conditions de validité. Le domaine

sa limite.Ici on retrouvait les deux mêmes problèmes mais sur

un plan philosophique.

Equivoque: le fondement et celui qui s’en réclame.

Qu’est-ce qu’apprend au fondateur le principe qui fonde? Est-

ce que ce principe préexiste? Est-ce une réponse qu’il

apprend? Dans l’idée même de fondement il devra y avoir lerapport entre les deux termes: le fondateur et la nouvelle

figure du fondé.

Est-ce que ce que le fondement révèle loin d’être une

réponse n’est pas une question?

Le sphinx formule une question. Celui qui de réclame

du fondement reçoit du fondement une question. L’équivalentmythologique c’est l’oracle, la prédiction.

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Le fondement nous dit de quoi il s’agit. Cela suppose

que nous ne savions pas en quoi consistait la question avant

de faire appel au fondement. Alors le rapport fondementfondateur est d’autant plus complexe que le fondement ne

donne pas une réponse mais une question. Dès lors de ce fait

en affrontant le fondement on est fondateur, on dispose de la

question.

Il faudra découvrir la nouvelle figure que prend le fondé

lui-même. Mais qu’est ce que cette question? Nous croyonstoujours que ce sont les solutions qui sont à déterminer.

L’activité d’interroger reçoit pour nous sa détermination de ce

qui la supprime. Or par là nous est suggéré que la question a

en elle-même une structure.

Qu’est ce que la question qui réunit fondement,

fondateur et changement du fondé?Style particulier aux philosophes. Il y a des questions

propres aux philosophes et qui laissent sans voix. Heidegger

arrive après un effort à une question qui risque de nous

décevoir. Il en arrive à «pourquoi y a t il de l’être plutôt que

du néant?” Et s’il se répète c’est qu’il veut suggérer qu’on ne

peut attendre de réponse du type empirique à desinterrogations empiriques. Peut-être au niveau philosophique

la réponse est elle contenue dans la question.

Leibniz: pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que

rien? Pourquoi y a-t-il ceci plutôt que cela? Désormais tout

est renversé, le fonds nous apprend une question et seule la

question peut élucider le problème.Quelles sont les hypothèses possibles? De la question

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philosophique quelle qu’elle soit on peut faire trois

hypothèses.

1) Peut-être est ce une question volontairement sansréponse. Son objet serait de faire taire les réponses.

Philosophie du paradoxe de Kierkegaard, de Chestov. Russe

étrange mort vers 1930, car historiquement Chestov n’a

connu que fort tard Kierkegaard et la ressemblance de leur

philosophie jusque dans leur expression est un cas étonnant

de coïncidence. Il a écrit sur le ton du commentaire, un tonextraordinaire. Il prend à parti Tolstoï et Dostoïevski. Livre

introuvable, sa thèse sur Shakespeare.

Ils appellent cela aussi philosophes du scandale, de la

provocation. Penser c’est aussi penser contre la raison.

Avec Socrate commence la décomposition, la trahison.

Les deux auteurs nous le verrons divergent. Après, pourChestov, il reste l’homme et ses questions: absurde. Pour

Kierkegaard il reste après la foi. Le fils d’Abraham lui est

rendu mais dans le domaine de l’absurde.

2) La question est telle qu’elle contient en elle d’une

certaine manière la règle de toutes les réponses possibles.

Elle nous livre les principes qui serviront à la solution de tousles problèmes. Leibniz pense qu’une méthode doit être

universelle. C’est la caractéristique universelle dont le

principe serait découvert dans la structure de tous les

problèmes:

a) identité: 4 principes

b) raison suffisantec) indiscernabilité

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d) continuité.

3) La question nous donne une règle pour distinguer

les vrais problèmes et les faux et c’est cela qu’il faut attendrede ce qui fonde. C’est la direction de Kant. Pour lui l’illusion

typique ce sont les problèmes posés par Leibniz: pourquoi

ceci plutôt que cela, etc.

4) Un auteur est en ce sens plus kantien, c’est Bergson.

Vision irrationnelle du fondement.

Première hypothèse: le fondement est lié au fond.Obscurité de cette notion. En appeler à ce qui fonde n’est ce

pas être prêt à aller jusqu’à l’absurde?

Seconde hypothèse: le fondement est connu

rationnellement. N’y t’il pas l’idée d’une raison suffisante

comme dit Leibniz? De l’origine radicale des choses dit

Leibniz.  Troisième hypothèse: le fondement serait une

conception critique. N’y a t’il pas là aussi cet aspect dans le

fond? Distinction entre la validité et la non validité.

D’une manière historique un grand philosophe a manié

les questions, c’est Socrate.

Il y a rapport d’essence entre fondement et questionI) Socrate et la question

Socrate procède par question et réponse. Mais pour

répondre Socrate dit «je n’y suis pour rien». Il dit «je suis la

question ou l’amour ou le philosophe».

Ce qui est en question c’est la dialectique. Elle part de

Parménide, de Zénon. On la retrouve chez Socrate et Platon,chez les Stoïciens et Aristote. On la trouve chez Kant, Hegel et

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Marx. Tous se réclament différemment de la dialectique.

Etymologiquement: conversation et distribution.

Comment ces deux notions s’organisent elles dans ladialectique? Qu’est ce qui est distribué dans la conversation

pour que ce soit une dialectique?

Sont distribuées les questions et les réponses. Grande

difficulté de socratisme. Socrate en a contre un état de chose

qui lui semble propre de la cité athénienne: tout le monde en

politique parle perpétuellement et sans savoir. (Voilàpourquoi il flirte avec les sports). La démocratie: n’importe

qui peut avoir son mot à dire. Il s’insurge contre cela.

Les questions de Socrate dans les petits dialogues

consistent à contourner l’interlocuteur, à le mettre dans la

contradiction, si bien qu’il n’a plus qu’une issue, la colère.

Socrate met l’autre dans la contradiction.A première vue la dialectique consiste dans une

distribution des questions et des réponses selon des

personnages. Mais il n’y a jamais Socrate qui pose des

questions. On lui dit “tu es la torpille”. Il s’agit d’autre chose.

Les deux personnes s’anéantissent chacune. L’interlocuteur

est anéanti dans ce sens qu’il tombe dans la contradiction. Ilest mort au niveau du logos. Socrate lui-même dit “je n’y suis

pour rien”. Il semble se supprimer lui-même. D’où

l’importance du symbolisme de la mort de Socrate. Celui-ci

meurt aussi dans le logos. A première vue il s’agit d’une

distribution, à seconde vue c’est un double anéantissement.

Il fallait forcer les personnes à se taire d’abord: premieraspect de la question. Chestov trouverait cela très bien car

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selon lui il fallait en rester là et pousser le plus loin possible

ces questions qui sont mes réponses puisque le but essentiel

est de faire taire les réponses.Contre qui en a Socrate? Contre la doxa, l’opinion.

L’état de la doxa? Elle a un thème essentiel: d’une part,

d’autre part. Elle affirme les vérités partielles et les affirme

comme telles: lorsqu’elle touche à son génie bien sûr, à sa

propre vérité. Ce qu’elle pose comme absolu c’est une vérité

partielle. Le d’une part et d’autre part est le pire ennemi del’opinion: la doxa fait la part des choses.

Beau texte de Marx dans Misère de la Philosophie . La

philosophie de Proudhon, dit-il, est une philosophie de petit

bourgeois parce qu’il croit que la dialectique est d’une part,

d’autre part. Une pensée qui en reste à ce stade, dit Marx, est

une pensée de petit bourgeois d’opinion. L’opinion répartitses grands thèmes à ce niveau. La structure de l’opinion

repose sur une structure de l’appropriation. C’est contre cet

état que la philosophie en a. Le bon sens est la cible de la

philosophie. Elle dénonce la prétention du bon sens à être

philosophie. Le bon sens répartit les vérités en parts. Il a un

orgueil diabolique celui qui répartit mais usurpe car ce sontdes vérités partielles.

La phrase de Descartes: “Le bons sens est la chose du

monde la mieux partagée” a un côté volontairement comique.

Le bons sens par essence distribue, répartit. Il y a une

mystification interne dans ce texte. Il suffit de regarder le

contexte, personne ne dit je suis bête. Descartes dit: prenonsles aux mots. C’est très brûlant mais très dangereux. Drôle

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de chemin pour la philosophie: il y a des imbéciles en fait, dit

Descartes, mais jamais en droit. Le problème de la bêtise est

renvoyé à la psychologie individuelle. Cette interprétation estseule sérieuse… et discutable. Il a éliminé la bêtise du

problème théorique de la pensée qui sera réduit au vrai et au

faux. Donc la règle essentielle du bon sens est la répartition.

Confirmation: Hegel dans Différence entre le système de 

Fichte et le système de Schelling  écrit des pages étonnantes

sur l’opposition bon sens et philosophie. Au niveau du bonssens, de la doxa, dit Hegel l’absolu n’est plus rien que

sentiment et la vérité retombe comme simple vérité partielle,

mais il la présente comme fond de la vérité en la présentant

dans l’absolu.Or Hegel veut dépasser ce stade (Marx aussi à

propos de Proudhon). L’absolu ne peut pas être objet d’un

sentiment. La vérité ne peut pas être vérité partielle. C’est leconcept de Hegel.

Secret de l’ironie socratique: le dialogue procède à une

répartition. Chaque vérité partielle, pense t’il, procède par

vérité contradictoire. Socrate a juste pris assez de doxa pour

la contredire. La vérité partielle s’oppose à la vérité partielle et

tombe dans la contradiction. En apparence c’est une bonneorganisation du dialogue, en réalité c’est la suppression du

dialogue mais de l’intérieur. La doxa n’a plus alors qu’une

solution, la colère. La doxa sent vaciller le sentiment de son

absolu. Toute opinion est conformiste. Elle est non

paradoxale. Le paradoxe cherche à trouver un domaine où les

répartitions se contredisent. Les Anciens et Socrate aussiétaient friands de paradoxes. Cf. le paradoxe moderne des

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méchants sauvages sur l’idée des arts. Les mathématiques

sont là pour les résoudre. Dans l’île une règle: on lui dit

«prononce une phrase, si elle est vrai tu es pendu, si elle estfausse tu es fusillé». Jusqu’au jour où un étranger dit «je

serai fusillé». Et on ne peut plus le fusiller.

Les logiciens se sont penchés sur le problème du

paradoxe. Kantor a élaboré la théorie des ensembles

mathématiques. Il trouva un paradoxe bizarre. On appelle

ensemble normal tout ensemble qui ne se contient pas lui-même comme élément. On n’arrive pas à une totale

intériorité. Appelons E l’ensemble de tous les ensembles

normaux. Contradiction logique immédiate. Paradoxe.

Constitution essentielle d’un élément tel qu’il contraint et

force l’ensemble dont il fait partie à se contredire c'est-à-dire

à se contredire comme élément. Je mens est un non sens carce n’est rien d’autre que la détermination d’une chose remplie

par des propositions mensongères.

Il faudrait analyser d’un point de vue seulement logique

et même formel le point de vue de Pascal. Le pari ne porte pas

sur Dieu lui-même mais sur l’existence de l’homme pour qui

Dieu existe et sur l’existence de l’homme pour qui Dieun’existe pas. Pascal dit si ce dernier savait qu’il faut parier

alors il ne choisirait pas son mode d’existence. Du point de

vue formel le thème du choix assure deux déterminations

logiquement contradictoires.

Il y a là une véritable agression contre le bon sens. Le

paradoxe montre le caractères contradictoires des véritéspartielles en elles mêmes. Le paradoxe me présente un

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élément impossible à répartir dans l’ensemble dont il fait

partie parce qu’il entraîne cet ensemble à se comprendre

comme un élément.La question revient à Socrate. Le bons sens et la

philosophie sont ennemis (véritable tauromachie). Socrate en

est mort. Amitos est le représentant des classes moyennes

athéniennes. Il représente l’idéologie des classes moyennes

qui est une réclamation de la représentation juste. Dans le

mythe de Protagoras un sophiste n’est pas pris à son comptepar Platon, ce mythe est celui de la répartition (technique =

répartition inégale et conscience politique = répartition égale).

Dans la répartition il y avait le langage, le logos. Or le bons

sens, dit la philosophie, ce n’est rien.

Mais quelle est l’origine de la philosophie? Problème:

pourquoi la philosophie ne fait elle pas partie de toutes lescivilisations? La philosophie est dans son essence chose

grecque et il ne faut pas la chercher dans d’autres cultures,

n’importe quelle culture.

Les pays qui ont créé en philosophie? D’abord grecque,

puis elle devient française, anglaise, allemande depuis le XIXe 

siècle jusqu’à nos jours. La révolution française n’a pas étépensée en France mais en Allemagne.

Comment expliquer que l’Espagne, l’Italie, bien qu’on

puisse citer des philosophes de ces pays, n’aient pas produit

des courants philosophiques fondateurs?

Hypothèse: peut être que la philosophie trouve son

origine dans l’existence même de son ennemi, dans lesclasses moyennes? Rome, grand problème: disparition

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précoce des classes moyennes. Vrai pour l’Espagne, faux

pour L’Italie. Au niveau de Socrate c’est absolument vrai. Le

socratisme se constitue contre la doxa. Pour Isocrate la doxaest la seule philosophie. Procédé d’une pensée procédant par

répartition. Si la philosophie naît en Grèce c’est par ce qu’il

s’y forme une condition négative de son existence.

Conclusion quant à la méthode même de Socrate. Il

semble instaurer des règles qui fassent du langage une chose

sérieuse. Ce qui produit un doute c’est l’ironie socratique. Eneffet il n’y a pas de dialogue socratique. Il emprunte le

dialogue pour l’anéantir. Il veut que le dialogue se supprime

lui-même. Il y a une séduction du dialogue. C’est cela l’ironie

socratique. A chaque question qu’il pose il élimine une vérité

partielle et ,à la fin, il y a mort de la contradiction représentée

par le contradicteur.Autre idée de Socrate: que se passe t’il pendant cette

destruction? Socrate sait qu’il n’y est pour rien. Il ne croit pas

au dialogue. Positivement ça signifie quoi? Les sophistes

détestaient les longs discours parce que c’étaient des

discours de certaines personnes. Ce n’est pas le discours lui-

même que Socrate refuse mais que le discours ne soit pluscelui des personnes. Il veut que la science du discours vienne

d’une identité du discours et de la chose: c’est l’idée. Il veut

que le logos soit l’expression du réel comme tel. Le rapport

n’est plus entre les âmes mais entre l’âme et l’idée. C’est ce

que Socrate appelle la réminiscence. C’est que l’idée se

présente comme déjà là. La manière dont l’âme entre encontact avec l’idée est toujours pour la deuxième fois. L’oubli

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est pourtant fondamental. Il est métapsychologique. L’oubli

est devenu le rapport fondamental entre l’âme et l’idée.

Comment l’oubli, terme négatif, peut il avoir ce rôle? L’âmeincarnée se trouve devant des objets extérieurs qui lui disent

quelque chose. C’est donc dans le monde sensible qu’on fait

des rencontres qui éveillent en nous le ressouvenir de l’idée.

L’oubli fondamental s’exprime dans les rencontres qu’on fait

dans le monde. L’oubli se pose comme étant déjà là, d’où tout

le thème de l’existence antérieure. Ainsi Socrate fait résoudreà l’esclave un problème de mathématique.

La question devait donc être telle qu’elle portait sur un

véritable fondement susceptible de servir de règles à la

solution des problèmes. C’est par ce que la question s’élève

  jusqu’à l’idée qu’elle entre en relation avec des principes

servant à la solution des problèmes.Comment les choses sensibles participent elles à l’idée?

Le plus profond dans la philosophie de Platon c’est de

savoir comment les idées existent entre elles. Il s’agit de

penser le rapport de l’intelligible. Ce sera l’objet le plus

profond de la dialectique. La question propre porte sur les

règles permettant de constituer les règles elles mêmes.

II — La question qui fait taire (Kierkegaard, Chestov)

a) Le plus lyrique et le plus simple. Ils ont une attitude

ambivalente à l’égard de Socrate. Ils le haïssent et pourtant il

les obsède. Ils opposent Socrate et Job. Ce qui les intéresse

chez Socrate c’est le premier aspect de la question socratique,

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l’ironie2. Pourtant Socrate dénature la question qui fait taire

en allant au-delà. Pour eux Job est le penseur privé, il a su

ne pas trahir. Socrate lui a tourné au professeur public. Jobest celui qui a demandé des comptes qu’il exigeait de

première main. Or la doxa par nature se contente de réponse

de seconde main. Mais pour Kierkegaard et Chestov la raison

se contente de réponse de seconde main. La raison demande

qu’on se soumette, qu’on reconnaisse la loi. Le problème de la

pensée va être posé de façon singulière. La raison appellecrime de l’esprit le crime de la loi. Mais dit Chestov jamais la

raison n’a appelé scandaleux le meurtre de Socrate ici et

maintenant.

La trahison de Socrate c’est qu’il partait bien pour

demander des comptes de seconde main. Job lui en restera à

ses questions et ne se contentera pas de réponse de secondemain. Job prend Dieu à part, il exige une réponse de première

main. Peut-être qu’une telle réponse n’existe pas d’ailleurs.

Ce refus de la raison est important parce qu’on le

retrouvera dans les philosophies dites irrationalistes. Elles

privilégient d’autres puissances que la pensée. Mais plus

profondément ils pensent qu’on peut penser contre la raison.Mais pourquoi cela? Parce que la raison nous convie toujours

à obéir, à nous soumettre à la généralité. Ainsi Kierkegaard a

dans sa vie un secret qui l’étouffe, «l’écharde qu’il a dans la

chair», la relation de Kierkegaard avec son père. Il n’est

  jamais arrivé à Kierkegaard qu’une histoire mais elle est de

taille, ses fiançailles (suis-je capable de me marier?). Le

2 Cf. Le concept de l’ironie de Kierkegaard.

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problème fiançailles/mariage n’a de sens qu’au niveau de

l’éthique. Le problème de Kafka était analogue, sa fiancée

Régine était un véritable concept philosophique (cf. Journal d’un Séducteur : «Ma femme m’est une petite sœur que j’aime

beaucoup, chez qui j’habite». Dans Ou bien... Ou bien  il

s’interroge sur le sens du mariage. Il y a un véritable saut

qualitatif des fiançailles au mariage. Que signifie cette idée de

fiançailles rompues? C’est l’évènement singulier.

Chestov a donné une Philosophie de la tragédie  del’absurde. Cf. le mythe de Sisyphe. Il se réclame de

Dostoïevski qui a le premier fait la critique de la raison et non

Kant. “Si Dieu n’est pas tout est permis” est chez Dostoïevski

et dans La Volonté de Puissance . Cela signifie qu’il faut

ordonner. Ils invoquent le thème nietzschéen, par delà le bien

et le mal et Chestov y ajoute par delà le vrai et le faux. Lethème du pari pascalien est bien dans cette lignée. Il faut

substituer l’éthique à la morale.

b) La morale nous fait toujours penser à devoir et à loi.

Mais elle nous annonce aussi que le devoir est premier. Le

fondement du devoir est dans notre perfection supposée en

tant que nous sommes supposées être raisonnables. Leproblème devient; «qu’est ce qu’on doit?» Mais tout un groupe

d’auteurs maudits existe. “Qu’est ce qu’on peut?” demandent

ils. Alors le devoir n’est pas premier. Il s’agit pour eux d’aller

  jusqu’au bout de ce qu’on peut. S’il n’est pas vrai que le

devoir, la loi soient premiers il faut alors réaliser tout le

pouvoir.L’origine est juridique. Vers le XVIe siècle apparaît un

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renversement qui risque aujourd’hui de passer inaperçu.

C’est la théorie de l’état de nature et de l’état civil avec

Hobbes, manieur de paradoxes. On en a fait une théorieclassique par ce qu’on la confond avec ce contre quoi elle

s’élevait, la théorie antique de la loi naturelle qui exprimait

notre nature d’être raisonnable. Hobbes commence à

demander des comptes. Il estime que la loi naturelle à un

sens si on la rapporte à l’ordre réel et concret des mobiles et

passions de l’homme. C’est alors le pouvoir et le droit quisont premiers et inconditionnels. Puis chez Hobbes il y aura

l’idée que la loi doit limiter le pouvoir (il n’en reste pas moins

le premier). Or on retrouvera ce thème juridique chez tous les

auteurs qui critiquent la loi.

Le problème de l’éthique est celui du pouvoir. C’était

déjà le thème de Calliclès dans le Gorgias. Il accepte de briserla loi qui me sépare de ce que je peux. L’éthique se heurte

toujours à la loi. Si Spinoza appelle son livre L’Ethique c’est

pour cela. La loi qui défendrait est pour lui une mystification.

La loi morale n’est finalement jamais qu’une loi naturelle mal

comprise. (cf. Adam et la pomme: une indigestion). Le devoir

est pour lui une forme illusoire. Malgré son rationalisme ilnous dit tout le temps que les hommes diffèrent uniquement

de ce qu’ils peuvent. La vertu est la réalisation de sa propre

puissance. Le crime est vertu s’il exprime un véritable

pouvoir. Spinoza finalement est rationaliste par ce qu’il

s’attachera à démontrer que le crime est diminution de

pouvoir.Donc pour tous il s’agit d’abord de commander pour

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réaliser sa propre essence. Cette philosophie chez

Kierkegaard pourra se dire véritable philosophie de l’absurde.

Pour lui il y a une réponse sur un certain plan, irrationnel,quand l’homme a été jusqu’au bout. C’est déjà peut on dire

une philosophie existentielle. Il y a pour eux deux manières

d’exister et la notion de choix se comprend ainsi. Il y a ceux

qui existent d’une manière inauthentique, ceux qui se

soumettent, qui ne savent pas quelle est la question. Il y a

ceux qui existent authentiquement, qui savent que laquestion est d’aller jusqu’au bout de ce qu’on peut. Ainsi la

question de la morale porte sur quelque chose d’autre que le

questionnant. Alors que la question de l’éthique ne porte sur

rien d’autre que le questionnant. Ce thème d’aller jusqu’au

bout va définir la pensée. Elle doit elle aussi aller jusqu’au

bout. Et penser quoi? L’impensable dit Kierkegaard. Cettepensée se réconcilie avec la vie. Kierkegaard demande

«donnez moi donc un corps». Les rapports de la pensée avec

la vie: réclamation d’une unité. Or c’est la vie qui doit se

soumettre à la pensée dans le socratisme, c’est la vie

raisonnable, philosophique. Au contraire chez Kierkegaard la

vie ne peut pas renoncer à soi, se soumettre à l’ordre de laraison. Le paradoxe exprime un divorce de la vie et de la

pensée. Dès lors c’est la pensée qui se soumet aux catégories

de la vie. Il s’agit pour cela de penser l’impensable (cf. les

miettes philosophiques, les riens philosophiques). Il ne faut

pas penser du mal du paradoxe, cette passion de la pensée et

les penseurs qui en manquent sont comme des amants sanspassion c'est-à-dire de piètres partenaires. Mais le paroxysme

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de toute passion est toujours de vouloir sa propre perte et

c’est également la suprême passion de l’intelligence que de

rechercher le choc quoique ce choc d’une façon ou d’uneautre la mène à sa propre ruine. C’est là le paradoxe suprême

de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-

même ne peut pas penser.

Dans ce livre Kierkegaard oppose sa méthode à la

méthode socratique. (Le Menon , apprendre c’est se souvenir).

Socrate se demande comment la question est possible.L’activité de questionner implique pour lui le savoir et le non

savoir. Alors le fondement de la question est précisément

dans la ressouvenance et la réminiscence.

Pour Kierkegaard qu’est ce que cela signifie?

1- toute recherche pour Platon n’est que du souvenir.

La vérité ne vient pas du dehors dans l’âme, mais celui quiignore n’a qu’à recourir au souvenir pour prendre soi même

conscience qu’il sait.

2- Si la vérité est comme intérieure dès lors Socrate le

maître n’est qu’une occasion pour le disciple de se

ressouvenir. (l’accoucheur)

3- Le savoir oublié était déjà là de tout temps. Doncl’instant n’a aucune consistance par soi même. Le point de

départ temporel ne compte pas. L’instant tombe dans

l’inessentiel.

Kierkegaard va y opposer ce qui selon lui est le

véritable apport du christianisme. Pour lui le maître n’est pas

l’occasion il est le Christ. Alors l’instant est quelque chosed’essentiel. Ce qui renvoie au thème de l’historicité du Christ

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et du premier homme (rôle du premier. cf. le premier amour).

Chez les Grecs il n’y a pas de premier (cf. position d’un temps

circulaire). Dès lors le disciple ne peut retrouver en lui-mêmela vérité. Il faut que «le disciple en lui-même soit une vérité».

Dès lors le maître lui apporte la condition pour comprendre la

vérité. La non vérité du disciple signifie non seulement qu’il

est hors de la vérité mais contre la vérité signifié par le Christ

rédempteur. Le disciple a perdu la condition par sa propre

faute. A ce niveau le concept essentiel est celui de péché. Lemaître n’est plus une occasion, l’instant devient décisif.

Kierkegaard peut dire «tout le pathétique de la pensée

grecque se concentre sur le souvenir, tout le pathétique de

notre pensée se concentre sur l’instant».

Mais que signifie l’instant? Il ne fait qu’un avec son

premier thème, l’impensable. Le christianisme est leparadoxe. L’instant ne fait qu’un avec le pur existant. Cette

existence ne surgit que dès qu’on a le dos tourné. Qu’est ce

que l’absolument différent? Tantôt, dit Kierkegaard, c’est le

pur existé, le pur existant, tantôt c’est l’instant, tantôt le

péché, catégorie fondamentale de la foi, enfin c’est la

répétition.Qu’y a-t-il de commun à tout cela? Dans sa lutte contre

le rationalisme Kierkegaard s’attaque aux thèmes de la

tradition rationaliste. Il y avait deux thèmes bizarrement

mélangés dans cette tradition, un sur les rapports de

l’essence et de l’existence, l’autre sur la qualité et la quantité.

Le premier: la preuve ontologique semble définir laposition rationaliste vis-à-vis de l’existence. Elle se présente

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en toutes formes, apparaît avec saint Anselme. Il veut

prouver l’existence de Dieu, c'est-à-dire l’Existence. Il prend à

la lettre une phrase de l’Ancien Testament: «L’insensé a ditdans son cœur Dieu n’existe pas». Ainsi celui qui dit Dieu

n’existe pas se contredit. Il faut pour cela définir Dieu sans

postuler son existence. Dieu dit saint Anselme est l’être tel

que rien de plus grand ne puisse être pensé. Or supposons

qu’un tel être n’existe pas nous sommes en pleine

contradiction car nous pouvons penser un être plus grandqui cette fois ci existerait. Donc je ne peux pas penser l’idée

de Dieu sans que l’objet de cette idée se pose comme existant.

Dès lors au sein de la pensée ontologique l’existence est

déduite de l’essence. Son essence enveloppe l’existence. Il y a

un paradoxe car Dieu est évidemment le seul cas à être ainsi.

L’idée de table pose l’existence possible mais non réelle de lachose. Dieu est le seul cas car il est infini.

Donc l’existence est une perfection (cf. Descartes). Ce

qui paraît bizarre c’est que la preuve à première vue ne vaut

que si on consent à traiter l’existence comme une propriété.

Peut-on traiter l’existence comme une perfection c'est-à-dire

finalement comme un attribut? A première vue non.L’existence est la position dans l’être du sujet du jugement.

L’existence est positionnelle et non attributive. Dès le Moyen

Age se développent deux critiques (double courant) contre la

preuve ontologique.

Pour les uns Dieu existe nécessairement mais s’il est

possible. Pour les autres Dieu existe nécessairement mais s’ilexiste. L’un aboutira à Leibniz, l’autre à Kant.

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Les Méditations s’accompagnent d’objections. Dans la

cinquième, Descartes développe la preuve ontologique et on

voit les deux objections.1) celle qui mène à Kant. La preuve conclut l’existence

de Dieu à partir de sa possibilité. Elle traite l’existence

comme une propriété. Or l’existence est irréductible à une

propriété mais on ne sait pas que déjà la chose existe. C’est

dans la 3eme partie de La Critique de la Raison Pure que Kant

va reprendre cette critique.2) Celle qui mène à Leibniz paraît très différente. Elle

consiste à dire qu’on peut conclure l’existence à partir du

possible à condition que Dieu soit possible. Ce n’est pas

parce que je forme une idée dans mon esprit que cette idée

est possible (rupture avec Descartes: claire distinction idée

possible). Leibniz pense d’ailleurs que c’est faisable etreproche seulement à Descartes de ne pas l’avoir fait, mais

lui le fait.

Mais est ce que les objections portaient bien sur ce que

les partisans de la preuve ontologique avaient dit? Traitaient

ils l’existence comme une propriété?

D’abord ils insistaient sur ceci que ce n’était valableque pour Dieu. De plus ce n’était pas une déduction mais

une intuition, on voit une existence dans l’essence. Il est

absurde de définir l’existentialisme comme une doctrine où

l’existant est irréductible à l’essence car on l’a bien dit avant

eux. Les tenants de la preuve ontologique n’ont pas non plus

ignoré cette irréductibilité. La preuve ontologique étaitl’exemple typique d’une physique rationaliste et d’une

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physique mathématique. Descartes fait une véritable critique

des propriétés pour y substituer l’idée de quantité et de

relation. Entre deux corps la différence est seulementd’étendue, de mouvement et de position. Les autres

différences ne sont jamais qu’en fonction de la vie. Tout est

différence de mouvement.

Existence, essence = thème métaphysique. Quantité et

qualité = thème physique.

Kierkegaard va traiter ces thèmes comme ne faisantqu’un mais en même temps réclamer les droits de l’existant et

de la qualité. L’existence de Dieu, dit il, apparaît des qu’on

lâche la preuve, des qu’on tourne le dos. C’est tout à fait

comme quantité/qualité dit Kierkegaard. Le problème est

pourquoi à tel moment une continuité quantitative se

transforme t’elle en qualité nouvelle? La température quantitébaisse d’une manière continue, l’eau devient glace mais la

glace surgit tout d’un coup comme qualité nouvelle. La

continuité quantitative entraîne tout d’un coup une qualité

nouvelle. Pourquoi à ce moment plutôt qu’à un autre? Pour

Kierkegaard l’existant est la qualité. C’est le saut, le bond

qualitatif. L’un ne peut engendrer l’autre. Thème importantcar en physique il y a une expérience intéressante dit de

sursaturation et toutes les transformations. Par des procédés

actifs on dépasse le moment normal d’apparition de la qualité

sans qu’elle apparaisse. Puis, grâce à des corps spéciaux, on

fait apparaître la nouvelle qualité. Les deux thèmes chez

Kierkegaard se mélangeraient car d’une certaine manièrec’est de la même façon que l’existence paraît derrière le dos

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de la conscience et que la qualité surgit tout d’un coup et non

progressivement. Kierkegaard n’est pas original par là. Chez

lui droit de l’existant, droit de la qualité, l’instant, le bondqualitatif, l’existant et la qualité ne font plus qu’un avec

l’instant (grand tort du scientisme).

Dernier point: à propos du péché Kierkegaard nous dit

quelque chose de semblable. Là il est beaucoup plus original.

Ces trois premiers thèmes sont repris dans une véritable

philosophie du péché. Il oppose une philosophie chrétienne àune philosophie grecque. C’est opposer Abraham, Job à

Socrate. Il pense que le péché ne peut être engendré à partir

de la peccabilité (propriété de la nature humaine de pécher).

On conclut le néant du péché d’une imperfection de l’essence

humaine. Des lors la conception rationaliste du mal est

comme la contre épreuve de la conception rationaliste desessences. Le thème de Kierkegaard sera: jamais on ne pourra

conclure le péché de la peccabilité. Il implique aussi un saut

qualitatif. Le péché c’est l’apparition brusque de la qualité

nouvelle. Il faut alors penser le péché et le rapporter à

l’angoisse qui est le rapport de la conscience avec

l’absolument différent. D’où le concept d’angoisse qui est unecatégorie de la pensée qu’il voudrait voir remplacer la vieille

notion d’imperfection de la nature humaine.

La pensée traite son objet comme le même. Pour la

philosophie grecque il y a unité de l’intelligence. Donner de là

une nouvelle tâche à la pensée. Cela était nouveau. Dès lors

la pensée est dans le paradoxe.On approche d’une définition de l’existentialisme:

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irréductibilité de l’essence et de l‘existence et primat de

l’existence sur l’essence.

Est-ce bien cela? Celui de Sartre peut être et encore,mais chez Kierkegaard c’est très différent en fait. Kierkegaard

appelle cela “les recherches psychique de la conscience

pécheresse”. Chestov appelle cela les «ondes torrides et

glaciales». L’existence ne privilégie pas de thème. Ils veulent

faire de l’existence humaine le nouvel objet de la pensée. La

pensée doit saisir ce qui est essentiellement autre qu’elle-même et la plus grande confusion serait de traiter cet autre

comme à partir du même. «L’angoisse est le bon concept de la

pensée et de la psychologie». En tant qu’état psychologique

l’angoisse est toute entière tendue vers quelque chose

d’irréductible à la psychologie. Le psychologue renvoi lui

aussi à un autre domaine du psychologue. L’angoisse estl’état psychologique qui correspond au péché qui devient une

dimension existentielle. L’angoisse est la conscience

psychologique dirigée sur un objet qui lui est irréductible.

L’angoisse c’est la pensée en tant qu’elle appréhende sa

propre différence irréductible avec son objet.

Les catégories deviennent existentielles quand lapensée pense quelque chose, c’est la différence même de ce

quelque chose avec la pensée. La véritable fonction de la

pensée devient l’autre et non le même (à rattacher à

l’hégélianisme). Il faut se réconcilier avec la vie. Le propre de

l’angoisse c’est d’appréhender le péché comme non

psychologique. Il devient alors possible à la philosophie depenser contre la raison. Les trois questions: peut-on avoir un

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corps? peut-on se marier? peut-on être chrétien? reviennent

au même. Elles signifient: peut-on réconcilier la pensée avec

la vie? Ceci nous conduit à une philosophie de l’existence.Alors la catégorie fondamentale de l’existence va apparaître

comme la répétition. Kierkegaard dit «je suis poète de la foi».

Etre chrétien c’est impossible et pourtant il l’est. Etre

chrétien, se marier, avoir un corps ne font qu’un avec cette

nouvelle fonction de la pensée qui pose son objet comme

impossible: le paradoxe. Le nouvel objet de la pensée c’estl’absurde. Etre chrétien c’est absurde. Kierkegaard annonce

la répétition qui n’est plus la question mais la réponse à la

question. Chestov ici reproche à Kierkegaard de n’avoir pas

maintenu les questions. La réponse émane de l’absurde, c’est

la répétition. C’est une chose unique dans la philosophie

moderne: comment des horizons les plus différents et sansinfluence, il y a des tentatives, jusqu’ici essais, pour

construire un concept original et paradoxal de la répétition?

Deux auteurs qui n’ont rien à voir entre eux. Kierkegaard au

début de son livre sur la répétition dit ce n’est pas la

répétition dans la nature. Il prétend former le concept d’une

répétition plus profonde dont la répétition physique ne seraitqu’une dégradation psychique. Il dit: Hegel s’est servi pour

faire sa philosophie d’un concept de contradiction. Or dit-il

avec humour, ce concept est un concept allemand. Lui veut

ici un concept bien à lui, de chez nous: monotonie de la vie

danoise = répétition (humain bien sûr). Il est bien danois.

Un siècle plus tard un sociologue tombé dans l’oubli,  Tarde redécouvert par les américains. Durkheim pour des

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raisons politiques, il était réactionnaire, a pris le pouvoir sur

l’enseignement et a étouffé Tarde.

  Tarde a écrit un livre curieux: L’opposition de l’universel , une des meilleures théories de la négation. Il dit,

là sérieusement, que l’idée de négation est une idée

allemande et il veut un concept français. Toute sa thèse

consiste à montrer que l’opposition, la contradiction n’est

qu’un cas particulier de la répétition.

Nietzsche n’est certes pas poète de la foi et pourtantcomme avec Kierkegaard pour Socrate, il veut lui le retour au

pré socratisme. Zarathoustra a un secret, il le crache, c’est

un serpent qui est l’éternel retour. Cet instant exact reviendra

et aussi la pensée reviendra. Il dit bien que ce n’est pas une

répétition physique (dans Ecce Homo ). Tout retour, dit il, qui

se fait dans le monde suppose l’éternel retour. C’est lui quinous explique la répétition physique et non le contraire.

L’éternel retour est un concept original de la répétition. Freud

le premier nous apprend que l’humanité a vécu sous un

concept sacro saint: le principe de plaisir. Nous cherchons

par nature ce qui nous fait plaisir. Or Freud découvre de plus

en plus de faits psychiques qui semblent invoquer lecontraire. On reproduit ses échecs passés non pour les

surmonter etc. Freud lui-même hésite (Au-delà du principe de 

 plaisir ). Il se demande si on ne peut pas goûter ce plaisir en le

compliquant. Il pense qu’il y a dans la vie un principe plus

profond, le principe de répétition. Mais il n’est pas philosophe

et hésite. Tantôt c’est celui qui nous entraîne vers un retour àl’irraisonné. Thèse célèbre, le paradoxe des instincts de mort.

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L’instinct de conservation est précisément l’instinct de mort:

  je refuse toute mort qui n’est pas la mienne. Mais dans

d’autres textes Freud tente d’élaborer aussi une formeoriginale de la répétition psychique, quand il en parle par

rapport au surmoi.

En s’en tenant à ces auteurs que signifient ces

tentatives qui n’ont pas encore formé un concept? Crainte et 

tremblement  de Kierkegaard: “il ne s’agit pas pour moi de

soutirer à la répétition un changement mais de changer larépétition en quelque chose d’intérieur, en l’objet même de la

liberté, en son intérêt suprême”. Dans Le concept d’angoisse :

«L’habitude apparaît dès que l’éternité se retire de la

répétition».

Il ne s’agit pas de la répétition psychique ni des formes

mécaniques du psychisme (habitudes), mais d’une répétitionplus profonde qui n’est ni le contraire de la liberté, ni

l’aliénation de la vie psychique. Elle ne fait qu’un avec la

liberté. Ici rapport avec les existentialistes. L’état psychique

est tourné vers quelque chose. Cf. l’article de Sartre sur

Husserl “toute conscience est conscience de quelque chose”.

La conscience ne se définit plus comme intériorité, elle esttranscendance au moment de se dépasser. L’angoisse est

bien un état psychologique qui est tourné vers quelque chose

d’autre qui est précisément le péché qui n’est pas un état

psychologique. Le sérieux c’est le mouvement par lequel la

conscience est dirigée vers une structure de l’existence. C’est

une tentative de mettre la psychologie en rapport avecquelque chose d’autre. Il ramène cela à la reconnaissance

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platonicienne. La reconnaissance pour lui est le concept

essentiel de la philosophie antique. Il pense que la

philosophie chrétienne doit rompre avec. C’est ladiscontinuité. Il y a l’indépendance des cas. La répétition

physique ne change rien idéalement à l’objet. Elle devient

cosmologique. Kierkegaard se dirige vers le concept d’une

répétition proprement psychique. Nietzsche avec l’éternel

retour va vers une interprétation cosmologique. Tous y ont vu

la possibilité de remplacer la dialectique par une méthodedifférente, plus concrète selon eux.

Kierkegaard distingue trois stades d’existence:

esthétique, éthique, religieux.

Le premier est le stade de la séduction, du Don Juan

de Mozart. La vie de l’esthète ne peut se réaliser que par une

répétition3

. Mais c’est sur un plan physique. Impossible, latentative est condamnée à l’échec.

Le deuxième est le stade de la généralité. Nous entrons

dans le domaine de la loi. La situation centrale devient le

mariage. La répétition éthique est, elle, tournée vers le futur,

les mêmes tâches sont répétées, les mêmes vertus sont

recherchées. Ce qui assure l’échec de ce stade c’est le péchéqui montre le conflit de la singularité et de la généralité au

sein du stade éthique.

Le troisième stade est celui où la répétition prend son

vrai sens. Il invoque Abraham et le sacrifice de l’enfant. Dieu

réclame d’Abraham l’absurde. Il doit tout perdre pour

retrouver. La dialectique faisait appel au négatif. La notion de

3 Cf. La Nouvelle Héloïse où Saint Preux répète son passé.

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répétition fait aussi appel au négatif mais sur un autre plan.

Kierkegaard dit que c’est le concept de la reprise, de la

répétition qui est devenue psychique et elle ne fait plus qu’unavec la liberté. Quelle en est l’application? La répétition est le

sérieux de la vie. A quoi sert alors de fonder? Si la

détermination d’un fondement ne sert à rien pourquoi le faire.

Elle doit apporter quelque chose de nouveau, c’est la

répétition. Groupe bizarre s’il est vrai que nous prenons au

sérieux. Vérité d’une répétition psychique. Pour Nietzsche ladétermination d’un fondement nous livre quelque chose de

nouveau, c’est l’éternel retour.

e) L’éternel retour chez Nietzsche.

C’est une notion très chargée. Kierkegaard forgeait sa

répétition contre Platon. Il l’opposait à la réminiscence

platonicienne. Socrate c’est le personnage obsédant.

Nietzsche pense dépasser la philosophie par et dans un

retour au pré socratisme. Il ne cesse de faire dire à

Zarathoustra, ces animaux sont au courant. Est-ce tout qui

revient? Tout revient et aussi la pensée que tout revient. Ce

qui surgit c’est l’annonce que tout revient. C’est bien

d’explorer le plus ancien qui est la tâche de l’homme

nouveau. Le surhomme est celui qui sait ce dont il s’agit, qui

s’est affronté avec le fondement lui-même.

L’éternel retour chez les prés socratiques avait trois

signes:

Astronomique, cosmologique, physiologique. Nietzsche

a interprété l’éternel retour d’une manière originale.

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1) le sens astronomique: série de sphères emboîtées les

une dans les autres. La sphère des fixes, les sphères

intérieures en relation avec les autres. Il y a bien un momentoù les astres reprendront la même position par rapport aux

étoiles fixes. C’est ce que les Grecs appellent la Grande

Année, le plus petit commun multiple de toutes les périodes.

Elle fait appel au mouvement local.

2) le sens physique et cosmologique. Est il homogène à

cette première signification? Appel à une véritable alternancequalitative selon laquelle le monde passe par des alternances

de génération et de corruption, de naissance et de

destruction, de catastrophes, l’eau, le feu. Les périodes de

contraction et d’expansion recommencement du monde.

A partir d’Empédocle c’est la signification astronomique

qui prend le dessus. Avec Platon et Aristote en tout cas n’y a-t-il pas déjà une espèce de rationalisation qui nous empêche

d’en comprendre le sens? Nietzsche a su retrouver la véritable

signification de l’éternel retour. Chez Aristote l’éternel retour

est d’abord lié à l’astronomie, au mouvement des sphères

emboîtées les unes dans les autres. Les alternances de

contraction et de décontraction ne sont valables que pour lemonde sub humain. Le mode du mouvement local règle donc

même les astres. Dans l’éternel retour le principe même du

mouvement local suit le principe cosmologique. Conséquence

énorme: l’idée que tout revient est édulcorée. Ce qui revient,

ce qui se répète ce sont les choses semblables quant à

l’espèce (Empédocle y est déjà). Avec les Stoïciens on revientau véritable contenu originel. L’éternel retour: les stoïciens

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soumettent les astres eux-mêmes à l’altération et la

corruption. C’est tardivement que la signification est

astronomique. Déplorable car vision mécaniste. Il y a leprimat du sens qualitatif, cosmologique. L’éternel retour ne

doit pas être confondu avec les cycles nous dit Nietzsche. Il

s’est trouvé devant le même problème que les stoïciens, le

mécanisme. Il lutte contre l’idée chère au mécanisme.

L’éternel retour ne peut se ramener à une répétition

purement physique. La sienne aura deuxsignifications:psychique, le retour et cosmologique, le

principe à partir duquel nous devons comprendre le sens

même du retour.

Chez Nietzsche, Zarathoustra est dans un rapport

d’existence. Dionysos, le secret du devenir. C’est un rapport

énonçable. Il y a la cohérence de certains thèmesnietzschéens: la volonté de puissance, tout est devenir,

s’accompagne du concept de valeur. Ce que Nietzsche a

retenu en premier c’est l’affirmation d’un devenir. L’idée que

tout devient nous montre la vanité du concept d’être. Alors

apparaît la notion de valeur: ce que nous prenons comme du

stable se présente comme des coupes prises dans le devenir,des instantanés. Pour Nietzsche la théorie des valeurs n’est

  jamais séparée d’une certaine critique des valeurs et des

mystifications qu’elle entraîne. C’est une notion polémique,

elle dénonce. Ensuite la notion de valeur perdit son caractère

explosif. Elle servit à garantir un certain ordre au lieu de

mettre en question cet ordre. Il y a dépassement du problèmemoral, éthique. Il se pose comme pouvoir. Il s’agit de se

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demander ce que peut l’homme. La loi, le devoir séparaient à

ses yeux l’homme d’une certaine dimension de l’homme. Une

vision morale sera réintroduite mais qui ne sera plus celle dela loi et du devoir. Les modes d’existence n’étant pas de même

valeur (solution possible). Le premier thème de Nietzsche

donc opposition être et devenir. La notion de valeur est le

rapport entre devenir et pouvoir. Idée constante chez

Nietzsche du fort et du faible. Le faible se définit ainsi par

une puissance et il lui faudra aussi aller jusqu’au bout. De cefait il y a des degrés de valeur pour les faibles. Dans la

Volonté de puissance , la souplesse, la spiritualité. La racine

du vouloir ne semble bien ne faire qu’un avec l’essence du

devenir.

Il y a un plan plus profond: il s’agit de s’interroger sur

l’être particulier du devenir. Quel serait cet être propre dudevenir? C’est l’éternel retour en rapport avec Zarathoustra.

Nietzsche nous dit qu’il ne faut pas confondre le devenir avec

quelque chose de devenu. Le devenir ne peut se ramener à

aucune chose devenue. Le cycle, les saisons sont devenues.

C’est dire qu’il y a un être du devenir. Le devenir n’est pas ce

qu’il devient. Le devenir c’est le retour de ce qui devient, c’estce qui revient.

 Théorie de l’être qui se réintroduit: c’est finalement la

répétition qui va signifier ce véritable être du devenir. La

meilleure façon de distinguer le devenir de ce qui devient.

Pour Kierkegaard, son rapprochement = constance de

la philosophie allemande, l’idée que quelque chose s’estperdue. Moins la négation d’une théorie de l’être qu’une

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création très originale. Dionysos est en ce sens moins profond

que Zarathoustra. On comprend le secret de Zarathoustra;

tout revient y compris la pensée. Elle nous invite à forger unnouveau concept de la répétition. L’éternel retour ne se

ramène pas à une répétition purement physique. La pensée

aussi revient. C’est une répétition psychique (conciliation

entre la volonté et le devoir), répétition cosmologique (ce qui

revient se répète est physique puisque le retour de ce qui

devient est l’être du devenir.La répétition physique par rapport à la signification

cosmologique ne peut se comprendre que par rapport au

principe de l’éternel retour. C’est une tentative pour forger un

concept original.

Chez Nietzsche la différence entre les faibles et les forts

n’est pas celle qu’on vu les fascistes. Son idée c’est que lesfaibles ne sont pas ceux dont la puissance est moindre. Le

faible physiquement peut compenser cela par une puissance

spirituelle, par la ruse, par la souplesse. Le faible par

définition est celui qui ne va pas jusqu’au bout de sa

puissance parce qu’il n’ose pas et surtout parce qu’il ne sait

pas qu’il faut aller jusqu’au bout. Ce n’est pas un savoirthéorique. De quoi s’agit il pour l’homme en tant qu’homme?

  Telle est la question de Nietzsche. Les faibles sont comme

perpétuellement séparé de leur pouvoir. Ils s’en sont séparés

au nom de la loi. Elle sépare du pouvoir car en même temps

qu’elle me montre ma possibilité fondamentale elle me

l’interdit: Dieu et l’arbre. Nietzsche dans Zarathoustra prend àla lettre le cantique luthérien, «Dieu est mort». Est-ce que

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nous sommes jetés dans l’immoralité? On retrouve

l’existentialisme. Il y a finalement deux modes d’existence.

L’immoralisme n’est pas l’immoralité. L’immoralisme est unevision philosophique qui conduit au problème du mode

d’existence. On ne peut pas faire n’importe quoi. Bien plus il

  y a des choses qu’on ne peut plus faire quand on est fort.

Nietzsche condamne le piètre, le médiocre dans «Le Bien et le

Mal». Quelque chose vient remplacer la morale. Il y a des

choses qu’on ne pouvait faire qu’en se mystifiant soi même.

Conclusion

Chestov demandait: «Qu’on me rende compte de

chaque victime de l’Inquisition». Pourquoi hic et nunc? Tant

que la raison n’aura rien appris sur la singularité qu’elle se

taise. Ce sont les zones équatoriales de la pensée, lutte contre

l’évidence. Que la pensée aille jusqu’au bout même s’il n’y a

rien au bout.

Kierkegaard et Nietzsche vont plus loin. Kierkegaard

veut réconcilier la pensée avec les catégories de la vie. La

pensée doit penser l’absolument différent. Chez Nietzsche

c’est Héraclite et non Job qui est invoqué. Il y a donc un

rapport entre pensée et fondement qui nous dit quelque

chose de bizarre. La pensée finalement dépasse la raison, va

 jusqu’au bout.

Ces questions existentielles nous conduisent à

distinguer deux modes d’existence: le savoir et l’ignorance, la

vérité et l’erreur ne se rapportent plus à l’ordre de la raison

mais à un mode d’existence. Le mode d’existence

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inauthentique chez Nietzsche: le troupeau, la plèbe qui passe

son temps à ne pas savoir.

L’idée de fondement est donc mise en rapport avecl’existence: l’homme existe d’une manière telle qu’il dévoile le

fondement (Heidegger)4.

Pour Kierkegaard et Nietzsche, pas pour Chestov, la

pensée est non seulement dans un rapport immédiat avec ce

qui fonde mais encore ce qui fonde nous dévoile quelque

chose, un secret, qui pour Kierkegaard et Nietzsche n’est riend’autre que la répétition.

Le fondement apporte quelque chose de radicalement

nouveau: la répétition qui est tourné vers le futur. (Abraham

exige de Dieu que tout lui soit rendu)

II) Deuxième espèce de question: la question qui donne

un principe à la solution de tous les problèmes (Leibniz).Idée d’une science universelle, une règle permettant de

tout résoudre. Autre tentative, celle de type mathématique. Le 

Discours de la Méthode , la méthode c’est une façon de

résoudre tous les problèmes non résolus. Leibniz reproche à

Descartes de ne pas avoir fait ce qu’il promettait: «l’art

d’inventer». Il ne faut pas mélanger les tentatives de langageuniversel (Renaissance) que Descartes dénonce dans une

lettre, «notre raisonnement ne porte pas sur des mots, mais

sur des idées» et les tentatives mathématiques.

4 Cf. l’influence de Nietzsche sur Heidegger. Voir Volonté de Puissance, tome 2,p.126, NRF, «Nous les hyperboréens».

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DISCOURS DE LA MÉTHODE

On a l’impression qu’on reste sur sa faim. Il accouche

de quatre règles après avoir annoncé de tels bouleversements.

Mais sont elles aussi innocentes qu’elles le paraissent?

Le sens de la méthode cartésienne.

La méthode dans son essence est mathématique et

peut s’appliquer à des problèmes qui ne sont pas

mathématiques. Cette idée est très fréquente au 17e siècle etculmine avec Spinoza. Couler la philosophie, la métaphysique

dans les mathématiques. Cette première tendance continue

  jusqu’après le Discours. Mais dans les Méditations  

n’intervient il pas autre chose? La Préface: le livre va éclairer

des problèmes que le Discours n’avait pas su poser. N’y a-t-il

pas changement du doute et du cogito. Le «je pense donc jesuis» n’apparaît pas dans les Méditations où il y a «moi qui

doute je pense, je suis une chose qui pense». Une curieuse

substitution s’est opérée. A la méthode mathématique s’est

substitué un fondement métaphysique.

L’analyse des Anciens est astreinte à la considération

des figures, quant à l’algèbre des modernes il est astreint àdes règles et des chiffres qui la rendent obscure. Descartes lui

prétend arranger tout cela. Descartes prétend découvrir une

unité cachée à travers toutes ces obscurités, c’est la notion de

rapport qui a deux sens, unité et généralité. En

mathématique c’est la même chose de résoudre un problème

et de le poser. Un problème a toujours la solution qu’il mériteen fonction des systèmes symboliques, algorithmes qu’on

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dispose (cf. la difficulté de faire une addition ou une

multiplication avec des chiffres romains). L’idée que quelque

chose se conserve dans la communication du mouvement nevient pas de l’expérience. Descartes répond et dit c’est mv.

Leibniz dira: “Descartes s’est trompé, c’est mv2”. Certes

Descartes s’est trompé, mais si Leibniz a mieux fait ses

expériences c’est parce qu’il dispose du système d’analyse

infinitésimal. Sans cette analyse on ne pouvait répondre mv2.

On ne peut séparer un résultat scientifique du moded’approche dont on dispose. C’est notre expérience infantile

et pédagogique qui nous fait oublier cela. Le savant n’est

évidemment pas un élève. Alors la méthode de Descartes est

un moyen de poser autrement les problèmes, ce qui précise le

sens d’une méthode universelle. Il s’agit de construire un

problème mathématique tel que soient posé en une fois latotalité des cas possibles. Cf. dans l’Antiquité le problème de

Pappus dont Descartes parle dans sa Géométrie. Jusque là ils

le résolvaient au niveau de chaque cas particulier. Descartes

invente, il n’est pas seul, la géométrie analytique et pose

l’universalité des cas possibles en une fois. Ce qui lui permet

de le faire est bien curieux. Texte étonnant des Méditations , laseconde, sur le morceau de cire. Tout change dans la cire et

 je dis c’est la même cire. Comment est ce possible? Ce n’est

pas l’étendue qui subsiste comme on le prétend. Il ne peut

pas le dire car il découvrira l’idée d’étendue qu’à la cinquième

Méditation. Argument logique et en fait il dit textuellement:

«Est ce l’étendue? Non». Il s’agit donc dans ce passage desavoir ce qui fonde le jugement d’identité. Ce qui demeure

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c’est bien l’étendue mais ce n’est pas elle qui fonde ce

  jugement, c’est le cogito, la pensée. Ce passage est une

illustration du cogito, ce qui est cohérent.Conclusion: c’est la pensée qui fonde le jugement

d’identité et elle ne peut être confondue avec l’imagination qui

ne pourrait concevoir qu’un nombre fini de cas. On retrouve

le problème de Pappus. Les Anciens ne le résolvaient que par

l’imagination. La pensée dépasse l’imagination, mais le

rapport est curieux entre elles car la pensée ne peut se passerde l’imagination sauf lorsqu’elle se pense elle-même. La

pensée algébrique la plus pure implique un dessin

géométrique de coordonnées dans notre imagination, mais

elle ne lui est pas identique. Descartes dévoilera la

transcendance de la pensée sur l’imagination.

Pourquoi les prédécesseurs de Descartes astreignaientils la pensée à l’imagination? Il faut penser à leur système. Le

nouveau de la géométrie analytique c’est le secret de la

correspondance entre géométrie et algèbre. Les Anciens

cherchaient le système de correspondance mais ce qui les

barrait c’est l’idée d’une hétérogénéité géométrique. Dans

l’œuvre de Viet il y a de grands principes. Deus œuvrespeuvent s’additionner ou se soustraire: produit homogène,

mais dans la multiplication: hétérogénéité.

L’histoire du collier de cheval dans l’Antiquité. Un jour

vint un archéologue cavalier, Lefèvre Desnouettes,

commandant, il regarda les poteries, l’attelage, le collier était

sur le cou et non sur les épaules de l’animal. Il s’aperçu qu’ilsn’utilisaient qu’une faible portion de la force du cheval. Il eut

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l’impression de tout comprendre. Il comprend ainsi que

l’esclavage remplace la force animale. Est–ce que cette

invention une fois réalisée ne nous paraît pas maintenantévidente? Descartes lui traitera toutes les puissances comme

des lignes, là encore il fallait y penser. Dans Les Regulae ,

Descartes dit “ce qui est absolu c’est l’étendue mais dans

l’étendue c’est la ligne qui est absolue”. C’est tout dire déjà.

Conséquence pratique de la découverte de Descartes:

révolution des équations. Jusque là les équations à plusieursinconnues ne pouvaient être résolues qu’indirectement.

Descartes en faisant faire ce progrès aux mathématiques ne

découvre pas ce qui était déjà. Il trouve un nouveau système

d’expression. Un symbole ne se définit pas par ce qu’il

représente mais par les opérations qu’il rend possible, le

système d’équations dans lequel il rentre.Les règles de la méthode prennent alors une

signification nouvelle.

La première. Il ne suffit pas de chercher l’évidence, il

faut d’abord avoir trouvé un domaine où l’évidence prend une

signification et elle ne le fait que lorsque les idées peuvent

être ramenées à elle comme à un critère et ceci seulement sion dépasse l’hétérogénéité des structures. Il faut s’installer

sur un terrain tel que les idées correspondantes se rapportent

au critère de l’évidence. Elle ne peut devenir garantie de la

vérité q’une fois le révolution cartésienne faite.

La seconde et la troisième: la différence entre deux

contenus représentatifs n’est jamais qu’une différence dedegré. Là encore cela suppose la révolution. Dans le domaine

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du symbolisme Descartes ouvrait la voie à la position même

du problème. Mais il y a passage, nous l’avons vu, dans

l’ouvre de Descartes d’une méthode mathématique à unfondement métaphysique. Dans le Discours le «je pense donc

  je suis» est présenté comme le modèle clair et distinct. Le

«donc» n’est pas une conséquence. C’est un exemple en fait de

vérité parmi d’autres mathématiques en forme de relation. Le

«donc» marque une relation nécessaire qui se fait dans l’ordre

de la connaissance. Dans les Méditations la formulen’apparaît plus. Pourquoi? Déjà dans la première formule il y

a suffisamment pour réfuter toute interprétation idéaliste de

la pensée cartésienne. Dans «je suis» il y a plus que dans «je

doute». Descartes pose un être plus profond que la pensée;

celle-ci se dépasse vers un être dont elle est l’attribut. On va

de la connaissance à l’être. On ne peut alors reprocher àDescartes d’avoir chosifié la pensée. Res c’est la substance.

N’y a t’il pas déjà la marque d’une évolution? Le «je pense

donc je suis» nous fait passer à l’être. Descartes découvre le

domaine du fondement métaphysique irréductible aux

relations qui unissent les objets de la connaissance elle-

même. L’ambiguïté de Descartes est la rançon de la clarté deson style.

Au niveau de ce fondement qu’apprend on? La dualité

on ne la trouve pas seulement au niveau du «cogito» mais à

celui du mot idée. Il y a peu de notion aussi obscure que celle

d’idée claire et distincte. C’est par exemple l’étendue et la

détermination d’étendue, puis l’idée de Dieu, l’idée du«cogito». Différence dans la forme même de l’idée. L’idée de

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triangle est fondamentalement comprise: le sujet qui la pose

la dépasse. Une telle idée renvoie à un cogito. L’idée de Dieu

est seulement conçue et non comprise. On ne peutcomprendre l’infini. L’idée de Dieu manifeste de suite une

présence. Dans ce cas l’idée est la présence même. Les deux

directions finalement ne se concilient pas chez Descartes.

Deux sens, l’un dans les œuvres, l’autre dans les lettres.

Dans celle-ci il dit que Dieu est créateur des vérités éternelles

elles-mêmes. Idée curieuse car l’ontologie disait que les puresessences préexistaient à l’entendement de Dieu. Les essences

elles mêmes sont ramenées au simple statut des existants. La

conséquence c’est toujours l’affirmation de l’ordre de l’être

plus profond que l’ordre de la connaissance. Les vérités

mathématiques sont créées par Dieu dans un acte libre.

Descartes laisse trois problèmes. Un problème logique:l’idée claire et distincte c’est l’idée présent nous dit Descartes.

L’obscur et le confus désignent un état mutilé de l’idée, mais

on ne s’en rend pas compte car on le bouche par d’autres

éléments de l’affectivité. Le rapport entre Descartes et les

cartésiens? Chez Spinoza et Leibniz on rencontre l’idée

adéquate. Eux posent la question: “Qu’est ce qui est présentdans l’idée vraie?” Il dépassent l’idée claire et distincte vers

l’idée adéquate. Le premier reproche à Descartes d’être trop

rapide, l’autre d’être trop facile (d’employer abusivement ce

mot). Or qu’est ce qui se présente dans l’idée vraie? L’idée est

dans son essence un symbolisme et non une représentation.

Descartes l’avait dit du point de vue mathématique mais nondu point de vue du fondement métaphysique. Ce sera la

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grande originalité de Leibniz de chercher ce second point.

Chez Descartes la détermination du fondement est donc en

retard par rapport à la méthode mathématique où l’idée étaitreprésentative de quelque chose. A travers Spinoza et Leibniz

la question de l’idée claire et distincte prend un nouveau

sens. L’idée devient expressive. Il s’agit d’une nouvelle

détermination du fondement lui-même qui se détermine à

partir du rapport d’expression et se découvre en rapport

direct avec le symbolisme. La méthode posait un mécanismemathématique. Le mécanisme: entre deux choses étendues il

n’y a pas d’autres différences que de degrés, figures,

proportions, mouvements. L’étendue était conçue comme

masse inerte en repos. Dieu y mettait le mouvement. Dans les

Principes Descartes dit que entre l’attribut et la substance il y

a une différence de raison. La chose étendue dit il est quelquechose de plus.

La troisième difficulté concerne la notion de substance.

Le res pour Descartes?

  Toute l’équivoque de Descartes consiste en ce qu’il

maintient l’idée comme seulement représentation du point de

vue du fondement métaphysique. Un philosophe à ce niveauprend le relais de Descartes: Leibniz qui retrouve la théorie de

symbolisation de la Renaissance. Qu’est ce qui s’exprime

dans l’idée vraie? Le composé symbolise avec le simple nous

dit Leibniz.

a) Leibniz et la conception de l’expression.

Œuvre curieuse: beaucoup de lettres dans lesquelles il

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expose sa philosophie selon le niveau de ses correspondants.

La pluralité de niveau symbolise les uns avec les autres. En

métaphysique il découvre le principe de raison suffisante. Enphysique il découvre la force. Et curieusement les deux

résultats vont s’appuyer l’un l’autre. Extraordinaire

construction de problèmes résolus grâce à un jeu de

principes, identité, raison suffisante, finalité, indiscernables,

continuité. Ils lui servent dans la construction de tous les

problèmes qui finalement symbolisent: savoir universel.La physique. Il s’aperçoit que Descartes s’est trompé.

C’est mv2 qui se conserve. Est-ce une simple question de

fait? Malebranche savait aussi que c’était mv2 et il en a tiré la

conséquence que après tout ça n’a pas d’importance pour le

cartésianisme. Pour Leibniz au contraire ça suffit pour

confirmer que l’étendue n’est pas substance. Il reproche àDescartes d’avoir confondu relatif et absolu. Ce qui se

conserve c’est la vitesse relative.

Soit A et B.

V la vitesse de A avant le choc.

Y « « « B « «

X « « « A après «Z « « « B « «

Ce qui se conserve c’est V-y = X2 Seule l’élévation au

carré assure V positif. C’est la quantité de force active qui se

conserve. La force alors définie dans l’instant est la raison de

l’effet futur. C’est elle qui est substance et non pas l’étendue.

Celle-ci sera d’un ordre phénoménal. La force s’exprime dansl’étendue. Elle est substance c'est-à-dire pouvoir

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d’unification, dynamisme, d’un ordre tout autre que la

physique. D’où le thème de Leibniz, la désubstantialisation de

l’étendue. Il y a déjà une réponse sur le plan physique à laquestion qu’est ce qui s’exprime? L’étendue est bien

composée mais elle est infiniment divisible. Jamais on ne

retrouvera quelque chose de simple en restant sur son plan.

C’est la critique de l’atomisme qui a prétendu trouver le

simple sur le plan du composé. Il y a bien des éléments

simples mais qui ne sont pas des unités matérielles maisdynamiques. La force est bien la raison de l’étendue. La

recherche métaphysique allait confirmer cela car Leibniz

allait rencontrer le principe de raison suffisante qui devait

s’exprimer avec la force d’une inerrance de prédicat au sujet.

Descartes dans la 3eme Méditation nous dit que Dieu crée le

monde à chaque instant. C’est donc qu’il y a unediscontinuité radicale du temps. Un instant n’est jamais la

raison du suivant. La théologie de la création continue

constitue une représentation géométrique. La nature est donc

  justiciable d’une science mécanique car elle n’a pas de

pouvoir, de potentialité. Dans le monde lui-même tout était

étendue et mouvement. Il y avait réduction de la physique àla géométrie. Soit un corps au moment T. Quelle est la

différence entre ce corps immobile et en mouvement? Aucune

pour Descartes. Ainsi le résultat mv ne peut se trouver que

lorsque le problème du mouvement est posé comme

Descartes l’a posé. Pour Leibniz mv2 signifie qu’au-delà de

l’étendue il y a la force. Le corps qui de meut est différent àl’instant T car il contient comme la raison de ses instants

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futurs, le pouvoir d’aller plus loin. La force contient le

principe des états futurs. Leibniz ne pouvait découvrir mv2

que grâce au calcul infinitésimal. Le repos n’est qu’unevitesse infiniment petite et il y a une différence entre les deux

corps. Le repos est un cas particulier du mouvement. Ainsi le

rapport entre la force et les états futurs est un différentiel,

intégral. 1=1/2+1/4+1/5…

La grande erreur de Descartes pour Leibniz c’est d’avoir

confondu étendue et substance. Il n’a pas vu le plus profondqui est la force. Avec Leibniz se fonde une grande théorie du

phénomène, encore que très différente de celle de Kant.

La révolution est énorme. Leibniz peut reprocher à

Descartes d’avoir maintenu substance et étendue pour les

identifier alors qu’elles sont contradictoires. Que signifie le

«par delà l’étendue»? Il n’y a pas d’une part les forces etd’autre part l’étendue. Celle-ci est posée nécessairement. La

force l’exige. Leibniz donne un statut à la symbolisation.

L’étendue est l’expression de la force. Conséquence: le

mécanisme cartésien ne contient pas sa propre raison.

Echange de lettres entre le chimiste anglais Boyle et Spinoza.

Il lui envoie le résultat sur deux corps le nitre et le salpêtre etlui dit qu’on voit bien que tout se fait mécaniquement dans la

nature (différence de...) Spinoza lui répond qu’il enfonce des

portes ouvertes. Il y a une nouvelle tâche qui est de

surmonter l’erreur de Descartes d’avoir érigé l’étendue en

substance. Le mécanisme est vrai mais il faut une raison de

la proportion elle-même. Spinoza s’oppose alors à Leibniz et ilrestitue la notion d’essence. Il y a une essence du nitre et du

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salpêtre puisque la question subsiste, pourquoi cette

proportion plutôt qu’une autre. Raison qui ne pourra jamais

selon Spinoza être tirée de la finalité, niant finalement lemécanisme. Leibniz au contraire la trouvera cette raison dans

la finalité. Il introduit le premier le vieil argument: la

démonstration par le maximum et le minimum est la

meilleure. Minimum de moyens pour obtenir le maximum

d’effets possibles.

 Tout se passe par mécanisme mais celui-ci n’a pas saraison en lui-même. Leibniz est en train de déterminer une

nouvelle nature du fondement, il est raison. La raison de

quelque chose est ce qui s’exprime, se manifeste et que dès

lors par delà ce qui se manifeste il faut chercher l’être. Il y a

l’être de ce qui se manifeste.

Leibniz: «la voie brève de la substance», dans lapremière page de La Monadologie . «Il faut bien qu’il y ait des

simples puisqu’il y a des composé».

Leibniz lutte contre l’atomisme et le cartésianisme et il

pré lutte contre une fameuse antinomie, la seconde de Kant

dans La Critique de la Raison Pure , «la thèse il y a du simple,

l’antithèse rien n’est simple dans l’univers».Il s’oppose à l’atomisme. Jeune il y croit et il ne perdra

  jamais sa sympathie pour lui. Il voudrait un atomisme

spirituel. L’atomisme divise l’étendue et se heurte à des corps

simples, les atomes. Critique d’atome ou de point: notions

vides parce que contradictoires, elles impliquent l’étendue. Le

point ne peut engendrer que par le mouvement. Descartes adéfinitivement montré cela dit il. Mais peut on dire que dès

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lors il n’y a pas de simple. Oui dit Leibniz sur le plan de

l’étendue. Les simples ne sont pas de même nature que le

composé. Le simple est comme la raison de ce qui se passedans l’étendue. Quelle est cette autre nature? Ce simple sera

sans doute de la nature de la force. Le composé n’est rien

d’autre que la manifestation du simple. Il s’agit de bien lire la

nature, d’interpréter les signes et alors nous saisirons l’être

de ce qui apparaît. Ce qui est impossible pour Kant. La force

exprime la vraie substance dans son rapport avec l’étendue,mais la véritable substance est métaphysique. C’est le monde

dont la force était à son tour l’étendue. Tout être a une raison

dit Leibniz. Le fondement de la connexion se trouve dans les

notions dit il parfois. Ou encore toute proposition vraie est

analytique. Quelque chose étant donné le principe nous invité

à la mettre en relation avec autre chose, la cause qui est laraison nécessaire. La raison suffisante est donc ce qui

manque à la cause. D’où la seconde expression.

Quelle est la raison? C’est dans la raison qu’il faut la

trouver. Cf. le «César a franchi le Rubicon». Deux termes de

notions. Passer le Rubicon n’est pas extérieur à la notion de

César. Mais la raison du passage, inhérence à la monade. Lesujet comme notion. La proposition A est A est vraie et nous

donne la forme de l’identité, toute proposition analytique.

Donc inversement toute proposition vraie est nécessairement

analytique. La notion doit comprendre ce qui est extérieur à

son sujet. L’extériorité de quelque chose trouve dans

l’intériorité le plan des phénomènes. Non plus à César mais àla notion de César. La monade sera l’unité de la raison

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suffisante et de l’individualité. Intériorité des phénomènes

aux notions. Il était contenu dans la monade César qu’il

franchirait le Rubicon. Trans. phénoménal des connexions,des rapports. «Chaque monade exprime la totalité du monde».

Comment peut il y avoir des relations entre les choses?

La substance est individuelle. Chaque notion exprime la

totalité du monde. Le monde c’est l’intériorité de la notion

elle-même. Le génie de Leibniz fut de faire du concept un

individu.La raison est ce qui contient la totalité de ce qui arrive

et peut être attribué à l’objet correspondant. Le concept dès

lors ne peut plus être une idée générale. C’est une notion

individuelle. Le concept va jusqu’à l’individu lui-même. Dans

l’idée de monde se concentrent tous les sens possibles du mot

sujet. L’idée de subjectivité se déploie à travers le sujet de laproposition, l’opération de la connaissance.

Comme l’étendue exprime la force, le relatif exprime le

substantiel, c’est-à-dire les monades et leurs rapports. D’où

le statut philosophique que donne Leibniz: les phénomènes

sont bien fondés. Ce monde absolu nous conduit à concevoir

un monde pluraliste. Ce monde n’existe pas en dehors desmonades qui l’expriment. Chaque monade représente la

totalité du monde. Ainsi la monade est la loi d’une série

(forme mathématique = 1+1/2+1/4+1/8 etc.)

Qu’arrive-t-il? Qu’est ce qui distingue les monades les

unes des autres?

Une première réponse de Leibniz est bien curieuse.Chaque monade exprime bien la totalité du monde mais aussi

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une partie du monde clairement et distinctement. C’est la

portion du monde par exemple en relation avec le corps de

César. La notion cartésienne de claire et distincte estradicalement renouvelée puisque subordonnée à une théorie

de la notion d’expression. Le point de vue de chaque monade

ne fait qu’un avec son individualité. Mais qu’est ce que ce

corps empirique? Ce n’est rien d’autre que l’expression du

point de vue de la monade. Leibniz joue ainsi toujours sur

deux tableaux inversés suivant les gens à qui il s’adresse. Laconciliation se fera au niveau de Dieu. D’où sa conception

étrange de «l’harmonie préétablie» qui sera présentée aussi

d’une façon très différente selon ses interlocuteurs. Cette

harmonie règle les rapports entre les âmes (monades) ou les

notions individuelles. Puisque le monde n’existe pas

indépendamment de chaque monade qui l’exprime, tout leproblème de la consistance du monde réside dans la relation

des monades entre elles. C’est une harmonie intérieure des

monades qui va fonder la consistance extérieure du monde.

Le corps, dit il, c’est la pluralité du monde. Il faut faire un

atomisme spirituel. Les monades ce sont des automates

spirituels. C’est une tentative pour dépasser l’alternativeautomatisme ou liberté.

Du point de vue éternel des monades que se passe t’il?

L’expression exprime quelque chose mais ce quelque chose

n’existe pas sans son expression. C’est toujours le problème

de l’extériorité. Si le monde apparaît à chaque individu

comme extérieur à lui – hésitation de César devant le Rubicon – c’est que chaque monade que je suis est en relation avec les

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autres et qu’il y a correspondance à son heure. A ce niveau il

n’y a plus de choix. La cohérence logique devient délire.

L’espace et le temps expriment alors l’ordre des coexistencespossibles et des successions possibles. Le monde alors

apparaît comme un phénomène bien fondé.

La métaphysique de Leibniz est la dernière grande

théologie dans l’histoire de la philosophie.

 Jeu de principe. Première difficulté: rapport exact entre

principe d’identité et principe de raison suffisante. L’idée defondement demande plus que le principe d’identité. La

philosophie commence avec une phrase de Parménide: «être

est et le non être n’est pas». A première vue principe

d’identité. La philosophie demande un principe à partir

duquel penser l’existant. Aristote: «Le problème de la

philosophie est, quand il y a de l’être?» Est-ce le principed’identité (A est A) qui nous permet cela? L’être est le non être

n’est pas. Le deuxième c’est le principe de non contradiction.

Hegel remarquait qu’on a beau traiter le principe de non

contradiction A’ n’est pas A comme un doublet du principe de

contradiction A est A il y a une nouveauté irréductible,

l’introduction du négatif. Malgré que deux négationss’annulent, il y a un retour au positif seulement après une

négation de la négation. Pour Hegel le principe d’identité est

moins un principe que la réclamation d’un principe. C’est

seulement après la négation de la négation que peut se fonder

le principe de l’existant. Voila pourquoi la formule de

Parménide n’est pas aussi claire qu’elle paraît. Il y a commeune identité retrouvée à travers autre chose qu’elle. N’est ce

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pas le même problème de Leibniz? La raison suffisante

suppose le principe d’identité mais il est bien autre chose

qu’une conséquence de ce principe. Il le suppose puisquetoute proposition vraie a-t-il dit est analytique. Mais il en est

la réciproque: toute l’identité est retrouvée dans l’existant et

pour cela il fallait un autre principe que nier la réalité de

l’existant. Le principe de réalité est incapable de se retrouver

tout seul. Ainsi le principe d’identité est règle des essences.

L’analyse qui arrive à démontrer l’identité de César et defranchir le Rubicon est «infinie» y compris pour Dieu. Mais

pour lui il est actuel, il se saisit d’un seul regard.

Le deuxième principe: de finalité ou du meilleur. (cf.

harmonie entre les notions). D’où l’idée du meilleur des

mondes possibles. Il se manifeste ainsi à partir des essences

elles mêmes. Chaque essence est possible et noncontradictoire. En fonction de cette possibilité elle tend à

l’être, mais encore faut il que ces essences soient entre elles

compossibles.

Le principe de continuité qui exprime le rapport entre

chaque notion individuelle et ses attributs. Ainsi chaque

principe est l’expression de l’un de l’autre. Le principe desindiscernables qui recueille tous les autres: «chaque chose a

sa notion». Il n’y a pas deux notions ayant les mêmes

attributs. (Attaque de Kant à partir de « l’Esthétique»).

Que signifie ce groupe de principes qui se réclament de

la raison suffisante?

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Conclusion

1) Une philosophie du symbolisme universel.

2) Jeu de principe que Leibniz retrouve dans tous lesproblèmes concrets. Parfois deux cas étant aussi peu

différents qu’on voudra dans les lois cartésiennes les effets de

ces mouvements seront différents. Cela suffit à Leibniz pour

prouver que ces lois sont fausses.

3) Grande ambiguïté chez Leibniz. Il sent tout le temps

que le principe de raison suffisante est bien autre chose quele principe d’identité. Insuffisance de ce principe qui ne peut

retrouver l’identité des choses. La détermination du

fondement présuppose bien l’identité mais il faut un principe

qui rapporte les choses à l’identité. Il fallait changer la notion

des rapports mêmes de l’essence et de l’existence de telle

façon que ce qui fait premier se présente comme fondement.Objections de Hegel dans la Logique: il le félicite d’avoir

découvert le domaine de la raison suffisante mais il a eu tort,

dit il, de le déduire du principe d’identification.

Domaine du fondement métaphysique et domaine des

mathématiques chez Descartes (cf. Plus haut).

De ce point de vue chez Leibniz l’ambiguïté cartésiennedisparaît, est dépassée. Leibniz peut considérer qu’il a

refonder le savoir absolu, la science universelle et qui usera

cette méthode de tout un jeu de principe où est donné la

raison elle-même.

On peut dès lors comprendre un texte fondamental de

Leibniz, De l’Origine radicale des choses .Deux questions:

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1: pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?

2: pourquoi ceci plutôt qu’autre chose?

Elles vont servir de règles à la solution de tous lesproblèmes dans le monde.

A la première répond le domaine des essences régies

par le principe d’identité.

A la seconde répond le domaine des existences régies

par le principe de raison suffisante.

Faire de la philosophie pour Leibniz c’est poser cesdeux questions fondamentales. Toute la conception

théologique de Leibniz dépend de là. La première est une

question qui reçoit sa réponse de l’existence même des

essences. Ce sont deux questions qui vont se retrouver au

niveau de tous les problèmes posés par Leibniz. Elles

contiennent déjà les règles de toutes les solutions. Or à ceniveau encore on rencontre la même difficulté. Les deux

questions ont-elles les mêmes valeurs? Pourquoi commencer

par l’une plutôt que par l’autre? C’est parce que les essences

précèdent chez Leibniz les existences. Ces deux questions

pourtant sont elles également légitimes, sont elles l’une et

l’autre bien posées? Constitutions étonnantes de principeslogiques. Véritable critique des conditions sous lesquelles un

problème est bien posé. N’est ce pas seulement la deuxième

question qui est bien posée? L’originalité de la question du

fondement n’est elle pas dans la deuxième question? La

question devenait de première main dans le rationalisme

absolu. La question, avions nous vu, était une critique desconditions de possibilité du problème.

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Kant alors: Critique de la Raison pure . Jusque là le

savoir s’est évalué aux solutions apportées aux problèmes et

Kant annonce qu’il va poser la question: “N’y a-t-il pas defaux problèmes?”

III - LA TROISIÈME SORTE DE QUESTION: LA QUESTIONCRITIQUE

a) Le concept d’erreur en philosophie.Mobile de La Critique de la Raison pure . La pensée est

entraînée par une illusion fondamentale, inévitable. Ce n’est

pas une illusion qui marque la réaction sur la pensée de nos

passions, mais l’influence de la pensée sur la pensée. Le

préjugé pour Descartes venait de ce que nous ne sommes pas

simplement des êtres pensants. Le principe d’illusion vient ducorps. L’idée de Kant c’est que la pensée pure tombe dans

une illusion qui lui est intérieure. D’où «l’illusion

transcendantale» et non l’illusion empirique. C’est la raison

qui engendre l’illusion dans laquelle elle tombe. Dès lors elle

ne pourra jamais disparaître. Il faut seulement empêcher

qu’elle ne nous trompe. Cette illusion appartient à la naturede la raison. La dialectique c’est alors à la fois le mouvement

de l’illusion transcendantale et en même temps la conscience

de cette illusion. C’est un véritable tournant de la

philosophie. Il annonce que la doctrine de la vérité est

totalement à remanier. Les rationalistes de 17eme siècle

pensent que la pensée en tant que telle est par nature droite,soucieuse de vérité, désir du vrai (cf. Descartes,

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Malebranche). Ils interprètent alors l’erreur en tant que pur

fait. C’est parce que nous ne sommes pas des êtres pensants

que nous nous trompons. La méthode sert pour la naturehumaine à rejoindre la nature de la pensée. La doctrine de la

vérité appelle donc la constitution d’une méthode.

Pour Kant il ne suffit pas d’une méthode, le problème

est totalement changé. On aura à se demander si Kant a été

  jusqu’au bout des conséquences. En tout cas il a vu que la

vérité qualifie les problèmes. L’illusion pousse la pensée àposer de faux problèmes. Il y a une rupture sur tous les

points avec le rationalisme classique.

Ce principe se retrouve chez d’autres auteurs, ce qui

montre qu’il ne s’agit pas d’une doctrine. Chez Spinoza, la

vérité est vraie en elle-même. L’erreur n’a rien de positif. En

Dieu toute idée est vraie. La pensée en sa nature n’est pasdroite pour Kant. Mais tous les philosophes d’une certaine

manière ne nous suggèrent ils pas la faiblesse des

rationalistes5. Le thème de Platon sur «l’âme ignorante». N’y a-

t-il pas plus que la simple notion d’erreur. La «mania» des

Présocratiques est bien autre chose que le fait de se tromper.

Platon demande la «paideïa», la pensée doit d’ abords’installer dans une région, un domaine où la vérité existe.

Alors loin d’y trouver sa vocation, sa nature spontanée, elle

commence par être éblouie et il faut y amener de force. La

pensée est en rapport avec le vrai pensent les rationalistes.

Quelle est la meilleure position du problème? Chez Platon on

nous invite à penser en terme existentiel (situation de la

5 Cf. chapitre 8 de la République de Platon.

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conscience de l’âme).

Remaniement d’une doctrine de la vérité.

Première tâche assurée par Kant et la tradition

kantienne. Mettre en question l’intériorité réciproque de la

pensée et du vrai.

Seconde tâche: substituer à l’idée de méthode l’idée

d’une formation. La vérité subsiste en dehors de la pensée et

doit contraindre la pensée pour se faire connaître d’elle. Kant

ne l’a pas si bien vu. La vérité subsiste hors de la pensée.

Même si nous étions des anges, des êtres réellement

pensants, ça n’arrangerait rien.

La vérité ne qualifie plus une idée mais doit être définie

comme quelque chose. La vérité c’est l’être.

Pourquoi Kant n’a pas vu le second point? En vertu de

la thèse kantienne que l’être n’est pas objet de connaissance

mais que la connaissance porte sur les phénomènes. Mais ce

point est il nécessairement impliqué par l’autre point sur

l’illusion?

Des penseurs disent que la tâche est de dénoncer les

mystifications. Le premier Démocrite, puis Epicure, Lucrèce.

Mystification à dénoncer. Tradition qui se poursuit jusqu’à

Nietzsche, Marx. Ils nous disent que l’homme est aliéné. Il est

comme privé, séparé de son propre pouvoir, de sa propre

puissance, si on transporte cette entreprise au niveau de la

philosophie. De deux choses l’une: au niveau de Descartes

inférieur à l’exploration kantienne. Tout de même l’idée de

faux problème apparaît chez Kant. Les faux problèmes

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consistent tous pour lui a prendre le plus pour le moins. Pour

Kant ils consistent à prendre des principes subjectifs pour

des principes objectifs. Pourquoi de l’ordre plutôt que dudésordre, quelque chose plutôt que rien? Bergson dit que

c’est un faux problème parce qu’il repose sur un postulat: le

néant est moins que l’être, le possible suppose l’être6. Nous

croyons que le possible est moins que l’être et nous posons

alors que le possible précède l’être, l’existant. Il n’y a pas

moins en fait mais plus dans l’idée de possible.L’illusion, elle, est positive. On en prend conscience

mais elle n’est pas détruite. La conception classique consiste

à nous dire que la vérité se conquiert sur l’erreur. L’illusion

est engendrée par la pensée dans sa nature. Opposé aux

rationalistes du 17eme siècle.

Il est très frappant que Bergson nous dise la mêmechose que Kant et sur un point il va moins loin, sur un autre

plus loin. Moins loin: l’illusion s’explique par des raisons

psychologiques. En vertu de l’action pratique Kant a trouvé à

l’illusion une racine transcendantale. Elle n’a pas sa source

dans autre chose que la pensée elle-même. Cette thèse donne

toute la dernière partie de la Critique de la Raison pure . Si lasource de l’illusion est transcendantale autant dire que

l’illusion n’a pas simplement une racine empirique (un fait de

la nature humaine) mais métaphysique. Mais alors c’est la

même chose de dire que la métaphysique est illusion. La

métaphysique n’est pas possible mais elle peut être détruite.

C’est un passage de l’une à l’autre très étonnant.

6 Cf. l’article de Bergson sur le «possible».

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L’illusion pour Bergson est assez simple. Elle se

ramène à ceci: la pensée prend le plus pour le moins. Les

problèmes de la métaphysique classique sont de fauxproblèmes.

Deux manières de critiquer la métaphysique:

1- pas sérieuse, au nom d’autre chose qu’elle (au nom

de la science).

C’est la critique scientiste. Cf. déjà les empiristes

Hume. Les sciences de l’homme)2- sérieuse. Chez Marx il ne s’agit pas de substituer la

science à la métaphysique mais de dépasser la métaphysique.

Réalisation et mort de la philosophie = réalisation et mort de

la métaphysique.Cf. Heidegger aujourd’hui qui se réclame de

Kant et annonce qu’il veut dépasser la métaphysique.

Dépassement de la métaphysique?a) Bergson: la pensée prend le plus pour le moins. Les

questions classiques déjà vues présupposent l’antériorité du

possible. Le quelque chose est appréhendé comme pouvant

être et pouvant ne pas être. Bergson montre alors que le

possible est second au réel. Il n’y aurait rien manqué à la

littérature si Proust n’avait pas existé, mais une foisseulement qu’il a existé. Le possible est une opération du réel

projetant son image dans le passé.

La critique de Bergson de l’idée de désordre et de néant

a le même sens. Le néant c’est l’être plus la négation qui le

nie. L’idée de néant ou de désordre est purement relative à

l’action. Dans le néant il n’y a pas moins que dans l’être il y aplus. D’où on prend le plus pour le moins. Puisque ces

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questions s’annulent la métaphysique est dépassée.

b) Pour Kant la forme de l’illusion est plus profonde. Il

veut atteindre une racine transcendantale. Quelle est laformule de l’illusion? Elle consiste à prendre un principe

subjectif pour un principe objectif. Il ne veut pas dire que

l’erreur consiste à prendre du subjectif pour de l’objectif. Il

parle de principe. Qu’entend il par là? Pour le comprendre il

faut penser à son idée sur la subjectivité, la subjectivité

transcendantale. Nous sommes sujets empiriques mais nousne sommes pas que cela. Une véritable subjectivité absolue

que sera t elle? Un sujet qui n’est que sujet ne s’opposera pas

à l’objectif. Le subjectif est ce qui devient objectif appliqué

aux phénomènes.

Des conditions chez Kant rendent la connaissance

possible. Celle-ci ne peut être ramenée à des objets connuspuisque ceux-ci impliquent déjà des conditions de la

connaissance. Ces conditions sont subjectives. Il s’agit déjà

d’une subjectivité transcendantale qui fonde l’objet comme

objet de connaissance et rend nécessaire la soumission de cet

objet à la connaissance.

L’analytique, deuxième partie, y répond. Les conditionsde l’expérience sont en même temps conditions des objets de

l’expérience. Les phénomènes ce sont ce qui apparaît.

Connaître est ce seulement saisir ce qui apparaît? Pas

exactement. Ce qui apparaît c’est un flux de qualités

sensibles. Connaître c’est faire de ces qualités la qualification

de quelque chose. Kant: l’objet = x qui est une fonction de laconnaissance. Ces conditions renvoient l’une à la sensibilité

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(l’espace et le temps), les autres à la spontanéité, ce sont les

catégories. Il y a chez Kant une véritable unité du sujet et de

l’objet. Unité de la connaissance et du connu. Mais cetteunité est subjective (l’objet tel qu’il m’apparaît). Dès lors

quelle était la grande règle de la connaissance légitime? Il n’y

a pas d’autre connaissance que celle des phénomènes eux-

mêmes. Il n’y a pas de connaissance de la chose en soi. Il n’y

a de connaissance que dans l’expérience.

Second aspect de la thèse kantienne. Kant distinguealors l’intuition et le concept. Le phénomène est intuition:

espace et temps forment de l’intuition dans laquelle apparaît

le phénomène. Les catégories cette fois déterminant le

phénomène apparaissent dans l’espace et le temps en un

objet quelconque. On ne peut connaître que par concept et

intuition. Il n’y a de connaissance légitime que lorsque jedispose d’un concept tel que je puisse en produire l’objet

dans l’intuition. Kant va nous montrer que c’est là la formule

des mathématiques et de la physique. Le concept

mathématique est la règle de construction d’un objet dans

l’intuition elle-même. La physique bien que procédant

autrement se ramène aussi à cela. Mathématique etphysique: système de connaissance légitime donc au second

résultat: répond une autre formule. Il n’y a pas de

connaissance des noumènes (attention au presque contre

sens). Chez Kant il y a chose en soi et noumène et chaque

fois il dit qu’il n’y en a pas ce connaissance. On risque de

traiter chose en soi et noumène pareillement: pire qu’uncontre sens parce que ça n’en est pas un. Le noumène c’est la

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pure pensée. La connaissance des noumènes serait par pur

concept. (Il n’y en a pas plus que par pure intuition). Cette

connaissance par pur concept c’est ce que les classiques onttoujours appelé métaphysique. Kant ne se répète donc pas,

c’est la même chose mais d’un point de vue différent. La

chose en soi s’appelle noumène, c’est ce qu’elle devrait être

s’il y avait une connaissance possible par pur concept. «Le

subjectif n’est que ce qui devient objectif qu’appliqué aux

phénomènes». Le principe subjectif de la connaissance fondel’objectivité de la connaissance en tant que phénomène.

Usage excessif des catégories lorsqu’on s’en sert pour

connaître un objet hors de l’expérience. L’ensemble de

l’expérience comme monde je le traite comme monde. (Dieu

est cause du monde: exercice illégitime)

L’illusion de la raison consiste à nous faire sortir deslimites en dehors desquelles les catégories sont illégitimes. Le

moi substance, le monde et Dieu impliquent selon Kant un

usage illégitime des catégories. Ces trois idées ont pourtant

un sens, elles sont bien fondées. Ces idées de la raison pure

ont un sens fondamentalement subjectif, elles sont idées de

la raison et non catégories de l’entendement qui se rapportentaux phénomènes alors que la raison se rapporte à

l’entendement lui-même, elle est faculté de lier les règles

selon les principes. Les idées ont bien un sens légitime à

condition que je n’oublie jamais qu’elles sont subjectives. Ce

sont des principes régulateurs et non constitutifs.

L’entendement c’est bien du subjectif mais qui est devenuobjectif en s’appliquant aux phénomènes. Il n’a donc pas

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seulement trouver une racine négative de l’origine de

l’illusion, une racine illégitime des catégories mais encore

fallait il qu’elle soit inévitable.Kant ne critique donc pas la métaphysique sur le

premier plan et pourtant il n’y a de connaissance que

mathématique et physique. La conscience doit prendre

conscience de cette illusion. D’où la dialectique: mouvement

générateur de l’illusion et dénonciateur de cette illusion ne

font qu’un, car la dénomination ne l’anéantit pas. Ici s’ouvreune tâche étonnante que Kant appelle la critique. L’idée pose

un objet qui lui correspond et que je prétend connaître par

elle seule: la critique c’est le démantèlement du mécanisme et

la dénonciation de l’illusion. La métaphysique comme illusion

ne peut être anéantie mais soumise à la critique. Il s’agit de

faire en fait une métaphysique nouvelle. cf. Hegel. Rappelonsle classicisme: distinction de deux mondes qui parcoure toute

la philosophie. Pour Kant il y a encore des essences mais

elles ne sont pas objets de connaissance. La philosophie dès

lors n’a pas la tâche de découvrir les essences mais de

déterminer les conditions. A quelles conditions les

mathématiques, la physique etc. la moralité sont ellespossibles? Kant substitue la notion d’apparence. Le

phénomène c’est le conditionné, c’est l’apparition. De la

même manière transformation radicale, l’idée de condition

vient relayer l’idée classique d’essence.

La métaphysique devient une logique car elle est

détermination des conditions et non découvertes desessences. Cf. plus tard la postérité de Kant: il n’y a pas deux

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mondes, d’une certaine manière on assiste à un retour à

l’essence mais plus avec le sens du classicisme. L’essence

c’est le sens même du phénomène correspondant. Lamétaphysique devient une logique.

Conclusion

Les questions paraissent bien bizarres.

Au niveau existentiel. Exemples seulement, il s’agissait

de demander des comptes sur tout. Au niveau de Leibniz:

deux questions et non pas trois. La question critique (préface

de la Critique de la Raison pure ). Le savoir doit se comporter à

des conditions qui le rendent possibles.

Il y avait trois aspects du fondement:

- le premier, lutte et opposition du concept et de la

subjectivité. La question allait jusqu’au bout. Cette lutte si

intéressante du point de vue de la subjectivité avait son

correspondant sous forme d’une relation inverse. Le concept

impliquait un anéantissement de la subjectivité. L’idée chez

Platon impliquait le néant des personnes.

- la seconde, la question métaphysique de Leibniz. Le

concept cette fois va jusqu’à l’individu. Le fondement se

présente comme la raison suffisante à condition qu’il se

déploie et soit la règle d’un savoir absolu.

- la troisième: à l’idée d’un savoir absolu que Kant

condamne se substitue l’idée d’une critique du savoir ou

l’idée d’une détermination des conditions du savoir. Mais

cette ruine de la métaphysique annoncée par Kant ne fait elle

pas place à la détermination d’une nouvelle métaphysique.

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Nouvelle règle relative au fondement: c’est l’identité de

la condition et du conditionné. Les Post kantiens n’allaient ils

pas chercher à déterminer dans un concept la relation de lacondition et du conditionné. Histoire: Schelling critique

contre Kant, Hegel.

CHAPITRE *** - FONDEMENT DE PRINCIPE

Introduction

Une question était appel à ce qui fonde. Nous avons

trouvé trois structures de question.

1- La question d’existence dénonçant les réponses

comme de seconde main. Quant au fondement il faisait taire

les réponses et l’opération de ce fondement consistait dans le

paradoxe.

2- La question qui prétendait nous mener à la science

de toutes les solutions aux problèmes possibles selon un

principe universel.

3- La question critique réclamant une critique des

conditions sous lesquelles le fondement était posé.

Dans cette triple fonction de fondement,

perpétuellement la notion oscille entre deux pôles. Doit il être

conçu comme un principe des choses en elles mêmes ou pour

notre simple connaissance des choses? Deux pôles: méthode

ou système. Fondement de la méthode = principe de notre

connaissance des choses.

Fondement d’un système. Y a-t-il lieu de proposer du

fondement une conception méthodologique ou systématique?

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Question d’autant plus importante que l’histoire de la

philosophie oscille entre ces deux pôles.

I) Méthode et système

Que signifient ces deux notions? Leurs caractères

extérieurs mêmes les opposent. Grand manifeste même du

système qui s’oppose à la méthodologie: Préface aux Principes 

de la Phénoménologie de Hegel . La méthode: idée de

recherche, idée de voir.

Elle se présente toujours comme un principe. La

méthode c’est l’organe (l’organon). Après Aristote son œuvre

est appelée l’ Organum . Cf. la nouvelle organisation de Bacon,

livre extraordinaire. Toutes les trois lignes on trouve des

métaphores splendides. On a pu croire qu’il avait écrit les

œuvres de Shakespeare. Perspective non plus moyen/fin,

mais tout/partie. Les Stoïciens disent du monde qu’il est

système. Méthode et système se réclament d’un principe,

mais pour la première c’est le principe de la connaissance des

choses et pour le second le principe des choses en elles-

mêmes.

  Trop facile de dire que le système serait l’idéal de la

méthode. Cela néglige que chacun de leur côté ils se

réclament d’un principe. La méthode demande un principe de

connaissance des choses. Et ce principe se présente comme

premier et non pas subordonné au principe des choses en

elles mêmes, s’il existe. Le système lui renverra à l’organisme.

L’organe ne peut se comprendre comme un ensemble orienté

de moyens. L’organisme ne peut se comprendre qu’à partir de

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la liaison tout, partie.

On reconnaît une méthode à trois choses.

1) exigence d’un commencement. (Descartes, Règles de la Méthode . Partir du simple)

Dans le système refus d’un commencement. Il se

présente comme circulaire7. La méthode est telle que son

contenu lui vient toujours de dehors pour Hegel alors que le

système ne fait appel à aucun contenu venu du dehors. Il est

à lui-même sa propre base.Pourquoi le commencement est il illusoire? Parce que

c’est l’exigence de quelque chose qui serait posé comme

absolument immédiat. Il n’y a rien qui implique aussi bien

l’immédiateté que la médiation.

«Ce qui importe à la science (savoir) ce n’est pas tant

que le commencement soit immédiateté pure mais le fait queson ensemble représente un circuit absolument fermé où ce

qui est premier devienne dernier et vice et versa».

2) exigence d’un principe d’économie. (À développer à

partir du rationalisme classique). Rapport moyen et fin

analysé alors au niveau théologique. C’est au niveau de Dieu

que se trouve le principe d’économie. Ainsi justification dumal: minimum de moyens pour obtenir un maximum d’effets.

Le miracle? Correction du mal qui est l’inconvénient du

principe d’économie Cf. Malebranche. Dieu agit

méthodiquement.

Autre caractère du système: impression que nous

donne le système, l’exubérance, l’excès du concept. A la

7 Phénoménologie de l’Esprit , Logique pp. 50-60.

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simplicité des moyens de la méthode s’oppose la luxuriance

du concept. Les meilleurs biologistes nous rappellent que

organiquement nous avons trop de tout. Cf. le biologistehollandais Bujtentijk dit «l’oiseau chante plus que ne le

permettrait la sélection naturelle».

Ainsi exubérance du concept dans le système.

Plaisanterie de mauvais goût cf. Gabriel Monod, «le concept

est trop pauvre». C’est le contraire, l’existant ne remplit pas

tout le concept. Cf. le concept d’amour. Aucun amoureux nepeut dire «je suis aimé». Le concept le déborde de toutes

parts. Il comporte en plus le sens d’un objet. Il comporte

l’inconscient, la dimension non donnée. Au minimum de

moyens il faut opposer l’exagération fondamentale du concept

lui-même.

3) Artifice et fiction.

1- Règle de la méthode. Au courant de la troisième: il

faut aller jusqu’à feindre un ordre entre des choses qui ne se

précèdent pas les unes les autres. Leibniz: dans la méthode il

faut utiliser des fictions, des symboles imaginaires qui

ensuite seront réduits.

Il y a donc un mouvement perpétuel de l’homme de la

méthode: « voyez vous tout ce que j’obtiens avec si peu?’ 

Hegel dit que le système implique une ruse

fondamentale qui est le contraire de l’artifice de la méthode. Il

dit «je n’y suis pour rien». Coquetterie: «le savoir est ruse

parce que s’oubliant lui-même dans son objet il voit cet objet

devenir et se faire un moment du tout, c'est-à-dire se réfléchir

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dans ce savoir» dit Hegel.

Le système c’est l’Annonce faite à Marie. Si ces notions

s’opposent ainsi on peut s’attendre à une polémique.Reproches de la méthode au système: trois choses

essentielles.

1) Le système c’est l’homme qui se prend pour Dieu car

il est inséparable d’un savoir absolu. Il s’accompagne d’un

appel pour des moyens servant à dépasser la condition

humaine. La méthode invite l’homme à assumer sa proprecondition. Spinoza, troisième genre de connaissance =

coïncidence avec Dieu. Certes la condition humaine subsiste,

il fait partie de la nature Il y aura toujours de la passivité

dans l’une. Mais il n’en pense pas moins qu’il y a des moyens

par lesquels l’homme peut conjurer les inconvénients de la

condition humaine. Bergson: “la philosophie devrait être uneffort pour dépasser la condition humaine”. La méthode

réalise toutes les virtualités de cette condition.

2) Deuxième objection de nature politique. A tort ou à

raison philosophes flairent un danger pour l’homme dans le

système qui se lie à la tyrannie politique. Le système est

totalitaire. Sans faire de grossier contre sens sur Hegel il atout de même vu à un moment où sa philosophie se réalisait

dans le régime prussien. Et Spengler dans Le   destin de 

l’Occident . Les systèmes sont souvent liés à un régime

totalitaire.

3) Troisième objection: troisième mystification. Le

système se réclame toujours de l’a priori et semble montrerdu mépris pour la simple expérience. Schelling dit que le

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système réintroduit l’expérience par la porte de derrière. Le

système semble apte à justifier tout. En fait il érige la

nécessité de fait en nécessité rationnelle. Identité entre le réelet la raison (Hegel) dénoncée comme une confusion

intolérable entre le fait et le droit.

Ce sont ces trois objections auxquelles il faut répondre

même si elles peuvent paraître fausses.

Inversement le système reproche à la méthode deux

choses.1- Elle laisse toujours subsister une double extériorité

de telle sorte que la philosophie perd son véritable but.

Deux pôles dans la méthode. «Discours sur la méthode

de la certitude» de Leibniz. Il reproche à Descartes d’avoir

confondu méthode d’invention (un pôle) et méthode de

certitude (autre pôle). La première prétend retrouver oureproduire par des moyens originaux un objet qui d’autre

part est déjà produit par l’invention. L’homme est en

situation dans une nature qui lui préexiste. L’homme invente

des objets qui lui sont donnés d’autre part sous une autre

forme dans la nature. Le mécanisme c’est un ensemble de

moyens par lesquels l’homme reproduit ce qui est donné dansla nature par des moyens originaux. Texte étonnant de

Descartes quand il s’attaque à la biologie (Traité du Monde ).

«Je suppose qu’il y est là un organisme et ma question est:

Comment peut on reproduire cet organisme». L’homme

retrouve ce que la nature fait grâce au mécanisme mais cela

ne veut pas dire que la nature agit mécaniquement. C’est entout cas un autre problème. Dans la mesure où la méthode

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est une règle originale de la reproduction l’essentiel d’elle ce

sont les règles originales appelées mécanisme, machines.

Première extériorité suppose celle de la nature. Deuxièmepôle, méthode de la certitude.

Dans l’évolution même de son œuvre Descartes semble

être passé du premier pôle au second. Dans les Regulae elle

est rattachée à l’ingénieur. Elle est avant tout méthode

d’invention. Puis elle est rattachée au bona mens (bon sens).

Changement dans la méthode, elle a pour pôle fondamentalla certitude. Son extension des mathématiques à la science

dans son ensemble c’est la certitude mathématique et non les

procédés. (Il sait que ce ne serait pas possible pour tout). La

méthode d’invention supposait une nature, celle de certitude

aussi. Il s’agit de retrouver par des moyens artificiels une

pure nature de la pensée. Descartes dit il y a une droitenature de la pensée mais nous êtres pensants ne sommes pas

égaux à cette nature. La méthode nous différencie. La

méthode élève l’être pensant jusqu’à ce qu’il rejoigne la pure

pensée. Dans les deux cas la méthode suppose donc toujours

une nature. Il faut donc reconnaître la justesse de cette

phrase de Hegel: «dans une méthode la conformité au but esttoujours extérieure». L’avantage du système sera: il a su

accéder à une véritable intériorité du système et de son objet.

Donc la méthode d’invention représente par un

mouvement original ce qui est déjà produit d’une autre façon.

La science universelle de Descartes est de quel côté?

Galilée pense qu’il y a aussi une unité de la matière et de lanature. Descartes c’est l’unité du sujet connaissant. «Toutes

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les sciences ne sont rien d’autre que la sagesse humaine qui

demeure toujours une et toujours la même si différents que

soient les objets auxquels elle s’applique». Cf. les naturessimples chez Descartes. Un triangle inscrit dans un cercle

n’est pas moins simple que le triangle lui-même. Dès lors ce

n’est pas sur l’objet que porte la simplicité. La méthode qui

actualise cette simplicité de l’acte connaissant quelle est

t’elle? Il y a une nature de la pensée qui transcende tous les

objets qui se présentent à elle. Le problème c’est de rejoindregrâce à la méthode cette nature car notre nature n’est pas

identique à celle de la pensée. «Il faut supposer un ordre

même là où les objets ne se précèdent pas les uns les autres».

C’est là que s’agrippe la critique de la méthode par le

système qui lui se réclame d’une intériorité totale. Ce qui

distingue l’organisme d’une machine dit Kant c’est qu’elle n’apas une énergie formatrice.

L’intériorité du système est double.

1- dans sa perspective la reproduction ou la réalisation

ne fait qu’un avec le mouvement même de la chose. Cf.

Spinoza

2- intériorité et réciprocité de la pensée et de son objet.A chaque figure de la pensée répond un certain type d’objet.

La méthode se réfère toujours à une nature qu’elle

essaye toujours de reproduire ou de rejoindre. Elle se réclame

d’une nature extérieure. Il se réclame d’une vie interne ou

d’une histoire enveloppée. Le système se réclame soit d’une

vie qui le parcourt, soit d’une histoire qui le développe. D’oùl’idée de moment lié au système de parties biologique.

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II - PRINCIPE ET FONDEMENT DANS LA MÉTHODE.

A) Thème général.

1) Descartes nous dit que la vraie méthode est

nécessairement analytique et pourtant, dit il, j’emploie aussi

souvent la méthode synthétique dans les réponses aux

objections, mais c’est seulement pour l’exposé.

Question: si l’homme était Dieu proposerait il

synthétiquement? Peut être, encore que Descartes n’en estpas sûr. La méthode synthétique est alors de toute façon

seulement constitutive d’une démarche divine. L’analyse est

la seule démarche pour l’homme à cause de sa situation dans

sa nature.

2) Spinoza se réclame d’une méthode synthétique. Cf.

Les Principes de la philosophie de Descartes. Il va exposer lecartésianisme comme Descartes ne l’a pas fait vraiment.

L’ Ethique expose par une démarche synthétique. Ainsi

il s’est mis du point de vue de Dieu (Premier livre: De Deo )

1 - Kant connu pour son emploie de la synthèse. En

fait elle est toujours dépendance. L’analyse reste

fondamentale. Il s’en explique dans les Prolégomènes et dansAnalytique transcendantale. Différence avec Descartes du fait

qu’elle devient transcendantale l’analyse devient principe

d’une synthèse pour nous.

2 - Les post kantiens recommencent l’histoire. Salomon

Maimon et Fichte font du kantisme une critique d’une

richesse extraordinaire de Kant. Ils veulent réaliser l’idéecritique de Kant. Ils disent que son grand mérite fut de

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trouver le transcendantal mais il n’aurait pas réussi à s’élever

à une méthode synthétique. Chez Kant le fondement reste lié

à un jugement simplement hypothétique. Il appelleconstamment les faits pris comme faits, physique et

mathématique.

3 - Dans la Critique de la Raison Pratique  le fait de la

morale, les mœurs. Kant évoque même un fait de la raison, la

loi morale. A partir de là il cherche les conditions de

possibilité de ces faits. Il faut qu’il y ait des conditions qui lerendent possible pour Kant si ceci existe. Kant a eu le mérite

de découvrir le transcendantal mais n’en a pas compris la

nature. Il doit y avoir une genèse transcendantale pour

Fichte. Le transcendantal ne doit pas seulement chercher les

conditions des faits présupposés mais être la genèse du

conditionné au lieu de se le donner tout fait.Fichte va réclamer la méthode géométrique qui sera la

synthèse. Maimon prépare une méthode qui transforme le

  jugement hypothétique de Kant en jugement catégorique.

Ainsi leur thème commun est de substituer à la méthode

kantienne une méthode génétique et synthétique.

Ainsi dans son essence la méthode est démarcheanalytique. Elle est bien la seule démarche possible de l’esprit

humain s’il est vrai que cet esprit dans l’ordre de la recherche

n’a pas les moyens de procéder par synthèse. Si au niveau du

transcendantal il peut y avoir une synthèse, si Fichte et

Hume ont raison, alors la philosophie est système.

b) Images des sciences de Bacon. C’est uneinterprétation très curieuse du platonisme. L’homme n’est

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pas du tout dans la même situation que Dieu. Chez lui

l’action est comme la conséquence immédiate de la

connaissance. Il conduit les idées et son action consiste àcombiner les idées. Les caractères ce sont les lettres. Les

idées sont les lettres. C’est l’alphabet divin. Sa démarche est

donc synthétique. Voltaire, Dictionnaire philosophique , lettre

A. Il est curieux de voir qu’il n’y a pas de mot pour désigner

l’ensemble des lettres. Alphabet (a b) c’est comme si on

appelait la numérotation 1,2.Les Stoïciens se servaient d’un mot sans sens pour

désigner le mot qui n’avait pas de sens. Ce mot c’était lecture

(?) en grec. Son de certains instruments à corde et par les

Stoïciens le mot qui n’a pas de sens, le mot absurde, non pas

l’absurde mais qui désigne l’absurde. Et le mot qui n’a pas de

sens n’appartient à aucune règle. Pour Voltaire ce mot qui n’apas de sens c’est alphabet. L’art de tous les arts est désigné

par un mot qui n’a pas de sens. La situation de l’homme c’est

 justement d’être dans un monde tout fait. Bacon ne demande

pas de substituer l’action à la connaissance mais il demande

comment l’homme peut rejoindre la vérité avec d’autres

moyens. Démarche inverse: l’homme connaît en agissant.L’homme ne peut retrouver que par l’action la véritable

connaissance. Il s’agit de dévoiler les complexes non pas pour

retrouver les caractères. Analyse et synthèse ne sont pas

deux opérations inverses. L’homme devra s’arrêter à une

intermédiaire: les axiomes moyens qui sont les principes

relatifs à la situation de l’homme.Descartes nous disait il ne faut pas confondre l’ordre

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de l’être et l’ordre de la raison. L’idée de Dieu infini est

découverte dans la 3eme Méditation. Le cogito est premier

dans l’ordre de la connaissance bien qu’il soit second dansl’ordre de l’être. Il suppose Dieu. Le principe dont la méthode

se réclame est bien principe de l’ordre de la connaissance.

Elle a sa propre mesure. Le principe est donc ce qui est

premier.

Les axiomes moyens sont seconds par rapport aux

idées (caractères de l’être) mais ils sont principes (premiers)parce que pour la connaissance ils sont principes.

Quels sont ces axiomes?

Platon proposait la division: partir d’une matière, la

diviser en deux, à gauche, à droite. Prendre la droite et la

diviser en deux et ainsi de suite jusqu’au moment où on ne

peut plus diviser. Cf. le Sophiste qui est ce que la pêche à laligne…

Selon Bacon c’est ainsi qu’il faut procéder dans les

expériences scientifiques. C’est ce qu’il appelle induction.

Rapport original qu’on pourrait expliquer ainsi: rapport de

détermination. La ligne droite est le plus court chemin d’un

point à un autre. Qu’est ce qui est sujet et prédicat? Traduction: le plus court est la règle à partir de laquelle je

détermine la ligne comme droite. L’axiome moyen est

précisément ce rapport de détermination. Le plus court

chemin est la règle de la détermination. Kant: synthèse à

priori, c’est cette règle de construction. Ex. 7+5=12. La

synthèse n’est pas entre d’une part 7+5 et d’autre part 12 quin’est pas un symbole conventionnel. Elle est dans + qui est la

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règle de construction par laquelle je détermine 12 à partir de

7 d’une part et 5 d’autre part. C’est cela la synthèse à priori.

Quand Bacon parle des axiomes moyens il nous dit que c’estla règle de détermination physique (il ne s’occupait pas de

mathématique) qui détermine ne différence. L’axiome moyen

de la chaleur c’est la règle à partir de laquelle je produis de la

chaleur à partir du froid. C’est le système des essences

appliquées… Les fameuses tables d’induction de Bacon,

présence, absence, degré. Il est bien premier dans l’ordre dela connaissance elle-même.

L’axiome moyen était peut être premier et celle de notre

connaissance des choses ne l’est pas. C’est ce principe moyen

qui peut prendre des sens différents selon les niveaux.

Quatre niveaux de méthode:

1- Détermination de l’ingenium.

Sa formule revient à reproduire en inventant parce

qu’elle se fait par des moyens originaux. La situation de

l’homme dans la nature n’est pas celle de Dieu. Lorsqu’il

reproduit il découvre seulement les axiomes moyens.

A ce premier stade on comprend le rapport entre

méthode et mécanisme. Cela c’est l’ensemble des moyens

originaux. Première inspiration du mécanisme, tout se passe

comme si la nature procédait mécaniquement. Il rend compte

exactement de la situation de l’homme dans la nature.

2- Elle se réclame des mathématiques.

Si l’homme peut reproduire par des moyens

mécaniques n’est on pas tenté de laisser dans la simple

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indifférence la production naturelle telle qu’elle se fait? A

condition de traiter le monde comme une fable. Le monde

externe faible (cf. son portrait, le monde «mundus estfabula»). La nature perd son être, elle passe dans l’actualité.

Le monde est une fable et en ce sens il est justiciable d’une

construction mathématique.

 Troisième niveau métaphysique.

Unité d’un principe subjectif. La méthode se réclame de

la détermination d’un principe de la connaissance. Cela suffitil? La méthode est bien cela, elle ne se présente jamais

comme genèse de la chose elle-même. Dès lors la méthode ne

demande t’elle pas une métaphysique? Descartes nous dit de

ne pas confondre la façon dont la méthode nous invite à

reproduire la chose et la manière dont la chose se reproduit.

Elle réclame aussi un fondement métaphysique qui rendracompte de ce fait prodigieux: la nature se conforme au

principe de cette connaissance. Ainsi Descartes invoquera

une véritable théologie, une véracité divine pour garantir la

conformité du réel.

Deux sens de principe:

a) exigence de la connaissance au nom d’un droit (cf.autre chapitre)

b) au sens de fondement c’est ce qui rend compte de la

soumission nécessaire du donné au principe de cette

exigence.

Ce qui est premier, le principe subjectif, est en même

temps posé second dans l’ordre de l’être ou dans l’ordre dufondement lui-même. C’est le sens de la notion de méthode.

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Elle exige que nous ne confondions pas l’ordre de l’être et

celui des raisons de la connaissance. Elle réside dans la

distinction des deux ordres. Alquier, cartésien moderne,pense que les philosophies du système confondent ces deux

termes. La situation de l’homme est donc ambiguë, l’homme

est à la fois supérieur aux objets de pensée et inférieur à

l’être lui-même. Le tort du système sera de confondre l’être

avec l’objet étudié.

Cette distinction des deux ordres est elle bien fondée?d) elle est peut être nécessaire pour les

éclaircissements qu’elle nous donne.

Un texte mystérieux de Freud dans « Au-delà du

principe de plaisir ». Ce principe règne sur la vie psychique

car l’inconscient est uniquement désir. En même temps il

découvre qu’il y a tout de même un au-delà de ce principe quiest le principe de répétition. L’inconscient cherche à rétablir

le passé. Freud n’est jamais revenu sur ce principe de

répétition et pourtant dans sa dernière œuvre il nous dit « le

principe de plaisir est vrai (in Abrégé de psychanalyse ).

Comment ces contradictions sont elles possibles. Il faut

distinguer pour cela deux sens.Le principe de plaisir est bien celui de la vie psychique.

Mais ne faut il pas un fondement qui rende compte de la

soumission de la matière psychique à ce fondement? La

contradiction disparaît alors. Il y a bien un principe au-delà

du principe8. Le monde sensible lui-même se divise en deux.

Ses images sont des reflets dans les eaux. L’image est donc

8 Cf. à le fin du livre VI de la République de Platon

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un trompe l’œil. Jamais la psychologie de l’imagination n’est

séparée de la physique de l’image. Même rapport entre le

monde intelligible et le monde sensible. Equivoque: deuxinterprétations. Il y a des idées dont la nature est

mathématique et des idées dialectiques. Autre interprétation:

mathématique et dialectique seraient des manières de traiter

l’objet. Le mathématicien part d’hypothèses. Il suppose en

principe l’existence du carré en lui-même, du pair et de

l’impair, etc.Le principe est hypothétique. (cf. les sciences

mathématiques sont hypothético déductives) Pour la

dialectique au contraire c’est à partir des hypothèses qu’on

s’élève jusqu’au principe anhypothétique, inconditionné. Est-

ce les mêmes hypothèses?

Principe = principe de la connaissance est bienhypothétique puisqu’il part de ce que la connaissance est un

fait. Si elle existe tel est son principe. On retrouve la première

signification du principe.

Lorsque Kant parle du principe inconditionné c’est là

seulement qu’il y a détermination utile ou fondement. Dans

une telle perspective toute la complication est celle-ci:comment sera conçue la connaissance? Que représentera

t’elle? S’il est vrai que la connaissance se présente comme

une méthode par rapport au principe subjectif dont elle

dépend, elle ne se présente pas comme une méthode par

rapport au principe qui la fonde et dès lors elle est système.

Un auteur plus que tout autre a vu cela, c’est Kant.A) Système et critique kantienne.

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Critique de la Raison Pure , Esthétique transcendantale ,

Analytique transcendantale , Dialectique transcendantale  ne

sont pas sur le même plan.Les vraies parties:

1) théorie transcendantale des éléments dont

esthétique, analytique et dialectique sont les éléments.

Analytique et dialectique sont des divisions de la logique

transcendantale.

2) Méthodologie transcendantale, celle qui reste le plussouvent inconnue. Kant dit que tout son livre introduit la

seconde partie. Moins de 100 pages pour la méthode.

La première partie introduit à la méthodologie.

Le plan de la méthodologie:

1) discipline de la raison pure

2) canon de la raison pure.

3) Architectonique de la raison pure

4) Histoire de la raison pure

C’est une analyse: la première partie (analytique =pièce

maîtresse). Elle rapporte la connaissance comme méthode à

un principe. Mais dans le cadre de cette méthode la

connaissance est aussi rapportée à un fondement. Alors elle

devient vraiment un système. Kant partira de rien. Les Post

kantiens se donneront comme tache de réaliser la

systématique que Kant n’a pas pu développer.

Quels sont ils? Salomon Maimon, Fichte,

Schelling,Hegel. Le système va prendre radicalement la place

de la méthode. Hegel va jusqu’à dire: « c’est un grand contre

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sens de dire que la dialectique est une méthode, c’est un

mouvement des choses elles mêmes » Il faut aller jusqu’à une

méthode synthétique et génétique. Déjà le système des chosesa remplacé la méthode de la connaissance des choses.

L’analytique de Kant

Analyser c’est diviser, séparer. La question est: en quoi

divise t’on? En éléments. Il faut à partir de la chose remonter

vers ses conditions. Cette démarche sera encore analytique.

Les éléments pour Kant sont bien des conditions qui rendent

la connaissance possible. Une telle analyse ne reste pas sur

le plan même de ce qu’elle analyse. Les conditions ne sont

pas sur le même plan que le conditionné en ce sens qu’elles

rendent possibles l’objet qu’elles conditionnent mais ne le

composent pas.

Pourquoi garde t’il ces éléments? La réponse est donnée

dans le mot transcendantal. Il y a chez Kant une idée

fondamentale de la philosophie moderne. Etudier le

qualificatif moderne.

Il y a une finitude de l’homme chez les cartésiens:

relation homme/dieu assez précise. L’homme (son

entendement) est fini. Ce qui est constituant c’est

l’entendement infini de Dieu. Ce problème des limites de la

connaissance n’est pas de fait mais de droit. Kant: l’idée d’un

entendement infini perd son sens, n’est nullement une idée

constituante. C’est seulement une idée régulatrice. D’où la

critique de l’idée d’un entendement infini et il n’y a pas

d’intuition intellectuelle. La grande nouveauté du kantisme

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n’est pas encore là. C’est qu’en même temps la finitude

humaine en tant que finitude va être érigée en principe

constituant de la conscience et du monde lui-même. Voilà enquoi Kant peut être dit premier dans la philosophie moderne.

Il rompt l’alternative classique. Heidegger, Kant et la 

métaphysique . Ce que appelle l’existence elle a pour essence

la finitude qui ne fait qu’un avec le véritable pouvoir

constituant. La philosophie s’oriente bizarrement: c’est en

temps que l’homme n’est pas Dieu, est fini, qu’il estconstituant du monde. Kant en ce sens est entièrement

premier. Le problème c’est comment poser une telle finitude.

Chez Heidegger, l’existence, chez Kant, le schématisme ou

l’imagination transcendantale. Dans L’évolution créatrice  

Bergson nous dit deux fois que c’est important de dire que

l’élan vital est fini.Le principe constituant n’était rien d’autre que le

dépassement de sa finitude. Ou alors l’homme reste enfermé

dans le cadre de sa finitude et son état sera nécessairement

constitué (cf. l’empirisme).

Kant pose et laisse un problème à la philosophie, la

finitude comme telle en tant que finitude est constituante.Avant lui on faisait tourner le sujet autour de l’objet (cf.

Ptolémée) Il prétend découvrir la dimension de la subjectivité

(cf. révolution copernicienne). Il fait tourner les objets autour

du sujet. Il ne s’agit pas d’élever l’homme à la place de Dieu.

L’être raisonnable est défini au contraire par opposition à

l’infinité. Il n’a pas d’intuition intellectuelle. D’où l’extrêmeéquivoque et richesse de Kant. Ces auteurs de Kant à

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Heidegger donnent à l’homme les pouvoirs d’un Dieu. En fait

ces philosophies ne donnent pas à l’homme de tels pouvoirs.

Ils donnent à la finitude le caractère constituant et n’élèvepas de tout l’homme à l’infini.

Où est le problème? Pourquoi La Critique de la Raison 

 pure  n’est elle pas suffisante? Pour arriver à la position

formelle il a fallu toute une histoire. Les Post kantiens

reprochent à Kant de n’avoir pas su s’en tenir au problème et

d’avoir réintroduit les questions que ce problème chassait.Rencontre entre les Post kantiens et Heidegger dans

son livre sur Kant nous invite à une répétition de l’entreprise

kantienne. Son grand thème sera d’une finitude constituante.

Kant est le premier à faire de la finitude la plus

profonde celle de la raison elle-même, le constituant même de

l’être raisonnable. C’est la dualité du concept et de l’intuitionqui est constituant. Nous sommes soumis aux conditions de

l’intuition comme à notre réceptivité. Tout cela au niveau de

la raison pure. L’homme a un corps parce qu’il est fini. Chez

Descartes d’abord le cogito est à la première personne

(finitude). L’homme constitue le monde de sa propre

connaissance.  Trois points d’objection au kantisme par les Post

kantiens.

1) Est-ce que la révolution copernicienne est

suffisante? Il s’agit d’une analogie quand Kant dit «je fais un

rêve copernicien». Elle est à étudier du point de vue de sa

forme. En ce sens Kant a bien raison (révolution aussiprofonde). Du point de vue de la matière il n’en est pas ainsi.

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En ce sens Kant est bien plus près de Ptolémée que de

Copernic. Il met l’homme au centre. Dans la tentative

kantienne subsiste la simple hypothèse. Kant reste attaché,dit Fichte, à la simple facticité et lui Fichte cherche la genèse.

Kant recherche des conditions, par exemple la

connaissance cela implique qu’on parte du supposé de

l’existence du conditionnel. Ainsi pour la morale kantienne.

On se donne la morale comme un fait à partir duquel on

remonte aux conditions. Fichte y voit un fait empirique.Pourtant Kant au début des Prolégomènes  dit: dans La 

Critique de la Raison Pratique  je me servais d’une méthode

synthétique alors que dans les Prolégomènes  c’est une

méthode analytique parce que c’est un ouvrage destiné au

grand public.

Dans l’esprit de Fichte sa critique porte sur tous lesouvrages. La distinction de Kant n’est pas aussi nette qu’il

veut bien le dire. Pour les ouvrages de vulgarisation, très bien

(pour les mœurs par exemple), appel à la conscience

populaire. Dans les Critiques il n’y a pas des faits extérieurs.

La différence entre les Critiques  et les ouvrages de

vulgarisation c’est que dans les Critiques  il y a bien uneméthode synthétique. Là il part, seule différence, de faits

particuliers, les faits de la conscience. De toute façon il part

de faits qu’il suppose. D’où Fichte dit «Kant ne s’est jamais

élevé à l’analyse transcendantale. Son analyse est seulement

régressive». Au lieu de faits supposés il faut partir de faits

dont on aura la genèse. C’est alors plus une méthodegénétique qu’une analyse. Fichte ne cesse d’insister sur

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l’importance d’un mot: substituer, acte de la conscience au

fait de la conscience. Kant ne s’élève pas jusqu’à la position

d’un pur acte. Lorsque Kant arrive à la méthodologie, avons-nous dit, il est arrivé à son but9. Livre bien curieux Opus 

 postumum . Développement qui semble prouver que Kant

tournait à Fichte, au postkantisme. La méthodologie

transcendantale la plus courte est la plus importante. La

théorie des éléments est une théorie des matériaux:

esthétique = réceptivité, logique = spontanéité, concept.Quelles maisons peuvent ils composer? C’est l’objet de

la Méthodologie transcendantale. Dans l’architectonique

conditions sous lesquelles notre connaissance s’organise en

un véritable système. Il faut que notre connaissance ne soit

pas un agrégat. Il faut qu’elle forme un système? La présence

d’une idée, notre conscience, doit se présenter comme untout organique. Le système est toujours compris dans les

limites précédentes d’une méthode analytique. Problème chez

Kant: l’analyse en devenant transcendantale n’exclue plus le

système mais le maintient encore dans ses propres limites.

En ce sens elle ne va pas assez loin.

Distinction de deux sens du mot principe: hypothétique(différence) et fondement (cf. plus haut). Chez Kant la

détermination d’un fondement est plus profonde que celle du

principe hypothétique et dès lors il ne va pas jusqu’au bout

de ce à quoi nous renvoie la question du fondement. C’est

seulement en se donnant la connaissance comme un fait que

Kant arrive à dire pourquoi le donné est soumis à la

9 Cf. Lettre de Kant à Marcus Herz.

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connaissance?

Faut il passer par ce détour hypothétique? Il est bien

forcé parce qu’il arrive à ce système.

c) Intuition et concept chez Kant et Fichte.

Kant:

1) seule connaissance légitime celle qui opère à la fois

par intuition et par concept.

2) l’intuition et le concept ont deux sources

radicalement diverses et c’est leur dualité qui définit notre

finitude. C’est un fait que notre entendement n’est pas infini.

Le refus de l’intuition intellectuelle repose sur le fait que si

nous l’avions notre entendement serait infini et unité absolue

du concept et de l’intuition, c’est-à-dire du sujet et de l’objet

de la représentation et de la chose. Nous ne connaissons pas

les noumènes ni les choses en soi. Nous ne connaissons pas

la chose en elle-même, la chose en soi. Est-ce que cela

implique une restauration de l’entendement fini? Si on peut

concevoir une intuition intellectuelle qui se rapporte à notre

finitude alors il faudra parler d’une finitude constituante.

Kant au contraire de cela a raison. Pourquoi ce mot intuition?

L’espace et le temps seraient irréductibles à tout concept.

L’état de chose donné à l’extérieur du jugement = l’intuition.

On ne peut pas, dit Kant, sans contradiction faire de l’espace

et du temps des concepts. Obscurus sum sed distinctus dit le

concept. Il y a beaucoup de théologie sur la philosophie. Le

droit, le fondement lui-même implique la position de

l’entendement infini. Kant déjà laisse la porte ouverte à une

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sorte de réintroduction de l’entendement infini. Rendre

compte du caractère systématique de la nature. Il a

seulement un rôle réfléchissant. Mais jamais cet entendementn’a un rôle constitutif. Position de la finitude en elle-même

comme constitutive.

Si le concept et l’intuition font deux le concept seul ne

nous fait rien connaître. Cette dualité se développe dans la

Critique: le concept renvoie à l’espace et temps, l’intuition

renvoie à ces catégories. L’idée d’un entendement infini perdtout sens. Réceptivité et spontanéité. Dans les Prolégomènes

et dans l’Esthétique même seul objet l’espace et le temps, ne

sont pas réductibles à un même concept. Pour un même

concept il y a toujours plusieurs objets possibles. C’est le

problème de l’espace. Un concept étant donné plusieurs

objets lui correspond (critique de Leibniz). Quelle sera lanature de la différence entre ces objets. La différence dans

l’espace est sur le mode: c’est là… le temps et maintenant.

L’espace et le temps sont alors d’un autre ordre que ceux du

concept. Cf. le paradoxe des objets symétriques qui

n’apparaît que dans les Prolégomènes . Où est la différence?

La troisième dimension est condition de la superposition. Il ya une droite et une gauche, un avant et un après.

Pour Leibniz chaque fois qu’il y a deux objets il faut en

droit deux concepts (principe des indiscernables). L’ordre de

l’espace et le temps est irréductible à tout concept si bien que

pour deux choses différent le concept peut être radicalement

identique.Le second aspect de notre finitude: l’objet en général,

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transcendantal égal x I. Le concept pensé par lui-même se

détermine comme objet de la conscience. Principe pour les

objets: tout le sens des mathématiques c’est qu’elles sont lesystème de construction pour produire dans la diversité les

objets semblables au concept.

Le premier problème, comment le concept peut il

trouver un objet qui lui corresponde? Doit se rapporter à un

objet, à quelque chose. Le problème qui nous reste: est ce que

Kant avait raison de lier la finitude à une dualité du conceptet de l’intuition? N’y a t il pas moyen de rendre compte dans

le concept d’une unité du concept et de l’intuition tout en

maintenant la finitude de l’entendement comme

constituante? Ce que Fichte lui objecte finalement c’est vrai.

Il n’arrive pas à une genèse. Une telle restauration aurait

comme conséquence de fonder le système et de fonder lefondement comme système. Mais ne pas oublier la genèse. Il

  y a comme une auto formation du système dit Hegel. Ce

dernier point permettrait de répondre à la question de ce

chapitre: le système objectait on impliquait que l’homme se

mettait à la place de Dieu.

IV - FINITUDE ET FONDEMENT

Comment un moi fini transcendantal peut il acquérir

un pouvoir constituant? Quant à la réceptivité elle ne doit pas

être un caractère accidentel mais essentiel du moi.

Une phrase de Heidegger dans Kant et la critique de la 

métaphysique : «Plus originaire que l’homme est la finitude de

l’existence en lui». La finitude ne doit pas être comprise à

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partir d’une nature empirique.

Des directions de l’analyse, trois qui sont apparues

chez les Post kantiens et n’ont pas encore complètement étéexplorées.

Salomon Maïmon, vie bizarre en dents de scie,

grandiose et misérable. Il était rabbin. Goût pour les fugues.

Mort dans une très grande misère. Il s’agit pour lui de

substituer à la dualité entendement infini, entendement fini

une dualité intérieure ou m? Fini lui-même... Ce sera unedualité entre le conscient et l’inconscient lui-même (non

freudien).

Les concepts de Kant ne déterminent pas toutes les

variations de l’expérience. Au nom,par exemple, de la

catégorie de causalité on sait que les phénomènes sont

soumis à des lois mais cela ne me dit pas à quelle loiparticulière tel phénomène est soumis. Ainsi la Critique du

  Jugement essaye de répondre à cette question laissée en

suspend dans la Critique. Kant n’a pas su donner une

véritable genèse. Maïmon reproche à Kant d’avoir cru que

c’était la réalité de la construction qui fondait la possibilité

transcendantale du concept. Il faut que cette possibilitépréexiste à la construction qui ne fait que la révéler. Maïmon

demande qu’on trouve un principe intérieur de la

construction. Ce principe n’est il pas chez Kant? cf. le

schématisme dans la Critique “sont profondément cachés,

enfouis dans les secrets de la nature”. N’est ce pas déjà ce

que Maïmon réclame? Un concept ne détermine pas par lui-même son objet. Il faudra une règle qui sera acte de

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l’imagination et aussi productive. Cf. le romantisme

allemand. Novalis où l’imagination devient constitutive du

monde. Pourtant Maïmon dit que c’est bien la constructionqui garantit la possibilité du concept. Il pense que si un

principe intérieur au concept est trouvé dès lors la dualité

kantienne entre concept et intuition est dépassée. L’exigence

de Maïmon est donc excellente. Il donne successivement deux

réponses qui concernent les mathématiques et la physique..

La première est le principe de déterminabilité (ou parfoisdétermination). La ligne droite est le plus court chemin…

Opposition entre «droite» et «le plus court». Mais demande

Maïmon droit et non droit se contredisent ils comme court et

le plus court? Que la ligne droite ne soit pas droite, il y a

compossibilité logique tandis que si on dit la ligne droite n’est

pas le plus court. C’est faux mais pas de la même manière. Leplus court est la règle de construction à partir de laquelle je

détermine une ligne comme ligne droite. Droite paraissait le

sujet en fait c’est une détermination tout à fait externe. La

ligne est produite comme droite. Ce qui est véritablement

interne c’est le plus court qui détermine la ligne comme

droite.

Trois éléments dans le jugement synthétique.

1 Le déterminable. Ici ligne.

2 Le déterminé. Ligne droite.

3 Le plus court ne fait qu’un avec le concept car c’est

vraiment le déterminant. La légitimité des mathématiques

repose sur la dualité du concept avec ce déterminant.

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Mais la vraie difficulté était au niveau de la physique.

Les objets de l’expérience étaient ils déterminés?

Etrange réponse de Maïmon: de kantien il se retrouveleibnizien. Leibniz avait découvert l’analyse infinitésimale. Ce

qui le frappe c’est la notion de différentiel. Une quantité plus

petite que toute quantité donnée lui permet de se réclamer

d’un outil mathématique et aussi d’un concept métaphysique:

la théorie des petites perceptions. Ainsi le bruit de la mer est

composé des chocs des gouttes. Maïmon cette fois tenait saréponse. Il appelle sa théorie: différentiel de la conscience.

Lorsque la genèse est interprétée comme différentielle.

L’élément générique n’est pas conscient. Mais la notion de

composition est renouvelée par analyse infinitésimale. Les

éléments ultimes sont différentiels. Il y a des différentiels de

la conscience qui sont les éléments ultimes génériques de laconscience elle-même qui par la même ne sont pas donnés à

la conscience. La genèse transcendantale de la conscience est

donc possible grâce à la différentielle. Maîmon présente sa

philosophie comme une synthèse de Kant et Leibniz. Ainsi sa

réponse consiste en ceci: à la dualité extérieure il substitue

dans le moi lui-même la distinction de la conscience finie etde son élément générique infiniment petit. Chez Leibniz la

découverte de l’infiniment petit avait donné une possibilité?

Or en théologie l’infini c’est toujours l’infiniment grand.

Leibniz semble vraiment rencontrer une autre dimension. Il

découvre l’outil mathématique capable de m? cet infiniment

petit. Chez Leibniz les deux directions finissent par seréconcilier mais non sans difficulté. Leibniz veut en effet les

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deux à la fois. L’infiniment petit avec Maïmon vient

réellement prendre la place de l’infini du grand traditionnel.

Alors l’infiniment petit devient principe génétique du fini.Pour l’infiniment petit le fini prend un pouvoir constituant.

Seconde direction Fichte pense à son tour que Maïmon

n’a pas été jusqu’au bout. Il veut substituer au conscient (?)

une double déduction. L’objet est pour un sujet mais différent

de lui. L’objet n’est rien d’autre que le produit ou la fu? d’une

c?, que le moi fini se posait. Une double série: Kant aconfondu les deux séries et c’est pourquoi il n’a pas une

détermination fondamentale du temps. La finitude et le temps

ne font qu’un. Que va être la genèse du temps? Le problème:

comment distingue t’on à chaque instant dans le temps un

passé et un futur. Equivoque du mot présent. Nous n’en

sortons pas et pourtant il est toujours autre que lui-même. Ace niveau le temps peux se présenter comme une succession

de purs présents et nous projetons vers des présents à venir

(renvoie à la volonté comme faculté psychologique). Pour

Heidegger c’est transcendantal: il s’interroge sur les

conditions qui rendent possibles dans l’existence le fait

que*** Nous distinguons dans le temps à chaque instantpassé et futur qui fondent la mémoire comme faculté

psychologique. La finitude est constituante dans la mesure

où elle organise le temps comme extase (en grec, se tenir hors

de soi). Il attend donc une solution de la temporalité.

Organisation des trois extases du temps. Kant aurait vu cela

dans les trois synthèses (passé, recognition, Futur, etc.).Les trois directions ainsi ouvertes se présentent ainsi:

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1 A l’intérieur du moi, moi fini, moi différentié.

2 A l’intérieur de la conscience deux sens parallèles

aux interfacts.3 A l’intérieur de l’être lui-même dualité entre l’existant

et les simples objets.

CONCLUSION

La dialectique avant Hegel implique une triple idée:

conservation, discussion, contradiction. Au niveau thèse,

antithèse la contradiction est entre les personnes qui parlent

et non entre les choses elles mêmes. En ce sens c’est bien

une méthode. Cf. Socrate: «la dialectique s’oppose aux longs

discours». Comment Hegel peut il transformer la dialectique

en mettant la contradiction dans les choses elles mêmes? La

méthode alors est bien autre chose qu’une méthode c’est un

système fondé.

Comment cela est il possible? Il faut se mettre à la fin

de l’histoire qui a deux fins, celle du régime napoléonien et

son système qui est la fin de l’histoire de la philosophie. Y

croyait il? Il voulait nous dire qu’à chaque instant l’histoire

est finie (bien qu’il ne le dise pas). L’histoire est faite à partir

du présent. Sa règle est dans le mouvement et la suppression

des contradictions présentes et non dans la pensée d’un

futur. L’action se fait à partir du présent et dans le présent et

à partir de contradictions à supprimer. En ce sens l’histoire

est bien définie à chaque moment. Jamais Hegel ne donne

tort à un philosophe, il lui donne raison en l’englobant, en en

rendant compte. Lui Hegel achène, réalise Descartes qui est

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un moment de la pensée philosophique. Les philosophes qui

l’ont précédé ont bien «existé». Il ne prétend pas remanier

leurs discussions mais reprendre le fil de l’histoire universellequi passe par eux et dégage le sens de leurs discussions.

Qu’est ce qui a «existé». Les philosophes discutent. Mais

demande Hegel qu’est ce qui répond à ces discussions dans le

réel?

Il y en a deux, répond il, une discussion plus profonde

dans le réel: le travail et la lutte. C’est le signe de lanégativité. L’homme est le mécontent du donné. La lutte est

négation, transformation etc. C’est pourquoi la lutte et le

travail sont des processus réels que la discussion des

philosophes en second lieu prend son sens. La dialectique est

alors déjà tout prêt devenir un système. Hegel n’a pu à faire

de la dialectique. Voila pourquoi il appelle son livrePhénoménologie de l’Esprit . Description de telle manière qu’il

surgisse quelque chose de*** Cf. Kojève. Voila pourquoi il faut

attacher de l’importance à ce que dit Hegel: «J’arrive à la fin».

Il ne s’agit plus pour lui que de décrire, saisir, comprendre le

mouvement dialectique dans les choses.

Il nous faut dès lors répondre aux trois objectionsconcrètes contre le système.

1) L’homme se met à la place de Dieu.

2) Le système justifie tout (cf. les états totalitaires)

3) Il y a en lui une mystification sauf s’il n’attendait pas

l’expérience mais en fait il la réintroduit toujours.

Première objection. Résultat positif. Aucun n’aprétendu se mettre à la place de Dieu. Ambition plus petite

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ou plus grande (vision supérieure de Dieu). Quand Hegel

parle d’un savoir absolu il nous dit «cela ne nous dévoile pas

un monde autre que le notre». Le savoir absolu est savoir dece monde ci. Substitution de l’imagination transcendantale à

l’entendement divin. Le point de vue du système remplace le

concept d’entendement infini par l’imagination

transcendantale qui est celui de la finitude constituante.

Ainsi beaucoup de notions ne peuvent être conservées. Cf. la

notion de création qui est une idée théologique qu’on doitcomprendre à partir d’une volonté et entendement infini. Si

celui-ci tombe l’idée de création ce peut être maintenue. Ainsi

il est absurde pour un athée de conserver l’idée de création

ou alors il ne peut plus se servir de concepts qui soient

inséparables d l’idée de Dieu. Des lors la philosophie dans sa

différence avec la théologie ne peut pas recueillir en tant quephilosophie l’idée de création. Cf. la constitution Husserl et

ses disciples. Genèse des Post Kantiens: sont des efforts pour

rendre compte du monde en philosophie. Enfin il faudrait

faire une grande place aux poètes et littérateurs du

romantisme allemand. Novalis connaissait fort bien Kant. Il

veut, dit il, faire une «philosophie» et non une psychologie del’imagination. C’est par le même mouvement que la nature

produit des herbes et des fleurs et que «j’imagine» dit il. Cela

ne veut pas dire seulement que les images qu’a le poète sont

comme des produits de la nature. Cela veut dire aussi que la

nature cache ce qu’elle produit. Reproduction par des moyens

artificiels. La chose est produite originalement par la naturemais de quelle manière on ne sait pas. On peut simplement la

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reproduire dans le laboratoire. Mais en revanche nous dit

Novalis l’imagination est la faculté qui a comme

correspondant dans les choses le mouvement même parlequel les choses se reproduisent. D’où le thème du

romantisme allemand: rapport vérité et poésie. Il y a pour

Novalis une vérité plus profonde de la poésie qui est que les

images ne font qu’un avec le mouvement de la reproduction.

Ainsi ce que Bachelard appelle une image10. On a voulu

l’engendrer à partir d’autre chose dit il. Elle est en faitcréativité pure. Elle est pur dynamisme. Il refuse toute

explication psychologique ou psychanalytique de

l’imagination. Il commente alors certaines structures.

Cohérence romantique des deux parties de son livre. Pour

obtenir la vraie image du carré il faut le dynamiser. C'est-à-

dire qu’il faut amener quelque chose à se carrer. Je me carredans un fauteuil. Mouvement qui est dynamisme premier de

l’imagination. D’où la richesse qu’on peut faire rendre des

grands textes poétiques. La racine imaginaire de la coquille

c’est le mouvement par lequel elle se produit dans

l’imaginaire avec cette spirale même.

Novalis veut dire que le mouvement par lequel nousimaginons ne fait qu’un avec le mouvement par lequel la

nature produit des choses. Bien sûr à condition de savoir

rêver, savoir que c’est une tension très particulière de la

pensée: libérer les qualités de la chose qui a l’état de nature

sont tenus prisonniers.

 Tout le thème de Novalis a exactement son équivalent

10 Cf. La Poétique de l’espace.

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en philosophie pose le principe d’une imagination

constituante. Dans le système l’homme ne se met pas à la

place de Dieu car le système doit remplacer l’idée de créationpar d’autres concepts.

Seconde objection. En un sens elle est plus

dangereuse. Une chose qu’on ne peut nier: la manière dont se

réclame les régimes totalitaires en faveur d’un système. Mais

au niveau du philosophe cf. la phrase de Hegel. Ce qui

compte c’est le fait. Seul le résultat compte. Pour Hegel dit onsouvent c’est la force qui fait le poids (cf. ses textes sur le

régime napoléonien). Mais si on est plus honnête et qu’on va

voir le contexte, c’est une phrase allemande: réel pour lui

n’est pas à confondre avec l’existant. Il en réserve le nom à ce

qui est produit dans le réel. C’est le réel en tant que résultat

d’une production. C’est ce qu’il y a de réel dans le produit del’action. Cela change t’il le sens de la phrase? L’activité est en

même temps l’élément négateur. La dialectique repose sur

l’élément négatif dans le réel. Ce qui est positif et ce qui est

réel est produit comme la négation de la négation. Attacher

de l’importance à la forme du principe de contradiction. A

n’est pas non A. Là est née la négation elle-même. Ce qui estréel est raisonnable. Le mouvement strictement identique à la

raison: le réel n’est pas n’importe quel existant. C’est ce qui

dans l’existant est négation de la négation.

Du point de vue de la philosophie politique toute la

philosophie traditionnelle peut d’une certaine manière

s’interpréter dans l’apparence et l’essence mais cela supposeune théologie, deux mondes (Cf. toute la philosophie grecque

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plus l’interprétation traditionnelle).

Le phénomène chez Kant n’a rien à voir avec

l’apparence. Kant ne pense pas du tout que le phénomènesoit l’apparence. Il pense que le phénomène est ce qui

apparaît. Il oppose la chose en tant qu’elle est et la même

chose en tant qu’elle apparaît. L’espace et le temps sont les

déterminations immédiates de ce qui apparaît. Le mouvement

de phn? suppose la démolition du coup d’apparence à

laquelle on substitue celui d’apparition. Ma notiond’apparition va se rapporter aux notions au lieu d’être de

sens ou de signification. Il ne s’agit pas de découvrit l’essence

par delà l’apparence et l’autre monde. La tache de la

philosophie est de découvrir ce qui apparaît. L’essence n’est

plus rien d’autre que la philosophie. Cf. le début de L’Etre et 

le Néant . Heidegger prend «aléteia», le dévoilement = la véritéen grec, à la lettre. Le sens est le sens de ce qui apparaît

caché par le phénomène, l’apparition. Hegel dès lors

développe le thème de l’état. Au lieu d’opposer une cité idéale

renvoyant à un monde intelligible, à un monde vrai, il dit que

l’essence, les états réels sont intelligibles. En ce sens tout ce

qui est réel est raisonnable. Il ne faut pas croire que danstout état se réalise l’essence de l’état. C’est la liberté de

l’individu et l’autorité du gouvernement. L’un nie l’autre et

pourtant tout état est constitué sur cette contradiction. Mais

tous les états ne sont pas bons. Dans un régime tyrannique il

 y a suppression de la liberté du citoyen. Mais elle n’est pas

absente, elle n’est pas supprimée une fois pour toute. C’estune besogne de tous les jours pour la police de supprimer la

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liberté. Le tyran n’en a jamais fini avec la liberté du citoyen.

Cet état n’est pas pour autant raisonnable car ce qui est

raisonnable c’est le mouvement du négatif contre le nonnégatif. La négation se nie. Il y a dialectique parce que la

positivité n’est jamais que le produit de la négation de la

négation.

Ceci nous amène à la troisième objection. La question

de l’expérience. On prend quand on fait cette objection le

système pour ce qu’il n’est pas. On demande alors ausystème de nous dire l’avenir. Même dans la Préface de la

Phénoménologie, Hegel dit que la critique ne fait qu’un avec

l’expérience. Il s’agit de décrire l’expérience telle que quelque

chose échappe nécessairement dans l’expérience à celui qui

l’a fait et c’est précisément le sens de cette expérience. Inutile

car les conditions de l’action n’impliquent aucune conditionde l’avenir de l’Etat futur. Elle trouve son point de départ

dans la contradiction présente.

CONCLUSION

Cinq points.

1 - Pour comprendre le sens du fondement nous avons

vu qu’il fallait le rapprocher de la notion mythologique. Trois

caractères ont été reconnus:

- une origine plus profonde que le simple

commencement.

- la répétition.

- La chose y prend une valeur de monde. (La cité est

fondée à l’image du monde).

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2 - Ces caractères peuvent ils prendre une signification

philosophique?

Le fondement n’est pas le simple commencement quilui est le rapport de la chose avec ce qu’elle n’est pas quand

ce rapport devient essentiel. Le commencement des

mathématiques est le rapport des mathématiques avec une

culture qui ne comportait pas encore de mathématiques.

Quelle est la démarche au contraire du fondement? Il

est nécessité du commencement par rapport à la chose. Kantnous montrait qu’il fallait appeler fondement un principe à

double opération; il rendait possible quelque chose en

rendant nécessaire la soumission de quelque chose à ce

quelque chose.

L’opération du fondement consiste à rendre nécessaire

la soumission de la chose à ce qu’elle n’est pas. Il fallaits’élever au plan des exigences de la raison. La seule opération

est celle du fondement. L’exigence n’a pas de principe de

quelque chose d’autre sans qu’en même temps quelque chose

d’autre soumette le donné à l’exigence. Conception du monde

chez Heidegger.

3 – Il s’agissait de l’autre aspect des rituels, larépétition. L’idée du principe qui fonde nous invite à prendre

une répétition originale, une répétition psychique.

4– Dans cette répétition psychique il faut que quelque

chose de nouveau soit produit, dans l’esprit, dévoilé. Réponse

à la question: «à quoi sert de fonder?» Répéter sert à quoi?

Quelque chose de nouveau est produite dans l’esprit dévoilé.Ce qui est dévoilé (dernier chapitre) c’est la véritable structure

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de l’imagination, à savoir le sens qui ne peut être compris que

par et dans l’entreprise de fonder qui bien loin de supposer

un point de vue de l’infini ne faisait qu’un avec le principe del’imagination.

5- Sans le fondement impossible de distinguer les vrais

et les faux problèmes.