16132

1
16132 Juliette Drouet LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À VICTOR HUGO 3 800 € Paris, 29 décembre [1850] Dimanche matin 9 h. ½. 4 pp. et 1 f. recto-verso (437 x 290), papier bleu, encre sepia. De 1833 - date de leur rencontre - à 1883 - année de la mort de Juliette Drouet- , celle-ci écrivit à Victor Hugo près de 15000 lettres qu’elle appelait « restitus » « gribouillis quotidiens », ou « contingent d’amour » ; 16 226 ont été déposées à la Bibliothèque nationale et 994 autres sont conservées par la Maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris. C’était là le vœu de Juliette Drouet : « Quand Paul Meurice, en 1902, fonda la Maison de Victor Hugo, place des Vosges, il signa avec M. Louis Koch, neveu et héritier de Mme Drouet, un traité par lequel celui-ci s’engageait à faire don à la Bibliothèque nationale des lettres que Victor Hugo avait adressées à sa tante et de tous les manuscrits qu’elle possédait.» Cela fut fait, même si probablement plusieurs centaines de missives furent conservées par Louis Koch, sans compter celles qui, du vivant de Juliette Drouet et de Victor Hugo, avaient déjà pu s’échapper. Celle-ci n’était pas encore répertoriée et s’inscrit à l’époque où Victor Hugo est député à la Chambre et réside à Saint-Mandé. « Il est probable que j’irai demain à St Mandé. C’est une visite que je remets depuis trop long-temps et qui devient de plus en plus impérieuse pour mon coeur. Si tu ne vas pas de bonne heure à la Chambre je serai revenue assez à temps pour t’accompagner. Dans le cas contraire il faudra que je me résigne à ne te voir que le soir. Ce sera bien long mais je ne saurais remettre à plus tard ce pèlerinage annuel si triste et si doux que je le redoute autant qu’il m’attire. Aujourd’hui, mon petit bien aimé, je suis tout à toi car je reste chez moi. Ce n’est d’ailleurs que parce que toi-même tu dînais en ville ces trois derniers jours que j’ai suivie ton exemple. Maintenant je n’irai chez mes villageois que le mercredi soir il m’a été impossible de ne pas accepter de diner chez eux le premier de l’an. Cela ne me contrarie qu’à cause de l’heure à laquelle ils dînent et de la distance qui nous sépare. Autrement puisque tu as perdu la douce habitude de revenir me voir après ton diner il n’y a pas de raison pour que je préfère rester chez moi à aller chez ces braves gens qui ne savent quelle chère et quelle fête me faire. Hier ils ont été très troublés par l’apparition de Suzanne parce qu’ils croyaient qu’il t’était arrivé quelque malheur. Ils auraient bien désiré que tu restassent mais comme ils étaient prévenus que tu n’étais pas libre ils ne t’ont pas engagé à rester mais ils m’ont fait promettre de t’amener très prochainement. Je t’en préviens d’avance afin que tu tâches de disposer d’une de tes soirées en leur faveur et surtout en la mienne car je n’ai de joie et de bonheur qu’avec toi tu le sais bien. Je compte sur ton excessive bonté pour me faire cette SURPRISE le plus tôt possible. Jusque là je te baise de toute mon âmeLes deux amants seront séparés lors du réveillon du 31 décembre, et cette lettre sera la dernière envoyée par Juliette Drouet en cette année 1850. Elle lui avait, la veille déjà, renouvelé tout son amour : « ... Tu as été si bon et si convaincant hier que ma confiance a montré ses cornes comme de plus belle. Pourtant je te conseille de ne pas t’y fier outre mesure car je sens moi-même qu’elle ne serait pas longtemps à s’effaroucher et à disparaître peut-être pour toujours. En attendant, je crois à votre vertu et à votre fidélité... ».

description

16132

Transcript of 16132

Page 1: 16132

16132 Juliette Drouet Lettre autographe signée à Victor hugo 3 800 €

Paris, 29 décembre [1850] Dimanche matin 9 h. ½. 4 pp. et 1 f. recto-verso (437 x 290), papier bleu, encre sepia.

De 1833 - date de leur rencontre - à 1883 - année de la mort de Juliette Drouet- , celle-ci écrivit à Victor Hugo près de 15000 lettres qu’elle appelait « restitus » « gribouillis quotidiens », ou « contingent d’amour » ; 16 226 ont été déposées à la Bibliothèque nationale et 994 autres sont conservées par la Maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris. C’était là le vœu de Juliette Drouet : « Quand Paul Meurice, en 1902, fonda la Maison de Victor Hugo, place des Vosges, il signa avec M. Louis Koch, neveu et héritier de Mme Drouet, un traité par lequel celui-ci s’engageait à faire don à la Bibliothèque nationale des lettres que Victor Hugo avait adressées à sa tante et de tous les manuscrits qu’elle possédait.»

Cela fut fait, même si probablement plusieurs centaines de missives furent conservées par Louis Koch, sans compter celles qui, du vivant de Juliette Drouet et de Victor Hugo, avaient déjà pu s’échapper. Celle-ci n’était pas encore répertoriée et s’inscrit à l’époque où Victor Hugo est député à la Chambre et réside à Saint-Mandé.

« Il est probable que j’irai demain à St Mandé. C’est une visite que je remets depuis trop long-temps et qui devient de plus en plus impérieuse pour mon coeur. Si tu ne vas pas de bonne heure à la Chambre je serai revenue assez à temps pour t’accompagner. Dans le cas contraire il faudra que je me résigne à ne te voir que le soir. Ce sera bien long mais je ne saurais remettre à plus tard ce pèlerinage annuel si triste et si doux que je le redoute autant qu’il m’attire. Aujourd’hui, mon petit bien aimé, je suis tout à toi car je reste chez moi. Ce n’est d’ailleurs que parce que toi-même tu dînais en ville ces trois derniers jours que j’ai suivie ton exemple. Maintenant je n’irai chez mes villageois que le mercredi soir il m’a été impossible de ne pas accepter de diner chez eux le premier de l’an. Cela ne me contrarie qu’à cause de l’heure à laquelle ils dînent et de la distance qui nous sépare. Autrement puisque tu as perdu la douce habitude de revenir me voir après ton diner il n’y a pas de raison pour que je préfère rester chez moi à aller chez ces braves gens qui ne savent quelle chère et quelle fête me faire. Hier ils ont été très troublés par l’apparition de Suzanne parce qu’ils croyaient qu’il t’était arrivé quelque malheur. Ils auraient bien désiré que tu restassent mais comme ils étaient prévenus que tu n’étais pas libre ils ne t’ont pas engagé à rester mais ils m’ont fait promettre de t’amener très prochainement. Je t’en préviens d’avance afin que tu tâches de disposer d’une de tes soirées en leur faveur et surtout en la mienne car je n’ai de joie et de bonheur qu’avec toi tu le sais bien. Je compte sur ton excessive bonté pour me faire cette SURPRISE le plus tôt possible. Jusque là je te baise de toute mon âme.»

Les deux amants seront séparés lors du réveillon du 31 décembre, et cette lettre sera la dernière envoyée par Juliette Drouet en cette année 1850. Elle lui avait, la veille déjà, renouvelé tout son amour : « ... Tu as été si bon et si convaincant hier que ma confiance a montré ses cornes comme de plus belle. Pourtant je te conseille de ne pas t’y fier outre mesure car je sens moi-même qu’elle ne serait pas longtemps à s’effaroucher et à disparaître peut-être pour toujours. En attendant, je crois à votre vertu et à votre fidélité... ».