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DSC 153 DSCFC 16 F Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN SOUS-COMMISSION SUR L'AVENIR DE LA SÉCURITÉ ET DES CAPACITÉS DE DÉFENSE (DSCFC) RAPPORT DE MISSION LITUANIE, LETTONIE ET ESTONIE 9-13 MAI 2016

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DSC153 DSCFC 16 FOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

SOUS-COMMISSION SUR L'AVENIR DE LA SÉCURITÉ ET DES CAPACITÉS DE DÉFENSE

(DSCFC)

RAPPORT DE MISSION

LITUANIE, LETTONIE ET ESTONIE

9-13 MAI 2016

www.nato-pa.int 19 août 2016

Ce rapport de mission est présenté à titre d’information et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel de l’Assemblée. Il a été rédigé par Ethan Corbin, directeur de la commission de la défense et de la sécurité.

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I. INTRODUCTION

1. À l’approche du sommet de Varsovie, plusieurs membres de la commission de la défense et de la sécurité (DSC) de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) se sont rendus en Lituanie, en Lettonie et en Estonie en signe de solidarité envers leurs homologues régionaux. La mission parlementaire s'est rendue dans les trois capitales baltes et a visité des bases militaires aériennes, maritimes et terrestres, chargées de relever les défis spécifiques à la région. Composée de parlementaires de huit États alliés, la délégation a sillonné le territoire des trois membres de l'OTAN, du 9 au 13 mai 2016, sous la conduite de Xavier Pintat, président de la sous-commission sur l'avenir de la sécurité et des capacités de défense (DSCFC).

2. Du point de vue stratégique, les États baltes sont souvent considérés comme l'un des points faibles de l'Alliance. Cette zone fait l'objet d'une attention militaire, politique et universitaire accrue depuis la prise de contrôle et l'annexion sans scrupules de la Crimée par la Russie à l'hiver  2014. Pour mieux comprendre la nature exceptionnelle de la menace dans les pays baltes, la délégation a visité la mission de surveillance de l'espace aérien de l'OTAN située à Šiauliai, en Lituanie, le port naval de Liepāja, en Lettonie, et a assisté en VIP aux exercices militaires de l'opération Spring Storm, à Võru, en Estonie.

3. Les parlementaires et hauts fonctionnaires des États baltes reconnaissent l’importance d’une présence accrue de l’Alliance dans la région et soulignent la nécessité d’aller plus loin. Les ministres de la Défense des trois pays plaident quant à eux en faveur d'une présence constante de l’OTAN dans la région, ne serait-ce que sous la forme d'un déploiement prépositionné d’armes lourdes et d'une rotation permanente des forces alliées dans la région.

4. Les chefs d'État des pays de l'OTAN se sont réunis en sommet les 8 et 9 juillet à Varsovie, en Pologne. À cette occasion, le renforcement du flanc oriental de l'Alliance a fait l'objet d'un examen approfondi. Ce rapport de mission entend tirer les conclusions de la visite de la commission dans la région à la veille du sommet de Varsovie, rendre compte de la façon dont est perçue la menace régionale, présenter les efforts déployés par les États baltes pour renforcer leur rôle d'alliés à l'échelle nationale et internationale dans le cadre des engagements pris lors du sommet du pays de Galles, et recenser les mesures concrètes de réassurance de l'Alliance dans la région. Il présentera enfin brièvement les nouvelles mesures décidées au sommet de Varsovie pour renforcer la sécurité dans les États baltes et dans la région.

II. CONTEXTE DE LA MISSION PARLEMENTAIRE DANS LES ÉTATS BALTES

5. Depuis 2014, de manière générale, les pays de l'OTAN constatent que la Russie renforce sa stratégie de la corde raide dans les pays baltes. Une série d'incidents ont attiré l'attention sur les vulnérabilités de la région : signalement d’enlèvements transfrontaliers, intimidation de bateaux de pêche, multiplication des violations de l'espace aérien de l'OTAN et harcèlement incessant par la Russie des forces aériennes, terrestres et maritimes de l'OTAN pendant leurs patrouilles.

6. Peu avant la visite de la sous-commission, la RAND Corporation a analysé les résultats d'exercices de simulation menés pour tester la vulnérabilité de la Baltique en cas d'incursion russe. Le rapport qui en a été tiré démontre la grande vulnérabilité des pays baltes : s'il devait y avoir une attaque éclair, en l'état actuel des choses, les forces alliées seraient pratiquement incapables de la repousser. Depuis, la sécurisation de la région est l'une des questions les plus débattues dans les cercles de l'OTAN.

7. C'est pourquoi la commission a décidé de concentrer son attention sur la région tout au long de l'année 2016 et donc de se rendre dans les trois pays afin que l'AP-OTAN puisse appréhender de façon directe les menaces aériennes, terrestres et maritimes qui pèsent sur la région. Comme

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Xavier Pintat, président de la sous-commission, l'a souligné : « Cette mission est destinée à exprimer notre solidarité aux parlementaires des pays baltes mais aussi à comprendre les problèmes de sécurité spécifiques auxquels ils sont confrontés sur le flanc Est de l'Alliance. »

8. Nicole Ameline (France), présidente de la commission, a déclaré lors de la visite : « Grâce à nos homologues baltes, nous avons acquis une connaissance approfondie des différents défis auxquels la région doit faire face. C'est avec impatience que nous attendons le sommet de Varsovie, car nous sommes convaincus que l’Alliance pourra intensifier les mesures de réassurance et renforcer le dispositif de dissuasion dans la région. À l'heure où de nombreuses menaces pèsent sur l’Alliance, en particulier en Europe, la clé du succès réside dans la solidarité entre les États membres. »

Perception de la menace russe

9. Au cours de leur visite, les membres de la délégation ont pu s'entretenir avec un certain nombre d'interlocuteurs, des parlementaires aux ministres de la Défense, sur des sujets tels que la menace directe et réelle que la Russie fait peser sur la région. Linas Linkevičius, ministre des Affaires étrangères lituanien, a déclaré lors de la première réunion de la délégation : « Ne soyons pas naïfs concernant les actions de la Russie, il est raisonnable de chercher à rétablir le dialogue mais sans faire comme si de rien n’était. » Comme l'a relevé Jānis Garisons, secrétaire d'État du ministère de la Défense letton : « L'Europe de l'Ouest juge la Russie selon les normes occidentales, ce qui l'empêche d'appréhender clairement les motivations réelles de la Russie. » Il a ajouté que la Russie adoptait une politique étrangère agressive pour atteindre ses objectifs nationaux : « Moscou considère l'OTAN comme une menace directe et craint que l'expansion de la communauté euro-atlantique puisse déclencher de nouvelles révolutions de "couleur". » M. Garisons a par ailleurs relevé que la Russie s'était lancée dans une campagne de propagande glorifiant la guerre et relativisant les souffrances qu'elle engendre.

10. De nombreux interlocuteurs ont souligné que de multiples signes pouvaient faire craindre que la Russie exploitera toute faiblesse pour perpétrer à nouveau une agression contre l’Alliance. À l'appui de leurs craintes, ils ont cité la pression qui s'exerce sur le gouvernement russe en raison des sanctions imposées par la communauté internationale à la suite de l'annexion de la Crimée et le fait que le Kremlin a besoin de prouver l'utilité et l'efficacité des nouvelles forces militaires russes pour lesquelles il a puisé sans compter dans les ressources nationales au cours des cinq dernières années.

11. Au cours de leurs discussions avec la délégation, des membres du Parlement lituanien ont rappelé à leurs homologues les propos de Vladimir Poutine après la guerre de 2008 avec la Géorgie : « Lorsqu'on lui a demandé s'il essayait d'envahir la Crimée, il s'est emporté en criant à la provocation et en déclarant : "Comment osez-vous poser une telle question ?" ». Ils ont ajouté : « Ceci s’est tout de même produit. Ici en Lituanie, nous n’avons pas la naïveté de croire que la Russie n'aurait aucun intérêt à reprendre la main dans les pays baltes. Poutine reste très attaché à l'époque soviétique et il tente de redonner à la Russie le pouvoir et l'influence qu'elle avait alors aux niveaux régional et international. »

12. Les parlementaires des trois pays pensent que le Kremlin est en train de préparer l'opinion russe à une possible invasion des pays baltes. Ils soulignent que cette thèse est étayée par les manœuvres que l'armée russe mène à proximité des frontières et qui simulent fréquemment l'invasion d'un pays balte. Comme le souligne Raimonds Bergmanis, ministre de la Défense letton : « Le déséquilibre est flagrant : la Russie fait étalage de ses capacités offensives tandis que l'OTAN hésite à démontrer ses capacités défensives. Ceci est déstabilisant. » Les parlementaires lituaniens ont par ailleurs dénoncé ce qu'ils considèrent comme : « une ostensible démonstration de force de la part de la Russie, qui a installé des missiles S-400 et Iskander à la frontière lituanienne, et intensifié ses manœuvres aériennes dans les pays baltes. »

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13. Juozas Olekas, ministre de la Défense lituanien, a cité les tentatives plus subtiles de la Russie de déstabiliser la communauté euro-atlantique dans la région et au-delà par des tactiques hybrides. Il a déclaré : « Il est très difficile de lutter contre la propagande russe et si les autorités lituaniennes s'emploient le plus souvent à rétablir la vérité des faits, elles bloquent les transmissions dans les cas extrêmes. La Lituanie tient compte des sensibilités et des intérêts de sa communauté russophone et participe activement aux travaux du Centre d'excellence pour la communication stratégique de l'OTAN (StratCom COE), basé à Riga.

14. Le problème des cybermenaces a été, lui aussi, largement abordé. M. Olekas a déclaré que Vilnius s'employait à combiner les capacités civiles et militaires pour sécuriser l'espace virtuel, et que Riga et Tallinn s'étaient également engagées sur cette voie. Il a ajouté qu'un Centre national de la cybersécurité avait été créé en janvier sous les auspices du ministère de la Défense pour faire face à la multiplication des cyberattaques contre un grand nombre de cibles. Hannes Hanso, ministre de la Défense estonien, a souligné que la sécurité informatique était une priorité pour l'Estonie : « Les attaques qui ont ciblé l'Estonie nous ont rendu plus forts, et nous nous considérons maintenant comme étant à l'avant-garde en matière de lutte et de détection. »

15. Les interlocuteurs estoniens se sont montrés extrêmement favorables à ce que le cyberespace soit un domaine à part entière et relevant de l’article 5. Les interlocuteurs rencontrés ont répété à maintes reprises que la pression générée par la multiplication des cyberintrusions et cyberintimidations se faisait de plus en plus forte. Leur message est clair : il faut mettre l'accent sur le perfectionnement des capacités de lutte de l'Alliance contre les cyberattaques.

III. DÉFENSE DES ÉTATS BALTES : INVESTISSEMENTS ET RÉPARTITION DES COÛTS

16. Comme le fixe l'engagement pris en 2014 au sommet du pays de Galles, et déjà présenté en détail dans un rapport de la commission, chaque État membre devra porter ses investissements annuels en matière de défense à 2 % de son PIB, dont 20 % consacrés à l'acquisition de nouveaux équipements et aux activités de recherche et développement. Les préoccupations concernant la baisse générale des investissements de défense dans l'ensemble des pays de l'Alliance avaient suscité un débat nourri sur l'avenir de l'OTAN en l'absence d'une répartition plus équitable des coûts, des investissements, et partant, des contributions et des capacités.

17. La commission a, depuis, fait état d’une inversion de tendance dans l'ensemble de l'Alliance, qui s'est traduite par un arrêt quasi général des réductions budgétaires en matière de défense, voire par une légère augmentation des investissements. Cette dynamique découle du sentiment clair et partagé que le contexte international en matière de sécurité est de plus en plus volatil, menaçant, et complexe, notamment sur les flancs Est et Sud des territoires européens de l'Alliance.

18. Les délégués ont également pu constater que les trois États visités ont considérablement intensifié le rythme de leurs investissements dans ce secteur, ce qui démontre que la proximité géographique est un élément permettant non seulement de mieux comprendre la nature de la menace mais également d'être plus réactif.

Investissement dans la défense régionale

19. Face aux financements massifs d'équipement et de personnel consentis par la Russie pour son district militaire Ouest, à proximité des États baltes, les trois ministres de la Défense et les parlementaires rencontrés ont fait part de leur engagement résolu à augmenter de façon significative leurs investissements dans le secteur de la Défense. Ces mesures sont considérées comme un moyen de réorganiser les institutions de défense des pays baltes, et même, d'en mettre en place de nouvelles.

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20. Le ministre de la Défense lituanien a déclaré à la délégation que le Parlement était parvenu au compromis nécessaire pour augmenter les dépenses de défense à 2 % du PIB d'ici à 2020 mais que le pays pouvait potentiellement atteindre cet indice dès 2018. Il a ajouté que l'augmentation des investissements dans le secteur de la Défense permettrait à la Lituanie de renforcer ses propres capacités, mais aussi de collaborer plus étroitement avec ses alliés, à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières.

21. Les interlocuteurs lettons ont appris aux membres de la délégation que le Parlement avait récemment voté à l'unanimité l'augmentation des dépenses de la Défense à 2 % du PIB. Le ministre de la Défense, M. Bergmanis, a souligné que les frais de personnel de l'armée lettone avaient été ramenés à moins de 50 % du budget de la Défense. L'achat de nouveaux équipements représente 27 % et passera à 30 % en 2018. Selon les informations du ministère, les investissements de défense passeront de 367 millions d'euros en 2016, soit 1,4 % du PIB, à 589,8 millions d'euros d'ici à 2018, soit 2 % du PIB.

22. Le ministre de la Défense estonien, Hannes Hanso, a fait part aux membres de la délégation de la convergence de vues de l'ensemble des partis sur les investissements de défense, et déclaré que son pays se maintiendrait au niveau actuel d'au moins 2 % du PIB. « L'Estonie a passé les 20 dernières années à mettre en place des institutions de défense jusque-là inexistantes et qui sont devenues extrêmement performantes et bien équipées. D'ici à 2020, elle disposera d'un contingent d'active de 3 300 hommes et d'un contingent de réserve équivalent. En cas d'urgence, nous pouvons mobiliser jusqu'à 22 000 hommes » a-t-il ajouté.

23. L'ensemble des responsables de la Défense privilégient les mécanismes de détection et d'alerte rapide, la connaissance de la situation et les investissements intersectoriels pour renforcer l’état de préparation au combat. Les responsables lettons ont par exemple cité les programmes en cours pour renforcer les capacités de surveillance aérienne et C3 (consultation, commandement et contrôle), et le projet de développement des capacités ISTAR1.

24. Selon les ministres de la Défense, plusieurs axes ont été privilégiés pour permettre aux forces des pays baltes d'atteindre un haut niveau d'aptitude au combat : revalorisation des technologies de collecte de renseignements, investissement dans des systèmes de défense aériens modernes reliés, forces spéciales hautement qualifiées, modernisation des brigades d'infanterie mécanisées, et renforcement des équipes d'ingénieurs militaires.

25. Parallèlement, les trois pays ont chacun investi dans une garde nationale plus importante et plus efficace. Les avantages d'une garde nationale forte sont évidents : elle permet d'établir un lien étroit avec la population, d'assurer une présence générale sur tout le territoire et de soutenir les actions d'urgence. Elle offre un niveau supplémentaire de surveillance, utile pour lutter contre les tactiques de guerre hybride, et contribue à la coopération interinstitutionnelle. Les États baltes s'emploient tous trois à renforcer leur garde nationale par l'amélioration de l'équipement, de la formation et des infrastructures.

26. Mais les États baltes tirent également profit des mesures de réassurance de l'Alliance visant à compléter des capacités insuffisantes, telles que les forces aériennes, et à mettre en place un dispositif de dissuasion crédible dans ces pays. Les sections qui suivent présentent quelques-unes des initiatives (missions, infrastructures et personnel) de l'Alliance dans la région, et le rapport terminera sur le renforcement de la présence avancée alliée dans les pays baltes décidée au sommet de Varsovie, qui entrera en vigueur en 2017.

Contributions des Alliés

1 Intelligence, Surveillance, Target Acquisition, and Reconnaissance

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27. Les Alliés sont très concernés par la sécurité des pays baltes et collaborent avec diligence pour mettre en œuvre plusieurs mesures de réassurance. La plus visible de ces mesures est la mission de surveillance de l'espace aérien menée en rotation par les forces alliées.

28. Les parlementaires lettons se sont félicités des travaux du Centre d'excellence pour la communication stratégique de l'OTAN qui, comme l'a relevé le ministre de la Défense, se consacre non seulement aux périls qui pèsent sur le flanc Est mais aussi aux menaces asymétriques que représentent les groupes armés tels que Daech.

Visite des unités d’intégration des forces OTAN (NFIU) en Lituanie

29. L'une des marques concrètes qui témoignent de l'application des décisions prises au sommet du pays de Galles est la mise en place d'unités d'intégration des forces de l'OTAN (NFIU) dont les objectifs sont de renforcer la connaissance de la situation dans la région, soutenir les exercices et la formation au niveau régional, et appuyer le commandement et le contrôle de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) et de la Force de réaction de l'OTAN (NRF) si elles devaient être déployées dans la région. À titre d'exemple, le commandant chargé de commenter la visite a cité l'opération Dragoon Ride II, à laquelle participe la NFIU. Cet exercice de simulation consiste à déplacer des milliers de soldats et d'appareils aériens, terrestres et maritimes de la Pologne à Tallinn, pour tester les capacités logistiques de dissuasion et de défense de l'Alliance sur le flanc Nord-Est.

30. Le commandant chargé de guider les membres de la délégation les a informés que la NFIU lituanienne était entièrement équipée et opérationnelle, respectant ainsi son engagement de pouvoir être à pied d’œuvre avant le sommet de Varsovie. Lors de la visite de la délégation en Lituanie, seules les NFIU hongroise et slovaque étaient encore en phase de développement, les quatre autres basées sur le flanc Nord-Est étant pleinement opérationnelles.

31. L'un des défis majeurs que devra relever le personnel des NFIU est d'empêcher l'escalade avec la Russie alors que les tensions régionales s'intensifient, a déclaré le commandant. En période de crise, il est essentiel de pouvoir supplanter la Russie en matière d'infrastructures aériennes, terrestres et maritimes A2/AD (déni d’accès/interdiction de zone) régionales. Il a relevé que l'une des principales difficultés que présente le développement des capacités de déploiement rapide de l'OTAN (tâche en partie dévolue aux NFIU) est de trouver le moyen de conserver à l'Alliance sa liberté de mouvement dans la région sans paraître faire de surenchère. La plupart des exercices sont donc purement défensifs et entendent démontrer la crédibilité de l'article 5.

Mission de contrôle de l'espace aérien de l'OTAN à Šiauliai, Lituanie

32. La délégation a également effectué une brève visite à la mission de surveillance de l'espace aérien de l'OTAN, sur la base aérienne de Šiauliai, en Lituanie. Après le contingent de la Force aérienne portugaise, qui occupait la base au moment de la visite, c'est la France qui prendra le relais le 31 août. Une mission parallèle opère à partir d'Ämari, en Estonie.

33. L'OTAN a commencé sa mission de surveillance de l'espace aérien dans les pays baltes en 2004. À l'époque, elle était implantée sur la seule base aérienne de Šiauliai, qui surveille et contrôle l'espace aérien des États baltes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Cette mission est purement défensive, et comme l'agent d'information en a informé la délégation, elle garantit la sécurité de circulation des appareils civils dans l'espace aérien et respecte les mêmes règles d'engagement que n'importe quelle autre activité militaire alliée en temps de paix. La base aérienne d'Ämari en Estonie est venue compléter le dispositif en 2014, ce qui a permis de multiplier le nombre d'appareils utilisés.

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34. Pour cette rotation de la BAP16 (Baltic Air Policing Mission – 2016), le contingent portugais est venu à Šiauliai avec quatre F-16 et 90 hommes et femmes. À la fin du mois d'août, la France enverra quatre Mirage 2000-5. Concernant le rythme des interventions, la délégation a appris qu'au cours des dernières années, la mission procédait de plus en plus fréquemment à des décollages d'urgence pour identifier les appareils responsables d'incursions dans l'espace aérien. Cette augmentation reflète la montée des tensions internationales entre la Russie et l'OTAN.

Visite au port de Liepāja, Lettonie

35. La délégation lettone auprès de l'AP-OTAN a conduit la délégation sur la côte baltique pour y visiter le port de Liepāja, vastes installations portuaires utilisées par la marine de l'Union soviétique pendant la guerre froide. Le port était déjà en mauvais état à la fin de la guerre froide et s'est encore dégradé les décennies qui ont suivie en raison du manque d'entretien. Comme l'a fait remarquer Ojārs Ēriks Kalniņš, le chef de la délégation lettone auprès de l'AP-OTAN, « nous voulons vraiment que cette zone devienne un atout stratégique pour l'OTAN. Nous sommes convaincus que grâce au financement des Alliés, ce port peut et doit devenir une installation portuaire essentielle en mer Baltique. » Il est vrai que la réalité géographique s'impose et qu'il est nécessaire pour les Alliés de disposer d'installations portuaires modernes en eau profonde s'ils souhaitent garder leur liberté d'action dans la région.

36. À Liepāja, la délégation a pu se rendre au Centre letton de formation navale. Fondé en 1991, ce centre est le plus ancien établissement d'enseignement militaire de Lettonie. Il sert en partie à la formation et à l'établissement de la doctrine. Il comprend une école de plongeurs et de sapeurs, qui forme des hommes capables d'identifier et de neutraliser les matériels explosifs et d'élaborer des opérations tactiques de lutte anti-mines. L'école dispense aussi des formations destinées à renforcer les capacités de la marine lettone : recherche et sauvetage, formation aux systèmes radar, timonier, vigie, etc.

37. La délégation a également été invitée à visiter un navire letton qui devrait être intégré à la SNF-SNMG1 (Standing Naval Forces - Standing NATO Maritime Group One) l'année prochaine. À bord du navire, la délégation a pu écouter une présentation portant sur la zone de responsabilité et les objectifs généraux des forces navales de Lettonie. Comme beaucoup d'autres marines, la marine lettonne est responsable de l'état de préparation générale des forces dans les limites de ses capacités, elle contribue aux opérations internationales, notamment en coordination avec l'OTAN et l'UE, participe aux opérations de déminage à l'échelle régionale (il resterait une importante quantité de matériel, remontant parfois jusqu'à la seconde guerre mondiale, au fond de la Baltique), assure les tâches habituelles de garde côtière ainsi que la surveillance générale pour une connaissance continue de la situation, et garantit la sécurité des lignes de communication maritimes.

38. Les commandants des forces navales lettones rencontrés par la délégation ont mentionné les engagements spécifiques pris récemment vis-à-vis de l'OTAN et de l'UE : ils ont notamment cité le fait qu'un navire allait être intégré au groupe de déminage SNMCMG1 (Standing NATO Mine Countermeasures Group 1) en 2015 et un autre en 2016, et que la marine lettonne participait aux opérations Atalanta et Sophia de l'UE ainsi qu'à un certain nombre d'exercices régionaux de l'OTAN, dont BALTOPS (Baltic Operations) et Open Spirit.

Spring Storm – Võru, Estonie

39. En revenant à Tallinn pour leur dernière journée de réunion avec le ministre de la Défense et les parlementaires estoniens, les membres de la délégation ont été invités à faire halte à Võru pour assister en VIP aux exercices annuels Spring Storm. Ces manœuvres se déroulent en Estonie mais les équipes sont internationales. Pour les conscrits estoniens, elles servent d'examen final après leurs 11 mois de formation.

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40. Lancés en 2003 et ouverts aux participants d'autres pays en 2007, ces exercices regroupent environ 5 500 participants chaque année. Les exercices se font à deux niveaux, opérationnel et tactique. Ils comprennent des formations aux nouvelles armes et matériel dans le but d'évaluer la préparation au combat des bataillons. Bien que ces manœuvres soient principalement terrestres, on y trouve également des éléments de soutien aérien.

41. De nombreux d'équipements utilisés ont été présentés lors d’une exposition statique et la délégation a pu s’entretenir avec des soldats qui participent à ces exercices.

Contribution des États baltes à la sécurité internationale

42. Les interlocuteurs rencontrés ont tenu à souligner les efforts des États baltes pour renforcer la sécurité à l'extérieur de leurs frontières lorsque l'occasion se présente. Chaque État s'emploie à respecter les engagements pris au sommet du pays de Galles d'investir dans ses institutions nationales de défense, mais aussi à remplir les obligations qui sont les siennes au titre de l'article 3 du Traité de Washington, et à respecter l'objectif global de l'Alliance de contribuer efficacement à la sécurité internationale.

43. Pour y parvenir, les ministres de la défense ont tous trois souligné les efforts respectifs entrepris dans les opérations externes en cours, ainsi que leurs contributions à des efforts plus larges afin de faire face à tout l’éventail des défis en matière de sécurité autres que ceux liés à la Russie. Hannes Hanso, le ministre de la Défense estonien, a très clairement résumé le sentiment général des trois administrations baltes de la Défense : « Nous savons que nous devons jouer notre rôle dans la sécurité internationale si nous voulons que les Alliés nous aident à renforcer la nôtre. » M. Hanso a ainsi rappelé que l'Estonie participait à la FINUL dans le sud du Liban, contribuait aux efforts de stabilisation et de sécurité internationaux au Mali, était partie prenante de la campagne de lutte contre Daech, et soutenait les opérations de lutte contre la piraterie au large de la Corne de l'Afrique. M. Bergmanis, le ministre de la Défense letton, a lui aussi rappelé que son pays collaborait avec les soldats français au Mali et contribuait à la campagne anti-Daech.

44. M. Olekas, le ministre de la Défense lituanien, s'est exprimé dans le même sens en rappelant : « La Lituanie accomplit, elle aussi, sa part à l'étranger : elle est présente en Afghanistan, elle accepte son quota de réfugiés, elle aide les Français au Mali et dans le cadre de l'opération Atalanta. » Les membres de la délégation ont également appris que le personnel de la base aérienne de Šiauliai avait participé à la KFOR/SFOR de 2001 à 2003 et aux équipes de reconstruction provinciales à Ghor, en Afghanistan, avait envoyé une équipe aérienne consultative en Afghanistan de 2005 à 2013 et avait également soutenu l'opération française Sangaris en Afrique centrale.

IV. CONCLUSIONS DU SOMMET DE L’OTAN DE VARSOVIE CONCERNANT LA RÉGION DE LA BALTIQUE

45. Les conclusions du sommet de l'OTAN, qui s'est tenu les 8 et 9 juillet à Varsovie, étaient très attendues. L'OTAN est aujourd'hui clairement confrontée à une double menace, sur ses flancs Est et Sud, mais le principal problème pour les États baltes est la résurgence d'une Russie agressive et révisionniste. Depuis l'intervention russe en Ukraine et l'annexion de la Crimée, la relation entre l'OTAN et la Russie s'est constamment dégradée. C'est pourquoi la vulnérabilité stratégique et tactique des États baltes, ainsi que l'environnement de sécurité européen, sont redevenus des sujets majeurs de préoccupation pour l'Alliance.

46. Comme l'a noté la commission dans son rapport général sur les États baltes, la mise en place d'un nouveau dispositif de dissuasion crédible sur le flanc Est est un test essentiel pour l'OTAN, dans un environnement de sécurité européen confronté aujourd'hui à de nombreux défis.

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L'ensemble des interlocuteurs des trois pays baltes considèrent que cet objectif sera atteint par le renforcement d'une présence avancée dans la région.

47. Linas Linkevičius, le ministre des Affaires étrangères lituanien, a résumé le sentiment général qui prévaut dans la région à propos du renforcement de cette présence avancée et de la nécessité d'approfondir l'état de préparation de la région dans les domaines aérien, terrestre, maritime et de la cybernétique : « La création d'une force permanente est essentielle, même s'il s'agit de rotation, et bien que la taille de la VJTF soit de taille réduite, l'idée sous-jacente est bonne. Le déploiement prépositionné d'armes lourdes est également important, car cela atténuera la domination russe dans la région en matière de capacités A2/AD ». Toujours selon lui, « les processus décisionnels de l'Alliance doivent être améliorés, et il faudrait donner plus de pouvoir au SACEUR et engager une réflexion sur la façon d'améliorer la réactivité générale du Conseil de l'Atlantique Nord. »

48. Plusieurs interlocuteurs ont fait remarquer que la reprise ou la réactualisation du concept de tripwire (fil de détente), stratégie de dissuasion de l'Alliance datant de la guerre froide, était indispensable pour garantir l'intégrité territoriale de la région. Sous sa forme moderne, cette stratégie serait adaptée à des forces flexibles, dynamiques et mobiles, et elle donnerait de la crédibilité à la posture de l'OTAN le long du flanc Nord-Est, ce qui, selon de nombreux interlocuteurs, lui manque encore. Comme l'a déclaré sans ambages le ministre de la Défense estonien, Hannes Hanso : « La création d'une présence avancée renforcée crédible dans cette région ne sert pas uniquement la sécurité des pays baltes, elle contribue aussi à défendre des réalités géographique et politique de l'OTAN d’aujourd’hui. Il est essentiel de renforcer la présence de l'Alliance, en personnel et en matériel, car le dispositif actuel n'est pas crédible. Il suffit en effet à la Russie de bloquer le passage de Suwałki pour empêcher l'arrivée de renforts dans la région. »

49. Les interlocuteurs rencontrés ont manifesté à de nombreuses reprises leurs craintes que le renforcement de la présence de l'OTAN soit insuffisant, notamment au regard de l'investissement russe dans les capacités A2/AD et de la présence avancée des troupes russes dans le district militaire Ouest, qui s'étend pratiquement de la mer Arctique à la Pologne. C'est pourquoi les Alliés de la région baltique sont non seulement très attachés à ce que l'ensemble des objectifs fixés lors du sommet du pays de Galles concernant les mesures de réassurance soient respectés, mais ont aussi exprimé le souhait que de nouvelles mesures de dissuasion concrètes soient mises en œuvre.

Livrables du sommet de Varsovie en matière de dissuasion

50. À Varsovie, les Alliés se sont engagés à former quatre bataillons multinationaux, qui seront déployés par rotation permanente dès 2017 en Pologne et dans les pays baltes, et seront tous placés sous l'autorité d'une nation-cadre : Canada, Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis. Ce déploiement permettra de renforcer le contingent allié dans la région de quelque 4 000 soldats. Seuls, ces quatre bataillons ne pourront pas modifier de façon significative l'équilibre des forces entre l'OTAN et la Russie, mais en stationnant des forces multinationales près d'une zone potentielle de conflit, l'OTAN oblige la Russie à revoir ses calculs stratégiques et réaffirme son engagement sur le flanc Est ainsi que sa solidarité avec la région.

51. La création de ces nouveaux groupements tactiques multinationaux fait suite à l'annonce, début 2016, par les États-Unis, du quadruplement de ses investissements dans l'Initiative de réassurance européenne. Cet engagement avait été pris par l'administration Obama après l'intervention russe en Ukraine et l'annexion de la Crimée. L'un des éléments essentiels de cette initiative est le déploiement de nouveaux équipements dans les territoires de l'Est de l'OTAN. En 2017, des pièces d'artillerie lourde, des chars, des véhicules blindés de transport de troupes et autres armes seront acheminés en Bulgarie, Estonie, Allemagne, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie. Ce renforcement important de l'arsenal de l'OTAN dans la région est une évolution majeure par rapport aux initiatives précédentes se limitant à améliorer le stockage des armes, à

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Page 10: 153 DSCFC 16 F - rapport visite états baltes · Web viewcontrôle l'espace aérien des États baltes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Cette mission est purement défensive, et comme

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prépositionner du matériel aérien en Europe orientale et à préparer les infrastructures nécessaires au stationnement d'une brigade blindée.

52. Annoncée au sommet de Varsovie, la création, d’une présence avancée renforcée vient s'ajouter au projet d'expansion des forces états-uniennes en Europe. L'un des éléments clés en est le déploiement d'une ABCT (équipe de combat de brigade blindée) supplémentaire, ce qui portera à trois le nombre des ABCT états-uniennes stationnées en permanence en Europe (techniquement quatre pendant les relèves). Habituellement, une ABCT compte environ 4 700 soldats. Selon le Bureau du sous-secrétaire à la défense des États-Unis (comptroller), Washington consacrera 507,2 millions de dollars au soutien de la présence ABCT, qui comprendra les rotations en continu de forces blindées couplées avec des forces légères et des Stryker, assurant ainsi une présence permanente en Pologne et dans les pays baltes, et une présence périodique en Roumanie et en Bulgarie.

53. Comme ont pu le constater les parlementaires de l'OTAN lors de leur visite en Lituanie, Lettonie et Estonie, l'annonce au sommet de Varsovie d'une présence avancée renforcée est une contribution essentielle pour accroître la crédibilité de la posture de dissuasion actuelle de l'OTAN. La commission continuera d'accorder toute son attention à la mise en œuvre des déclarations du sommet de Varsovie dans le contexte de la région baltique et dans le cadre plus large de la politique de dissuasion sur le flanc Est.

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