#15: Les industries culturelles et créatives africaines

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1 INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015 IMAGINONS LA NOUVELLE AFRIQUE ! WWW.INSPIREAFRIKA.COM JUILLET - AOUT 2015 #15 Coup de coeur Pour Toofan Marie-Cécile Zinsou PRINCESSE DU DAHOMEY «Chroniques Africaines», le rêve d’Alexandra Amon Les pensées de Robert Brazza

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Découvrez les ambassadeurs de la culture Africaine: Marie Cécile Zinsou, Robert Brazza, Alexandra Amon, TOOFAN, Olivier Madiba, Fred Ebami et Ibuka Ndjoli

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1INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

I m a g I n o n s l a n o u v e l l e a f r I q u e !

www.InspIreafrIka.com

JUILLET - AOUT 2015 #15

Coup de coeurPour

Toofan

Marie-Cécile Zinsou

Princesse du dahomey

«Chroniques Africaines»,le rêve

d’Alexandra Amon

Les pensées de

Robert Brazza

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2 INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

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3INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

la reDacTIon

InspIre afrIka magaZIne est édité par anInka meDIa group

onT conTriBuÉ À ce numÉro

huza org

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publIcITé : Dju’evenTs / 06 83 61 87 82. parTenarIaTs : [email protected]

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Edition 15 - Juillet - Aout 2015

www.inspireaFrika.com

marie simone nganechroniQueuse sur

réDacTrIce en cHefJoan YomBo

reDacTeur en cHef aDjoInTLouis giLBerT Bissek

reDacTrIce culTuresTeLLa sanogo

afrIquehYacinThe issomBo

reDacTrIce en cHef anglaIs chrYs nYeTam

europemariéTou seck

amérIqueaniTa BakaL

TraDucTrIcerakY Touré

DIrecTrIce généralechrYs nYeTam

DIrecTrIce De publIcaTIonJoan YomBo

busIness DevelopmenT Luc YeBga

responsable commercIalaniTa BakaL

responsable markeTIngamma aBuram

relaTIons publIquesiVan nYeTam

concepTIon réalIsaTIon grapHIqueaLissa James & Brice TeiFoueT

cHargées Des parTenarIaTs

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4 INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

Les INDUsTRIes CULTUReLLes eT CReATIVes AFRICAINes

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sommaIre

carriÈre // 20marie -ceciLe zinsou : nouvelle égérie du mécénat culturel africain

INSPIR’INTERVIEW // 16 Le rêve africain d’alexandra amon

ediTo // 5insPir’neWs // 6

Tendances // 8panorama du divertissement en afrique

Francophone

couP de coeur // 12 Le triomphe de l’originalité musicale africaine

insPir’inTerVieW // 16Le rêve africain d’alexandra amon

carriÈre // 20marie -cécile zinsou, nouvelle égérie du mécénat culturel africain

oser insPirer // 26 Fred ebami, pour l’amour de l’art

insPir’sTarTuP // 28 a la découverte de l’african Fantasy

insPir’associaTion // 32 un nouveau souffle pour le cinéma sénégalais

insPir’eco // 36L’industrie culturelle africaine est-elle rentable?

PensÉes // 38Les pensées de robert Brazza

4 QuesTions À... // 42kusoma group

FocuLTure // 44gasoil du vendredi à abidjan

JoBs // 46

PensÉes // 12Les pensées de robert Brazza

couP de coeur // 26Focus sur les Toofan

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Vous l’avez déjà surement en-tendu quelque part : nous vi-vons dans une société de l’En-tertainment. Les annonceurs redoublent d’inventivité au quoti-dien pour nous « divertir ». Per-sonne n’échappe à la règle, et pour cause, il s’agit d’un business juteux. En Afrique, l’industrie du divertissement ne s’est jamais aussi bien portée : l’apparition d’une classe moyenne qui aurait dépassé un certain stade de besoins étend désor-mais le champ des possibles…D’après le cabinet d’audit PWC, le marché du diver-tissement et des médias en Afrique connaitra une croissance soutenue jusqu’en 2018, notamment grâce à un meilleur accès à internet. D’ailleurs, en Afrique du Sud, les revenus combinés de l’accès Internet et de la publicité sur Internet sont estimés à 71,6 milliards de rands pour l’année 2018, soit 37,6% du chiffre d’affaires du secteur.Les enjeux sont donc désormais colossaux, et on en revient toujours au même point : le web, couplé au mobile, resteront la clé de voûte de la croissance africaine.Il suffit de voir l’essor actuel du marché des jeux vi-déo par exemple. L’Afrique tire (une fois de plus) son épingle du jeu sur la toile, avec une forte présence sur le mobile. « Le développement du jeu vidéo a grillé l’étape de la console de salon » nous rappelle Louise Diallo sur africadiligence.com1 . Et le suc-cès est au Rendez-vous. En Avril dernier, la jeune startup Kiro’o Games (p.28) annonçait le closing de

son capital d’investissement à 120 millions de FCFA, soit environ 180 mille euros.La télévision quant à elle, « papesse» du divertissement sur le conti-nent, continue de mener la danse. D’après The Africa Report, on de-vrait s’attendre à une augmentation du nombre de téléviseurs en Afrique subsaharienne d’environ 20 mil-lions d’ici 2020. Les chaînes et les groupes audiovisuels rivalisent donc

pour proposer de nouveaux contenus, de plus en plus adaptés à une classe moyenne exigeante qui a envie de s’identifier à ce qu’elle regarde. C’est ainsi que la chaîne A+ propose des productions originales locales comme Chroniques Africaines (p.16), tan-dis que la talentueuse Evelyne Diatta-Accrombessi lance Edan TV, la nouvelle chaîne urbaine afro.L’avenir s’annonce plus que prometteur pour ce secteur, qui paradoxalement, reste très peu valori-sé dans de nombreux systèmes éducatifs. Alors un conseil : chers acteurs du divertissement continuez de valoriser votre si précieux savoir-faire. Chers jeunes, lancez-vous ! Vous n’êtes pas obligés d’être banquiers, médecins ou avocats.

Bonne lecture !

Joan Yomborédactrice en chef

VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU DE

eDITo

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INSPIR’INTERVIEW // 16 Le rêve africain d’alexandra amon

DIVERTISSEMENT ?

1/ Le business croissant des jeux vidéo en Afrique, www.africadiligence.com, 8 Juillet 2014

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afrostream n’attend plus que vous

Disponible sur le site de la chaîne Française TF1 en VoD depuis le début de l’année 2015, afrostream est une plateforme qui diffuse les meilleurs films et séries africaines et afro-amé-ricaines en version Française. ce netflix africain offre des abonnements pour la somme de 6,99euros par mois avec en bonus 2 mois offerts. on y retrouvera des séries telles que Before 30 et First GEN. enfin, Tonjé Bakang, le pDg n’a pas oublié le continent, car la plateforme est également disponible au sénégal et en côte D’ivoire. pour s’abonner : https://afrostream.tvpour revivre notre inspir’talk avec Tonjé Bakang : http://inspireafrika.com/fr/inspirtalk-3-les-10-phrases-a-retenir-sur-internet-et-le-cinema-afro/

facebook: bienvenue en afrique - afrIque Du suD.

La nouvelle ambition de Facebook peut se résumer en 5 mots : atteindre 1 milliard d’utilisateurs. pour réaliser cet ob-jectif – que certains qualifient de démesuré – Facebook a également fait le pari de l’afrique. notre continent qui abrite plus d’un milliard d’habitants ne compte que 120 millions d’utilisateurs sur Facebook. Les 880 millions d’habitants restants représentent donc une énorme opportunité pour la firme. Le géant américain vise pour cela 12 pays clés dont le mozambique, le kenya, l’afrique du sud, le nigeria et la côte d’ivoire. et la surprise ne s’arrête pas là ! a la tête des opérations, on retrouve une femme : nunu ntshingila, la cinquantaine, qui prendra ses fonctions le mois prochain à Johannesburg.

Y’ello Time: le Talk show Digital - cameroun.

Depuis le 23 mai dernier, une nouvelle émission a fait son apparition sur les chaines de télé camerounaises : Y’ello Time. Destinée aux adeptes des nouvelles Tech-nologies, Y’ello Time entend promouvoir les avancées digitales du cameroun. en moins de 15 minutes et confortablement installée sur son fauteuil jaune, sophy aiida, la présentatrice, nous livre les secrets du numé-rique « made in africa » avec des invités truculents et pleins d’énergie. Buzz internet, astuces et innovations, tout y passe, pour le plus grand plaisir des téléspecta-teurs. si vous habitez au cameroun et souhaitez être les premiers à être informés sur ce qui se passe près de chez vous, rDV sur Y’ello Time.

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news

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Êtes-vous prêts pour le global entrepreneurship summit 2015 ? - kenYa.

après les atrocités de garissa en avril dernier, le kenya s’apprête à accueillir la cinquième édition du global entrepreneurship summit. Les 25 et 26 Juillet prochain, la planète entière aura le regard tourné vers nairobi qui recevra les entrepreneurs du monde entier, mais pas seulement. en effet, le président Ba-rack obama retournera pour la première fois dans son pays d’origine. a cette occasion, le discours du président de la première puissance mondiale est plus que jamais attendu.

awalé biz est là !

Les créateurs africains peuvent maintenant dire aurevoir à leurs soucis. ‘‘awalé Biz’’ est une plateforme d’e-commerce promouvant la mode africaine. elle permet aux créateurs de se faire connaitre du plus grand nombre. ‘‘awalé Biz’’ est une opportunité pour tous les artistes qui peinent encore à être reconnu à leur juste valeur. pour plus d’informations, visitez le site : http://awalebiz.com

qui est stonebwoy, le meilleur artiste africain des beT awards ? gHana

après avoir reçu le prix de l’ar-tiste de l’année 2015 lors du Vodafone ghana music awar-ds, stonebwoy, encore inconnu du grand public jusqu’ici, a été élu meilleur artiste international africain lors de la cérémonie des BeT awards. grâce à cette ré-compense et avec seulement deux albums à son actif, stone-bwoy commence un nouveau chapitre de sa carrière musicale. on ne peut que lui souhaiter bonne chance pour ses nou-velles aventures.

erratum : pIb guInée equaTorIale

contrairement à ce que nous avions écrit dans l’article ‘‘a la sauce équatoriale’’ du numéro 14 d’inspire afrika, le produit intérieur Brut de la guinée equatoriale est de 20.581,61 $ par ha-bitant, et non de 14.320$/habitant.

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1/ Télévision Numérique Terrestre 2/ https://ng.tracemusicstar.com:8443/index/country-list

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TenDances // afrIque francopHone

PANORAMA DU DIVERTISSEMENT EN AFRIQUE FRANCOPHONE

par marie simone ngane

Depuis 2014, selon la Banque Africaine de Développement, 1 africain sur 3 fait partie de la classe moyenne. Les performances économiques du continent ont permis de faire éclore un nombre im-portant de jeunes cadres, d’entrepreneurs et un retour important d’anciens expatriés. Cette classe moyenne qui réussit à subvenir à la plupart de ses besoins primaires a besoin de divertissement pour s’épanouir. Sur la partie anglophone du continent, l’offre en matière de divertissement est va-riée. Nollywood et Ghallywood ont conquis tout le continent. Les chaînes produisent des contenus de qualité avec des émissions sur la musique ou la mode comme celle de Diana Opoti1 qui sont suivies par des millions de personnes. Les fashion weeks se multiplient, les galeries d’art mettent en avant les artistes contemporains. Des stars internationales viennent se produire sur les scènes sud-africaines ou nigérianes au côté des super stars locales. Le constat est clair et reconnu de tous, l’Afrique Anglophone a un pas d’avance concernant le divertissement. Qu’en est-il donc de l’Afrique Francophone? Qu’est-ce qui est fait aujourd’hui dans l’industrie du divertissement? Quelles sont les améliorations à attendre.

au lendemain des indépendances, le makossa et la rumba congolaise passent sur toutes les radios en afrique comme ailleurs. michael Jackson sample en 1982 le soul makossa de manu Dibango dans Wanna be startin something. en 2000, toute l’afrique danse sur Loi de koffi olomidé. L’afrique Francophone a le vent en poupe. Quelques années plus tard, le zouglou et le coupé-décalé emmené par le regretté Douk saga font danser tout le monde.Loin des Blick Bassy, Dobet gnahoré ou amadou et mariam qui font de nombreux festivals internationaux, les concepts s’enchaînent et font danser le continent. Les Toofan nous font gweta, serge Beynaud nous apprend le kababléké, Fally ipupa ne compte plus ses succès.Le hip hop connaît une nouvelle dynamique avec des artistes tels que stanley enow, Jovi ou le groupe kiff no Beat.malheureusement, mis à part les kora awards, aucune grande cérémonie d’awards n’existe encore pour récompenser ces artistes. Le flou sur les ventes d’album à l’époque du piratage et le manque de salles pour les concerts live ne permettent pas l’éclosion d’un véritable marché de la musique en afrique francophone.

MUSIQUE

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après les indépendances, les cinéastes d’afrique francophone sont prolifiques et produisent des œuvres inoubliables. Bal poussière (1989), Quartier Mozart (1992), le mandat (1968), Yeleen (1987) et bien d’autres sont des classiques. après le début des années 90, la production s’essouffle un peu comme toutes les industries après la dévaluation du franc cFa. Le cinéma en afrique francophone dépend beaucoup des subventions extérieures. Les cinéastes, qui s’essaient, sans moyens financiers conséquents, produisent des films difficilement exportables et qui ont du mal à trouver leur public. ce-pendant, le film d’auteur africain s’exporte dans les festivals. en 2014, Timbuktu remporte la palme d’or à cannes. Le film n’a cependant pas été diffusé dans bon nombre de pays francophones. menacées par le piratage et le téléchargement illégal, les salles de cinéma ont fermé un peu partout. Les festivals comme le Fespaco au Burkina Faso ou Les ecrans noirs au cameroun font vivre une semaine par an ce cinéma qui a besoin de plus de visibilité.

ARTL’art africain se porte bien. L’art classique bat des re-cords lors des ventes aux enchères. en décembre 2014, sotheby’s paris2 a réalisé 12 millions d’euros au cours d’une vente d’art africain et océanien. Les collectionneurs s’arrachent les masques kwele comme les fétiches Té-kés. Les maîtres de la sculpture ivoirienne s’exposent au musée du Quai Branly à paris attirant tellement de monde qu’une exposition virtuelle a été organisée à abidjan pour que les habitants du pays d’origine des œuvres puissent aussi en profiter. c’est cela le souci, les œuvres clas-siques africaines les plus importantes transitent énormé-ment sur les autres continents où les musées et galeries d’arts ont les moyens de les déplacer et de les conserver au détriment des musées locaux.L’art contemporain a quant à lui trouvé une place de choix dans les galeries en afrique Francophone. L’uni-vers coloré et les autoportraits «historiques» de omar Victor Diop séduisent le monde et s’exposent au musée de ouidah (Bénin) aux côtés des romuald hazoumé, samuel Fosso, Frédéric Bruly Bouabré ou cyril Tokouda-ga. Qu’ils s’illustrent dans la peinture, la photographie ou la sculpture, les artistes contemporains de l’afrique Fran-cophone se font une place de choix dans le monde de l’art en s’exposant localement comme à l’international.

GRAND ECRAN

1/ Designing Africa est une émission diffusée sur Africa Magic qui parle de l’évolution de la mode en Afrique2/ Sotheby’s est un groupe de sociétés internationales de vente aux enchères d’œuvres d’art, le plus ancien du monde et dont la société tête de groupe est la seule à être cotée à la bourse de New York et à celle de Londres

Timbuktu d’abderrahmane sissako : un palme d’or à cannes, 7 prix aux cesars et nominé aux oscars dans la catégorie meilleur film étranger.

aminata Faye par omar Victor Diop

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L’afrique francophone a longtemps vécu au rythme des sa-gas familiales qu’ont été les Bobodiouf et la série ma Famille. aujourd’hui, remplacées très souvent sur les chaînes locales par les séries sud-américaines ou indiennes, les séries s’ex-portent sur internet. Les web-séries, largement réalisées par la diaspora, connaissent un grand succès. cependant, les faibles débits internet dans les pays d’afrique francophone limitent l’accès à un certain rang de privilégiés. La plupart de ces séries manquent encore de professionnalisme quant au matériel vidéo ou au jeu des acteurs et l’argot souvent très typé selon les pays ne permet pas une exportation facile.La télé-réalité fait petit à petit son entrée dans les pro-grammes en afrique francophone. Les sujets sont axés pour l’instant sur la musique et la mode principalement et les can-didats sont loin d’être filmés 24/24. en janvier 2014, l’émis-sion «case saramaya - c’est moi la plus belle» diffusée sur africable défrayait la chronique au mali quand une vidéo de casting présentant des candidates s’exprimant à peine en français a fait son apparition sur internet.Les talk show ont la part belle et chaque chaîne a un pro-gramme du type sur un plateau plus ou moins bien décoré.

caroline Da sylva dans l’émission c’midi sur la chaîne ivoi-rienne rTi parle d’actualité, discute des questions de socié-té et reçoit les personnalités qui font l’actualité du pays. ces programmes font partie des plus suivis et des plus commen-tés sur les réseaux sociaux par les téléspectateurs.Le divertissement en afrique Francophone souffre du manque d’infrastructures qui y sont dédiées. cependant, avec la montée de la classe moyenne, les acteurs du sec-teur se multiplient. Les médias francophones créent des an-tennes spécifiques à cette partie du globe. canal + a créé en 2014, la chaîne a+ qui diffuse du contenu original prove-nant d’afrique. La série Chroniques africaines diffusée sur a+ a d’ailleurs gagné le prix de la meilleure série au Fespaco 2014. De nombreux entrepreneurs locaux investissent dans l’organisation de soirées ou l’ouverture de boîtes de nuit et bars lounge. il y a une niche de consommation à exploiter mais avant de pouvoir prétendre à une place sur la scène in-ternationale, l’industrie du divertissement en afrique Franco-phone doit construire des bases que ce soit pour la qualité du produit ou pour sa distribution.

TELEVISION

Les acteurs de la série chroniques africaines diffusée sur a+

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coup De coeur // Togo

Fanto et mensah

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Du Football à la musique

D’origine camero-togolaise, men-sah ayao, dit Barabas, quitte le cameroun pour Toquoin séminaire, un quartier de la ville de Lomé. un an plus tard, Fantohou kossivi alias masta, arrive dans le même quar-tier avec ses parents. L’intégration de masta n’était pas facile, et Ba-rabas s’en souvient en rigolant : « Au début, je ne voulais pas que le nouveau du quartier vienne jouer au foot avec nous ». mais comme eux-mêmes le disent « le football unit les peuples ». c’est donc grâce au sport que ces jeunes talents se lient d’amitié et c’est avec nostal-gie qu’ils évoquent leur passion commune: « C’était un rêve. Nous avons essayé, mais ce n’est pas passé ». a cette époque, Barabas et masta ne savent pas encore quel destin la vie leur réserve.2005 est l’année de toutes les sur-prises au Togo. ce pays d’afrique de l’ouest qui compte 7 millions d’habitants, surprend la commu-nauté internationale en organisant des élections présidentielles paci-fiques le 24 avril 2005. mais sur-tout, l’équipe nationale de football Togolaise, les éperviers, se qualifie pour la première fois à une phase finale de coupe du monde qui se déroulera en allemagne l’année suivante. Barabas et masta dé-cident alors de rendre hommage à leur équipe nationale à travers une chanson. « Nous voulions juste nous essayer à la musique », mur-

murent-t-ils, comme si à l’époque, ils ne s’attendaient pas aux consé-quences heureuses de leur action. pour un coup d’essai, ce fut un coup de maitre. La chanson « éper-viers » est enregistrée un lundi et le samedi suivant elle tourne déjà en boucle sur toutes les radios et dans toutes les discothèques. c’est la naissance de la famille TooFan précisent-ils : « Nous n’avons pas créé un groupe, nous avons créé une famille ».

Créateurs d’ambiance

après ce succès, le duo décide de faire de la musique un métier et optimise leur alliance. masta est un instrumentaliste qui joue de la gui-tare depuis son plus jeune âge. Ba-rabas, quant à lui, aime bien le rap américain. conscient de la nature éphémère du succès, ils imaginent alors le style original qui fera leur re-nommée: L’obragada.

mélange de rap et de basse afri-caine, l’obragada est définit par ses créateurs comme un style mu-sical qui appelle à la danse. avec le temps, l’obragada a évolué pour devenir l’un des rythmes musicaux africains qui s’exporte le mieux. Des

titres tels que C’est Magique, Apé-ritif, et Gweta ont fait comprendre que Toofan s’emploie à créer l’am-biance partout où il passe. Le suc-cès de ces titres est surement dû à la grande adaptabilité du tandem aux effets de mode: « Dans la vie, il faut savoir adapter ce que l’on fait à son environnement ». L’une de ces adaptations est le sampling4 . pour Barabas, sampler n’est pas un prérequis pour bien chanter, seu-lement, « Les américains ont lancé cette mode et il faut la suivre ». La question se posait donc : doit-on toujours copier ce qui se fait ailleurs ? « Non bien sûr », répondent-ils. « Nous nous inspirons surement de ce qui se fait sur d’autres conti-nents, mais nous n’avons jamais été loin de l’Afrique dans notre ma-nière de faire». et cette manière de faire a plutôt l’air de bien fonctionné depuis 10 ans. en 2010 ils reçoivent le kundé d’or5 du meilleur artiste africain ; en 2014 le BeT award du meilleur artiste international en afrique et le mTV europe music award du meilleur artiste africain. cette année, TooFan a encore le vent en poupe. en plus d’avoir composé la musique de l’hymne de la coupe d’afrique des nations; en février 2015 en guinée equa-toriale; le duo est nominé dans 4 catégories au mTV africa music awards courant juillet: meilleur col-laboration, meilleur performance live, meilleur artiste francophone et meilleur chanson de l’année.

1/ Rappeur dont le but est de créer une ambiance atypique dans une chanson 2/ Marque de vêtements africains 3/ Compagnie Aérienne Africaine 4/ Action de réutiliser un extrait musical dans un autre pour l’arranger 5/ Cérémonie récompensant la musique Africaine organisée au Burkina Faso

«c’est un peu le rêve américain de faire de la musique en afrique. un

coup ça marche, un coup ça ne marche pas»

L’un est toaster1 et l’autre est compositeur. Mais tous les deux sont chrétiens et passionnés de football, dont ils disent qu’il les a toujours attiré « comme un aimant ». Convaincus que seul Dieu décide, ils ne font qu’une chose : donner le meilleur d’eux-mêmes dans chaque action qu’ils posent. Très souvent sous le feu des projecteurs à travers des concerts ou des spots publicitaires pour Woodin2 ou encore Asky3 , Mensah Ayao et Fantohou Kossivi vivent aujourd’hui leur rêve.

TooFan : Le triomphe de l’originalité musicale africaine

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14 INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

par chrys nyetam

‘nous venons d’un pays où exporter sa musique était compliqué. nous sommes

les premiers, et voulons donner cette chance aux autres ’

Fanto et mensah

Chanteurs Africains

mais derrière ces nombreuses nominations, ces vidéo-grammes colorés et bien montés, se cache une réalité. La musique c’est comme le football, il y a les grands artistes et les plus modestes. Les plus modestes peuvent difficilement vivre de leur art ; les grands ar-tistes vivent des cachets de leurs spectacles et des publicités. mais la situation est encore plus complexe en afrique francophone. selon TooFan, «c’est un peu le rêve américain de faire de la musique en Afrique. Un coup ça marche, un coup ça ne marche pas ». De plus, il y a un problème de structuration de l’industrie musicale africaine. ce n’est un secret pour personne, les cachets rela-tifs aux droits d’auteur en afrique ne sont pas toujours perçus par les artistes. Dans le cas du Togo, recevoir une rémunération du bureau des droits d’auteurs, le BuToDra, est devenu « compliqué », comme le confirme le duo. Toujours selon TooFan, il serait plus simple de vivre en faisant plusieurs singles plutôt

qu’en sortant plusieurs albums : « Faire des albums en Afrique c’est bien beau, mais il faut savoir jusqu’où on peut porter cet album ». malgré cela, masta et Barabas ont choisi de travailler pendant 5 mois sur leur dernier album sorti en début d’année 2015 - overdose - qui est un voyage à travers plusieurs styles musicaux. on y retrouve notamment un duo avec la jeune chanteuse nigériane chindinma, comme pour dire que l’union fait la force. Le dernier clip, oroBo, rend hommage aux femmes aux formes généreuses.persuadés que « chacun à sa place dans la musique africaine » le duo togolais à la renommée international souhaite aussi aider d’autres chanteurs. aujourd’hui ils veulent contribuer à donner plus de visibilité à des jeunes talents togolais comme ils l’ont fait avec Tous-saint ou encore Tach noir connu pour son titre gwe-ta congolo. mais cela s’explique assez bien: « Quand nous voyons quelqu’un faire de la bonne musique nous avons envie de l’encourager. Nous n’avons pas eu cette chance», affirment-t-ils avant de poursuivre, « Nous venons d’un pays où exporter sa musique était compliqué. Nous sommes les premiers, et voulons donner cette chance aux autres ».

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15INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

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InspIr’InTervIew // cÔTe D’IvoIre

Du haut de ses 33 ans, Marylin Alexandra Amon a déjà tout réussi : Épouse comblée et chef d’entreprise, elle est la productrice de la série «Chroniques Africaines», primée au Fespaco, qu’elle a Co- créé avec sa sœur Marie Christine Amon. Après avoir grandi en France, Alexandra retourne en Côte d’Ivoire pour entrer au Collège. Puis, direction les États Unis pour ses études supérieures qu’elle termine en beauté avec un diplôme en publicité obtenu en 2006 à l’Institut Pratt1. En 2008, la belle décide de s’installer définitivement en Côte d’Ivoire, où elle est embauchée au sein de l’agence Mc Cann en tant que Directrice Artistique. 2 ans plus tard, elle lâche tout pour lancer sa propre société de production.Passionnée par les médias et l’audiovisuel, Alexandra considère Oprah Winfrey et Shonda Rhymes comme des modèles: des femmes fortes qui ont réussies à s’imposer dans ce monde très concurrentiel.Elle nous raconte aujourd’hui son parcours en commençant par une bonne nouvelle : «Chroniques Africaines» sera diffusée sur le câble StarTimes2 dès le mois de Septembre !

VIVRE SON RÊVE AFRICAIN

1/ Célèbre école d’Art et de design, elle a formé de nombreuses célébrités telles que Robert Redford ou Terrence Howard. 2/ Réseau audiovisuel chinois équivalent à Canal Sat, qui émet principalement dans les pays d’Afrique anglophone.

crédits photos: hurza.org

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17INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

3/ Alexandra a réalisé des campagnes pour de grands annonceurs internationaux et africains, notamment Vlisco et Banque Atlantique.4/ Marché international des industries audiovisuel. 5/ Episode zéro, qui permet de présenter la série

bonjour alexandra. allons droit au but  : comment dé-cides-tu de lancer ta socié-té de production  en côte d’Ivoire?

J’ai longtemps vécu à new York, une ville que j’adore pour son côté artistique. J’y ai d’ailleurs rencontré des personnes qui ont joué un rôle clé dans la poursuite de ma carrière. c’est à new York que j’ai développé une passion pour le cinéma et les médias, et c’est là où j’ai compris que je voulais faire carrière dans la pro-duction audiovisuelle.une fois en côte d’ivoire, je me suis vite aperçue que je n’étais pas faite pour la publicité, même si j’avais quand même réalisé de belles choses3.Je décide donc de tout arrêter en 2010. La transition n’a pas forcément été facile à cause de la guerre, et j’ai mis du temps à me décider. Finalement, j’ai fait le grand saut en 2012, et j’ai lé-galisé ziV productions. J’aimerais dire aux jeunes de la diaspora que rentrer peut être un pari gagnant. Tout n’est pas parfait, mais il y’a tellement de choses à faire… (Pause). si je n’étais pas sortie de ma zone de confort, mon projet serait peut-être encore dans l’anonymat à l’heure où je parle. il aurait fallu que je fasse tellement plus pour arriver à me faire connaître et à m’imposer !

Tu es donc la co-créatrice de la série chroniques africaines. peux-tu nous présenter la sé-rie ? comment s’est passée ta rencontre avec a+ ?

chroniques africaines est une collection d’histoires. La série relate le quotidien de plusieurs foyers africains. c’est une série très fédératrice, car bien qu’elle soit tournée en côte d’ivoire,

elle aborde des thèmes très afri-cains, et tout le monde s’y re-trouve. nous avons des fans au cameroun, au gabon, en rDc ou encore en centrafrique.ma sœur, marie christine, s’est inspirée d’un genre télévisuel très peu commun sur le conti-nent  : la scripted reality (réalité scénarisée, ndlr), qu’elle a adap-té pour en faire un format nou-veau. nos histoires durent 3 à 4 épisodes, tandis que dans le format classique, une histoire se termine en 1 épisode. c’est la toute première scripted reality en afrique francophone. nous nous inspirons de tout ce que nous observons autour de nous. La saison qui arrive sera très inspirée de mon vécu et de mes expériences personnelles. J’ou-vrirai mon cœur, et c’est ce que le public verra à la TV.en ce qui concerne a+, la ren-contre a été plutôt banale. nous étions au Discop4 en afrique du sud pour présenter le pilote5 de la série. nous y avons rencon-tré l’équipe de canal+ afrique, qui a tout de suite accroché. Quelques semaines plus tard, a+ préachetait chroniques afri-caines.

que peux-tu nous dire de ZIv productions ? est-ce une aventure entrepreneuriale fa-miliale  ? on dit souvent qu’il est difficile de mélanger fa-mille et business : est-ce vrai-ment le cas ?

ziV est une société de produc-tion qui se spécialise dans la fic-tion et dans les émissions dites de « flux », (divertissement, télé-réalité, etc.) La téléréalité et les

émissions rentrent dans la caté-gorie « non scripted », car elles ne sont pas écrites à l’avance.actuellement, nous sommes en plein développement, et jusqu’ici chroniques africaines est notre production la plus connue. nous sommes entrain d’en confec-tionner d’autres qui, on l’espère seront diffusées à partir de l’an-née prochaine. Je travaille donc sur 2 nouveaux concepts de fic-tion, et sur une téléréalité.

Je tiens déjà à préciser que ma-rie christine et moi n’étions pas dans une logique de création de business familial. marie christine possède d’ailleurs sa propre so-ciété de production (MAC Pro-ductions, ndlr). seulement, nous partageons les mêmes valeurs. chroniques africaines est donc une sorte de joint venture entre ziV productions et mac pro-ductions.pour en revenir à la question, travailler en famille n’est pas évident.il faut réussir à s’entendre sur le maximum de choses et sys-tématiquement avoir la même vision du projet, ainsi que les mêmes objectifs. en famille, il y’a forcément une implication émotionnelle dans la relation de travail. or, être professionnel jusqu’au bout demande qu’on soit très exigeant avec soi même mais aussi avec les autres. Les choses peuvent donc très vite se compliquer, car il faut y aller avec des pincettes, faire atten-tion à ce qu’on dit et comment on le dit.La notion d’âge n’arrange pas les choses. Dans la culture afri-caine, le respect des aînés est primordial. il devient donc déli-cat dans ce contexte, de donner des directives, ou des ordres à une personne plus âgée, qui de surcroit, fait partie de sa propre

‘j’aimerais dire aux jeunes de la diaspora que rentrer peut être un pari gagnant.

gagnant.’

crédits photos: hurza.org

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famille. si il faut parler d’avantages, je dirais qu’en famille, la plupart du temps, les intérêts communs sont mieux préservés, et les risques de trahisons sont moins élevés. par ailleurs, on sait déjà comment son ou sa partenaire fonctionne.Je conseillerais donc à tout ceux qui veulent travailler en famille de bien réfléchir. ce qui est sûr, c’est que ce choix ne devrait nullement compromettre l’éthique et la rigueur profession-nelle.

on constate un certain écart entre l’afrique francophone et l’afrique anglophone sur plu-sieurs domaines dont le divertis-sement. qu’est ce que qui fait la différence selon toi?

Je dirais que ce qui manque en afrique francophone c’est la niaque…(petite pause). Vous voyez ? cette aptitude à oser et à prendre des risques.Beaucoup de jeunes africains qui souhaitent se lancer dans l’entre-preneuriat sont leurs propres freins. La plupart, même si ils ont une vision, se découragent face aux contraintes (le manque de finance-ment, les réalités du terrain, etc.)plutôt que de chercher des solu-tions, beaucoup finissent par aban-donner leur rêve, par peur. ils pré-fèrent se tourner vers la sécurité que peut offrir un emploi…ce qui est compréhensible : un emploi de-mande moins d’efforts physiques, intellectuels et émotionnels.

Je dirais aussi que cette diffé-

rence entre l’afrique anglophone et francophone est très culturelle. Chez moi à Abidjan, quand on voit quelqu’un se battre pour réaliser son projet, on lui dit « Ah toi, tu es comme un Américain ! »cette culture du «  go and get it  » (l’envie de se battre et de tout faire pour donner vie à son projet) est très anglo-saxonne, et inculquée dès le plus bas âge.

chez les francophones, il y’a cette tendance à privilégier la sécurité. La culture du risque y est moins vivace.

chez moi à abidjan, quand on voit quelqu’un se battre pour réaliser son projet, on lui dit « ah toi, tu es comme

un américain ! »

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propos recueillis par Joan yombo

6/ Film réalisé par Abderrahmane Sissako qui a été présent sur le festival de Cannes, a reçu 7 césars et 1 nomination aux Oscars (meilleur film étranger)7/ http://inspireafrika.com/en/netflix-ink-deal-with-irokotv/

De manière générale que manque t-il à l’industrie du divertissement en afrique pour vraiment décoller et s’imposer à l’international?

Déjà, il faut savoir que nous avons autant de talent que les autres. ce-pendant, si le divertissement en afrique reste ignoré et sous estimé, c’est dû selon moi à un manque d’ef-forts pour « marketer » et exporter ce que nous faisons. une fois que nous saurons valoriser systématiquement nos contenus, nous nous ferons une place sur la scène internationale. Le dernier exemple en date est Timbuktu6. cela veut clairement dire qu’il y’a de la place pour le divertis-sement et le cinéma africain.mais il faudrait impérativement que notre art soit soutenu par un véri-table effort commercial. il faut mettre en place des stratégies marketing efficaces.cela passe par un effort au niveau de la présence médiatique (présence aux festivals internationaux, travail avec des bureaux de presse pour se faire connaître auprès des médias internationaux, etc.)  et par la com-munication. sans communication, il n’y a pas de visibilité. et si nous ne sommes pas visibles, personne ne s’intéresse à notre industrie. cela passe aussi par des échanges nord/sud. nous devons développer des

partenariats avec des grands groupes médiatiques. personnellement, je trouve génial qu’un iroko TV s’associe avec un netflix7. Chez Chroniques Africaines, nous travaillons actuellement à ce que la série soit dis-ponible sur iTunes pour les fans de la diaspora.c’est ce type d’initiatives qui selon moi, nous permettra de décoller véritablement.

beaucoup de jeunes réalisateurs se lancent sur Internet et trouvent qu’il est plus simple de com-mencer par le format « web série ». pourquoi as-tu préféré passer directement par la télévision? n’est ce pas plus complexe ?

merci pour cette question.Tout d’abord, il faut le dire, passer par internet au-jourd’hui est une excellente manière de se lancer et de développer sa notoriété. internet permet d’avoir du fee-dback en direct et de toucher les gens massivement.

Toutefois, j’ai choisi de collaborer directement avec les chaînes TV dans une logique de stratégie commerciale. en ayant des chaînes qui rachètent mes programmes, je peux savoir dans quelle mesure je rentre dans mes frais. ma sœur et moi avions beaucoup investit dans l’épisode pilote et avions l’ambition d’investir plus dans le tournage des autres épisodes. il nous fallait donc une certaine visibilité financière.sur le web, malheureusement, on investit dans un pro-gramme, sans vraiment savoir combien il va rapporter.

Il existe peu de structures dédiées à l’apprentis-sage des métiers liés au cinéma en afrique. com-ment fait-on pour entreprendre aujourd’hui dans ce secteur qui semble très fermé ?

pour se former dans les métiers du cinéma en afrique, le meilleur moyen est de se former sur le tas. malheu-reusement, le manque d’infrastructures limite les jeunes à cette solution là. néanmoins, certains pays africains comme le maroc et l’afrique du sud possèdent de bonnes écoles de cinéma. a ceux qui ne peuvent pas voyager, je conseillerais d’identifier des professionnels du milieu, auprès desquels ils pourraient se former, en commençant par être des assistants par exemple. De toute manière, les métiers du cinéma sont pour la plu-part des métiers où l’expérience terrain compte plus que l’expérience académique.

qu’est ce que le prix fespaco t’a apporté ?

clairement ? Le respect de mes pairs. et ça c’est très important, surtout quand on se lance jeune. aujourd’hui il est beaucoup plus évident pour moi de trouver des sponsors pour les saisons à venir. plusieurs chaînes TV sont intéressées pour acheter les droits de la série. recevoir un prix aussi prestigieux alors qu’on est tout jeune dans le métier, change la donne, et rajoute une certaine pression, car il faut maintenir le même niveau d’exigence. mais c’est aussi très gratifiant. comme je le dis toujours, quand on a foi en son projet et qu’on s’attelle à bien faire son travail, on atteint forcément des sommets. cette expérience m’a permis de comprendre qu’aujourd’hui, je suis exactement là où je devais être : je vis mon rêve africain.

chez chroniques africaines, nous travail-lons actuellement à ce que la série soit

disponible sur iTunes pour les fans de la diaspora.

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nouvelle égérIe Du mécénaT culTurel afrIcaIn

carrIÈre // bénIn

par louis gilbert bissek

Marie-Cécile ZINSOU

crédits photos: hurza.org

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21INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

1/ Le Cardinal Gantin a été élevé avec les cinq enfants de l’arrière-grand-père de Marie-Cécile Zinsou 2/ Nom du drapeau du Royaume-Uni, autrement connu sous le nom Union Flag 3/ De l’écrivain hongrois du XXème siècle, Frigyes Karinthy, qui postule que toute personne sur Terre peut être reliée à n’importe quelle autre, au travers d’une chaîne de relations individuelles de 5 maillons au plus.

Bien que marie-cécile zinsou reconnaisse volontiers ne pas pouvoir définir le terme afropolitanisme, sa phi-losophie du métissage et son histoire personnelle en incarnent le concept.

L’Afropolitanisme selon achille mbembe; théoricien camerounais du post-colonialisme; est une tentative d’imaginer une identité africaine qui ne serait pas ré-ductible à la couleur de la peau de qui que ce soit. c’est une identité au-delà de la couleur et de la géo-graphie, dans la mesure où beaucoup d’africains ne vivent pas en afrique, et dans la mesure où tous ceux qui vivent en afrique ne sont pas forcément africains. il s’agit d’une identité qui cherche à embrasser le monde et non à se constituer comme une humanité à part.

ainée d’une fratrie de 3 filles, née à paris, elle grandit en partie en France et au royaume-uni. en cela, elle est aussi attachée au drapeau tricolore qu’à l’union Jack2 . sa filiation puise ses fondements chez des grands parents béninois et italien par son père, et franco-alle-mands par sa mère.

Lors de la révolution marxiste-léniniste des années 1970 dont naquît la République du Bénin, la famille zinsou est bannie du pays et tous ses hommes sont condamnés à mort par contumace, à cause de l’ac-tivisme politique du grand-oncle emile derlin zin-sou, ancien président de la défunte République du Dahomey. La famille trouve asile au sénégal. Qu’im-porte la difficulté de ne pas voir ses terres d’origine, marie-cécile zinsou embrasse le sénégal; où elle vient régulièrement en vacances; comme une énième pa-trie. ce fait exceptionnel lui offre aussi d’autres cha-leurs africaines comme la côte d’ivoire ou le maroc,

jusqu’au retour de la démocratie au Bénin dans les an-nées 1990 et la réhabilitation de la famille.

La jeune femme ne serait donc pas que; comme elle le clame; 100% béninoise et 100% française, mais elle est aussi 100% sénégalaise dont elle maîtrise les usages; 100% britannique dont elle connaît le God save the Queen par cœur; 100% américaine pour avoir étudié l’histoire de l’art à l’université américaine de pa-ris; et surtout 100% africaine dont elle est passionnée et pour laquelle elle vibre.»Je peux regarder par la fenêtre et vous dire à quoi ressemble l’Afrique qui bouge.» révèle-t-elle à peine amusée.

comprendre marie-cécile zinsou et peut-être sa pas-sion pour l’art et la culture du monde, c’est donc com-prendre un maillage, une série d’imbrications.

De la théorie des six poignées de mains3, à la réflexion du philosophe camerounais Fabien eboussi Boulaga; «Une chose qui ne serait qu’elle même n’existe pas. Rien de notre expérience humaine est telle qu’il puisse se comparer à lui-même.»; sur l’intan-gibilité de la relation à autrui, marie-cécile zinsou a décidé de faire de sa particularité une richesse. «C’est la culture qu’on vous a fait partager qui définit votre métissage.» choisit-elle, lorsqu’on évoque son métissage.

La Fondation zinsou émane donc intrinsèquement de cette relation à autrui dans laquelle marie-cécile zinsou a toujours baigné. De ses propres pérégrina-tions aux 4 coins de la planète, elle a apprivoiser au-trui d’une autre race, d’une autre langue, d’une autre culture comme son alter ego.

etrange comment le hasard opère ses choix. et si elle ne s’était pas prénommée marie-cécile? et si ce n’était pas un hasard? «aléa jacta est»! Le sort en est jeté, pour le bonheur de ses contemporains. en effet, l’onomastique prête aux «marie» un caractère empreint de grande ténacité à l’effort, de vo-lonté inflexible, de courage et de générosité véritable. Les «cécile» auraient le sens de l’action et une grande intuition, bien que rêveuses. Le patronyme «zinsou» est quand à lui synonyme d’excellence intellectuelle à l’africaine. La famille compte en son sein rien de moins qu’un ancien Président de la république du Bénin; un cardinal1 ; un Premier ministre du Bénin; des médecins; des professeurs et des ingénieurs; dont l’engagement panafricain a marqué au fer rouge des générations d’africains. conjugaison faite donc, marie-cécile zinsou, Présidente de la Fondation zinsou du Bénin, est née pour l’engagement philanthropique. d’ailleurs, elle n’a jamais conçu sa vie dans l’oisiveté: «en tant que citoyens on a des droits, mais aussi des devoirs. Le sens du devoir nous a été inculqué depuis l’enfance.» nous confie-t-elle. dont acte.grande par la taille; 1.90m; et par les idées, la pétillante tren-tenaire vous entraîne au premier abord dans un tourbillon d’enthousiasme avec un esprit perspicace, et un ton énergique et amical. Toutes vos questions trouvent réponses. Quand tel ne peut être le cas, pas de faux-semblant ni de réponses cavalières pour meubler le temps.

Le paradigme afropoLitain

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convaincre la Fondation zinsou de contacter le directeur de l’école pour créer dans l’urgence un vé-ritable programme pédagogique et organiser des visites scolaires. Depuis, la Fondation zinsou est en partenariat avec 364 écoles et ses sponsors ont généreusement offert un bus qui va chercher les enfants gratuitement dans tout cotonou.

pourtant, rien n’aurait été possible sans la conviction que l’émergence passera d’abord par un change-ment de perception du continent sur lui-même et par la promotion de l’art et de la culture comme socle de cette identité retrouvée.

a l’envi, marie-cécile zinsou pro-clame que: «l’Art est une des premières choses qui permet-tra de voir l’Afrique comme elle est ou comme elle va être. C’est un changement de regard sur nous-mêmes qui ferra que les autres changent.»

Lorsqu’en 2003 la jeune étudiante de naguère quitte paris pour ensei-gner l’histoire de l’art à des orphe-lins du village s.o.s d’abomey-ca-lavi4, aucune idée de création de Fondation n’habite son esprit.

exaltée par l’intérêt de ses ouailles pour ces enseignements, elle prend l’engagement de leur faire décou-vrir l’art contemporain africain. ce n’est que 10 ans plus tard, le 11 novembre 2013, qu’elle tiendra sa promesse en offrant au continent le premier musée d’art africain contemporain, dans l’historique port négrier d’ouidah. en effet, à tout juste 21 ans, ma-rie-cécile zinsou s’aperçoit qu’au-cune structure adéquate n’existe ni au Bénin, ni chez les voisins du

4/ à 17.5km de la capitale Cotonou

« l’art est une des pre-mières choses qui permet-tra de voir l’afrique comme elle est ou comme elle va être. c’est un changement de regard sur nous-mêmes

qui ferra que les autres changent.»

L’audace d’espérer

La fondation porte fièrement ses 10 ans depuis le 6 juin 2015. L’impact de cette saga épique se résume dans les témoignages qui jalonnent cette jeune existence. comme cette journaliste béninoise de 19 ans qui confie venir à la fonda-tion depuis qu’elle a 9 ans et que cela a changé sa vision du monde; ou ces hommages de professeurs d’écoles à la présidente, qui avouent que la Fondation fait évoluer leurs points de vue sur l’éducation; ou encore le ré-cit émouvant sur un élève curieux de cotonou, qui arrive le 06 juin 2005 à la Fondation après l’école. il regarde autour de lui, se renseigne sur le but de l’établissement et se laisse guider le long des œuvres exposées. Le lendemain, il revient en visite avec 35 camarades de classe. Le surlende-main, la visite de 600 enfants de la même école achève de

marie-cécile zinsou recevant inspire afrika chez elle à paris - crédits photos: hurza.org

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« c’est une course solitaire d’arriver quand même à monter un projet.»

Togo, du ghana et du Burkina-Faso, pour emmener ses petits protégés. simultanément, les pays du nord célèbrent la création artistique africaine contemporaine au cours d’une grande exposition itinérante internatio-nale baptisée «Africa Remix». entre 2004 et 2007, Düsseldorf, Londres, paris, Tokyo et stockholm re-çoivent tour à tour l’exposition, où sont mis en lumière 200 œuvres et 87 artistes africains. mais c’est trop loin et trop cher pour y emmener une soixantaine d’en-fants. c’est à ce moment précis que lui vient l’idée de créer un lieu qui pourrait accueillir les artistes et faciliter la rencontre entre les œuvres et le public.

Très tôt sa famille, également passionnée d’art, la sou-tient dans son initiative. Dans les balbutiements de la Fondation, son père; l’économiste Lionel zinsou; octroie 80.000 euros pour l’achat des œuvres contemporaines. au Bénin, elle fait même la rencontre de germain Viatte; directeur du futur musée du Quai Branly; qui lui recommande de rencontrer des artistes béninois d’envergure internationale comme cyprien Tokoudagba et romuald hazoumé.

mais ce n’est que le début d’un périple où l’enthou-siasme désintéressé côtoie le pessimisme et les cli-chés obscurantistes sur l’afrique: « C’est une course solitaire d’arriver quand même à monter un pro-jet.»résume-t-elle. en plus de ne pas bénéficier de subventions de l’etat béninois pour son projet, elle es-suie le nihilisme de ses détracteurs outre méditerranée: « Pourquoi ouvrir une fondation culturelle dans un pays pauvre ? L’Afrique a-t-elle vraiment comme priorité de se consacrer à la création contemporaine ? Entre la guerre, la famine et le sida, les Africains n’ont vraiment pas besoin de culture... Si c’était une bonne idée, cela existerait déjà ! ». mais il en faut plus pour tancer une «marie»! La famille zinsou et leurs amis font bloc. Lionel zinsou; afro-opti-miste notoire; n’hésite pas à rétorquer aux détracteurs: « notre projet ne vous plaît pas ? n’hésitez pas à faire autre chose, nous vous y encourageons... ».

reste que le défit est d’ouvrir la culture à une popu-lation dont le salaire moyen a été revalorisé en 2014 à 60 euros (soit 80 dollars u.s = 40.000 FcFa), où la proportion de jeunes de moins 18 ans est de 50% et le taux d’alphabétisation des jeunes de 15 -24 ans est de 30.8% d’après un rapport de l’uniceF de 2012.

Le 06 juin 2005, la Fondation zinsou ouvre ses portes

dans un immeuble de 800m² loué dans la capitale co-tonou. L’accès est gratuit pour tous. 10 ans plus tard, les jeunes de moins de 20 ans représentent 80% des visites de la Fondation et le bilan est plus qu’élogieux: 24 expositions, 4 600 000 visiteurs, 17 livres d’art publiés, gratuité permanente de toutes les ex-positions et activités, 364 écoles en partenariat, 600 000 livres d’exposition offerts aux visiteurs de moins de 18 ans, 450 professeurs formés aux expositions d’art par la directrice pédagogique, 120 emplois créés en équivalent plein temps et 6 mini-bibliothèques.

même si la Fondation zinsou est encore financée à 60% par la famille zinsou, elle est épaulée par une équipe de qualité d’une soixantaine de personnes, ainsi que par des mécènes béninois et étrangers. elle compte au titre de ses prestigieux sponsors sotheby’s5 ou encore l’union européenne. marie-cécile zinsou est d’ailleurs très reconnaissante d’être aussi bien entourée et attribue la bonne santé de la Fondation à ce travail d’équipe. par ailleurs, elle apprécie la célérité avec laquelle certaines compo-santes du projet ont pu se mettre en place au Bénin et elle l’attribue à l’atmosphère générale: «Créer des actions ici c’est facile, c’est assez enthousias-mant et ça va plus vite qu’ailleurs». souligne-t-elle.

50 nuances d’un engagement

La fondation a largement évolué depuis sa création.

en multipliant les actions sociales comme la rénova-tion en 2012 de cinq (05) services du centre national hospitalier universitaire de cotonou ou encore son im-plication dans l’éducation des jeunes béninois grâce aux partenariats avec les écoles, la Fondation zinsou s’active tous azimuts.

au final, la fondation s’investit aussi bien dans l’action sociale; la vulgarisation de l’art contemporain; la pro-motion de l’afrique et de sa jeunesse, l’éducation, l’al-phabétisation, la lutte contre la pauvreté, la culture, la protection du patrimoine et de la mémoire africaine. mais pour marie-cécile zinsou il n’y a rien d’antino-mique, car tout est lié.

Le sacre au Praenuim Impériale6 en 2014, intervient donc comme une ode à cet investissement pluridi-

«créer des actions ici c’est facile, c’est assez enthousiasmant et ça va plus vite

qu’ailleurs.»

5/ groupe de sociétés internationales de vente aux enchères d’œuvres d’Art 6/ Considéré comme le prix Nobel dans le domaine des Arts, le Praenium Impériale est attribué par l’Association japonaise des beaux-arts dans six catégories: la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique, le théâtre et/ou le cinéma et l’encouragement des jeunes artistes.

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reçu des mains du frère de l’empereur, son altesse impériale, le Prince hitachi, la Fondation zinsou est la seule entité africaine; à ce jour; a avoir bénéficié du prix. elle partage ce statut exclusif en afrique avec le cinéaste et activiste anti-apartheid sud africain athol Fugard; premier africain lauréat du prix; qui était cette année là aussi récompensé dans la catégorie théâtre et/ou cinéma. Bien qu’elle en soit extrêmement fière, marie-cécile zinsou apprécie cette récompense à deux niveaux.

D’abord comme une opportunité pour le Bénin; ter-ritoire de 112.622km² et 10 millions d’habitants; de briller sur la scène mondiale. une reconnaissance in-ternationale qui enorgueillit aussi l’afrique et pour la-quelle le Président de la république ivoirienne; s.e alassane dramane ouattara; n’a pas manqué de lui adressé personnellement ses chaleureuses fé-licitations. D’autre part, c’est une motivation supplé-mentaire pour son équipe, sa famille et elle-même de poursuivre le travail quotidien qui reste à ses yeux le plus important: «créer un projet c’est très simple, mais tenir dans la durée est un combat du quoti-dien» martèle t-elle.

a ce titre, mlle zinsou évite de mettre la charrue avant les bœufs et malgré l’aura internationale de la Fonda-tion, elle n’envisage pas une expansion continentale. elle attribue d’abord ce succès à l’échelle locale du projet: «La raison pour laquelle la Fondation est efficace et touche autant de monde, est son ca-ractère local. Notre première échelle est le quar-tier. Après on étend sur le quartier voisin, après sur la ville, après sur le Bénin.» pondère-t-elle. ain-si, après un ancrage réussit à cotonou et à ouidah, la prochaine étape est porto-novo.

Toutefois, la difficulté des échanges avec d’autres centres muséaux africains l’attriste: «On peut très difficilement se prêter les œuvres. Nous sommes bloqués par plusieurs barrières qui seront proba-blement levées dans 20 ans, mais qui aujourd’hui nous contraignent.» en cause, l’extrême cherté des transports, l’indigence et/ou l’incurie des mesures de sécurité et de conservation des œuvres, ou encore les barrières douanières.

autant dire que le potentiel économique du secteur culturel en afrique est encore mal exploité. même si le budget annuel de la Fondation zinsou atteint 1.000.000 d’euros/an, elle est insignifiante face au budget de fonctionnement du metropolitan museum of art7 de

new-York; estimé en 2010 à 221 millions de dollars u.s; pour lequel la mairie de new-York participe aux frais. malgré les efforts des autorités béninoises de re-valoriser en 2014 le budget du ministère de la culture à 1.3 milliards de FcFa ; augmentation de 300 millions de FcFa; sa part reste marginale dans le budget global de 1121 milliards de FcFa. en comparaison, la part des industries culturelles dans le piB de la France était

«créer un projet c’est très simple, mais tenir dans la durée est

un combat du quotidien.»

7/ C’est le Musée le plus grand du monde avec une collection de 2.000.000 œuvres, 1800 salariés à plein temps, 900 bénévoles et 5.000.000 de visiteurs/an

marie-cécile zinsou recevant inspire afrika chez elle à paris

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25INSPIRE AFRIKA / JUILLET - AOUT 2015

«on peut très difficilement se prêter les œuvres. nous sommes bloqués par

plusieurs barrières qui seront probablement levées dans 20 ans,

mais qui aujourd’hui nous contraignent.»

de 2.8% en 2012, avec 74,6 milliards d’euros gé-nérés, quand le budget alloué à la culture en 2013 était de 7,4 milliards d’euros.

sans s’étendre à l’afrique, la Fondation zinsou s’ouvre par contre au continent en promouvant le made in Benin. en effet, pour le 10ème anniversaire de la Fondation, elle ne propose rien de moins qu’un

projet pionnier jamais réalisé par aucun musée au monde. par la créativité d’un ingénieur béninois, la Fondation zinsou a mis au point l’application WAK-PON. L’idée est simple. grâce à une imprimante papier et au téléchargement de l’application gra-tuite sur wakponapp.org, le tout nouveau musée de ouidah est dématérialisé et offert aux badauds qui ne peuvent s’y rendre physiquement. Le musée de ouidah est désormais accessible gratuitement de n’importe quel coin du monde. c’est l’une des méthodes qu’a choisi la fondation pour transcender ses frontières béninoises.

pour le reste, la Fondation mène des activités plus conventionnelles de promotion de ses organes et des artistes qu’elle expose. ainsi, sa collection compte un millier d’œuvres parmi lesquelles des si-gnatures de malick sidibé, photographe malien, «Lion d’or» d’honneur de la Biennale d’art contem-porain de Venise en 2007; romuald hazoumé, artiste béninois, prix arnold Bode de la Documen-ta de kassel en 2007; où encore le Trône du roi Béhanzin, dernier souverain de la dynastie ayant régné sur le royaume du Dahomey entre le XViième et la fin du XiXème siècle.

c’est dans le cadre de sa mission de vulgarisation du patrimoine historique africain que la Fondation zinsou a fait exposer ce trône deux fois au Bénin; pour le centenaire de la mort de Béhanzin en 2006, puis en 2009. en retour, elle reçoit en 2007 ;de la part du galeriste enrico navarra; 70 dessins de la légende de l’art contemporain Jean-michel Basquiat et les Regalia dahoméennes conservées dans les collections nationales françaises.

mais la tâche reste grande dans le domaine de l’art et la culture et tout porte à croire que marie-cé-cile zinsou et sa famille ont initié un mouvement qui sera porteur d’une source intarissable de richesses pour le continent. elle livre d’ailleurs un secret de polichinelle tant à la société civile qu’aux artistes africains: «Les chefs d’œuvres il y en a tous les jours ici. Il faut considérer l’Afrique au même niveau d’excellence que les autres continent.»

a bon entendeur...

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Inspire afrika: Des sept arts, tu as choisi le 3ème: la peinture. plutôt que de t’intéresser à des mouvements de la peinture moderne comme le cubisme; porté par pablo picasso; dans lesquels les influences de l’art africain sont avérées, tu as embrassé le «Pop Art». quel parcours t’a mené à ces choix?

fred ebami : Je gribouille depuis tout petit, donc je pense que mon parcours a commencé là. mais j’ai bien failli ne

pas faire de peinture. Je le dois peut-être un peu à mon frère et au destin. après avoir terminé mes études de langues en France, je rêvais d’ailleurs. Je m’envole donc pour les états-unis où je vis à new-York, atlanta puis san Francisco. c’est mon frère qui me propose de venir à oxford, dont je tombe amoureux. une fois là , je fais une rencontre qui m’oriente vers Oxford and Cherwell College, pour faire une formation en graphic design dont je sors diplômé en 2004.

Andy Warhol s’est-il réincarné? Force est de constater que le «pop-art» qu’il a popularisé est plus vivant que jamais, et que sa réincarnation artistique est bien loin de son physique malingre d’icône de l’art contemporain. Colosse dont l’envergure est plus proche de celle d’un rugbyman que de celle d’un homme des arts, son timbre de voix calme et posé contraste avec son physique d’ours. Fred Ebami est en perpétuel mouvement. D’origine camerounaise, il vit entre Londres et Paris. Quand les marques de sportswear comme Le Coq Sportif ou Nike; c’était le cas en avril dernier; ne le sollicitent pas pour des soirées privées dans leurs magasins huppés, c’est la vedette du RnB; Pharell Williams; qui «aime» en toute modestie sur instagram une de ses œuvres (I AM A MAN). Et pour cause! Ses réalisations; cotées en bourse et vendues sur artsper.com; enthou-siasment, dérangent, démangent, exaltent, mais jamais ne laissent indifférents. Les galeristes européens plébiscitent son œuvre. Il est d’ailleurs en contrat avec la Galerie Jacques Devos/ Espace Seven à Saint-Germain des près à Paris. Rencontre avec l’homme Fred Ebami.

Fred EBAMI

«L’art pour moi est la dernière arme pacifique difficile à corrompre, un langage ouvert à tout le monde.»

oser InspIrer // cameroun

Crédits photos : Babylon 23

par Louis gilbert Bissek

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a partir de là, mon frère d’art marc alexandre oho Bambe a.k.a capitaine alexandre avec qui j’ai grandit, me pousse dans mes retranchements. il organise une exposition à Lille; dont j’ignorais tout; où je dois exposer pour la première fois. Depuis, je n’arrête pas. c’est également lui qui a édité mes premiers visuels dans un recueil de poèmes: ADN (Afrique Diaspora et Négritude).

Ia: fred ebami est d’origine camerounaise, mais c’est un citoyen du monde. comment vis-tu ce syncrétisme et qu’est-ce que cela apporte à ton art? fred ebami  : mes origines sont au cameroun, mais je n’y suis allé vivre qu’à l’âge de dix ans. Je suis né en France où j’ai longtemps vécu avant de m’exiler en angleterre. ce périple m’a donné une vision plus élargie du monde qui m’entoure, de l’effondrement des barrières culturelles et humaines , et de ma soif d’apprendre (rires).

Ia  : l’art contemporain africain vit une sorte de consécration cette année avec le couronnement du cinéaste mauritanien abderrahmane sissako et de son film Timbuktu aux césars ou encore le lion d’or du sculpteur ghanéen el anatsui à la biennale de venise, qui est l’une des plus prestigieuses manifestations artistiques au monde. comment juges-tu la place de l’art africain sur la scène mondiale et comment envisages-tu ta contribution à son essor et à sa vulgarisation?

fred ebami  : Je pense que l’Art Africain a toujours été prolifique , même en tant que vivrier d’artistes talentueux . malheureusement , je crois que seulement très peu d’artistes étaient recrutés, sponsorisés ou suivis. De nos jours il y a plus d’engouement pour les artistes émergents . c est cool, maintenant tout le monde peut suivre ses rêves...entre parenthèse, l’essor dont on parle c’est plus une génération d’africains qui ont envie de faire partie de l’élite artistique , et plus seulement d’être le “nouveau prodige ” africain, car nous sommes des milliers de prodiges ! et oui, je fais partie de ces artistes d’origine africaine qui veulent leur place au sommet, pour qu’on se rende compte qu’il n’y a pas un art pour l’afrique et un art pour le reste du temps... c’est notre chance de bousculer les idées préconçues. pour cela, je travaille entre autres avec trois jeunes peintres camerounais; omaurice maurice, rodolphe Djoumou et Jean David nkott; et avec un poète et slameur sud africain; paulsaid; que j’associe à des projets, ou à qui je donne des conseils ou j’envoie du matériel...J’adorerai que ces petits poursuivre leurs rêves, comme je le fais ,car ils sont le futur. en espérant que le business soit moins dur pour eux, on se

donne la main pour réussir.Ia  : quels contacts entretiens-tu avec les galeries continentales et avec des manifestations artistiques comme Dak’Art1 ou comme Yango, la toute récente biennale d’art contemporain kinoise?

fred ebami : Je participe assez peu à des évènements sur le continent, mais ma dernière biennale remonte à Dakar en 2012. Je n’ai pas encore eu la chance d’être contacté par d’autres festivals , donc je ne pourrais pas donner mon avis. J’avance juste et si les occasions se présentent , on verra

(rires).

Ia  : Ton œuvre est toujours en phase avec l’actualité, très souvent militante. Te considères-tu comme un artiste engagé? que représente l’art pour toi et quelles sont les limites que tu te fixes?

fred ebami : Je pense être engagé, mais je me sens plus comme un être humain doué d’émotions et avec une envie folle de les partager... L’art pour moi est la dernière arme pacifique difficile à corrompre, un langage ouvert à tout le monde. C’est comme ça! C’était un outil que l’on venait de découvrir , d’où l’impression d’un nouveau buzz . C’est marrant.

Ia : en 2012 tu as réalisé la toile nommée «Hope». que prédis-tu au continent et à sa jeunesse ou du moins, que prédisait cette œuvre au continent?

fred ebami : cette œuvre se veut être un perpétuel rappel à toutes les générations qu’un jour ce sera mieux ...

Crédits photos : Babylon 23

Peinture I Am a Man, 2015

1/ La Biennale de l’Art Africain Contemporain de Dakar existant depuis 1989

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InspIr’sTarTup // cameroun

Kiro’o games a la DecouverTe De l’afrIcan fanTasY

Il est fier de travailler avec une équipe formée en Afrique, son jeu vidéo est l’un des produits africains les plus attendus du moment, mais rien chez Olivier Madiba ne trahit un intérêt prononcé pour la culture. Ce jeune came-rounais de 29 ans n’a connu qu’une activité depuis sa licence en informatique de l’université de Yaoundé: L’au-to-emploi. A la tête de Kiro’o Games depuis 2013, Olivier Madiba a réussi à lever plus de 120 millions de Francs CFA pour réaliser son rêve d’enfant : créer un jeu vidéo. Découverte.

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Inspire afrika : nous sommes dans le premier studio de jeux vidéo construit en afrique centrale…

olivier madiba : oui effectivement, en afrique francophone subsaharienne il en existe en côte d’ivoire et au séné-gal. en afrique centrale nous sommes le premier studio professionnel de création de jeux vidéo. Je dis profes-sionnel car il peut y avoir des jeunes qui le font dans leurs chambres à l’insu du monde, comme nous l’avons fait au départ.

Ia  : D’où vous est venue l’idée de créer un jeu vidéo ?

om  : c’est tout d’abord un rêve de jeune et une passion. J’étais passionné par les jeux vidéo. Je jouais beaucoup mais en même temps je me posais des questions à chaque fois sur pourquoi et comment tel jeu est fait de telle fa-çon. a 17ans j’ai posté un commen-taire sur jeuxvidéos.com, dans lequel je disais que je développerais un jeu vi-déo. et chaque année, je revenais pour dire comment on évoluait. c’est cette abnégation et cette passion qui m’ont conduits à me lancer dans la création de mon premier jeu vidéo. mais je rê-vais également de partir à l’étranger pour travailler dans un studio. mais en 2012, j’ai eu le déclic en lisant un ar-ticle dans lequel on disait qu’il fallait 2 à 5 millions de dollars pour faire un jeu basique. alors je me suis dit qu’avec ce montant ici au cameroun, je monterai une équipe locale de spartiates (rires), qui fonctionnerai comme des studios américains ou européens qui ont des budgets de 200millions de dollars. J’ai alors décidé de faire un jeu d’african fantasy.

Ia  : votre premier jeu s’appelle au-rion l’héritage des kori-odan avec un héros noir et des mythes afri-cains…

om : oui, nous avons pris pour base l’histoire africaine avec ses mythes et ses légendes. nous nous sommes également inspirés de l’ouvrage de mr Dieudonné iyodi sur le flux migratoire des peuples en afrique en général et de celui du peuple Bassa’a1 en particu-lier. L’objectif était de raconter l’histoire de l’implantation d’un peuple à un en-droit donné, tout en rendant le proces-

sus compréhensible par une personne vivant à Tombouctou ou à new-York. il ne s’agit pas seulement de mettre en place des personnages africains parce qu’il s’agit d’un jeu africain  ; il s’agit également de créer des personnages d’horizons différents. par exemple, le maitre d’armes du héros de notre jeu est une femme et à des origines arabe et asiatique. c’est un clin d’œil aux ja-ponais qui nous on fait beaucoup joué dans notre enfance.

Ia  : avez-vous pu nouer des liens avec d’autres studios à travers le monde pour adapter aurion aux dif-férentes consoles qui existent ?

om : aurion sera uni-plateforme, c’est-à-dire sur pc, avec une compatibilité sur XBoX 360, car nous n’avons pas encore assez d’expérience pour por-ter le projet sur les différentes plate-formes de jeux. nous avons noué des liens avec des studios africains, mais nous sommes encore tous dans une phase de démarrage. c’est seulement dans 3, voire 5 ans que nous pourrons nous réunir car aucun d’entre nous n’a les moyens de soutenir les diffé-rentes étapes que nous devons mener. en termes de partenariats, nous sommes surement le premier stu-dio africain qui a pu avoir une re-connaissance mondiale d’un point de vue qualité venant d’un public averti. nous sommes également en pourparlers avec un éditeur basé en France et qui bénéficie d’une grande visibilité pour la distribution à l’interna-tional.

Ia : par rapport à votre expérience, que faut-il pour créer un studio de jeux vidéo en afrique ?

om : Tout d’abord il faut être réaliste. un concepteur a besoin d’une source d’inspiration pour créer des jeux, et doit avoir une idée de la rentabilité de son projet. Les canaux de distribution du jeu sont également à prendre en considération. Dans notre cas, si nous nous étions limités au cameroun, nous ne pourrions pas être rentables. il est primordial d’être capable de faire un jeu seul. Quand je commençais je dessi-nais, et effectuais les bruitages moi-même. cela m’a permis de savoir quoi demander à mon équipe. il faut égale-ment se comparer à ce qui se fait de

meilleur. nous nous comparons aux japonais malgré leur avance. et enfin le dernier paramètre à prendre en consi-dération lors de la création d’un studio de jeux vidéo est l’équipe  : n’hésitez pas à miser sur l’équipe, c’est très im-portant. chez kiro’o par exemple, tous les employés sont actionnaires, ce qui leur procure une grande motivation. ki-ro’o devient ainsi le concept de chacun d’entre nous.

Ia  : comment avez-vous composé cette équipe ? avez-vous pu trouver les compétences sur place malgré le retard technologique que connaît l’afrique ?

om : Le cameroun a la chance d’avoir un vivier intellectuel. Le centre cultu-rel Français de Yaoundé (la capitale, ndlr) rassemble la plus grosse activité culturelle du pays. il est donc possible de trouver le contact d’un dessina-teur ou de toute autre personne ayant des compétences artistiques. De plus Yaoundé a les meilleures écoles infor-matiques de la sous-région. L’universi-té de Yaoundé i et l’institut africain d’in-formatique ont de bons programmes de formation. pendant que j’effectuais mes recherches, la plupart des des-sinateurs était infographes. il faut re-cruter des jeunes qui ont une véritable passion pour l’informatique. et par-fois, il faut les reconvertir, c’est-à-dire convertir leur expérience de dessina-teur sur papier en dessinateur sur or-dinateur. en effet, le défi c’est de des-siner l’environnement en équipe donc être en accord avec celui qui dessine le sol lorsque l’autre dessine un arbre par exemple.

Ia  : et comment en êtes-vous arri-vés à créer votre jeu ?

om : Dans le business plan que nous avons présenté le jeu doit être crée en 18 mois. nous avons pu développer notre propre moteur de jeu dans notre propre logiciel, ce qui est notre plus grande prouesse technique.

Ia  : et concernant votre levée de fonds où en êtes-vous ?

om : La levée de fonds est close. nous avons pu récolter 182.000 euros(120millions francs cFa). La chance que nous avons eue est de disposer

1/ Tribu du Cameroun.

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d’un éditeur tel que plug-in-Digital, qui a d’importants par-tenaires américains. L’argent récolté servira au fonctionne-ment de kiro’o games le temps que le jeu sorte et qu’il y ait les premières mises à jour. nous avons également

Ia  : pourquoi est-ce une chance d’avoir un éditeur tel que plug-In-Digital ?

om : nous estimons que c’est un avantage pour nous de travailler avec cet éditeur parce que nous mettons en avant un nouveau type de collaboration entre la France et le ca-meroun. enfin, avoir un éditeur est toujours un plus pour un studio indépendant2. L’éditeur est en mesure de l’assister durant la campagne de communication pré et post-sortie du jeu, manager les ventes (produire et livrer les DVD du jeu s’ils sont prévus, concevoir des goodies, etc.) nous pen-sons qu’ensemble nous ferons du bon travail et espérons que ce travail portera de précieux fruits.

Ia  : quelles sont les difficultés que vous avez pu ren-contrer lors de la création de votre entreprise ?

om  : Dans la levée de fonds le premier problème était la confiance. nous avons voulu faire du crowdfunding, mais ça n’a pas marché. Lorsqu’on pré-sentait le projet, on passait pour des arnaqueurs car jeu video+africains=suspicions. Je me suis un peu vengé en postant des vidéos sur les forums où on nous traitait d’ar-naqueurs (rires).Je pense que l’article dans le quotidien «Le monde» a été le déclic auprès du public. Le deuxième pro-blème ce sont les promesses. nous en avons eu beaucoup, et nous avons essayé de les gérer avec beaucoup de trans-parence. en décembre 2014, il était prévu que le jeu sorte et nous nous sommes retrouvés à gérer l’inquiétude des actionnaires. nous avons sorti la démo qui a été notre va-tout pour conclure la levée de fonds. ensuite, il fallait faire en sorte que tous les membres de l’équipe puissent s’investir

à fond sans attendre un retour rapide, tout en donnant un profil de carrière à chacun.

Ia : parlez-nous de ces fausses promesses…

om : au lancement officiel du projet en mai 2013, eu égard au parrainage du ministère camerounais des arts et de la culture, des félicitations et compliments de potentiels inves-tisseurs et autres observateurs économiques, nous étions très enthousiastes à l’idée de recevoir aussitôt nos premiers financements. contrairement aux attentes, nous avons ob-tenu plusieurs souscriptions et promesses mais très peu de concrétisations. D’après nos observations, ceci était dû au côté innovant du projet qui rendait les uns et les autres scep-tiques quant à sa faisabilité. néanmoins, grâce à l’envergure médiatique qu’a connu par la suite le projet et les garanties de transparence que nous avions mises en avant à travers notre business plan et notre campagne médiatique, cer-taines souscriptions passées aux oubliettes ont été concré-tisées au cours des autres phases de levée de fonds. nous ne pouvons donc pas affirmer que ces promesses étaient toutes fausses. ce serait de la mauvaise foi de notre part.

Ia  : quel regard portez-vous sur l’univers des entre-prises technologiques en afrique ?

om : De manière général, je suis plutôt optimiste, en obser-vant ce qui se fait au nigéria, au kenya et au ghana dans le domaine du jeu mobile, je remarque qu’il y a une grande avancée. au nigéria par exemple, il existe une plateforme sur laquelle les développeurs peuvent directement poster leur jeu. cependant, il serait intéressant que les studios afri-cains puissent travailler ensemble. aujourd’hui il existe une classe moyenne qui évolue en afrique et qui souhaite que ses enfants puissent avoir des jeux ou des dessins animés produits localement pour leur divertissement.

2/ Les studios indépendants sont des studios de jeu vidéo de petite ou moyenne taille n’ayant pas d’importants budgets de fonctionnement

L ’ équipe de Kiro’c Games en version animée

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Ia : et kiro’o dans 10 ans ?

om : un empire média. Je souhaite que l’on diversifie nos actions dans d’autres domaines. peut-être ça se fera via la boite mère «Madia». Le jeu vidéo c’est assez élitiste ça ne crée pas beaucoup d’emplois mais ça génère des capitaux énormes qui peuvent être utilisés par des personnes visionnaires pour développer d’autres activités plus porteuses.

Ia  : quels conseils pouvez-vous donner à des jeunes qui souhaiteraient se lancer dans la programmation de jeux vidéo?

om : comme je disais il faut s’inspirer des meilleurs, mais il faut savoir que ceux-là n’ont pas forcément fait de longues études en informatique. Je prends l’exemple du créateur de metal gear, hideo kojima. il faut plutôt avoir un esprit très ouvert et être imaginatif afin de faire face aux défis tech-niques que l’on rencontre dans la programmation. il faut également travailler, miser sur ses compétences et être sa propre matière première.

propos recueillis par Ivan nyetam

olivier madiba, Fondateur de kiro’o games

crédits photos: william nsaï

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InspIr’assocIaTIon // sénégal

un nouVeau souFFLe Pour Le cinema sÉnÉgaLais

Bonjour la team cinéwax ! comment vous est venue l’idée de créer des cinéclubs au sénégal ?

marion : cinéwax a été créé par Jean Fall, qui est un jeune franco-sénégalais cinéphile et très attaché à son pays (rires). au cours de ses multiples voyages au sénégal, il a été frap-pé par l’absence des salles de cinéma, rendant l’accès à la culture cinématographique quasiment impossible pour les jeunes. parallèlement, il a aussi constaté que les quartiers au sénégal étaient de véritables lieux de cohésion, voire d’ap-partenance. De là lui est venu l’idée de créer un cinéclub de quartier qui permettrait aux gens de se réunir de consom-mer le cinéma.

mais cinéwax ne propose pas que du contenu ciné-matographique… en quoi s’agit-il d’un cinéclub « in-novant et solidaire ? »

marie-France : cinéwax n’est pas qu’un lieu de cinéma. nous voulons aussi en faire un lieu de vie et de culture, mais aussi un lieu pédagogique.en marge des salles de cinéclub, les membres auront à leur disposition un espace de coworking, un cybercafé et une bibliothèque. nous comptons aussi mettre en place des ateliers pour les enfants. nous souhaitons faire tout ceci en impliquant les jeunes de chaque quartier. Des cinémas de quartier gérés par les habitants du quartier en somme.

De nombreux pays en Afrique souffrent d’un manque d’infrastructures lié au cinéma. Le Sé-négal n’est pas en reste. Le pays compte aujourd’hui moins de 5 salles de cinémas1 , contre une centaine dans les années 60. Né en Novembre 2014, le projet Cinéwax compte répondre à ce problème en créant non pas des salles de cinémas, mais des cinéclubs dans plusieurs quartiers du pays, en commençant par la ville de Dakar. Un réseau solidaire et innovant, qui permettra aussi de réaliser un pont culturel entre les pays, à travers le cinéma et la culture en général. Tout ceci pour la modique somme de 500 francs (0,76 centimes d’euros). C’est dans la bonne humeur que nous avons rencontré Jean, Marion, Marie-France, Dulcie, Corentin et Grégoire, quelques membres de l’association qui ont bien voulu répondre à nos questions.

1/ Cinéwax.org

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marion : L’objectif est vraiment de redynamiser la vie de quartier. nos cinéclubs seront de véritables lieux de ren-contre. se retrouver avant ou après une séance pour en dis-cuter c’est toujours plus convivial. par ailleurs, les cinéclubs seront aussi un espace d’expression pour certains artistes qui pourront y promouvoir leur art.il s’agit de créer tout un écosystème autour du cinéma.

corentin : cinéwax c’est aussi une dynamique écono-mique au-delà de la dynamique culturelle. comme l’a men-tionné marie – France, nous faisons intervenir des jeunes de quartier dans la gestion des cinéclubs. nous créons donc des emplois. il en sera de même pour les artisans (ceux qui vont fabriquer notre mobilier par exemple). ou encore des cuisinières qui vendront leurs produits à la cantine.

Jean : pour finir, nous sommes entrain de développer un intranet et une plateforme interactive en ligne en partenariat avec 3 élèves de l’eTna. ces supports nous permettront de gérer nos salariés, mais aussi les membres des cinéclubs. ils auront accès en ligne à tous nos services (compte person-nel, planning des séances, réservation, etc.). nous comp-tons aussi réaliser une carte en ligne avec google maps, qui identifiera tous les cinéclubs cinéwax, ainsi que tous les lieux culturels dans le pays.un autre aspect dont on a peu parlé, c’est vraiment l’am-bition de créer un réseau de professionnels du cinéma. on s’est aperçu qu’il existe une multitude d’acteurs dans le domaine du cinéma au sénégal (réalisateurs, producteurs, scénaristes, professeurs, etc.) mais chacun agit un peu dans son coin. nos cinéclubs seront l’occasion de les réunir.il s’agit donc d’un projet totalement innovant, avec de mul-tiples facettes !

dans des pays comme le cameroun le piratage (entre autres) a tué le cinéma. comment pouvez-vous être sûrs que les gens iront voir des films dans vos cinéclubs au lieu d’acheter des versions de films piratées ?

Jean : Ce n’est pas le piratage qui a tué le cinéma. C’est plutôt le manque de soutien de la part de l’Etat. Les salles de cinéma ont progressivement été vendues à des opérateurs privés. par ailleurs, de toutes façons, si il n’y a pas de programmation, il n’y a pas d’offre, et donc pas de public. Les gens aiment bien le cinéma, mais si on ne leur propose pas de films ils ne vont pas y aller. Bien sûr le pira-tage ne favorise pas une bonne éclosion du cinéma. mais pour avoir fait quelques projections ici, les gens sont prêts à mettre un certain prix pour aller voir un film sur grand écran.en réalité, le vrai problème au sénégal et dans ce secteur, c’est l’absence de communication. personne n’est au cou-rant de ce qui se passe, personne ne connaît les program-mations. Des collectifs comme ciné banlieue, ciné mascotte ou plan B sont totalement inconnus. c’est grave !

Quand est ce que le premier cinéclub au sénégal va officiellement ouvrir ?

marion : Vers la rentrée 2015 si tout se passe bien. au dé-but, nous souhaitions ouvrir notre premier cinéclub à la fin du mois de Février. De nombreux aléas et les difficultés sur le terrain ont rendu la tâche plus ardue.Jean : plutôt que de construire une salle, nous allons en louer une, car la construction nous coûterait extrêmement cher.

Jean Dulcie corentin

marie-France grégoire marion

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or quand il s’agit de louer un lieu, il vaut mieux prendre son temps pour choisir la bonne salle. ce qui prend du temps c’est de trouver les bons interlocuteurs avec lesquels on pourrait négocier (mairies, chefs de quartier, etc.)en attendant, nous programmons régulièrement des pro-jections avec des écoles, notamment avec sup ‘imax, qui dispose de locaux adaptés.

sur quoi vous basez-vous pour la sélection des films que vous proposez?

marie-France : au sénégal, nous jouons beaucoup sur la diversité. nous programmons des films des 4 coins du monde : chili, Turquie, colombie, France, etc. nous atta-chons aussi de l’importance à l’histoire du cinéma, dans le but de faire connaître cette discipline et de la montrer sous un autre angle. nous sommes notamment en partenariat avec Les Films du Jeudi2 qui nous permet de diffuser des films anciens. nous mettons aussi en avant les films de col-lectifs.a paris par contre, on reste dans la thématique de l’afrique et on montre des films peu diffusés en France. on s’attelle aussi à mettre en avant des jeunes talents qui ont fait des films en afrique.

Jean : nous proposons aussi nos coups de cœur à la dif-fusion. en fonction de leur sensibilité, chaque membre de l’équipe propose un film qui l’a marqué, on en discute et on décide dans quelle mesure on le programme.dulcie : nous prévoyons aussi une offre pour les enfants, car il n’existe pas vraiment de contenu pour eux ici.comment communiquez-vous sur place pour faire connaître le concept ? Jean : nous effectuons énormément d’activités « hors les murs » pour nous faire connaître. comme on le disait, les gens sont déshabitués au cinéma. ils n’ont plus accès aux contenus disponibles. il faut donc aller vers eux.parfois nous organisons aussi des projections dans la rue. nous nous allions avec des partenaires institutionnels pour avoir des films locaux aussi. on passe aussi par les médias. nous sommes notamment partenaires avec Vibe radio qui cartonne au sénégal, ou encore avec afrosteam. on essaie d’être partout.

Qu’est ce qui a été le plus compliqué à mettre en place dans la construction de ce projet ? (Jean, marion, dul-cie)

dulcie : Je pense que le plus compliqué reste de gérer 2 ré-alités différentes (sénégal vs. France). il faut gérer les délais, le timing. en étant en France nous étions persuadés de pou-voir ouvrir une salle en Février. une fois sur le terrain, nous avons compris que cela allait être quasiment impossible.

Jean : pour compléter ce que Dulcie dit, je dirais que le plus compliqué à mettre en place c’est l’organisation. Que ce soit l’organisation sur le terrain que l’organisation interne. nous ne nous rémunérons pas, et chacun a des activités. parfois, on n’a pas toujours le temps de se voir. mais avec de la per-sévérance et de la méthode on y arrive.

comment vous y êtes-vous pris pour le financement ? Faut-il toujours attendre d’avoir tous les fonds pour se lancer ?

Jean : Avant le financement, le plus important c’est le temps que les gens peuvent ou veulent bien accor-der à votre projet qui compte. sans le temps accordé par tous les membres de l’équipe qui sont là (et je vous en remercie encore), nous n’aurions pas pu mettre en place le projet.L’argent devient une barrière à partir d’un certain niveau. notre activité nécessite en effet beaucoup d’argent, car il faut systématiquement payer les droits de diffusion et ça coûte très cher. notre salle aussi a un certain coût. grâce à notre campagne de financement participatif sur kisskiss bankbank, nous avons pu nous procurer du matériel. ce qui va nous permettre de lancer l’activité très rapidement. en marge de cela, nous montons aussi des dossiers de sub-vention, et nous invitons tous ceux qui nous encouragent à faire des dons.

Comment vous y prenez-vous pour négocier et payer les droits de diffusion ?

marion : c’est du cas par cas. parfois nous négocions avec les auteurs directement, parfois avec des boîtes de produc-tion.

Jean : pour les films internationaux du type productions Disney par exemple, les prix sont déjà fixes, et il est impos-sible de négocier. nous contactons aussi bien les maisons de productions indépendantes que les grosses maisons de production.en tant qu’association, nous avons un statut particulier dans la profession : nous ne sommes pas des exploitants (comme mk3 par exemple), encore moins des distributeurs ou des producteurs. De fait, en tant qu’acteur privé qui souhaite dif-fuser des films, nous sommes limités par le droit français. en effet, puisqu’il s’agit de productions non commerciales, nous n’avons pas le droit de faire plus de 6 projections payantes par an. c’est un peu notre problématique au quotidien. on essaie de discuter avec les producteurs et distributeurs pour voir comment contourner le problème.

doit-on s’attendre à une extension de cinéwax dans d’autres pays d’afrique ?

Jean : oui tout à fait ! nous avons déjà été contactés par des personnes originaires d’autres pays d’afrique de l’ouest, pour monter des partenariats. Beaucoup de gens nous demandent si nous comptons nous installer dans d’autres pays. cela prouve qu’il y’a véritablement un besoin.

marion : c’est une autre manière de consommer le cinéma qui est peut-être plus adaptée au besoin sur le terrain. a mon sens, le cinéma assis tout seul dans le noir, est un concept purement occidental. Donc nous songeons clairement à étendre le concept à toute l’afrique de l’ouest d’ici 5 ans.

2/ Boîte de production créée par Pierre Braunberger, producteur et exploitant indépendant français. La société possède un grand catalogue de films indépendants réalisés entre les années 20 et 20153/ Chaîne de cinémas en France

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InspIr’eco

ET SI LES INDUSTRIES CULTURELLES AFRICAINES DEVENAIENT RENTABLES?

sTrucTuraTion de L’indusTrie cinÉmaTograPhiQue

Dans les années 70; au lendemain des indépendances; les états africains ont confiance en leur créativité. Deux cas illustrent à suffisance les illusions perdues d’un sec-teur clef de la culture. au cameroun, le gouvernement crée le fond de développement de l’industrie cinéma-tographique en 1973. Le but de la structure est alors d’encourager la production et la consommation ciné-matographique dans le pays. plus de 30 ans plus tard, le fond de développement de l’industrie cinématogra-phique a laissé place au fond de soutien à la culture. ce dernier n’est doté que de 1,5million d’euros par an qui

sont partagés entre la musique et le cinémaune goutte d’eau comparé au puissant voisin; le ni-géria; qui ne cesse de prouver qu’investir dans les industries culturelles est un moyen sûr de croissance économique. ainsi, en 1979 est mis sur pied le Nige-rian Film Corporation dont l’objectif était de développer l’industrie cinématographique. aujourd’hui, la structure a largement atteint ses objectifs. avec plus de 430 mil-lions d’euros de revenus annuels, nollywood produit plus de 2000 films par an, emploie plus d’un million de personnes et est le deuxième producteur mondial de films derrière Bollywood et devant hollywood. mais en dépit de perspectives aussi alléchantes pour l’écono-mie du nigéria, l’etat semble se désengager peu à peu

Il est difficile de savoir exactement quels sont les revenus générés par les industries culturelles et créatives en Afrique. Pour ne parler que du secteur musical, même si les cachets de célèbres chan-teurs comme DJ Arafat ou le duo P-Square oscillent entre 15 000 et 115 000 euros par spectacles, pour la grande majorité c’est la disette. Le droit d’auteur reste dans beaucoup de pays une question sensible, quand elle n’est pas carrément foulée aux pieds. D’autres arts comme le Cinéma, la Pein-ture ou la Sculpture, peinent à être rentable ou ne sont tout simplement pas sponsorisés. Pourtant les idées ne manquent pas.

crédits photos: fespaco.bf

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par chrys nyetam

de la formidable mécanique cinémato-graphique qu’est devenue nollywood. contrairement au cameroun où malgré les allocations de l’etat au secteur, l’in-dustrie peine à décoller. Le Burkina Faso a lui aussi choisi d’in-vestir dans le secteur. en effet, ce pays de plus de 16 millions d’habitants abrite la capitale du cinéma africain, ouaga-dougou. Bien que le budget alloué à la culture ne se chiffre qu’à 76000 euros/an2 , le ministère de la culture a la tu-telle sur la création cinématographique. et les réalisateurs ne manquent pas! Lors du Fespaco3 2013, près d’une centaine de réalisateurs burkinabés avaient présenté leurs candida-tures, mais un seul a été sélec-tionné. preuve que la frénésie créative locale n’est pas altérée par les obsta-cles pécuniaires. mais le chemin est encore long pour marcher sur les traces du pays de madiba. ici, le gouvernement sud-africain ac-compagne le cinéma depuis 1997 à travers la national Film and Video foundation qui a un budget de 4 millions d’euros par an. et les ré-sultats sont probants! moins de 20 ans après cette réforme, l’industrie cinéma-tographique sud-africaine produit 271 films/an et emploie plus de 30000 per-sonnes.

encourager La consommaTion

promouvoir la culture c’est également s’adapter. avec le taux de pénétra-tion du mobile qui atteindra 79%4 en afrique subsaharienne et le taux de pénétration de la 3g qui devrait croi-tre de 46% en 2016, les habitudes de consommations vont évoluées. a l’ins-tar du kenya qui a réussi à faire pas-ser 30% de son piB par le mobile, les réalisateurs de films devraient trouver

le moyen de rendre leurs produits plus accessibles. Le nigéria - qui a antici-pé le changement des temps – a ré-volutionné la commercialisation de ses films à travers l’émergence de plate-formes comme IrokoTv. cette entre-prise créée en 2010 par Jason njoku, est l’illustration que la rentabilité passe surtout par une bonne compréhension des attentes des consommateurs. avec plus de quatre million d’abonnés en 2015, irokoTv est Le répertoire des films nigérians et ghanéens. même si irokoTv doit une partie de son succès à une diaspora insatiable de contenus africains, il reste un exemple à suivre.

en afrique francophone, internet; dont la difficulté d’accès en fait encore au-jourd’hui un produit de luxe; reste l’ultime divertissement face à l’extinc-tion progressive des salles de ciné-ma. Le sénégal qui comptait plus de 100 salles de cinéma en 1980 n’en a plus aucune aujourd’hui ; idem pour le Bénin ou encore le cameroun, qui en comptait encore 80 en 1987. seule la côte d’ivoire arrive à sortir la tête de l’eau avec 4 salles de cinéma à abidjan dont 2 au majestic hotel ivoire et une à la fontaine sococé. Du côté anglo-phone, l’afrique du sud marque sa différence dans le domaine avec près de 734 écrans en 2009 dans le pays, contre 640 en 1999. au nigéria, Lagos comptent 6 multiplexes dotés chacun de 30 salles de cinémas en moyenne, tandis qu’abuja comptent 25 salles de

cinéma. ce gap entre les nations afri-caines éloigne malheureusement les populations des pays sinistrés en la matière d’un idéal cinématographique rentable culturellement et économique-ment.

cÉLÉBrer L’arT aFricain

même si le Burkina Faso ne possède que 12 salles de cinéma, il donne le ton à l’industrie. en effet, ouagadougou a récemment hébergé la 24ème édition du Fespaco. cette cérémonie; dé-sormais incontournable sur le conti-nent; a un budget annuel de 763.000

euros (500millions de Francs cFa). et les Burkinabés ne s’arrêtent pas là! ils organisent également les Kundé d’Or, ré-compenses de la musique afri-caine dont le coût de l’organisation s’élève à 152.000 euros environ par an (100 millions de FcFa). Dans le même temps, des organisations bien établies comme les kora awar-ds, organisés par ernest adjovie semblent perdre

de leur superbe. en 2012, l’état ivoirien avait louablement soutenu l’initiative à hauteur d’1 milliard de FcFa. malgré ce coup de pouce, les places pour assis-ter à la cérémonie coutaient au moins 50000 FcFa, une fortune dans un pays où le salaire minimum interprofession-nel garanti (s.m.i.g)5 était à 36.607 Francs cFa. Davantage de mécènes sont donc souhaitables dans le secteur des in-dustries culturelles africaines où tant de choses sont possibles. gageons sur la profusion des initiatives à venir...

1/ Banque Mondiale 2/ RFI 3/ Festival Panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou 4/ Etudes Frost et Sullivan 5/ Il a été revalorisé en 2013 à 60.000 Francs CFA

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pensées // républIque Du congo

Avec plus de quinze années d’expérience à son actif, Robert Brazza est surement l’animateur radio et le présentateur télé le plus populaire d’Afrique Francophone. A travers Africa Song (sur Africa numéro 1) et l’émission + D’Afrique sur la chaîne Canal+, Robert Brazza met tout en œuvre pour montrer une image moderne de l’Afrique. Cet observateur averti de la scène culturelle africaine a accepté de partager avec nous son point de vue sur ce secteur dont le consommateur ignore par-fois les réalités. Sans langue de bois, Mr Brazza nous dit tout.

ROBERT BRAZZA

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sandra Tshiyombo

Inspire afrika  : quelle est votre opinion sur la commercialisation de la culture africaine en générale et la musique africaine en particulier ?

robert brazza  : parler d’une culture africaine est déjà, à mon sens, une erreur. il existe et j’en suis convaincu, Des cultures africaines. elles sont multiples tant par leurs différents aspects et disciplines que par les nombreux terreaux où elles éclosent. J’associe également à cet ensemble tous ces créateurs qui incarnent et portent l’afrique et son héritage à travers le monde. Tant les afro-caribéens, africains-américains que ceux issus de la «  herencia africana  1». Le défi réside pour tous dans le fait qu’il nous faut promouvoir cet élément essentiel qu’est la culture en utilisant avec la même énergie et la même dynamique que l’occident, les techniques et autres stratégies de communication marketing dont il se sert. en particulier dans le secteur de la musique. pourquoi des artistes comme snoop Dogg, pharrell williams ou nikki minaj voient-ils leur musique caracoler en tête de certains charts et être téléchargée légalement en afrique, dans les mêmes délais que sur leur territoire de base, autrement dit les etats-unis et l’europe  ? Tout simplement parce que l’événement créé par leur mise en avant permet aux mélomanes de s’approprier leurs chansons sans aucun effort. La clé est dans l’accessibilité. a nous de porter angélique kidjo, annie-Flore Batchiellilys ou so kalmery avec la même fierté que nous le faisons pour les récents opus et tournées de Béyoncé ou stromaë. Donnons à nos créateurs, dans des proportions correctes et respectueuses, la même visibilité dont bénéficient ces stars qualifiées « d’incontournables ».

Ia  : comment expliquez-vous la domination de la musique nigériane aujourd’hui? pourquoi s’exporte-t-elle mieux que les autres ?

rb  : Le phénomène couramment appelé « naïja » a justement trouvé ses ressources dans la méthode de mise en avant que j’ai évoquée précédemment. si tout le monde chantonne les refrains de p-square, Flavour, J-martins ou celui du collectif mavins, c’est bien parce que les chaînes spécialisées les

ROBERT BRAZZA

passent en bouclent. Je dirais même jusqu’à l’overdose. Les voix traitées au logiciel «  auto-tune  » sont tellement omniprésentes que l’on commence à trouver étrange le fait qu’un artiste ne s’en serve pas! Je rappelle à ceux qui y voient le salut ultime que T-pain et les autres adeptes du genre outre-atlantique effectuent le chemin inverse. mais ne versons pas dans le pessimisme. Le succès récent de la sénégalaise marema ou de la camerounaise charlotte Dipanda nous laisse présager de belles surprises dans les mois et années à venir.

Ia  : a travers africa song vous nous faites découvrir des artistes de tout âge : qu’est-ce qui différencie la jeune génération de la précédente ?

rb  : a vrai dire pas grand-chose. L’envie est la même  : faire partager leur art avec le plus grand nombre. il y a le même enthousiasme chez un artiste de renommée internationale comme ray Lema que chez un talent grandissant comme régis kole. mais pour revenir sur le terme «  génération  », bien malin est celui qui pourra me dire quelle est celle de Lokua kanza! Les chanteurs ou musiciens originaires du continent et de sa diaspora ont aussi très vite compris qu’ils avaient à faire à des personnes de tous âges, sexes, catégories sociales etc…dont le but est le même  : prendre du plaisir à écouter une belle chanson ou danser dessus. Quand manu Dibango conquiert l’amérique au début des

années 70 avec « soul makossa 2», il a déjà dans sa besace une vision, une démarche artistique et une expérience solide. nous sommes en 2015 et il se produit encore devant des milliers de personnes dont des jeunes loups qui s’inspirent de son style. preuve supplémentaire  : Youssou ndour côtoie pape Diouf et papa wemba se classe dans les mêmes hit-parades que Fally ipupa.

Ia : Dans certains pays francophone, très peu d’artistes (musiciens, acteurs, producteurs, etc..) arrivent à vivre de leur métier. pourquoi ?

rb: si dans ces pays l’imaginaire collectif s’alimente très fréquemment des appels à l’aide d’artistes sans le sous, il serait illusoire de penser que tout est rose chez nos frères anglophones. Loin de là! simplement au nigéria ou au ghana par exemple, l’image des artistes et leur rapport aux « producteurs-mécènes » est très proche de celle véhiculée aux usa ou en angleterre. on brille de mille feux avec des voitures clinquantes sans afficher l’arrière-boutique… il faut aussi rappeler que les mots « métier » et « artiste » dans l’univers francophone sont à compléter, au moindre revers commercial, par les termes «  voyou  » ou «  raté  ». comment dès lors être surpris par le mépris dont sont victimes ceux et celles qui ont connu des déboires passagers et que l’on « condamne » au statut quasi-irréversible de «  has-been  »? cela ne va pas plaire à ses fans, mais même Britney spears est tombée avant de revenir avec une des tournées les plus lucratives de l’histoire. encore faudrait-il que les métiers qui encadrent les artistes soient mieux valorisés et appréciés à leur juste valeur par les artistes. Ia : le domaine de la culture est-il assez structuré sur le continent ? rb  : pas assez à mon sens. il faut permettre aux créateurs qui se lancent, tout comme à ceux qui ont déjà quelques années de pratique, de trouver plus d’espaces d’expression. cela vaut pour les programmes

Robert Brazza dans les studio d’Africa NO1

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télé, radio mais aussi pour les salles de concerts, hall d’exposition et salles de cinéma. Les spectacles vivants connaissent les mêmes difficultés que les supports visuels ou sonores. en d’autres termes, une réflexion d’ensemble s’impose. gouvernants, professionnels des métiers de la culture, médias et aussi le public doivent pouvoir proposer des solutions. pourquoi pas en organisant des états généraux avec un nombre de représentants issus de ces catégories? car je ne crois pas en un boycott de telle ou telle œuvre «  non-nationale  » pour relancer un marché intérieur (comme en guinée conakry ou en république Démocratique du congo). notamment si ce dernier est déjà peu ambitieux sur ses propres potentialités.

Ia : en 2004 vous exprimiez un ras-le-bol vis –à vis de certaines maisons de disque qui ne jugeaient pas nécessaire d’envoyer leurs œuvres à des radios comme africa n°1. est-ce que les choses ont changé depuis ?

rb  : D’un côté oui car il faut vendre et donc se faire entendre par le plus grand nombre. crise de l’industrie oblige, le nombre de labels et maison de disques a chuté et la puissance de vente a été sévèrement touchée. on se consolera tout de même avec le téléchargement de la musique en ligne… mais ce qui continue d’alimenter cette triste réalité est une autre raison encore plus simple : Quand un artiste est son propre producteur et ne dispose pas d’un fichier ou d’un listing presse, il ne sait pas par où commencer. Bien qu’internet permette aux gens de trouver des adresses via les réseaux sociaux, on arrive encore à trouver des œuvres en allant au restaurant ou au salon de coiffure… Les responsables de ces lieux nous apprenant que l’auteur est venu en personne le leur offrir! mes confrères et moi sommes ravis pour eux ! (rires)

Ia : la musique africaine a-t-elle su trouver et assumer ses codes pour mieux se faire accepter ?

rb : comme pour toute autre musique, on veut lui dicter une ligne de conduite basée sur des paramètres ou codes

que je qualifie parfois de fantasmes! en quoi le citoyen vivant à Douala trouverait-il révolutionnaire le «  booty-shake » de shakira? pour rappel, c’est elle qui a samplé le zangalewa lors du mondial 2010. La force de la culture musicale continentale, à l’heure où nous parlons, c’est qu’elle a pleinement conscience, à travers ses arrangeurs et ses réalisateurs de clips, que le monde a besoin de se renouveler en matière de rythmes, d’arrangements, de réalisation visuelle et même de chorégraphies. si l’on a assisté au phénomène du «  Back to roots  » dans les années 70 et 80, on peut

sans hésiter dire qu’il revient en force. avez-vous écouté le titre de J-cole & Trey songz «  can’t get enough  » qui reprend le succès « paulette » de Balla & ses Balladins? ou encore le récent «  Let the groove get in  » de Justin Timberlake où Timbaland puise dans le terroir Burkinabé ? Les exemples sont légions et doivent nous conforter dans le fait que l’afrique est La nouvelle frontière. il faut le crier haut et fort. Pas à travers des postures mais à travers la création.

Ia : on observe que des stars telles qu’akon ou r.kelly s’intéressent à des chanteurs africains. est-ce juste un phénomène de mode ?

rb : ce n’est pas une « mode », c’est une stratégie très bien préparée. mais la donne est différente pour les deux artistes que vous avez cités. akon est d’abord et avant tout alliaune Thiam, né à saint-Louis et, ce n’est pas rien. il est le fils du grand percussionniste mor Thiam. son désir de maintenir le lien affectif et professionnel avec la terre de ses pères s’explique parfaitement. Quand nous nous croisons, akon et

moi passons le plus clair de notre temps à nous charrier en langue wolof (rires)! r.kelly, dans la foulée de sa participation au mondial en afrique du sud, a eu à produire cet hymne « hands across the world » dans lequel 2Face idibia, Fally ou navio ont posé leurs voix. mais cela fait cinq ans… J’attends maintenant de voir si son label rockland poursuivra dans cette voie.

Ia  : la musique africaine se développe mais elle n’est pas/plus reconnue par les habitants eux-mêmes. les récompenses de la musique africaine les plus célèbres

aujourd’hui (les mTv music awards et les Trace africa awards) sont faites par des chaines étrangères  et les kora awards, ont presque disparu. pourquoi ?

rb  : Les organisateurs de ces événements ont certes le mérite de les avoir initiés mais passé le côté ponctuel, à savoir une soirée conviant un parterre de personnalités et autres vedettes, il reste à savoir comment certains choix peuvent être justifiés. De plus, comment des

stations comme Trace ou mTV se feraient-elles abstraction des labels et producteurs qui les alimentent toute l’année  ? sait-on comment le jury porte son choix sur un artiste et, plus important, sur quels critères? sans vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain (car Barbara kanam de la rDc, stanlux du Togo ou sessime du Bénin ont été découverts grâce à ces awards), il faut revoir sa copie. Les catégories doivent être affinées, les promoteurs moins « conditionnés » par les pays-hôtes et le public plus ouvert et exigeant. mais cela, nous nous le devons également en tant qu’hommes et femmes de culture, de communication et de média. J’essaie de le faire avec autant de rigueur que possible à travers les programmes dont j’ai la charge depuis quinze ans sur la radio africa n°1 et sur canal+ avec « +D’Afrique » qui entamera sa sixième saison en septembre prochain. soyez au rendez-vous !

propos recueillis par chrys nyetam

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4 quesTIons À... // republIque Du congo

4

KUSOMA GROUPlIre DIfféremmenT

Entrepreneur social, auteur, coach en développement personnel, Ibuka Gédéon Ndjoli, dit « Mar-cus Da Writer » est ce qu’on appelle un hyperactif. En fait, tout son parcours a été marqué par la diversité. Né à Brazzaville, il grandit entre la côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud. Il fait ses études entre la Belgique et le Sénégal, et voyage aujourd’hui sur le continent pour transmettre ce qu’il a appris. En faisant de l’écriture son cheval de bataille Ibuka nous montre qu’il croit en une Afrique qui lit...sur la toile…

ibuka gédéon ndjoli

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bonjour Ibuka, peux tu nous expliquer comment tu t’es retrouvé dans l’entrepreneuriat ?

on peut dire que mon aventure entrepreneuriale commence en côte d’ivoire, où j’ai vécu une partie de mon enfance. au moment des troubles, nous avons dû quitter le pays, et j’ai dû passer presque 6 ans sans aller à l’école. c’est pendant cette période que j’ai commencé à lire, et que je me suis découvert une véritable passion pour l’écriture.après le bac, je décide de faire un double parcours, et de m’orienter vers le droit et l’informatique. ce sont les débuts du printemps arabe, et au regard de l’actualité intense et de la léthargie d’une partie de la jeunesse africaine, j’éprouve le besoin d’écrire un article sur le sujet. par la force des choses, l’article deviendra un livre1, publié en France par mon petit editeur.

une fois de retour au sénégal, j’ai voulu rendre le livre accessible à tous, mais surtout aux jeunes, car finalement il leur était destiné. malheureusement, je n’ai reçu aucun soutien sur ce plan là, alors que j’avais frappé à toutes les portes. Je décide donc de prendre les choses en mains, en cherchant des solutions pour faciliter l’accès des auteurs aux maisons d’édition africaines.J’ai commencé par créer Da promoter agency, une agence qui faisait la promotion des jeunes talents et entrepreneurs. Je ne me suis pas cantonné à l’écriture. L’objectif derrière Da promoter agency était de promouvoir des jeunes issus de plusieurs univers (mode, chant, sport, etc.)

après avoir connu d’autres désillusions, je décide de créer une deuxième agence (les littérateurs, ndlr) qui elle était en charge d’accompagner les nouveaux auteurs _du processus d’écriture à la publication de leurs œuvres _ et de leur permettre d’être mieux armés pour aller à la conquête de leur public.

en parallèle, j’ai continué à écrire en m’autoéditant. mes livres ayant pour la plupart été bien accueillis, je décide de créer kusoma group (qui sera disponible à la fin du mois de Juin, ndlr), un éditeur numérique, toujours dans l’idée de faciliter la vie aux auteurs sur le continent.

as-tu pour ambition de concurrencer les maisons d’édition traditionnelles ?

pas vraiment. Déjà, il faut savoir une chose  : si les gens lisent peu en afrique, ce n’est pas par manque de volonté. c’est tout simplement parce que les livres y sont soit plutôt couteux, soit difficilement accessibles. avant de me lancer dans kusoma, j’ai pris le soin de mener une étude, notamment auprès des jeunes. Je voulais savoir si ils lisent, comment ils lisent, pourquoi ils n’achètent pas de livres, etc. et ce qui m’a frappé, c’est que près la grande majorité d’entre eux lisent sur leurs ordinateurs ou leurs smartphones, notamment grâce à la démocratisation des réseaux sociaux. un exemple marquant, c’est le succès des chroniques écrites sur Facebook 2 auprès de ces jeunes. ils sont prêts à lire, mais il faudrait mettre des livres à leur disposition.aujourd’hui, nous nous positionnons comme des

partenaires des maisons d’édition locales. nous leur proposons une alternative pour atteindre cette cible jeune. La plupart d’entre elles ont du mal à écouler leurs stocks et ne font pas de chiffre. il faudrait que ça change. si on arrivait à rendre les livres plus accessibles, les maisons d’éditions vendraient plus et réussiraient à augmenter leurs revenus.il s’agit donc de jouer sur les deux terrains : produire des livres en version papier, mais aussi des livres numériques, pour donner le choix aux consommateurs.

l’édition est un secteur fragile en afrique. De plus, le phénomène de livres numériques est encore tout nouveau sur le continent. n’est ce pas un peu casse gueule de s’aventurer sur ce terrain ?

pas du tout. ce projet n’a pas été lancé par hasard. avant de me jeter à l’eau, j’ai testé le concept en me servant de mes propres livres, qui ont été édités en version papier et en version numérique. en ce qui concerne le dernier livre, nous en sommes à 700 exemplaires vendus uniquement sur la ville de Dakar (sénégal) en 3 mois, sans avoir fait de promotion. Je reçois des demandes de personnes en rDc ou encore au gabon, qui me demandent le livre et qui sont prêts à le recevoir en version numérique. ce sont ces retours qui m’ont fait comprendre que le numérique en afrique est un marché à explorer.Beaucoup de jeunes utilisent des smartphones aujourd’hui. si on leur donne la possibilité de lire des œuvres africaines, sur ces supports, ils vont le faire. il suffit de créer du contenu.

concrètement, comment fonctionne kusoma?

De prime abord, kusoma est un groupe composé en 3 parties  : une partie édition, une partie librairie, et une bibliothèque en ligne, où il possible de s’abonner mensuellement.nous allons aussi mettre en place une application mobile, mais sur cette dernière, seuls les livres édités par kusoma seront disponibles sur l’application. Le site est actuellement en version bêta.

nous souhaitons donner la possibilité aux africains de consommer les livres en même temps que les autres. un livre qui sort en europe met environ 7 mois avant d’être disponible sur le marché africain. nous voulons rééquilibrer les choses. même si la consommation ne se fait pas sur les mêmes supports, elle sera au moins uniforme. D’où l’intérêt de tisser des partenariats avec les maisons d’éditions qui publient les œuvre d’auteurs africains.

«si les gens lisent peu en afrique, ce n’est pas par manque de volonté. c’est tout

simplement parce que les livres y sont soit plutôt couteux, soit difficilement

accessibles.»

propos recueillis par joan Yombo

1/ Ibuka Gédéon Ndjoli, La jeunesse africaine a une voix, Mon petit éditeur, Mon Petit Edité, 2011, 90p.2/ Il en a lui même écrit plusieurs : Papa malgré moi, Journal d’un ex gamer et séducteur, et jusqu’au bout du rêve

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foculTure // cÔTe D’IvoIre

gasoiL1 du Vendredi À aBidJan

Les abidjanais ont le don de créer ou de préparer à leur sauce toute sorte de divertissement. Que ce soit la parodie d’une série télévisée indienne trop longtemps diffusée, la création massive de nouveaux concepts, ou encore la prise d’assaut des réseaux sociaux, cette jeu-nesse dynamique n’a pas le temps de s’ennuyer, encore moins la nuit. Dans la capitale, on ne sort pas, on gaze ! Quel bon vivant ivoirien ne connait pas l’expression « Abidjan est le plus doux au monde » ? Mise en avant par un groupe populaire de Zouglou2 et repris par toute une génération de « gazeurs » comme on les appelle chez nous, cette phrase illustre bien l’ambiance des nuits abidjanaises. Décryptage.

un maquis à Abidjan - Crédit photo : courrier international

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1/ Gasoil /gazeurs : Virée nocturne/ hommes de la nuit2/ Genre musical populaire et urbain né en Côte d’Ivoire. Il relate les réalités sociales vécues par la jeunesse ivoirienne et porte tantôt des messages humoristiques, tantôt des messages politiques, ou bien, plus souvent, délivre des conseils sur la vie. Porté à l’échelle internatio-nale par le groupe Magic System, le Zouglou est également connu sous le nom de wôyô et lorsqu’il est pratiqué en acoustique ou en live.3/ Au départ petits restaurants de quartiers populaires, les maquis véritables lieux d’échanges et de rencontres attirent dorénavant toutes les couches sociales et pullulent dans toute la ville d’Abidjan.4/ Source Agence Ecofin5/PIB ivoirien 2014 : 35 milliards de dollars US6/ Mot du jargon ivoirien désignant une personne qui de part son apparence et ses manières paraît aisée7/ Mot du jargon ivoirien désignant les voleurs. Dans le contexte de l’article, ceux là ont à leur actif le vol pour financer leurs virées noc-turnes.8/ Signifie fille/femme/petite amie selon le contexte dans le jargon ivoirien9/ Couscous de manioc10/ Expression issue du jargon ivoirien pour dire bien se faire voir des autres.11/Mot d’origine Congolaise signifiant faire les éloges d’une personne moyennant de l’argent. Les DJ des maquis et boîtes de nuits sont devenus des griots des temps modernes. 12/Sandwich Libanais 13/Pâte de manioc obtenue en diluant de la poudre de manioc fermentée dans de l’eau, qu’on porte au feu en remuant sans cesse. Comme l’Attiéké, c’est un accompagnement typiquement ivoirien.

J’ai toujours été surprise de voir combien chaque vendredi, l’excitation autour de moi va grandissant à mesure que le temps égrène son chapelet de minutes jusqu’au terme des heures de travail. Déjà à la pause, les téléphones portables crépitent, les rendez-vous sont « calés  », les itinéraires se discutent et se corrigent. certains parlent «de prendre abi-djan en otage», d’autres «de casser les carreaux des boites de nuits» sous leurs pas de danse. Les noms des maquis3 fusent dans les conversations, ça renchérit et ça jubile. Les quartiers chauds sont connus : marcory, Yopougon la belle, Treichville, cocody … tout le monde s’y retrouve : du com-mercial au Directeur général, ou au gardien de l’immeuble en passant par la lycéenne sage et le vieux tonton du quar-tier... La nuit, tous les chats sont gris.

Dès le matin, les tables des maquis sont astiquées, les ca-siers de bières apprêtés. en début d’après midi, les baffles sont allumés et les musiques locales et nigérianes enva-hissent les rues, n’ayant cure des établissements scolaires et autres entreprises avoisinantes. comme l’appel des sirènes, la bonne ambiance promise attire sans forcer des habitués et des nouveaux venus qui alignent devant eux ou sous les tables un nombre étonnant de bouteilles de bières vides. « Chez nous ici on appelle ça le charnier de bouteilles  !  » affirme fièrement un consommateur que son acolyte traite de soûlard.

eh oui, les ivoiriens sont de grands consommateurs de bières. en 2014, la société de Limonades et Brasserie d’afrique (soLiBra), leader de la boisson en côte d’ivoire a réalisé un chiffre d’affaires de 141,9 milliards4 de francs cFa soit 0.8% du piB du pays en 20145 pour la seule entreprise.

Le soleil se couche et laisse place aux maîtres de la nuit. poches vides ou bien fournies, «garçons chocos»6 toujours frais, toujours bien habillés; les «V.i.» entendez par là ven-deurs d’illusions et les «monmonseurs»7, arrivent dans de grosses cylindrés, souvent louées ou empruntées (avec ou sans l’accord du propriétaire). Des parents qui trouvent leur garage vide ou le mécanicien qui tombe nez à nez avec le propriétaire du véhicule devant la boite où il vient tout juste de garer… et il n’y a pas qu’eux ! sac à main de contrefa-çon, tissage brésilien d’un mètre de long tombant jusqu’au bas du dos, talons vertigineux, peau fortement dépigmentée et maquillage criard, micro vêtements et armes à selfie à la main, les « gos8 » d’abidjan sont prêtes.

Les maquis sont bondés mais ce n’est que la première étape. au menu de façon presqu’universelle: la bière, le vin mais aussi l’attiéké9 poulet braisé, poisson braisé, bro-chettes d’escargot, kedjenou (poulet en soupe) pimenté, braisé de mouton ou de bœuf… ici on mange sous des bâches ou en plein air avec les doigts de préférence, on boit, et on devise bruyamment car la musique est telle qu’on s’entend à peine. certains y restent toute la nuit, d’autres, passent à l’étape suivante après digestion: La boite de nuit.

Là, l’ambiance est toute autre. on y adopte des manières plus élégantes. Les filles vont retoucher leur maquillage avant d’envahir les pistes de danse où elles ondulent en admirant leur propre image sur les murs couverts de mi-roirs. Les « charniers » des maquis ont laissé la place aux seaux de bouteilles de champagne et de whisky, les flashs des téléphones ajoutent aux jeux de lumière. ici on danse et on prend des points10. Les Dj se transforment en griots et se prêtent au jeu de l’atalaku11 pour vanter la richesse présumée ou avérée d’untel, la beauté d’unetelle. Des in-dividus aux surnoms recherchés comme « Le sultan khalil le célèbre », ou « l’empereur givenchy 1er  » sont chantés pendant de longues minutes. ces derniers, bienheureux d’être momentanément le centre de l’attention, s’allégeront de nombreux billets de banque sous le regard des autres clients de la boite. L’orgueil est flatté, la nouvelle photo de profil de Facebook est choisie, les numéros de téléphone sont échangés. on déserte la piste de danse puis la boite de nuit pour atteindre la dernière étape au lever du jour.

ici, il s’agit de prendre un petit déjeuner très matinal avec ses amis avant de se séparer. il y a deux choix : soit pour les plus « distingués » : se rendre dans un restaurant libanais et com-mander des charwarmas12 ou un petit déjeuner classique, soit vouloir plus consistant et dans ce cas rebelote dans un maquis pour cette fois manger un plat de placali13 avec de la viande fumée en sauce. on mange et on commente la soirée passée, on propose pourquoi pas d’aller se détendre sur les plages de Bassam ou d’assinie, puis on se sépare le ventre plein, les poches vides et le corps endolori… mais pas pour longtemps : «Le gasoil du samedi», très souvent similaire à celui du vendredi, n’attend pas !

par stella sanogoh

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apave cameroun recrute pour une importante entreprise un Ingénieur génie civil vous serez amené(e) à : suivre l’exécution des travaux sur site organiser les chantiers et gérer les plannings assurer la qualité du travail sur le site négocier les contrats manager les équipes sur le terrain

profil : Titulaire d’un bac+5 en génie civil, vous maitrisez le logiciel auTocaD et avez de bonnes connaissances en informatique. 2 à 5 ans d’expérience aptitudes managériales lieu : Douala, cameroun référence : Ing/0515/001605 où postuler : http://millejobs.com/jobs/

cames sarl recherche des auditeurs comptables. votre mission est de vous assurer de la sécurité globale (fi-nance, process, comptabilité, gouvernance) de l’entreprise. vous serez amené(e) à : Définir ou mettre en œuvre les méthodes et procédures en ma-tière de contrôle comptable, veiller à leur application et propo-ser des améliorations elaborer et mettre en œuvre le plan d’audit annuel de la struc-ture, déterminer et superviser les missions d’audit préparer les éléments nécessaires à un audit et les analyser contrôler la régularité, la fiabilité des opérations réalisées et des états financiers des structures Identifier et révéler les irrégularités ou les inexactitudes repé-rées lors d’enquêtes de vérifications effectuer les opérations liées à la comptabilité. effectuer le suivi (provision sur charges, encours, ...) de risques financiers (gestion actif-passif, marché, crédit) de la structure procéder à la préparation de budgets, au suivi des résultats

par unité, produit ou marché, à l’identification des écarts et des causes profil : Titulaire d’une licence au minimum, vous avez l’aptitude à tra-vailler sous pression. mobile, vous maitrisez également l’outil informatique. 0 à 5 ans d’expérience dans le domaine vous avez des compétences dans les domaines suivants : Indicateurs de couverture de risques audit financier analyse financière Techniques de management Techniques de planification lieu : Yaoundé, cameroun où postuler : http://millejobs.com/jobs/cames-sarl-recrute-des-auditeurs-comptables

responsable qualITe

olam recherche un responsable qualité/ Ingénieur qualité. responsable de la qualité et du programme de sécurité ali-mentaire de l’usine à travers une connaissance approfondie des politiques, règles et procédures d’olam, vous devrez ga-rantir la mise en œuvre de ces exigences. vous serez amené(e) à : Développer et manager une équipe de professionnels q/fs capables de fournir des conseils techniques et l’assistance des activités de cm Développement de produits et réduction des coûts addition-nels gérez le programme cm q*fs assurant que les zones de risque soient identifiées et des domaines priorités convenus livrées.

s’assurer que toutes les activités économiques dans l’in-frastructure de maTs se soumettent aux conditions légales du cameroun etre un support direct du responsable du maTs cm en appor-tant une expertise en tant que ressource spécialisée s’assurer que les exigences du programme de sécurité ali-mentaire sont entièrement comprises et fournir l’assurance que les normes et standards sont mis en œuvre. Haut du formulaire lieu : cameroun référence : qm où postuler : [email protected]

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