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  • Logistique et comptitivit des chanes d'approvisionnement du Canada

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    Logistique et comptitivit des chanes d'approvisionnement du Canada

    Jacques Roy HEC, Montral

    Introduction En 2009, le Canada se situait au 9e rang des pays de lOCD avec un produit intrieur

    brut (PIB) par habitant de 46 243 $1, une mesure gnralement utilise pour comparer les niveaux de vie des socits. La mme anne, notre principal partenaire commercial, les tats-Unis, se classait au 3e rang avec un PIB/habitant de 56 109 $, soit un cart de 21,3% en faveur des tats-Unis. Or, il est gnralement admis que la croissance du niveau de vie des pays est lie celle de la productivit du travail, soit le rapport entre le PIB et le nombre dheures travailles. Sur la base de ce critre, le Canada se situait au 17e rang des pays de lOCD en 2009 avec une productivit du travail de 53,79 $ par heure travaille alors que les tats-Unis occupaient le 7e rang avec une productivit du travail de 64,91 $, un avantage de 20,7% sur le Canada. Ce retard du Canada nest pas nouveau. Entre 1981 et 2009, la croissance moyenne annuelle de la productivit du travail au Canada a t parmi les plus faibles des pays industrialiss membres de lOCD. En fait, seules lItalie et la Suisse ont affich des taux de croissance plus faibles que le Canada durant cette priode2.

    Entre 1984 et 2006, la croissance de la productivit du travail au Canada a t essentiellement due au secteur des services, incluant une contribution positive des secteurs du commerce de gros et de dtail. Par contre, la contribution de lindustrie du transport et de lentreposage a t presque nulle3. Plus rcemment, entre 2002 et 2008, on a observ que la croissance de la productivit du travail dans le domaine du commerce du dtail au Canada a t largement suprieure celle de la moyenne du secteur priv. Cette bonne performance serait attribuable aux investissements consentis par les entreprises de ce secteur pour adopter des pratiques innovantes, notamment en matire de gestion de la logistique (Industrie Canada, 2010).

    Il est donc pertinent et important de comparer la performance du Canada en matire de gestion de la chane logistique et ce, autant au niveau du commerce international quau niveau des pratiques innovantes adoptes par les entreprises canadiennes sur le march intrieur. Ce chapitre dbute par une analyse comparative de la performance du Canada par rapport celle de 155 pays du point de vue de leur chane logistique globale telle que mesure par un indice dvelopp par la Banque mondiale. On sintresse ensuite au lien qui existe ente la performance logistique et la productivit des entreprises. La troisime section compare la performance logistique des entreprises canadiennes avec celle des

    1 Les dollars sont canadiens et de 2008. 2 Centre sur la productivit et la prosprit (2010), Productivit et Prosprit au Qubec Bilan 2010, HEC Montral. 3 Ibid

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    amricaines sur la base des diffrentes catgories de cots et par secteur cl de lconomie. Dans la quatrime section, on prsente les pratiques innovantes en gestion de la chane logistique et on cherche dterminer dans quelle mesure les entreprises canadiennes ont russi les adopter. Le chapitre se termine avec des observations finales et quelques implications pour les dcideurs et politiques gouvernementales.

    1. Analyse comparative de la performance des chanes logistiques globales La Banque mondiale vient de publier son deuxime classement des pays selon un

    indice de performance logistique (IPL) quelle a dvelopp et qui repose sur les six critres suivants (Arvis et al., 2010).

    1. Lefficacit des procdures douanires et des mesures de sret 2. La qualit des infrastructures de transport et de communication 3. La disponibilit de services dexpditions internationales des prix comptitifs 4. La comptence des prestataires de services logistiques et la qualit de leurs

    services 5. Le reprage et le suivi des expditions 6. Le respect des dlais de livraison (la ponctualit)

    Cet indice est calcul sur une chelle de 1 5, o 5 correspond la meilleure performance et 1 la pire. Il est obtenu pour 155 pays en valuant chacun des critres numrs ci-dessus laide dun questionnaire envoy prs de mille gestionnaires et spcialistes travaillant chez des transitaires (ex. DB Schenker, Kuehne + Nagel, Panalpina) et compagnies de messagerie internationales (ex. DHL, Fedex, UPS). Les scores obtenus pour chacun des six critres retenus font lobjet dune analyse statistique, lanalyse de composante principale, pour obtenir lindice compos de performance logistique. Les rsultats sont prsents au tableau 1.

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    Critres Rang et score

    Tableau 1 : Classement des 20 premiers pays selon lindice de performance logistique (IPL) internationale de la Banque mondiale

    Rang Pays

    (ou territoire) Indice Douanes Infrastruc-

    tures

    Expditions inter-

    nationales

    Comptence et

    qualit Reprage et

    suivi Ponctualit

    1 Allemagne 4,11 3 4,00 1 4,34 9 3,66 4 4,14 4 4,18 3 4,48

    2 Singapour 4,09 2 4,02 4 4,22 1 3,86 6 4,12 6 4,15 14 4,23

    3 Sude 4,08 5 3,88 10 4,03 2 3,83 2 4,22 3 4,22 11 4,32

    4 Pays-Bas 4,07 4 3,98 2 4,25 11 3,61 3 4,15 9 4,12 6 4,41

    5 Luxembourg 3,98 1 4,04 9 4,06 7 3,67 21 3,67 19 3,92 1 4,58

    6 Suisse 3,97 12 3,73 6 4,17 25 3,32 1 4,32 1 4,27 15 4,20

    7 Japon 3,97 10 3,79 5 4,19 12 3,55 7 4,00 8 4,13 13 4,26

    8 Royaume-Uni 3,95 11 3,74 16 3,95 8 3,66 9 3,92 7 4,13 8 4,37

    9 Belgique 3,94 9 3,83 12 4,01 26 3,31 5 4,13 2 4,22 12 4,29

    10 Norvge 3,93 6 3,86 3 4,22 24 3,35 13 3,85 10 4,10 10 4,35

    11 Irlande 3,89 18 3,60 19 3,76 5 3,70 16 3,82 13 4,02 4 4,47

    12 Finlande 3,89 7 3,86 8 4,08 19 3,41 10 3,92 11 4,09 25 4,08

    13 Hong Kong 3,88 8 3,83 13 4,00 6 3,67 14 3,83 17 3,94 26 4,04

    14 Canada 3,87 13 3,71 11 4,03 32 3,24 8 3,99 15 4,01 5 4,41

    15 tats-Unis 3,86 15 3,68 7 4,15 36 3,21 11 3,92 5 4,17 16 4,19

    16 Danemark 3,85 19 3,58 15 3,99 16 3,46 15 3,83 18 3,94 7 4,38

    17 France 3,84 17 3,63 14 4,00 28 3,30 12 3,87 14 4,01 9 4,37

    18 Australie 3,84 14 3,68 18 3,78 3 3,78 17 3,77 20 3,87 18 4,16

    19 Autriche 3,76 20 3,49 21 3,68 4 3,78 20 3,70 22 3,83 23 4,08

    20 Tawan 3,71 25 3,35 22 3,62 10 3,64 22 3,65 12 4,04 30 3,95

    Source : Arvis et al., 2010

    On constate que le Canada se classe au 14e rang avec un indice compos de 3,87, ce qui le place tout juste devant les tats-Unis. En 2007, le Canada occupait le 10e rang avec un indice de 3,92 et un intervalle de confiance de 0,05, ce qui signifie quil ny a pas vraiment de diffrence significative entre la performance du Canada en 2007 et en 2010. En fait, il est risqu de comparer les deux classements puisque la dfinition des critres

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    retenus a t modifie en 2010. En 2007, les tats-Unis occupaient le 14e rang avec un indice de 3,84 et un intervalle de confiance de 0,03.

    En examinant de plus prs la performance du Canada selon les six critres retenus, on constate que celui qui le dfavorise le plus est le troisime critre, soit la disponibilit dexpditions internationales des prix comptitifs pour lequel le Canada se classe au 32erang. Pour mieux comprendre les rsultats obtenus pour le Canada, nous avons demand et obtenu de la Banque mondiale des informations plus prcises concernant la source des valuations utilises. On a appris que la performance du Canada a t value par 69 rpondants, surtout des transitaires, situs aux tats-Unis (32%), au Mexique (15%) et au Prou (9%). Les autres rpondants provenaient dAsie (10%), dAmrique du Sud (7%), dAmrique centrale (4%), etc. De grandes entreprises comme UPS, Panalpina, Kuehne + Nagel, DHL et Damco reprsentent prs de 50% des rpondants pour le Canada. Les autres sont des entreprises de plus petite taille.

    Si lon revient au critre de disponibilit dexpditions internationales des prix comptitifs vers le Canada , on apprend que les rpondants bass au Mexique, un pays membre de lALNA et un important partenaire commercial du Canada, ont t plutt svres lendroit du Canada sur ce critre en lui accordant un score largement infrieur la moyenne alors que ceux situs aux tats-Unis ont valu le Canada beaucoup plus positivement. En considrant que les rpondants bass au Prou ont galement t plus svres que la moyenne, cest prs de 25% des rpondants qui se montrent insatisfaits par rapport ce critre. Ces rsultats viennent confirmer des opinions mises par des gestionnaires dentreprises canadiennes bases au Mexique qui font tat des difficults rencontres pour expdier leurs produits vers le Canada. Il ne faut toutefois pas exagrer limportance de ce critre puisque des pays dvelopps comme les tats-Unis, notamment, semblent exprimenter des difficults semblables.

    En ce qui concerne les pays qui occupent les premiers rangs, il ny a pas beaucoup de surprises. En effet, des pays comme lAllemagne et Singapour se sont dots de politiques et de plans directeurs pour dvelopper leurs infrastructures et comptences en matire de logistique internationale. Par ailleurs, il est intressant de noter que les pays qui occupent les six premiers rangs se classent au premier ou deuxime rang sur au moins lun des six critres retenus.

    Dans son rapport 2010, la Banque mondiale dmontre le lien qui existe entre la performance logistique et le commerce international. On cite notamment une tude de Hoekman et Nicita (2008) qui dmontre quun indice de performance logistique (IPL) lev est fortement associ une croissance du commerce bilatral. On tablit galement le lien entre un indice IPL lev et la part de march des pices et composantes dans les exportations dun pays. Ceci reflte limportance de la logistique dans la gestion et lintgration de rseaux globaux de production. Enfin, on cite dautres tudes qui tendent dmontrer quune bonne performance logistique est une condition ncessaire pour faciliter les changes internationaux. Cela va de soi.

    En terminant, il est intressant de noter que tous les pays qui se classent mieux que le Canada au tableau 1, sauf le Japon, devancent galement le Canada au classement des pays de lOCD pour la productivit du travail. Bref, le Canada a tout intrt chercher continuer de dvelopper ses comptences, performances et infrastructures en matire de logistique afin de faciliter la croissance du commerce international, de la productivit et de lconomie. Nous reviendrons sur ce sujet la section 5 en suggrant des pistes damlioration, notamment en matire de formalits douanires et dinfrastructures de transport.

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    2. La gestion de la chane logistique et la productivit des entreprises Y a-t-il un lien entre les bonnes pratiques gestion de la chane logistique et la

    productivit des entreprises? Pour rpondre cette question, nous avons analys les rsultats de plusieurs tudes empiriques (Beaulieu et Roy, 2009). partir de cette analyse, on constate que :

    Les bonnes pratiques logistiques ont une incidence positive sur la performance oprationnelle des entreprises (vitesse de livraison, ractivit, flexibilit et capacit de livraison) et sur leur performance commerciale (croissance moyenne de la part de march, croissance moyenne du volume des ventes, croissance moyenne des ventes en dollars). Ces rsultats proviennent dune enqute mene dans le secteur manufacturier amricain avec un chantillon de 142 rpondants provenant dorganisations embauchant plus de 500 employs (Green et al., 2008).

    Le recours de bonnes pratiques logistiques (intgration, impartition, service la clientle) ainsi que le dploiement de comptences en logistique (qualit et services, oprations et distribution, efficacit du design) auraient une incidence positive sur la performance organisationnelle des entreprises, notamment au niveau de leur comptitivit. Cette enqute a t mene auprs dune centaine dentreprises manufacturires des tats-Unis et de Tawan (Chow et al., 2008).

    La mise en place de pratiques de gestion de la qualit avec des fournisseurs contribue solidifier la participation et la collaboration de ces derniers, ce qui se traduit par une amlioration de la performance organisationnelle. Ces rsultats proviennent dune tude mene auprs de 103 entreprises localises Hong Kong et Tawan (Lin et al., 2005). Enfin, une gestion stratgique de la logistique, appuye par des dmarches damlioration de la qualit, a un lien positif sur les indicateurs de performance de service (rapidit et fiabilit, temps de cycle, rotation des stocks) et defficience oprationnelle (les cots dopration), ce qui se traduit par une satisfaction accrue de la clientle et une meilleure performance de lentreprise (part de march, volume des ventes, profitabilit). Les donnes proviennent de 225 rpondants localiss Hong Kong mais dont 75 % dentre eux ont un sige social aux tats-Unis, au Japon, aux Pays-Bas et dans dautres pays (Yeung, 2008).

    De faon gnrale, les bonnes pratiques doivent permettre un rehaussement de la performance. Par ailleurs, ces meilleures pratiques doivent tre lies un contexte spcifique et leur tude devrait tre ralise dans une perspective holistique. Le tableau 2, tir dune tude de Laugen et al. (2005), tend confirmer limpact du dploiement de meilleures pratiques sur la performance de lentreprise.

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    Tableau 2 : Gestion exemplaire de la logistique et performance

    Entreprises avec une excellente chane logistique

    Entreprises avec une chane logistique moins performante

    Tous les rpondants

    Dlais de livraison dune commande 15 jours 21 jours 20 jours

    Taux de respect des dates de livraison 95 % 90 % 93 %

    Cycle financier 60 jours 95 jours 70 jours

    Taux annuel de rotation des stocks 10 tours 6 tours 8 tours

    Temps de cycle de dveloppement de nouveaux produits

    180 jours 340 jours 180 jours

    Source : Laugen et al. (2005)

    partir de ces tudes, on peut conclure que les pratiques logistiques ont une incidence positive sur la performance oprationnelle des entreprises. Cependant, limpact sur la performance financire de lorganisation serait plutt indirect. Peu dtudes concluent un lien direct. Parmi celles-ci, on peut citer lenqute mene par DAvanzo et al. (2003) auprs de 636 firmes du top 3 000 des entreprises mondiales. Cette tude rvle que 90 % des rpondants considrent que la gestion de la chane logistique est une dimension critique de la performance dune organisation. Les auteurs suggrent un lien direct trs fort entre la gestion de la chane logistique et la performance financire. Dautres enqutes rvlent que les firmes ayant des pratiques logistiques plus matures sont 40 % plus profitables que les entreprises manufacturires qui nont pas des pratiques aussi volues (Beaulieu et Roy, 2000).

    Par ailleurs, au-del de son impact positif sur la performance oprationnelle et financire des entreprises, il est de plus en plus reconnu que la gestion de la chane logistique constitue galement une importante source davantages concurrentiels pour les organisations qui excellent dans leur secteur dactivits. titre dexemples, nous pouvons citer des entreprises mondialement connues comme Wal-Mart, Dell et Zara dont le succs repose essentiellement sur une stratgie logistique avant-gardiste. Au Canada, des entreprises comme LOral Canada, Uni-Select et Groupe Dynamite se dmarquent galement par ladoption de pratiques logistiques innovantes sur leurs marchs respectifs.

    3. Analyse comparative de la performance logistique des entreprises canadiennes et amricaines

    la section 1, nous avons vu que le Canada occupait le 14e rang du classement de la Banque mondiale selon lindice de performance logistique internationale, tout juste devant les tats-Unis. la section prcdente, on a montr linfluence de bonnes pratiques logistiques sur la performance oprationnelle et la performance gnrale des entreprises. Or, comment la performance des entreprises canadiennes se compare-t-elle avec celle des

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    socits amricaines par rapport aux principaux indicateurs cls en logistique? Cette section vise rpondre cette question.

    Nous allons tout dabord considrer les cots totaux de gestion de la chane logistique4. Ceux-ci peuvent se diviser en trois catgories : 1) les cots internes, soit ceux associs aux activits logistiques ralises lintrieur de lentreprise, 2) les cots des activits logistiques imparties des prestataires externes de services comme le transport et lentreposage, et 3) les cots relis la possession des stocks comme le financement, la dsutude et les bris (Industrie Canada, 2008). La figure 1 illustre la rpartition des cots totaux de la gestion de la chane logistique exprims en pourcentage des ventes selon les principaux secteurs cls au Canada en 2008.

    On constate que les cots de la logistique sont plus importants dans le secteur manufacturier que dans les secteurs des ventes en gros et au dtail. De plus, limportance des cots de la logistique varie beaucoup selon les sous-secteurs industriels. Ils sont notamment plus levs pour le sous-secteur des produits pharmaceutiques que pour celui des vhicules automobiles.

    Figure 1 : Rpartition des cots totaux de la chane logistique au Canada en 2008

    Source : Industrie Canada (2008)

    Le tableau 3 compare les cots de gestion de la chane logistique au Canada et aux tats-Unis selon les secteurs et par catgorie de cots. Dans tous les secteurs, les cots observs aux tats-Unis sont infrieurs ceux du Canada. Plus spcifiquement, les cots

    4 Industrie Canada rfre aux cots de logistique et de la gestion de la chane dapprovisionnement. Nous prfrons utiliser le terme gestion de la chane logistique en franais.

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    Canada tats-Unis

    logistiques au Canada sont suprieurs de 12,5 % dans le secteur de la fabrication, de 18 % chez les grossistes et de 29,6 % chez les dtaillants. On peut comprendre que les cots soient plus levs chez les grossistes et dtaillants canadiens cause de la plus petite taille du march et de ltendue gographique couvrir dun ocan lautre. Nanmoins, ces carts sont importants et refltent dans une certaine mesure lcart cit en introduction par rapport la productivit du travail entre les deux pays. Ceci est particulirement le cas pour les entreprises manufacturires qui livrent concurrence sur le mme march nord-amricain que leurs voisins du Sud. Les pourcentages prsents dans le tableau 3 peuvent paratre faibles mais il est utile de rappeler que les cots totaux de la logistique aux tats-Unis en 2008 slevaient 1 344 milliards de dollars US, ce qui reprsentait 9,4 % du PIB amricain cette anne-l (Wilson, 2009).

    Tableau 3 : Les cots de gestion de la chane logistique au Canada et aux tats-Unis

    (% des ventes, 2008)

    Cots Fabrication Gros Dtail Fabrication Gros Dtail

    Internes 2,68 % 2,45 % 1,22 % 1,20 % 1,90 % 0,80 %

    Impartis 2,10 % 0,59 % 0,65 % 3,20 % 0,90 % 1,00 %

    Possession 1,71 % 0,50 % 1,50 % 1,37 % 0,20 % 0,80 %

    Totaux 6,49 % 3,54 % 3,37 % 5,77 % 3,00 % 2,60 %

    Source : Industrie Canada (2008)

    En examinant de plus prs le tableau 2, on constate que les entreprises amricaines ont des cots de possession des stocks infrieurs leurs homologues canadiennes et ce, dans tous les secteurs de lconomie. Cette situation sexplique par des taux de rotation des stocks plus levs quau Canada; un des indicateurs les plus utiliss pour valuer lagilit de lindustrie. Ainsi, dans le secteur de la fabrication, les pratiques de juste--temps se traduisent par des taux de rotation levs des matires premires et autres composantes en amont. Or, le taux de rotation observ dans le secteur de la fabrication aux tats-Unis est 24 % plus lev que celui du mme secteur au Canada. Dans les secteurs de la distribution (gros et dtail), on cherche de plus en plus approvisionner les dtaillants en juste--temps de faon rduire les stocks invendus et fournir les assortiments de produits qui correspondent davantage la demande. Ici aussi, les taux de rotation des stocks observs aux tats-Unis sont plus levs respectivement de 10% et de 29% dans les secteurs des grossistes et des dtaillants (Industrie Canada, 2008).

    la lecture du tableau 2, on constate galement que les cots des activits imparties des prestataires de services logistiques sont plus levs aux tats-Unis quau Canada. Cela traduit une tendance observe mondialement leffet que lon cherche de plus en plus

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    confier les activits logistiques des spcialistes dnomms 3PL, pour Third Party Logistics providers . La raison principale pour laquelle les entreprises ont recours limpartition de services logistiques est la recherche dconomies. Il nest donc pas tonnant de constater que les cots totaux de logistique soient relativement plus faibles aux tats-Unis quau Canada et ce, en partie cause dun plus grand recours limpartition comme le dmontre la figure 2.

    Figure 2 : Rpartition des cots logistiques au Canada et aux tats-Unis

    Source : Industrie Canada (2008)

    4. Linnovation dans la chane logistique des entreprises canadiennes la section 2, nous avons dmontr que les entreprises ayant adopt des pratiques

    exemplaires ou innovantes en gestion de la chane logistique jouissent dun niveau de performance organisationnelle suprieur aux autres. Nous allons maintenant examiner la nature de ces pratiques pour ensuite dterminer, le cas chant, dans quelle mesure les entreprises canadiennes ont recours de telles pratiques.

    4.1 Les meilleures pratiques en matire de gestion de la chane logistique Plusieurs auteurs ont propos des listes de pratiques exemplaires en gestion de la

    chane logistique. Notre objectif nest pas de produire une liste exhaustive de toutes ces nomenclatures mais plutt de donner un aperu des principales pratiques, celles qui notre avis font lobjet dun assez large consensus.

    1. Le recours aux technologies dinformation et de communication

    Pour bien grer leur chane logistique, les entreprises se doivent dadopter les nouvelles technologies dinformation et de communication afin de faciliter lintgration des activits en amont et en aval ainsi que de permettre aux diffrents acteurs de la chane de collaborer entre eux. Ces technologies incluent les systmes dinformation comme les systmes intgrs de gestion dentreprise (ERP), les systmes de gestion dentrepts (WMS) et les systmes de gestion du transport (TMS). On rfre galement aux

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    technologies de communication comme les ordinateurs de bord, les systmes de positionnement par satellite (GPS) et les tiques lectroniques (RFID). Par extension, ces pratiques incluent aussi tous les logiciels doptimisation visant notamment laborer les meilleures routes de livraison, mieux grer les stocks et obtenir la configuration optimale deu rseau logistique incluant le nombre et la localisation des units de production et de distribution. Bref, le recours aux technologies assure une plus grande visibilit des produits travers la chane et permet une meilleure connectivit entre les partenaires, ce qui facilite la collaboration et lintgration.

    La figure 3 prsente les rsultats dune enqute produite par Poirier et Quinn (2006) auprs de professionnels de la gestion de la chane logistique situs en Amrique du Nord, en Europe et en Australie (120 rpondants). On y indique le pourcentage de rpondants utilisant lune ou lautre des technologies. Selon lenqute, 14 % des rpondants adopteraient toutes ces technologies. Il en ressort galement que parmi les cinq applications technologiques les plus populaires (six puisque deux sont ex aequo), quatre identifient des technologies qui ont des applications internes une organisation (ERP, systme de planification et doptimisation des stocks, WMS et APS).

    Figure 3 : Lutilisation de diffrentes technologies en gestion de la chane logistique

    Source : Poirier et Quinn (2006)

    2. La collaboration entre les partenaires de la chane logistique

    Durant la dernire dcennie, la philosophie derrire le JAT a t adapte la distribution des produits finis partir des usines jusquaux points de vente en passant par

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    les centres de distribution. Ceci a donn naissance des pratiques de rapprovisionnement continu connues sous le nom de Quick Response (QR) ou de Efficient Consumer Response (ECR) et, plus rcemment, aux systmes de planification, prvision et rapprovisionnement partag sur Internet ou Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment (CPFR). Ces pratiques proposent essentiellement ltablissement de partenariats entre les membres dun rseau de distribution afin de mieux planifier le rapprovisionnement des commerces de dtail en produits finis, sur la base de linformation provenant la fois des points de vente et des prvisions partages entre les membres du rseau. Cette approche se distingue de la mthode traditionnelle de rapprovisionnement base presque exclusivement sur le traitement indpendant des commandes reues chaque chelon du rseau.

    Une rcente innovation technologique, le Flowcasting, propose un systme dinformation qui permet de dvelopper une base de donnes commune aux diffrents acteurs dune mme chane logistique. Le systme sappuie sur un seul ensemble de prvisions, effectues aux points de vente, pour planifier le rapprovisionnement des magasins et des centres de distribution du dtaillant. Des tests ont t raliss aux tats-Unis entre un grand dtaillant et un important fournisseur de produits alimentaires et les rsultats sont extrmement intressants : il y a eu une rduction significative du niveau des stocks tout en obtenant une augmentation du niveau de service et du taux de couverture des produits en magasins (Beaulieu et Roy, 2009).

    3. Limpartition des services logistiques

    Avec la mondialisation et la libralisation des marchs, les entreprises cherchent de plus en plus se concentrer sur les activits dans lesquelles elles excellent. Cela peut tre lassemblage de vhicules automobiles ou encore la mise en march de produits. Dans bien des cas cependant, ces activits excluent lapprovisionnement et la distribution de produits qui sont alors confis des prestataires spcialiss en logistique, mieux connus sous le nom de 3PLs (Third Party Logistics Providers). Ces entreprises prennent en charge une partie ou lensemble des activits logistiques de leurs clients : transport, entreposage, manutention, traitement et prparation des commandes, gestion des stocks, approvisionnement, distribution, etc.

    Ces fournisseurs de services logistiques se sont dvelopps rapidement durant la dernire dcennie et continuent de crotre un rythme soutenu. La figure 4 illustre ce phnomne en affichant lvolution de la taille du march des 3PL aux tats-Unis depuis prs de 20 ans. On a vu la figure 2 que les entreprises canadiennes avaient moins tendance impartir leurs activits logistiques des 3PL. Ainsi, le secteur canadien des fournisseurs de services logistiques a connu une croissance de 47% entre 1998 et 2007 selon Industrie Canada (2008). Il est nanmoins difficile de comparer ce chiffre avec celui des tats-Unis car la dfinition canadienne inclut les fournisseurs de services de transport. Il est tout de mme intressant de noter que le PIB des fournisseurs canadiens de services logistiques devrait augmenter de 40% entre 2007 et 2015 pour atteindre 56 milliards de dollars canadiens toujours selon Industrie Canada (2008), une tendance la hausse qui sapparente celle observe aux tats-Unis.

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    Figure 4 : Lvolution du march des 3PL aux tats-Unis entre 1990 et 2008

    Sources : Chow et Gritta (2002) et Wilson (2009)

    4. Les approches de mesure et damlioration de la performance

    Lexcellence oprationnelle repose sur une dmarche de gestion de la performance qui inclut la cartographie et lamlioration des processus, la mesure de la performance laide dindicateurs cls souvent regroups dans des tableaux de bord de gestion, la gestion des cots pas activits et lanalyse comparative mieux connue sous le vocable anglais de Benchmarking. Cette dmarche de gestion de la performance nest pas spcifique la gestion de la chane logistique mais elle nen demeure pas moins une condition reconnue comme ncessaire et une pratique exemplaire. En effet, les entreprises ayant recours lutilisation dindicateurs cls de performance affichent une meilleure performance logistique que celles qui ne le font pas (Industrie Canada, 2006).

    4.2 Utilisation des systmes lectroniques lis la logistique au Canada Au Canada, ladoption de systmes lectroniques pour grer les fonctions logistiques

    est relativement faible avec un taux dutilisation dun peu plus de 20% seulement chez les moyennes et grandes entreprises. Ce taux chute 10% pour les petites entreprises. Aux tats-Unis, le taux dutilisation est 30% plus lev quau Canada, quelque soit la taille des entreprises considres (Industrie Canada, 2010a). Si ce taux dutilisation demeure faible pour tous les secteurs, les grossistes affichent le taux le plus lev avec 35% dadoption des systmes lectroniques de gestion de la logistique. Par ailleurs, les dtaillants et grossistes sont relativement plus enclins utiliser les systmes lectroniques pour coordonner les activits de rapprovisionnement avec leurs fournisseurs comme le CPFR. Ceci nempche pas les manufacturiers dadopter de plus en plus les approches collaboratives comme le CPFR avec leurs propres fournisseurs.

    Enfin, on connait limportance dintgrer les systmes lectroniques pour atteindre lexcellence en gestion de la chane logistique. Or, peine la moiti des grandes entreprises canadiennes on russi intgrer les systmes lectroniques de gestion de la logistique avec leurs autres systmes linterne comme lindique la figure 5. Naturellement, ce pourcentage diminue inversement avec la taille des entreprises. Par ailleurs, le degr dintgration avec les systmes des clients et des fournisseurs est un indicateur cl de la performance des entreprises en matire de collaboration et de gestion exemplaire de la chane logistique. Or, relativement peu dentreprises ont atteint ce degr dintgration. Ce sont les dtaillants qui atteignent le degr dintgration le plus lev avec leurs fournisseurs

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    en affichant un taux dadoption de prs de 40%, ce qui traduit leurs efforts en matire de planification, prvision et rapprovisionnement collaboratifs, soit le CPFR (Industrie Canada, 2010a).

    Peu denqutes ont t ralises pour valuer le degr dadoption des pratiques logistiques dans les entreprises canadiennes. Une des plus exhaustives remonte dj 2001. Elle a t mene au Qubec et sappuie sur un chantillon de 668 rpondants (Roy et al., 2002). Les rsultats sont prsents au tableau 3.

    Figure 5 : Intgration des systmes lectroniques de logistique

    Source : Industrie Canada (2010a)

    Il ressort de ces rsultats que pour tous les noncs du tableau 3 ( lexception du choix de fournisseurs sur Internet), il y a une progression du dploiement selon la taille des rpondants; les grandes entreprises adoptant systmatiquement les pratiques et technologies en plus grand nombre que les petites ou les moyennes entreprises. Il faut tre prudent dans linterprtation de ces rsultats aujourdhui car lenqute remonte plusieurs annes et le portrait a forcment volu ne serait-ce que par larrive de nouvelles pratiques ou technologies comme le RFID.

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    Entreprises

    Tableau 3 : Adoption des pratiques logistiques par les entreprises qubcoises (en pourcentage)

    Pratiques logistiques Petite Moyenne Grande

    Gestion des stocks par le fournisseur 30,0 38,0 43,8

    Gestion des stocks de vos clients (VMI) 29,6 31,1 40,0

    Alliances ou partenariats avec des entreprises de transport ou de logistique 28,0 48,5 60,4

    Alliances ou partenariats avec des fournisseurs (autres que de transport ou de logistique)

    44,5 57,2 72,5

    Mise en place de normes de qualit (ISO ou autres) 45,5 52,0 75,0

    Utilisation de systmes de codes barres et de lecteurs optiques 25,1 48,8 70,0

    Formation dquipes demploys avec des clients ou des fournisseurs 29,5 39,1 46,2

    Dveloppement ou ringnierie des processus avec des clients ou des fournisseurs 26,9 38,9 51,6

    Juste temps 45,7 55,0 62,9

    Partage de prvisions avec les clients et les fournisseurs (CPFR) 34,2 44,8 59,9

    Systme de suivi ou tableau de bord de la performance logistique 25,6 31,3 61,6

    Choix de fournisseurs sur Internet 25,1 23,9 31,9

    Catalogue lectronique de produits 28,2 40,1 52,5

    Mthode de rapprovisionnement continu (ECR, Quick Response) 12,3 19,8 35,2

    Partage des informations recueillies aux points de ventes 25,9 44,9 47,5

    Source : Roy et al. (2002)

    Les entreprises canadiennes ont tout intrt adopter et intgrer davantage les systmes lectroniques de gestion de la logistique. Ainsi, non seulement elles pourraient rattraper le retard avec leurs homologues amricaines mais elles pourraient aussi bnficier dconomies importantes au niveau des cots logistiques et axugmenter la qualit du service offert leurs clients par rapport la concurrence. En effet, ladoption de pratiques exemplaires en matire de gestion de la chane logistique nest pas uniquement une question dconomies mais aussi et surtout une faon dobtenir un avantage comptitif durable sur la concurrence.

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    4.3 Lapprovisionnement dans les pays faibles cots de production La mondialisation des marchs et la concurrence accrue au niveau international

    incitent les entreprises se concentrer de plus en plus sur les domaines de comptences o elles excellent et, par consquent, confier des tiers les activits quelles matrisent moins bien ou pour lesquelles des pays mergents jouissent davantages concurrentiels significatifs au niveau des cots. La Chine est videmment au centre de ce phnomne grce, notamment, sa taille et des taux de croissance trs levs et soutenus. Plus de 90% des fabricants canadiens sy approvisionnaient en 2007 (Industrie Canada, 2007). Les filiales trangres de compagnies multinationales situes en Chine reprsentent plus du quart de sa production industrielle et 58% des exportations de la Chine tout en offrant de lemploi plus de dix millions de personnes (Sydor, 2006). Mais la dlocalisation des activits de production bnficie galement dautres pays asiatiques et on observe aussi une croissance dans des pays mergents situs en Amrique centrale et du sud ainsi quen Europe de lEst.

    Au Canada, ce phnomne affecte certes des entreprises uvrant dans des domaines traditionnels comme le vtement (Gildan) ou le meuble (Shermag) mais on observe la mme tendance dans des secteurs de haute technologie comme laronautique. En effet, Pratt& Whitney possde des activits de production en Pologne et Bombardier Aronautique fabrique des harnais lectriques et autres composantes au Mexique et en Chine.

    Les consquences de cette globalisation des sources dapprovisionnement (Global Sourcing) sont multiples. Tout dabord, les entreprises jouissent certes davantages relis des cots de production plus bas mais ceci au dtriment de cots de transport de plus en plus levs et de lobligation de maintenir localement des stocks plus importants afin dassurer la continuit de leur oprations durant la priode dapprovisionnement, ce qui se traduit par des cots dentreposage et de possession de stocks plus levs. Dans certains cas, on prfrera utiliser des moyens de transport plus rapides, comme lavion, plutt que de subir les dlais associs au transport maritime mais, encore une fois, les cots de transport augmenteront sensiblement. Selon Industrie Canada (2007), les dlais dapprovisionnement de produits en provenance de la Chine varieraient dun minimum de un trois mois jusqu un maximum de trois six mois.

    Il y a galement dautres consquences lies ce phnomne. On doit en effet subir des dlais additionnels dus aux phnomnes de congestion observs dans les ports et aux problmes de capacit chez les fournisseurs trangers, victimes de leur popularit grandissante. Enfin, on observe aussi des erreurs dans les commandes reues et des problmes de qualit des produits livrs. Pour contourner ces risques, on doit souvent accrotre le niveau des stocks conservs localement ou encore mettre en place des sources dapprovisionnement alternatives, ce qui augmente la complexit et les cots de fonctionnement.

    Dans les annes 1990, on prvoyait presque la fin des centres de distribution conventionnels cause de la popularit grandissante des centres de transbordement (cross-docking). Aujourdhui, le recours limpartition dans les pays faibles cots de production entrane la ncessit de conserver davantage de stocks localement et on assiste une vritable explosion du nombre de centres de distribution. En fait, les investissements dans les nouveaux centres de distribution ont augment de 60% entre 2001 et 2007 (Industrie Canada, 2007). titre dexemples, on peut citer les nouvelles installations de Groupe Aldo, The Hockey Company, Alimentation Couche-Tard et de Canadian Tire et ce, uniquement dans la grande rgion de Montral.

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    Toujours selon Industrie Canada (2007), peine 43% des entreprises canadiennes ayant choisi de sapprovisionner dans des pays faibles cots de production ont rapport avoir russi diminuer le cot total livr de leurs produits la suite de cette dcision. Pour ce faire, ces entreprises ont adopt un certain nombre de pratiques exemplaires qui sont prsentes au tableau 4.

    Tableau 4 : Pratiques exemplaires des entreprises ayant diminu leur cot total livr

    Pratique Pourcentage des entreprises ayant adopt ces pratiques exemplaires Analyse du cot total logistique 84 %

    Allocation de ressources humaines ddies 79 %

    tablissement de sources dapprovisionnement secondaires 79 %

    Recours au transport arien 76 %

    Formation des fournisseurs des pays bas couts 70 %

    Constitution de stocks supplmentaires 21 %

    Source : Industrie Canada (2007)

    Tout dabord, les entreprises qui russissent sont celles connaissent leurs cots. Cela peut sembler vident mais bon nombre dentreprises dcident de sapprovisionner dans les pays faibles cots sur la seule base des conomies anticipes au niveau des cots de main duvre. Une bonne analyse du cot total livr peut parfois rvler des surprises aux entreprises ayant sous-estim notamment laugmentation des frais de transport, dentreposage et de non qualit pour ne citer que ceux-ci.

    Lallocation de ressources ddies lapprovisionnement sur le march mondial ainsi que laffectation de personnel de lentreprise sur le terrain, dans les pays faibles cots, sont des moyens dassurer le succs de lopration en permettant notamment de relever le niveau de formation des fournisseurs trangers. Malgr ces mesures, il y aura des imprvus et des situations durgence. Dans de tels cas, les entreprises ayant connu du succs nhsitent pas recourir au transport arien et des sources dapprovisionnement secondaires situes dans des pays moins risqus. Ces mesures entrainent certes des cots additionnels mais vitent de conserver des stocks trop levs, ce qui est une pratique peu populaire chez les entreprises ayant russi. Il est nanmoins intressant de noter que la constitution de stocks supplmentaires est une pratique rpandue chez 85% de ceux qui ont vu leur cot total augmenter aprs stre approvisionn dans les pays bas cots.

    4.4 La logistique verte On se proccupe de plus en plus des questions environnementales et de

    dveloppement durable dans notre socit. Or le secteur des transports gnrait lui seul

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    environ 27 % des missions de gaz effet de serre (GES) au Canada en 2007 (Transports Canada, 2009). La logistique peut alors contribuer au dveloppement durable en concevant des chanes logistiques qui rduisent les besoins en transport. On peut ajouter quil est galement avantageux pour les entreprises de se donner une image verte respectueuse de lenvironnement. Ces pressions peuvent parfois se traduire par lobligation dobtenir une certification environnementale, telle la norme ISO 14 000, pour satisfaire les exigences de certains clients ou donneurs dordre. On met aussi de lavant le concept de logistique verte (Green Logistics) qui vise essentiellement rduire les effets nocifs engendrs par les activits logistiques, comme les emballages difficiles recycler et la pollution atmosphrique.

    Au Canada, une tude rcente rvle que les fabricants ayant adopt des pratiques de logistique verte rapportent des amliorations touchant la rduction de la consommation dnergie, des missions de GES, des emballages et des dchets (Industrie Canada, 2009). La mme tude rapporte que 80 % des fabricants les plus performants en logistique verte ont observ une rduction de leurs cots de distribution ainsi qu'une amlioration de la fidlisation de leur clientle. De plus, 90 % dentre eux ont fait tat d'une amlioration des processus de conformit. Parmi les autres avantages commerciaux rapports par ces entreprises performantes en matire de logistique verte, mentionnons l'amlioration de la gestion des risques, un plus grand accs aux marchs trangers, une augmentation des ventes et une plus grande diffrenciation dans les services de distribution (Industrie Canada, 2009). Bref, la logistique verte reprsente une autre occasion pour les entreprises canadiennes damliorer leur performance et se diffrencier sur les marchs internationaux.

    5. Conclusion et implications pour les politiques gouvernementales

    5.1 Conclusion Dans ce chapitre, nous avons vu que le Canada tirait de larrire par rapport aux

    autres pays membres de lOCD par rapport au PIB par habitant et au niveau de la productivit du travail. Or, la vaste majorit des pays qui devancent le Canada cet effet affichent galement une meilleure performance par rapport la gestion de la chane logistique, que ce soit au niveau international ou celui des entreprises. Ainsi, le Canada occupe le 14e rang des pays au classement de la Banque mondiale par rapport lindice de performance logistique internationale. Sa performance pourrait tre amliore en agissant sur les formalits douanires, les infrastructures de transport et, surtout, sur la disponibilit dexpditions internationales des prix comptitifs pour lequel le Canada se classe au 32e rang.

    Au niveau des entreprises, on a dmontr que, de faon gnrale, les bonnes pratiques logistiques permettent un rehaussement de la performance organisationnelle. Nous avons compar la performance des entreprises canadiennes avec celle des tats-Unis sur la base des cots logistiques. Il savre que ceux-ci sont suprieurs aux cots des entreprises amricaines de 12,5 % dans le secteur de la fabrication, de 18 % chez les grossistes et de 29,6 % chez les dtaillants. Pour mieux comprendre ces carts, nous avons identifi les principales pratiques logistiques exemplaires adoptes par les entreprises reconnues pour leur performance suprieure. On a montr que 1) le taux dutilisation des systmes lectroniques pour la logistique tait 30% plus lev chez les entreprises amricaines que les canadiennes, 2) que les entreprises amricaines avaient beaucoup plus recours limpartition dactivits logistiques des prestataires de services dnomms 3PL, 3) que lintgration des systmes lectroniques de logistique tait incomplte, surtout chez les

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    PME, et 4) que la majorit des entreprises sapprovisionnant dans les pays bas cots nadoptaient pas les pratiques exemplaires en la matire.

    5.2 Implications pour les politiques gouvernementales Nous allons maintenant examiner les implications de ces rsultats sur les politiques et

    interventions possibles des gouvernements en sparant les enjeux plus globaux de ceux sadressant plus spcifiquement aux entreprises canadiennes.

    5.2.1 Enjeux globaux LAllemagne occupe le 1er rang du classement de la Banque mondiale par rapport

    lindice de performance logistique internationale. Il est donc pertinent de chercher comprendre ce qui lui permet datteindre ce niveau de performance. On constate que ce pays se class eau premier rang pour ses infrastructures et au 3e rang pour les formalits douanires, deux critres qui interpellent le gouvernement. Or, le gouvernement allemand sintresse la logistique et sest dot dun plan directeur pour le transport des marchandises et de la logistique (Tiedemann, 2009). Les objectifs de ce plan sont de :

    Optimiser lutilisation des infrastructures et de rendre le transport plus efficient; liminer les dplacements inutiles pour faciliter la mobilit; Dplacer plus de trafic vers le ferroviaire et les voies maritimes intrieures; Encourager le transport propre et vert; Favoriser de bonnes conditions de travail et la formation dans le secteur du

    transport de marchandises; Adopter des mesures pour rendre lAllemagne encore plus attrayante comme

    centre de logistique.

    Le Canada fait face des dfis trs semblables ceux qui proccupent les Allemands (mondialisation et Global Sourcing , augmentation du trafic et de la congestion, pnurie de main duvre, protection de lenvironnement, nouvelles technologies en logistique). Le Canada pourrait sinspirer des objectifs et mesures proposes dans le plan directeur allemand. Par exemple, pour attirer les flux de marchandises en provenance ou destination de lAmrique du Nord via le Canada, il serait intressant daligner les politiques gouvernementales avec les mandats logistiques environnementaux et technologiques des entreprises multinationales. Pour ce faire, le gouvernement canadien pourrait chercher attirer les investissements en logistique au Canada en favorisant lmergence de ples logistiques comme on en retrouve ailleurs dans les pays qui occupent les premiers rangs du classement de la Banque mondiale. Autre exemple, dans le discours du Trne et dans le budget de 2010, le gouvernement sest engag laborer une stratgie visant faire du Canada un chef de file de l'conomie numrique mondiale. L'innovation en gestion des chaines logistiques globales pourrait tre un pilier de cette stratgie.

    Le benchmarking est une bonne pratique en logistique et, de faon plus gnrale, en gestion. Le gouvernement du Canada devrait galement pratiquer le benchmarking en analysant la performance des pays qui se dmarquent en logistique comme lAllemagne. Dans llaboration de son plan directeur, le gouvernement allemand a procd de nombreuses consultations avec les reprsentants de lindustrie, du milieu acadmique, des associations professionnelles, des syndicats, etc. Au Canada, il existe une initiative semblable, les projets de Porte continentale et corridors de commerce dans lOuest, le

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    Centre et lEst du Canada. Dans ce contexte, il est intressant de relever certaines des recommandations issues de latelier tenu lUniversit de Western Ontario en mars 2008 dans le cadre du projet de Porte continentale et corridor de commerce Ontario Qubec (Cunningham, 2008).

    Par rapport la comptitivit du Canada sur le continent nord-amricain, on recommandait de 1) constituer une agence qui coordonnerait les politiques travers plusieurs juridictions autant lintrieur du Canada quavec les tats-Unis, 2) de renforcer laccord de libre-change avec les tats-Unis pour accrotre la fluidit des marchandises, des services et du capital, et 3) de considrer le concept de zone de libre change comme Rotterdam aux Pays-Bas.

    Par rapport aux enjeux lis aux frontires, un des critres de lindice de la Banque mondiale, on proposait de se concentrer sur les problmes de congestion aux frontires en identifiant les goulots dtranglement et en investissant pour les rduire. On suggrait aussi dlargir le primtre de scurit tout le continent et non plus de le restreindre aux frontires. On proposait enfin de simplifier les formalits douanires avec le Mexique et les tats-Unis. Cette dernire recommandation rejoint les proccupations des transitaires tablis au Mexique qui ont manifest leur insatisfaction par rapport lenvoi dexpditions internationales vers le Canada. Ceci rejoint lavis de nombreux autres experts au Canada qui estiment que le Canada pourrait jouer un rle plus important comme porte dentre continentale et tirer avantage de lALENA si lon pouvait attnuer les enjeux relis aux frontires et harmoniser la rglementation des diffrents modes de transport (voir par exemple Brooks, 2006).

    En ce qui concerne les infrastructures, un autre critre utilis par la Banque mondiale, le rapport recommandait dadopter une approche continentale en matire de planification des systmes et infrastructures de transport. En fait, on considre que les corridors de transport routier, ferroviaire, arien et maritime doivent tre planifis lchelle continentale pour en dterminer ltendu et les niveaux de congestion actuels et futurs. En particulier, le transport ferroviaire ncessite quon sy attarde compte tenu des besoins grandissants, notamment suite aux pressions environnementales qui devraient accrotre davantage sa popularit.

    Enfin, dautres recommandations pertinentes visaient notamment lharmonisation de la rglementation du transport routier entre les provinces, ladoption dune politique en matire de systmes de transport intelligents et de dveloppement de technologies pour faciliter le transport et les procdures aux douanes et une plus grande disponibilit de donnes statistiques sur les flux de marchandises.

    5.2.2 Enjeux propres aux entreprises Au niveau des entreprises, des politiques gouvernementales seraient galement

    pertinentes. Tout dabord, malgr les efforts rcents dIndustrie Canada pour mieux comprendre et appuyer le secteur de la logistique au Canada, il reste encore beaucoup faire pour bien valuer et comprendre le niveau de performance des entreprises canadiennes en gestion de la chane logistique. Grce aux tudes et enqutes rcentes dIndustrie Canada, on sait que les entreprises canadiennes accusent un retard dans le dploiement et lintgration de systmes lectroniques pour la logistique et en matire

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    dimpartition. On sait galement que la majorit des entreprises sapprovisionnant dans les pays bas cots nadoptent pas les pratiques exemplaires et, par consquent, affichent des rsultats ngatifs en termes de cots total.

    Ce quon ignore cependant, ce sont les causes de ces retards dans ladoption des meilleures pratiques. Est-ce que les entreprises canadiennes sont moins bien informes? Est-ce que leurs gestionnaires sont moins bien forms? Ont-elles les moyens financiers requis pour adopter et intgrer les systmes de plus en plus sophistiqus mis de lavant en gestion de la chane logistique? Y a-t-il des cas concrets dentreprises qui ont russi adopter des pratiques exemplaires en logistique et exercer un leadership dans leur secteur dactivits? Comment transfrer ces connaissances et bonnes pratiques vers les entreprises ayant plus de difficults? Devrait-on venir en aide aux plus petites entreprises qui affichent un retard encore plus prononc dans ladoption des pratiques exemplaires? Les politiques gouvernementales en matire dinnovations sadressent-elles galement aux enjeux logistiques? Ce sont l des questions qui interpellent un certain niveau dimplication gouvernementale.

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    Logistique et comptitivit des chanes d'approvisionnement du CanadaIntroduction 1. Analyse comparative de la performance des chanes logistiques globales2. La gestion de la chane logistique et la productivit des entreprises3. Analyse comparative de la performance logistique des entreprises canadiennes et amricaines4. Linnovation dans la chane logistique des entreprises canadiennes4.1 Les meilleures pratiques en matire de gestion de la chane logistique4.2 Utilisation des systmes lectroniques lis la logistique au Canada4.3 Lapprovisionnement dans les pays faibles cots de production4.4 La logistique verte

    5. Conclusion et implications pour les politiques gouvernementales5.1 Conclusion 5.2 Implications pour les politiques gouvernementales

    Rfrences