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«  Quand on ouvre une porte, on voit ce qu’il y a derrière, pas ce qu’il y a dedans.   »

Claude Ponti, en exergue à Schmélele et l’Eugénie des larmes.

L es histoires de Claude Ponti, contraire-ment à ce que l’on pourrait croire, ne sedéroulent pas dans un ou des mondes fan-tastiques et imaginaires. Elles sont, bien

au contraire, tout à fait ancrées dans la réalité.J’en veux pour preuve la forme que ses maisonsprennent.

La maison est un lieu très chargé en affects.C’est un point de départ, celui où l’on revient par-fois ; c’est l’endroit où les premières émotions seforment, celles-ci imprègnent les murs. C’est lepaysage de nos premiers souvenirs, et souvent lepoint d’accroche de la mémoire. C’est, aussi, uneexigence vitale : ne dit-on pas qu’« avoir un toit

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L I B R E PA RC O U R SActualité de la recherche sur le livre et la lecture des enfants et des jeunes

CLAUDE PONTI NARRATIONET MAISONSIMAGINAIRES

Adèle de Boucherville nous propose ici un parcours stimulant et sensible dansl’imaginaire des maisons chez Claude Ponti :maison souterraine ou perchée dans lesarbres, structure vivante qui ne cessed’évoluer et réserve bien des surprises, avecses portes cachées, fermées ou ouvertes surd’autres mondes… mais aussi lieu d’ancrage,lieu refuge où les jeunes héros peuvent reveniraprès avoir vécu toutes sortes d’aventures.

↖L’Arbre sans fin, Claude Ponti,L’École des loisirs.

↖Le Doudou méchant, Claude Ponti,L’École des loisirs

↖Schmélele et l’Eugénie des larmes,Claude Ponti, L’École des loisirs

←L’Arbre sans fin, Claude PontiL’École des loisirs.

←Mô-Namour, Claude PontiL’École des loisirs.

Adèle de Boucherville est auteure, critique en littérature jeunesse et enseignante.

PAR ADÈLE DE BOUCHERVILLE

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sur la tête » est l’essentiel ? Un aspect que ClaudePonti ne perd jamais de vue.

Il n’écrit pas pour un lecteur « type » – il s’endéfend ! – mais il a le souvenir et l’intuition del’enfance, ce qui lui permet, très naturellementet avec une logique implacable, de constituer ununivers qui n’est pas «  comme les adultes croientque les enfants l’imaginent  » – ils ne sont pasfous ces enfants, ils savent bien reconnaître unmonstre imaginaire – mais qui est fait de tellefaçon qu’un enfant trouve les portes nécessairespour y entrer… et pour en sortir. Vous avez dit « porte »?… entrons par la belle porte jaune etorange.

QU’EST-CE QU’UNE MAISON ?Il semble que Claude Ponti, pour concevoir leshabitations de ses albums, ait cherché ce quepouvait bien représenter une maison et, à monsens, il a fait, comme les anglais, le distinguoentre « House» et « Home». Home, c’est l’endroit oùl’on vit, c’est l’endroit où le cœur de la famille bat,c’est l’endroit où l’on veut être pour poser sesvalises, quelle que soit la forme que peut pren-dre le bâtiment : tout dépend de l’emploi que veuten faire le personnage. Ponti imagine de déli-cieux bric-à-brac, de merveilleuses structuresrondes, douces, en enfilade, avec des petitespièces cachées un peu partout dont il semblequ’elles ne soient destinées qu’au plaisir de lire etde jouer.

La Maison-sous-la-Terre de Okilélé est très re-présentative : elle est sous terre, comme son noml’indique, et plus précisément sous la maison fa-miliale. Le pauvre Okilélé n’est pas beau et, enconséquence, est rejeté par toute sa famille. Il atrouvé refuge sous l’évier de la cuisine où sonpère, après une énorme colère, l’emmure ( !). Peuà peu, il construit des galeries et se recrée touteune habitation avec piscine, bibliothèque, jardinpotager, etc. Bien plus alléchant en termes deconfort moderne que la maison familiale ! CarOkilélé est doué d’un optimisme sans faille : nonseulement il sait se construire une maison impec-cable, mais il sait aussi s’adjoindre des compa-gnons de route qui le protègent.

Il est proche en cela de Zouc, (Le Nakakoué) quia trouvé le meilleur compagnon de route possible :

une Mâzon, clouée au sol par le pied. Lorsqu’il lalibère, il reçoit sa récompense : « Moi je serai taMâzon, quand tu seras grand. »

L’Album  d’Adèle, quant à lui, nous met deplain-pied, et immédiatement, en contact avecl’idée suivante : le livre est si grand dans la têtedu lecteur que l’on s’y sent comme dans un pay-sage, et, donc, comme chez soi. Souvenez-vousde la couverture : la petite Adèle nous tourne ledos et gratte la page d’un grand livre ouvert de-vant elle, debout, et duquel s’échappe plusieurspersonnages. Mais je préfère encore l’image de lapage de titre. Claude Ponti, à l’époque, y résumedéjà ce que ses albums peuvent être pour des pe-tits : un toit, un abri, une protection. Une petiteAdèle peut s’y endormir en toute confiance.

Cette protection peut prendre toutes lesformes, notamment celle d’une cabane, une ca-bane de rêve, habitation merveilleuse nichéedans les arbres. Souvent, le style de Ponti, en vo-lutes florales et nervures de bois, est comparé àcelui de l’Art nouveau. Lorsqu’on lui pose la ques-tion, il évoque certes une certaine lampe de cetteépoque qu’il a vu quotidiennement enfant, etaussi les bouches du métro parisien. Ce n’estpourtant pas une véritable source d’inspirationpour lui, et la comparaison avec l’Art nouveau de-vient tout à fait anecdotique. Ce style propre àPonti vient de son trait, délié et maîtrisé, et deson souhait de concevoir des habitations accueil-lantes et drôles. Des habitations qui se plient do-cilement aux souhaits de l’enfant, comme un êtrevivant et magique. Tout cela correspond à ce quel’enfant ressent par rapport à la maison, bien sûr.L’arbre immeuble de l’album Le Doudou méchant,par exemple, n’a rien qui évoque l’Art nouveau, nirien de très réaliste – comment tient cette struc-ture ? –. En observant le dessin (au trait sur lesgardes de l’album) on devine qu’il a commencépar les arbres, et que les structures d’habitationse sont logées dans les espaces. Exactementcomme l’on ferait pour se construire une cabane.Les cabanes sont d’ailleurs nombreuses dans seslivres : Okilélé en construit une en toile dans lamaison, avant d’en être chassé et d’en recons-truire une autre sous l’évier de la cuisine. Ses pa-rents, eux, construisent une cabane de feuillagesà la suite de la destruction de leur maison.

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↖L’Album d’Adèle, Claude Ponti,Gallimard.

↗Le Nakakoué, Claude Ponti, L’École des loisirs.

←Le Doudou méchant, Claude Ponti,L’École des loisirs.

→ Okilélé, Claude Ponti, L’École des loisirs.

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↖↗→Schmélele et l’Eugénie des larmes,Claude Ponti, L’École des loisirs.

↓Mô-namour, Claude Ponti, Gallimard Jeunesse.

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Dans L’Arbre sans fin on trouve plutôt une sortede petit palais dans les branches, mais le point dedépart est le même. Isée, dans Mô-Namour, seconstruit une cabane avec les débris de la voitureavant d’être « adoptée  » par Torlémo. De mêmequ’un enfant construit souvent la cabane de sesrêves dans sa chambre, les chambres d’enfantsde Claude Ponti évoquent souvent l’univers de lacabane avec plusieurs niveaux, des bricolages di-vers, des entassements organisés d’objets et dejouets. Au final, il y a peu de différences entre lachambre d’Adèle de la première page de La Nuit desZéphirottes, la chambre d’Oups du Doudou méchantou celle de Schmélele.

Puisqu’il s’agit de rêver et d’être heureuxdans un bel endroit, Claude Ponti a souvent re-cours à un procédé qui fait les délices des enfants.Il représente les maisons en pied et en coupe,comme ça on peut tout voir d’un coup, et circulerdu doigt sur la grande page, comme on pourraitcirculer dans une maison de poupée. La maison,grâce à ce procédé, prend littéralement sa valeurde paysage pour l’enfant. Celle que l’on trouve parexemple dans Schmélele ou l’Eugénie des larmes est toutà fait dans cette logique : sur une double page onvoit la façade de la maison, puis, sur la suivante,la façade enlevée dévoile… plusieurs petites mai-sons dans la maison ! Une mise en abîme queSchmélele méritait bien après son aventure, etqui lui permet de savourer à l’infini le plaisird’une maison retrouvée. Dans Le Tournemire ontrouve d’ailleurs une vraie maison de poupée,même si celle-ci ne s’était pas annoncée commetelle ! Alizilise et Mose sont arrivés là un peu parhasard, de même que le lecteur arrive en bout depage… et hop ! changement de perspective !

UNE PORTE SUR LE MONDE RÉEL La maison est un monde, le premier qu’on ex-plore, la ligne d’horizon de l’enfant pendant sespremières années. La maison est un corps, lecorps familial où l’enfant construit ses premiersrepères ; la maison est un être vivant, selon leprincipe d’animisme qui régit le rapport aumonde du tout-petit. Ponti ajouterait «  un être vi-vant, donc farceur ! ». Farceur ? Mais oui ! car lesportes s’ouvrent sur des infinis, des monstres setransforment en porte (c’est un raccourci savou-

reux du monstre-dans-le-placard) et l’on passed’une dimension à l’autre sans crier gare, par lamagie de portes bien vivantes.

L’album le plus frappant de ce point de vueest, me semble-t-il, Schmélele et l’Eugénie des larmes.La maison est si pauvre que le toit et les murs sesont envolés pour aller vivre ailleurs. Seule la porteest restée. Les parents de Schmélele travaillent tel-lement qu’ils ont fini par s’effacer, et la porte, las-sée, choisit de partir elle aussi… avec Schmélele.

Comme la maison n’existe plus, le monde esttotalement modifié, et cette porte, qui ne tientplus à aucun mur, devient parfois un pont pouraider Schmélele. Mais surtout, l’enfant peut en-core l’ouvrir et se cacher derrière : la notion d’ex-térieur et d’intérieur est préservée, on peut semettre à l’abri. Claude Ponti, interrogé à ce sujet,répond sobrement qu’il est indispensable pour lesenfants d’avoir toujours une porte de sortie. Ilrappelle que ceux-ci font tellement confiance auxadultes qu’ils n’en sont même pas conscients. Et qu’il leur faut très longtemps pour comprendreque quelque chose ne fonctionne pas.

On retrouve des portes dans plusieurs al-bums de Claude Ponti : portes animales de Schmé-lele et l’Eugénie des larmes, portes égarées (un comble,mais vous avez été prévenus, ce qui est vivant estfarceur) dans L’Arbre  sans  fin,  ou encore portesmonstrueuses, dévoratrices, terriblement dange-reuses, mais par lesquelles il faut passer… pour ensortir !

Schmélele et l’Eugénie des larmes montre une mai-son très particulière, la Maison-du-Chagrin. Danscet album où tout est fait pour que Schmélele ex-périmente, de toutes les manières possibles, laconsolation, les murs de cette maison sont faitsde larmes, Schmélele y recueille la larme la plusbleue, celle du fond du cœur. Un talisman pourconstruire sa prochaine maison. Quant auxportes qui ouvrent sur d’autres mondes elles sontnombreuses. Celle de Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron,une langue de terre qui se transforme en bouchedévoratrice, celle que le monstre sympathiqued’Adèle s’en mêle porte sur le torse et par laquelle onpasse pour changer d’univers, ou encore celle deNakakoué qui apparaît sur le corps du monstrevaincu et en cours de fossilisation.

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LE PASSAGE D’UN MONDE À L’AUTRE, UN PRINCIPE DENARRATION ET DE CRÉATIONLes portes, si ce sont des monstres qui se trans-forment, sont aussi cosmiques ou magiques :Mine, dans L’Écoute-aux-portes traverse même unmur de livres ! Or, dès les premiers albums, noustrouvons ce principe de mondes en enfiladecomme ressort narratif. Adèle s’en mêle en est l’ex-pression quasi littérale  : dès la page de titre,Adèle, installée dans son lit, de plain pied avec lelivre immense et le lecteur, troue d’un petit doigtcurieux la page qui forme l’horizon du lit. Nousla retrouverons rapidement dans les pages quisuivent. La Nuit  des Zéphirottes commence de lamême manière : les Zéphirottes en question ontpercé un petit trou dans le mur de la chambred’Adèle et ils regardent avec plaisir le fouillis quirègne chez elle avant de l’emmener. Pour ce faire,

ils la transforment en Zéphirotte, un tout petitpersonnage, juste assez grand pour se construireune habitation dans tous les grands monumentsde Paris. Aller et venir entre l’immense et le toutpetit c’est le quotidien de l’enfant, qui passe sanscesse de l’échelle du monde adulte à la sienne. Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron joue aussi sur ces chan-gements d’échelle : dans le ventre du Bouffron-Gouffron, tout change de taille en permanence !

L’Arbre sans fin est un livre sur l’apprentissageprogressif du monde qui nous entoure. Avec uneconclusion qui contredit le titre : l’arbre d’Hipol-lène n’est pas sans fin ! Mais pour compenser cedifficile parcours Hipollène a gagné le droit deporter «  une coiffure de grande fille  ». Elle est de-venue «  Hippolène-la-découvreuse  », celle qui saitaller de l’avant. Elle a aussi gagné un collier garnid’une grosse perle, en tout point semblable à celuide sa mère, et cette perle est «  une graine d’arbre  ».Une graine d’arbre, c’est-à-dire une graine demaison.

D’UN MONDE À L’AUTRE Nous nous retrouvons, en quelque sorte, dansun livre qui est lui-même dans un livre… Et lesmondes se succèdent en douceur les uns auxautres : non pas que nous partions de plus enplus loin, nous voyageons immobiles ! La dernièreimage de l’album Ma Vallée le raconte : dans l’en-trelacs des racines d’un arbre se trouve l’entrée surla vallée de l’histoire. Une fois de plus le principenarratif de Claude Ponti renvoie au principe mêmede ce qu’est la lecture. Il s’agit bien d’une narra-tion, donc d’une progression : le passage d’unmonde à l’autre se fait de la gauche vers la droiteet l’on passe à chaque fois par une nouvelle étape.

UNE REPRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE CRÉATIVECette façon de progresser dans l’espace peut êtrerapprochée de l’un des aspects de la démarchecréative de Claude Ponti. Écoutons-le nous en par-ler : «  (…) pour que l’album soit en librairie à larentrée, il faudrait (…) que je le donne fin juin. Engénéral je le donne début septembre (…). Donc jecale celui-là, je le commence, parce que j’ai l’his-toire, j’ai tout ce qu’il faut, mais je ne sais pas

↑Ma Vallée, Claude Ponti, L’École des loisirs

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faire ce qu’il faut, donc, quand je commence, jepense à un autre, que je mets en route, puiscomme je suis malin, je pense aussi à un autre,et ainsi de suite, donc normalement, si tout sepasse bien, ça fait un rond et je me retrouve à fairele premier.» Ce qui peut apparaître à première vuecomme un peu brouillon est un désordre très or-ganisé et, surtout, très créatif. La boucle merveil-leuse sur laquelle est emporté le personnage, et lelecteur avec lui, ressemble à celle que construit,dans ses premiers jets, l’auteur. Et le plaisir quecelui-ci éprouve à se raconter une histoire estcommuniqué à celui-là.

LE DOUTE, MOTEUR DE LA CRÉATIONCe principe d’emboîtement se retrouve aussi dansdes petits événements que Claude Ponti a expéri-menté au quotidien. Voici comment il raconte parexemple la manière dont il a imaginé le début deL’Écoute-aux-portes : «   C’est une idée qui m’estvenue quand Adèle était petite et qu’on procédaità la cérémonie du coucher. Je lui enfilais sa che-mise de nuit et on n’avait pas défait le bouton ducol, donc, ça bloquait… Le temps que je défasse lebouton et voilà que hop, elle sort la tête ! Je mesuis dit : c’est dingue comme elle est confiante,alors que moi j’aurai eu de gros doutes !  ». Cedoute dont Claude Ponti parle avec humour estl’un des moteurs – de taille – de sa création. Eneffet, dans la mesure où l’on n’est jamais sûr de ceque l’on va trouver derrière une porte, tout restepossible.

Ces changements de dimension, ClaudePonti les explique ainsi : «  Dans le livre je lui fais(à l’enfant) son monde. Son monde c’est le sien,mais il y a aussi celui des autres, et le monde au-quel on veut lui faire croire. Beaucoup de gensveulent faire croire beaucoup de choses à beau-coup de gens. J’essaie de rendre ces passagesd’une vision du monde à l’autre moins doulou-reux, plus faciles pour les enfants  ».

« HOME », LÀ OÙ LE CŒUR BAT, LE CŒUR DU CORPS FAMILIALPonti sait faire preuve d’un véritable réalisme fa-milial. La cérémonie du coucher, par exemple, re-trouvée à la fin de L’Écoute-aux-portes, quand le pèrearrive avec une histoire à lire ; mais aussi la bous-culade du lundi, douloureuse et déchirante, etqui, dans Okilélé, met la famille en rage et prête àse débarrasser du petit laideron. Ce réalisme se re-trouve aussi dans Le Catalogue des parents à l’usage deceux qui veulent en changer : les parents sont, pendantde longues années, comme des dieux, capables depourvoir et répondre à tout. Tout particulière-ment les bonplans, ceux qui ne baissent jamaisles bras : « si, par malheur, (les parents bonplans)deviennent pauvres et que les murs de leur mai-son s’enfuient de désespoir, ils continuent aveccourage à œuvrer dans le bon sens de la vie. »

Et le bébé maison du Tournemire ? Il avaleMose et Azilise, et se transforme progressive-ment. Pendant ce temps les deux petits amou-reux se promènent tranquillement dans unemaison qui se construit doucement autour d’eux.

CORPS D’ORIGINE : UNE HISTOIRE DE MATRICE ?On attribue souvent à Claude Ponti l’intention derecréer la matrice originelle. Il est évident quenombre d’images font référence à des corps qui setrouvent à l’intérieur d’autres corps. Car il s’agitd’être protégé, n’est-ce pas ? Le plus intéressantc’est ce qu’il en dit  : «   (L’espace intra-utérind’avant la naissance) est une interprétation vou-lue dans le sens où elle n’est pas refusée. (…). Jeme demande régulièrement si je vais garder ounon ce qui vient. (…) J’ai construit ça, et dedans ily a ça, et ça… qu’est-ce que je garde ? Eh bien, jegarde le côté matriciel.  »●

Les citations de Claude Pontiproviennent d’une conférence

de l’auteur animée par Adèle de Boucherville à Marseille,

à la bibliothèque de l’Alcazar,dans le cadre de l’exposition

«  Quand l’architecture se livreavec Claude Ponti  » en 2010.

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