12 SEMAINES

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AVEC LE CONCOURS DE EN ASSOCIATION AVEC DOSSIER SPÉCIAL CHAQUE VENDREDI PENDANT 12 SEMAINES l’Art de l’Entreprise Globale Naviguer dans les eaux de la finance mondiale 9 EN COLLABORATION AVEC LE

Transcript of 12 SEMAINES

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A V E C L E C O N C O U R S D E

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D O S S I E R S P É C I A L C H A Q U E V E N D R E D I P E N D A N T 1 2 S E M A I N E S

l’Art de l’EntrepriseGlobale

Naviguer dans les eauxde la financemondiale9

E N C O L L A B O R A T I O N A V E C L E

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Directeur général, directeur des publications : Olivier FLEUROT

Directeur général adjoint : David GUIRAUD

Directeur de la rédaction, rédacteur en chef : Nicolas BEYTOUT

L’Artde l’Entreprise Globale

Rédacteur en chef adjoint : Michel DABAJI

Coordination et secrétariat de rédaction : Stéphanie MEUNIER

Valérie MAILLARD

’image des marchés financiers mon-diaux a subi le contrecoup de la crisefinancière asiatique. Les investisseursinternationaux ont souffert du doublechoc de la dépréciation des devises etde l’effondrement des marchés bour-Lsiers. Et les entreprises ont dû faire face

à des engagements coûteux : elles se sont vuescontraintes, en effet, de transférer des capitauximportants par le biais du marché des changes.

Parmi ces entreprises, les exemples les plus specta-culaires sont ceux des firmes coréennes qui s’étaientmassivement endettées en dollars et des banquesinternationales qui détenaient des créances impor-tantes sur des sociétés asiatiques. Ces crédits − libel-lés principalement en dollars et de ce fait nonexposés directement au risque de change − devrontpour certains faire l’objet d’abandons de créancespar suite de défaillances qui sont, elles, liées aurisque de change.

En effet, les entreprises asiatiques étaient vulné-rables à un risque de change qui, lorsqu’il s’estconcrétisé, les a automatiquement empêchées d’ho-norer leurs engagements à l’égard de leurs créan-ciers étrangers. Cette situation montre à quel pointles risques de change et de crédit sont aujourd’huiétroitement liés sur des marchés financiers globaux.

Mais le principal enseignement de cette crise, pourles dirigeants des entreprises mondiales comme pourles investisseurs internationaux, réside dans le faitqu’elle a totalement bouleversé la donne en matièrede compétitivité mondiale. Les tigres de l’Asie duSud-Est avaient enregistré une croissance spectacu-laire et acquis des positions très favorables sur lesmarchés mondiaux, mais leurs coûts de production

avaient augmenté. Les marchés financiers − facteurclef de régulation − ont balayé toutes ces avancéesd’un seul coup et fait replonger les entreprises de cespays dans la course à la compétitivité par les coûts.Ces entreprises, parce qu’elles possèdent desmarques solidement établies et un fort capitald’expertise et de technologie, redeviendront desconcurrents redoutables si leurs structures finan-cières leur permettent de passer ce cap difficile.

Nombre d’entre elles sont pourvues de réelsatouts et, tel le Phénix, renaîtront de leurs cendres sielles parviennent à résoudre leurs difficultés finan-cières à court terme. On peut établir un parallèleavec Eurotunnel : dès lors qu’il a été opérationnel,Eurotunnel a pu continuer de s’affirmer comme unconcurrent sérieux face aux compagnies de ferries endépit d’une situation financière très complexe et desincertitudes qui pesaient sur la structure à terme deson capital.

Les marchés financiers internationaux ont doncrouvert le champ de la concurrence, soumettant lesentreprises américaines, européennes et aujourd’huiasiatiques à une pression compétitive accrue.

Une crise financière n’est pas le signe d’un échecdes marchés, bien au contraire. Les marchés finan-ciers mondiaux remplissent efficacement leur rôlerégulateur, même s’ils le font parfois avec brutalité.Certes, les crises font des victimes, mais les entre-prises qui leur survivent bénéficient ensuite deformidables opportunités de croissance et d’amélio-ration de leur compétitivité. Les investisseurs inter-nationaux qui ont su garder leur sang-froid peuventà cette occasion réaliser des achats à bon compte.

La suite de l’article analyse les principaux ensei-gnements à tirer de ces événements, que l’on soitdirigeant d’une entreprise multinationale ou inves-tisseur international.

Les marchés financiersNous l’avons déjà démontré depuis le début de lasérie sur l’entreprise globale, les moteurs de lamondialisation de l’économie sont notamment :

− un ralliement général à l’idéologie libérale del’économie de marché ;

− l’expansion économique des pays en dévelop-pement ;

− les progrès des techniques de communication ;− la suppression des entraves aux échanges com-

merciaux et aux transferts de capitaux et de techno-logies.

L’influence de ces facteurs a été accentuée par lamondialisation parallèle des marchés financiers− ces deux processus, étroitement liés, se renforçantl’un l’autre.

L’accroissement des mouvements de capitauxinternationaux − inévitable du fait de la mondialisa-tion de l’activité économique − entraîne une aug-mentation significative de la demande de devises.Celle-ci dope la concurrence entre les banques et lesmarchés financiers à l’échelle internationale, etcette concurrence accrue, à son tour, stimule lademande de déréglementation des marchés decapitaux.

Dans le même temps, les progrès des technologiesde l’information et de la communication ont eu poureffet d’améliorer l’efficacité et la rapidité d’exécu-tion des transactions, tandis que les innovationsintroduites sur les marchés de capitaux entraînaientl’apparition de nouveaux instruments financiers,principalement les produits dérivés.

Pour les fournisseurs de capitaux (banques etinvestisseurs) et pour les utilisateurs (entreprisesmondiales), le paysage financier global présente uncertain nombre de caractéristiques :

− une multiplication par dix des crédits bancaireset des emprunts obligataires internationaux (voirfigures 1 et 2) ;

− une hausse importante de la plupart des mar-chés actions (voir figure 3) ;

− une très forte augmentation des opérations dechange ;

Entreprise et financemondiales

L’augmentation constante des transferts de capitaux et lesprogrès des communications devraient encore accroître

l’importance des marchés financiers mondiaux.Rory F. Knightenseigne la financeau Templeton Collegede l’universitéd’Oxford. Sesrecherches portent surles stratégiesd’entreprise etla stratégie financière,l’investissementinternational etla politique financièredes grands groupes,la gestion du risquede change, lesjoint-ventures, fusions etacquisitions, la structuredu capital etle gouvernementd’entreprise ainsi queles marchésinternationaux decapitaux et de changes.

Rory F.Knight

9n Naviguer dans les eaux

de la finance mondiale

Entreprise et finance mondialesPar Rory F. Knight, Templeton College

Pages II à V

Gérer le risque de change dans un monde volatilPar Dennis E. Logue, Amos Tuck SchoolQuels sont les risques auxquels sont exposées lesentreprises dans une économie mondialisée, quelssont les outils de couverture et comment déterminerle niveau optimal de couverture sont les questionsqui se posent aux managers confrontés au risque dechange.

Pages VI à VIII

Transparence et qualité des états financiersPar Mary Keegan et Claude Lopater,PricewaterhouseCoopersLa création d’un marché européen des actions risqued’imposer l’harmonisation que les directiveseuropéennes n’ont pu faire. A l’aide des normesIAS ?

Pages VIII et IX

Assureurs : la couverture du risque politiqueaussiPar Malcolm Stephens, Templeton CollegeLes sociétés d’assurances et de réassurances privéess’intéressent de plus en plus à la couverture du risquepolitique. Un secteur traditionnellement du ressortdes pouvoirs publics.

Pages X et XI

II Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998L’Art de l’Entreprise globale

RORY F. KNIGHT

Pour recevoir les cahiersde L’Art de l’Entreprise globale, reportez-vous

à la page X

Crédits bancaires internationaux Figure 1

En milliards de dollars

1995

1984

0 2.000 4.000 6.000 8.000

Emprunts obligataires internationaux Figure 2

En milliards de dollars

1995

1984

0 500 1.000 1.500 2.000

Plus de 50 % du volume des transactions effectuées à la Bourse de Londres portent sur des valeurs internationales

Figure 3

2.000

1.500

1.000

500

01992 1993 1994 1995 1996

En milliards de livresInternationales

Nationales

La semaine prochaine :L’Etat, l’entreprise et le citoyen

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− une explosion du volume des transactions surproduits dérivés : contrats de futures, options etswaps de devises.

Investisseurs internationauxLe principe de la diversification des risques, quiveut que la somme des risques liés aux différentescomposantes d’un portefeuille soit inférieure aurisque global, a favorisé le développement d’uneculture de l’« investissement passif » dans les rangsdes gestionnaires de portefeuilles internationaux.Confortablement adossée à la théorie de l’efficiencedes marchés, cette culture vise à minimiser lesrisques en les diversifiant le plus possible sur unensemble toujours plus large de marchés.

Comme le rendement attendu d’un portefeuilleinternational est égal à la somme des rendements dechacune de ses parties, un portefeuille internationalsera toujours préférable à un portefeuille domes-tique en termes d’équilibre optimal entre risque etrentabilité. D’où la tendance actuelle à la mondiali-sation des portefeuilles.

Mais pour l’investisseur actif, une telle démarcherevient à accepter de ne pas chercher à en savoirplus. Or lui sera, pour sa part, en permanence àl’affût de valeurs apparemment sous-évaluées, etcette recherche le conduit à se tourner résolumentvers les marchés mondiaux. Il considère en effet quel’attrait d’une croissance forte et le risque devolatilité dont elle s’accompagne sont deux aspectsindissociables d’une même réalité, surtout sur lesmarchés émergents.

Les principaux défis que doit relever l’investis-seur international sont les suivants :

− gérer le risque de change lié à la détention d’unportefeuille mondial ;

− comprendre les phénomènes de corrélationentre les différents marchés ;

− sélectionner des titres.

l Gérer le risque de change lié à la détentiond’un portefeuille mondial.

On relève une tendance, sur les marchés volatilsen particulier, à se couvrir contre les effets desfluctuations de changes. C’est une erreur : une

analyse plus approfondie montre en effet que lesfluctuations des devises n’ont pas grand-chose à voiravec les variations du cours des actions. Autrementdit, la suppression arbitraire du risque de changepeut, de fait, accroître le risque de portefeuille.

Bien que paradoxale à première vue, cette ana-lyse se fonde sur une logique irréfutable. Le risquede change peut en fait contrebalancer une part durisque lié à l’évolution des cours de Bourse, et sasuppression grâce à une opération de couverture− outre un coût élevé − peut aussi entraîner laréapparition de risques qui étaient jusque-là com-pensés.

D’où l’obsession des gestionnaires de portefeuillepréoccupés de déterminer des ratios optimums decouverture, autrement dit le niveau idéal de couver-ture pour un portefeuille donné.

Or cette recherche est vaine, car un ratio decouverture doit toujours être déterminé en liaisonavec la répartition des actifs dans un portefeuille.Plutôt qu’un déterminant du processus d’allocationdes actifs, les ratios de couverture en sont lerésultat. Les investisseurs internationaux qui ontrecours à des instruments de couverture tendent àcouvrir exagérément leurs positions − pour la plusgrande satisfaction des conseillers financiers quileur fournissent ce type de services.

l Comprendre les phénomènes de corrélationentre les marchés.

Les investisseurs internationaux s’intéressent detrès près au degré de corrélation entre les différentsmarchés. Bernard Dumas, dans un article paru dans« L’Art de la Finance » (n° 2, vendredi 20 et samedi21 mars 1998), a analysé en détail ce phénomène etnoté qu’il existe de fortes corrélations, démontréespar les faits. Ce phénomène a d’importantes consé-quences.

D’une part, si tous les marchés sont très large-ment soumis aux mêmes facteurs, les avantagespotentiels liés à une diversification internationales’en trouvent fortement réduits.

D’autre part, si − comme le pense Bernard Du-mas − l’augmentation du niveau de corrélationdécoule de l’intégration croissante des marchés de

capitaux, nombre de stratégies financières mises enl’œuvre à l’échelle mondiale deviennent caduques.Dans un marché intégré de capitaux, le coût de laressource financière sera le même sur tous lesmarchés : il devient alors inutile de chercher à leverà moindre coût des capitaux sur les marchés mon-diaux.

l Sélectionner des titresDans ce domaine, un certain nombre d’écueils

guettent l’investisseur imprudent. Quelques règlessimples lui permettront de les éviter :

− Eviter de se précipiter sur des titres de sociétésimplement du fait de leur renommée.

Souvent, les investisseurs internationaux optentpour des valeurs réputées sur un marché étranger,comme Nestlé en Suisse ou Volvo en Suède. Or cesfirmes ont une forte notoriété précisément parcequ’elles opèrent à l’échelle mondiale. Dans lamesure où elles sont affectées par les mêmesfacteurs sur la scène économique internationale,investir trop largement dans des valeurs mobilièresde cette nature aura inévitablement pour consé-quence de réduire les avantages liés à la diversifica-tion.

− Se rappeler que le capital international estconcentré.

En dehors des marchés anglo-saxons, les marchésd’actions sont extrêmement concentrés. Un nombrelimité de grandes entreprises représentent unefraction importante de la capitalisation boursièretotale. Cette caractéristique a pour effet de biaiserfortement les résultats des études de corrélation surlesquelles s’appuient les décisions d’allocation d’ac-tifs.

− Jouer pleinement son rôle d’actionnaire.Du fait du développement des investissements

internationaux et de la diversification passive, demoins en moins d’actionnaires participent active-ment au contrôle de la bonne marche (« corporategovernance ») des entreprises mondiales dans les-quelles ils investissent. Cette situation n’est passaine pour deux raisons : d’abord, elle risque depermettre aux piètres performances d’une directionsclérosée de passer inaperçues. Ensuite, elle n’incite

Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998 IIIL’Art de l’Entreprise globale

La Bourse de Jakarta (Indonésie). Les tigres de l’Asie du Sud-Est avaient enregistré une croissance spectaculaire et acquis des positions très favorables sur les marchés mondiaux. Mais, au moment de la crise,les marchés financiers ont balayé toutes ces avancées d’un seul coup et fait replonger les entreprises de ces pays dans la course à la compétitivité par les coûts.

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pas les dirigeants à s’interroger sur la valeur réellede leur entreprise dans la mesure où il est en toutétat de cause difficile de faire passer un messageclair à un actionnariat anonyme et géographique-ment dispersé.

− Dans le cadre de la mondialisation, les investis-seurs peuvent rester investis sur leur marché domes-tique.

Du fait de l’émergence d’entreprises mondiales,une part croissante de la capitalisation boursièrenationale est déjà constituée par des actifs forte-ment diversifiés à l’échelle internationale. Un bonexemple en est fourni par les fonds de pensionsuisses. Ces fonds ne détiennent que des actions desociétés suisses, mais les plus importantes de cesentreprises, Nestlé ou Novartis par exemple, sontelles-mêmes internationales. Ainsi, bien que lesportefeuilles de ces fonds de pension soient investisen valeurs domestiques, ils sont de fait largementdiversifiés au plan international. L’entreprise mon-diale peut donc, jusqu’à un certain point, servir desubstitut à la diversification internationale d’unportefeuille. Les investisseurs domestiques doiventnéanmoins rester vigilants : l’efficacité de ce type desubstitution, thème de nombreuses recherches etcontroverses, reste à démontrer.

− Les informations disponibles sur les entreprisesne sont pas toutes également fiables.

Les principes comptables et les règles de publica-tion des informations varient très sensiblement d’unpays à l’autre. Ces différences peuvent rendredifficile l’analyse comparative des entreprises auniveau mondial et entraîner des erreurs lourdes deconséquences.

Une stratégie globalePour une entreprise, la première conséquence fi-nancière de la mondialisation est l’exposition aurisque de change. Et beaucoup se félicitent de lacréation d’une monnaie unique en Europe, fré-quemment présentée comme le moyen d’éviter cerisque et de favoriser l’intégration de l’activitééconomique dans la région.

A l’encontre de cette thèse, notons cependant

que rien ne permet d’affirmer que le risque dechange ait pu être une entrave à la mondialisationde l’économie. A cela, plusieurs raisons :

l Il est facile de recourir à des opérations decouverture pour des transactions spécifiques.

Le développement favorable des marchés finan-ciers, combiné au progrès des technologies del’information, permet aux directions financières desgrandes entreprises mondiales de gérer leurs mul-tiples flux en devises dans l’optique de minimiser leseffets négatifs des fluctuations de change.

Grâce à la prolifération d’instruments financiers(négociables sur les marchés organisés et sur lesmarchés de gré à gré) tels que les options, lescontrats de futures et les swaps de devises, lesdirecteurs financiers disposent d’un large éventaild’outils pour gérer efficacement et à moindre coûtle risque de change.

l Une politique financière mondialisée est en soiune couverture contre le risque.

Le financement en monnaie locale d’investisse-ments à l’étranger permet de compenser les effetsdes fluctuations monétaires, et donc de préserverefficacement la valeur d’une entreprise mondiale.

l Une politique d’approvisionnement mondiali-sée élimine le risque de change.

Une politique mondiale d’approvisionnementcomme celle mise en œuvre par Toyota dans lecadre de son activité industrielle permet de s’assu-rer que les coûts et le chiffre d’affaires évoluentautomatiquement dans le même sens. Les flux dansune monnaie donnée s’équilibrent donc très large-ment, ce qui permet d’éviter les mauvaises surprises,même lorsque certaines devises connaissent desfluctuations brutales par rapport à la monnaie deréférence utilisée pour l’établissement des étatsfinanciers.

l Toutes les devises ne s’effondrent pas enmême temps.

IBM gère des flux quotidiens importants dansplus de 30 devises. Toutes ces monnaies n’évoluentpas dans le même sens par rapport au dollar. Enconséquence, les effets des variations individuellesse compensent automatiquement au sein du « porte-feuille » que constitue l’ensemble des flux de lafirme.

l Les fluctuations monétaires affectent aussi laconcurrence.

La volatilité des monnaies pose un problèmecrucial, celui de ses effets sur la compétitivité d’uneentreprise. Si une entreprise mondiale est exposée àdes fluctuations de change sur un marché particu-lier, l’effet à terme de ces variations sur sa valeurréelle sera égal au total des variations de sespositions concurrentielles.

Prenons l’exemple du marché américain desimportations automobiles. A première vue, unebaisse du dollar vis-à-vis du mark pourra semblerpréjudiciable aux ventes de BMW aux Etats-Unis(en supposant une rentabilité constante en marks).Mais si la livre sterling s’apprécie dans une plusforte proportion contre le dollar, la situation deJaguar sera moins enviable encore. L’effet net deces variations est difficile à apprécier et peutparfaitement se traduire par une amélioration de lacompétitivité de BMW par rapport à Jaguar.

Politique de couverture ?Globalement, le risque de change ne paraît pasavoir ralenti le mouvement de mondialisation. LePDG d’une entreprise mondiale doit néanmoinsdéfinir des règles claires de gestion de ce risquepour élaborer une stratégie financière cohérente eten phase avec la stratégie globale de son entreprise.

La décision de se doter ou non d’une stratégie decouverture doit être mûrement pesée à partir desmêmes critères que ceux utilisés pour toute autredécision financière, autrement dit en évaluant sonimpact probable sur la valeur de l’entreprise. Quel

est l’impact d’une politique de couverture sur lavaleur actuelle des cash-flows futurs ?

La réponse la plus courante à cette question vadans le sens d’une stratégie de couverture, celle-cipermettant en effet de réduire l’incertitude et, parconséquent, le taux d’actualisation dans le calcul dela valeur d’une entreprise. En résumé, une stratégiede couverture entraîne une baisse du coût du capitalqui compense largement le coût financier desopérations de couverture. La valeur de l’entreprises’en trouve donc accrue. Cette argumentation peutsembler valable dans le cas de transactions ponc-tuelles. On peut avoir recours à des produits dérivéspour fixer un taux de change particulier préalable-ment à une transaction, afin que, au terme de lapériode de couverture, l’entreprise ne soit pasaffectée par les fluctuations monétaires. Mais desentreprises mondialisées traitent des flux constants,et le fait de se couvrir à court terme n’a, pardéfinition, aucun effet sur le niveau d’incertitudequi s’attache à une période plus longue de plusieursannées.

Pour l’illustrer, il suffit de comparer la volatilitédes cours au comptant et à terme. Force est deconclure qu’il n’y a pas d’écart significatif entre lesdeux. Les prix des futures ne fournissent aucuneinformation supplémentaire par rapport aux prix aucomptant. Dans ces conditions, vouloir couvrir latotalité des flux en devises est un exercice aussi vainque de changer la disposition des transats à bord du« Titanic ».

De plus, si l’on fait appel à des produits dérivés àplus long terme comme les swaps de devises (quisont l’instrument le plus utilisé pour couvrir desemprunts internationaux), cela revient tout simple-ment à annuler les raisons mêmes pour lesquelles ona souscrit un emprunt international.

C’est pourquoi les PDG des entreprises mon-diales s’interrogent de plus en plus − et à justetitre − sur l’opportunité des produits dérivés. Mêmeutilisés de manière judicieuse, ces instruments of-frent peu d’avantages en termes de création devaleur. Et, utilisés à mauvais escient, ils peuventavoir des effets dévastateurs. La liste des victimesinclut des sociétés comme Metallgesellschaft etBarings, conduites au bord de la faillite par un usageimmodéré de produits dérivés internationaux.L’image est tout à fait appropriée : les produitsdérivés s’apparentent à une sorte de drogue, dontles banques internationales ont encouragé laconsommation − drogue chère, procurant des sensa-tions agréables si elle est consommée avec modéra-tion, mais susceptible d’engendrer une véritabledépendance et d’avoir des effets dévastateurslorsqu’on en abuse de façon répétée.

On peut aussi poser le problème dans des termesdifférents : la mise en œuvre d’une politique decouverture particulière est-elle de nature à inciterdes investisseurs à payer plus cher les actions d’uneentreprise mondiale ? La réponse risque fort d’êtrenégative.

Tout d’abord, certains investisseurs peuvent par-faitement couvrir leurs propres positions de ma-nière adéquate et à des coûts relativement faibles,ce qui réduit l’intérêt d’une stratégie globale decouverture au niveau de l’entreprise. La mise enœuvre d’une telle stratégie par l’entreprise a doncsouvent pour résultat de supprimer des risques déjàpris en compte par les investisseurs à leur propreniveau. Dans ce contexte, une stratégie de couver-ture représente une charge inutile et une ponctionsur la valeur de l’entreprise.

Qui plus est, elle néglige le fait que les investis-seurs ont peut-être choisi d’investir dans un groupemondial en raison précisément de la nature desrisques liés à ce type de sociétés.

L’annonce par Newmont Mining de sa décisionde mettre fin à sa politique de couverture estl’exemple même d’une société qui a pris conscience

En matière de structures de gouvernement d’en-treprise, un exemple tout à fait novateur nousest fourni par le constructeur informatique taï-wanais Acer.Son PDG, Stan Shih, a présenté sa « Vision21/21 », qui repose sur une stratégie financièrenouvelle et passionnante. Un holding ACI a étéconstitué à Singapour, ce holding étant lui-même contrôlé par Acer Inc., coté à Taiwan.Ensemble, les deux sociétés contrôleront19 autres sociétés détenant les activités régio-nales d’Acer et cotées sur les différentes placesmondiales.Ce montage permet à Acer d’étendre soncontrôle bien au-delà de ses engagements finan-ciers. Il lui permet simultanément d’accroître sa

capacité financière tout en diminuant son coûtdu capital. Mais il en résulte une structurepyramidale à l’échelle mondiale qui permet desprises de participation à de nombreux niveaux(voir la figure ci-contre).De telles innovations sont source de création devaleur précisément parce que les marchés mon-diaux de capitaux sont complexes et opaques.Face à une telle complexité, il est tout à faitparadoxal que les conseils d’administration desgrandes entreprises mondialisées restent domi-nés par des représentants nationaux. Le jour oùces conseils décideront de s’internationalisereux-mêmes, les entreprises globales cesserontd’être ce qu’elles sont encore aujourd’hui : desentreprises nationales en quête d’un empire.

L’architecture novatrice d’Acer

IV Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998L’Art de l’Entreprise globale

Acer Vision 21/21Des participations aux niveaux local et mondial dans 21 entités cotées d'ici à l'an 2000. Une nouvelle architecture pour l'actionnariat des firmes mondiales.

ACIcoté à Singapour

Acer (Taiwan), coté au niveaumondial sous forme de certificats

de dépôt mondiaux (GDR)

Unités régionalesAcer (19)

cotées sur les différencesplaces mondiales

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des limites d’une telle stratégie et qui en tireclairement les conséquences. D’autres entreprisesmondiales comme BP ont annoncé leur intention defaire de même pour certains types de risque.

Structure de capital mondialeBien que de nombreuses entreprises soient cotéessur plusieurs places boursières, une part étonnam-ment faible de leur capital est détenue par desinvestisseurs étrangers. L’introduction très médiati-sée de Daimler-Benz à la Bourse de New York, parexemple, s’est traduite par une participation améri-caine d’à peine 3 % dans son capital. Plus récem-ment, dans le cadre de leur privatisation, d’autresgroupes européens comme France Télécom etDeutsche Telekom ont voulu ouvrir leur capital àdes actionnaires étrangers. Il n’en reste pas moinsdifficile, aujourd’hui encore, de trouver un exemplede société mondiale dont le capital soit détenu enmajorité par des investisseurs non résidents.

Depuis que Nestlé a autorisé des actionnairesétrangers à détenir des titres nominatifs, un peu plusde la moitié de son capital serait passée entre desmains étrangères. Mais, toujours d’après certainesestimations, les investisseurs étrangers détiennentnettement moins de 50 % des droits de vote.

Le groupe pharmaceutique danois Novo Nordisk(anciennement Novo Industri) a réussi à placer àl’étranger environ 80 % de ses actions de type B,soit l’équivalent de 35 % des droits de vote. Leformidable succès remporté par cette opération apermis à Novo de réduire considérablement soncoût du capital et de se positionner favorablementpar rapport à la concurrence. Tout s’est bien passépendant une décennie environ. Mais, dans lesannées 90, le groupe a vu revenir sur le marchédanois un volume important de titres, si bienqu’aujourd’hui plus de 80 % du capital de l’entre-prise se trouvent à nouveau entre des mains da-noises.

Curieusement, la plupart des cotations d’entre-prises étrangères sur le marché de New York se font

sous la forme d’émissions de certificats de dépôtaméricains (« American depositary receipts ») : envertu de ce dispositif, une société non américaineplace un paquet d’actions en dépôt auprès d’unebanque américaine pour ouvrir un compte local detransaction sur la valeur.

Ce concept a été étendu aux certificats de dépôtmondiaux (GDR, ou « global depository re-ceipts ») ; cette procédure permet d’ouvrir descomptes de ce type sur plusieurs places simultané-ment. S’ils constituent une innovation utile, l’exis-tence même de ces mécanismes prouve bien que lesmarchés financiers sont encore loin d’être totale-ment intégrés.

Autre illustration : les conditions de rapproche-ment entre certaines entreprises anglaises et néer-landaises. Royal Dutch/Shell et Reed/Elsevier ontfusionné leurs activités, mais tout en conservantleurs cotations respectives sur leurs marchés domes-tiques. Ainsi, Reed Elsevier n’est pas coté en tantque tel, même s’il est possible d’investir indirecte-ment dans le groupe Via Reed International àLondres ou Elsevier à Amsterdam. Un autreexemple européen est celui d’ABB ; le groupe n’apas été introduit en Bourse, mais contrôle deuxsociétés holdings qui sont, elles, cotées : Asea enSuède et Brown Boveri en Suisse. Dans un marchéde capitaux véritablement intégré, de tels méca-nismes seraient redondants.

Un avantage compétitifEn tout état de cause, les sociétés mondiales cher-chent à transformer leurs structures locales de gou-vernement d’entreprise en avantage compétitif. Cettestratégie est riche d’enseignements sur les modes derégulation en Europe continentale.

Par tradition, la propriété du capital est relative-ment peu réglementée sur le continent : les entre-prises mondiales d’origine européenne ont ainsibénéficié d’un avantage compétitif important parrapport aux sociétés soumises à de fortes règlementa-tions, notamment sur les marchés anglo-américains.

Le capital des entreprises allemandes, parexemple, est caractérisé par une structure pyrami-dale qui leur permet de contrôler un volumed’activités sans commune mesure avec les investis-sements en capitaux réalisés. Sur le plan financier,ce mode de contrôle leur procure un effet de levierconsidérable, dont leurs concurrentes anglo-améri-caines sont privées. Dans ce domaine, tout change-ment de règlementation qui serait imposé parBruxelles aurait un effet négatif sur la compétitivitéde beaucoup d’entreprises européennes.

La prochaine décennie verra sans doute desinnovations majeures en ce qui concerne les struc-tures de propriété du capital des grandes entrepriseset les modalités de répartition du risque. Denombreuses sociétés mondiales, déjà contraintes deséparer clairement leurs activités sous la pressiondes marchés, devront se doter de structures decapital plus ouvertes et plus transparentes au niveaumondial. l

La crise qui a frappé l’Asie du Sud-Est à la fin dede 1997 met en évidence la puissance des marchésfinanciers mondiaux, dont l’importance est appeléeà croître encore, compte tenu de l’augmentationconstante des transferts de capitaux réalisés par lesgrandes entreprises mondiales et des progrès descommunications, qui permettent d’effectuer lestransactions plus rapidement. Dans cet article,Rory Knight dresse un état des lieux des marchésde capitaux mondiaux et analyse les avantages etles inconvénients respectifs de diverses stratégiesfinancières. Il affirme notamment que la vogueactuelle des produits dérivés, utilisés comme outilsde couverture contre le risque de change, ne sejustifie pas et plaide pour de nouvelles structuresdu capital dans les entreprises mondialisées.

Résumé

Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998 VL’Art de l’Entreprise globale

Introduction de France Télécom à la Bourse de New York en octobre 1997. Bien que de nombreuses entreprises soient cotées sur plusieurs places boursières, une part plutôt faible de leur capital est détenuepar des investisseurs étrangers.

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ien n’est pire pour un manager que devoir les bénéfices d’une transactionréduits à néant en raison d’une fortevariation du cours d’une devise étran-gère. Du fait de la volatilité des tauxde change et de l’accroissement desRéchanges commerciaux et des inves-

tissements internationaux, la valeur des flux endevises d’une entreprise est beaucoup moins stableque par le passé en l’absence de couverture.

Même des entreprises purement nationales peu-vent avoir à pâtir des fluctuations monétaires. Leshôtels américains d’Hawaii, par exemple, ont enre-gistré une forte baisse du tourisme japonais quand lecours du dollar est passé en un peu plus d’un an de90 yens à 120 yens.

Pour faire face au risque de change, un nombresans cesse croissant d’entreprises mettent en placedes stratégies de couverture. Dans le cadre d’uneétude récente menée par la Wharton School del’université de Pennsylvanie, environ 40 % des socié-tés interrogées ont déclaré avoir une politique decouverture. Une majorité d’entreprises n’y ont doncpas recours, pour des raisons qui tiennent trèsvraisemblablement au coût des opérations de couver-ture et au fait que ces sociétés disposent de méca-nismes de protection intégrés.

En outre, les entreprises qui mettent en place desopérations de couverture ne couvrent pas leur risqueà 100 % : dans le cadre de l’analyse coûts-avantagesd’une opération de couverture, elles décident délibé-rément de prendre en charge une part de risque.

Malgré ses coûts, une stratégie de couvertureappropriée peut aider les dirigeants d’une entrepriseet les investisseurs à mieux prévoir l’évolution deleurs flux de liquidités, et donc à planifier l’avenir demanière plus sûre.

Quels sont les risques ?Les marchés des changes peuvent être tout à faitredoutables. Des écarts mensuels de 15 % à 20 %,voire plus, sont monnaie courante ; aucun directeur

financier ne peut y résister sans l’aide d’un antalgiquepuissant. De fait, cette volatilité et ses effets négatifssur les échanges sont très largement à l’origine de lacréation de la monnaie unique européenne.

Il existe trois types de risque de change :− le risque de transaction ;− le risque de traduction, ou risque comptable ;− le risque économique, ou risque d’exploitation.

l Le risque de change de transaction est celui quiaffecte une entreprise ayant des créances ou desdettes en devises à la suite d’une transaction avec unesociété d’un autre pays. Si le vendeur est en positionde force ou si l’acheteur se montre accommodant, ladevise de facturation sera celle du vendeur − ce quisupprime le risque de change pour le vendeur, maispas pour l’acheteur.

Inversement, si c’est l’acheteur qui est en positionde force, le risque de change sera supporté par levendeur. Si le cours de la devise de facturation varie,soit le vendeur encaissera un montant inférieur, soitl’acheteur déboursera dans sa monnaie nationale unmontant supérieur au prix prévu initialement. Pour levendeur, ce risque de transaction vient s’ajouter aurisque de crédit lié à une éventuelle défaillance del’acheteur.

Pour illustrer le risque de transaction, prenonsl’exemple d’une société A (américaine) qui vend dumatériel à une société B (britannique) pour unmontant de 100.000 livres, le taux de change étant aumoment de la signature du contrat de 1,60 dollarpour 1 livre. La société A enregistre alors dans sescomptes une créance de 160.000 dollars. Si le taux dechange tombe à 1,50 dollar pour 1 livre sterling à ladate de règlement, la société A enregistre en compta-bilité un encaissement de 150.000 dollars et une pertede 10.000 dollars.

l Le risque de change de traduction résulte de la

conversion des états financiers des filiales étrangères,établis en devises, dans la monnaie nationale (deréférence). Dans le cas des entreprises américaines,l’instruction n° 52 de la réglementation FASB (Fi-nancial Accounting Standards Board) impose l’adop-tion d’une monnaie dite fonctionnelle pour la tenuedes livres comptables locaux. Pour les filiales implan-tées dans des pays à faible inflation, la monnaiefonctionnelle est généralement la monnaie locale, etles états financiers sont convertis en dollars par laméthode dite de la valeur courante, ou « currentmethod ». (Tous les postes de l’actif circulant et dupassif exigible à court terme sont convertis dans lamonnaie de référence nationale aux taux de changecourants ; les immobilisations et les éléments depassif à long terme sont convertis aux taux histo-riques.)

Dans le cas des filiales implantées dans des paysdont la monnaie est instable, les résultats financierssont convertis de la monnaie locale dans la monnaiefonctionnelle (choisie pour des raisons de commo-dité) selon la méthode temporelle, puis en dollars parla méthode de la valeur courante. (La méthodetemporelle traduit les éléments monétaires au tauxde change courant et les éléments non monétaires autaux historique ; les stocks peuvent néanmoins êtreconvertis au taux courant si leur valeur comptablereflète leur valeur réelle.)

Ainsi, et sans entrer dans le détail de la techniquecomptable, lorsque l’actif n’est pas égal au passifaugmenté du profit net, l’écart entre les deux prendla forme d’un gain ou d’une perte de change. Et dansla mesure où les entreprises ne couvrent pas leurrisque en totalité, une détérioration du taux dechange se traduit en général par une perte.

Bien que les effets du risque de traduction sur lesflux en devises soient déjà largement pris en compteau titre du risque de transaction (c’est le casnotamment des créances sur l’étranger), certainsdirigeants veulent malgré tout s’en prémunir totale-ment − soit parce que leur rémunération est affectéepar les ajustements des postes du bilan comptable,

Gérer le risque de changedans un monde volatil

Quels sont les risques auxquels sont exposées les entreprises dans une économiemondialisée, quels sont les outils de couverture et comment déterminer le niveau optimal

de couverture sont les questions qui se posent aux managers confrontés au risque de change.

Pour décider des outils de couverture à utiliser, ilfaut d’abord bien savoir qu’il existe deux marchésdes changes pour la plupart des grandes devisesinternationales : le marché au comptant et le marchéà terme.Sur le marché au comptant, une devise est échangéecontre une autre ; le prix fixé pour la transaction estle cours du jour, et le règlement s’effectue dans undélai de deux jours, qui correspond à la période decompensation habituelle − même si l’exécution peutaussi être immédiate.Sur le marché à terme, une transaction est conclue àune certaine date, mais la livraison intervient à unedate ultérieure fixée d’un commun accord − à trenteou à soixante jours, par exemple, ce délai pouvantparfois atteindre deux ans ou plus. L’argent changede mains uniquement à l’échéance du contrat.Si une entreprise achète sur le marché à terme desdevises qui doivent être livrées à une date ultérieurepar une banque, celle-ci va s’assurer que l’entrepriseremplit les conditions requises pour bénéficier d’uneligne de crédit égale au montant de la transaction ;dans certains cas, la banque pourra même êtreamenée à réduire une ligne de crédit existante dumontant de la transaction à terme, en vue de limiterson propre risque de crédit.Les moyens employés par une entreprise pour secouvrir contre le risque de change dépendent de lanature des risques auxquels elle est exposée. Il estassez simple de se couvrir contre le risque detransaction en faisant appel aux marchés financierset/ou aux produits dérivés − contrats à terme,

contrats de futures (qui s’apparentent à des contratsà terme à ceci près que le montant et les conditionsde la transaction sont standard et que la livraisonpeut intervenir tout au long de la durée de vie ducontrat) ou swaps de devises (similaires à des sériesde contrats de change à terme).Pour illustrer l’utilisation des produits dérivés, pre-nons le cas d’une société qui attend une rentréeimportante en devises dans trente jours. Elle achèteun contrat à terme pour être sûre de disposer à cettedate d’un montant fixe en monnaie nationale. Ellen’est plus confrontée alors qu’aux risques de crédit,c’est-à-dire au risque de défaillance de la banque surle contrat à terme et au risque de retards depaiement de la part de son débiteur. Si cette sociétéattend une série de paiements en devises, elle peutconclure un contrat de swap.Autre possibilité, la société peut couvrir son risquede transaction par l’intermédiaire des marchés finan-ciers. Reprenons l’exemple d’une rentrée en devisesà trente jours. La société peut emprunter dans cettedevise un montant tel que le paiement escomptécouvre à la fois le principal et les intérêts de sonemprunt. La somme empruntée est immédiatementconvertie dans la monnaie nationale au taux ducomptant. A la réception du règlement, la sociétérembourse son emprunt.Là encore, il subsiste un risque de crédit sur lacréance étrangère. Le mécanisme est inversé lorsquela société n’est plus créancière, mais débitrice. Enrègle générale, les coûts de transaction liés à uneopération de couverture sur le marché des produits

dérivés ou sur le marché monétaire sont trèsproches.Il est tout aussi simple de se couvrir contre le risquede change de traduction − pour autant que celaprésente un intérêt pour l’entreprise. De nombreusesentreprises exposées au risque de traduction choisis-sent de l’ignorer parce qu’il pose un problème pluscomptable que réel. En dehors des cas où les avoirsou les emprunts en devises sont très importants,l’incidence sur les flux est négligeable. En outre, il sepeut que les investissements financiers ou les immo-bilisations soient déjà couverts contre le risque detransaction.En revanche, couvrir ses positions contre le risqueéconomique peut être un exercice très difficile etcoûteux, de sorte que la majorité des entreprises yrenoncent, sachant que les investisseurs eux-mêmesont les moyens de diversifier leurs avoirs pour s’enprémunir. Certaines entreprises essaient pourtant dese couvrir contre ce risque en prenant d’importantespositions de contrepartie sur les marchés des changes− de sorte que, en cas d’évolution défavorable dutaux de change dans un pays donné, les pertes sontcompensées par les flux en devises générés par lesinvestissements réalisés dans d’autres pays − ou eninvestissant dans des actifs physiques à l’étranger.C’est l’une des raisons pour lesquelles les construc-teurs automobiles allemands et japonais ont im-planté des unités de production aux Etats-Unis : ilsse protègent ainsi contre le risque de voir le taux dechange s’écarter largement et durablement de laparité de pouvoir d’achat.

Quels outils de couverture employer ?

Dennis E. Logue estprofesseur de gestionà l’Amos Tuck Schoolof BusinessAdministration duDartmouth College.Il a dirigé la publicationde la troisième éditiondu « Handbook ofModern Finance »,et a écrit encollaboration avecJack Rader « ManagingPension Plans », publiéen 1997.

Dennis E.Logue

VI Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998L’Art de l’Entreprise globale

DENNIS E. LOGUE

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soit parce qu’ils souhaitent préserver des ratios debilan favorables à l’intention des institutions decrédit dont les prêts sont subordonnés à ces ratios.

l Le risque de change économique ou opération-nel correspond au risque pour une entreprise de voirses opérations affectées par une évolution nonanticipée des taux de change. Prenons le cas d’unconstructeur automobile allemand dont tous les coûtssont engagés en Allemagne. Ce constructeur pourrafacilement exporter des véhicules en Grande-Bre-tagne en réalisant un coquet bénéfice lorsque le tauxde change est de 3 marks pour 1 livre. Ses coûts enAllemagne, exprimés en totalité en marks, pourrontêtre inférieurs à ceux − exprimés en livres − d’unconstructeur automobile britannique, et donc luipermettre d’être très compétitif. En revanche, si letaux de change s’élève à 2 marks pour 1 livre, le

constructeur allemand pourra se voir obligé desacrifier une partie de ses bénéfices pour maintenirun prix concurrentiel en livres.

Le risque économique peut aussi affecter unsecteur d’activité purement national qui ne paraît pasa priori exposé au risque de change. Ainsi, lorsque lecours du dollar monte par rapport au franc français,les Américains risquent de préférer Paris à la Floridecomme destination de vacances.

Qui doit se couvrir ?Toutes les entreprises n’ont pas intérêt à mettre enœuvre une stratégie de couverture. Une opération decouverture implique des coûts, elle équivaut aussi àrenoncer aux avantages potentiels liés à une évolu-tion favorable des taux de change. Néanmoins, unetelle politique s’impose pour les entreprises quiprésentent les caractéristiques suivantes :

l Les entreprises ayant de très fortes perspectivesde croissance ou des programmes de recherche-déve-loppement très importants : elles éviteront ainsid’être dans l’incapacité de réaliser les investissementsnécessaires du fait de problèmes de liquidités liés àdes pertes de change.

l Les entreprises fortement endettées : en cou-vrant leur position, elles se prémunissent contre lerisque de ne pas pouvoir honorer leurs obligationspar suite de difficultés résultant de l’évolution destaux de change.

l Les entreprises dont le taux d’imposition estfortement progressif : pour ce type d’entreprises, lamise en place d’une stratégie de couverture permetde lisser les revenus sur plusieurs années et donc, endéfinitive, de payer moins d’impôts.

l Les entreprises mal connues des investisseurs etdes marchés financiers : pour de nombreux analystes,

Sous l’effet des fluctuations de change, une affairerentable peut du jour au lendemain connaître de lourdespertes. A mesure que l’économie se mondialise, unnombre croissant d’entreprises sont exposées à ce risquede change dont Dennis Logue analyse les trois principalesmanifestations − sur le plan des transactions commer-ciales internationales, de la conversion des états finan-ciers des filiales étrangères et des opérations quotidiennesdes entreprises au niveau mondial. Il décrit les stratégiesde couverture adaptées à chacun de ces types de risque :toutes les entreprises n’ont pas intérêt à mettre en placedes stratégies de couverture ; c’est cependant un choixjudicieux pour celles qui sont lourdement endettées ouqui ont de fortes opportunités de croissance. Il est parailleurs intéressant pour les grandes entreprises de centra-liser leurs activités de couverture, même si cette politiquerend plus difficile l’appréciation des performances deleurs filiales.

Résumé

Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998 VIIL’Art de l’Entreprise globale

Les concepts etles outils de gestiondu risque continuentd’évoluer. Au vu desrécents événementsd’Asie et comptetenude l’instabilitédes économies despays d’Europecentraleet de la Russie, il estprobable que seproduise une fortecroissance de lagestion du risquede change.

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sur un marché efficient les investisseurs peuventeux-mêmes couvrir leurs positions et n’ont donc pasbesoin que l’entreprise le fasse pour eux. Néan-moins, lorsque les dirigeants ont une connaissancebeaucoup plus étendue des perspectives et desopportunités de croissance de l’entreprise que lesmarchés, il leur appartient de mettre en œuvre unepolitique de couverture du risque de change pourprotéger les investisseurs.

Jusqu’où se couvrir ?Une telle politique a pour but de réduire lavolatilité potentielle des flux de liquidités, desbénéfices comptables ou de la valorisation d’uneentreprise. Mais quel est le niveau optimal decouverture du risque ? Faut-il couvrir toutes lestransactions ? Faut-il envisager l’éventail completdes possibilités lors de la mise en place des méca-nismes de couverture contre le risque économique ?

De fait, très peu d’entreprises couvrent totale-ment leurs positions. En règle générale, plus les fluxd’une entreprise sont importants pour sa croissanceou le remboursement de ses dettes, plus la propor-tion de risque couvert sera élevée.

Pour déterminer le niveau de couverture requis, il

convient de procéder à de nombreuses analysesstatistiques pour tenter d’évaluer la valeur exposéeau risque (« value at risk », ou VaR). Il faut d’abordanalyser statistiquement le niveau de probabilitédes différentes pertes possibles, puis évaluer ledegré de tolérance au risque de l’entreprise − end’autres termes, le montant des pertes qu’elle estcapable de supporter sans dysfonctionnement ma-jeur − et, enfin, mettre en place une politiqueappropriée de couverture.

Certaines entreprises chercheront seulement à seprotéger des risques les plus extrêmes. Si des pertesde l’ordre de 1.000 dollars ou plus sont envisa-geables, ces entreprises se couvriront uniquementcontre des pertes effectives de 700 dollars ou plus.

SLM Holdings, par exemple, couvre à 100 % sesrisques de change, car ses activités ne génèrentaucun bénéfice d’exploitation à l’étranger. L’entre-prise emprunte dans de multiples devises étran-gères, puis couvre en totalité son risque de changepar des opérations de swap. Elle économise sur sescoûts d’emprunt en exploitant des anomalies auniveau des spreads de crédits internationaux.

Merck, à l’inverse, évalue systématiquement sonexposition au risque de change, mesure son niveau

de risque et son degré de tolérance, et met en placedes opérations de couverture partielle ; son niveaude couverture varie en fonction de la conjoncture etde ses prévisions, elle n’est pas automatique.

La gestion du risque a pris une très grandeimportance ces dernières années du fait de l’explo-sion des échanges et des investissements internatio-naux. Le développement des produits dérivés ex-plique en grande partie l’accroissement du volumedes opérations de couverture à l’échelle mondiale :ce sont en effet des outils de gestion du risquerelativement simples et peu coûteux.

Les concepts et les outils de gestion du risquevont continuer d’évoluer. Seuls l’adoption au ni-veau mondial d’un système fixe de parités ou,comme c’est le cas en Europe, l’avènement d’unemonnaie unique pourraient entraîner un ralentisse-ment de la demande dans ce domaine. Mais, au vudes événements récents d’Amérique latine etd’Asie, et compte tenu de l’instabilité des écono-mies des pays d’Europe centrale et de la Russie, onpeut miser sur une forte croissance de la demanded’outils et de méthodes de gestion du risque dechange. l

Une fois tous les aspects techniques des opérations decouverture maîtrisés, il reste aux responsables finan-ciers un certain nombre de questions à aborder pourmettre en place des mécanismes de contrôle appro-priés et des systèmes fiables d’évaluation des perfor-mances. Leur tâche se complique encore lorsquel’entreprise décide de centraliser toutes les activités dechange, ce qui est le cas de nombreuses sociétésmondiales.La centralisation des opérations de couverture a poureffet de réduire les coûts de transaction, dans lamesure où elle permet à la société mère de prendre encompte les positions de change opposées de sesfiliales. Si, par exemple, une filiale attend une rentréeen florins et qu’une autre doive faire face à une sortieen florins, il serait extrêmement coûteux pour chacuned’entre elles de couvrir sa position alors que le risquenet pour la société mère est nul.Bien que la centralisation de toutes les activités decouverture contre le risque de change se justifie d’unpoint de vue économique, elle a, par ailleurs, pour

résultat de compliquer l’évaluation des performances.Prenons comme hypothèse que la société mère évalueles résultats de ses filiales dans sa monnaie nationale.Si le florin se déprécie par rapport à la monnaienationale de la société mère, la filiale qui reçoit despaiements en florins va-t-elle se trouver pénalisée sousune forme ou sous une autre, ou la société mèrefera-t-elle les ajustements nécessaires en tenantcompte de l’évolution du taux de change ? Et qu’enest-il de la filiale qui effectue des paiements enflorins ? Doit-elle être récompensée parce qu’elle a dela chance ?Le risque économique pose un autre problème encore.La filiale implantée dans un pays dont la monnaies’apprécie risque de voir ses exportations chuter et sonchiffre d’affaires baisser, du fait de la hausse desimportations. Le dirigeant de cette filiale pourrachercher à préserver ses bénéfices en ayant recours àdes opérations de couverture, en empruntant endevises étrangères par exemple. Faut-il le priver de cesmoyens d’action, du fait de la centralisation des

activités de change ? Et si c’est le cas, sera-t-il pénalisépour un recul des bénéfices imputable non à deserreurs de gestion, mais uniquement à une évolutiondéfavorable du taux de change ? Ce dirigeant doit-ilêtre comparé à d’autres dirigeants du groupe, oufaut-il comparer les résultats de la filiale affectée parl’évolution du taux de change à ceux d’entreprisessimilaires dans les pays concernés ? Si c’est la secondeoption qui est retenue, est-ce que cela ne risque pas dedéboucher sur des critères d’évaluation spécifiquespour chacune des filiales pays ? Comment la politiquemanagériale doit-elle répondre à toutes ces questions ?Si les réponses à ces questions peuvent paraître claires,leur mise en œuvre dans la pratique est une tout autreaffaire. La plupart des entreprises ne laissent que trèspeu d’autonomie à leurs directeurs de filiales enmatière de couverture du risque de change. Et, dans lemonde réel, il n’existe pas de « pratiques optimales »universellement reconnues. En fait, les entreprisesfont les choix qu’elles considèrent comme les mieuxadaptés à leur situation spécifique.

La perspective managériale

ême si les entreprises françaises ne sesentent pas toutes concernées par lesnormes comptables internationalesde l’IASC, elles seront tenues de lesappliquer en grande partie dans lesdeux prochaines années.M En effet, pour toutes les sociétés

(cotées ou non), la nouvelle méthodologie relative auxcomptes consolidés devrait entrer en vigueur dès lescomptes 2000 avec une possibilité d’application antici-pée pour les comptes 1999. Or ces nouvelles règlesseront largement inspirées des normes IAS, notammenten ce qui concerne l’information (résultat par action ettableau de flux de trésorerie obligatoires, approchebilantielle des impôts différés, prise en compte desentités ad hoc, information sectorielle jusqu’à résultatd’exploitation). Toutefois, elles éviteront soigneusementde reprendre les positions pour lesquelles la France a« voté contre » au « board » de l’IASC ou bien toutsimplement jugées trop strictes (maintien des parts demarché comme incorporelles, aucune obligation d’amor-tir les incorporelles en dehors du goodwill, provisionpour restructuration pouvant concerner la société ac-quéreur, « pooling of interests » autorisé dans desconditions plus souples en contrepartie de l’abandon del’imputation du goodwill sur les capitaux propres).

En outre, pour les sociétés cotées, un choix vadésormais s’offrir à elles : appliquer cette nouvelleméthodologie (règles françaises) ou bien opter pour descomptes consolidés en normes IAS ou en US GAAP enutilisant la nouvelle possibilité offerte par l’article 6 de laloi du 6 avril 1998, qui permet de substituer aux règlesfrançaises des référentiels internationaux.

Notre propos ci-après n’est pas d’exposer toutes lesstratégies possibles des sociétés françaises, mais plutôt,s’agissant de « L’Art de l’Entreprise globale », d’extra-poler le problème de l’utilisation des règles locales ouinternationales à l’échelon européen, voire mondial.

Ainsi, les exceptions aux normes IAS retenues par laFrance dans la nouvelle méthodologie pourraient trèsbien s’avérer appropriées à court terme. En revanche, àplus long terme, nous serons peut-être amenés à trouverune véritable harmonisation internationale.

Le marché européenLa création d’un grand marché européen des actions,qui représente plus d’investissements extérieurs et debénéfices commerciaux que n’importe quel autre blocéconomique au monde, est en marche. Comment alors

envisager que des entreprises concurrentes, désireusesde lever des capitaux sur ce marché, ne seraient pastenues de se conformer à des règles identiques ?Peut-on, sans créer une distorsion de concurrence,laisser à certaines entreprises la possibilité de déduiredes goodwills de leurs fonds propres, alors que d’autressont obligées de les amortir ? De même, est-il justifiéque certaines entreprises soient tenues de publier desétats financiers comprenant des annexes détaillées,notamment en matière d’information sectorielle, alorsque d’autres ne sont pas soumises aux mêmescontraintes ? Ces distorsions seront d’autant plus appa-rentes et moins justifiées quand on sait que ces entre-prises présenteront leurs états financiers dans une mêmedevise, l’euro.

En outre, les investisseurs exigeront de pouvoirdialoguer directement avec les entreprises grâce auxnouveaux moyens de communication tels que le réseauInternet. L’utilisateur de demain ne voudra pas devoirconnaître les différentes législations nationales, car unegrande partie de l’information ne sera pas « domiciliée ».

Lorsque fournisseurs et utilisateurs de l’informationétaient situés dans le même pays, il était logique dedéfinir les règles comptables au niveau national. Dans lecadre d’un marché européen des actions, la plupart deceux qui publient des données économiques devront se

Transparence et qualitédes états financiers

La création d’un marché européen des actions risque d’imposer l’harmonisationque les directives européennes n’ont pu faire. A l’aide des normes IAS ?

VIII Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998L’Art de l’Entreprise globale

MARY KEEGAN ET CLAUDE LOPATER

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conformer à des critères reconnus sur le plan internatio-nal. Dans le cas contraire, ils en subiront les consé-quences, c’est-à-dire qu’ils ne seront plus considéréscomme des intervenants crédibles sur ce marché.

Ce que le pouvoir politique à travers la Commissioneuropéenne n’a pu mettre en place par les directiveseuropéennes risque dès lors d’être simplement imposépar le marché. En effet, les fondements des directivessont basés sur le principe de la protection des intérêtsdes créanciers, alors que l’environnement économique achangé et demande en outre aux entreprises de produireune information financière qui permette aux investis-seurs d’avoir une vision des profits futurs et de leurapporter la confiance qui va de pair avec la réussited’une place financière.

C’est pourquoi, actuellement, les droits nationauxeuropéens, qui ont intégré les dispositions des directivesdes années 70, constituent, dans une certaine mesure,plus une entrave qu’une aide à l’harmonisation interna-tionale.

IAS ou US GAAP ?Quel pourrait donc être ce référentiel comptable inter-national reconnu par les marchés de capitaux, et offrantaux investisseurs la transparence nécessaire pour per-mettre la comparabilité des états financiers ? On parlegénéralement de deux référentiels comptables interna-tionaux, les normes américaines (US GAAP) et lesnormes IAS (International Accounting Standards Com-mittee).

Le seul référentiel comptable international, au senspropre du mot, qui existe à ce jour est celui qui a étédéveloppé par l’IASC. Avec au total quatre-vingts paysreprésentés au board de l’IASC, on peut dire quel’IASC associe le monde entier au processus d’élabora-tion des normes IAS. En outre, les normes IAS sontautonomes et distinctes de tout système national. Dansle monde entier, les organismes de normalisation et laprofession comptable étudient les normes de l’IASC etimportent progressivement cette « nouvelle pensée »dans leurs règles comptables nationales. Tel est le caségalement de la France (voir ci-avant). C’est aussi le seuldes deux référentiels dits « internationaux » qui permetla prise en compte des points de vue européens lors de laconception de ses normes. En effet, les Européens ontsix sièges avec droit de vote au board de l’IASC, et laCommission européenne est membre observateur duboard de l’IASC et de son conseil consultatif.

Mais il faut bien reconnaître que les normes améri-caines sont acceptées et reconnues par l’ensemble desplaces boursières de la planète pour plusieurs raisons :tout d’abord, de par sa taille, le marché américain a unepuissance incontestable, d’autre part, c’est aux Etats-Unis qu’on trouve les fonds de pension et les entreprisesd’assurances les plus importants au monde.

Néanmoins, si on met de côté les considérations de laSEC − Securities and Exchange Commission − (voirci-après), peut-on dire que les normes IAS seraient unbon corps de normes pour les besoins d’un marchéeuropéen des actions ? La réponse est oui ! Les normesIAS publiées à ce jour traitent tous les problèmes de

technique comptable que nous connaissons aujourd’hui,à l’exception des instruments financiers, mais ce typed’instruments est actuellement un problème pour tousles normalisateurs de la planète. Si l’on applique lesnormes IAS correctement et dans leur intégralité, ellespermettent d’obtenir la transparence recherchée par lesinvestisseurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que lesnormes IAS sont reconnues presque partout dans lemonde.

Certains reprochent toutefois aux normes IAS d’êtremoins favorables que les normes américaines pour lesentreprises ayant une stratégie de croissance externe pardes opérations de fusion et acquisition, du fait notam-ment de critères plus restrictifs pour l’application dupooling of interests ou à cause d’une durée d’amortisse-ment de l’écart d’acquisition limité à vingt ans au lieu dequarante. A notre avis, une entreprise qui baserait sadécision sur ces différences « favorables » et opteraitpour les normes américaines ferait le choix d’unestratégie à court terme. En effet, le FASB (FinancialAccounting Standards Board) a entrepris une révisiondes règles applicables aux acquisitions d’entreprises dansl’optique de se rapprocher des méthodes préconisées parl’IASC, et le nouveau directeur technique de la SEC ad’ailleurs reconnu publiquement que, sur ce point, lesnormes IAS étaient meilleures que les règles améri-caines.

Reste le cas d’un peu plus de 1.000 entreprisesétrangères cotées sur le marché américain et dequelques autres qui appliquent les US GAAP pour avoir

une image internationale ou bien encore dans unestratégie de développement externe par rachat d’entre-prises américaines. En fait, ces entreprises nesont pastenues d’appliquer directement les US GAAP. Ellespeuvent donc très bien, et c’est souvent la meilleuresolution, présenter un tableau de rapprochement avecles US GAAP, à partir de leurs règles locales (...) ou desnormes IAS si celles-ci sont correctement appliquées.

Quel futur ?Aujourd’hui, l’IASC a pratiquement achevé le pro-gramme de travail qui fait l’objet de l’accord passé avecl’OICV en 1995. Le seul point d’interrogation quisubsiste maintenant est de connaître la décision desmembres de l’OICV (organisation internationale descommissions de valeurs) concernant la reconnaissancedes normes internationales sur l’ensemble des placesboursières de la planète. L’OICV ne pourra donner sonaccord que s’il existe un agrément unanime de l’en-semble de ses membres. Comme le Canada et le Japon,qui ne reconnaissent pas actuellement les normes IAS,pourraient bien suivre l’exemple des Etats-Unis, il restedonc à savoir ce que fera la SEC au sein de l’OICV.

Il s’agit là d’un problème très délicat pour la SEC. Eneffet, il y a 13.000 sociétés cotées sur le marchéaméricain qui ont l’obligation d’appliquer les US GAAPet seulement un peu plus de 1.000 sociétés étrangèrescotées sur ce marché. Ainsi, ce que le monde demande àla SEC serait donc de changer ses règles pour le petitpourcentage de sociétés étrangères qui sont cotées sur lemarché américain. Quelle pourrait alors être la positionde la SEC face à l’ensemble des sociétés américaines,qui, elles, sont contraintes de suivre les règles des USGAAP ? En disant cela, on pourrait sans doute croirequ’il n’y a aucun espoir de voir un jour les normes IASacceptées par la SEC. Et pourtant nous savons que cesmembres de la SEC travaillent actuellement beaucouppour être prêts, le moment venu, pour présenter leurcontribution au sein de l’OICV. La SEC a d’ailleurspubliquement défini les critères sur lesquels elle baseraitson opinion sur les normes IAS : les normes doiventcomprendre un ensemble complet de règles comptables,être de grande qualité et être interprétées et appliquéesde manière rigoureuse.

Il nous faudra sans doute faire preuve de patience enattendant que les Américains trouvent une solution àleur problème au niveau national. Mais il n’est pas sûrque nous ayons à patienter pendant trop longtemps.

Entre-temps, il semble qu’il existe une tâche pourlaquelle les entreprises et les auditeurs peuvent conju-guer leurs efforts pour influencer positivement la SECpendant ce processus de réflexion. Ainsi, quand lesentreprises préparent leurs états financiers en normesIAS et quand les auditeurs contrôlent ces mêmes étatsfinanciers, nous devons faire ces travaux en ayantcomme objectif de démontrer que les normes IAS sontun référentiel comptable valable qui permet de produiredes états financiers de grande qualité et qui donnentcette information transparente exigée par les marchésfinanciers à travers le monde. l

Même si les entreprises françaises ne se sentent pastoutes concernées par les normes IAS, elles seronttenues de les appliquer dans leurs comptes consoli-dés dans les deux prochaines années : soit de façonobligatoire (en grande partie), par le biais desfutures règles françaises de consolidation, soit suroption (en totalité), par le biais de la nouvellepossibilité offerte par la loi (article 6). Dans lecadre d’un marché européen où les entreprisesprésenteront en outre leurs états financiers dansune même devise (l’euro), les investisseurs exige-ront une information sans différences nationales,celle-ci n’étant par exemple plus « domiciliée » surInternet. Le fait que les US GAAP soient accep-tées et reconnues par l’ensemble des places bour-sières n’empêche pas d’affirmer que les normesIAS seraient un bon corps de normes pour lesbesoins d’un marché européen − y compris pour les1.000 entreprises étrangères cotées sur le marchéaméricain. Reste à connaître la position de la SECconcernant la reconnaissance des normes IAS. Enattendant, démontrons à celle-ci que les normesIAS, bien appliquées, permettent de produire desétats financiers de grande qualité en donnant latransparence exigée par les marchés financiers àtravers le monde.

Résumé

Mary Keegan estassociée head ofglobal coporate reportinggroup chezPricewaterhouseCoopers.Elle est égalementmembre du StandingInterpretationsCommittee (SIC)de l’IASC(Comité d’interprétationsdes normes IAS).

MaryKeegan

Claude Lopater,associé chezPricewaterhouseCoopers,responsable technique, estcoauteur de nombreusespublications de référencerédigées parPricewaterhouseCoopers,comme le « Mémentocomptable FrancisLefebvre », « Comptesconsolidés », « IASC »,« Communication etinformation financière »,« L’Euro », etc.

ClaudeLopater

Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998 IXL’Art de l’Entreprise globale

Le marché européenrisque d’imposerune harmonisation desnormes que lesdirectives de laCommission européenne(notre photo) n’ont paspu réaliser. Lesfondements desdirectives de Bruxellessont basés sur leprincipe de la protectiondes intérêts descréanciers, alors quel’environnementéconomique a changéet demande aujourd’huiaux entreprises deproduire une informationfinancière.

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i les années 80 ont été marquées auniveau international par des crises desurendettement, il semblait jusqu’à unedate récente que les années 90 verraientquant à elles la disparition du risquepolitique. Cette vision optimiste desSchoses était due à un certain nombre

d’évolutions : la libéralisation des économies sousles auspices des institutions financières internatio-nales, l’extension des privatisations à un nombrecroissant de pays et le désenchantement suscitépar les mécanismes de garantie contre le « risquesouverain » à la fois dans les pays d’origine et dansles pays d’accueil (désenchantement qui a conduità la mise en place de différents mécanismes definancement de projets). Autre motif d’opti-misme : les seuls risques politiques « réels » ren-contrés dans le passé semblaient se limiter àl’expropriation et à la nationalisation.

Ces tendances ont été accentuées par la crois-sance rapide de certaines économies, et par lesopportunités ainsi offertes aux prêteurs et auxinvestisseurs, et par l’accroissement formidable duvolume des capitaux en quête d’une rentabilitéélevée que seuls les « marchés émergents » étaientà même d’offrir.

L’amnésie qui semble frapper la communautéfinancière à intervalles réguliers a sans aucundoute joué un rôle important, comme l’atteste lerecours fréquent à une formule dangereuse s’il enest : « Cette fois, c’est différent. » Les événementsrécents d’Asie du Sud-Est ont ébranlé ces bellescertitudes et démontré peut-être que si le risquepolitique a évolué, il n’a aucunement disparu.

La pensée traditionnelleIl n’est sans doute pas exagéré de dire que lesrisques politiques − et plus particulièrement ceuxqui sont liés à des investissements à moyen et àlong terme − étaient traditionnellement considé-rés comme du ressort de l’Etat et du secteur publicplutôt que des assureurs du secteur privé et, plusparticulièrement, des sociétés de réassurances.

C’est ainsi que l’on a vu se développer au coursdes cinquante dernières années les agences d’assu-rance-crédit et de garantie des investissements,qui sont soit des administrations, soit des orga-nismes publics ou parapublics opérant pour lecompte de l’Etat. Dans ce contexte, il est facile decomprendre que la concurrence du secteur privésoit restée très limitée au cours des trente ouquarante dernières années.

Cependant, ce secteur d’activité connaît aujour-d’hui de profonds changements. Le secteur privé,qui regroupe investisseurs et fournisseurs de capi-taux, d’une part, et sociétés privées d’assurance-réassurance, d’autre part, est de plus en plusdisposé à prendre en charge le risque politiquesans rechercher nécessairement le soutien dessociétés d’assurance-crédit ou des Etats.

La question n’est pas tant de savoir pourquoi lesecteur privé semble aujourd’hui disposé à assurerle risque politique que de comprendre pourquoi illui fallu si longtemps pour se décider.

Les évolutions récentesLe domaine des crédits à l’exportation et dufinancement de projets n’a jamais cessé de setransformer. Mais ces évolutions ont été particu-lièrement rapides et marquées ces dernières an-nées. Trois facteurs méritent une attention parti-culière.

l La crise du surendettementDe nombreuses sociétés d’assurance-crédit

− comme beaucoup de banques − ont subi leseffets des différentes crises internationales liées ausurendettement dans les années 80. Elles ont dû,en d’autres termes, effectuer pendant plusieursannées des règlements d’un montant supérieuraux primes encaissées et ont pour la plupartaccumulé des déficits − au moins en ce quiconcerne leurs activités de crédit à moyen et àlong terme.

En outre, une tendance s’est développée cesdernières années qui a conduit à l’annulation decertaines dettes. C’est l’une des raisons pourlesquelles le recouvrement d’une partie descréances détenues par les sociétés d’assurance-crédit est devenu difficile, voire impossible. D’oùune dégradation de la situation financière et dubilan de ces organismes. La plupart d’entre euxont dû, en liaison avec leurs autorités de tutelle,redéfinir le taux de leurs primes d’assurance ainsique le plafond de leurs crédits à l’exportation.

l Un effort international de disciplineDepuis quelque temps déjà, tous les pays expor-

tateurs conviennent qu’il est préférable, notam-ment pour leurs contribuables, d’éviter toutesurenchère au niveau des conditions de garantiedes investissements ou de financement des créditsà l’exportation.

Une tendance générale s’est ainsi manifestée− principalement au sein de l’Organisation pour lacoordination et le développement économiques,dans le cadre du consensus OCDE − pour évoluervers une suppression des bonifications de tauxd’intérêt. L’écart entre les taux fixes des crédits àl’exportation d’une durée supérieure à deux ans etles taux du marché a été progressivement réduit,et cette tendance se poursuit.

Cependant, il était alors tentant avec la dispari-tion progressive des aides globales d’introduiredes subventions sélectives, principalement en mê-lant aides et crédits à l’exportation sous forme de« crédits mixtes ». Mais ces crédits sont à leur toursoumis à une discipline de plus en plus stricte etassujettis à des règles de notification préalable, dereporting et de contrôle, dans les pays membres del’OCDE. Ces mécanismes deviennent donc pluscoûteux pour les pays exportateurs.

On s’est aperçu, par ailleurs, que les taux desprimes sur les crédits à moyen et à long termeproposés par les entreprises d’assurance-créditvariaient très sensiblement d’un pays à l’autre. Cesécarts créent un effet de « distorsion » dans lesconditions de concurrence.

Même si ces évolutions ont peu de chancesd’aboutir à une « harmonisation » totale, unconsensus s’est dégagé au sein de l’OCDE autour

de taux minimaux, ou taux planchers. D’ici peu,les taux pratiqués par les sociétés d’assurance-cré-dit devraient être beaucoup plus proches.

l La concurrenceAuparavant, chaque entreprise d’assurance-cré-

dit était liée à un pays particulier, et la concur-rence s’exerçait entre les pays. Or, notammentdans le domaine des crédits à court terme, le rôledes pouvoirs publics est aujourd’hui en cours deréappréciation dans de nombreux pays, et cemouvement est à l’origine d’une concurrenceaccrue entre assureurs. Contrairement à une opi-nion couramment admise, ce phénomène n’est paslimité à la Grande-Bretagne en particulier ou àl’Union européenne en général. Il s’étend bienau-delà.

Or ce mouvement aura, en particulier pour lescrédits à l’exportation à moyen et à long terme etpour les conditions de garantie des investisse-ments, des conséquences importantes dont laportée exacte reste à évaluer.

Le secteur privé (sociétés d’assurance et deréassurance confondues) s’intéresse de plus enplus aujourd’hui à la couverture du risque poli-tique et du risque de projet. Ce nouvel intérêt,combiné au dynamisme croissant des banques surce terrain − en particulier sur les marchés decapitaux −, signifie que les entreprises d’assu-rance-crédit ne sont plus seules en lice.

Et l’avenir ?Comme nous l’avons déjà noté, le risque politiqueétait jusqu’ici jugé « trop imprévisible » pourpouvoir être pris en charge par le secteur privé.Mais est-il réellement plus imprévisible qu’unséisme, un ouragan, un raz-de-marée ou un crashaérien au-dessus de New York ? De fait, nombrede risques politiques sont plutôt plus prévisiblesque de telles catastrophes.

Que le secteur privé de l’assurance soit aujour-d’hui disposé à s’intéresser à ce type de risqueconstitue certes une évolution considérable. Maisle changement majeur tient à la nouvelle attitudedes réassureurs, qui ont aujourd’hui la volonté etles capacités nécessaires pour couvrir ce type derisque. Il devient alors possible de fractionner destransactions ou des sinistres majeurs pour répartirle risque entre un grand nombre de souscripteurs,qu’ils soient assureurs ou réassureurs. Si cetteanalyse est juste, le changement auquel nousassistons aujourd’hui marque un tournant décisifdans la prise en charge du risque politique.

Pourtant, selon une opinion largement répan-due, le secteur privé sera tenté de se désengageraux premiers règlements de sinistres entraînés parla réalisation du risque politique.

Mais c’est là méconnaître la nature même del’assurance et sous-estimer le sens des affaires desopérateurs du secteur privé. Les assureurs et lesréassureurs savent bien que, lorsqu’une activité nedonne lieu à aucune demande de règlement, ellese trouve exposée à un double risque : celui devoir la concurrence proposer des tarifs inférieursou, ce qui est plus grave encore, de voir les assuréss’engager dans un processus d’« autoassurance »,autrement dit cesser de faire appel à leurs services.Les assureurs et les réassureurs entendent doncbien procéder au règlement des sinistres − ce quiest partie intégrante du métier de l’assurance −,l’essentiel étant que le montant des rembourse-ments n’excède pas celui des primes encaissées.

Par ailleurs, et jusqu’aux événements récentsd’Asie du Sud-Est, les marchés de capitaux appa-raissaient comme un moyen de financer desprojets d’envergure par le biais d’emprunts obliga-taires sans devoir recourir à aucun des méca-nismes de garantie proposés par les sociétésd’assurance-crédit. Il s’agit là bien entendu d’uneforme particulière d’autoassurance, mais le faitque sur les marchés obligataires autant d’opéra-

Assureurs : la couverturedu risque politique aussi

Les sociétés d’assurances et de réassurances privées s’intéressent de plus en plusà la couverture du risque politique. Un secteur traditionnellement

du ressort des pouvoirs publics.

Malcolm Stephens siègeau conseild’administrationde l’Association desgrands projets (MajorProjects Association)du Templeton College,à l’université d’Oxford.Il a exercé les fonctionsde secrétaire généralde l’Union de Berne(International Unionof Credit andInvestment Insurers)jusqu’à la fin de février1998. Il avaitauparavant dirigéle Département degarantie des créditsà l’exportationen Grande-Bretagne,ainsi que la Chambrede commerce etd’industrie de Londreset le service financementdes exportationsde la Barclays Bank.

MalcolmStephens

X Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998L’Art de l’Entreprise globale

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teurs n’hésitent plus à avancer des fonds sur lesmarchés émergents a nécessairement des consé-quences sur la position des assureurs, publics etprivés, spécialisés dans le risque politique.

Admettons que nous soyons entrés dans unepériode nouvelle : le chiffre d’affaires réalisé parles sociétés d’assurance-crédit commence à décli-ner, du fait de l’arrivée de nouveaux intervenantsprêts à financer ou à investir dans des projets sanschercher de garantie d’aucune sorte ou ens’adressant de plus en plus aux assurances pri-vées. Si cette hypothèse se vérifie, il en résulterainévitablement une érosion de la capacité dessociétés d’assurance-crédit à fournir − le jour oùcela s’avérera nécessaire − les garanties d’inves-tissement et les financements requis.

En d’autres termes, il est totalement irréalistede penser que les structures actuelles des sociétésd’assurance-crédit pourraient être miraculeuse-ment préservées en l’état alors même que l’acti-vité de financement de projets serait faible, voire

inexistante. De même, il n’est pas raisonnable depenser que ces structures pourraient être réacti-vées d’un coup de baguette magique si la situationvenait à changer.

Autre question cruciale : que se passera-t-il encas de problème ? Il est inévitable non seulementque certains projets rencontrent des difficultés,mais aussi que certains pays se trouvent à court dedevises étrangères. Selon les arguments les plusrécents de la pensée traditionnelle, les solutionsdu passé (en particulier, les rééchelonnements dedettes négociés dans le cadre du Club de Paris etdu Club de Londres) ne seront plus nécessairesdans la mesure où les ajustements nécessairesseront supportés par les taux de change.

Mais cette vision des choses est-elle bien réa-liste, surtout s’agissant de projets de développe-ment d’infrastructures ?

Prenons comme exemple la réalisation d’unprojet de distribution d’eau, en supposant quel’eau n’était pas facturée précédemment ou,qu’elle l’était à un coût inférieur à son prix derevient. On sait en outre que ce type de projetsgénère peu de devises. Si le pays concernérencontre des problèmes de change et que lecours de sa monnaie se déprécie fortement, ildevra alors procéder à des hausses de tarif del’eau importantes pour pouvoir se procurer lesdevises nécessaires au remboursement des créan-ciers et des investisseurs étrangers.

On ne saurait sous-estimer les risques poli-tiques et les difficultés liées à ce type de situation.Il est donc très important de prévoir dans lemontage initial que, en cas de défaut de paiementou de pénurie de devises, tous les participants aufinancement du projet seront appelés à en sup-porter ensemble les conséquences.

Il serait tout à fait irréaliste et dangereux de lapart des bailleurs de fonds de considérer qu’ils

sont en droit d’occuper un rang « privilégié » dansla liste des créanciers au motif que des incidentsde paiement à leur endroit provoqueraient le« chaos sur les marchés des capitaux ». Une telleattitude s’apparente à une forme de chantage, quin’aura probablement guère d’effet dans la mesureoù tous les créanciers, quels qu’ils soient, exige-ront vraisemblablement d’être traités de la mêmefaçon. l

Les événements récents d’Asie du Sud-Est sontvenus contredire une idée de plus en plus large-ment admise, à savoir que le risque politiqueappartient désormais au passé. Les risques poli-tiques ont sans doute changé, mais ils n’ont pasdisparu. Et la distinction traditionnelle entre« risques politiques » et « risques commerciaux »est de moins en moins pertinente. Selon MalcolmStephens, ces évolutions sont source de difficultéspour tous les partenaires impliqués dans une tran-saction, y compris les institutions financières inter-nationales.

Résumé

Même si des changements très profonds sont déjàintervenus dans la gestion du risque politique, il estclair que ce processus est loin d’être achevé. Lerôle des pouvoirs publics continue de faire l’objetd’un réexamen approfondi non seulement dans lespays d’origine des investissements et des exporta-tions, mais aussi dans les pays emprunteurs decapitaux et dans les pays d’accueil de ces investisse-ments. Et si le risque politique s’est transformé, iln’a aucunement disparu.Il est encore difficile de mesurer toutes les consé-quences des événements d’Asie du Sud-Est, mais ilest peu probable qu’ils entraînent un assèchementtotal des financements. Selon toute vraisemblance,les institutions de crédit et d’investissement semontreront plus sélectives dans leurs choix, et lesemprunteurs s’efforceront d’obtenir des crédits àplus long terme, pour être moins vulnérables auxsorties de capitaux à court terme.Une seule chose est sûre : tous les opérateurs quiinterviennent dans la gestion du risque politiquevont, comme le dit le proverbe chinois, connaîtretoute la difficulté de « vivre une époque intéres-sante ».

Conclusion

Les Echos - vendredi 6 et samedi 7 novembre 1998 XIL’Art de l’Entreprise globale

L’ouragan Georges a dévasté une partie de la Floride en septembre dernier (ici à Big Pine Key). Le risque politique était jusqu’ici jugé « trop imprévisible » pour intéresser lesassureurs privés. En réalité, est-il vraiment plus imprévisible qu’une catastrophe naturelle ?

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/AFP

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