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  Finance Contrôle Stratégie – volume 11, n° 1, mars 2008, p. 105 - 130.  L’analyse des réseaux personnels dans les organisations : quelles données utiliser ? Barthélemy CHOLLET Université de Savoie Classification JEL : C800, D200 –  Réception : mai 2007 ;  Acceptation : no- vembre 2007 Correspondance : IUT Chambéry, départ. GACO, Savoie Technolac – Campus Scientifique, 73376 Le Bourget du Lac cedex Tél. : 06 22 39 11 58  Résumé : La recherche en manage- ment a de plus en plus recours aux théories issues de l’analyse des ré- seaux sociaux. Lorsqu’il s’agit d’étudier ces réseaux à l’aide de mé- thodes quantitatives, se pose le pro- blème de la mesure. Avant d’établir la valeur des variables décrivant le réseau d’un individu (densité, par exemple), il est nécessaire de le déli- miter, c'est-à-dire d’établir une liste des personnes qui le composent. Les méthodes sont nombreuses. Notre ar- ticle en propose un examen critique et défend les mérites de la méthode des générateurs de noms. Celle-ci comportant, toutefois, certains ris- ques de biais, nous proposons plu- sieurs remèdes méthodologiques.  Mots clés :  réseaux sociaux – réseaux personnels – générateurs de noms – mesure.  Abstract  : Research in management regularly makes use of social net- work analysis. Using quantitative data to study social networks leads to questions about the appropriateness of measurement. Before measuring key variables which describe some- one’s personal network (e.g. density), such personal networks must be de- lineated, i.e. a list of people be- longing to the networks must be drawn. The paper offers an evalua- tion of the various methods available for delineating personal networks. It advocates one method in particular : name-generators, and provides sev- eral methodological tactics to address some risks of biases it may raise. Key words : social networks – per- sonal networks – name generators – measurement.

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  • Finance Contrle Stratgie volume 11, n 1, mars 2008, p. 105 - 130.

    Lanalyse des rseaux personnels dans les organisations : quelles donnes utiliser ?

    Barthlemy CHOLLET Universit de Savoie

    Classification JEL : C800, D200 Rception : mai 2007 ; Acceptation : no-vembre 2007 Correspondance : IUT Chambry, dpart. GACO, Savoie Technolac Campus Scientifique, 73376 Le Bourget du Lac cedex Tl. : 06 22 39 11 58

    Rsum : La recherche en manage-ment a de plus en plus recours aux thories issues de lanalyse des r-seaux sociaux. Lorsquil sagit dtudier ces rseaux laide de m-thodes quantitatives, se pose le pro-blme de la mesure. Avant dtablir la valeur des variables dcrivant le rseau dun individu (densit, par exemple), il est ncessaire de le dli-miter, c'est--dire dtablir une liste des personnes qui le composent. Les mthodes sont nombreuses. Notre ar-ticle en propose un examen critique et dfend les mrites de la mthode des gnrateurs de noms. Celle-ci comportant, toutefois, certains ris-ques de biais, nous proposons plu-sieurs remdes mthodologiques.

    Mots cls : rseaux sociaux rseaux personnels gnrateurs de noms mesure.

    Abstract : Research in management regularly makes use of social net-work analysis. Using quantitative data to study social networks leads to questions about the appropriateness of measurement. Before measuring key variables which describe some-ones personal network (e.g. density), such personal networks must be de-lineated, i.e. a list of people be-longing to the networks must be drawn. The paper offers an evalua-tion of the various methods available for delineating personal networks. It advocates one method in particular : name-generators, and provides sev-eral methodological tactics to address some risks of biases it may raise.

    Key words : social networks per-sonal networks name generators measurement.

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    La recherche en management a besoin de mthodes permettant de mesurer diverses variables lies aux relations interpersonnelles, lintrieur comme lextrieur des organisations. Ce phnomne sest accentu avec le dveloppement en sciences de gestion dapproches sappuyant sur la sociologie des rseaux (Huault, 2004), avec des ques-tions de recherche trs varies (voir, par exemple, Borgatti et Foster, 2003). Dune manire gnrale, le but est, soit dtudier comment les rseaux sociaux interviennent dans le fonctionnement dune entit col-lective (entreprise ou rseau dentreprises), soit danalyser la manire dont les relations personnelles dun acteur lui procurent des bnfices (performance individuelle, carrire, etc.). Dans les deux cas, lorsquil sagit de dployer une mthodologie quantitative, il est ncessaire de commencer par dlimiter le rseau personnel des acteurs qui font lobjet de la recherche, c'est--dire, tablir une liste des personnes en faisant partie.

    Considrons, par exemple, la question de recherche de Godechot et Mariot (2004), qui tudient limpact du rseau personnel du directeur de thse sur la probabilit qua son doctorant dobtenir un poste denseignant-chercheur dans la discipline des sciences politiques en France. Dans leur approche, le rseau du directeur est compos de tou-tes les personnes quil a invites un jury, ou qui lont invit, sur les deux annes prcdentes. Cette mesure dbouche sur des rsultats convaincants, puisque plusieurs hypothses des auteurs sont valides. Mais quels autres critres de dlimitation aurait-on pu utiliser ? On au-rait pu retenir, comme faisant partie du rseau du directeur, lensemble de ses co-auteurs (logique de Balconi et al., 2004, sur les rseaux de chercheurs), avec probablement des rsultats diffrents. On aurait pu opter, galement, pour une simple mthode dclarative, en demandant par questionnaire chaque directeur de lister ses principales relations dans le monde acadmique (logique des gnrateurs de noms, par exemple, Burt, 1992). Les rsultats auraient probablement t encore diffrents, mais toujours pour la mme question de recherche.

    Cet exemple illustre le fait que le chercheur, au-del de la diversit des mthodes disponibles, doit choisir entre deux grandes postures : (a) sappuyer sur des donnes externes aux individus tudis (par exemple, issues de bases de donnes), (b) sappuyer sur des donnes provenant uniquement du dclaratif (et donc de la mmoire) des ac-teurs faisant lobjet de ltude. La premire approche a lavantage

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    dassurer une certaine fiabilit de la mesure1. En effet, la notion de re-lation y est dfinie de manire univoque. Par exemple, pour Godechot et Mariot (2004), une invitation un jury de thse prend le mme sens, quel que soit lindividu composant lchantillon. Son sens sera gale-ment inchang si un autre chercheur souhaite renouveler les tests empi-riques dans une enqute ultrieure. La seconde approche, elle, a t cri-tique notamment parce quil a t montr que la mmoire du rpon-dant ne reflte quune partie trs faible de ses interactions relles avec dautres individus (srie de travaux appele tudes BKS , Bernard et al., 1980, 1982, 1985). Toutefois, elle permet dobtenir des informa-tions sur lensemble des diffrentes formes de relations personnelles, contrairement aux mthodes plus objectives, qui, elles, ne considrent quune forme particulire de relations : celles pour lesquelles des don-nes sont disponibles. Ainsi, pour reprendre lexemple introductif, les invitations des jurys de thse ninforment que sur une part infime des relations personnelles dun directeur de thse et peuvent correspondre, dans la ralit, des formes dinteractions superficielles, voire inexis-tantes. En vitant de limiter ainsi le regard une faible part des rela-tions, on peut attendre de lapproche fonde sur la mmoire, une validi-t plus importante2.

    Puisque, de prime abord, le choix semble revenir arbitrer entre fia-bilit et validit de la mesure, il doit tre prcd dune rflexion sur la solidit des arguments en prsence. Le chercheur doit-il sarrter au constat que la mmoire du rpondant ne mesure que trs mal ses inte-ractions relles ? quelles conditions peut-on sappuyer sur cette m-moire ? Enfin, le cas chant, comment limiter les risques de biais lis la mmoire ? Cet article a pour but de nourrir sur ces points la r-flexion du chercheur en management dsireux de concevoir une tude empirique partir de donnes sur les rseaux personnels dans les orga-nisations.

    Pour ce faire, nous commenons par comparer les diffrentes m-thodes disponibles pour constituer les donnes, en essayant de montrer leurs limites en termes de validit, de fiabilit et de faisabilit (sec-

    1 Un instrument de mesure est dit fiable sil permet des observateurs diffrents de

    faire des mesures concordantes dun mme sujet, ou sil permet un observateur dtablir des mesures similaires dun mme sujet des moments diffrents (Drucker-Godard et al., 1999, p. 266). 2 Un instrument est valide sil mesure correctement le concept tudi (Drucker-Godard

    et al., p. 266).

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    tion 1). Les conditions dans lesquelles peuvent tre utilises les mtho-des sappuyant sur la mmoire du rpondant sont ensuite discutes, ainsi que les dispositions que pourra prendre le chercheur pour mainte-nir un niveau satisfaisant de fiabilit (section 2).

    1. Les six grandes mthodes de dlimitation empirique des rseaux personnels

    Nous appelons dlimitation du rseau personnel, le fait dtablir la liste des personnes ayant une forme dinteraction avec ego (terme g-nrique dsignant les individus qui font lobjet de ltude empirique). Diffrentes mthodes existent (tableau 1). Elles se distinguent : (a) en sappuyant plus ou moins fortement sur les perceptions de lacteur tu-di pour dlimiter le rseau (ce qui rejaillit sur la fiabilit des mesures), (b) en permettant dtudier un champ plus ou moins restrictif de rela-tions (ce qui rejaillit sur la validit), (c) en impliquant des problmes de faisabilit plus ou moins aigus.

    Tableau 1 - Les six mthodes de dlimitation empirique d'un rseau personnel

    Nom de la m-thode Principe Exemples

    Risque de biais dus la percep-

    tion (impact sur la fiabi-

    lit)

    Risque de biais dus au

    fait dobserver

    une part res-treinte des relations

    (impact sur la validit)

    Difficult lie la fai-sabilit de la collecte des

    donnes

    Lindividu tudi ne participe pas la construction des donnes

    Archives Le chercheur rassemble des donnes secondaires qui constituent des tra-ces de relations

    Ahuja (2000), Balconi et al. (2004)

    Trs faible Trs fort Trs faible

    Supports de communication

    Le chercheur rassemble les supports dchanges (courriels, etc.)

    Ahuja et Car-ley (2003)

    Trs faible Trs fort Forte

    Observation Le chercheur observe sur le terrain les relations entre individus

    Thurman (1980), Free-man et al. (1987)

    Faible Fort Faible

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    Lindividu tudi participe la construction des donnes

    Auto-relev (ou journal)

    Le rpondant est charg de relever ses interac-tions au quotidien

    Katz et Tush-man (1983)

    Moyen Faible Trs forte

    Liste (ou r-seau complet)

    Le rpondant dit sil a des relations avec des personnes figurant sur une liste

    Burkhardt et Brass (1990), Mehra et al. (2001)

    Fort Trs faible Forte

    Gnrateurs de noms

    Le rpondant nomme les personnes avec qui il a des relations, en rponse un questionnaire

    Burt (1992), Rodan et Ga-lunic (2004)

    Trs fort Trs faible Trs faible

    1.1. La mthode des archives

    La premire mthode consiste utiliser des donnes secondaires dont on considre quelles attestent de relations entre acteurs. Le r-seau dune entreprise, par exemple, est concevable laide de lhistorique des accords de coopration passs avec dautres entreprises (par exemple, voir Ahuja, 2000). Pour connatre le rseau dun scienti-fique, une possibilit est de passer par ltude de ses brevets ou publi-cations, en considrant comme membres de son rseau lensemble de ses coauteurs (par exemple, Balconi et al., 2004). Lorsquon sintresse aux relations dun dirigeant dentreprise, une manire de procder est de retenir les personnes quil frquente en tant quadministrateur dans les conseils dautres organisations que la sienne (par exemple, Gulati et Westphal, 1999 et, plus gnralement, tout le courant des board inter-locks, cest--dire des liens interconseils).

    Lavantage de cette mthode est quelle se fonde sur des lments objectifs pour dlimiter le rseau, en puisant dans des bases de donnes souvent trs compltes, voire exhaustives. Pour tous les individus com-pris dans lchantillon, on a la garantie que leurs alters (les gens qui constituent leur rseau) correspondent une seule et mme dfinition. En particulier, la perception de lindividu tudi (ou du chercheur), qui fausserait les rsultats, nintervient pas. Cette mthode dbouche donc sur des mesures particulirement fiables. Mais, du mme coup, elle li-mite le regard du chercheur un champ trs restrictif de relations. Dans lexemple des brevets dposs, il est vident que considrer unique-ment les rseaux de co-auteurs restreint srieusement le champ dobservation. Y a-t-il une raison conceptuelle pour nobserver que les relations entre co-auteurs ? Ce type de relation correspond-il un

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    concept spcifique, distinct des autres formes de relations personnel-les ? Autrement dit, cette mthode pose des problmes de validit, dans la mesure o elle ne dlimite quune infime fraction du concept tudi, savoir le rseau personnel. En fait, le choix de cette mthode semble sexpliquer en partie par la disponibilit des donnes, plus que par son adquation avec le concept de rseau personnel.

    1.2. La mthode des supports de communications

    Cette mthode consiste, pour le chercheur, rcuprer le support des interactions de lindividu tudi avec ses alters. En pratique, il sagit le plus souvent dutiliser lhistorique de ses courriels. Par exem-ple, Ahuja et al. (2003) cherchent montrer que la centralit dun indi-vidu, dans un rseau social, influe positivement sur sa performance. Ils utilisent les archives de courriels des participants un grand projet de recherche interuniversitaire. Toute paire dindividus stant envoys au moins un courriel pendant la priode tudie est considre comme ayant un lien. En dcoule la structure relationnelle entre tous les parti-cipants. Les auteurs calculent alors des indices de centralit et mon-trent que plus un individu est central, plus il ralise un nombre impor-tant de publications en rapport avec le projet.

    Cette mthode a des avantages comparables la prcdente : elle repose sur des lments relativement objectifs et ne fait pas intervenir la perception des acteurs tudis. Son inconvnient majeur est quelle reprsente de grosses contraintes de faisabilit. En effet, laccs aux documents de communication interne aux entreprises tels que les cour-riels est particulirement difficile obtenir (Chanal, 2000). Un autre inconvnient est quelle limite la notion de rseau personnel aux seuls contacts donnant lieu de lcrit, ignorant les relations tlphoniques ou de face--face. On peut craindre, notamment, que les courriels refl-tent surtout des interdpendances techniques ou hirarchiques entre in-dividus (actions de reporting, par exemple) et assez peu dautres contacts plus informels (tels que les changes de lacteur sur des ques-tions plus politiques ). Il sagit l dun problme de validit compa-rable celui que comporte la mthode prcdente.

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    1.3. La mthode de lobservation

    Un chercheur peut aussi dlimiter le rseau personnel dun individu en observant sur le terrain ses interactions. Cette pratique est assez rare en management et se rencontre chez les spcialistes du comportement des animaux, notamment les singes (Dunbar et Dunbar, 1975, cits dans Wasserman et Faust, 1994, p. 49) ou en anthropologie (Thurman, 1980, Freeman et al., 1989). Freeman et al. (1989) ont tudi une po-pulation de 54 surfeurs frquentant une plage de Californie. Pendant un mois, ils observent les interactions dyadiques et en relvent les dures. Ils reconstituent ainsi la structure des relations sur cette plage. Parfois, lobservation fait intervenir encore plus fortement la perception du chercheur. Thurman (1980) tudie, par exemple, une organisation ras-semblant une trentaine de salaris. Celle-ci est marque par un conflit entre deux personnes et lauteur souhaite identifier la faon dont leur position dans le rseau de relations personnelles facilite la construction de coalitions de soutien. Au terme de 16 mois de prsence sur le ter-rain, il dresse le rseau des relations entre les salaris de lorganisation. Il sappuie donc uniquement sur sa mmoire et fait, en quelque sorte, un rsum de ses observations, sans aucune quantification des changes entre personnes.

    Linconvnient majeur de cette mthode est que, pour des raisons de faisabilit, elle limite forcment le regard un petit groupe dindividus. Elle sinscrit, donc, difficilement dans une tude visant tester statistiquement des relations causales, qui ncessite un nombre important dobservations. Par ailleurs, elle met laccent sur les interac-tions en face--face et fait, donc, disparatre dautres formes dinteractions (tlphone, courriel). Cest, l encore, un problme de validit, dans la mesure o lon voit mal ce qui pourrait thoriquement justifier de limiter la notion de rseau personnel un mdia en particu-lier.

    1.4. La mthode de lauto-relev (ou journal) La quatrime mthode sappuie sur une participation active des r-

    pondants. Ceux-ci font un relev prcis de leurs interactions avec dautres personnes. Cest notamment la mthode employe par les au-teurs sintressant aux gatekeepers. Par exemple, Katz et Tushman (1983) demandent leurs rpondants de rpertorier lensemble des

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    communications lies au travail pendant toute une journe, celle-ci tant choisie de manire alatoire chaque semaine, pendant 15 semai-nes. Du point de vue de la validit, lavantage de cette mthode est quelle nomet pas a priori certains types de relations, contrairement aux trois prcdentes. Cependant, elle comporte des problmes de fai-sabilit importants : elle requiert une participation lourde de la popula-tion tudie et donc une adhsion totale la recherche (Fu, 2005).

    Conrath et al. (1983) ont discut les mrites de cette mthode. Ils tudient lutilisation du tlphone que font 29 personnes du service comptabilit dune universit (Higgins et al., 1985). Chaque rpondant est charg de rpertorier chacune de ses communications tlphoniques pendant une semaine. Un dispositif technique permet de comparer les relevs aux coups de tlphone rellement passs. Les auteurs consta-tent que le rpondant ne relve pas toutes ses communications (no-tamment, les plus courtes sont souvent omises). Mais dans une autre recherche, portant sur trois entreprises (de 49 110 membres), les m-mes auteurs ont montr que la mthode de lauto-relev, pour impar-faite quelle soit, entrane moins doublis quune technique demandant au rpondant de se remmorer les personnes avec qui il a eu des inte-ractions (Conrath et al., 1983). En effet, dans lauto-relev, lindividu est cens relever linteraction juste aprs quelle ait eu lieu : il ne sappuie donc pas sur sa mmoire. Cette limitation du biais de mmoire garantit une certaine fiabilit de la mesure, qui toutefois nest pas maximale. En effet, dans le mme temps, Conrath et al. montrent que le rpondant adopte certaines stratgies de rponse, allant dans le sens dun biais de dsirabilit sociale : il cherche renvoyer une image po-sitive de son propre travail et de la faon dont il gre son temps. On peut galement craindre que cette mthode ne capte pas les aspects les plus politiques des interactions, qui seront facilement dissimuls par le rpondant. A contrario, elle est plutt adapte si lobjectif est danalyser des interactions plus neutres , telles que les interactions techniques.

    1.5. La mthode des listes (ou du rseau complet) Pour la cinquime mthode, le chercheur construit un questionnaire

    o figure une liste des personnes avec qui ego est susceptible davoir des contacts. Ce dernier indique qui il connat dans la liste. Cette m-thode est adopte par une crasante majorit de chercheurs pratiquant

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    lanalyse structurale des rseaux sociaux (Wasserman et Faust, 1994, p. 45). On dispose alors de ce quon appelle un rseau complet (whole network), c'est--dire, de donnes sur les relations quentretiennent entre eux les individus interrogs dans un ensemble dlimit au pralable par le chercheur. Une autre faon de procder est de constituer lchantillon par effet boule de neige (Wasserman et Faust, 1994, p. 30-33). Un premier acteur est interrog. Chacun des al-ters quil a cits est son tour interrog et ainsi de suite. Au terme du processus, on dispose de toutes les relations entre les acteurs, sans avoir tabli a priori de dlimitation au systme relationnel.

    Les utilisations de cette mthode sont trs nombreuses. Par exemple Mehra et al. (2001) cherchent savoir si les traits de personnalit des individus influencent leur centralit dans la structure des relations dune entreprise et si cette centralit joue positivement sur leur perfor-mance. Mais cette mthode est galement employe en adquation avec des donnes qualitatives et non pas seulement en vue dtablir des rela-tions causales testes statistiquement. Dans son travail doctoral, Josse-rand (1998) tudie comment les entreprises en rseau parviennent r-aliser lintgration des units priphriques. Lanalyse structurale pro-pose une reprsentation synthtique du systme relationnel quil tudie, permettant ainsi de mieux interprter les donnes qualitatives (voir aussi lexemple de Froehlicher, 1998).

    Cette mthode a trois avantages. Le premier est que, par rapport une situation dans laquelle le rpondant se remmore les personnes avec qui il a eu des contacts (mthode des gnrateurs de noms, traite dans la sous-section suivante), on rduit le biais de mmoire, la liste apportant une aide importante au rpondant. Il ne sagit pas de se sou-venir, mais de reconnatre des noms dans une liste. Le deuxime avantage est que les donnes sur le rseau personnel dego sont sans doute plus fidles la ralit dans la mesure o lon a la possibilit dtudier la rciprocit des liens (Marsden, 1990, p. 448-449). En effet, si lacteur A indique avoir un lien avec B, mais que, lorsquon a inter-rog B, celui-ci na pas indiqu avoir de lien avec A, alors la donne peut tre mise en doute. Il reste, tout de mme, que la fiabilit de la mesure est limite par le fait que le rpondant construit lui-mme les donnes et que, dun rpondant lautre, la notion de relation person-nelle naura pas forcment le mme sens.

    Mais le dfaut le plus important est sans doute celui de la faisabili-t : il faut disposer dun accs particulier dans une organisation ou un

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    groupe, qui garantisse quune majeure partie de tous les acteurs en pr-sence rponde au questionnaire sociomtrique. Un autre problme se pose : cette mthode ncessite de dlimiter a priori un ensemble dacteurs. La subjectivit du chercheur intervient clairement pour ta-blir les limites du systme et tous les auteurs saccordent sur le fait que, quel que soit le principe suivi, aucun chercheur nest labri dune mauvaise spcification des frontires (Marsden, 1990, p. 439 ; Degenne et Fors, 1994, p. 30 ; Wasserman et Faust, 1994, p. 30-35). Le plus souvent, la dlimitation sappuie sur les frontires formelles (limites dune entreprise, affiliation un groupe). La mthode nest donc pertinente que dans la mesure o le chercheur sintresse des phnomnes internes ou, plus prcisment, dans lesquels les acteurs externes interviennent peu.

    1.6. La mthode des gnrateurs de noms

    Sil opte pour cette mthode, le chercheur sappuiera totalement sur la mmoire du rpondant. Celui-ci fixe son esprit sur un nombre restreint dindividus censs faire partie de son rseau. La dlimitation du rseau personnel passe par un instrument de collecte stimulant sa mmoire, laide de questions ouvertes linvitant rflchir aux per-sonnes avec qui il entretient des contacts directs. Cette mthode exige de poser des questions de type : si vous considrez les six derniers mois, quelles sont les personnes avec qui vous avez discut de ques-tions importantes pour vous? 3. En dcoule une liste dindividus, au sujet desquels il est, ds lors, possible de poser des questions (du type est-ce que vous rencontrez cette personne rgulirement ? ). Ces questions sont appeles des interprteurs de noms.

    Si lon se replace maintenant dans lensemble des mthodes dispo-nibles (Tableau 1), il apparat que la mthode des gnrateurs de noms convient particulirement lorsque laccent est mis sur la validit des mesures. En effet, avec cette mthode, le champ dobservation des rela-tions personnelles nest pas restreint par loutil de collecte, c'est--dire que lon ne considre pas un seul contexte particulier dinteraction. Au travers de diffrents items, le chercheur peut, en effet, stimuler la m-moire du rpondant sur diffrents contenus (nommer les personnes

    3 Item sans doute le plus fameux en sociologie des rseaux, tir dune vaste enqute

    mene aux tats-Unis en 1985, la General Social Survey (Straits, 2000, p. 124).

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    avec qui il discute de sujets personnels, avec qui il rsout des probl-mes techniques, etc.). A contrario, les autres mthodes limitent le re-gard du chercheur un type particulier de relations : les relations cor-respondant un type prcis dinteraction (mthode des archives), un certain type de mdia (mthode des supports de communication, m-thode de lobservation), un certain type denvironnement (mthode du rseau complet, qui ferme lespace des relations mesurables).

    En outre, cette mthode prsente des avantages indniables de fai-sabilit. Elle sappuie sur des questionnaires dont le mode dadministration est gnralement classique (courrier, Internet), avec des contraintes daccessibilit au terrain plutt faibles. Cela dit, comme lindiquait le tableau 1, cette mthode est sans doute celle qui fait cou-rir le plus grand risque sur la fiabilit des mesures, car elle sappuie es-sentiellement sur la perception et la mmoire du rpondant. La section suivante commence par relativiser cet argument hrit principalement des tudes BKS (Bernard et al., 1980, 1982, 1985), et propose en-suite des parades mthodologiques.

    2. Pour une utilisation efficace de la mthode des gnrateurs de noms

    Il parat ncessaire dexaminer les critiques faites lendroit des ou-tils sappuyant sur la mmoire des rpondants. Certaines paraissent provenir dune confusion sur le concept qui est mesur (2.1). Dautres paraissent lgitimes et doivent tre traites au moment de concevoir le questionnaire (2.2), mais aussi au moment danalyser les donnes (2.3).

    2.1. Dans quels cas peut-on sappuyer sur la mmoire des rpondants ?

    Les critiques les plus virulentes viennent de plusieurs expriences menes par Bernard et Killworth (Bernard et al., 1980, 1982, 1985), connues sous le nom d tudes BKS . Sur diffrentes populations, les auteurs ont interrog des personnes sur les liens quelles avaient entre elles. Puis, ils ont compar ces informations aux interactions qui avaient rellement eu lieu. Par exemple, ils ont compar les donnes collectes auprs dune quarantaine de salaris dun laboratoire de re-

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    cherche et leurs interactions relles, mesures par observation4. Ils ont rapproch les donnes collectes auprs dutilisateurs de radio amateur et les interactions rellement constates par lenregistrement de toutes les communications (Killworth et Bernard, 1980). Autre exemple, ils ont compar les interactions par courrier lectronique dclares, cel-les qui taient donnes par lhistorique rel de ces courriers (Bernard et al., 1982).

    Pour toutes leurs tudes, les rsultats sont pour le moins dcoura-geants : en moyenne, 50 % des interactions reportes ne correspondent pas la ralit. Certaines communications rapportes nont pas eu lieu et certaines communications ayant eu lieu ne sont pas releves. La conclusion est sans appel : ce que disent les gens sur leurs communi-cations na aucune ressemblance avec leur comportement (Bernard et al., 1982, p. 30). cette critique, on peut nanmoins faire trois r-ponses. Premirement, Hammer remarque que, si les mthodes par questionnaire ne donnent pas une vision exhaustive ou exacte de la r-alit des interactions, celles qui sappuient sur les interactions observa-bles5 ne proposent pas de solution parfaite (Hammer, 1980). En effet, elles observent forcment lindividu pendant une priode limite. Il est tout fait possible que des acteurs cls manquent lors de lobservation (dplacement, maladie) ou que certaines interactions naient pas pu tre observes car trop peu frquentes.

    Une deuxime rponse aux tudes BKS vient de Freeman et Rom-ney (Freeman et Romney, 1987 ; Freeman et al., 1987). Les auteurs sintressent un vnement universitaire organis en sessions rguli-res. chaque session, les noms des membres prsents sont relevs. Au bout dun certain nombre de sances, les participants sont chargs de se souvenir des personnes prsentes lors dune session donne. Les r-sultats vont dans le sens des tudes BKS : certaines personnes sont ci-tes alors quelles ntaient pas prsentes ce jour-l, dautres taient prsentes mais ne sont pas notes. Mais les auteurs vont plus loin, en caractrisant les erreurs : les rpondants ont tendance oublier dans leurs rponses les gens qui taient l le jour dit, mais qui ne sont venus que rarement en moyenne aux sances ; ils ont tendance ajouter des personnes qui viennent avec une frquence leve, alors quelles

    4 Lobservateur couvrait un tage tous les quarts dheures pendant quatre jours

    ouvrables, raison de 5 heures par jour (Bernard et Killworth, 1977, p. 6). 5 Ces mthodes sont celles que nous avons appeles mthodes des supports de

    communications , de lobservation et de lauto-relev .

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    ntaient pas prsentes le jour dit. En sappuyant sur des principes de psychologie cognitive, les auteurs expliquent que la mmoire dun r-pondant est donc biaise vers les liens qui sont rguliers, typiques, du-rables. Les outils de collecte fonds sur la mmoire sont donc certes mauvais pour reflter les interactions prcises intervenues pendant une priode donne. Ils sont, en revanche, bons pour reflter les relations sociales quun individu entretient de manire gnrale, sans rfrence une priode et un contexte prcis.

    Les gnrateurs de noms semblent donc dboucher sur des mesures valides, si lon entend le rseau personnel comme un portefeuille de re-lations, c'est--dire un ensemble de liens mobilisables par lacteur, ac-ception qui ne fait rfrence, ni un contexte, ni une priode, ni un mode dinteraction spcifique. Si son objet de recherche est compatible avec cette acception, le chercheur aura donc grand intrt opter pour cette mthode.

    Mais il y a une troisime manire de rpondre aux tudes BKS. Cer-tes, la mmoire du rpondant est un instrument imparfait de collecte de donnes. Il est important de noter que cet tat de fait nest pas dune grande gravit pour la qualit des mesures. En effet, un gnrateur de noms ne se fixe jamais pour objectif de recenser tous les contacts rels dun individu, il opre plutt un chantillonnage de ces contacts rels (Hammer, 1984 ; Marsden, 1990, p. 458). Noublions pas que les don-nes nont pas pour objectif de reflter la ralit des interactions du r-pondant dans labsolu, elles peuvent se contenter de donner une image de la ralit des diffrences entre les rpondants. Ainsi, si lon prend lexemple de la variable taille, condition que lerreur alatoire ne soit pas trs leve, ceux qui ont beaucoup dinteractions devraient re-porter beaucoup dinteractions et ceux qui en ont peu devraient tendre en reporter moins. Il y aura donc une trs forte corrlation entre le nombre mesur dinteractions et le nombre rel de ces interactions (Feld et Carter, 2002, p. 367). Ces auteurs le montrent en mesurant deux variables : la taille du rseau et sa densit6. La taille fonde sur la mmoire est corrle 0,89 (Pearson) avec la taille obtenue par une mthode combine, plus exhaustive. La densit base sur la mmoire est corrle 0,92 avec la mesure obtenue par mthode combine. Ain-si, mme si le phnomne doubli est rel, statistiquement, il a peu de

    6 La densit dun rseau dalters est la proportion des liens existants [entre les al-

    ters] par rapport aux liens possibles (Degenne et Fors, 1994, p. 59).

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    consquences : les mesures obtenues sur la seule mmoire du rpon-dant sont de bonnes approximations de la ralit.

    2.2. Prendre en compte les biais avant lenqute : quelques remdes

    Loubli de certaines personnes nest donc pas forcment un pro-blme, car il ne sagit pas de relever tous les contacts. Cet argument tient uniquement si les gnrateurs de noms prlvent un chantillon reprsentatif des relations personnelles du rpondant. Il est donc n-cessaire de voir dans quelle direction les biais associs la mmoire agissent, de manire optimiser cette reprsentativit. Sur ce point, plusieurs tudes ont t menes (Hammer, 1984 ; Sudman, 1985, 1988 ; Brewer et Yang, 1994 ; Brewer, 1997 ; McCarty et al., 1997 ; Brewer et Webster, 1999 ; Brewer, 2000 ; Brewer et al., 2000 ; Feld et Carter, 2002 ; Marin, 2004 ; Kogovsek et Ferligoj, 2005). Elles sappuient sur la comparaison des donnes obtenues par gnrateurs de noms avec trois autres formats (Brewer, 2000) : (a) les donnes obte-nues par reconnaissance ( partir dune liste), (b) celles issues de lobservation des interactions relles, (c) celles provenant dune deuxime salve denqutes par gnrateurs de noms, sur les mmes r-pondants (mthode du test-retest).

    Le premier biais a dj t abord : beaucoup de contacts sont ou-blis. Sintressant au rseau de connaissances dun groupe dtudiants habitant dans la mme rsidence, Brewer et Webster (1999) observent quun rpondant oublie en moyenne 20 % de ses amis. Comment limi-ter ce phnomne ? Une premire solution est dintgrer, la fin du questionnaire, une question invitant le rpondant relire tous les noms et vrifier quil na oubli personne. Il sagit, donc, dune catgorie ditem ouvert qui ne porte sur aucun contenu particulier. Le surcrot de noms engendrs par cet item varie selon les tudes mais nest jamais ngligeable : pour Brewer et al. (1999, cit dans Brewer, 2000, p. 40), cet item reprsente 10 % de tous les noms inscrits, pour Marin, il sus-cite 7,1 noms supplmentaires, en moyenne (2004, p. 296).

    Dune manire gnrale, le fait dutiliser un seul item est un l-ment dont tous les auteurs saccordent dire quil augmente les oublis. Utiliser divers items, mme similaires dans le contenu des liens aux-quels ils font rfrence, stimule la mmoire du rpondant (Burt, 1997). Par exemple, un individu se rappellera toujours dun plus grand nom-

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    bre damis si on lui demande successivement : Avec qui faites-vous du sport ? Avec qui allez-vous au cinma ? Avec qui passez-vous vos vacances ? , que si on lui demande simplement Qui sont vos amis ? . Cela est vrai mme si lindividu en question fait du sport, va au cinma et part en vacances avec les mmes personnes : une partie des personnes oublies la premire question (pratique du sport) sera remmore la seconde (cinma), et ainsi de suite. Au final, toutes ca-tgories confondues, on aura une ide du rseau damis du rpondant.

    Le deuxime biais est que les rpondants ont tendance citer spon-tanment (donc surreprsenter) des liens forts (Hammer, 1984 ; Sud-man, 1985 ; Sudman, 1988 ; Tijhuis, 1994, cit dans Van der Gaag, 2005 ; Brewer et Webster, 1999 ; Marin, 2004). Au sens de Granovet-ter (1973), la force dun lien est une combinaison (vraisemblable-ment non linaire) du temps accumul, de lintensit motionnelle, de lintimit (confidences de part et dautre) et des services rciproques qui caractrisent le lien (Granovetter, 1973, p. 1361). Selon le mode doprationnalisation retenu de la force dun lien, les tudes empiri-ques montrent que lutilisation de gnrateurs de noms conduit une surreprsentation des liens forte frquence dinteraction, forte proximit motionnelle, anciens et rciproques (Brewer, 2000)7.

    Paradoxalement, ce biais est sans doute le plus test, mais, notre connaissance, cest le seul pour lequel les spcialistes ne donnent pas de remde. En labsence de recherches empiriques, deux stratgies semblent envisageables. Dabord, le propos prliminaire du question-naire doit insister sur le fait que les noms inscrits peuvent trs bien faire rfrence des personnes que le rpondant voit peu souvent (ce qui a plus de chances de concerner les liens faibles que les liens forts). Ensuite, il est souhaitable dintroduire des items demandant au rpon-dant de penser des formes dinteractions dintensit trs variable. On peut voquer, titre dexemple, la stratgie adopte dans le cas dune

    7 Un lien est rciproque si le rpondant A cite B comme lien et, dans la mme tude, B

    cite A. Pour ce qui concerne la frquence dinteraction, il faut relever que cest une mesure imparfaite de la force dun lien. Certes, elle est conceptuellement lie lune des dimensions nonces par Granovetter (1973), savoir le temps accumul (qui ne peut tre important sans frquence dinteraction leve). Cependant, Marsden et Campbell (1984) montrent que la variance de la variable frquence dinteraction ne mesure quen faible partie la force dun lien au sens de Granovetter (1973). Cette variable est, en effet, pour une grande partie, le corrlat dautres variables qui nont aucun lien conceptuel avec la notion de lien fort, comme la proximit gographique (par exemple, le fait de travailler sur le mme lieu qualter augmente forcment les situations de rencontre et donc la frquence, quelle que soit la force du lien).

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    collecte auprs dingnieurs R&D (Chollet, 2006). Dans plusieurs re-cherches (Podolny et Baron, 1997 ; Rodan et Galunic, 2004), les gn-rateurs de noms comprennent un item invitant le rpondant lister les personnes qui il demande conseil pour faire son travail. Suite des entretiens prliminaires auprs de 24 ingnieurs R&D, nous avons cr deux items distincts : dun ct, les conseils techniques brefs, deman-dant moins dune demi-heure, de lautre, les conseils techniques pous-ss, exigeant plus dune demi-heure. En effet, les entretiens ont montr que la rubrique conseils pousss conduisait citer surtout des liens forts (car il est ncessaire que le contact, dans ce cas-l, ait un mini-mum de dispositions favorables envers ego) et la rubrique conseils brefs conduisait citer plutt des liens faibles.

    Le troisime biais, mme sil donne lieu peu dtudes, est soulev par Hammer, qui constate que le gnrateur de noms dbouche sur une surreprsentation des liens qui ont rcemment donn lieu une interac-tion (Hammer, 1980, 1984). Cela parat comprhensible : lindividu a lesprit les personnes quil a rencontres quelques jours ou heures avant lenqute. Le seul moyen de limiter ce biais semble rsider dans la formulation des items, en insistant sur le fait que le rpondant doit rflchir en se basant sur les six derniers mois prcdant lenqute (stratgie suivie dans la plupart des recherches).

    Un quatrime biais est celui dassociation. Si le rpondant voque un premier nom, il est probable que les noms auxquels il pensera juste aprs seront des personnes, soit qui connaissent le premier, soit qui partagent avec lui des caractristiques communes. La raison en est que le rpondant procde par association pour rpondre la consigne qui est de se remmorer les individus de son rseau. Brewer et Webster (1999) obtiennent, par exemple, un rsultat selon lequel un rpondant a tendance citer des amis avec qui il a des amis en commun. Pour contrer ce biais, Burt recommande de proposer plusieurs items succes-sifs visant des contenus similaires (Burt, 1997). On casse ainsi le m-canisme dassociation, en faisant passer le rpondant un nouvel item. Cest un moyen efficace de lamener rflchir dautres noms, non lis au premier inscrit.

    Enfin, un dernier risque de biais, qui, lui, nest pas li la mmoire, rside dans le fait que des changements de formulation donnent des r-sultats parfois diffrents. Fort peu dtudes existent sur ce point. Straits compare les rsultats obtenus sur 426 tudiants selon que litem de-mande de lister les personnes importantes dans [leur] vie ou les

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    personnes avec qui ils discutent de questions importantes pour [eux] (Straits, 2000). Mme sil existe des diffrences relles, les r-sultats sont, somme toute, faiblement divergents. Une rponse claire ce risque de biais existe : le fait davoir plusieurs items non exclusifs (de formulations diffrentes mais de sens proches).

    Tableau 2 - La synthse des biais et des stratgies suivies pour les contourner

    Biais tudes constatant le biais Parade Oubli de certains alters. Brewer (1995) et Brewer et

    al. (1999) (cits dans Brewer et al., 2000, p. 40).

    - Invitation la relecture, rubrique manque-t-il quelquun , - Utilisation de plusieurs items gnrateurs.

    Surreprsentation des liens forts (frquents, anciens, rciproques ou motionnellement proches).

    Hammer (1984), Sudman, (1985, 1988).

    - Construire des items faisant rfrence des intensits de niveaux variables (ex. : conseils brefs versus conseils pousss), - Insistance, dans la consigne, sur le fait que des contacts peu frquents sont aussi concerns.

    Surreprsentation des liens ayant donn lieu interaction rcente.

    Hammer (1980, 1984). Le rpondant est invit considrer les six derniers mois prcdant lenqute.

    Surreprsentation des personnes ayant des liens entre elles ou des caractristiques communes (biais dassociation).

    Bond et al. (1985), Bond et Brockett (1987), Brewer et Webster (1999), Brewer et al. (2000).

    Utilisation de plusieurs items non exclusifs (i.e. ayant des sens proches, Burt, 1997).

    Impact de la formulation des items sur les rsultats.

    Straits (2000). Utilisation de plusieurs items non exclusifs.

    2.3. Prendre en compte les biais aprs lenqute : deux indicateurs importants

    Comment valuer a posteriori la qualit des donnes collectes par des gnrateurs de noms ? La littrature ne donne gure dinformations sur ce point. Nous proposons deux solutions. des fins dillustration, nous reprenons les donnes dune tude rcente ralise sur 127 ing-nieurs (Chollet, 2006). Cette tude visait identifier le rle du rseau personnel de lingnieur R&D dans le dploiement de sa stratgie per-sonnelle. Elle a t ralise grce la diffusion dun questionnaire In-ternet dynamique, 546 ingnieurs (Boufeta et Chollet, 2006). Pour tablir les items des gnrateurs, le souci de cumulation des connais-

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    sances impose de sappuyer dabord sur les items dj utiliss dans la littrature. Pour cela, nous nous sommes bas sur Burt (1992) et Po-dolny et Baron (1997) car des variantes de leurs gnrateurs ont t uti-lises dans plusieurs tudes (par exemple, Rodan et Galunic, 2004). La construction des items sappuie galement sur 24 entretiens avec des ingnieurs R&D. Le tableau 3 donne une vision globale de la manire dont les 127 ingnieurs R&D ont rpondu aux gnrateurs de noms (nombre de noms inscrits par item).

    Une premire suggestion pour valuer la qualit dun gnrateur de noms est le calcul de ce quon appellera son taux de saturation. Il sagit du rapport entre le nombre moyen de contacts entrs par catgo-rie et le nombre maximal possible par catgorie. Si une catgorie a un taux trs faible, cest que litem ne parvient pas stimuler la mmoire du rpondant. La dernire colonne du tableau 3 mentionne ces taux dans le cas qui nous sert dillustration. Elle montre que les diffrents items nont pas eu la mme performance sur ce critre.

    Cela dit, on ne sait pas, avec cet indicateur, si le rpondant a cit beaucoup de noms : il peut avoir globalement satur les diffrentes possibilits, mais avec grosso modo les mmes noms. Les items se-raient trs mauvais si, par exemple, un rpondant citait, pour les deux rubriques de conseils techniques, 10 noms en tout qui ne correspon-draient qu 5 personnes diffrentes (par exemple, il cite A, B, C, D et E pour la rubrique conseils brefs et A, B, C, D et E pour la rubrique conseils pousss). Les items sont trs satisfaisants si le rpondant cite dix noms en tout, correspondant 10 personnes distinctes (il cite A, B, C, D et E pour la rubrique conseils brefs et F, G, H, I et J pour la rubri-que conseils pousss).

    Pour systmatiser cette rflexion, nous avons cr une variable qui value, pour chaque rpondant, la mesure dans laquelle les noms cits dsignent plusieurs fois les mmes personnes. Le but est de vrifier que les items gnrent bien des noms diffrents. On appelle n, le nombre de contacts cits en tout (si lindividu a cit Cathy, Cyprien, JP dans une des rubriques et Zack dans trois des rubriques, n=6). On appelle taille du rseau, le nombre dalters nomms diffrents (dans lexemple, taille=4, on ne compte pas trois fois Zack). Sil existe une diffrence entre n et taille, cest quau moins une mme personne a t cite sur plusieurs items gnrateurs de noms. On calcule alors un taux T.

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    Tableau 3 - Les statistiques descriptives sur les diffrents items gnrateurs de noms

    Items gnrateurs de noms Min Moy (a) Max Limite

    (b) Taux sat.

    (a)/(b) 1. Les contacts qui sont pour vous les principales sources de conseils techniques... Sur les six derniers mois, quelles personnes ont t d'importantes sources de conseils techniques, lintrieur ou l'extrieur de votre entreprise ?

    Pour des conseils techniques pousss (prenant plus d'une demi-heure la personne contacte)... 0 3,11 5 5 0,622

    Pour des conseils techniques brefs (prenant moins d'une demi-heure)... 0 3,12 5 5 0,624 2. Les contacts qui sont pour vous d'importantes sources d'informations sur votre organisation... Il s'agit ici d'informations sur ce qui se passe dans lorganisation. Exemples : les projets susceptibles de se monter dans les mois venir, les changements organisationnels en cours, la politique officieuse suivie par la direction, etc. Sur les six derniers mois, quelles personnes ont t pour vous d'importantes sources dinformations de ce type ?

    1 2,55 4 4 0,637

    3. Les contacts dont l'aval ou le soutien sont importants pour vos initiatives... Dvelopper une ide ou mener une initiative nouvelle peut requrir le soutien ou laval dautres personnes. Supposez que vous quittiez votre poste et que vous souhaitiez donner votre successeur les meilleures chances de russite, quelles personnes lui indiqueriez-vous comme celles dont le soutien est important pour mener bien ses initiatives ?

    0 2,12 3 3 0,707

    4. Les contacts que vous mobiliseriez pour envisager un changement de job ... Imaginons que vous souhaitiez trouver un poste dans une autre entreprise que la vtre, avec quelles personnes discuteriez-vous pour explorer ou valuer les opportunits qui vous seraient offertes ?

    0 1,84 3 3 0,613

    5. Manque-t-il quelqu'un d'important ? Relisez attentivement les diffrentes rubriques que vous venez de renseigner. Est-ce qu'il vous parat manquer une ou deux personnes avec qui vous avez eu des contacts sur les six derniers mois (frquents ou non) et qui vous semblent avoir t bnfiques, de quelque manire que ce soit, pour la qualit de votre travail ou pour votre carrire?

    0 0,58 2 2 0,289

    Total des noms cits (n) 4 13,31 22 22 0,605

    Total des noms cits diffrents (taille) 3 9,49 19 22 0,431

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    Figure 1 - Le calcul de la variable taux de redondance

    Si le rpondant ne cite jamais deux fois le mme nom, n=taille et T=0 %. Autrement dit, 0 % des alters cits lont t dans plusieurs ca-tgories. Dans lexemple prcdemment dvelopp, n=6 et taille=4, donc T=50 %. Cela signifie que 50 % des noms cits dans les gnra-teurs correspondent la rptition de personnes dj cites (qui donc napportent pas dinformation supplmentaire).

    Dans ltude qui nous sert dillustration, le taux moyen est de 27,9 % : 27,9 % des noms cits dans une catgorie lont dj t dans une autre et napportent donc pas dinformation nouvelle. Ce rsultat, dans labsolu, est difficile valuer. Mais, il parat indispensable que toute recherche fonde sur les gnrateurs de noms mentionne systma-tiquement cet indicateur, de manire permettre une confrontation et, terme, la slection des items les plus performants.

    Conclusion

    La diffusion en sciences de gestion des mthodes et des thories is-sues de la sociologie des rseaux doit saccompagner de rflexions m-thodologiques. Cet article apporte pour cela une analyse critique des mthodes de dlimitation des rseaux personnels dans les organisa-tions. On peut en tirer trois grands enseignements. Premirement, les outils se distinguent fortement selon quils sappuient ou non sur la mmoire des acteurs de lorganisation. Alors que les mthodes bases sur la mmoire ont t critiques pour leur manque de fiabilit, elles semblent prsenter une certaine validit, dans la mesure o elles ne res-treignent pas arbitrairement le champ des relations personnelles qui sont prises en compte. Deuximement, il est possible de limiter les biais de ces mthodes, si lon applique certaines stratgies de construc-tion des items. Troisimement, il semble ncessaire dassortir toute tude empirique fonde sur les gnrateurs de noms dune valuation

    T = (n-taille)/n

    n : nombre dalters cits en tout, tous items gnrateurs de noms confondus; Taille : nombres dalters cits diffrents.

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    de leur qualit sappuyant sur deux indicateurs : les taux de saturation (mesure dans laquelle les diffrentes possibilits offertes au rpondant dinscrire des noms ont t utilises) ainsi que le taux de redondance (mesure dans laquelle les diffrents items ont tendance dboucher sur les mmes noms).

    Dune manire gnrale, cet article contribue la rflexion mtho-dologique sur lanalyse des rseaux personnels, dans la mesure o il fait la synthse dune littrature mthodologique relativement parse. Il donne au chercheur les arguments qui lui permettent de faire, en connaissance de cause, un choix entre recours des donnes objecti-ves et recours la mmoire du rpondant. Sans conclure la suprio-rit de lune ou lautre des approches, il dlimite les conditions dans lesquelles la mthode des gnrateurs de noms semble justifie.

    Toutefois, ce travail prsente certaines limites. Premirement, lvaluation de la mthode des gnrateurs ne met en valeur quune partie du processus de collecte : celle qui consiste tablir la liste des membres du rseau personnel du rpondant. Mais, une fois cette liste tablie, celui-ci est gnralement soumis une srie ditems nomms interprteurs de noms. Il sagit de questions reprenant la liste des al-ters, invitant le rpondant valuer, par exemple, le niveau de proximi-t motionnelle avec chacun deux. Certaines questions peuvent ga-lement inviter le rpondant indiquer lui-mme lexistence de liens en-tre ses alters (de manire pouvoir calculer la densit du rseau). La subjectivit est, ici encore, luvre et fait peser un risque additionnel sur la qualit finale des mesures (voir, par exemple, Marsden, 1990), qui mriterait de plus amples dveloppements.

    Il existe une autre limite principale notre travail. Certes, lutilisation de lanalyse des rseaux personnels, en particulier des g-nrateurs de noms, devient courante pour rpondre aux grandes ques-tions de la recherche en management (par exemple, Rodan et Galunic, 2004). Cependant, force est de constater que lcrasante majorit des travaux dordre mthodologique dont nous disposons pour discuter les diffrents biais lis ces outils de mesure, est mene sur des individus qui, le plus souvent, ne sont pas en situation de travail dans un contexte organisationnel. Les chantillons sont souvent composs dtudiants et les gnrateurs utiliss sont pratiquement toujours des items portant sur des liens de discussion ou de soutien affectif et, trs rarement, des liens de conseils techniques, dinformations sur lorganisation, etc., qui sont les gnrateurs le plus souvent utiliss dans des recherches en mana-

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    gement (Burt, 1992 ; Podolny et Baron, 1997). Ce constat est une invi-tation poursuivre les recherches mthodologiques, en ralisant des collectes de donnes dans des contextes nouveaux : ceux qutudient les chercheurs en management.

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