11 poèmes sur la mer

13

Transcript of 11 poèmes sur la mer

Marines

Je me suis pris à caresser

La mer qui hume les orages

Paul Eluard

Bleus

La mer est comme un ciel bleu bleu bleu

Par au-dessus le ciel est comme le Lac Léman

Bleu-tendre

Blaise Cendrars

L'Equateur

L'océan est d'un bleu noir et le ciel bleu est pâle à coté

La mer se renfle tout autour de l'horizon

On dirait que l'Atlantique va déborder sur le ciel

Tout autour du paquebot c'est une cuve d'outremer pur

Blaise Cendrars, Au cœur du monde.

Marine

L'océan sonore

Palpite sous l'œil

De la lune en deuil

Et palpite encore,

Tandis qu'un éclair

Brutal et sinistre

Fend le ciel de bistre

D'un long zigzag clair,

Et que chaque lame

En bonds convulsifs

Le long des récifs

Va, vient, luit et clame

Et qu'au firmament,

Où l'ouragan erre,

Rugit le tonnerre

Formidablement.

Paul Verlaine

Poisson

Les poissons, les nageurs, les bateaux

Transforment l'eau.

L'eau est douce et ne bouge

Que pour ce qui la touche.

Le poisson avance

Comme un doigt dans un gant,

Le nageur danse lentement

Et la voile respire.

Mais l’eau douce bouge

Pour ce qui la touche,

Pour le poisson, pour le nageur, pour le bateau

Qu'elle porte

Et qu’elle emporte. Paul Eluard

Dans un petit bateau

Dans un petit bateau

Une petite dame

Un petit matelot

Tient les petites rames

Ils s’en vont voyager

Sur un ruisseau tranquille

Sous un ciel passager

Et dormir dans une île

C’est aujourd’hui Dimanche

Il fait bon s’amuser

Se tenir par la hanche

Échanger des baisers

C’est ça la belle vie

Dimanche au bord de l’eau

Heureux ceux qui envient

Le petit matelot

Robert Desnos

Le printemps au fond de la mer

Le fond de la mer a ses saisons. Comme sur

la terre, le printemps est une des plus belles.

Le corail bourgeonne et les éponges

respirent l’eau bleue à pleins poumons. Une

forêt de cerfs rouges écoute un bruit d’hélice.

Il arrive de très haut dans les cieux de la mer.

Quelquefois, un aéronaute tombe des cieux

de la mer. Il tombe lentement et se roule

dans le sable. Les fleurs dorment debout et il

y en a une foule qui disent adieu. Les

poissons manchots se posent dessus. Ils

donnent de gros baisers à la mer. A cause

de l’éclairage et du décor on se croirait

souvent chez le photographe. Un panache de

globules gazouille dans le coin. Il s’échappe

du petit robinet qui change l’eau salée.

Jean Cocteau

Iles

Iles

Iles

lles où l’on ne prendra jamais terre

Iles où l’on ne descendra jamais

Iles couvertes de végétations

Iles tapies comme des jaguars

Iles muettes

Iles immobiles

Iles inoubliables et sans nom

Je lance mes chaussures par-dessus bord car je

voudrais

bien aller jusqu’à vous

Blaise Cendrars, Feuilles de route.

Complainte de la mer

dans le fracas du vent

Tout ce qu’elle vocifère

et qu’elle chante en rêvant

dans les sables mouvants

Tout ce qu’elle tait soudain

Silencieuse

étale

et plate calmement.

Jacques Prévert

Complainte de la mer

La mer s'est retirée

La mer s’est retirée,

Qui la ramènera ?

La mer s’est démontée,

Qui l’a remontera ?

La mer s’est emportée,

Qui la rapportera ?

La mer est déchaînée,

Qui la rattachera ?

Un enfant qui joue sur la

plage

Avec un collier de

coquillages.

J. Charpentreau

PlongéeAu soleil la mer est douce

comme un écran de satin

à sa surface je me pousse

nageant comme un poussin

mais le poussin gagne ses ailes

et le poussin devient poisson

et je m'envole hirondelle

vers les rochers au plus profond

je regarde mes congénères

se déplaçant vifs ou lents

ils sont à l'aise et me tolèrent

à leurs côtés barbotant

des herbes couvrent la rocaille

le paysage est délicieux

mais à la fin vaille que vaille

je dois remonter vers le ciel

Raymond Queneau

L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles Baudelaire