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11eConversationEuropéenne

Le21mars2019

Unecertaineidéedudébat:commentparle-t-ondel’EuropeenFrance?

Maria-ChristinaSotiropoulou,auteuredel’étudeUnecertaineidéedudébat–Commentparle-t-ond’EuropeenFrance?publiéeparEuropaNova.LéaMeyer,journalisteindépendantespécialistedesmédias.MaximeCalligaro,co-auteurduromanLesCompromisetchroniqueursurFranceInter.ÉdouardGaudot,modérateur

La11esessiondesConversationseuropéennesréunitàproposdel’Europeobjetdudébat,l’Europe suscitant de nombreux fantasmes, tantdu côté des eurosceptiques que du côté deseurophiles. En effet aujourd’hui, dans les deux camps on affirme que 80% de la législationnationale émane de Bruxelles; un succès pour les adjuvants à l’Union, une spoliation desouveraineté pour ses opposants.Or, si on reprend les chiffres, c’est en fait un tiers denotrelégislationquidécouledudroitdel’Unioneuropéenne,unchiffrenettementplusmodestequecedontrêventtantlesprosquelesantiEuropéens.ÉdouardGaudotsouligneainsil’enjeuactueldeladémystificationdel’EuropeafindelarendreplusappropriableAcettefin,la11eConversationeuropéenneconvoquedejeunesintervenantsquiapportentunéclairagenouveauaudébat.

Contreledéficitdémocratique«LesassociationssontlaclépourrelancerledébatcitoyenenFrance».

Maria-Christina Sotiropoulou, auteure d’une étude, publiée par EuropaNova, Unecertaineidéedudébat–Commentparle-t-ond’EuropeenFrance?ouvreladiscussionenproposantunétatdeslieuxpragmatique:deplusenplus,lemilieuassociatifetnotammentlesthinktanksévoluentetvontdans«lebonsens».Eneffet, fortedesesoriginesgrecques,ellesoulignesonattachementàladémocratieetàlaquestiondelacitoyenneté.Àcetitre,ellefaitundoubleconstat.Unerapidepriseconsciencequantàsaproprecitoyennetéeuropéenne.Enrevanche,pourceuxquin’ontpasl’occasiondevoyager-etdefairelamêmedécouverte- l’Europeestsujetteàde

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nombreuses fabulations. Elle nous invite à considérer ce qu’est la démocratiedans ses troiscomposantes: l’espace public où les citoyens s’expriment (l’agora en grec), la représentationinstitutionnelle et le champ médiatique qui informe. Le deux premiers champs se sontparticulièrementdéveloppésdepuisleXVIIIesiècle,alorsquelaplacepublique–àl’originedeladémocratie – n’est plus perceptible.Maria-Christina Sotiropoulou insiste sur le fait que lescitoyens,notammentlesjeunes,onttoujoursdeschosesàdireetbesoindes’exprimer.Pourcela,illeurfautunlieudeconfianceoùilspeuventéchangeretdébattre;unenouvelleplacepublique.C’estainsiquedoitentrerenjeulemondeassociatif,encapacitédecomblerlevidecrééparledéficitdeconfianceenverslesmédiasetleslieuxdepouvoirtraditionnels.

Contreledéficitmédiatique«L’Unioneuropéennedoitentrerdansledébatetdanslequotidiendesgens.»

LéaMeyer, journaliste,observequelaplacedel’EuropeesttrèsrestreintedanslesmédiasenFrance.L’Unionfaitenvironl’objetde4sujetssur200surleschaînesdetélévision.Ellenotelemanquedecorrespondantslocauxissusdemédiasfrançais,àBruxelles,résultantainsid’unmanqued’informationsurl’actualitéeuropéenne.Cemanqued’information,synonymed’unedésinformationdescitoyenseuropéens,peutdevenirleterreaudesextrêmes,àtraverslesÉtatsmembres, alimentant ainsi les fantasmes et la défiance des citoyens envers les institutionseuropéennes.

Cettedésinformationestaussilefaitd’unapprentissagelacunaireàl’école,seulsquelquesbrefsaperçusenprimaireetaucollègepermettentd’initierlesélèvesaurôledel’Unionetdesesinstitutions.L’UnionEuropéennerestelagrandeabsentedesprogrammesscolaires.

Enplus denepas assezparler d’Europedans lesmédias français, onn’apprendpas àl’écolecequ’estl’UnionEuropéenneetquelestlerôledesesinstitutions.Hormisunrapideaperçuen classe de CM2 puis au collège, l’Union reste la grande absente des programmes scolaires.Commentcomprendreceque l’onneconnaîtpas?Le tauxdeconfiancedes citoyensdans lesinstitutionseuropéennesrestebas,seulement48%.Selonlajournalistelesjeunes,aujourd’hui,s’inscrivent dans une réalité qui dépasse les frontières nationales; à savoir, une réalitéeuropéenne.Ilseraitdoncbond’apprendreauxcitoyenseuropéenscequ’estl’Unioneuropéennedont ils ne connaissent, pour la plupart, que le programme Erasmus. Certes, il existe desplateformesd’informationspédagogiques,àdestinationdescitoyenseuropéens,disponiblesen24languesmaiscelan’estpassuffisant.C’estainsiqueLéaMeyersuggèrelamiseenplaced’uneéducationauxinstitutionsdel’Unioneuropéenne-auplustôt-àl’écoleetuneplaceplusimportantedanslesJTfrançaisdesdébatsquianimentleparlementeuropéen.

Contreundéficitgénéralisé,«lesartistesontleurpartàjouerdanslareconquêtedel’imaginaireeuropéen». SelonMaximeCalligaro,ledéficitmédiatiquevadepairavecledéficitdémocratiqueetledéficit, général, à la foisd’intérêtetde compétencesvis-à-visde l’Europe.Après sixannéesd’expérienceprofessionnelleauParlementeuropéen,ilaco-écritavecÉricCardèrelepolarLesCompromis,uneaffairedemeurtredansledécordelabulleeuropéennebruxelloise.Selonluil’art,etenparticulierlafiction,peuventpallierledéficitauquelfaitfaceaujourd’huil’Europe.L’Unioneuropéenneest,jusqu’àprésent,unterreaunarratifinexploité.Lafaireentrerdansl’imaginaire

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collectifgrâceàlalittératureetaucinémaestunmoyendesefamiliariseravecelle.PrenonslaMaison-Blanche:notreespritestassaillid’imagesetdereprésentationsàsasimpleévocation,tandis que Bruxelles résonne beaucoupmoins dans notre imaginaire. L’Union européenne neraconterien;ellen’anihérosniennemi,peut-êtreparcequ’elleestlaconstructionde28Étatsdifférentsetquesamissionestdecréerdescompromis,pasdegrandesdivisionsnidegrandsaffrontements.Quellehistoireraconteràpartirdumomentoùlesconsensusnefontpasrêver.L’enjeudesCompromisestdefaireentrerdanslasphèrebruxelloiseduconflitnarratif.Auboutducompte,enrefermant le livre,sonobjectifestquele lecteurcomprennemieuxcommentseconstruitunedirectiveeuropéenneetlesenjeuxqu’ilpeutyaavoirderrière.L’objetdulivren’estpasd’expliquerleprocessusd’adoptiondutextemais,danslecadreduroman,lelecteursetrouveimmergé dans l’univers européen et s’informe. PourMaxime Calligaro, il ne faut pas sous-estimerlepouvoirdelalittératuresurnosconnaissances.Faireentrerl’Uniondansledomaineartistique,signifiefranchirlesdouvesobscuresdesinstitutionseuropéennesetvoirconvergerlesdifférentsacteurspolitiquesetéconomiques,afindecomprendre leurrôle.Raconter l’Europe,c’estfinalementunmoyendesel’approprieretdeladéchiffrerafinqu’ellenesoitplusunobjetnébuleux.L’Europe,pourlacomprendre,doitnourrirnotreimaginaire.L’objectifdesConversationsEuropéennesestaussidedonnerlaparoleauxcitoyensetdecréerundébatentrel’auditoireetlesintervenants.ÉdouardGaudot,ensaqualitédemodérateur,donnelaparoleàl’assistancequiémetcertainesinquiétudesquantaumanqued’intérêtquesuscitentaujourd’hui lesquestionseuropéennes.Enparticulierà l’école, jusqu’auniveausecondaire,oùl’Unionn’estpasoutrèspeuabordée.Ilémergecependantl’idéeque,depuisleBrexit,l’Europenesusciteplusl’indifférencequel’onpouvaitregrettercesdernièresannéesmais–defaçonplusoumoinssurprenante-despassionsetdel’intérêt;onsuitledivorceeurobritanniquecommeunesérie à rebondissements qui nous apprend beaucoup sur l’Europe. Cela permet à MaximeCalligaroderebondirsurl’importancedustorytelling,deraconterdeshistoiresavecl’Europe.Ilnes’agitnid’êtrepournid’êtrecontremaisseulement,dedécrireetdenousfaireentrerdanslesrouagesdel’Unioneuropéenne.LéaMeyeretMaria-ChristinaSotiropoulouvantenteneffetlesvertuspédagogiquesdelanarrationmaisregrettentquel’EuropenesoitpasplusenseignéeenFrance.Maxime Calligaro cite Régis Debray dansÉloge des Frontières: «Un peuple c’est unepopulation,plusdescontoursetdesconteurs».L’Europeaclairementdéterminésescontours,ilfaut désormais espérer que les conteurs arrivent. Édouard Gaudot souligne cependant unedifficulté: celledumythenational français, irréductible.AinsienFrance, touteautre formederécitestvécuecommeuneconcurrence.L’Europesetrouvedoncsouventreléguéeauxaffairesétrangèresouestvécuecommeunnégocelointain.

Face à l’étonnement de certains quant à l’absence de débats et au manque de

communication à l’approche des prochaines échéances électorales, Maria-ChristinaSotiropoulousoulignel’importancedeladimensionduvécuetdelaprisedeconsciencedetoutcequel’Europeréalisepouraméliorerlequotidiendechacun.Faceàunsentimentquiseraitlerelais d’une incompréhension globale de l’Europe, que ce soit de la population comme deseurodéputés,ilconvientdemobiliserlevécudechacun;lemondeassociatifaunrôledepremierplan dans ce cadre. Face aux soupçons d’incompréhension généralisée- personne necomprendraitrienàl’Europe,pasmêmelesdéputéseuropéens-etfaceàceuxquidéplorentlefait qu’il soit très difficile de trouver des informations et des explications claires sur lefonctionnement des institutions, LéaMeyer précise que l’UE amis en place des plateformesd’informationset sites internetenvuedesélectionseuropéennescomme«Cette fois jevote»

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(cettefoisjevote.eu) ou encore «ce que que l’Europe fait pour moi» (what-europe-does-for-me.eu).

Quand l’assistance s’interroge sur la possibilité de voir naître une Europe politique

capable de répondre aux défis dumonde comme l’écologie,ÉdouardGaudot rappelle que lephénomène d’euroscepticisme et la montée des populismes oblige l’Europe à se politiser denouveauetàquitterlescouloirsfeutrésdesesinstitutions.Quantauxlobbiesetàlalégitimitédela Commission, qui sont largement stigmatisés par le débat en France, Maria-ChristinaSotiropoulourappellequ’ilnefautpasoublierqueleParlementestcomposédegensquenousélisonsetqu’ilestdoncimportantdedépersonnaliserlesinstitutionspolitiques.Parallèlement,MaximeCalligarodédiaboliseleslobbiesenconsidérantqu’ilssontsurtoutlemoyendemettreenperspectivelesdifférentspointsdevueetintérêtssurunsujetdonné;sicertainsnerespectentpaslesrèglesdujeu,ilconvientdelesdénoncer.

Certes,uneconversationeuropéennenepeutfairel’objetd’uneconclusionetn’estjamais

qu’uneinvitationàpoursuivreledébat.Cependant,ÉdouardGaudotclôturecette11eéditionenconstatant un malaise quant à une Europe maltraitée par le débat. La raison d’être d’uneadministrationestd’administrer,théoriquementlaCommissionn’estdoncriendeplus.Salégitimité résidedans la constructiond’un intérêteuropéencommunet c’està l’ensembledesacteurs européens de construire une Union réellement politique. En cela, le rôle des médiasapparaît comme essentiel car des élus et lobbyistes scrutés ont plus intérêt à être bons etcompétents. L’Europe n’est pas une affaire d’élite mais une affaire d’initiés. Devant lapolarisationactuelle,lasociologieestdevenuedéterminantedansnotrerapportaupouvoir:plusonenestproche,plusilapparaîtlégitime;paropposition,plusonenestéloigné,plusonletrouveillégitime.Lafiction,l’informationetledébataccessiblesontautantdemoyensdes’approprierl’Unioneuropéenneetdonc,delacomprendre.