100+Symboles de FRANCE

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e cyclisme se développe à la fin du XIXe siècle mais il connaît ses heures de gloire avec la création du Tour de France au début du XXe siècle. La « Grande Boucle » est née des initiatives des journalistes Henri Desgrange

et Géo Lefèvre qui cherchaient un moyen d’augmenter l’audience de leur journal,L’Auto, de couleur jaune. Le premier Tour de France est lancé en juillet 1903. Il compte2428 km tronçonnés en six grandes étapes. Soixante coureurs prennent le départ… il en reste vingt à l’arrivée ! Le vainqueur, Maurice Garin, a couvert les quelque2000 km en un peu plus de 94 heures. D’emblée, le Tour est un succès. Les ventes de journaux s’envolent. Les premières années sont ponctuées d’incidents, mais le Tour est lancé. Sa popularité s’accroît dans l’entre-deux-guerres. La Grande Boucle est alorsune grande fête estivale, retransmise à la radio à partir de 1929. Le maillot jaune (dont la couleur rappelle celle de L’Auto), porté par le leader du classement général, est créé en 1919. Eugène Christophe est le premier à le porter. Témoin du succès, la« caravane du Tour » voit le jour en 1930 et ne le quitte plus. Elle précède les coureurset distribue échantillons et produits publicitaires. La télévision, qui suit le Tour audébut des années 1950, confirme la popularité de l’épreuve. La diffusion du duel entreRaymond Poulidor et Jacques Anquetil sur les pentes du Puy de Dôme en 1964passionne les Français. Aujourd’hui, malgré un certain discrédit lié aux affaires de dopage, la Grande Boucle demeure un succès populaire, sportif, publicitaire et médiatique.

LE SYMBOLE

Le Tour de France cycliste, devenu l’emblème des compétitions sportives en France, a séduit et inspiré nos voisins : il est considéré comme la plus prestigieuse épreuvecycliste du monde. Il est également un symbole d’unité nationale et de chauvinismedans le soutien populaire aux cyclistes français. Il représente l’atmosphère festive des vacances estivales, des premiers congés payés de 1936 aux Trente Glorieuses.Enfin, l’histoire et les étapes de sa médiatisation, de la presse au petit écran, en font un symbole du développement des « mass médias » au cours du XXe siècle.

LE TOUR DE FRANCE

D E PU I S 1903Tour de France , Tour de Soufffrance . . .

Pompiers de la ville de Montmédy arrosant les cyclistes du Tour de France, anonyme, photographie, vers 1950

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TextesSabrina Tricaud

PhotographiesDavid Bordes

100 SYMBOLESpour raconter

LA FRANCE

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e cyclisme se développe à la fin du XIXe siècle mais il connaît ses heures de gloire avec la création du Tour de France au début du XXe siècle. La « Grande Boucle » est née des initiatives des journalistes Henri Desgrange

et Géo Lefèvre qui cherchaient un moyen d’augmenter l’audience de leur journal,L’Auto, de couleur jaune. Le premier Tour de France est lancé en juillet 1903. Il compte2428 km tronçonnés en six grandes étapes. Soixante coureurs prennent le départ… il en reste vingt à l’arrivée ! Le vainqueur, Maurice Garin, a couvert les quelque2000 km en un peu plus de 94 heures. D’emblée, le Tour est un succès. Les ventes de journaux s’envolent. Les premières années sont ponctuées d’incidents, mais le Tour est lancé. Sa popularité s’accroît dans l’entre-deux-guerres. La Grande Boucle est alorsune grande fête estivale, retransmise à la radio à partir de 1929. Le maillot jaune (dont la couleur rappelle celle de L’Auto), porté par le leader du classement général, est créé en 1919. Eugène Christophe est le premier à le porter. Témoin du succès, la« caravane du Tour » voit le jour en 1930 et ne le quitte plus. Elle précède les coureurset distribue échantillons et produits publicitaires. La télévision, qui suit le Tour audébut des années 1950, confirme la popularité de l’épreuve. La diffusion du duel entreRaymond Poulidor et Jacques Anquetil sur les pentes du Puy de Dôme en 1964passionne les Français. Aujourd’hui, malgré un certain discrédit lié aux affaires de dopage, la Grande Boucle demeure un succès populaire, sportif, publicitaire et médiatique.

LE SYMBOLE

Le Tour de France cycliste, devenu l’emblème des compétitions sportives en France, a séduit et inspiré nos voisins : il est considéré comme la plus prestigieuse épreuvecycliste du monde. Il est également un symbole d’unité nationale et de chauvinismedans le soutien populaire aux cyclistes français. Il représente l’atmosphère festive des vacances estivales, des premiers congés payés de 1936 aux Trente Glorieuses.Enfin, l’histoire et les étapes de sa médiatisation, de la presse au petit écran, en font un symbole du développement des « mass médias » au cours du XXe siècle.

LE TOUR DE FRANCE

D E PU I S 1903Tour de France , Tour de Soufffrance . . .

Pompiers de la ville de Montmédy arrosant les cyclistes du Tour de France, anonyme, photographie, vers 1950

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100 SYMBOLESpour raconter

LA FRANCE

Sabrina Tricaud

Préface

Éric Roussel

Photographies

David Bordes

Les Editions du Palais

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SOMMAIREPRÉFACE 6

Le taureau de Lascaux 8L’art pariétalLes Menhirs de Carnac 9La France paléolithiqueLe cratère de Vix 10La France celtiqueLes chaînes de Vercingétorix 12La Gaule conquise Le vase de Soissons 13Mœurs et coutumes franquesLe baptistère de Clovis 14La France, fille aînée de l’ÉgliseLa culotte de Dagobert 16Les MérovingiensLe glaive de Charles Martel 18La lutte contre les SarrasinsLa chanson de Roland 19Mythes et Moyen AgeLa couronne de Charlemagne 20La coiffe de l’EmpereurLa tapisserie de Bayeux 22Les Normands à la conquête de l'AngleterreLe chêne de Saint Louis 23La justice pour tousLes flèches de la cathédrale de Chartres 24La spiritualité au Moyen ÂgeLe cloître de Moissac 25Le monachismeLe dernier des Templiers 26Royauté française et papautéLe bûcher de Jeanne d’Arc 28Une héroïne controverséeLes cages de Louis XI 30La royauté tyranniqueLes toits de Chambord 32La RenaissanceLe Chevalier Bayard 34L’idéal chevaleresqueL’ordonnance de Villers-Cotterêts 35La langue françaiseLes Mignons d’Henri III 36La France des courtisansLes plaies d’Ambroise Paré 38Une médecine moderne et démocratiqueLa poule au pot d’Henri IV 40Le bon roi HenriLes trois Mousquetaires 42Capes et épéesLa robe du Cardinal 43Le spirituel et le temporel

La plume de Molière 44La liberté d’expression et de penséeLe dernier festin de Vatel 45Gastronomie et art de vivre à la françaiseLa galerie des Glaces de Versailles 46Le Roi-SoleilLes fortifications de Vauban 48Le génie militaireLe Code noir 49Commerce et esclavageLes Bulles de Dom Pérignon 50« Le vin de la civilisation »Le « bon sauvage » 52Les découvertes de BougainvilleLe fardier de Cugnot 53Science, vapeur et progrèsL’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert 54La France des LumièresLes corsaires de Surcouf 56La France sur les mersLe collier de Marie-Antoinette 57Complots et déclin de la monarchieLa Boussole de La Pérouse 58La conquête des océansLes Tuileries 60Le lieu de toutes les histoiresLa Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen 62Liberté, Égalité, FraternitéLe drapeau tricolore 63Trois couleurs pour un paysLa Bastille 64Le mythe fondateur de la RépubliqueLa guillotine 66La France décapitéeLa Marseillaise 68Le chant de la RépubliqueLa baignoire de Marat 69Le bain de sang de la RévolutionLe métier Jacquard 70La révolution industrielleLe chapeau de Napoléon 72La silhouette de l’EmpereurLa légion d’honneur 74Le service récompenséLe Code civil 76Le droit codiféLa girafe de Charles X 77L’art de la diplomatieLe fauteuil de Balzac 78Portrait de la France du XIXe siècle

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Les poires de Daumier 80La France caricaturéeLa liberté guidant le peuple de Delacroix 82Les Trois GlorieusesLes Halles de Baltard 83« Le ventre de Paris »Le Daguerréotype 84La France documentéeLe tableau noir de Jules Ferry 86L’école de la RépubliqueLa barbe de Victor Hugo 87Patriarche et prophèteLe coq gaulois 88L’orgueil françaisLes Grands Boulevards d’Haussmann 90Urbanisme et modernitéLe mur des Fédérés 92La CommuneMarianne 93Le visage de la RépubliqueLa Tour Eiffel 94La vitrine de ParisLes gueules noires 96Le monde ouvrierLe Moulin Rouge 98La Belle ÉpoqueLe cinématographe 99Les Frères Lumière et l’invention du 7ème artLe « J’accuse », de Zola 100L’affaire DreyfusLe Petit Père Combes 102Séparation de l’Église et de l’ÉtatLes vêtements de Savorgnan de Brazza 104La colonisationLe vaccin de Pasteur 106Le progrès de la médecineLe Blériot 107La conquête du cielLe Bon Marché 108La société de consommationLes Brigades du Tigre 110Le nouveau visage de la policeLes taxis de la Marne 112La mobilisation au frontLa Tombe du Soldat Inconnu 114Le devoir de mémoireLe wagon de Rethondes 115Guerre et paixLe look de Joséphine 116Les Années Folles

Le tandem de 1936 118Les premiers congés payésLe pantalon de Coco Chanel 119La révolution du pantalonLe tirailleur sénégalais de Banania 120Exotisme et commerceLa ligne Maginot 122La guerre de positionLa poignée de main de Montoire 123La CollaborationLe micro du Général 124La RésistanceLe vote des femmes 126La France au fémininLe Tour de France 128« Tour de France, tour de souffrance »La N7 130Les vacances d’étéLa 2 CV 131Les Trente GlorieusesLe Deuxième sexe de Simone de Beauvoir 132La libération de la femme« Je vous ai compris » 134Les plaies de la guerre d’AlgérieLe Journal Télévisé 135La révolution médiatiqueLa Nouvelle Vague 136Le cinéma d’avant-gardeLe cuir de Johnny 137L’américanisation de la sociétéLe pavé de Mai 1968 138La jeunesse en colèreLes larmes de Simone Veil 140La libre disposition du corps de la femmeLa rose de Mitterrand 141La gauche au pouvoirLe Centre Pompidou 142La culture pour tousLe Minitel 144Made in France Le TGV 145La France à grande vitesseLa pyramide du Louvre 146Les rois bâtisseursLa coupe du monde 1998 148La France Black-blanc-BeurLe franc 149De la France à l’EuropeLe Concorde 150Grandeur et déclin

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PRÉFACEERIC ROUSSEL

À mesure que l’ethnocentrisme recule, la mémoire nationale semble se dissoudre. Étrange fatalité que n’auraitcertainement pas souhaitée un homme tel que Claude Levi-Strauss, principal artisan d’une ouverture salubresur des civilisations lointaines, mais qui, par ailleurs, se montrait passionnément attaché à tout ce qui peutdonner vie et relief à notre passé. La construction européenne, la montée des pays émergents, la rapidité des échanges ont évidemment donné bien des rides au roman national d’autrefois, pétri de simplificationsabusives. Pour autant, la nation, cadre naturel de la vie en société, reste un objet d’histoire légitime et passionnant.On peut même dire qu’elle a trouvé une nouvelle justification avec la globalisation en marche et le besoind’ancrage qu’elle suscite.

Jeune agrégée d’Histoire, Sabrina Tricaud a bien ressenti la force de ce phénomène. D’où ce livre singulier dontle grand mérite est d’offrir un aperçu stimulant de tout ce qui a contribué à construire la France. L’entrepriseétait semée d’embûches. Si grande que soit l’honnêteté d’un historien, la tentation est vive pour lui de privilégier tel ou tel épisode, telle ou telle représentation au détriment d’autres. Rien de tel ici. À juste titre,Sabrina Tricaud a estimé que l’Histoire de France ne saurait être divisée, qu’elle forme un bloc indissociabledont on ne peut retrancher des pages au gré de ses humeurs. Dans le tableau le vieux catéchisme républicainn’est pas oublié comme en témoignent les notices consacrées à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, au Mur des Fédérés, ou au J’accuse de Zola, événements fondateurs de notre démocratie.Parallèlement, tout ce qui a pu contribuer en profondeur à forger la mémoire nationale est bien mis en lumièregeste de Vercingétorix, premier héros de l’unité française ; ordonnance de Villers-Cotterêts, véritable acte de naissance du français ; fortifications de Vauban, inséparables de tant de nos paysages. Même sûreté enfindans le choix de traits marquants de l’époque contemporaine : où l’on s’aperçoit qu’un livre tel que Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, paru en 1949, a pu avoir une résonance dans les mentalités, au moins égale à des épisodes d’histoire politique.

Somme toute et sans vouloir écraser l’auteur sous des comparaisons insoutenables, c’est une vision gaulliennede notre Histoire qui nous est ici proposée. En juin 1940, le génie du général de Gaulle fut – alors qu’il étaitissu d’une droite catholique et monarchiste – d’assumer toute notre Histoire pour réunir tous ceux quirefusèrent la défaite. Aujourd’hui, les enjeux sont heureusement moins dramatiques mais il n’a jamais été plusurgent pour aborder l’avenir de savoir qui nous sommes et d’où nous venons. Les Lieux de mémoiresi brillamment éclairés par Pierre Nora il y a vingt ans ne demandent qu’à être revisités avec science, méthodeet talent, comme vient de le faire Sabrina Tricaud.

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INTRODUCTIONSABRINA TRICAUD

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1. Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, 1984.2. Charles Seignobos, Histoire sincère de la nation française, 1937.

« Mémoire, histoire : loin d’être synonymes, (…) tout les oppose – explique Pierre Nora dans Les Lieux de mémoire. La mémoire est la vie (…). L’histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n’est plus. (…) La mémoire installe le souvenir dans le sacré, l’histoire l’en débusque. » 1 Ce livrecherche précisément à dépasser cette opposition de fond. À travers cent symboles de l’Histoire de France, il s’agit de réunir à la fois les représentations qui fondent notre mémoire nationale et les connaissanceshistoriques de ces représentations. En partant d’images et de l’évocation figurée d’un personnage, d’un événement, d’une œuvre d’art ou d’une découverte, il est question de débusquer le vrai du faux, de comprendre les raisons de cette déformation entre mémoire et histoire.

Le « bon roi Dagobert » avait-il vraiment « mis sa culotte à l’envers » ? Pourquoi véhiculer dans la mémoirecollective l’image d’un roi fainéant alors qu’il n’en était rien ? De même, les contemporains du « bon roi HenriIV » mangeaient-ils de la poule au pot tous les dimanches ? Pourquoi faire de ce règne un moment privilégiédans l’histoire du peuple français ?

Le choix des symboles répond au souci de couvrir l’ensemble de notre Histoire tout en privilégiant des éclairages sur les périodes les plus récentes où la mémoire collective est encore très vivace. Qu’il s’agissed’objets (le glaive de Charles Martel, le bicorne de Napoléon Ier ou le blouson de Johnny Halliday), de monuments (les Tuileries ou le Centre Georges-Pompidou), d’inventions (le fardier de Cugnot, le daguerréotype), de personnages historiques (de Clovis à François Mitterrand), de figures littéraires (Balzacou Victor Hugo), d’hommes de sciences, tous et toutes ont été choisis pour leur caractère imagé et emblématiqued’un aspect politique, économique ou social de l’histoire de France de la Préhistoire à nos jours. L’ouvrageretrace les principaux épisodes de notre roman national (de Roland à Roncevaux aux Taxis de la Marne en1914), ses héros (tels Vercingétorix ou Jeanne d’Arc), ses lieux (comme la Bastille). Il raconte également lesgrands bouleversements économiques et sociaux qu’ont connus les Françaises et les Français, en métropole etdans les colonies, au travers des siècles. Le tirailleur sénégalais de Banania, symbole de la France coloniale,voisine ainsi avec le pantalon de Coco Chanel, emblème de l’émancipation féminine au XXe siècle.

Chaque symbole est illustré, souvent en puisant dans le répertoire des images de notre mémoire collective, puiscommenté afin de le replacer dans son contexte historique, social et culturel. En plus de la description dusymbole, l’ouvrage montre la façon dont les historiens et les hommes politiques ont progressivement construit,parfois reconstruit, notre passé suivant les époques et les besoins du moment. La Troisième République deJules Ferry et d’Ernest Lavisse, avec sa célèbre imagerie d’Epinal, constitue assurément un temps fort de la miseen place de cette mémoire nationale enseignée aux enfants de France à partir de manuels scolaires à vocation pédagogique mais aussi patriotique et morale. Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, déplorent quel’on n’apprenne plus l’histoire de France à nos enfants.

Ils trouveront dans ces pages de quoi nourrir leurs souvenirs et expliquer à leur descendance, comme l’écrivaitl’historien Charles Seignobos que « les manuels scolaires français ont tort d’enseigner aux élèves “Les Gaulois,nos ancêtres, étaient grands et blonds”, car ces enfants ne descendent pas des guerriers nordiques, mais des paysans établis plus anciennement. Tout ce qu’on a le droit de leur dire, c’est que leurs ancêtres ont parlé la langue celtique introduite par ces guerriers. » 2

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Détail de fresque représentant un taureau, grotte de Lascaux.

e 12 septembre 1940, quatre adolescents munis d’une lampe à huile descendent dans une grotte, à Montignac, dans le Périgord

noir, croyant avoir trouvé un souterrain conduisant au château de Lascaux. Quelques jours plus tard, ils révèlent leur secret à leur instituteur. Ils viennentde découvrir un ensemble de peintures préhistoriquesconsidéré comme un des plus grands sites d’art pariétal. Rapidement, plusieurs spécialistes se rendentsur place et authentifient les peintures datant de 18 à 15 000 ans. Les motifs de la salle des Taureaux

sont les plus imposants de l’art paléolithique. Cent trente figures y sont représentées, notammentanimales, dont l’aurochs, taureau de grande taille aujourd’hui disparu.

LE SYMBOLE

Le taureau reste la figure emblématique des grottes de Lascaux, bien que ce ne soit pas l’animal le plus représenté dans la grotte. Chef-d’œuvre de l’art pariétal, ces fresques préhistoriques sont considéréescomme la « naissance de l’art » (Georges Bataille).

L

LE TAUREAU DE LASCAUX

ÉPOQUE PA L ÉO L I T H I QU E

L’art pariétal

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oilà donc ce fameux champ de Carnac qui a fait écrire plus de sottises qu’il n’a de cailloux. (…) Nous comprîmes donc

parfaitement l’ironie de ces granits qui, depuis les Druides, rient dans leurs barbes de lichens verts, à voir tous les imbéciles qui viennent les visiter. Il y ades gens qui ont passé leur vie à chercher à quoi ellesservaient et n’admirez-vous pas d’ailleurs cette éternellepréoccupation du bipède sans plumes de vouloir trouver à chaque chose une utilité quelconque ? » C’est en ces termes que Gustave Flaubert, visitant le site en 1847, décrit les alignements de menhirs, vraisemblablement érigés entre 5000 et 3000 avant JC.La commune de Carnac, dans le Morbihan, abrite un ensemble unique de pierres dressées (les menhirs) en lignes parallèles s’étirant sur près de quatre kilomètreset quarante hectares, complété par une allée couverte,un cromlech (cercle de menhirs) et plusieurs dolmens

(monument en forme de table, composé d’une grandepierre posée horizontalement sur deux autres). L’origine de ces mégalithes a suscité contes et légendes. On raconte ainsi que saint Cornély, poursuivi par des soldats, arriva jusqu’à la mer. S’approchant de lui en rang, les soldats auraient été pétrifiés par le saint sur le champ de Carnac. Dans Astérix en Hispanie, Goscinny et Uderzo font du personnage d’Ordralfabétixle propriétaire du site…

LE SYMBOLE

« Pierres de mémoire » des temps préhistoriques, les menhirs de Carnac sont le symbole des civilisationsnéolithiques et de l’art mégalithique. Bien que leur origine demeure mystérieuse, il semble qu’il s’agissait de monuments religieux, les dolmens ayant une fonction funéraire.

«VCarnac - Alignement de Kermario, gravure, 1901.

LES MENHIRS DE CARNAC

5 000 -3 000 AV. J.-C .

La France paléolithique

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anvier 1953. Un enseignant en histoire, René Joffroy, et un agriculteur, Maurice Moisson, découvrent, sur la commune de Vix, au pied du mont Lassois, en Bourgogne, la tombe d’une princesse celte datant du Ve siècle avant Jésus-Christ.

La défunte reposait dans une chambre funéraire, parée de tous ses atours, au milieu d’un véritable trésor, dont ce gigantesque cratère. Ce vase antique, servant à mêler l’eau et le vin, est le plus grand cratère de bronze connu à ce jour. Mesurant 1,64 mètre de haut,1,27 mètre de diamètre et pesant 208 kg, il pouvait contenir 1 100 litres de vin. La cuve et le col sont martelés d’une seule pièce. Sur le col, on observe un défilé de guerriers grecs. Il est aujourd’hui conservé et exposé au Musée du Pays Châtillonnais, à Châtillon-sur-Seine.

LE SYMBOLE

Symbole de la civilisation celte, le cratère de Vix est représentatif des échanges entre les mondes grecs et celtes dans l’Antiquité. Il est considéré comme l’une des principales découvertes archéologiques du XXe siècle, entourée de mystères. Comment les artisans sont-ils parvenus à créer ce chef-d’œuvre ? Qui était la dame de Vix pour justifier d’une tombe si fastueuse ?

Cratère de Vix, bronze, Ve s. av. J-C., Musée du Pays Châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.

J

LE CRATÈRE DE VIX

V E S I È C L E AV. J.-C .

l a France celtique

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Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, carte postale d’après Louis Royer, 1899.

lesia, 52 avant Jésus-Christ. Vercingétorix s’avance devant César. D’un port altier, le chef gaulois dépose aux pieds du général romain

son casque, sa lance, son épée, puis il tend ses mainsafin qu’on le charge de chaînes. La reddition de Vercingétorix, littéralement « le très grand roi des guerriers », devient une légende. César lui-même,dans la Guerre des Gaules, loue les qualités de bravourede son ennemi. Mais à vaincre sans péril, on triomphesans gloire… Vercingétorix se rend en échange de la viesauve pour les quatre-vingt mille assiégés de la citadelled’Alesia. Rome a vaincu la révolte gauloise dontl’Arverne avait pris la conduite. César le garde en

captivité six ans et l’exhibera durant son triomphe, à Rome, en 46 avant Jésus-Christ, avant de le faireexécuter.

LE SYMBOLE

Vercingétorix, oublié jusque là, devint un hérosnational sous la IIIe République. Archétype de « nos ancêtres les Gaulois », Vercingétorix est, dans les manuels scolaires, le symbole du couragemilitaire et de la capacité à fédérer une nation contre l’envahisseur étranger. Sa reddition fut magnifiéeen sacrifice patriotique.

A

LES CHAÎNES DE VERCINGÉTORIX

52 AV. J.-C .

La Gaule conquise

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86. Soissons. Après la victoire de Clovis sur le romain Syagrius, le roi des Francs partage le butin entre ses soldats. Mais

il souhaite récupérer un vase liturgique, que l’évêque de Reims lui aurait demandé. Un soldat « envieux et impulsif » frappa le vase de sa hache en criant : « Tu ne recevras que ce que le sort te donnera vraiment .»Le roi ne dit mot et fit donner le vase cassé. Un an plus tard, passant en revue son armée, Clovis reconnaîtle soldat ayant brisé le vase. « Personne n’a apportéd’armes aussi mal tenues que les tiennes. » Et le roi des Francs de jeter à terre les armes du soldat. Tandisque celui-ci se baisse pour les ramasser, le roi lui tranchela tête : « Ainsi as-tu traité le vase de Soissons. » L’anecdote est relatée par l’historien Grégoire de Tours,un siècle plus tard, dans son Histoire des Francs. Aujourd’hui, on pense que le récipient n’a pas été brisé– car il était en métal – et qu’il ne vient pas de Soissons,

mais de Reims. C’est la IIIe République qui s’est emparée de l’anecdote, notamment dans ses manuelsd’histoire illustrés, transformant la sentence royale en « Souviens-toi du vase de Soissons ».

LE SYMBOLE

L’anecdote reflète la mythologie, construite dès le MoyenÂge, autour de Clovis. Le vase de Soissons symbolisel’autorité implacable du Roi, qui est considéré comme le premier roi de France, celui qui a rétabli l’unitéterritoriale de la Gaule, désormais appelée « France »,terrre des Francs. L’anecdote est un moment fondateur de son règne comme le fut son baptême. Sous la IIIe

République, l’épisode a des vertus pédagogiques,rappelant l’ordre et la discipline militaire, ainsi que l’espritde revanche. Il fait partie aujourd’hui de notre légendenationale.

4Le vase de Soissons, Raoul Lamourdedieu, bas-relief, 1926, Monument aux morts, ville de Soissons.

LE VASE DE SOISSONS

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mœurs et coutumes franques

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in du Ve siècle après Jésus-Christ. Après la chute de l’Empire romain, la Gaule est une mosaïque de peuples barbares. Parmi eux, les Alamans, que la bataille de Tolbiac oppose au chef des Francs, Clovis.

Celui-ci, un païen déclaré, aurait promis à son épouse, Clotilde, de se convertir au christianismes’il remportait la victoire. Après son succès, Clovis est baptisé par l’évêque Rémi, en lacathédrale de Reims, communément établi le 25 décembre 496. Le baptistère est représentésur le tableau du Maître Saint-Gilles (fin du XVe siècle) sous la forme allongée d’une baignoire.Cette cuve en porphyre, exposée aujourd’hui au Louvre, n’a pourtant pas été utilisée lors du baptême de Clovis. Les archéologues ont découvert entre 1993 et 1996, sous la cathédralede Reims, les vestiges du baptistère où le chef des Francs se fit baptiser avec ses trois millesoldats, vraisemblablement entre 498 et 508.

LE SYMBOLE

Le baptême de Clovis est un événement fondateur de la monarchie française, et le baptistère du premier roi franc chrétien devient le symbole de l’alliance du Trône et de l’Autel. Il estl’emblème d’une monarchie qui est la « fille aînée de l’Église ». Acte politique plus que religieux,le baptême de Clovis est progressivement assimilé à la cérémonie du sacre. À la fin du IXe siècle,l’archevêque de Reims, Hincmar, relate ainsi qu’une colombe descendue du ciel aurait apportédans son bec une fiole d’huile sainte (la Sainte Ampoule) dont Clovis fut oint. Les rois de Francesont sacrés à Reims, comme le roi des Francs, jusqu’en 1825.

Le Baptême de Clovis, gravure, 1868.

F

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LE BAPTISTÈRE DE CLOVIS

V E R S 500

La France , f ille a înée de l ’Église

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e bon roi Dagobert avait mis sa culotte à l’envers. Le grand saint Éloi lui dit : « “ Ô mon roi ! Votre majesté est mal culottée. ” “ C’est vrai ”, lui dit le roi, “ Je vais la remettre à l’endroit ! ” »

C’est bien cette chanson populaire qui, loin de la vérité historique du personnage, l’a fait vivredans notre mémoire collective. Car Dagobert Ier, roi des Francs de 629 à 639, ne fut pas le prototype du roi fainéant, couard et malhabile, décrit par le folklore. Dagobert réorganisal’administration et la justice du royaume mérovingien, consolida le domaine royal, et fit érigerl’église de Saint-Denis, nécropole des rois de France. La construction de son image remonte au Moyen Âge et s’épanouit à l’époque moderne jusqu’au milieu du XVIIIe siècle où unchansonnier anonyme s’en empare. Sur l’air d’une musique de chasse à courre utilisée enPoitou, les couplets seraient une caricature de Louis XVI, adaptée par la suite à Napoléon III.

LE SYMBOLE

La culotte de Dagobert symbolise, à tort, les rois fainéants, dont le règne commence à la mortde Dagobert Ier, en 639. Elle est caractéristique de notre culture populaire, qui transforma les faits et gestes d’un grand roi mérovingien en comptine pour enfants. Écrite peu avant la Révolution, elle fut sans doute un moyen de tourner en dérision la royauté affaiblie. Elle inspira Charles Péguy, qui lui ajouta des couplets, mais aussi le 7e Art.

Le Bon Roi Dagobert..., carte postale, éd. Bergeret, milieu du XXe siècle.

«L

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LA CULOTTE DE DAGOBERT

629 -639

Les Mérovingiens

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Charles Martel, maire du Palais, Jean-Baptiste-Joseph Debay, marbre, 1839, Galeries du Château de Versailles.

LE GLAIVE DE CHARLES MARTEL

732 -733

La lutte contre les Sarrasins

�32. Poitiers. Charles, le chef du royaume des Francs, bat les Sarrasins. Son énergie et son ardeur au combat lui valent

le surnom de « Martel », le « Marteau des Infidèles ».Son glaive stoppe l’expansion de l’Islam, qui, depuisla conquête de la péninsule Ibérique, mène des raidsen direction de la Gaule. En 731, les Sarrasins mettent à sac Bordeaux. Eudes, le duc d’Aquitaine,demande l’appui de Charles Martel. Leurs armées affrontent les musulmans en octobre 732 à proximité de Poitiers. Le chef des Infidèles, l’émirAbd al-Rahman est tué au combat, ce qui sonne la retraite des Sarrasins. Charles Martel reconquiertBordeaux, l’Aquitaine et une partie de la vallée du Rhône et de la Provence.

LE SYMBOLE

La bataille de Poitiers, relatée par les chroniqueurschrétiens et musulmans, est célèbre dès le MoyenÂge. Charles Martel devint un héros au temps des croisades, et plus encore au XVIe siècle, où son glaive fut l’emblème de la lutte contre l’Empire ottoman. Sa mémoire fit débat aux XIXe et XXe

siècles. Alors que la IIIe République en fait un symbole de la lutte contre l’envahisseur étranger,Anatole France écrit que le jour de la bataille de Poitiers « la science, l’art et la civilisation arabesreculèrent devant la barbarie franque » (La vie en fleur, 1922). Les historiens demeurent divisés sur la signification réelle de cette bataille, outre les différentes sources sur sa date (732 ou 733) et son lieu. Mais tous soulignent qu’elle fut un actepolitique fondateur de la dynastie carolingienne. Le glaive de Charles Martel a ouvert la voie au grandrègne de Charlemagne.

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Roland à Roncevaux, carte postale, éditions Rossignol de Montmorillon.

août 778. Col de Roncevaux. Charlemagne est de retour d’une expédition à Saragosse. L’arrière-garde du roi commandée par

son neveu Roland, est attaquée par surprise par des Sarrasins. La trahison vient de Ganelon, le beau-père de Roland. Son ami Olivier lui conseilled’appeler Charlemagne à l’aide avec son cor, mais le chevalier refuse, souhaitant se battre avec force et courage. La bataille est une hécatombe pour les Carolingiens. Se voyant vaincu, Roland souffledans son olifant de toutes ses forces, jusqu’à se rompre les tempes. Il s’effondre, en tenant son cor. Il essaie en vain de briser son épée, Durandal, avantde mourir. Puis il se traîne sous un pin où il s’éteint,son corps recouvrant son olifant et son épée. Charlemagne arrive, et venge son neveu en battant les Sarrasins. Telle est la légende racontée dans

la Chanson de Roland, un poème épique qui a ététransmis oralement avant d’être fixé par écrit à la findu XIe siècle et au début du XIIe.

LE SYMBOLE

Chanson de geste et premier poème national enlangue française, la Chanson de Roland est un mythequi idéalise les vertus chevaleresques du Moyen Âge.Les historiens s’accordent aujourd’hui pour dire que la bataille n’a sans doute pas eu lieu au col de Roncevaux, et que Roland n’affronta pas les Sarrasins, mais les Vascons, un peuple ibérique. Roland appartient cependant au panthéon des hérosnationaux. Il est le prototype du vassal fidèle à son suzerain et du code de l’honneur du preux chevalieraux temps de la première croisade.

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LA CHANSON DE ROLANDMythes et Moyen Âge

778

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Statuette équestre "Charlemagne" , IXe siècle, bronze autrefois doré, Musée du Louvre.

e 25 décembre 800, Charlemagne est couronné à Rome par le pape Léon III,empereur d’Occident. Au cours de la cérémonie, le Pape dépose sur la tête de Charles Ier dit le Grand (né en 742, 747 ou 748, mort en 814) la couronne

impériale. Le peuple acclame le nouvel empereur. En 813, Charlemagne lui-même couronneson fils Louis Le Pieux, qui se fait sacrer à Reims par le pape Étienne IV en 816. Le couronnement devient inséparable de la cérémonie du sacre et la couronne de Charlemagne,l’un des insignes royaux, les regalia, conservés dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis. La couronne est utilisée jusqu’en 1590 lorsqu’elle est détruite par la Ligue. Des couronnes « dites de Charlemagne » ont ensuite été fabriquées, notamment pour le sacre de Napoléon Ier

en 1804 et celui de Charles X en 1825.

LE SYMBOLE

La couronne de Charlemagne, tout comme sa « barbe fleurie » (Victor Hugo), sont indissociables des représentations de l’empereur. Elle symbolise à la fois la dignité impériale et le sacre des rois de France, héritiers du souverain carolingien.

L

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LA COURONNE DE CHARLEMAGNE

800

l a coiffe de l ’empereur

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n 1066, Guillaume, duc de Normandie, écrase Harold Godwinson à Hasting. C’est le début de la conquête de l’Angleterre par les

Normands. Tout commence le 5 janvier 1066, lorsque le roi d’Angleterre, Édouard le Confesseur, meurt sansdescendance. Harold se fait nommer roi par les seigneursanglo-saxons. Mais le duc de Normandie, cousind’Édouard le Confesseur, revendique le trône. Enquelques mois, Guillaume réunit une armée de quinzemille hommes et une flotte de plus de quatre cents navires. Le choc entre l’armée du duc de Normandie etles troupes d’Harold a lieu le 14 octobre 1066 au matin,dans la plaine d’Hasting. Après de longs affrontements,très meurtriers des deux côtés, Harold est atteint mortellement d’une flèche à l’œil droit. C’est le signal de la déroute pour les troupes anglaises. Ainsi s’achève le récit de la tapisserie de Bayeux, qui n’en est pas une. Il s’agit en fait d’une broderie exécutée au point de tige, à l’aide de fils de laine de huit bandes de toile de lin

beige très fines, qui sont longues de presque 70 mètreset larges d’une cinquantaine. L’ensemble a été réalisé à la fin du XIe siècle, vraisemblablement dans une abbaye du sud de l’Angleterre, pour relater l’épopée de Guillaume le Conquérant (1028-1087).

LE SYMBOLE

La tapisserie de Bayeux est l’une des œuvres d’art majeures du Moyen Âge, à la fois témoignage sur la façon dont vivaient les hommes du XIe siècle et document historique relatant la conquête de l’Angleterre par les Normands. Broderie de dessins et d’inscriptions, elle est un poème épique en imagespour une population majoritairement analphabète. Elle est l’un des emblèmes des destins croisés et des affrontements pluriséculaires de la France et de l’Angleterre.

E

LA TAPISSERIE DE BAYEUX

F I N DU X I E S I È C L E

Les Normands à l a conquête de l ’Angleterre

La bataille s’engage, détail de la Tapisserie de Bayeux, laine tissée sur lin, avant 1082.

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Saint Louis rendant Justice sous un Chêne, chromos, éd. Chicorée Extra Bonzel.

ue le promeneur curieux ne s’aventure pas dans le bois de Vincennes à la recherche du chêne de Saint Louis… Il n’existe pas ! Louis IX (1226-1270) a certes séjourné

à Vincennes régulièrement durant son règne. Maisc’est son biographe, Joinville, qui raconte, au début du XIVe siècle qu’il « arriva maintes fois qu’en été, il allait s’asseoir au bois de Vincennes après sa messe,s’adossant à un chêne et nous faisait asseoir autour de lui. Et tous ceux qui avaient un problème venaientlui parler sans en être empêchés par un huissier. » Non pas qu’il rendît la justice lui-même, mais les particuliers pouvaient en appeler à lui des sentencesprononcées par les juges. Il est vraisemblable cependantqu’il n’y avait pas de chêne particulier, mais plutôt

un emplacement bien situé dans le Bois et proche de la résidence royale. La IIIe République, ses manuelsscolaires et images d’Epinal popularisent l’image de Saint Louis rendant la justice sous son chêne.

LE SYMBOLE

Louis IX apparaît comme le modèle du roi pieux et vertueux, l’antithèse des rois tyranniques et arbitraires qui l’ont précédé. Le chêne du bois de Vincennes symbolise la bonté d’un roi proche du peuple, accessible et rendant la justice pour tous.Les républicains surent le reconnaître comme un exemple des valeurs morales que leur école se devait de transmettre.

Q

LE CHÊNE DE SAINT LOUIS

1226 -1270

La justice pour tous

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n homme de chez nous a fait ici jaillir / Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix / Plus haut que tous les saints,

plus haut que tous les rois / La flèche irréprochable et qui ne peut faillir… » (Charles Péguy). Célébrées par Péguy et Claudel, les flèches de la cathédrale de Chartres, surgissant au cœur de la plaine beauceronne,ont guidé des générations de pèlerins. Visible à des dizaines de kilomètres, la flèche du clocher sud, de stylegothique primitif, est achevée vers 1160. Elle culmine à 105 mètres de haut, et constitue l’édifice le plus élevé de l’époque après les pyramides d’Egypte. Elle se distingue nettement de la flèche du clocher nord, haute de 115 mètres, du style gothique flamboyant. Elle a été édifiée au début du XIVe siècle par l’architecteJehan Texier dit Jehan de Beauce.

LE SYMBOLE

Les flèches de la cathédrale de Chartres sont un chef-d’œuvre de l’art gothique français. Notre-Dame de Chartres a été construite en vingt-six ans après l’incendie de 1194, soit un délai exceptionnellementcourt pour l’époque, grâce au soutien des habitants de la ville de Chartres, qui financèrent et accomplirentune partie des travaux. Ses flèches, tel l’élan des fidèles vers Dieu, constituent un témoignage vivant de la spiritualité et de la foi chrétiennes au Moyen Âgequi firent jaillir de terre ces époustouflantes constructions de pierre.

«U

LES FLÈCHES DE LA

CATHÉDRALE DE CHARTRESX I I E S I È C L E

La cathédrale de Chartres, telle que la voyait Charles Péguy.

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Cloître de Moissac, abbaye Saint-Pierre de Moissac. Achevé en 1100.

e promeneur qui chemine dans les galeries du cloître de l’abbaye Saint-Pierre de Moissacpénètre, sans le savoir, au cœur de la spiritualité

des moines du début du XIIe siècle. L’abbaye de Moissac est alors l’une des plus importantes filialesde Cluny. Son abbé, dom Ansquitil, fait ériger le cloître vers 1100. Espace de circulation entre les différentes parties du monastère, le cloître est également un lieu de méditation. Ses galeries sontbordées d’une centaine de colonnes et de 76 chapiteaux sculptés dont la majorité sont historiés. Ils racontent des scènes de la Bible : là sont représentés David et Goliath, ailleurs les Noces de Cana. Des épisodes du Nouveau Testament sontégalement sculptés avec une rare finesse d’expression.Aux angles de la galerie, les piliers représentent

les apôtres. Considéré comme « le plus beau cloître du monde », le cloître de Moissac est un espace fermésur l’abbaye, mais également ouvert sur l’Au-delà :chacun des chapiteaux historiés évoquaient en effet pour les moines l’image du Christ.

LE SYMBOLE

Le cloître de Moissac est un emblème de la vie monastique au Moyen Âge. Chef-d’œuvre de la sculptureet de l’art romans, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, il reflète la richesse et la puissance de l’ordre de Cluny au XIIe siècle. Mais il est aussi un témoignage de la foi et de la spiritualité au tempsde l’apogée du christianisme.

L

LE CLOÎTRE DE MOISSAC

V E R S 1100

le monachisme

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e 13 octobre 1307, tous les Templiers du royaume sont arrêtés sur ordre de Philippe le Bel et leurs biens séquestrés. En avril 1312, le roi de France obtient du pape Clément V la dissolution de l’Ordre. Créé en 1129, l’ordre du Temple, constitué

de moines-soldats, est né en Terre sainte pour défendre la région et protéger les pèlerins. Cette milice du Christ s’illustre sur les champs de bataille des croisades et dans la lutte contre les Infidèles. Les Templiers sont alors reconnaissables à la croix rouge qu’ils portent sur leur manteau de moine. Pour financer les expéditions, l’entretien de l’Ordre et ses efforts de guerre, les Templiers exploitent de vastes domaines en Occident, les commanderies. Fort habiles à gérer et à transférer des fonds vers l’Orient, ils deviennent les banquiers des roisainsi que les gardiens de leurs trésors, déposés dans leur forteresse du Temple. La richesse de l’Ordre suscite des convoitises, d’autant plus qu’en 1291, après la perte de la Terre sainte,l’utilité de l’Ordre ne paraît plus évidente. On accuse les moines de donner dans l’immoralité,l’hérésie, l’idolâtrie. Philippe le Bel saisit l’occasion pour intervenir et accaparer les biens du Temple. Le procès des Templiers est instruit par l’Inquisition, qui extorque des aveux sous la torture. Le Pape se réserve le jugement des dignitaires de l’Ordre, dont le grand maîtreJacques de Molay. Mais ces derniers reviennent sur leurs aveux. Le Roi les déclare relaps (retombé dans l’hérésie) et les condamne au bûcher. Le 18 mars 1314, ils sont brûlés vifs sur l’île de la Cité. Proclamant son innocence et s’en remettant à la Justice Divine, Jacques de Molay avant de mourir aurait maudit le Roi et le Pape..

LE SYMBOLE

L’affaire des Templiers est révélatrice de la puissance des ordres monastiques au Moyen Âge.Leur fin tragique alimenta l’imagination populaire et leur légende, celle du trésor perdu ou de la célèbre malédiction qui a inspiré l’œuvre de Maurice Druon, Les Rois maudits. Mais le procès des Templiers est en réalité un symbole du conflit qui a opposé le roi de France,Philippe IV le Bel, à la papauté. La fin des Templiers marque la naissance du gallicanisme : la « fille aînée de l’Église » entend que le pouvoir spirituel soit désormais soumis au temporel.

Tombe de templier, XIVe siècle, Commanderie de Bure, Bourgogne.

L

LE DERNIER DES TEMPLIERS

1312

Royauté française et papauté

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e 30 mai 1431, à neuf heures du matin, Jeanne d’Arc est conduite sur la place du Vieux-Marché, à Rouen, pour y être brûlée vive. Jeanne est née à Domrémy, un petit village de Lorraine, vers 1412. La France est alors plongée dans

la guerre de Cent Ans. Le roi d’Angleterre, aidé des Bourguignons, occupe la plus grande partie du pays et revendique la Couronne. Le dauphin de France, Charles, privé de ses droits, est retiré à Bourges. Extrêmement pieuse, Jeanne croit entendre, vers l’âge de treize ans, des voix célestes l’enjoignant d’aller au secours de sa patrie et de bouter les Anglais hors de France. Elle réussit à gagner la confiance du Dauphin qu’elle n’a jamais vu mais qu’elle a reconnu au milieu de ses courtisans : « Gentil dauphin, je te dis, de la part de Messire Dieu,que tu es vrai héritier du trône de France. » Après avoir délivré Orléans assiégé par les Anglais,Jeanne d’Arc fait sacrer Charles VII à Reims le 17 juillet 1429. Elle échoue cependant à conquérir Paris et est capturée par les Bourguignons au printemps 1430. Ils la vendent aux Anglais, qui veulent la faire tomber pour déstabiliser Charles VII. Jeanne est jugée par l’abbé Cauchon, évêque de Beauvais, pour hérésie et sorcellerie. La Pucelle d’Orléans, à l’issue d’un procès inique, est condamnée au bûcher. En 1456, un second procès la réhabilite.Jeanne d’Arc sera canonisée en 1920.

LE SYMBOLE

La destinée de cette petite paysanne de Domrémy, qui s’est imposée comme chef de guerre, a profondément marqué l’Histoire de France. Jeanne d’Arc fut populaire de son vivant. Son martyr est un exemple de la lutte contre les hérésies, et sa foi inébranlable, un modèle de piété. Mais Jeanne d’Arc est surtout une héroïne nationale, une figure populaire représentéedepuis le XIXe siècle par des statues sur les places des villages, dont la mémoire demeure cependant discutée. Symbole d’union nationale pour les uns, symbole nationaliste pour les autres (elle fut sous Vichy une alternative à la Marianne, récupérée par le Front Nationalquelques années plus tard), La Pucelle reste l’emblème de la liberté et de la bravoure, une des rares figures féminines de notre Histoire.

Ingrid Bergman sur le bûcher dans Jeanne D’Arc, un film réalisé par Victor Flemming, 1948.

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LE BÛCHER DE JEANNE D’ARC

1431

Une héroïne controversée

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l était dur et cruel. Il enfermait ses prisonniers dans des cages de fer si petites qu’on ne pouvait y tenir debout ni y dormir. Lors du supplice du duc de Nemours, il aurait poussé la cruauté jusqu’à placer les enfants du duc sous l’échafaud afin

qu’ils fussent arrosés de son sang. Louis XI (1423-1483) a laissé à la postérité l’image d’un roibarbare et sans pitié qui a inspiré Walter Scott, Balzac, Dumas et Hugo dans Notre-Dame deParis. Pourtant, la réalité historique du personnage est tout autre. Les fameuses cages, appelées« fillettes du roi », encore visibles au château de Loches, sont hautes de plus de deux mètres et larges d’autant. Il s’agissait donc plutôt de cellules que de cages. Le cardinal Jean Balue, détenu pendant 11 ans, n’y allait que pour dormir. Certes Louis XI a sévèrement châtié ceux qui l’ont trahi, tels le connétable de Saint-Pol ou Charles d’Armagnac qui passa 13 ans en prison. Mais il soumettait ainsi les princes à une époque où le royaume était divisé entre les fidélités aux Anglais, aux Armagnacs et aux Bourguignons. Il restaura l’État monarchique que la guerre de Cent Ans avait mis à mal et fit de la Realpolitik à la Bismarck.

LE SYMBOLE

Les « fillettes du roi » sont le symbole de la tyrannie du roi Louis XI, et l’emblème d’un Moyen Âgequ’on a longtemps considéré comme barbare et obscur. Les historiens cependant soulignentaujourd’hui la modernité de l’action de Louis XI et son « génie politique » dans la consolidation du royaume.

Louis XI visitant le Cardinal La Balue dans sa cage, gravure, XIXe siècle.

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LES CAGES DE LOUIS XI

1461 -1483

l a royauté t yrannique

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près sa victoire à Marignan, en 1515, François Ier revient d’Italie avec Léonard de Vinci, qui passe les trois dernières années de sa vie (1516-1519) en France. Le roi de France nomme le prince de la Renaissance italienne « premier peintre,

premier ingénieur et premier architecte du roi. » Vinci amène avec lui des tableaux, dont la célèbre Joconde, et travaille à plusieurs projets, notamment le château de Chambord dont l’architecture originelle, ainsi que l’escalier à double révolution, portent son empreinte.François Ier souhaite faire de ce lieu un reflet de ses goûts artistiques, un château à l’image de sa démesure. L’escalier à vis conduit sur les toits, qui constituent une véritable terrasse autorisant la circulation autour du donjon. Percées de lucarnes et de cheminées sculptées, les toitures représentent une ville en miniature, où les fenêtres apparaissent tels des palais et les lanternons des clochers. Chambord présente une architecture d’exception, qui séduisaient les visiteurs de son temps, comme cet ambassadeur vénitien, en 1577 : « Nous partîmes de là émerveillés ou, pour mieux dire, ébahis. »

LE SYMBOLE

Les toits de Chambord sont un chef-d’œuvre architectural de la Renaissance, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ils sont également un symbole du règne de François Ier, bien qu’il n’y résidât que quelques semaines, symbole de ce goût pour les arts, les lettres et l’architecture de ce monarque qui prit le temps d’être le grand seigneur de la Renaissance.

Le château de Chambord, Val de Loire, 1519-1539, et sa forêt de clochetons, pilastres et tourelles.

A

LES TOITS DE CHAMBORD

1519 -1539

La Renaissance

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Les Aventures du Chevalier Bayard, numéro 4, juin 1964.

écembre 1503. Royaume de Naples. Alors que les troupes françaises battent en retraite sur le pont de Garigliano,

le chevalier Bayard, seul face à deux cents Espagnols,barre le passage de sa bravoure et permet aux siens de se regrouper. Ses prouesses lui valent le surnom de « chevalier sans peur et sans reproche ». Elles lui assurent une renommée dans tout le royaume, et jusqu’à nos jours. Pierre Terrail, seigneur deBayard, est né entre 1473 et 1476 dans la vallée du Grésivaudan. Page à la Cour du duc de Savoie,

il se destine aux armes qu’il manie avec adresse dès son plus jeune âge. Héros des guerres d’Italie,Bayard atteint le sommet de sa gloire au service de François Ier qui, en 1515, après la victoire de Marignan, lui aurait demandé de recevoir de sa main l’adoubement, symbole de la conditionchevaleresque. Le roi de France le nomme lieutenantgénéral du Dauphiné. Mais on retrouve Bayard dans le nord, en 1521, quand Charles Quint envahitla Champagne et met le siège devant Mézières.Terrail tient en échec l’ennemi durant un mois,transportant lui-même les sacs de terre pour fortifierla place. Et lorsque François Ier tente de conquérir le Milanais, le fidèle Bayard, assurant une fois de plus la retraite de l’armée, est mortellement blessé.Alors que le connétable de Bourbon, passé à l’ennemi,s’apitoie sur le sort de Bayard agonisant, ce dernierlui aurait répliqué : « Monsieur, je ne suis pas à plaindre, car je meurs en homme de bien. Mais j’aipitié de vous qui combattez votre roi, votre patrie,votre serment. » Pierre Terrail s’éteint le 30 avril 1524.

LE SYMBOLE

La bravoure de Bayard est l’emblème de ses qualitéschevaleresques. « Chevalier sans peur et sansreproche », Bayard est l’un de nos héros nationaux,abondamment peint par l’imagerie d’Epinal. Il incarne l’idéal et les vertus chevaleresques, alorsmême que la Renaissance et les guerres d’Italie jettentles derniers feux sur l’esprit chevaleresque. Sa mortsemble annonciatrice de la défaite de Pavie, en 1525, au soir de laquelle François Ier déclara : « Tout estperdu, fors l’honneur. »

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LE CHEVALIER BAYARD

1476 -1524

l’ idéal chevaleresque

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L’ORDONNANCEDE VILLERS-COTTERÊTS

1539

Première page du recueil de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, édition de 1539, Archives nationales de France.

e 25 août 1539, au château de Villers-Cotterêts, en Picardie, François Ier

signe une ordonnance de 192 articles qui établit que tous les actes légaux seront désormais écrits « en langage maternel françoys ».Auparavant, les textes juridiques étaient rédigés en latin, langue de l’Église. Outre la volonté de s’émanciper de la tutelle ecclésiastique, le roi souhaite faire de la langue un facteur de la centralisation administrative du royaume. Les décisions prises au nom du roi doivent désormais être comprises par tous, même sil’usage du français reste limité aux élites, à laCour, aux hommes de lois, aux négociants ; à l’époque, il n’y a pas d’unité linguistique enFrance, toutes les provinces utilisent leur patois.L’ordonnance impose, en outre, que les baptêmessoient consignés dans des registres paroissiaux.Elle permet de fixer les noms de famille, dontl’hérédité était jusque-là un privilège nobiliaire.

LE SYMBOLE

L’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui constitueles prémices de l’état civil, est également considérée comme un moment fondateur de l’histoire de notre langue. Elle s’inscrit dans le développement des langues vernaculaires quiaccompagnent l’humanisme et la Renaissance.Dix ans plus tard, en 1549, Joachim du Bellaypublie sa Défense et illustration de la langue française, exhortant son « lecteur ami des Musesfrançaises » à ne pas « avoir honte d’écrire en ta langue ; mais encore dois-tu, si tu es ami de la France, voire de toi-même, t’y donner du tout, avec cette généreuse opinion qu’il vautmieux être un Achille entre les siens, qu’un Diomède (…) entre les autres. »

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« béir, complaire et servir ». Telle était la devise des « mignons » du roi Henri III (1551-1589). À l’époque, le terme désigne les « favoris » des seigneurs et des princes, sans la connotation sexuelle qu’on lui connaît aujourd’hui. Il s’agit de jeunes gens

qui partagent à la Cour un mode de vie raffinée, qui aiment les joutes oratoires et le bilboquet,s’habillent avec grâce et prodigalité, se fardent et portent bijoux. Derrière ce culte des apparences,qui leur donnent des airs efféminés, les mignons rivalisent de dévouement et de fidélité à la personne royale. Parmi eux, les ducs d’Epernon et de Joyeuse suscitent les jalousies. On railleles hermaphrodites, leur apparence et leurs mœurs prétendues dissolues. Les mignons d’Henri IIIalimentent ainsi la légende noire du dernier des Valois, fils de Catherine de Médicis, pris dans la tourmente des guerres de religion et assassiné par le moine Jacques Clément en 1589.

LE SYMBOLE

Les mignons d’Henri III sont le symbole des courtisans. Ils incarnent le système de Cour qui repose sur des codes vestimentaires et des comportements sociaux. Mais au-delà de la légende, le système des mignons fut un mode de gouvernement. Dans un royaumedéchiré par les guerres de religion et les ambitions des Grands, il fut un moyen d’asseoirl’autorité du roi. Les mignons étaient des faire-valoir de la majesté royale. Ils rappelaient aux yeux de tous que le roi est au centre de tout, et que seul il ordonne la hiérarchie politiqueet sociale du royaume. Les mignons d’Henri III sont à ce titre les emblèmes d’un absolutismenaissant qui préfigure l’étiquette du Roi-Soleil.

Henri III et ses mignons, in Costumes de Paris à travers les siècles, Roy Éditeur, vers 1881.

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LES MIGNONS D’HENRI III

1574 -1589

l a France des courtisans

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574. Charles IX est alité, fiévreux, et peine à respirer. Ambroise Paré, son chirurgien, est à ses côtés :

« J’espère que tu vas mieux soigner les rois que les pauvres. – Non, sire, c’est impossible. – Et pourquoi ? – Parce que je soigne les pauvres comme des rois. »

Chirurgien des rois de France Henri II, François II, Charles IX et Henri III, Ambroise Paré(1509-1590) soigna les plaies des soldats, officiers et seigneurs du royaume avec de nouvellesméthodes, notamment la ligature des vaisseaux après amputation. Il pratique avec succès la cautérisation des plaies par armes à feu, et s’impose comme un des meilleurs chirurgiens de son temps. Soucieux de diffuser son savoir, il publie en français de nombreux ouvragesd’anatomies et des écrits sur le traitement des plaies, qui provoquent l’hostilité de la Faculté de médecine.

LE SYMBOLE

Ambroise Paré est considéré comme le père de la chirurgie moderne. Cet humaniste françaisest aussi le représentant d’une éthique médicale héritière du serment d’Hippocrate, commel’illustre sa devise : « Je le pansai, Dieu le guérit. »

Les blessures de guerre, in Opera Chirurgica, Ambroise Paré, XVIe siècle.

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LES PLAIES D’AMBROISE PARÉ

XV I E S I È C L E

Une médecine moderne et démocratique

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i Dieu me prête encore de la vie, écrit Henri IV au duc de Savoie en 1600, je ferai qu’il n’y aurait point de laboureur en mon royaume qui n’ait le moyen d’avoir une poule dans son pot. » La célèbre anecdote demeure un vœu pieux, car la volaille

n’est pas accessible à tous les Français au XVIe siècle. Henri de Navarre n’a donc pas institué la poule au pot comme plat national et dominical. Mais elle fut largement exploitée par la légende, née du vivant du Roi, et magnifiée par sa fin tragique. Le geste de Ravaillac transfigura Henri de Navarre (1553-1610) en « bon roi Henri ». En 1661, Hardouin de Péréfixe, le précepteur de Louis XIV, rédige une Histoire d’Henry le Grand, dans laquelle il fixe les représentations (le fameux panache blanc) et les anecdotes de son règne. On enjointau futur Roi-Soleil d'imiter son aïeul, un roi simple et proche du peuple. Un siècle plus tard les philosophes des Lumières loueront le roi tolérant et pacificateur, « le seul roi dont le pauvreait gardé la mémoire » (Voltaire, Henriade, 1728). Au XIXe siècle, Michelet en fait une figure essentielle de notre roman national, qui inspire l’imagerie d’Epinal.

LE SYMBOLE

La poule au pot est l’un des emblèmes d’Henri IV illustrant son image d’un roi proche de ses sujets, soucieux de leur bonheur et de leur prospérité. On prête à Henri de Navarre d’autres anecdotes culinaires et une réputation de bon vivant. Juste après sa naissance, son grand-père maternel lui aurait frotté les lèvres avec une gousse d’ail et fait humer du vin de Jurançon. Voyant la réaction du nouveau-né, il se serait écrié : « Tu seras un vrai Béarnais ! »Symbole de la légende henricienne, la poule au pot est devenue, comme son roi, un lieu de notre mémoire nationale.

«S

LA POULE AU POT D’HENRI IV

1572 -1610

Le bon roi Henri

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Les 3 Mousquetaires, adapation cinématographique de 1949 de George Sidney avec Gene Kelly dans le rôle de D’Artagnan, Lana Turner dans le rôle de Milady, Van Heflin, Gig Young et Robert Coote dans le rôle des trois mousquetaires.

n pour tous, tous pour un ». Cette célèbre devise a été imaginéepar Alexandre Dumas dans son

roman Les Trois Mousquetaires. On appelait« mousquetaires » les soldats qui portaient le mousquet. La compagnie fut créée en 1622 par Louis XIII, qui en fit sa garde personnelle. Les mousquetaires du roi portaient la casaque bleue,tandis que ceux de Richelieu portaient la casaquerouge. Sous Louis XIV, les mousquetaires font partiede la maison du roi et l’accompagnent dans tous ses déplacements. Ils s’illustrent sur les champs de bataille, notamment Charles de Batz, comte d’Artagnan (né vers 1611-1615). Homme deconfiance du cardinal Mazarin puis de Louis XIVqui lui confie la délicate mission d’arrêter NicolasFouquet en 1661, d’Artagnan devient lieutenantcapitaine de la première compagnie des mousquetairesen 1667. Lorsqu’il meurt en 1673 lors du siège de Maastricht, tué par une balle de mousquet,Louis XIV écrit à la Reine :

« Madame, j’ai perdu d’Artagnan, en qui j’avais laplus grande confiance et qui m’était bon à tout. »

LE SYMBOLE

Les mousquetaires de d’Artagnan, dont la gloirefut immortalisée par l’œuvre d’Alexandre Dumas,symbolisent la chevalerie à l’époque moderne :sens aigu de l’honneur, courage et passion de l’aventure mis au service du roi.

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LES TROIS MOUSQUETAIRES

1667 -1673

Capes et épées

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LA ROBE DU CARDINAL

1622 -1640

LE SPIRITUEL ET LE TEMPOREL

Le Cardinal de Richelieu, huile sur toile, 1636,Philippe de Champaigne, Musée Condé, Chantilly.

e regard vif, parfois hautain, le port altier, la moustache et la barbiche taillées en pointe. Tout respire la noblesse

de sa fonction. Toujours vêtu de sa robe pourpre et de la croix de l’ordre du Saint-Esprit, le cardinalde Richelieu est peint et dépeint, comme un seigneur à l’allure martiale. Armand-Jean du Plessis(1585-1642) est issu d’une famille de la noblessepoitevine. En 1606, il devient évêque de Luçon,l’évêché « le plus crotté de France ». Il en fait son strapontin. Délégué du Poitou lors des Étatsgénéraux de 1614, il s’illustre par son éloquenceet gagne la confiance de la régente Marie de Médicis. Conseiller de la reine-mère, il favorise sa réconciliation avec le roi Louis XIII. Il obtientainsi le chapeau de cardinal en 1622 et demeure,pendant dix-huit ans, le principal ministre de« Louis-le-Juste ». Grâce à son intelligence et son habileté machiavélique, il gouverne le royaume d’une main de fer. Il détruit les citadelles protestantes, met à bas la noblesse factieuse, écrase les révoltes populaires des Croquants du Limousin et des Va-Nu-Pieds de Normandie. Il sacrifie le peuple à la raisond’État : « Il n’appartient qu’aux grandes âmes de servir fidèlement les rois et supporter la calomnie que les méchants et ignorants imputent aux gens de bien. »

LE SYMBOLE

La robe du cardinal de Richelieu est l’emblème de sa puissance. Serviteur du roi de France, qui est le « lieutenant de Dieu sur Terre »,

L le seigneur-cardinal est le témoin de l’alliance entre la monarchie française et l’Église de Rome. Le soinapporté à son image et à la représentation de sa Robetémoigne aussi de la façon dont Richelieu sut mettreles arts au service de ses ambitions et de sa politique.

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Illustration tirée de L’Impromptu de Versailles.

664. Au lendemain de la première représentation à Versailles du Tartuffede Molière, la pièce est interdite. Le parti

dévot, groupé autour de la compagnie du Saint-Sacrement, se déchaîne contre Molière, qualifiéde « démon vêtu de chair ». Jean-Baptiste Poquelin(1622-1673) n’est pas homme à renoncer. Il écritplusieurs placets au roi pour défendre sa comédieet crée, en 1665, Dom Juan, véritable provocationpour ses ennemis. On l’accuse d’athéisme militant.Fort du soutien de Louis XIV qui donne à satroupe le titre de « Troupe du roi », le dramaturgecontinue d’écrire et de jouer ; il obtient, en 1669,l’autorisation de présenter une seconde version du Tartuffe. La pièce connaît un triomphe qui vaut au Palais-Royal l’une de ses plus fortesrecettes jamais enregistrées.

LE SYMBOLE

La plume de Molière est l’un des fleurons de notre langue, de cette prose que MonsieurJourdain, Le Bourgeois gentilhomme, parlait sans le savoir. Cette plume symbolise égalementl’impertinence d’un homme de lettres, qui, bafouant la censure, n’hésita pas à critiquer la religion, les mœurs, la médecine de son temps.Derrière le ton léger de la comédie, sa plume est l’affirmation d’une grande liberté de pensée et d’expression.

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LA PLUME DE MOLIÈRE

1655 -1673

La l iberté d ’expression et de pensée

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LE DERNIER FESTIN DE VATEL

1671

gastronomie et art de vivre à l a française

Revue La Cuisine des Familles, numéro 3, 1895.

hâteau de Chantilly, 24 avril 1671, Vatel s’embroche à trois reprises sur son épée. L’anecdote est rapportée

par la marquise de Sévigné. De son vrai nom,Fritz Karl Watel (1631-1671), d’origine suisse,pâtissier de formation, fut le maître d’hôtel de Nicolas Fouquet, à Vaux-le-Vicomte. Après la disgrâce du surintendant des Finances, il entre au service du Grand Condé, comme « contrôleurgénéral de la Bouche de M. le Prince ». Fin avril1671, Condé reçoit Louis XIV et la Cour à Chantilly pour trois jours de festivités, dontl’organisation est confiée à Vatel. Le jeudi 23 avril,quelques rôtis viennent à manquer au souper.Vatel croît sa réputation compromise, malgré les compliments du Prince : « Monseigneur, votre bonté m’achève ; je sais que le rôti a manquéà deux tables. » Le lendemain matin, la livraisondes poissons et crustacés en provenance de Boulogne-sur-mer se fait attendre. « Je ne survivrai pas à cet affront-ci ; j’ai de l’honneur et de la réputation à perdre. » Vatel monte danssa chambre et met fin à ses jours.

LE SYMBOLE

Le dernier festin de Vatel appartient à l’histoireculinaire de la France. Il est l’un des symboles de notre gastronomie, mondialement reconnue,puisqu’elle a fait son entrée au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Ils sont caractéristiques de l’art de vivre et de recevoir à la française, où s’accordent mets et vins, arts de la table et plaisirs de la bouche, et qui fait l’admiration de tous les étrangers.

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hilémon, absent de la Cour pendant quelques temps, découvre Versailles après l’achèvement de la galerie des Glaces. Ménandre lui décrit le décor : « C’est cette belle galerie que j’appelle une Allée lumineuse, parce qu’elle est éclairée comme si le soleil

lui-même l’éclairait ; qu’elle a des perspectives de Miroirs qui en redoublent la longueur. » (Madeleine de Scudéry, Conversations nouvelles sur divers sujets dédiées au roi, 1684). La grande Galerie, longue de 73 mètres, relie les Appartements du Roi à ceux de la Reine. Elle est éclairée par 17 fenêtres qui donnent sur les jardins. L’architecte Jules Hardouin-Mansart a conçu un décor formé de 17 arcades ornées de 357 panneaux de glace. La dimension des miroirs, fabriqués par la manufacture royale de Saint-Gobain, montre la prospérité économique du royaume de France. Les peintures de la voûte ont été réalisées par Charles Le Brun et ses collaborateurs sur près de 1000 m2 entre 1679 et 1684. Les 30 compositions ont été choisies par Louis XIV et illustrent l’histoire glorieuse de son règne. La galerie des Glaces servait quotidiennement de lieu de passage, fréquenté par les courtisans et les visiteurs de la Cour qui voulaient se faire voir du roi. Elle fut aussi le décor de festivités royales, par exemple en l’honneur du mariage de Marie-Antoinette et du dauphin Louis en 1770. Mais elle restait un lieu de pouvoir, où se déroulaient les réceptions diplomatiques. Les ambassadeurs de Siam en1686, de Perse en1715 et de l’Empire ottoman en1742 durent traverser toute « l’Allée lumineuse » devant la Courpour rejoindre le trône royal installé sur une estrade à l’extrémité de la Galerie.

LE SYMBOLE

La galerie des Glaces, chef-d’œuvre du classicisme français, du point de vue architectural et pictural, est l’emblème de la monarchie absolue et le manifeste de la puissance française durant le Grand Siècle. Sa lumière reflète la gloire éternelle du Roi-Soleil. Elle rayonne aussisur d’autres épisodes de notre Histoire, puisque c’est là que fut proclamé l’Empire allemand après la défaite de la France durant la guerre de 1870. Le Traité de Versailles, qui mit fin à la Première Guerre mondiale, y fut symboliquement signé le 28 juin 1919. Aujourd’hui, les présidents de la République continuent d’y recevoir les hôtes officiels de la France.

La galerie des Glaces, Château de Versailles.

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LA GALERIE DES GLACES

1678 -1684

Le Roi-Soleil

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Une échauguette de la citadelle Vauban à Mont-Dauphin,Hautes-Alpes.

LES FORTIFICATIONS DE VAUBAN

1667 -1707

le génie militaire

�ille assiégée par Vauban, ville prise. Ville défendue par Vauban, ville imprenable. » Tel était le dicton

que l’on pouvait entendre dans la France de Louis XIV. Sébastien Le Prestre de Vauban(1633-1707) a fait plus de 30 sièges, construit50 places fortes et en a réaménagé 300. Entrédans l’armée à 17 ans, il devient rapidement ingénieur militaire et spécialiste de l’art du siège.Il inaugure son système d’attaque en 1673, lors du siège de Maastricht. Des tranchées en zigzag évitent les tirs en enfilade et se combinent avec des parallèles concentriques. Les canons sont protégés dans des relais. Il améliore le système de défense des remparts enterrés, des glacis et des bastions, dans lequeltoute position en défend une autre, et où les tirscroisés éliminent tout angle mort où l’ennemi pourrait se cacher. « Preneur de villes », Vaubanest aussi l’architecte du « pré carré » avec le titrede Commissaire général des Fortifications(1678). Il sillonna la France du nord au sud, d’esten ouest et fortifia ses frontières naturelles. Louis XIV le récompensa du titre de maréchal de France et de marquis.

LE SYMBOLE

Symboles de l’architecture militaire, les fortificationsVauban sont inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Elles témoignent des évolutions techniques et tactiques consécutives au développement de l’artillerie lourde. L’œuvre de Vauban est également représentative du classicisme du Grand Siècle et reflète le dévouement d’un grand serviteur de l’État monarchique.

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LE CODE NOIR

1685 -1848

Commerce et escl avage

Gravure tirée du Voyage à l'Isle de France, à l'Isle de Bourbon, au Cap de Bonne-Espérance,de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, 1773.

éfendons aux esclaves de porter aucune arme offensive, ni de gros bâtons, à peine de fouet. (…)

Défendons pareillement aux esclaves appartenantà différents maîtres de s’attrouper le jour et la nuit.(…) Pourront seulement les maîtres, lorsqu’ils croi-ront que leurs esclaves l’auront mérité les faire en-chaîner et les faire battre de verges ou cordes. »Ces quelques extraits résument le contenu du Codenoir, recueil d’édits et règlements promulgués en 1685, concernant les « esclaves nègres » des colonies françaises en Amérique. Il légitime les châtiments corporels infligés aux esclaves, qui sont considérés comme des « biens meubles ».Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières dénoncent ainsi « le droit d’esclavage » qui n’estautre que « celui de commettre toutes sortes de crimes » (Diderot).

LE SYMBOLE

Le Code noir est le symbole de l’esclavage lié à la traite négrière et au commerce triangulaire.Des millions d’esclaves ont été déportés par les Européens de l’Afrique vers Les Antilles et La Réunion pour travailler dans les plantations,principalement la canne à sucre. En 1794, la Convention décrète l’abolition de l’esclavage,mais il est rétabli par Napoléon Ier en 1802. Ce Code est définitivement aboli en 1848 grâce à l’action de Victor Schoelcher. En 2001, la République française a reconnu que la traitenégrière et l’esclavage constituent des crimescontre l’humanité.

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adame de Pompadour disait du champagne qu’il était le « seul vin qu’une femmepuisse boire sans s’enlaidir ». Les vins de Champagne existent depuis le Moyen Âge. Ils étaient utilisés pour les sacres de rois de France, à Reims,

mais on leur préférait en réalité les vins de Beaune. Les vins du pays champenois n’acquirent leurs lettres de noblesse qu’au XVIIe siècle grâce au moine cellérier de l’abbayede Hautvillers, Dom Pérignon (1638-1715). Constatant la tendance naturelle du vin à mousser, il domestique et perfectionne cette qualité. Pour maintenir l’effervescence du vin,il a l’idée d’enfermer le jus dans des bouteilles épaisses au long col et de les fermer à l’aided’un bouchon de liège au lieu du traditionnel chanvre. Le nouveau nectar détrône bientôtles vins régionaux et s’impose à la Cour sous Louis XIV et Louis XV. Il ne quittera plus les sphères du pouvoir et de la haute société.

LE SYMBOLE

Les bulles de Dom Pérignon, qui n’a pas inventé le champagne mais amélioré la qualité des vins du pays champenois et maîtrisé leur effervescence, sont un symbole festif : « Dans la mousse d’Aï luit l’éclair du bonheur. » écrit Alfred de Vigny. Pétillantes comme la joie, les bulles accompagnent les heureux événements, naissances, baptêmes, mariages.Les hussards de la garde napoléonienne avaient l’habitude de sabrer le champagne pour rendre hommage à la victoire. Le nectar marque également la signature des traités diplomatiques et s’affirme comme symbole de la fraternité entre les peuples. La plus célèbrede nos boissons demeure l’un des emblèmes de l’art de vivre à la française et l’un des vecteurs du rayonnement international de la France.

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LES BULLES DE DOM PÉRIGNON

XV I I E S I È C L E

« Le vin de l a civil isation » (Talleyrand)

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LE « BON SAUVAGE »

1771

Papou du Havre Dorey (Nouvelle Guinée), gravure de Mercier, XIXe siècle.

e 15 novembre 1766, Louis-Antoine de Bougainville (1729-1811) quitte Nantes

à bord de la frégate La Boudeuse pour les îlesMalouines. L’expédition est commanditée parChoiseul, ministre de la Marine de Louis XV, afin de céder l’archipel aux Espagnols. Bougainvillecontinue son périple vers l’océan Pacifique etparvient à Tahiti après 52 jours de navigation. Il décrit dans son journal, publié en 1771, les paysages et les mœurs des sociétés tahitiennes. La figure du « bon sauvage », né avec les GrandesDécouvertes, devient un mythe, renforcé par son engouement pour Aotourou, un jeune Tahitienqu’il ramène de son expédition. L’île et ses habitantssont peints tels un paradis originel, où les hommes et les femmes vivent sans travailler des productions de la nature.

LE SYMBOLE

Le « bon sauvage » est l’emblème de la découverte du Nouveau Monde. Les récits des explorateursdepuis le XVe siècle en ont fixé les stéréotypes : la nudité, la polygamie, l’innocence. Imagesidéalisées de l’Autre, ils caractérisent un certaingoût pour l’exotisme. Au siècle des Lumières, le mythe inspire Diderot, Rousseau et Bernardinde Saint-Pierre. La description du « bon sauvage »permet de relativiser, par effet de miroir, les mœurs et les coutumes des Européens, voire de les critiquer.

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Les découvertes de Bougainville

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LE FARDIER DE CUGNOT

1769 -1771

science , vapeur et progrès

�oseph Cugnot (1725-1804), ingénieur français d’origine lorraine, réalise entre 1769 et 1771 le premier véhicule automobile

de l’histoire, connu sous le nom de « fardier de Cugnot ». Les fardiers sont des chariots destinés au transport de lourdes charges, notamment pour l’armée. Soutenu par le duc de Choiseul, ministre de la Guerre de Louis XV, Cugnot met au point une machine longue de plus de 7 mètres, mue par un moteur à vapeur situé à l’avant : le fardier se pilote à l’aide d’un guidon et se déplace à la vitessed’un piéton. En 1770, le premier prototype est mis en marche à Vanves, mais sa course prend fin au boutde quelques mètres après que l’engin ait percuté un mur ! La disgrâce de Choiseul contraint Cugnot à interrompre ses travaux. Le fardier est entreposé

à l’Arsenal puis entre en 1802 au Conservatoire des arts et métiers où il est toujours exposé aujourd’hui.Mais les doutes demeurent quant à la réalité de sonfonctionnement. Plusieurs répliques du prototype ont par la suite été réalisées. Une reconstitution du fardier de Cugnot a ainsi circulé dans les rues de Paris le 23 octobre 2010…

LE SYMBOLE

Symbole de l’aventure de la machine à vapeur, le fardier de Cugnot illustre les progrès techniques et scientifiques du siècle des Lumières. Ancêtre de l’automobile, il inaugure la révolution des transports qui accompagna l’entrée de la France dans l’ère industrielle.

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Le Fardier de Cugnot, buvard publicitaire illustré par Pineau, vers 1956.

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Planche sur le lissoir servant à fabriquer la poudre à canon, tirée de L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

usqu’ici, personne n’avait conçu un ouvrage aussi grand » écrit Diderot en1750 dans son Prospectus de présentation de l’Encyclopédie. L’entreprise a un double objectif. Véritable Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers,

elle prétend exposer l’enchaînement des connaissances humaines, reflet des progrèsscientifiques et techniques, et les diffuser à un large public. Publiée entre 1751 et 1772, la première édition comprend 17 volumes de texte, et 11 volumes de planches illustrées. Les quelques soixante-dix mille articles ont été rédigés par une soixantaine de collaborateurssous la conduite de Diderot et d’Alembert, parmi lesquels de grands esprits commeVoltaire, Rousseau, le chevalier de Jaucourt ou le baron d’Holbach, sans compter les graveurs et dessinateurs. Mais l’Encyclopédie est aussi un projet politique. Il s’agit de diffuser un savoir libre de tout préjugé et de proposer « une révolution dans les esprits ».« J’espère, ajoute Diderot, que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérantsn’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité. »

LE SYMBOLE

Emblème des Lumières, l’Encyclopédie en est également le manifeste. Elle sera mise à l’index par le Pape, interdite par le roi de France et condamnée à paraître secrètement.Son aventure et ses péripéties cristallisent l’opposition entre les idées nouvelles et l’obscurantisme d’un Ancien Régime de plus en plus contesté.

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L’ENCYCLOPÉDIE

DE DIDEROT ET D’ALEMBERT

1751 -1772

l a France des Lumières

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pourchassa les navires anglais dans l’océan Indien et se saisit de bâtiments de la compagnie desIndes. Les Anglais mirent sa capture à prix, mais en vain. Surcouf revint dans la cité malouine,considérablement enrichi, et consacra la fin de sa vie à son métier d’armateur.

LE SYMBOLE

Les corsaires de Robert Surcouf sont les emblèmesde la guerre de course des XVIIe et XVIIIe siècles.Avec Jean Bart et Duguay-Trouin, ils ont fait la renommée des corsaires français et de Saint-Malo.Comme leur chef, ils incarnent de redoutablessoldats des mers, rusés et audacieux, terreur desAnglais. Leurs exploits ont inspiré la littérature, le cinéma, la bande dessinée… et la marinenationale qui a donné le nom de Surcoufà un croiseur sous-marin français coulé en 1942.

lors qu’un officier britannique l’interpelle ainsi : « Vous, Français, vous vous battez pour l’argent, tandis que nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur ! »,

Robert Surcouf répond : « Chacun se bat pour ce qui lui manque. » La réplique illustre la personnalitédu plus célèbre des corsaires malouins. Les corsairessont des marins autorisés par une lettre de course à attaquer en temps de guerre tout navire portantpavillon ennemi. Ils n’ont donc rien à voir avec les pirates, bandits des mers, avec lesquels ils sontsouvent confondus. En cas de prise, les corsairesétaient considérés comme des prisonniers de guerre et avaient la vie sauve, à la différence des pirates.Robert Surcouf, né à Saint-Malo en 1773, et sescorsaires furent des spécialistes de la guerre de coursequi opposa la France à la marine britannique souslaRévolution et l’Empire. À la tête de l’Emilie, de La Clarisse puis de La Confiance, Surcouf

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LES CORSAIRES DE SURCOUF

1793 -1815

l a France sur les mers

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LE COLLIER DE MARIE-ANTOINETTE

1785

complots et déclin de l a monarchie

Page de gauche : Surcouf partant de Saint-Malo,carte postale, éd. Barré Dayez.Ci-contre : Le collier de la Reine, encart publicitaire, 1954,éd. Marabout.

5 août 1785, château de Versailles. Le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France, est arrêté dans la galerie des

Glaces, devant le regard médusé des courtisans.L’affaire du collier éclate au grand jour. Tombéen disgrâce, le cardinal de Rohan souhaitait racheter les faveurs de la Reine. Sur les conseilsde la comtesse de la Motte, il acquiert un collierde diamants d’une valeur d’un million six centsmille livres. Le collier de 540 diamants et 2 800carats avait été réalisé par les joailliers de la Couronne, Böhmer et Bassenge. Mme de La Motte organise une rencontre nocturne dans le bosquet de la Reine entre leCardinal et Marie-Antoinette, alias Mlle Le Guayd’Oliva, une prostituée qui ressemble à la Reine.La transaction se fait, le Cardinal transmet le collier à la comtesse qui doit l’offrir à la Reine.Mais la comtesse disparaît avec le collier qu’elledépèce et vend à son profit. L’escroquerie est découverte, le Cardinal comparaît devant le Parlement de Paris en mai 1786. Il est innocentétandis que Mme de la Motte et ses complicessont arrêtés et jugés. Elle est marquée au fer rougedu V de voleuse. Le magistrat du Parlement deParis résume la portée de l’affaire : « Un cardinalescroc, la Reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et le sceptre !Quel triomphe pour les idées de la liberté ! »Malheur à celle par qui le scandale arrive.

LE SYMBOLE

L’affaire du collier cristallise l’impopularité de Marie-Antoinette. L’Autrichienne, insouciante,gaie, dispendieuse, devient « Madame Déficit ».L’escroquerie ternit l’image d’une monarchie de plus en plus critiquée. Elle a inspiré de nombreuses œuvres de fictions, dans la littératureet au cinéma, d’Alexandre Dumas à Edgar P. Jacobs, auteur de la bande dessinée Blake et Mortimer.

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rest. 1er août 1785. Deux frégates, La Boussole et L’Astrolabe, quittent la rade pour une expédition de découverte dans le Pacifique. Louis XVI en a confié le commandement à Jean-François de Galaup (1741-1788), comte de La Pérouse.

Celui-ci embarque avec 226 hommes et 500 tonneaux. Après un périple de trois ans de l’Atlantique au Pacifique, La Boussole et L’Astrolabe quittent Botany Bay, au sud de l’Australie, le 10 mars 1788 et mettent le cap à l’est. Les deux navires se brisent à l’été 1788 sur les récifs des îles Salomon (Vanikoro).

LE SYMBOLE

La Boussole de La Pérouse symbolise les expéditions de découverte autour du monde au XVIIIe siècle, les techniques de navigation, ses contraintes et ses aléas. Malgré les recherches effectuées depuis la fin du siècle des Lumières, sa disparition demeura mystérieuse. Louis XVI lui-même, l’amoureux des sciences géographiques, montant à l’échafaud, se serait interrogé : « A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ? »C’est peut-être cette issue malheureuse qui fit la renommée de La Pérouse, le plus populaire des navigateurs qui ont exploré le monde.

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Louis XVI donnant ses instructions au capitaine de vaisseau La Pérouse pour son voyage d'exploration autour du monde, Nicolas André Monsiau, huile sur toile, 1817, Château de Versailles.

LA BOUSSOLE DE LA PÉROUSE

1756 -1788

l a conquête des océans

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ares sont les pierres à avoir été le témoin de tous les épisodes marquants de l’Histoirede France. C’est pourtant le cas du palais des Tuileries, qui surgit en 1564 de la volonté de la régente Catherine de Médicis sur une ancienne fabrique de tuiles. À la mort

d’Henri II, elle installe la cour au Louvre. La proximité des Tuileries lui donne l’idée d’y faireconstruire par Philibert Delorme une maison de plaisance à l’italienne, entourée d’un parc. Le chantier est loin d’être achevé à sa mort, mais il est poursuivi par ses successeurs. Henri IVfait édifier la Grande Galerie et le pavillon Flore qui réunissent le Louvre aux Tuileries. En juin1662, Louis XIV donne une grande fête dans les jardins. Le Grand Carrousel met en scènecinq quadrilles commandés par le Roi et les grands du royaume devant dix à quinze millesspectateurs. Le Roi-Soleil confie à Le Vau et Le Nôtre l’embellissement du palais et du parc. Le premier érige le pavillon de Marsan, tandis que le second crée la belle perspective centrale,creuse les bassins, aménage les parterres à la française. À la fin du XVIIIe siècle, le palais abritel’Opéra et la Comédie française. Lieu des divertissements, il devient un lieu politique sous la Révolution. Louis XVI et sa famille y vivent de 1789 à 1792, après que les émeutiersparisiens les ont ramenés de Versailles à Paris. Le 10 août 1792, la prise des Tuileries par les sans-culottes parisiens consacre la chute de la monarchie. Le palais est mis à sac et six cents gardes suisses sont massacrés. Rebaptisées Palais National, les Tuileries deviennentle siège de la Convention, puis en 1796, du Conseil des Cinq-Cents. Napoléon Ier, Louis XVIII,Charles X, puis Louis-Philippe et Napoléon III en font leur résidence officielle. Symbole du pouvoir, elles sont incendiées en 1871 par la Commune. Seuls les pavillons de Flore et de Marsan ont été reconstruits. Les jardins demeurent un modèle de grâce et de goût avec la grande allée qui, d’un élan triomphal, s’ouvre sur la perspective des Champs-Élysées.

LE SYMBOLE

Raconter les Tuileries, c’est raconter la France. Le palais a vécu toutes les convulsions de son histoire, de la Révolution à la Commune. La force du symbole est telle qu’il est envisagéde les reconstruire. Mais le projet déchaîne les passions tant le lieu reste lié à l’histoire du pays.

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Perspective sur les jardins du Louvre et des Tuileries, carte postale, éd. Mona, vers 1920.

LES TUILERIES

D E PU I S 1564

Le l ieu de toutes les Histoires

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1789

La Déclaration des Droits de l´Homme racontée par l´image, Article 11, illustrations de A.P. de Lamarche,chromolithographie, éd. Alcide Picard et Kaan, 1902.

es hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » L’article 1er

de la Déclaration des droits de l’hommeet du citoyen adoptée le 26 août 1789 par les « représentants du peuple français » consacre la fin de l’Ancien Régime. Après l’abolition des privilèges et des droits seigneuriaux dans la nuit du 4 août 1789, les députés discutent de la rédaction d’une déclaration des droits et libertés. Elle donne lieu à des débats passionnésà l’Assemblée nationale. Composée d’un préambule et de dix-sept articles, elle définit les droits « naturels et imprescriptibles de l’homme » ainsi que ses libertés fondamentales.Elle s’inspire de la Déclaration d’indépendanceaméricaine de 1776 et de la philosophie des Lumières. Bien que d’autres déclarations des droits aient été rédigées en 1793 et en1795,le texte de 1789 demeure la référence de nosinstitutions et préambule à la Constitution de la Ve République. Il a acquis une portée universelle.

LE SYMBOLE

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 marque l’avènement d’une èrenouvelle. « Catéchisme national » (Barnave), elle est le « credo du nouvel âge » selon Michelet. Elle symbolise les principes d’une Révolutionfrançaise qui se veut universellement libératrice et messianique. Mais la générosité révolutionnaireexclut les femmes de la sphère politique. En 1793,la féministe Olympe de Gouges rédigera une Déclaration des droits pour la femme et la citoyenne, parodiant les articles de la Déclarationde 1789 : « La femme naît et demeure égale à l’homme en droits. »

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LA DÉCLARATION DES DROITSDE L’HOMME ET DU CITOYEN

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LE DRAPEAU TRICOLORE

D E PU I S 1789

Trois couleurs pour un pays

�e drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie. » Le poète Lamartine scelle, en ce 25 février

1848, le destin de notre pavillon, alors qu’une foule de révolutionnaires le presse d’adopter le drapeau rouge.Car le drapeau tricolore ne s’est pas imposé sans heurts.Il fut d’abord cocarde. Le 17 juillet 1789, trois joursaprès la prise de la Bastille, Louis XVI arbore, à l’Hôtelde ville de Paris, la cocarde tricolore. Alliant les couleursdu roi, le blanc, et celles de Paris, le bleu et le rouge,l’insigne matérialise l’union du roi et de la nation. « Sire,Henri IV avait reconquis son peuple ; ici c’est le peuplequi a reconquis son roi » commente Bailly. Ces troiscouleurs deviennent en 1794 les couleurs officielles du pavillon français, selon un ordre qui aurait été définipar le peintre David. Mais il disparaît avec la Restauration

en 1814 au profit du drapeau blanc. Il resurgit sur lesbarricades durant les Trois Glorieuses de juillet 1830.Louis-Philippe, Roi-citoyen, proclame que « la Nationreprend ses couleurs ». En 1848, il est encore menacépar le drapeau rouge. Il s’impose définitivement sous la III e République.

Le symbole

Le drapeau tricolore est d’abord un symbolerévolutionnaire. « Livrée de la liberté » selon le mot de Mirabeau, il est un emblème du ralliement à laRévolution et à la République. Il est aussi un symboledu patriotisme et de la nation. Il est ainsi devenul’emblème national de la France comme l’indiquel’article 2 de la Constitution de la Ve République.

«L

L’exercice des futurs poilus, square Ordener, crayon sur papier, début du XXème siècle.

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oltaire, le marquis de Sade, auparavant le mystérieux Masque de Fer ou encore Nicolas Fouquet furent embastillés. La forteresse, érigée à la fin du XIVe siècle pour protéger l’est parisien, devient un lieu d’incarcération sous Louis XI, mais c’est

surtout Richelieu qui la transforme en prison d’État. « Bastille de droit divin », le roi y envoie,par lettre de cachet, les sujets séditieux du royaume, notamment pour faits de lettres. Entre le milieu du XVIIe siècle et 1789, elle accueille plus de cinq mille prisonniers, issus de toutesclasses sociales. Le 14 juillet 1789, elle ne compte que sept détenus parmi lesquels quatre faussaires, un noble et deux fous. Le lendemain de l’assaut du peuple parisien, venu chercherde la poudre, sa démolition débute sous la conduite de Pierre François Palloy. Il vend une partie des pierres, sculptées en bastilles miniatures, et fait réaliser des maquettes du bâtiment, envoyées dans les chefs-lieux des départements français.

LE SYMBOLE

La Bastille était déjà un symbole avant la Révolution. Sous l’Ancien Régime, elle est l’emblème de l’arbitraire royal et du despotisme. Métaphore de l’univers carcéral sous la monarchie absolue, elle alimente une légende noire qui la peint sous les traits d’un « enfer des vivants ». Il fallait donc la « prendre » pour matérialiser la fin de l’Ancien Régime. Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération commémore l’insurrection du peuple de Paris. La IIIe République décide, en 1880, de faire du 14 juillet la fête nationale, soulignant à la fois la rupture avec la monarchie, et le caractère patriotique de l’événement. Le mythe fondateur de la Révolutionet de la République est né, exalté par les historiens romantiques tels Michelet : « L’attaque de la Bastille ne fut nullement raisonnable. Ce fut un acte de foi. (…) Le monde entier connaissait, haïssait la Bastille. Bastille, tyrannie, étaient dans toutes les langues, deux mots synonymes. Toutes les nations, à la nouvelle de sa ruine, se crurent délivrées. » Symbole inaltéré, la place de la Bastille a gardé aujourd’hui toute sa force symbolique ; elle reprend régulièrement ses couleurs après l’élection d’un président de la République de gauche : c’est là que le nouveau président retrouve traditionnellement ses électeurs.

La place de la Bastille en 2012. Au premier plan, surmontée de son angelot, la Colonne de Juillet célébrant les Trois Glorieuses de 1830.

V

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LA BASTILLE

1789

Le mythe fondateur de l a République

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u grand dam du docteur Guillotin (1738-1814), son nom reste attaché à l’instrument du supplice. Le 1er décembre 1789, le député Joseph Guillotin soumet à l’Assemblée constituante un projet de réforme du Code pénal.

Il demande que, conformément au principe d’égalité des peines, les crimes capitaux soientpunis par le même supplice. Sous l’Ancien Régime, la décapitation était réservée aux nobles,tandis que le commun était pendu. Les privilèges sont abolis, même dans la mort. « Avec ma machine, déclare Guillotin, je vous fais sauter la tête d’un clin d’œil et vous ne souffrez point. » Guillotin préconise que la mort soit administrée « par l’effet d’un simplemécanisme ». Mais le député n’est pas l’inventeur de la « Veuve ». Elle fut mise au point par le chirurgien Antoine Louis, qui s’inspira d’une machine d’origine écossaise. La construction du « bois de justice » fut confiée à un fabricant de clavecins, Schmidt, assisté du bourreau Charles-Henri Sanson et de plusieurs charpentiers. Elle fut utilisée pour la première fois le 25 avril 1792 et pour la dernière fois en 1977.

LE SYMBOLE

La guillotine est le symbole de la Terreur révolutionnaire, qui fit exécuter Louis XVI, Marie-Antoinette, et les grandes figures de la Révolution, de Camille Desmoulins à Robespierre. Elle est en outre l’emblème de la mise à mort légale, en France, comme le stipule le Code civil : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée. » Son usage s’achèveavec l’abolition de la peine de mort en 1981 par François Mitterrand, qui consacre un long combat de 200 ans d'âpres discussions, débats et prises de position passionnées.

A

La guillotine attend l'arrivée de Doré et de Berland, Le Petit Journal illustré, 8 août 1891.

LA GUILLOTINE

1792 -1977

l a France décapitée

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LA MARSEILLAISE

1792

Le chant de l a République

« Aux armes, citoyens ! Aux fourches, paysans ! écrit Victor Hugo. Jette là ton psautier pour les agonisants, Général, et faisons en hâte unetrouée. La Marseillaise n’est pas encore enrouée. » Il devient l’hymne national sous la IIIe République,en 1879.

LE SYMBOLE

D’abord chant révolutionnaire, La Marseillaiseest devenue l’un des principaux symboles républicains, inscrit dans la Constitution, un monument sacré appris par tous les écoliers.L’hymne célèbre la défense de la patrie, la liberté et l’unité nationale.

ux armes, citoyens ! » À ce cri de ralliement avancent les soldats de la Révolution, baïonnettes au canon,

pour défendre la patrie en danger contre les tyrans et les envahisseurs. Car c’est bien un chant de guerrequi est à l’origine de notre hymne national. Composéen avril 1792 peu après la déclaration de guerre de la France à l’Autriche, par le capitaine Rouget de Lisle pour la garnison de Strasbourg, le Chant de guerre de l’armée du Rhin se diffuse dans toute la France. Il est chanté par des fédérés marseillaisqui montent à Paris à l’été 1792. Rebaptisé La Marseillaise, ce « te deum révolutionnaire »(Goethe) est proscrit sous l’Empire et la Restauration. Mais il réapparaît sur les barricades à chaque révolution, en 1830, en 1848, en 1870.

«ALa Marseillaise, sculpture en pierre de François Rude (détail), 1832-1836.

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La Mort de Marat, reconstitution du Musée Grévin effectuée dans la vraie baignoire de Marat, carte postale, éd. Yvon.

LA BAIGNOIRE DE MARAT

1793

Le bain de sang de l a Révolution

�ne nuit affreuse est venue étendre sur nous son crêpe funèbre ; l’intrépide défenseur de la liberté

en est devenu le martyr. Marat ! Marat n’est plus. »(François Élie Guirault, Oraison funèbre de Marat).Le 13 juillet 1793, Charlotte Corday assassined’un coup de poignard Jean-Paul Marat dans sa baignoire. Médecin, journaliste, Marat est l’un des chefs des Montagnards et un publicisterenommé. Son journal, L’Ami du peuple, devientson surnom. Charlotte Corday, descendante de Pierre Corneille, le considère comme un des responsables de la Terreur et l’assassine aprèss’être introduit chez lui sous prétexte d’unerequête. Elle est arrêtée sur les lieux du crime,jugée par le Tribunal révolutionnaire et exécutée le 17 juillet 1793. La Convention demande au peintre David d’immortaliser l’événement par un tableau. Le peintre accepte, et organise les funérailles de l’Ami du peuple. Son corps est exposé couvert d’un drap mouillé représentant la baignoire, torse nu exhibant la blessure. La baignoire, l’encrier et le billet de CharlotteCorday sont déposés au bas du piédestal. Ses restes seront ensuite exposés quelques mois au Panthéon.

LE SYMBOLE

Le geste de Charlotte Corday fait de Marat la victime expiatoire de la Révolution, un martyrde la Liberté. La baignoire en est la métaphore, et a suivi une curieuse destinée. Après une odysséequi la fit voyager au gré des héritages, elle échouaentre les mains du recteur curé de Sarzeau, dans le Morbihan, qui la vendit au Musée Grévin à la fin du XIXe siècle.

«U

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e métier à tisser à mécanique Jacquard a été mis au point par Joseph-Marie Jacquard (1752-1834) en 1801. Ce Lyonnais, mécanicien sur les métiers à tisser la soie, connaît les conditions de travail difficiles des canuts, qui peinent courbés

sur leurs métiers à tirer les cordes de tissage. La « mécanique Jacquard » soulage le métier de tout son attirail de cordages et de pédales. L’ingénieux dispositif permet à un seul ouvrier,contre six auparavant, de lever automatiquement les fils de la chaîne, notamment pour les tissages brochés. En lyonnais, on surnomme cette machine bistanclaque, onomatopée reproduisant la suite de sons émise par l’action du mécanisme.

LE SYMBOLE

Le « métier Jacquard » est l’un des emblèmes de la soierie lyonnaise, bien que son introduction ait suscité dans un premier temps l’hostilité des canuts, qui craignaient de perdre leur emploi. La « mécanique Jacquard » s’est imposée progressivement et diffusée dans le mondeentier, notamment en Angleterre. Elle est à ce titre l’un des symboles de la révolution industrielle et de l’industrie textile au XIXe siècle.

Un tisseur au métier Jacquard, usine de Flers, carte postale, début du XXe siècle.

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LE « MÉTIER JACQUARD »

1801

La révolution industrielle

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Un des célèbres chapeaux de Napoléon Ier, Château de Fontainebleau.

’est sous le Consulat que Napoléon Bonaparte commence à porter le « chapeau français » simple sans bordure, mais il l’adopte définitivement sous l’Empire. En castor noir, avec pour seul ornement une cocarde tricolore glissée dans

une ganse de soie avec bouton, ses dimensions varient, au fil des ans, entre 44 et 47 cm de longueur et 24 à 26 cm de hauteur. Chaque année, l’Empereur s’en fait livrer quatreexemplaires et toujours auprès de son fournisseur attitré : la Maison Poupard qui devient en 1811 Poupard et Delaunay. Ce chapeau, qui n’est pas, à l’origine, une pièce d’uniformemilitaire, contraste par sa sobriété avec les coiffes chamarrées et emplumées des officiers et hauts dignitaires de l’époque. Autre particularité qui le fait entrer dans la légende : Napoléon le porte « en bataille », c’est-à-dire les ailes parallèles, et non « en colonne », perpendiculairement aux épaules, comme les officiers de son armée.

LE SYMBOLE

« Te voilà ! Légendaire ! » lance haineusement le prince Metternich, dans L’Aiglon d’Edmond Rostand, à l’adresse du chapeau mythique censé représenter l’Empereur déchu.Le chapeau de Napoléon et sa célèbre redingote grise constituent en effet des éléments caractéristiques de la silhouette napoléonienne. Si les contemporains ne l’aperçoivent pas au cours des parades et sur les champs de bataille, la propagande officielle qui donne naissance à la légende napoléonienne se charge de la populariser. Du tableau de Jacques-Louis David Le Premier consul franchissant le col du Grand Saint-Bernard à la Campagne de France d’Ernest Meissonier, en passant par la Bataille d’Austerlitz de François Gérard ou encore Napoléon visitant le champ de bataille d’Eylau d’Antoine-JeanGros, ce chapeau symbolise un Empereur, un commandant en chef qui se veut proche de ses hommes.

C

LE CHAPEAU DE NAPOLÉON

1799 -1815

La s ilhouette de l 'Empereur

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a Révolution française avait supprimé tous les ordres de chevalerie et toutes les décorations. Le Premier Consul Bonaparte souhaita recréer une distinction pour récompenser les mérites civils et militaires. Face aux objections des notables

qui s’opposent à ce projet, Bonaparte déclare : « Je défie qu’on me montre une républiqueancienne ou moderne dans laquelle il n’y a pas de distinctions. On appelle cela des hochets.Eh bien, c’est avec des hochets qu’on mène les hommes ! » Le décret du 19 mai 1802 créela Légion d’honneur. La première promotion date du 14 juillet 1804. Elle comprend six mille personnes qui reçoivent leur décoration, une étoile à cinq rayons doubles,émaillée de bleu, en l’église des Invalides.

LE SYMBOLE

La Légion d’honneur est l’un des symboles de l’œuvre napoléonienne, comme le Codecivil. Elle consacre le service de l’État et de la nation, et non la naissance ou le rangcomme l’aristocratie de l’Ancien Régime. Si elle a majoritairement récompensé les militaires sous l’Empire, elle s’est progressivement élargie, aujourd’hui, au monde des arts, des lettres et du sport ; elle est devenue un véritable symbole de la méritocratierépublicaine.

L

Une médaille de chevalier de la Légion d’honneur.

LA LÉGION D’HONNEUR

D E PU I S 1802

Le service récompensé

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Première édition du Code civil dit Code Napoléon,

reliure réalisée pour Napoléon Ier, 1804, BNF.

LE CODE CIVIL

1804

Le droit codifié

�a vraie gloire n’est pas d’avoir gagné 40 batailles. (…) Ce que rien n’effacera, ce qui vivra

éternellement, c’est mon Code civil. » L’exilé de Sainte-Hélène qui prononce ces mots rendhommage au monument juridique dont il futl’instigateur. Dès son arrivée au pouvoir, Bonaparte entend restaurer l’ordre et faire aboutir le projet de codification du droit ébauché par la Révolution. Il confie cette mission à une commission de quatre éminentsjuristes, Tronchet, Portalis, Bigot de Préameneuet Maleville. Ceux-ci rédigent en quelques moisun projet, discuté par le Conseil d’État présidépar Bonaparte, puis soumis au Tribunat et auCorps législatif. L’ensemble des trente-six lois est adopté entre 1801 et 1804. Le 21 mars 1804,le Code civil des Français est promulgué. Sacralisé dès sa publication par la propagandenapoléonienne, il prend en 1807 le nom de Code Napoléon. Il a plus de deux cents ansaujourd’hui, et quoique maintes fois amendé, demeure toujours en vigueur.

LE SYMBOLE

Le Code civil consacre la fusion entre les principes révolutionnaires de 1789, tellesque l’égalité civile et juridique entre les citoyens,la liberté de conscience, et la restauration del’autorité dans toutes les sphères du corps social. Il consacre l’autorité maritale et paternelle dansles relations familiales, ainsi que la supérioritédu patron sur l’ouvrier. Symbole de l’œuvre napoléonienne, le Code civil est un lieu de mémoire juridique, sociologique et culturelqui régit encore aujourd’hui maints actes de notre vie quotidienne.

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LA GIRAFE DE CHARLES X

1826

L’art de l a diplomatie

Zarafa, la girafe offerte à Charles X par Méhémet Ali, lithographie, XIXe siècle.

n 1826, le vice-roi d’Egypte, Méhémet Ali, offre au roi Charles X un cadeau diplomatique hors du commun :

une girafe. Capturée au Soudan, Zarafa, âgéed’environ deux ans, effectue un périple qui la conduit de la vallée du Nil à Marseille. Elle y est accueillie par le professeur de zoologiedu Muséum d’histoire naturelle, Geoffroy Saint-Hilaire. C’est la première girafe à fouler le sol français. En six semaines, à la tête d’un fabuleux cortège comprenant des Soudanais et des vaches laitières, elle chemine, à pied, de Marseille à Paris. La girafe est officiellement présentée au roi Charles X le 9 juillet 1827. Elle est ensuite conduite à la ménagerie du Jardin des Plantes où elle vivra18 ans. Elle suscite alors une véritable « girafomania » en France, qui se traduit dans les illustrations, les décors, les œuvres littéraireset artistiques. Naturalisée, elle est aujourd’huivisible au Muséum de La Rochelle.

LE SYMBOLE

La girafe de Charles X illustre les usages et les pratiques diplomatiques. Il n’était pas rared’offrir des animaux en guise de cadeaux diplomatiques. Depuis le Moyen Âge, ils étaientun signe de prestige pour celui qui les offraitcomme pour celui qui les recevait. La coutume a perduré jusqu’aux années 1980. C’est ainsique le Premier ministre indien offrit en 1985 à François Mitterrand une éléphante d’Asie du nom de Kaveri...

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insi ferez-vous, vous qui tenez ce livre d’une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil en vous disant : peut-être ceci va-t-il m’amuser. » Le ton est donné dès le propos liminaire du Père Goriot par

Honoré de Balzac (1799-1850). Ce fauteuil, de style Restauration, le suit de maison en maison, tout comme sa table de travail. Reflet d’un art de vivre à la française, il accompagnait l’insatiable labeur de l’écrivain, drapé dans sa longue robe blanche de cachemire l’hiver, de toile l’été. Car il n’était pas rare que l’auteur de La Comédie humaine passe seize à dix-huit heures par jour assis dans son fauteuil à travailler.

LE SYMBOLE

Symbole de l’univers balzacien où le décor reflète le caractère des personnages, le fauteuil de Balzac est la métaphore de son génie littéraire. Il représente également le confort d’une société bourgeoise en plein essor au XIXe siècle dont les valeurs et les rituels, comme les errements et les vicissitudes sont peints dans La Comédie humaine.

LE FAUTEUIL DE BALZAC

1829 -1852Portrait de l a France du XIXe siècle et de ses mutations

Le Fauteuil de Balzac, époque Restauration, Château de Saché, Val de Loire

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insi ferez-vous, vous qui tenez ce livre d’une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil en vous disant : peut-être ceci va-t-il m’amuser. » Le ton est donné dès le propos liminaire du Père Goriot par Honoré de Balzac

(1799-1850). Ce fauteuil, de style Restauration, le suit de maison en maison, tout commesa table de travail. Reflet d’un art de vivre à la française, il accompagnait l’insatiable labeurde l’écrivain, drapé dans sa longue robe blanche de cachemire l’hiver, de toile l’été. Car iln’était pas rare que l’auteur de La Comédie humaine passe seize à dix-huit heures par jourassis dans son fauteuil à travailler.

LE SYMBOLE

Symbole de l’univers balzacien où le décor reflète le caractère des personnages, le fauteuil de Balzac est la métaphore de son génie littéraire. Il représente également le confort d’unesociété bourgeoise en plein essor au XIXe siècle dont les valeurs et les rituels, comme les errements et les vicissitudes, sont peints dans La Comédie humaine.

Le fauteuil de Balzac, Château de Saché, Val de Loire. Il y écrivit notamment Les Illusions Perdues.

«A

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LE FAUTEUIL DE BALZAC

1829 -1852

Portrait de l a France du XIXe siècle

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e 14 novembre 1831, Charles Philippon, le directeur du journal La Caricature, tente de démontrer que « tout peut ressembler au roi » et exécute, lors de son procès, quatre « croquades en forme de poire ». C’est lui qui inventa le motif,

repris par Honoré Daumier (1808-1879). Michel-Ange de la caricature, Daumier collaboreaux différentes feuilles satiriques de la monarchie de Juillet et du Second Empire, notammentLe Charivari de Philippon. Il popularise la silhouette piriforme de Louis-Philippe dans son Gargantua publié en décembre 1831. Il est alors condamné à 500 francs d’amende et six mois de prison ferme pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi. » En 1834, il publie Le Ventre législatif, caricature de trente-cinq députés du « justemilieu ». Il illustre également Le Père Goriot de Balzac et commence sous la Seconde République une carrière de peintre.

LE SYMBOLE

Les poires de Daumier symbolisent la presse satirique et l’art de la caricature politique. Victime de la censure, elles s’imposent néanmoins dans la presse populaire. La végétalisationde Louis-Philippe reflète l’impuissance à gouverner de ce roi bourgeois qui veut donnerl’image d’un simple citoyen, de même que les caricatures ventripotentes du personnel politique constituent les prémices de l’antiparlementarisme.

Le Fauteuil de Balzac, époque Restauration, Château de Saché, Val de Loire

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Métamorphose de Louis-Philippe en poire, encre sur papier, Charles Philipon, 1831.

LES POIRES DE DAUMIER

1831

La france caricaturée

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La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, huile sur toile, 1830, Musée du Louvre.

e tableau de Delacroix est devenu une icône de la République triomphante. Pourtant, telle n’était pas l’intention

de son peintre. Les Trois Glorieuses des 27, 28 et 29 juillet 1830 chassent les Bourbons du trône.Charles X est contraint d’abdiquer tandis que le ducd’Orléans, Louis-Philippe, devient « roi des Français ».Témoin de l’insurrection populaire, Delacroix entreprend de retracer l’épopée parisienne. Le tableau est exposé au Salon en mai 1831. Au centre, l’allégorie de la Liberté, triomphante, drapeau tricolore en main et bonnet phrygien sur la tête, rappelle l’esprit révolutionnaire de 1789.Elle guide la foule franchissant barricades et cadavres selon une structure pyramidale quis’élève vers la victoire. « J’ai entrepris un sujet

moderne, une barricade, et si je n’ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrai-je pour elle. »

LE SYMBOLE

Ce tableau qui illustre si admirablement l’atmosphère d’exaltation de cette révolution de trois jours est l’un des chefs-d’œuvre d’EugèneDelacroix (1798-1863). L’œuvre fut pourtant rejetée par la critique de l’époque, car elle témoigne de la vision romantique du peintre, telle qu’on la retrouve, dans la littérature, chez Michelet ou Hugo. On a d’ailleurs souvent considéré que le jeune garçon à gauche de la Liberté était une prémonition de Gavroche.

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LA LIBERTÉ GUIDANT LE PEUPLE

1830 -1831

Les Trois Glorieuses

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LES HALLES DE BALTARD

1858 -1972

« Le Ventre de Paris » (Zol a)

onstruites à la fin du XIIe siècle, les halles de Paris ne suffisent plus, en ce début du XIXe siècle, à abriter le principal marché

parisien, qui souffre d’engorgement et de problèmesd’hygiène. Plusieurs projets voient le jour sous l’Empireet la monarchie de Juillet, sans succès. La rénovationest finalement confiée à l’architecte Victor Baltard(1805-1874). En 1851, un volumineux bâtiment depierre commence à s’élever, surnommé par les Parisiens« le fort de la Halle ». Louis-Napoléon Bonaparte, mécontent, ordonne la démolition de l’ouvrage. Séduit par l’architecture de la gare de l’Est, l’empereursouhaite qu’un toit similaire abrite les futures Halles : « Ce sont de vastes parapluies qu’il me faut, rien deplus. » Le projet définitif consiste en l’édification de deuxgroupes de six pavillons chacun, séparés par une rue.Baltard s’inspire de la forme des serres. Les bâtimentsrectangulaires, en fer et en verre, sont desservis par de

vastes passages couverts. Les travaux commencent en1854 et les six premiers pavillons sont inaugurés parNapoléon III en 1858. Mais le projet Baltard se révèlerapidement insuffisant : les Halles abritent un marchéoù l’on finit par manipuler près de 8 000 tonnes demarchandises par jour. En 1972, elles sont transféréesà Rungis. Les pavillons Baltard seront rasés à l’exceptionde l’un d’entre eux, transféré à Nogent-sur-Marne.

LE SYMBOLE

Les Halles de Baltard sont le « ventre de Paris » dontl’agitation a été décrite par Zola dans son roman de1873. Sur le plan technique, elles sont un chef-d’œuvrede l’architecture industrielle, caractérisée par l’usage du fer et du verre, que l’on retrouve dans les gares et bâtiments des expositions universelles, comme le Grand Palais.

CLes Halles Centrales, carte postale, vers 1916.

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e 19 août 1839, lors d’une séance à l’Institut de France, Louis-Jacques Daguerre (1787-1851) présente le premier procédé photographique de l’Histoire. S’inspirant des travaux de Nicéphore Niepce - qui a trouvé le moyen de fixer chimiquement

les vues de la chambre noire - Daguerre fixe l’image positive obtenue dans la chambre noiresur une plaque de cuivre enduite d’argent et développée aux vapeurs d’iode. Après une exposition de quelques minutes, l’image est révélée dans des vapeurs de mercure, puis fixéepar un lavage à l’eau salée. Le procédé, appelé « daguerréotype », donne des images d’une grande netteté et d’une étonnante précision. Séduit, Arago en vante les mérites à la Chambre des députés. L’État achète le brevet afin d’en « doter noblement le monde entier ». Le succès est immédiat et dépasse nos frontières. Les premières plaques représententdes natures mortes et des paysages, mais la demande d’images se focalise sur le portrait. Une « daguerréotypomanie » s’empare alors de la bourgeoisie, des artistes et des intellectuels.Les ateliers de prises de vue se multiplient à Paris et ne désemplissent guère, tel celui des frères Bisson. Malgré les résultats du procédé et son succès, sa complexité, sa fragilité -Arago le comparait à « des ailes de papillon » - le font rapidement abandonner au profitd’autres procédés plus performants.

LE SYMBOLE

Le daguerréotype est emblématique de l’histoire de la photographie. Les images daguerréotypéesoffrent un miroir fidèle de la vie des femmes et des hommes de la première partie du XIXe siècle,de ses paysages, ses monuments. Il symbolise la naissance du documentaire, qui tente de figerà travers le regard du photographe, dans la simplicité de l’image, une réalité complexe vouéeà disparaître. Objet du passé, il est en aussi la mémoire.

Daguerréotype d’Honoré de Balzac pris par Louis-Auguste Bisson vers 1842.

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LE DAGUERRÉOTYPE

1835 -1855

La France documentée

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Une leçon peu profitable, carte postale, vers 1904.

LE TABLEAU NOIR DE JULES FERRYl’École de l a République

�ne salle de classe. Un maître, des élèves. Des encriers, des porte-plumes,

des cahiers. Devant eux, le tableau noir. Le maître a pris soin d’y inscrire à la craieblanche la date du jour et la leçon de morale,une simple maxime : « Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier des peuples ; s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain. »(Jules Simon). Ainsi se résume l’ambition de l’école de Jules Ferry. Ministre de l’Instruction publique de 1879 à 1883, Ferry fit du tableaunoir le support pédagogique privilégié d’uneécole qui est désormais gratuite, obligatoire et laïque. Des générations d’enfants y ont apprisà lire, écrire et compter, mais aussi à aimer leurpays. Car la carte de France n’est jamais loin du tableau noir. Elle rappelle que la mère patrie,depuis la défaite de 1870, a « perdu deux filles »,l’Alsace et la Lorraine. Dans ce contexte, le tableau noir devient l’arme des « hussardsnoirs » de la République.

LE SYMBOLE

Le tableau noir est la métaphore de l’école de Jules Ferry, qui voulait enraciner les valeurs et la culture républicaines par l’école, parce quepour lui l’éducation du peuple était la conditionindispensable d’une démocratie solide et durable.Symbole de la connaissance, il est aussi celui de la préparation à la « Revanche » contre l’Allemagne.

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1879 -1883

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LA BARBE DE VICTOR HUGO

1818 -1885

Patriarche et prophète

Victor Hugo, immortalisé par Nadar, photographie, 1884.

ictor Hugo voulait « être Chateaubriand ou rien ». Il fut poète, dramaturge, romancier, académicien, homme

politique. Il a été le plus populaire des écrivainsde son époque et reste indissociable de sa barbeblanche, « ce magnifique cache-sottises ». Cette barbe résume son œuvre. Elle est la barbedes héros hugoliens, tels Jean Valjean, et celle du proscrit de Guernesey. Car c’est durant son exil dans l’île britannique que l’auteur des Misérables et de Notre-Dame de Paris, laissapousser sa barbe. Barbe des condamnés, elle est aussi la barbe de la liberté d’expression…ou la barbe d’une plume qui se déchaîna contre Napoléon-le-Petit.

LE SYMBOLE

La barbe de Victor Hugo, immortalisée parNadar en 1883, est la métaphore de l'écrivain,de son génie, de son œuvre. Elle est aussi la barbe de celui qui, à la fin de sa vie, se posa en patriarche de la génération romantique et en prophète d'une nouvelle ère. C’est lui quiannonça, au milieu du XIX e siècle, la créationdes États-Unis d'Amérique : « Un jour viendra(...) où vous toutes, nations du continent, sansperdre vos qualités distinctes et votre glorieuseindividualité, vous vous fondrez étroitementdans une unité supérieure, et vous constituerezla fraternité européenne. »

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805. Napoléon Ier a vaincu, « mais c’est le coq gaulois qui réveille le monde / Et son cri peut promettre à votre nuit profonde / L’aube du soleil d’Austerlitz. » (Victor Hugo, Odes et Ballades, 1826). Le coq apparaît dès l’Antiquité sur

les monnaies gauloises. Il devient une allégorie de la France à la suite de l’homonymie qui amuse les Romains : en latin gallus signifie gaulois et…coq. Au Moyen Âge, on retrouve le coq dans certaines représentations des rois de France. Les Anglais auraient usé du jeu de mots pour railler l’orgueil du roi Philippe Auguste. Utilisé pendant la Révolutionfrançaise, notamment sur le sceau du Directoire, il sera proposé comme emblème àNapoléon Ier. Mais l’Aigle refuse car « le coq n’a point de force, il ne peut être l’image d’un empire tel que la France. » Après les Trois Glorieuses, Louis-Philippe décide que le coqgaulois doit figurer sur les boutons d’habits et surmonter les drapeaux de la garde nationale.C’est sous la IIIe République qu’il devient un emblème national : la grille du parc du Palaisde l’Élysée, construite à la fin du XIXe siècle, est ornée d’un coq.

LE SYMBOLE

Symbole national, même si on lui préfère Marianne ou le drapeau tricolore, le coq gaulois est représenté sur l’insigne des maires, ainsi que sur de nombreux monuments aux morts et sur la grille du palais de l’Élysée. Il est également utilisé comme emblème sportif.

LE COQ GAULOISL’orgueil Français

Coq gaulois, détail d’une des portes de la Bibliothèque nationale de France, rue de Richelieu, bronze, XIXe siècle.

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aris est le cœur de la France. Mettons tous nos efforts à embellir cette grande cité, à améliorer le sort de ses habitants. » Tel est le projet de Louis-Napoléon Bonaparte en ce 10 décembre 1850. Il en confie la mise en œuvre à un homme énergique,

Georges-Eugène Haussmann (1809-1891), nommé préfet de la Seine en 1853. Outrel’ouverture de la « Grande Croisée » d’est en ouest (la rue de Rivoli et la rue Saint-Antoine) et du nord au sud (du boulevard de Sébastopol au boulevard Saint-Michel), Haussmannachève le tracé des Grands Boulevards. Les « boulevards » désignaient à l’origine les rempartsformés de terrasses aménagées pour l’installation des canons. Ils ont été transformés en larges avenues doublées de contre-allées bordées d’arbres sous Louis XIV. Le préfet de la Seine relie le premier cercle de Grands Boulevards à celui du mur des Fermiersgénéraux. Il perce sur la rive droite le boulevard qui porte son nom, ou encore le boulevardVoltaire, et sur la rive gauche le boulevard Saint-Germain. Il impose de nouvelles normes de construction, l’alignement de façades au plan identique, et des immeubles dont la hauteur est proportionnelle à la largeur de la rue. Ces boulevards deviennent un haut lieu de la vieparisienne, où se pavane la bourgeoisie du Second Empire. Les cafés prolifèrent boulevarddes Italiens. Toute la société élégante défile au glacier Tortini et au Café de Paris fréquentéspar Alexandre Dumas, Alfred de Musset ou Théophile Gautier, tandis qu’Offenbach triompheau théâtre des Variétés du boulevard Montparnasse.

LE SYMBOLE

Les Grands Boulevards sont le symbole de l’haussmannisation de Paris. Si certains la décrient,tels Baudelaire expliquant que « Le vieux Paris n’est plus ; la forme d’une ville / Change plusvite, hélas ! Que le cœur d’un mortel », d’autres la louent : « La civilisation se taille de largesavenues dans le noir dédale des ruelles (…). Des habitations dignes de l’homme danslesquelles la santé descend avec l’air et la pensée sereine avec la lumière du soleil. » (Théophile Gautier). Par-delà cette bataille entre conservateurs et partisans de ce chantier de l’histoire de l’urbanisme, Haussmann reste, dans la mémoire collective, le père du Parismoderne.

Perspective des Grands Boulevards (détail) , carte postale, 1917.

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LES GRANDS BOULEVARDS

D E PU I S 1850

Urbanisme et modernité

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LE MUR DES FÉDÉRÉS

1871

La Commune

8 mai 1871. En cette fin de « Semaine sanglante », les combats sont d’une rare violence au cimetière du Père-Lachaise.

C’est là que se sont retranchés les derniers communards.Les Versaillais donnent l’assaut final. Cent quarante-sept fédérés sont faits prisonniers et sont fusilléscontre l’enceinte du cimetière. Ils sont jetés dansune fosse commune creusée au pied du mur avec les autres communards. Le Mur des Fédérés devientun lieu emblématique de la gauche française, célébrédans des chansons, poèmes ainsi que par les peinturesd’Ernest Pichio. Depuis 1880, une « montée au mur »a lieu chaque année aux alentours du 28 mai. Tous les leaders de gauche, Jaurès, Blum, Thorez s’y sont

recueillis ; la plus importante commémoration étantcelle du 28 mai 1936 qui réunissait six cents millepersonnes.

LE SYMBOLE

Symbole de la Commune et de ses épisodes les plussanglants, le Mur des Fédérés est devenu un symbolede l’émancipation ouvrière et de la lutte rouge contrel’ordre bourgeois. Dans la mémoire de gauche ilrappelle, comme dans la chanson de Jules Jouy, que « les lions qu’on courrouce mordent quand ils sontréveillés ! Fleur rouge éclose dans la mousse, l’avenirpousse sur le tombeau des fusillés ! »

2Le mur des Fédérés, carte postale, début du XXe siècle.

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La Marianne de la place de la Nation, Paris.

MARIANNE

D E PU I S 1792

l a f ille de l a République

�arianne devint l’allégorie de la République sous la Révolution française. En 1792, après la chute

de la monarchie, la Convention décrète que « le sceau de l’État sera changé et portera pourtype la France sous les traits d’une femme vêtueà l’antique. » Elle est alors coiffée du bonnetphrygien, porté dans l’Antiquité par les esclavesaffranchis, symbole de liberté. L’origine de sonnom, Marie-Anne, très répandu au XVIIIe

siècle, n’est pas certaine. En 1797, le députéBarras, au cours d’une réception chez MmeReubell, née Marie-Anne Monhat, dit duprénom de son hôtesse : « Parfait, il est simple,il est bref et sied à la République autant qu’ilsied à vous-même. » L’image se répand parl’estampe, la peinture, la sculpture, mais devientclandestine sous l’Empire. Elle resurgit sous la IIe République avant de devenir l’emblèmeofficiel de la IIIe République. En 1875, lesbustes de Marianne se diffusent dans toutes les mairies remplaçant peu à peu les bustes deNapoléon III et les crucifix, tandis que la figures’impose dans l’imagerie d’Épinal.

LE SYMBOLE

Marianne est l’un de nos emblèmes nationaux,représentée sur les timbres-poste et lesdocuments officiels de la République française.D’abord symbole révolutionnaire, la « déesse aubonnet rouge » (Clovis Hugues, Lettre deMarianne aux républicains, 1871) incarne

aujourd’hui les valeurs de la République, libératriceet fraternelle, mais aussi, à travers cette figurematernelle, une République généreuse, pacifique et prospère. Aussi a-t-elle abandonné son bonnetphrygien pour prendre les traits de Françaisescélèbres, souvent issues du monde des arts (comme Catherine Deneuve ou Sophie Marceau).

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a Tour Eiffel a été construite par l’ingénieur Gustave Eiffel (1832-1923) à l’occasionde l’Exposition Universelle de 1889 qui célébrait le centenaire de la Révolution. Dès le début des travaux, des artistes renommés protestent contre « ce squelette

de beffroi » (Verlaine), « cette haute et maigre pyramide d’échelles de fer, (...) dont la basesemble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes et qui avorte en un ridiculeet mince profil de cheminée d’usine » (Maupassant), «…ce grillage infundibuliforme, ce suppositoire criblé de trous » (Huysmans). Mais ces polémiques cessent rapidementdevant le succès populaire de la Tour. Haute de 312 mètres en 1889, elle a été érigée en deux ans, deux mois et cinq jours, ce qui constitue une véritable performance techniqueet architecturale. Destinée à être démontée au bout de 20 ans, elle est sauvée par lesexpériences scientifiques et les premières transmissions radiographiques puis detélécommunication qui s’y installèrent.

LE SYMBOLE

La Tour Eiffel est le symbole de la France dans le monde entier et la vitrine de Paris.Elle est également l’archétype de l’architecture de l’ère industrielle, qui a su gagner « sa beauté propre », comme l’expliquait Gustave Eiffel en réponse aux protestations des artistes en 1887 : « Il y a (…) dans le colossal une attraction, un charme propreauxquelles les théories d’art ordinaires ne sont guère applicables. »

Les travaux de la Tour Eiffel, les ouvriers à 50 mètres au-dessus du sol, gravure de Louis Tinayre, Le Monde Illustré, 11 février 1888.

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LA TOUR EIFFELl a vitrine de Paris

�1887 -1889

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lles sont les héroïnes de Germinal de Zola (1885). Mais elles sont noires de souffrance, de sacrifices, de labeur au fond de la mine. Les « Gueules Noires » désignent les mineurs de fond qui ont travaillé à l’extraction du charbon du XIXe

siècle jusqu’à la fermeture des derniers puits au début du XXIe siècle. Mais ce surnomévoque surtout une identité, une culture, un langage de ce pays noir, où l’on est mineur de père en fils. Il renvoie aux conditions de travail éprouvantes, inhumaines, dans les fosses qui dévorent les hommes, les femmes, les enfants à chaque effondrement ou coup de grisou.

LE SYMBOLE

Les Gueules Noires sont l’emblème de la mine et des mineurs. Elles résument l’histoire du monde ouvrier, son patrimoine industriel, sa mémoire. Elles rappellent aussi la variété des f lux d’immigration qui a marqué l’histoire de la mine : Belges, Polonais, Italiens ontsué dans les mines de charbon. Elles symbolisent enfin « la lutte du travail et du capital », comme le formulait admirablement Zola dans Germinal : « Des hommes poussaient une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons grandissant pour les révoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. »

Groupe de Mineurs, Lens, carte postale, vers 1935.

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LES GUEULES NOIRES

X IX E - XX E S I È C L E

Le monde ouvrier

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Le Moulin Rouge, carte postale, 1971.

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octobre 1889. Les Parisiens découvrent, au cœur de Montmartre, un nouveau cabaret, Le Moulin Rouge. À l’intérieur,

une gigantesque piste de danse, des miroirs partout ; à l’extérieur, un jardin agrémenté d’un énormeéléphant et des promenades à dos d’âne pour les dames ! Le succès est immédiat. Le MoulinRouge devient le roi des music-halls où viennents’encanailler les bourgeois du Tout-Paris. Toulouse-Lautrec (1864-1901) immortalise la viedu Moulin Rouge, ses clients, ses danseuses et dessine les affiches publicitaires du cabaret. On vient y voir les danseuses du french cancan, qui, bas noirs, jarretières et dentelles, ensorcellent

les spectateurs, à cette époque où le corps des femmes est très peu dévoilé dans la société. On assiste aux célèbres revues, on admire les vedettes,La Goulue, Mistinguett, Maurice Chevalier, plus tardCharles Trenet et Aznavour.

LE SYMBOLE

Symbole de la vie parisienne à la Belle Époque, le Moulin Rouge est l’emblème des cabarets et desmusic-halls français. Il est également un emblème de l’industrie du divertissement qui est née au débutdu XXe siècle.

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LE MOULIN ROUGE

D E PU I S 1889

l a Belle Époque

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e 28 décembre 1895, au Salon indien du GrandCafé à Paris, boulevard des Capucines, a lieu la première séance publique payante du

cinématographe Lumière. Le premier film de l’Histoireest La sortie de l’Usine Lumière à Lyon. Auguste(1862-1954) et Louis (1864-1948) Lumière ontdéposé en février 1895 le brevet d’un « appareilservant à l’obtention et la vision des épreuveschrono photographiques ». Le cinématographe est à la fois une caméra et un projecteur, mis au pointpar Louis, avec l’aide d’Auguste, en perfectionnantles recherches de Thomas Edison. L’appareil agit par intermittence sur un ruban régulièrementperforé de manière à lui imprimer des déplacementssuccessifs séparés par des temps de repos pendantlesquels s’opère soit l’impression, soit la vision

des épreuves. Cette innovation séduit d’emblée le public (des centaines de spectateurs se précipitentau Grand Café) et provoque un véritable engouementà la Belle Époque. Son exploitation commerciale sediffusera bientôt dans le monde entier ainsi que laproduction de films, après la naissance du premierfilm de fiction (en 1896) et l’ouverture du premierstudio de cinéma à Montreuil-sous-Bois (en 1897).

LE SYMBOLE

Le cinématographe des frères Lumière est le symbolede la naissance du 7e Art. Il marque les débuts d’une industrie du divertissement, l’un des emblèmesde l’ère et de la société industrielles du XIXe siècle.

LCinématographe Lumière, affiche, Marcel Auzolle, 1896.

LE CINÉMATOGRAPHE

1895

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Les Frères Lumière et l ’ invention du 7em e art

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3 janvier 1898. Alors que le capitaine Alfred Dreyfus, accusé de haute trahison, purge sa peine au bagne de l’île du Diable, Émile Zola prend sa plume. Dans le journal L’Aurore de Georges Clemenceau, il s’adresse publiquement

au président de la République. Après avoir rappelé l’historique de l’Affaire, il dresse une liste des accusés : « J’accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam (…) j’accuse le général Mercier (…) j’accuse le général Billot… » C’est le cri d’un écrivain renommé, au nom de la vérité et de la justice : « Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas (…),je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que (…) des esprits de malfaisance sociale. (…) Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanitéqui a tant souffert et qui a droit au bonheur. » Le style est saillant, la rhétorique digne d’un prétoire. L’Affaire Dreyfus est relancée. Comme il l’avait prévu, Zola est jugé pourdiffamation devant la cour d’assises de la Seine en février 1898. L’écrivain sera condamné à un an de prison ferme et à 3 000 francs d’amende. Le soir-même, il prend les chemins de l’exil et gagne l’Angleterre.

LE SYMBOLE

La portée du J’accuse est immense. Outre la relance de l’Affaire, elle cristallise les positionsdes dreyfusards et des antidreyfusards. Les dreyfusards, favorables à la révision du procès, se battent pour le triomphe de la Justice, de la Vérité, des Droits de l’homme. Les antidreyfusards se déchaînent contre l’écrivain, traître à la nation, qui ose ternir l’imagede l’armée. Symbole de l’Affaire Dreyfus, ce texte marque la naissance de « l’intellectuelengagé », qui prend publiquement la parole pour défendre des valeurs. Il est égalementemblématique de l’affirmation de la presse comme « quatrième pouvoir ».

L’Aurore daté du 3 janvier 1898 dans lequel parut le « J’accuse » de Zola.

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LE « J’ACCUSE » D’ÉMILE ZOLAL’affaire Dreyfus

�1898

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e cléricalisme, voilà l’ennemi. » Cette célèbre phrase de Léon Gambetta témoigne de l’état d’esprit d’une partie des républicains, qui, dans les années 1880, entendent enraciner la République dans les esprits en la soustrayant

à l’influence de l’Église. Les lois Ferry de 1880-1881 définissent une école laïque, ce que les catholiques dénoncent comme « une école sans Dieu ». Émile Combes, président du Conseil de 1902 à 1905, mène une politique particulièrement anticléricale contre les congrégations. Cet ancien séminariste, surnommé le Petit père Combes, ordonne l’expulsion des Chartreux en 1903, manu militari. La loi de Séparation de l’Église et de l’État, en juillet 1905, cristallise le conflit entre les catholiques et les républicains. Désormais, « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. » L’article 3 prévoit que les biens mobiliers et immobiliers de l’Église seront inventoriés par l’État, puis transférés aux « associations cultuelles » qui se seront constituées. Une partie des biens de l’Église seront nationalisés. Partout, des groupes de défense se forment, résolus à protéger, fût-ce par la force, les lieux de culte. On assiste à des heurtsviolents entre la police et les manifestants dans le Nord, à Paris, en Bretagne. Dans certaines régions, la population empêche le succès des Inventaires. En 1906 Clemenceau, devenu devient président du Conseil, suspendra les Inventaires.

LE SYMBOLE

La lutte anticléricale du Petit père Combes symbolise la politique laïque mise en place au début de la IIIe République. Il s’agit alors d’une laïcité de combat. La laïcisation progressive de la société au XXe siècle a élargi cette valeur républicaine en une neutralitébienveillante à l’égard des religions, au sein de l’État et de l’école.

Le Combes de l’activité dévorante pour faire le mal, caricature d’Achille Lemot, Le Pèlerin, 27 juillet 1902.

«L

LE PETIT PÈRE COMBES

1902 -1905

Séparation de l ’Église et de l ’État

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aigre et hirsute, le dos voûté, la barbe inculte, les yeux infiniment doux, il apparaissait dans notre sceptique Paris comme un prophète du désert. » (Gabriel Hanotaux). Cette description de Pierre Savorgnan de Brazza

(1852-1905) reflète la fascination des contemporains pour l’explorateur. Cet Italiennaturalisé français a senti très jeune l’appel de la mer et de l’Afrique. En 1875, il quitteLibreville et part à la découverte du fleuve Ogooué. De retour à Paris en 1878, il souhaitegagner de vitesse son meilleur ennemi, Stanley, qui explore le Congo pour le compte du roides Belges, Léopold II. Brazza repart pour le Congo en 1880 pour y établir la dominationfrançaise. Après avoir fondé Franceville, il remonte le fleuve Congo et entre en contact avec le grand chef noir Makoko qui accepte le protectorat français. Le Congo français est né.Brazza organise la colonie française et fonde Brazzaville en 1884. Mais sa gestion du Congoest critiquée par le parti colonial, qui lui reproche de faire obstacle à l’exploitation des colonies et au travail forcé des indigènes. Déçu par la trahison de son idéal de conquête,Brazza s’éteint le 14 septembre 1905 à Dakar, victime de la dysenterie.

LE SYMBOLE

Savorgnan de Brazza est le symbole de la conquête coloniale de l’Afrique et de « la course au clocher » à laquelle se sont livrées les puissances européennes dans les années 1880-1890. Le plus populaire des explorateurs français a su entretenir sa légende de libérateur d’esclaves, d’apôtre de la paix et de chantre de la mission civilisatrice de l’homme blanc.

LES VÊTEMENTSDE SAVORGNAN DE BRAZZA

1880 -1905

La colonisation

M. Savorgnan de Brazza in Le Petit Journal, Supplément illustré, 19 mars 1905.

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Louis Pasteur, huile sur toile, 1885, Albert Edelfelt, Musée d’Orsay.

e 6 juillet 1885, on amène à Louis Pasteurle petit Joseph Meister qui a été mordu par un chien enragé. Pasteur (1822-1895)

est à cette époque un chimiste et un biologistemondialement connu pour ses travaux sur la fermentation et les maladies infectieuses. Il a mis au point le principe de la vaccination en 1881. Depuis, il étudie la rage. Il en a trouvéle virus et découvert qu’il était possible de l’atténuer par des passages successifs dans des moelles de lapin exposées à l’oxygène de l’air. Des chiens ayant reçu des extraits de cette moelle ont résisté à la rage. Il décided’en inoculer au petit Joseph Meister. L’enfantest sauvé après plusieurs injections. Pasteur vient de mettre au point le vaccin contre la rage.

LE SYMBOLE

Le vaccin de Pasteur est l’emblème desdécouvertes du savant, qui est le fondateur de l’immunologie. La « pasteurisation » tire son nom du procédé qu’il a mis au point pour la conservation des corps fermentescibles.Pasteur est l’un des pères de la biologie et de la médecine modernes.

LE VACCIN DE PASTEUR

1885

�L

Le progrès de l a médecine

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Les marins de L’Escopette aperçoivent Blériot, carte postale, Aqua-photo Éditeur, 1909.

e 25 juillet 1909 à 4h35 du matin, Louis Blériot (1872-1936) décolle des Baraques, non loin de Calais. Moins de trois quarts

d’heure plus tard, à 5h12, il atterrit à North FallMeadow, dans les environs de Douvres. Il vientd’effectuer la première traversée aérienne de la Manche et gagne le prix du Daily Mail d’un montant de 1 000 livres. Il effectue ce vol de 38 km à bord du monoplan le Blériot XI, qu’il avait lui-même conçu et équipé d’un moteur« Anzani » de 25 CV. L’avion de l’exploit est exposéau Musée national des Arts et Métiers.

LE SYMBOLE

Le Blériot est un symbole de l’histoire de l’aviation.Il marque aussi le début de l’industrie aéronautique,civile et militaire. Durant la Première Guerremondiale, Louis Blériot lança la série des Spad, sur laquelle s’illustra Guynemer. Son exploit futrelayé par celui de l’Américain Charles Lindbergh, qui effectua la première traversée aérienne de l’Atlantique en 1927.

L

LE BLÉRIOT

1909

l a conquête du ciel

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e veux dans Au bonheur des dames faire le poème de l’activité moderne. » Tel est l’objectif d’Émile Zola lorsqu’il travaille à la rédaction de ce roman sur les grands magasins, publié en 1883, et qui s’inspire du Bon Marché. Situé sur la rive gauche

de la Seine, Le Bon Marché est la propriété d’Aristide et Marguerite Boucicaut. L’architectureest mise au service de la vente : le grand magasin doit être lumineux et tout est conçu pour le regard, la circulation des clientes, des produits, notamment grâce à l’escalier centralqui permet une vue d’ensemble sur les rayonnages. Boucicaut révolutionne les techniques de vente. Jusqu’au début du Second Empire, le commerce de détail était spécialisé et fonctionnait sans prix affiché. La vente résultait d’un marchandage entre l’acheteur et le vendeur. Au Bon Marché est instauré le prix fixe du produit sur étiquette. Les ventessont faites à petit bénéfice, mais compensées par l’importance des marchandises écoulées. Les vendeurs sont rémunérés en fonction de leurs ventes. L’entrée est libre. C’est la naissancedes grands magasins et du lèche-vitrine, sans obligation d’achat. Enfin, l’accent est mis sur les nouveautés, la diversité des produits, les articles de mode. Le magasin connaîtrapidement un immense succès. En 1852, date de sa création, il compte douze employés et quatre rayons. En 1867, le Bon Marché emploie 1 800 personnes dans trente-neuf rayonspour un chiffre d’affaire de plusieurs millions de francs. Boucicaut ne cesse de perfectionner sa formule : il institue les chefs de rayons spécialisés, crée un service de livraison à domicile,inaugure la vente par correspondance et la « réclame ». On l’imite avec succès : Jules Jaluzotfonde en 1865 le Printemps, tandis qu’Ernest Cognacq et Marie-Louise Jay ouvrent la Samaritaine en 1869.

LE SYMBOLE

Le Bon Marché est l’emblème des grands magasins du XIXe siècle. Il est le reflet des transformations économiques et sociales de l’ère industrielle : la « cathédrale des tempsmodernes » qu’évoquait Zola. La mécanisation des industries textiles avait en effet permiscette production de masse qui fit le succès des premiers grands magasins. Mais le BonMarché est aussi l’une des premières entreprises commerciales qui développe des techniques de marketing avant la lettre. Il est en quelque sorte le symbole de la naissance de la société de consommation.

Le Bon Marché, département des Tapis d’Orient et vieilles tapisseries, héliogravure, début du XXe siècle.

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LE BON MARCHÉLa société de consommation

�D E PU I S 1852

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ébut du XXe siècle. C’est la Belle Époque. Mais malfrats, bandits, bagnards rôdent sur les routes de France. L’insécurité est grandissante. Les « bandits d’Hazebrouck » commandés par le « capitaine » Pollet attaquent et pillent les bourgs du Nord

de la France. Entre 1905 et 1908, les « chauffeurs de la Drôme » torturent, assassinent et volent des personnes âgées. Le « Tigre » entend restaurer l’ordre. Georges Clemenceau(1841-1929), président du Conseil et ministre de l’Intérieur, crée en 1907 douze brigadesde police mobile chargées de lutter contre le crime organisé sur tout le territoire. Elles sont équipées de voitures dès 1910, des limousines de De Dion-Bouton puis Panhard-Levassor, et utilisent les méthodes et techniques de la police scientifique, telles que les anthropométries de Bertillon. L’efficacité de ces unités, rapidement appelées « Brigades du Tigre », le surnom politique de Clemenceau, a fait leur gloire.

LE SYMBOLE

La naissance des Brigades du Tigre consacre la création de la police judiciaire. Elles sontaussi l’un des emblèmes de l’œuvre politique de Georges Clemenceau, « premier flic de France » avant d’être le « Père-la-Victoire » en 1919. Leur succès a inspiré la télévision et le 7e Art.

La Fin du Bandit, couverture du Petit Journal, Supplément Illustré, 12 mai 1912. Le préfet de police Lépine procède ici à l’arrestation de Jules Bonnot, chef de la célèbre Bande à Bonnot.

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LES BRIGADES DU TIGRE

1907 -1935

Le nouveau visage de l a police

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e 6 septembre 1914, alors que les avant-gardes allemandes sont à une cinquantaine de kilomètres de Paris, le général Gallieni réquisitionne six cent trente taxis parisiens,en majorité des Renault AG1, pour acheminer des troupes françaises en renfort.

Partis de la place des Invalides en deux convois, les 6 et 7 septembre, ils acheminent à une vitesse moyenne de 25 km/h plus de cinq mille soldats des 103e et 104e régimentsd’infanterie dans la zone des combats à Nanteuil-le-Haudouin et Silly-le-Long. Quatre à cinq soldats sont chargés par taxi en plus du chauffeur, certains faisant le voyagesur le marchepied. Les véhicules réquisitionnés regagnent ensuite la capitale, où leurs courses seront payées par l’État.

LE SYMBOLE

L’usage inédit des taxis parisiens ne changea assurément pas le cours de la bataille de la Marne, tant les effectifs transportés étaient modestes au regard des centaines de milliers d’hommes engagés. Mais l’épisode acquit, grâce à la presse et à la propagande,une forte portée symbolique. Les taxis parisiens représentaient l’ingéniosité française et le sursaut national de tous les Français brisant la progression de l’envahisseur dans une sorte de remake de Valmy, version 1914. La légende des « taxis de la Marne » était née.

Un soldat au volant de l’un des taxis de la Marne, photographie, anonyme, septembre 1914.

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LES TAXIS DE LA MARNELa mobil isation au front

�1914

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LE WAGON DE RETHONDES

11 novemb re 1918

Guerre et paix

Le maréchal Foch, entouré de l'état-major des Alliés, sortant du wagon de Rethondes suite à la signature du traité de l'Armistice le 11 novembre 1918. Photographie E. Hutin, 11 novembre 1918.

e 11 novembre 1918, à Rethondes, dans la forêt de Compiègne, est signé l’armistice entre la France et l’Allemagne,

qui marque la fin de la Première Guerre mondiale. La scène se déroule dans la voiture-restaurant2419D de la Compagnie internationale de wagons-lits, aménagée en bureau pour le maréchal Fochdurant la guerre. Exposé de 1921 à 1927 dans la

cour d’honneur des Invalides, le wagon estensuite transféré sur le site aménagé de laclairière de Rethondes. Mais la défaite de laFrance en 1940 change sa destinée. Désireuxd’effacer l’humiliation de 1918, Hitler exige d’y signer l’armistice le 22 juin 1940. Selon le récit du journaliste américain William Shirerprésent sur place, le Führer est arrivé dans la fameuse clairière le 21 juin 1940 dans l’après-midi. Descendu de sa voiture, il prend le temps de lire l’inscription qui figure sur lewagon : « Ici, le 11 novembre 1918, succomba le criminel orgueil de l’Empire allemand, vaincupar les peuples libres qu’il avait essayé d’asservir. »Puis il entre dans le wagon et s’assoit à la placeoù s’était tenu le maréchal Foch. Hitlerordonnera le transfert du wagon historique, à Berlin, où il sera exposé tel un trophée pendanttoute la guerre. Il sera incendié et détruit par les SS en avril 1945 sur ordre d’Hitler.

LE SYMBOLE

La voiture-restaurant 2419 D du maréchal Fochconstitue pour les Français, le symbole de la victoire sur l’Allemagne de Guillaume II et l’espoir d’une paix durable. C’est cet emblèmedu triomphalisme gaulois qu’Hitler a vouludétruire en juin 1940. Le wagon de Rethondesdevint dès lors le symbole de la défaite et dudéshonneur. La signification historique du wagonexplique sa reconstitution, dans une voiture issuede la même série, exposée dans le mémorial du site de la clairière de Rethondes. L

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LA TOMBE DU SOLDAT INCONNU

DEPU I S 1919

Le devoir de mémoire

Commémoration devant la Tombe du Soldat inconnu, Arc de Triomphe, Paris.

leur hostilité à l’Occupant. La flamme du souvenir est aussi la flamme de la Résistance, de la lutte pour la liberté et contre la barbarie. Ce lieu, devenu un culte,est également l’un des espaces de la réconciliationfranco-allemande, qui, après la poignée de main Kohl-Mitterrand à Douaumont en 1984, vit lachancelière allemande Angela Merkel aux côtés du Président Nicolas Sarkozy le 11 novembre 2009.

l me vint une pensée simple. J’appartiens au 6e corps. En additionnant les chiffres de mon régiment, le 132, c’est également

le chiffre 6 que je retiens. Ma décision est prise : ce sera le 6e cercueil que je rencontrerai. » AugusteThin s’avance et dépose sur le sixième cercueil le bouquet d’œillets que lui a donné le ministredes Pensions. Le jeune homme vient de choisir le soldat « inconnu ». L’idée de rendre un hommagenational à un combattant de la Grande Guerre est née durant le conflit. Initialement, il a étéenvisagé de l’honorer au Panthéon : « Au Poilu, la Patrie reconnaissante ». En 1919, le principe estadopté par la Chambre bleu horizon, mais c’estfinalement l’Arc de Triomphe, érigé par NapoléonIer pour célébrer les victoires de la Grande Armée,qui est retenu. Huit corps de soldats français nonidentifiés, choisis sur les différents secteurs dufront, sont transportés dans la citadelle de Verdun.Le 10 novembre 1920, le soldat Thin désigne le cercueil de celui qui doit être ramené à Paris. Le 11 novembre au matin, le cercueil est déposédans une des salles de l’Arc de Triomphe. Le Soldat inconnu est inhumé au centre de l’archeprincipale, face aux Champs-Élysées, le 28 janvier1921. La flamme est allumée pour la première foisle 11 novembre 1923 par le ministre de la GuerreAndré Maginot. Depuis cette date, elle ne s’estjamais éteinte. Chaque soir, elle est ravivée par desreprésentants d’associations d’anciens combattants.

LE SYMBOLE

La Tombe du Soldat inconnu est un haut lieu de notre mémoire nationale. Au-delà de lacommémoration des combattants de la PremièreGuerre mondiale, il rend hommage au sacrifice de tous les soldats français morts pour la patrie, sa défense, son intégrité. C’est ainsi que le 11 novembre 1940, les étudiants y manifestèrent

«I

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octobre 1925. Première de la Revue Nègre. Le Tout-Paris est dans la salle. La « négresse » Joséphine paraît sur scène, seins nus, les hanches marquées d’une ceinture de bananes, et se dandine sur les airs du charleston, alors inconnu

en France. Le scandale est immense, mais le public est séduit : une star est née. JoséphineBaker (1906-1975) est originaire de Saint-Louis, dans le Mississipi ségrégationniste.Passionnée de danse depuis son enfance, elle gagne Broadway à l’âge de 16 ans où elle est remarquée par la femme d’un diplomate américain qui recherche des artistes noirs pour monter des revues à Paris. Joséphine débarque en France en 1925. Elle devientrapidement une vedette du music-hall, non seulement par ses spectacles de danse, mais aussicomme chanteuse avec La petite Tonkinoise et J’ai deux amours. Elle épouse en 1937l’industriel français Jean Lion et est naturalisée. Mais derrière l’image exotique du Serpent à plumes se cache une femme engagée dans la lutte pour les droits civils de la communauténoire. Elle est aussi une résistante qui mit sa notoriété au service de la France Libre. Elle s’éteignit en 1975 au lendemain d’une soirée de gala à Bobino.

LE SYMBOLE

La première star noire de l’Histoire est l’emblème des Années Folles. Sa silhouette,ses attitudes, ses cheveux courts à la garçonne reflètent la libération du corps des années

1920-1930. Le look de Joséphine symbolise également le goût pour l’exotisme et la culture nègre qui a inspiré les peintres cubistes de cette époque. Considérée par certains comme le stéréotype de l’image dégradante du Noir, Joséphine luttait avec humour contre les préjugés : « Puisque que je personnifie la sauvage sur scène, j’essaie d’être aussi civilisée que possible. »

2

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LE LOOK DE JOSÉPHINE

ANNÉ E S 1920

Les Années Folles

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LE TANDEM DE 1936

1936

Les premiers congés payés

té 1936. Un vent de liberté souffle sur les milliers de Français qui, pour la première fois, partent en vacances.

Ouvriers et employés s’empressent de quitter leur univers urbain pour profiter des deux semainesde congés payés que le gouvernement du Frontpopulaire, dirigé par Léon Blum, leur a accordées.Le tandem connaît son heure de gloire. Il permetaux ouvriers qui n’ont pas les moyens de voyager en train de partir sur les routes de France. En coupleou avec un enfant, si l’on fixe une petite selle, avecou sans remorque, on flâne, bercé par la chanson de Jean-Fred Mélé : « Je fais du tandem, Tu fais dutandem, C’est bon pour l’hygiène, Et ça nouspromène. »

LE SYMBOLE

Le tandem est le symbole des premiers congés del’histoire de France et de l’été 1936. Le jumelage des jambes accompagne celui des cœurs, et reflète l’embellie d’une conditionouvrière qui accède à la dignité grâce aux conquêtessociales du Front populaire. Il illustre également lanaissance des loisirs populaires, notamment sportifs,comme en témoigne l’engouement pour le Tour deFrance, inscrit dans la légende depuis le début duXXe siècle.

ÉScène de départ en vacances, lithographie, anonyme, vers 1938.

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Gabrielle Chanel sur l’épaule de Serge Lifar, photographie de Jean Moral, 1937.

out mon art a consisté à couper ce que les autres ajoutaient. » Gabrielle Chanel (1883-1971)

n’est pas seulement une créatrice de mode hors du commun, devenue un symbole de l’élégance française. Elle a révolutionné les vêtements féminins. Bannissant le corset,utilisant le jersey, elle crée des tailleurs amples et souples, raccourcit les jupes et popularise le port du pantalon, interdit aux Françaisesdepuis la Révolution. Son style androgyne,cheveux courts et pantalons, qui se développedans les Années Folles, montre une femmedynamique, libre de ses mouvements, sans renoncer pour autant à sa féminité.

LE SYMBOLE

Le pantalon de Coco Chanel est le symbole de l’émancipation féminine, qui passe par une libération vestimentaire du corps des femmes. Mais « la révolution du pantalon »,initiée par Coco Chanel dans le sillage de quelques pionnières comme George Sand, fut lente à s’imposer. Il fut interdit dans les écoles jusque dans les années 1970 et à l’Assemblée nationale, les huissiers n’en ont autorisé le port qu’en… 1978 !

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LE PANTALON DE COCO CHANEL

ANNÉ E S 1930

La révolution du pantalon

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’a bon… Banania ! » scande un tirailleur sénégalais, tout sourire déployé. Le slogan a marqué des générations de jeunes Français qui, au petit déjeuner, buvaient leur lait avec du Banania. Créée en 1912, la société Banania avait mis

au point une poudre solvable composée de farine de cacao, de banane, de céréales et de sucre.Sa publicité fut tout de suite axée sur sa valeur nutritionnelle et énergisante. Son premieremblème était une Antillaise aux couleurs chamarrées, affublée de la coiffe traditionnelle en madras. La Première Guerre mondiale et l’usage massif de la « force noire », suivantl’expression du général Mangin, conduisent Banania à opter pour la figure d’un tirailleursénégalais qui constitue jusqu’en 1967 son image de marque. Mais avec la fin de l’empirecolonial, la figure emblématique du tirailleur s’est peu à peu rétrécie pour disparaîtrefinalement des paquets de Banania.

LE SYMBOLE

Le tirailleur sénégalais de Banania fut le symbole d’une grande réussite commerciale à l’époque des colonies françaises. Ses promoteurs ont su créer un produit dont l’image de marque épousait son époque, celle de l’empire et de la « force noire ». Il constitue à cet égard un bon révélateur du poids de l’imagerie coloniale dans la société française du milieu du XXe siècle. Il n’est donc pas surprenant que le slogan lancé par le tirailleursénégalais ait été, à partir des années 1970, de plus en plus critiqué car porteur d’une vision stéréotypée du Noir, sorte de grand enfant niais baragouinant le français.

Boîte de chocolat Banania, années 1950.

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LE TIRAILLEUR SÉNÉGALAISDE BANANIA

Exotisme et commerce

�1912 -1967

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LA LIGNE MAGINOT

1930 -1940

La guerre de position

n 1919, l’Alsace et la Lorraine redeviennent des provinces françaises. Les « Boches » sont condamnés à payer de lourdes

réparations à la France. Mais rien n’est acquis à jamais. Les Français, prudents, veulent défendreleur frontière avec l’Allemagne, pour éviter qu’uneinvasion semblable à celles de 1870 et de 1914 ne se reproduise. Au début des années 1930, il estdonc décidé d’ériger une ligne de fortifications le long de la frontière est, de la mer du Nord à laMéditerranée. Elle porte le nom du ministre de la Guerre, André Maginot (1877-1932), un vétérande la bataille de Verdun. La ligne est composéed’ouvrages d’artillerie, partiellement enterrés et reliésentre eux par des galeries souterraines donnantaccès à des casernements, des casemates à vivres, des soutes à munitions et des usines de productiond’électricité. Un chemin de fer souterrain relie lesdifférents bastions. Mais, faute de moyens, la lignedemeure inachevée et discontinue. Elle fait naître

cependant chez les militaires français un sentimentde sécurité illusoire. En juin 1940, la Wehrmacht n’aqu’à contourner la ligne, incomplète, pour arriver enquelques semaines jusqu’à Paris. Les soldats affectés à sa défense se retrouvent isolés. Ils peignent sur les parois bétonnées de la ligne Maginot, qui passe,intacte, aux mains des Allemands.

LE SYMBOLE

La ligne Maginot, vestige impressionnant del’histoire de la France, est un témoin des progrès de la technologie militaire française au début du XXe

siècle dans le domaine de la construction mécaniqueet de la production d’électricité. Elle est aussi le symboled’une stratégie militaire défensive dépassée. Héritéede la guerre des tranchées de la « der des ders », ellese révéla inefficace face aux nouvelles méthodes dela « guerre éclair » allemande qui utilisait les avionset les chars.

ELa ligne Maginot, avec, au loin, la ligne bleue des Vosges.

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LA POIGNÉE DE MAIN DE MONTOIRE

1940

Couverture du journal L’Illustration du 9 novembre 1940représentant le maréchal Pétain serrant la main à AdolfHitler.

e 24 octobre 1940, le maréchal Pétain rencontre, dans la petite ville de Montoire-sur-le-Loir, Adolf Hitler.

Les deux hommes échangent une poignée de main sur le quai de la gare avant de discuterdans le wagon du Führer. Préparée par larencontre du 22 octobre 1940 entre PierreLaval, Hitler et Ribbentrop, cette entrevue actele principe de collaboration politique,économique et militaire du gouvernement de Vichy avec l’Allemagne nazie. Le chef de l’État français justifie ce choix dans son discours radiodiffusé du 30 octobre : « Français, j’ai rencontré, jeudi dernier, le chancelier du Reich. […] C’est dans l’honneuret pour maintenir l’unité française […] dans le cadre d’une activité constructive du nouvelordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration. Cette politique estla mienne. Les ministres ne sont responsablesque devant moi. C’est moi seul que l’Histoirejugera. »

LE SYMBOLE

La poignée de main de Montoire est l’emblèmede la collaboration entre l’État français et le Troisième Reich. Pour les Français quiconsidèrent l’Allemagne comme un ennemi(toute la moitié nord de la France est alorsoccupée), cette entrevue fut aussi perçuecomme un acte de trahison du régime de Vichy.Les images de l’événement sont significatives,matérialisant la hiérarchie entre vainqueur et vaincu. Leur portée symbolique fut utiliséepar la propagande allemande, par le régime

de Vichy, puis par la France libre. La poignée demain entre Hitler et Pétain n’a jamais été filméecar le caméraman a été gêné par le ministreallemand des Affaires étrangères, Ribbentrop, et par l’interprète. Seuls les photographes se trouvant en face ont pu figer l’instant. Ce sontdonc les techniciens de « France Libre Actualités »qui ont, en novembre 1944, inséré le gros pland’une poignée de main fictive, sous doute tournéeen studio, entre les images des deux hommes.

L

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La Coll aboration

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8 juin 1940. Dix-huit heures dans le studio 4 C de la BBC à Londres. Charles de Gaulle lit les premiers mots de son appel historique : « La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre ! » En pleine débâcle,

une voix s’élève pour poursuivre le combat. Éphémère sous-secrétaire d’État à la Défensenationale dans le Gouvernement de Paul Reynaud du 5 au 16 juin 1940, de Gaulle estalors peu connu. Il a quitté Bordeaux le 17 juin 1940 pour gagner l’Angleterre où il espèrerallier d’autres Français à sa cause avec le soutien des Britanniques. Diffusé pour la première fois le 18 juin, et quatre fois le lendemain, l’appel est dans les faits peu écouté.La célèbre phrase n'est d’ailleurs pas prononcée ce jour-là, mais ajoutée par la suite dans les versions de l’appel qui ont été placardées sur les murs de Londres à l’été 1940. La France libre est née et le micro en est initialement la seule arme, ce que le Généralrésume, dans ses Mémoires de guerre, par la formule : « puisque ceux qui avaient le devoirde manier l’épée de la France l’ont laissé tomber brisée, moi, j’ai ramassé le tronçon du glaive. » De Gaulle devenu Président de la République utilisera la télévision pour sa communication. Mais, au plus fort de la crise de Mai 1968, il a recours, le 30 mai, à la force du verbe radiophonique. Quelques heures plus tard, cinq cent millepersonnes répondent à son appel et déferlent sur les Champs-Élysées.

LE SYMBOLE

De Gaulle s’exprime soixante-sept fois sur les ondes de la BBC durant le second conflitmondial, notamment au cours de l’émission radiophonique « Les Français parlent auxFrançais », ce qui lui vaudra le surnom de « Général micro ». L’invention du génial Edison(qui mit également au point le phonographe et le télégraphe) incarne ainsi la « voix de la liberté », le lien, sonore avant d’être visuel, presque charnel, entre les Français et le chef de la France Libre. Symbole de la Résistance, ce micro est aussi le mythe fondateur du gaullisme.

1

Allocution du général de Gaulle, à Londres, le 18 juin 1940.

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LE MICRO DU GÉNÉRAL

18 JU IN 1940

La Résistance

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ésormais le bulletin de vote doit remplacer le fusil. » Tel est l’objectif des républicains qui instaurent le suffrage universel masculin en 1848. Après la révolution de Février qui met fin à la monarchie de Juillet,

le Gouvernement provisoire proclame la République et arrête que « le suffrage serauniversel et direct, sans aucune condition de cens ». Le peuple doit déposer ses armes et préférer le changement par les urnes à l’insurrection. La Constitution de la IIe

République consacre le principe du suffrage universel qui n’est plus remis en cause, y compris sous le Second Empire. Il n’estcependant pas une garantie de démocratie avant la IIIe République. Dès lors, le vote à bulletin secret sous enveloppe et l’instaurationde l’isoloir en 1913 en font véritablement le « souff le de la démocratie ».

LE SYMBOLE

Le suffrage masculin consacre l’avènement du citoyen né avec la Révolution française.L’élection devient un moment fort de la pratique civique, qui s’enracine sous la IIIe

République. Mais il n’a d’universel que le nom, car il exclut les femmes de la vie politique.Le droit de vote et d’éligibilité sera octroyé aux femmes en 1944. Elles voteront pour la première fois de l’Histoire lors des élections municipales du printemps 1945.

Le scrutin féminin - 26 avri 1914, photographie, Branger, 1914.

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LE VOTE DES FEMMES

1944

l a France au féminin

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e cyclisme se développe à la fin du XIX e siècle mais il connaît ses heures de gloire avec la création du Tour de France au début du XXe siècle. La « Grande Boucle » est née des initiatives des journalistes Henri Desgrange

et Géo Lefèvre qui cherchaient un moyen d’augmenter l’audience de leur journal, L’Auto,de couleur jaune. Le premier Tour de France est lancé en juillet 1903. Il compte 2 428 km tronçonnés en six grandes étapes. Soixante coureurs prennent le départ… il en reste vingt à l’arrivée ! Le vainqueur, Maurice Garin, a couvert les quelque2 000 kilomètres en un peu plus de 94 heures. D’emblée, le Tour est un succès. Les ventes de journaux s’envolent. Les premières années sont ponctuées d’incidents, mais le Tour est lancé. Sa popularité s’accroît dans l’entre-deux-guerres. La GrandeBoucle est alors une grande fête estivale, retransmise à la radio à partir de 1929. Le maillot jaune (dont la couleur rappelle celle de L’Auto), porté par le leader du classement général, est créé en 1919. Eugène Christophe est le premier à le porter.Témoin du succès, la « caravane du Tour » voit le jour en 1930 et ne le quitte plus. Elle précède les coureurs et distribue échantillons et produits publicitaires. La télévision,qui suit le Tour au début des années 1950, confirme la popularité de l’épreuve. La diffusion du duel entre Raymond Poulidor et Jacques Anquetil sur les pentes du Puyde Dôme en 1964 passionne les Français. Aujourd’hui, malgré un certain discrédit lié aux affaires de dopage, la Grande Boucle demeure un succès populaire, sportif,publicitaire et médiatique.

LE SYMBOLE

Le Tour de France cycliste, devenu l’emblème des compétitions sportives en France, a séduit et inspiré nos voisins : il est considéré comme la plus prestigieuse épreuvecycliste du monde. Il est également un symbole d’unité nationale et de chauvinisme dans le soutien populaire aux cyclistes français. Il représente l’atmosphère festive des vacances estivales, des premiers congés payés de 1936 aux Trente Glorieuses. Enfin, l’histoire et les étapes de sa médiatisation, de la presse au petit écran, en font un symbole du développement des « mass médias » au cours du XXe siècle.

Pompiers de la ville de Montmédy arrosant les cyclistes du Tour de France, anonyme, photographie, vers 1950.

L

LE TOUR DE FRANCE

D E PU I S 1903

« Tour de France , tour de soufffrance » (Albert Londres)

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Borne kilométrique de la route Nationale 7.

LA NATIONALE 7Les vacances d ’été

�e toutes les routes de France et d’Europe, celle que j’préfère est celle qui conduit en auto

ou en auto-stop vers les rivages du Midi. » Écrite en 1955, La Nationale 7 de CharlesTrenet est un succès populaire. Héritière des routes de postes de l’Ancien Régime puis de la route impériale N8 reliant Paris à Rome, la N7 relie Paris au midi de la France en 996 kilomètres. Baptisée « route bleue » ou « route des vacances », elle est empruntéechaque été par des millions de Français qui se rendent en voiture dans les nouvelles stationsbalnéaires du Languedoc et de la Côte d’Azur. Le trajet dure deux jours et, pour faire patienter les enfants, les parents inventent des jeux à partir des panneaux publicitaires qui longent le parcours ou font une pause dans les villagestraversés. L’auberge la plus fréquentée est la « Borne 200 », à 200 km de Paris. Le refrainde Trenet résume l’atmosphère de cette épopée :« On est heureux Nationale 7 ». Elle estaujourd’hui déclassée par l’État et délaissée par les estivants qui lui préfèrent le réseauautoroutier.

LE SYMBOLE

La N7 symbolise, dans la mémoire collective, les vacances d’été des années 1950-1960, à une époque où le tourisme balnéaire se démocratisait sur la côte méditerranéenne :c’est à la même époque que furent construitesles infrastructures touristiques à la GrandeMotte, au Cap d’Agde, à Argelès. Elle reflètel’atmosphère des Trente Glorieuses, ces annéesoù la prospérité économique engendra pour les Français une forte hausse du niveau de vie.

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ANN É E S 1950 - 1960

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LA 2 CV

1948 -1990

Les Trente Glorieuses

Détail de la mythique 2 CV.

u’est ce qu’y a, qu’est ce qu’y a… Oh, ben, elle va marcher beaucoup moins bien ! Forcément… »

La réplique de Bourvil, tenant le volant de sa 2 CV disloquée par la grosse berline de Louis de Funès dans Le Corniaud (1965),illustre la popularité de celle qu’on surnomme la « deudeuche ». La 2 CV, qui se veut une petite voiture destinée au grand public,« une bicyclette à quatre pattes » comme la décrivait l’homme qui fut à l’origine du projet,est présentée au Salon de l’automobile en 1948.Elle est rapidement un succès commercial pour Citroën, en raison de sa formule (elle estrobuste, économique et polyvalente), mais aussi de ses qualités techniques, notamment son système de suspension. Elle devient un objetquotidien de la vie des Français au cours des années 1960. La « deux-pattes » est aussiune star du cinéma, qui joue la vedette dans Le Gendarme de Saint-Tropez ou avec JamesBond dans Rien que pour vos yeux. Voiture des jeunes et « voiture plaisir », la 2 CV estsynonyme d’aventure. De grands rallyes autourdu monde sont organisés et favorisentl’exportation du modèle. Mais les ventesdiminuent au début des années 1980 pourcesser au début des années 1990. En plus de cinquante ans, la 2 CV a été produite à plusde cinq millions d’exemplaires, tous modèlesconfondus.

LE SYMBOLE

La 2 CV, immense succès commercial pour Citröenet grande réussite de l’industrie automobile française,est aussi un phénomène de société, l’emblème de la diffusion de la voiture dans les classespopulaires au cours des Trente Glorieuses. Plus qu’un moyen de communication, elle est un artde vivre, un symbole de liberté, d’évasion, de plaisir,image particulièrement exploitée par le 7e art.

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n ne naît pas femme ; on le devient. » On doit cette célèbre formule à Simone de Beauvoir (1908-1986), dans les premières pages

du Deuxième Sexe. Publié en 1949, l’essai signé par la compagne de Sartreanalyse l’existence des femmes. Évoquant la maternité, la sexualité, le travail, celle-ci y dénonce l’infériorité économique et sociale de la femme, les stéréotypes féminins et les préjugés. Dès sa sortie, l ’ouvrage est un succès de librairie. Mais il déclenche un véritable scandale médiatique. « La chiennerie française » se déchaîne, commenteSimone de Beauvoir, qui reçoit insultes et quolibets publics pour sa « suffocanteinconvenance de ton » (Julien Gracq). Son œuvre est mise à l’index par le Vatican en 1956 et interdite dans plusieurs pays communistes. Cela ne l'empêche pas de séduireune nouvelle génération de femmes. Progressivement le Deuxième Sexe devient le fer de lance des féministes qui luttent pour la libre disposition de leur corps.

LE SYMBOLE

Le Deuxième Sexe apparaît comme l’étendard du mouvement féministe des années 1960-1970. Il est souvent considéré comme la bible des femmes du MLF (Mouvementde libération des femmes). Il fut en réalité davantage une source d’inspiration, une incitation à agir en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Le Deuxième Sexe, 1949, sur une table du café de Flore.

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LE DEUXIÈME SEXE

1949

La l ibération de l a femme

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Je vous ai compris... Discours intégral du général de Gaulle, 45 tours, Philips, juillet 1958.

au conflit algérien, en la maintenant soussouveraineté française. Aussi le discours du Général est-il un chef-d’œuvre d’ambiguïtépolitique. Il s’agit à la fois de rassurer la communauté française d’Algérie et d’affirmerson soutien aux militaires, tout en ne niant pas les revendications des nationalistes algériens.Par cette célèbre phrase, de Gaulle sembledonner des gages aux deux camps sans jamaisles citer : « Oui, moi, De Gaulle, à ceux-là,j’ouvre les portes de la réconciliation. Jamaisplus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’aicompris combien c’est beau, combien c’estgrand, combien c’est généreux, la France ! »Mais face au bourbier algérien, la position du Général évolue. En septembre 1959, il se prononce en faveur de l’autodéterminationde l’Algérie qui conduira, trois ans plus tard, à son indépendance par les accords d’Évian.

LE SYMBOLE

Symbole de la diplomatie du verbe et de la gestegaullienne, cette phrase résume la complexitéd’une guerre de décolonisation qui divisaprofondément les Français. Elle est l’emblèmede l’incompréhension entre les Pieds-Noirs et les Français de métropole, et de ce qui futvécu, par la suite, comme un abandon, une trahison, de la part du général de Gaulle.Elle est la mémoire d’une déchirure profondeentre la France et l’Algérie.

Alger, place du Forum, 4 juin 1958. Surplombant la foule amassée devant le palais du Gouverneur général, Charles

de Gaulle paraît au balcon. « Je vous ai compris ![Clameur de la foule] Je sais ce qui s’est passé ici.Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c’est cellede la rénovation et de la fraternité. » Les camérasimmortalisent le moment historique. Quelquesjours après son retour au pouvoir, le 1er juin1958, de Gaulle s’était rendu en Algérie. Les Pieds-Noirs et l’armée soutenaient son investiture, avec l’espoir que l’ancien chef de la France libre trouve une solution rapide

A

« JE VOUS AI COMPRIS »

1958

Les pl aies de l a guerre d ’Algérie

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LE JOURNAL TÉLÉVISÉ

DEPU I S 1949

Le journaliste Pierre Sabbagh, un des pionniers du journal télévisé français.

0 juin 1949. 21 heures. La speakerine Jacqueline Joubert annonce le premier journal télévisé du petit écran. Pierre

Sabbagh, initiateur de la formule, commente en cabine les différentes images du premierreportage de l’histoire de la télévision, le survolde la région parisienne en ballon. « Nousessayions de chasser le verbe au profit de l’image. » commente-t-il trente ans plus tard.La formule évoluera considérablement jusqu’ànos jours du fait des progrès techniques et de l’acquisition progressive d’une audiencede masse. Le journal télévisé rompt à l’époqueavec les Actualités Françaises de la presse filméequi passent sur grand écran. Véritable révolutionmédiatique, il est une nouvelle façon de faire et de dire l’information. Il évoque tous lessujets, du sport à la politique. Et surtout il se déroule dans l’intimité des Français, qui le visionnent chez eux, en famille. En 1954,les présentateurs apparaissent, se substituantaux speakerines, et deviennent progressivementde véritables vedettes du petit écran. Plus oumoins étroitement contrôlé par le pouvoirpolitique, le JT est devenu le principal canal de communication de l’État et des hommespolitiques.

LE SYMBOLE

Le journal télévisé, emblématique de l’histoire de la télévision, symbolise l’entrée dans l’èremédiatique. Durant les Trente Glorieuses, le nombre de récepteurs passe de deux à dixmillions. Au « poids des mots et au choc desphotos » de Paris Match, le journal télévisé

substitue l’image en direct de tous les événementshistoriques, de la chute du mur de Berlin en 1989 àl’effondrement du World Trade Center le 11septembre 2001. Il ne raconte pas, il fait vivre. Il estle symbole de l’ère de la communication qui asuccédé à l’ère de l’information.

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La révolution médiatique

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Affiche de Pierrot Le Fou, 1965, de Jean-Luc Godard, avec Jean-Paul Belmondo et Anna Karina.

Jean-Luc Godard réalise le film qui incarnecette nouvelle génération qui prend le pouvoir,À bout de souffle, avec pour acteur principal lejeune Jean-Paul Belmondo. S’il ne s’agit pasd’une école, la Nouvelle Vague est bien unerupture dans la manière de faire et de penser le 7e Art. Elle considère le cinéma comme unmoyen d’expression à part entière. Le cinéaste est l’auteur de ses films, au même titre que l’écrivain l’est de ses romans. C’est le concept de la « caméra-stylo » décrit parAlexandre Astruc. La Nouvelle Vague entends’émanciper, sur le fond et sur la forme, de ses aînés. Mais le phénomène retomberapidement et les jeunes réalisateurs« s’embourgeoisent » à leur tour. Si ellecontinue d’inspirer les cinéastes français et étrangers, le cinéma de la Nouvelle Vague ne séduit plus guère le grand public.

LE SYMBOLE

La Nouvelle Vague symbolise les évolutions du 7e art au cours des années 1950-1960. Elle est aussi l’emblème d’une époque où se multiplièrent les avant-gardes artistiques,dans la littérature avec le Nouveau romand’Alain Robbe-Grillet, Michel Butor ouNathalie Sarraute, comme dans la peintureavec le nouveau réalisme de Klein ou l’artcinétique de Vasarély.

u seuil des années 1960, de jeunes réalisateurs impertinents, en quête d’un cinéma libéré de ses pesanteurs

culturelles, techniques et financières, se révèlentau grand public. Jusqu’ici assistants des cinéastesconfirmés, ils réalisent leurs premières œuvres. La Nouvelle Vague est née. En 1959, Le BeauSerge puis Les Cousins de Claude Chabrol ouvrent le bal, bientôt suivis des Quatre CentsCoups de François Truffaut. L’année suivante,

A

LA NOUVELLE VAGUE

ANN É E S 1960

Le cinéma d ’avant-garde

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LE CUIR DE JOHNNY

ANN É E S 1960

L’américanisation de l a société

Détail de la pochette de l’album Mes Yeux sont Fous,de Johnny Hallyday, Philips, 1965

l le porte sur scène, comme à la ville, en couverture de ses albums, sur sa moto. Le blouson de cuir noir de l’idole

des jeunes a été inventé en 1930 pour les aviateurs américains. Dans les années1950, il devient l’uniforme des rebelles, des Marlon Brando, James Dean, Dick Riverset autres rockers. Johnny Halliday le popularise,associé à un tee-shirt noir orné d'une tête de Husky et d'étoiles scintillantes, et en faitl’accessoire indispensable de toute unegénération de yéyés qui vibre au son du rock’n roll.

LE SYMBOLE

Le blouson noir de Johnny Halliday est le symbole de l’américanisation de la sociétéfrançaise durant les années 1960. Il estégalement l’un des emblèmes de la « culturejeune » qui s’affirme à cette époque, marquée par le désir de transgression né en Mai 68. Elle se caractérise, selon le sociologue EdgarMorin, par « une panoplie commune », blue-jeans, polos, blousons et vestes de cuir, « un langage commun ponctué d’épithètessuperlatives comme “terrible”, “sensass” », « des cérémonies de communion » dans une même aspiration à maintenir en vie la f lamme de la subversion.

I

Détail de la pochette de l’album Mes Yeux sont Fous, de Johnny Hallyday, Philips, 1965.

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uit du 10 au 11 mai 1968, à Paris, Quartier latin. Les étudiants affrontent les forces de police dans de véritables combats de rue. Voitures incendiées, vitrines brisées, rues dépavées, barricades érigées. Les étudiants assaillent

les CRS à coup de jets de pavés. L’assaut est donné dans la nuit et les étudiants dispersésau petit matin. Utilisé comme projectile durant les émeutes de mai 1968, le pavé parisienest un cube de granit d’une arête de 10 cm environ, pesant en moyenne 1,5 kg. Il estdifficile à détacher, mais repose sur un lit de sable. Le slogan « Sous les pavés, la plage »n’est donc pas qu’une image ! Les pavés sont alors le mode d’expression d’une jeunesserévoltée contre l’autorité. « CRS : SS » scandent les manifestants, et les murs de la capitalese couvrent d’inscriptions comme « Il est interdit d’interdire ». Arme de la génération « yéyé », le pavé parisien acquiert définitivement un statut historique, après l’ère des révolutions (de 1830 et de 1848) où il servait déjà à ériger des barricades.

LE SYMBOLE

Le pavé est l’emblème des événements de Mai 1968. Symbole des manifestationsétudiantes, il est le vecteur des revendications d’une jeunesse qui refuse de se taire et réclame une libéralisation de la société, une société où l’on préfère l’amour à la guerre.

N

Mai 68, Les Parisiens reprennent une vie normale, contournant les pavés laissés par les émeutes, photographie, Reg Lancaster, mai 1968.

LE PAVÉ DE MAI 68

1968

La jeunesse en colère

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Simone Veil, malmenée par les députés, à l'Assemblée nationale le 26 novembre 1974, photographie, 1974.

d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. » En France, elles sontalors trois cent mille femmes à avorterclandestinement chaque année. L’avortement est assimilé à un crime en vertu de la loi de1920. Pendant trois jours et deux nuits,Simone Veil affronte soixante-quatorzeorateurs et endure les diatribes, les quolibets,les insultes des députés, y compris au sein de la majorité. Certains évoquent une « barbarieorganisée », une « euthanasie du bon plaisir ».Au matin du 29 novembre 1974, après vingt-cinq heures de débats, la loi surl’interruption volontaire de grossesse est votée par 284 voix contre 189. Simone Veils’effondre. Les photographes immortalisentl’événement et les journalistes évoquent les larmes de la ministre de la Santé, qui auraitcraqué. L’intéressée démentit pourtantformellement : « Sur la photo, on dirait que je pleure, mais en réalité, j’étais épuisée. »

LE SYMBOLE

Les « larmes » de Simone Veil sont le symboledu combat des femmes pour la libéralisationde l’avortement, de sa dureté, de sa violence.Elles rappellent les combats féministes d’hieret annoncent le travail d’une génération pour améliorer la condition féminine, amorcé avec la création d’un secrétariat d’Etat à la Condition féminine.

e 26 novembre 1974, à 16 heures, Simone Veil, ministre de la Santé du Président Giscard d’Estaing

et deuxième femme ministre de l’histoirefrançaise, monte à la tribune de l’Assembléenationale pour défendre son projet de loilégalisant l’avortement : « Je voudrais toutd’abord vous faire partager une conviction de femme – je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée

L

LES LARMES DE SIMONE VEIL

1974

La l ibre disposition du corps de l a femme

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21 mai 1981. François Mitterand célèbre sa victoire

au Panthéon, rose à la main.

de l’identité socialiste. François Mitterrand en fit également le symbole de l’alternance, en 1981. La cérémonie du Panthéon fut unspectacle politique, conçu pour la télévision, dont le rituel consacrait l’inauguration d’une ère nouvelle.

1 mai 1981. François Mitterrand, rose à la main, remonte à pied la rue Souff lot en direction du Panthéon. Derrière lui,

un cortège de fidèles arborant des roses. La fouleest massée sur les trottoirs. La cérémonie estretransmise en direct sur les télévisions. Le Président gravit seul l’escalier et entresolennellement dans le temple des « grandshommes ». Il se rend devant les tombes de JeanMoulin, le héros de la Résistance, Jean Jaurès, le réconciliateur du socialisme et de laRépublique, et Victor Schoelcher, l ’émancipateur,puis dépose une rose sur chaque sépulture, et ressort. Il reste immobile sur le parvis unedizaine de minutes, tandis que retentit l’Ode à la joie. Enfin, Placido Domingo chante LaMarseillaise. Puis Mitterrand regagne sa voiture,toujours rose à la main. La cérémonie a étéminutieusement préparée et mise en scène parl’entourage du premier président socialiste de la Ve République. Le lendemain, la presseironise sur la « démultiplication des roses » car le chef de l’État est entré avec une rose, en adéposé trois et est ressorti avec une autre… Elleslui ont été données hors-champ, à chaque étape,par les employés du monument qui le guidaientderrière les caméras. L’homme à la rose s’affirmeen gardien du temple de la mémoire républicaine,et « force tranquille » d’une nouvelle libérationde la France.

LE SYMBOLE

Le poing et la rose sont les emblèmes du partisocialiste depuis le congrès d’Epinay en 1971.Progressivement, la rose devint un symbole

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LA ROSE DE FRANÇOIS MITTERRAND

1981

La gauche au pouvoir

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ous sommes des conservateurs de civilisation. La difficulté est d’être en même temps des créateurs. » Tel est l’objectif du Président Pompidou lorsqu’il décide d’installer, sur le plateau Beaubourg, au cœur du Paris

historique, à un jet de pierre de Notre-Dame, un centre culturel voué aux expressionsartistiques contemporaines et à la lecture publique. Passionné d’art contemporain, le chef de l’État s’investit dans le projet, tout en le soumettant à un concours internationald’architecture, remporté par l’italien Renzo Piano et le britannique Richard Rogers. L’art est un « cadre de vie ou devrait l’être » aimait à dire le Président. L’architecture du bâtiment ref lète cette ambition. Le Centre est un espace ouvert sur la ville : sa façade ouest, transparente, laisse entrer la lumière et offre, du haut des escaliersmécaniques, une vue panoramique sur Paris. La fonction du bâtiment a également guidésa conception : l’intérieur est totalement f lexible. Les zones de service et les circulationssont toutes placées à l’extérieur, dans des tuyaux dont chaque couleur correspond à un élément : le bleu pour l’air, le vert pour l’eau, le jaune pour l’électricité, et le rougepour la circulation. C’est cet assemblage de tubes colorés qui caractérise, dans l’imaginairecollectif, l ’esthétique du Centre.

LE SYMBOLE

Le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou a été inauguré en 1977, trois ans après la mort du président de la République. Il est représentatif d’une esthétiquemoderne qui tranche volontairement avec l’architecture du quartier. Admiré par les uns, il est honni par les autres : « Beaubourg est un coup de force, un viol, un King-Kongarchitectural, un aérolithe déposé au cœur du vieux Paris » commente le journalisteAndré Fermigier. Le Centre est devenu le symbole des années Pompidou et de l’action del’État en faveur d’une culture accessible à tous.

LE CENTRE POMPIDOU

DEPU I S 1977

La culture pour tous

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Le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, conçu par Renzo Piano,Richard Rogers et Gianfranco Franchini et inauguré en 1977.

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LE MINITELMade in France

�1982 -2012

e 1er septembre 1982, le journal télévisé de FR3 Bretagne, à Rennes, présente un reportage sur le Minitel. Le « medium

interactif par numérisation d’informationtéléphonique » est présenté aux téléspectateursd’Ille-et-Vilaine qui sont les premiers à l’expérimenterà l’échelle départementale. L’appareil est de formecubique, aux dimensions réduites (25 cm sur 35). Il s’ouvre sur un clavier qui permet d’interroger une banque de données répertoriant les numéros de téléphone du département. Dès son apparition, ce vidéotex (téléviseur-téléphone permettantd’échanger des textes) devient un moyen de communication de masse et un véritable succèscommercial pour les PTT. Initialement conçu comme annuaire téléphonique, le « 3615 » s’élargit

rapidement à tous types de services, commerciaux et administratifs. On y consulte ses notes du baccalauréat, comme le bulletin météo, son horoscope ou bien les serveurs du « Minitelrose ». Condamné par le développement de l’Internet,son utilisation a officiellement pris fin en juin 2012.

LE SYMBOLE

Le Minitel est l’un des fleurons de la technologiefrançaise, ancêtre du web version « made in France ».Cet objet familier des foyers français dans les années1980-1990 fut particulièrement lucratif et a préparéles Français à l’ère numérique.

LUn minitel Alcatel connecté au 3615 Météo.

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LE TGV

1982

La France à grande vitesse

Le TGV arrive à Bourg-Saint-Maurice, les J.O. à 4 heuresde Paris, La Vie du Rail, 15 décembre 1988.

e 22 septembre 1981, le Président François Mitterrand inaugure le Train à grande vitesse entre Paris et Lyon.

Les caméras le filment dans la cabine, en compagnie de plusieurs de ses ministres,discutant avec le conducteur. Avec un rythmede croisière de 260 km/h, le train le plusrapide du monde atteint Lyon en 2h40 alors qu’il en fallait sept au début du siècle. Le chef de l’État, dans son discoursd’inauguration, vante ainsi un « moyen de transport remarquable », « une granderéalisation technique », « un signe pour le monde entier que la France entenddemeurer une grande nation innovatrice ». Le TGV connaît un succès rapide. À la première ligne TGV sud-est succèdebientôt un maillage serré de lignes à grandevitesse qui relient entre elles les grandes villesfrançaises (TGV-Atlantique, TGV-Nord, TGV-Est). Réussite commerciale, le TGVdemeure une prouesse technologique : il bat régulièrement des records de vitesse surrail où il peut s’élancer à plus de 500 km/h.

LE SYMBOLE

Fleuron de la SNCF, grande fierté industriellenationale, le TGV est le symbole de l’innovationtechnologique française. Il est également le symbole de la mobilité croissante de notre société.

L

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éjà évoquée sous l’ère napoléonienne, la Pyramide du Louvre est inaugurée par le Président Mitterrand le 30 mars 1989, l’année du bicentenaire de la Révolution française et de ses fastueuses commémorations.

Haute de 21,5 mètres sur une base carrée de 35 mètres de côté, la Pyramide du Louvres’élève au milieu de la Cour Napoléon. Ses proportions sont les mêmes que celles des pyramides d’Egypte mais elle est réalisée en verre et en acier. Contrairement à ses antiques aînées, la Pyramide du Louvre n’est pas un tombeau refermé sur lui-mêmemais la nouvelle entrée d’un musée entièrement réaménagé et redimensionné pour se hisser au rang de f leuron mondial de la culture. L’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei a volontairement choisi des formes géométriques très dépouillées afin de former une alliance parfaite entre le classicisme de la Cour Napoléon et l’ajoutd’une pyramide de style avant-gardiste qui rompt l’harmonie des mesures existantes.Cette audace architecturale a suscité de nombreuses critiques. Elle a donné lieu à une bataille entre Anciens et Modernes, qui a rapidement débordé sur le terrainpolitique ; les opposants n’hésitant pas à surnommer le Président « Tontonkhamon » ou « Mitterramsès ». En définitive, la perspective du Louvre vers l’Arc de Triomphe n’a pas été défigurée, et la Pyramide a été acceptée comme une œuvre d’art à part entière.

LE SYMBOLE

La Pyramide du Louvre est devenue l’un des symboles de Paris. Avec La Vénus de Milo et La Joconde de Léonard de Vinci, elle est la troisième œuvre la plus prisée des visiteurs du Grand Louvre. Elle est enfin, comme le Centre Georges Pompidou, un emblème de l’intervention de l’État en matière culturelle et architecturale : depuis GeorgesPompidou, les présidents de la V e République marquèrent leur époque en inscrivant leur empreinte architecturale dans la capitale, perpétuant ainsi la tradition des roisbâtisseurs.

La pyramide du Louvre, conçue par Ieoh Ming Pei, à la demande de François Mitterrand.

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LA PYRAMIDE DU LOUVRE

1989

Les rois bâtisseurs

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LA COUPE DU MONDE 1998 La France Bl ack-Bl anc-Beur

�1998

t un et deux et trois… zéro !!! » scandent les Français en liesse au soir du 12 juillet 1998. L’équipe de France

de football, conduite par son capitaine DidierDeschamps, vient de battre sèchement le Brésil de Ronaldo en finale de la Coupe du monde au Stade de France, à Saint-Denis. La France connaîtalors plusieurs jours d’euphorie collective qui, pour nombre de commentateurs, rappellent les grandes heures de la Libération à l’été 1944.Après la victoire historique des « Bleus », une foule de plus d’un million de personnes, ivres de joie, envahit les Champs-Élysées. Le lendemainaprès-midi, cinq cent mille supporters acclament

les vainqueurs qui remontent cette même avenue,dans un bus à impériale.

LE SYMBOLE

La victoire de 1998 constitue tout d’abord une première historique : la France est championnedu monde et domine le football mondial pendantplusieurs années. Mais par-delà le seul exploitsportif, c’est la victoire d’une génération defootballeurs représentant une France plurielle qui s’assume et fraternise : la « France black-blanc-beur » dont le héros n’est autre que le Françaisd’origine algérienne Zinédine Zidane.

«EVictoire de la France à la Coupe du monde de football de 1998, Paris.

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LE FRANC

1360 -2002

De l a France à l ’Europe

La semeuse (pièce de 1 franc), 1960-2000.

ous ferons faire bonne et forte monnaie d’or et d’argent. (…) Nous garderons monnaie stable (…) et qui ne grèvera point

tout notre peuple comme peut faire la mutation de notre monnaie. » Ainsi est créé le franc, en 1360,par Jean II le Bon, en pleine guerre de Cent Ans.Mais la nouvelle monnaie tombe rapidement en désuétude. Sous l’Ancien Régime, le franc n’estplus qu’une monnaie de compte. Il devient l’unitémonétaire légale en 1793 et est défini par la loi du 17 Germinal an XI (17 avril 1803), d’où son nomde « franc germinal ». La loi instaure le bimétallisme :l’or et l’argent ont le caractère de numéraire et sontliés par un rapport légal. Le franc s’impose commemonnaie commune à toute l’Europe napoléonienneet garde sa stabilité jusqu’en 1928. Mais le francgerminal ne résiste pas au choc de la Grande Guerre :en 1926, il ne vaut plus que 0,16 franc de sa valeuren 1914. Le 25 juin 1928, Raymond Poincaré

«N entérine la mort du franc germinal en le dévaluantde 80 %. C’est le « franc Poincaré », qui substituel’étalon-or au bimétallisme. Revenu au pouvoir en 1958, le général de Gaulle décide une nouvelledévaluation. Le « nouveau franc » est mis encirculation en 1960. Il vaut cent anciens francs.Représentant la semeuse coiffée du bonnet phrygien,les nouvelles pièces rappellent le franc d’avant 1914.En 1992, le Traité de Maastricht prévoit la créationd’une monnaie commune à l’Union européenne.L’écu (European currency unit) est rapidementabandonné au profit de l’euro, qui se substituedéfinitivement au franc le 17 février 2002.

LE SYMBOLE

Le franc reste le symbole de notre histoiremonétaire. Il est également l’un des emblèmes de notre identité nationale.

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endredi 7 mai 1971. Début d’après-midi. Le Président Pompidou inaugure le vol expérimental Paris-Toulouse en Concorde. Le grand oiseau blanc s’envole puis se stabilise à 17 000 mètres d’altitude. Pompidou s’installe auprès du chef

pilote André Turcat alors que l’avion supersonique atteint Mach 2, soit 2000 km à l’heure,deux fois la vitesse du son. Fuselage effilé, aile delta, nez fin et pointu, le Concorde, qui doit son nom au général de Gaulle, a une allure digne des plus grands designers. Produit de la coopération entre les gouvernements français et britannique, il est fabriqué à Toulouse et demeure une prouesse technologique. Il est commercialisé en 1976 par Air France et British Airways. Après une longue bataille juridique avec les autoritésaméricaines, la ligne Paris-New York est ouverte en 1977. Le Concorde relie les deux villesen trois heures trente, en consommant une tonne de carburant par passager, soit un prixconséquent… L’avion ne résistera pas aux chocs pétroliers. Il reste néanmoins un succèscommercial auprès d’une clientèle d’affaires qui apprécie le luxe de l’appareil et le gain de temps.

LE SYMBOLE

Fleuron de l’industrie aéronautique française, le Concorde reflète les innovations de la troisième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui se sont diffusées à l’ensemble de l’aviation civile aujourd’hui. Le crash du 25 juillet 2000 à Gonesse mit fin à l’épopée de cet avion de prestige, dont les vols commerciaux ont cessé en 2003.

Timbre de la République du Tchad montrant un Concorde Air France, vers 1978.

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LE CONCORDE

1976 -2003

Grandeur et déclin

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© Les Éditions du Palais, 20125 Place du Palais Bourbon

75007 PARISwww.editionsdupalais.com

EAN : 9791090119185

Edition : Evelyne Paul-ReynaudDirection artistique :Matthieu Flory

Iconographie :Matthieu FloryMise en page :Marie-Cécile Febvre-Flory

Correcteur : Danièle GuéganPhotogravure : Quadrissimo

Impression : Arlequin et Pierrot, Espagne

Crédits photographiques

Les photographies et reproductions sont de David Bordes

et : Bibliothèque Nationale de France pp. 76, 81, Branger p. 127, Cité de la Musique p. 85, Bettmann/Corbis p. 113,

Corbis p. 138, 149, D.R. pp. 8, 29, 88, 123, 124, 130, 131, 134, 135,136, 137, 140, 141, 147, E. Hutin p. 113, Pierre-Antoine Foulquier / Shutterstock.com p. 147, Getty images pp. 27, 129,

IgorGolovniov / Shutterstock.com p. 151, p. 98, Raoul Lamourdedieu p. 13, Reg Lancaster p. 138, J.P. Leloir p. 137, Pascal Lemaître pp. 48, 122, ed. Marabout, p. 57, ed. Mona p. 61,

Jean Moral © Brigitte Moral, p. 117, Ieoh Ming Pei p. 147, R. Piano/R. Rogers/G.Franchini p. 143, Achim Scheidemann/dpa/Corbis p. 148, Jose Ignacio Soto p. 47, La Vie du Rail p. 145, ed. Yvon p. 69

Textes

©Sabrina Tricaud

Remerciements

Nous tenons à remercier tous ceux qui ont apporté leur aide précieuse à la réalisation de cet ouvrage :

Eric Roussel,

Pascal Lemaitre, Dominique Demey, Cécile Febvre-Flory, Marc Couturier.