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1 DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES ET DE L’EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DOCUMENT DE TRAVAIL Arbitrages intertemporels, risque et actualisation Stéphane GALLON et Emmanuel MASSE Série Méthodes N° 04-M02 Site internet : http://www.environnement.gouv.fr 20 avenue de Ségur – 75302 Paris 07 SP

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    DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES ET DE LEVALUATION ENVIRONNEMENTALE

    DOCUMENT DE TRAVAIL

    Arbitrages intertemporels, risque et actualisation

    Stphane GALLON et Emmanuel MASSE

    Srie Mthodes N 04-M02

    Site internet : http://www.environnement.gouv.fr 20 avenue de Sgur 75302 Paris 07 SP

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    Arbitrages Intertemporels, Risque et Actualisation

    Stphane GALLON, Emmanuel MASSE

    En 1985, le Commissariat Gnral du Plan a fix 8 % le taux dactualisation pour les investissements publics1. Ce taux permet de comparer les flux de cots et de recettes lis un projet d'investissement ou une dcision publique, flux qui sont perus des dates diffrentes et qui nont donc pas la mme valeur conomique. Avec un taux de 8 %, on estime ainsi quivalent de recevoir 100 une anne ou 108 lanne suivante. A laide de lactualisation, on peut ramener tous les flux futurs des flux quivalents perus la priode prsente, et sommer ces derniers pour trouver la valeur (dite actualise nette) du projet considr. Si cette valeur est positive, le projet est jug rentable.

    Lutilisation du taux de 8 % fait lobjet de dbats : les conditions conomiques sous lesquelles il a t fond ont beaucoup volu depuis 1985. En particulier, le niveau des taux dintrt est dans son ensemble aujourdhui beaucoup plus faible qu lpoque. Par ailleurs, au motif de prendre en compte le risque inhrent quelques projets publics dont les flux futurs sont trs incertains, daucuns modifient parfois le taux dactualisation (gnralement dans le sens dun accroissement du taux avec le risque). Au total, les choix publics se retrouvent valoriss de manire htrogne. On trouve ainsi des estimations conomiques fondes sur des taux diffrents (10 % ; 6 % ; 4 % ; 1 % voire 0 % trs long terme) sans que lutilisation de lune ou de lautre valeur soit clairement justifie. Outre lincohrence des choix effectus sur la base de taux diffrents, cette pratique est dautant plus gnante que lon constate gnralement que le choix de la mthode d'actualisation, et du taux parmi lensemble des valeurs juges possibles, conditionne la conclusion du calcul (raliser ou non linvestissement), le rsultat y tant trs sensible.

    Il apparat donc important de redfinir la mthode dactualisation appliquer aux projets publics, ce qui ncessite de rpondre plusieurs questions : comment fixer le taux ? peut-on utiliser un taux dactualisation unique ? comment prendre en compte le risque ? Pour rpondre ces interrogations, il faut revenir aux bases thoriques qui justifient lutilisation dun taux dactualisation, et sur les observations empiriques qui donnent des indications sur les arbitrages intertemporels qui sont raliss au sein de lconomie et donc sur la valeur numrique de ce taux.

    On commencera cette note en se plaant sous lhypothse simplificatrice que tous les flux futurs sont connus avec certitude, hypothse qui sera leve ensuite. Cette note comprend cinq sections. La premire rappelle brivement en quoi consiste la mthode de la valeur actualise nette telle quelle est traditionnellement utilise. La seconde sinterroge sur la dtermination empirique du taux dactualisation par observation directe des dcisions prises par les agents conomiques, et montre lincapacit de la VAN rendre compte des comportements constats. La troisime partie revient sur les fondements thoriques de la VAN, et sur la dfinition mme du taux dactualisation, en rappelant les hypothses, fortes, sous lesquelles elle est valide. La quatrime partie expose les substituts disponibles la dtermination directe du taux dactualisation de la collectivit. La dernire partie introduit le risque et traite le cas de lincertitude sur les flux futurs.

    1 Il sagit dun taux rel, net de linflation.

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    SOMMAIRE

    1. Utilisation du taux dactualisation : la Valeur Actualise Nette (VAN) offre une mthode pour dterminer sil faut ou non raliser un projet dont les consquences stalent dans le temps.......................................................................................................4 2. Dtermination empirique directe du taux dactualisation : les comportements constats chez les agents conomiques ne sont pas explicables par la mthode de la VAN, aucun taux dactualisation ne pouvant rendre ses conclusions compatibles avec la diversit des observations empiriques...........................................................................6 3. Dtermination thorique du taux dactualisation : le taux d'actualisation est dfini localement comme un taux de prfrence psychologique portant sur les flux de revenus. La mthode de la VAN nest donc valide que pour un projet modifiant marginalement les flux financiers et pour des flux rels (non montarisation des externalits)........................................................................................................................8 4. Les substituts lobservation directe du taux dactualisation militent pour des taux rels de 2 %, dcroissants avec le temps mais jamais nuls. ............................................ 11

    4.1. Le taux dintrt ...........................................................................................................................................11 4.2. Effet richesse et prfrence pure pour le prsent...................................................................................12 4.3. La dcroissance du taux dactualisation avec le temps ..........................................................................13 4.4. La rentabilit du capital productif .............................................................................................................14

    5. La prise en compte du risque ne peut en aucun cas passer par un changement du taux dactualisation.......................................................................................................... 15

    5.1. La dcision par maximisation de lesprance dutilit ............................................................................15 5.2. Les critres de dcision alternatifs ............................................................................................................17 5.3. Les enseignements tirs des marchs dactifs..........................................................................................19 5.4. Le cas des petits projets : neutralit au risque .........................................................................................25 5.5. Le cas des grands projets : quelle relation au risque pour la collectivit ? ..........................................25

    6. Conclusion : proposition pour l'actualisation publique ..............................................27

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    1. Utilisation du taux dactualisation : la Valeur Actualise Nette (VAN) offre une mthode pour dterminer sil faut ou non raliser un projet dont les consquences stalent

    dans le temps.

    La mthode de la VAN, utilise pour dterminer si un projet qui engendre des flux de dpenses et de recettes tals dans le temps est rentable, repose sur trois tapes.

    La premire consiste dterminer le flux net de bnfices quengendre le projet chaque anne n : nB . Dans le cas dun projet public, nB est un bnfice conomique qui comprend la

    montarisation de tous les effets, y compris externes (bnfices sanitaires lis une moindre pollution et exprims en euros, par exemple).

    La seconde tape consiste sommer tous les bnfices annuels, chacun se voyant pondr par un facteur d'actualisation n , exogne. Ce facteur traduit le fait que recevoir un bnfice d1 lanne n quivaut recevoir n immdiatement. Le rsultat de cette somme est appel VAN.

    = nn BVAN Le taux d'actualisation entre l'anne n et n+1, nr , est dfini par

    n

    nn r+=+ 11

    . Quand pour tout n on a

    rrn = , on dsigne r comme tant le taux d'actualisation. Si ce taux vaut 8 %, nn 08,11= .

    Plus le taux dactualisation est grand, plus forte est la prfrence pour le prsent du dcideur.

    La troisime tape consiste exploiter le rsultat donn par la VAN. Le projet est rentable si et seulement si sa VAN est positive. Par ailleurs, sil est impossible de raliser tous les projets VAN positive (soit par impossibilit technique, soit du fait dune contrainte de financement), il convient de retenir, parmi les combinaisons de projets ralisables, celle dont la VAN est maximale.

    Remarque importante : la positivit de la VAN nest un bon critre de choix que si lensemble des cots et bnfices est correctement tarif. Par exemple, considrons le cas dune route congestionne que lon envisage de doubler par un nouvel axe de transport. Si la VAN associe ce projet de construction est positive par rapport un scnario o la congestion sur lancien itinraire ne fait lobjet daucun paiement par les usagers, rien ne garantit quil faille vraiment btir le nouvel axe. Autrement dit, face une augmentation de la demande, le bon choix nest pas ncessairement dinvestir : il faut sassurer au pralable que le cot de congestion est correctement tarif.2

    Utilisation de la VAN et intgration de cots et bnfices non rels .

    On peut distinguer a priori trois types de flux : - Les flux financiers ayant effectivement lieu (par exemple le paiement dun soin) ; - Les flux implicites (cest--dire des flux mesurs implicitement par des oprations relles autres que le projet dinvestissement tudi), par exemple la mesure dune dcote lie une exposition au bruit dans la vente dun bien. Cette dcote mesure correctement le cot du bruit ; - Les cots et les bnfices mesurs par des consentements payer (indpendamment de toutes oprations relles). 2 Le cas des autoroutes en Ile de France est symptomatique de cette situation : les externalits ny sont pas tarifes ; les autoroutes sont congestionnes, alimentant des revendications pour la construction de nouvelles infrastructures de transport dont les VAN peuvent apparatre faussement positives car calcules par rapport un scnario de trafic qui nest pas le bon.

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    Faut-il inclure lensemble de ces flux rels ou potentiels dans le calcul de la VAN ? Non car aucun modle ne justifie a priori lintgration des flux implicites et des consentements payer dans le calcul de la VAN (cf. description des modles sous-tendant le modle de la VAN la section 3) . Seuls les flux rels sont lgitimes. Comment dans ce cadre prendre en compte les externalits lies aux ventuels projets dinvestissement ? Les externalits ne sont prendre en compte que dans la mesure o elles auront des consquences financires relles, cest--dire quelles seront internalises par la mise en place dune taxation ou dun march.

    Intgration des externalits et soutenabilit de la politique dinvestissement de lEtat

    Comme on le dveloppera ultrieurement (cf. section 4), lintervention publique dans les choix dinvestissement ne se justifie que si le bnfice priv dun projet diffre du bnfice socio-conomique public, autrement dit dans le cas dexternalits. Trs frquemment, lEtat demandera la ralisation de projets jugs non rentables par le secteur priv mais qui sembleront souhaitables du point de vue collectif en raison dexternalits positives. Que lEtat verse alors loprateur priv charg du projet une compensation pour ces externalits, ou que lEtat prenne directement en charge lui-mme la ralisation du projet, sa politique dintervention ne sera pas soutenable si les externalits ne sont pas rellement tarifes.

    Pour une discussion plus approfondie sur le rle respectif du secteur priv et du secteur public dans le financement de lconomie, on pourra se rfrer larticle de David Martimort et Jean-Charles Rochet, Le partage priv-public dans le financement de lconomie .

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    2. Dtermination empirique directe du taux dactualisation : les comportements constats chez les agents conomiques ne sont pas explicables par la mthode de la VAN, aucun taux dactualisation ne pouvant rendre ses conclusions compatibles avec la diversit des observations empiriques.

    Les choix que dicte la mthode de la VAN peuvent tre compars aux dcisions effectivement prises par les agents conomiques, soit quon les soumette des expriences prvues cet effet3, soit que lon constate directement leur comportement4. Ds lors que les alternatives intertemporelles que doivent affronter les agents sont dfinies par des bnfices nB srs et parfaitement connus5, le seul paramtre pouvant influer sur le choix est dans la logique de la VAN le taux dactualisation. On peut donc rechercher quel est le taux qui permet de concilier la dcision rellement prise par un agent et ce que prdit la mthode de la VAN.

    Quand on se livre ce type de comparaison, on observe des taux extrmement variables dun individu lautre, ce qui peut tre interprt comme des simples carts de prfrence entre les agents conomiques (certains individus sont plus impatients que dautres). Ce point peut savrer gnant quand il sagit de dfinir les prfrences de la collectivit (taux dactualisation public) puisquil est difficile dagrger des prfrences individuelles contradictoires, mais il ne remet pas en cause la logique de la VAN agent par agent.

    En revanche, il est beaucoup plus dlicat de constater que, pour un mme individu plac face des alternatives de mme horizon temporel, le taux r varie. On constate ainsi frquemment des taux compris entre 6 %6 et + . De telles observations montrent en fait que les agents nobissent pas la logique de la VAN.

    Lexplication en est claire : lapproche de la VAN ne reflte pas la complexit des comportements des agents individuels. Elle est trop simple car elle ramne l'ensemble des arbitrages intertemporels entre deux annes un unique taux, ce qui est beaucoup trop rducteur. Beaucoup dautres effets psychologiques jouent dans lattitude dun agent conomique face lavenir. Ces effets constats et leur incompatibilit avec le modle de la VAN sont dtaills dans lencadr ci aprs.

    L'incapacit de la VAN rendre compte des prfrences empiriquement constates

    La faillite de la mthode de la VAN peut sinterprter par le fait que le facteur dactualisation n nest en fait pas exogne : la notion de prfrence pour le prsent d'un agent conomique n'est pas absolue mais relative au problme intertemporel pos. Faire rentrer le comportement constat dans le modle de la VAN nest possible quen changeant au cas par cas n . Par exemple, on constate empiriquement les effets suivants dans le comportement des agents.

    EFFET DE SIGNE : actualisation plus forte des gains que des pertes ( n dpend du signe de nB ) ; EFFET DE VALEUR : actualisation plus forte des petits montants ( n dpend de nB ) ; EFFET DES ACTIFS REELS : montant montaire gal, actualisation diffrente selon l'actif dont la valeur est nB (actualisation diffrente pour chaque bien de consommation, par exemple : bien de luxe, bien prioritaire) ;

    3 Par exemple, face des alternatives du type toucher 100 maintenant ou 108 lan prochain. 4 Par exemple, dcision de sortie en rente ou en capital pour des retraits de larme amricaine. 5 En pratique, aucun agent conomique (sauf peut-tre lEtat) ntant certain dexister dans le futur, le risque est inhrent aux choix constats empiriquement. Toutefois, les observations concrtes ici considres sont telles que cet effet est ngligeable (alternative temporelle de trs court terme). 6 Un taux ngatif traduit une prfrence pour le futur.

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    PREFERENCE POUR L'ETALEMENT : 1 litre d'eau boire chaque jour cette anne plutt que 365 litres aujourd'hui et rien aprs ; explication psychologique : besoins vitaux irrpressibles (cf. leffet des actifs rels ci-dessus, et le fait que n dpend de toute la srie des )( kB ) ; PREFERENCE POUR L'AMELIORATION : gagner 1000 ce mois puis 2000 le suivant, plutt que l'inverse ( n dpend de la srie )( kB ) ; PREFERENCE POUR LE FUTUR : dner avec sa star favorite dans une semaine plutt que ce soir ; explication psychologique : satisfaction retire de l'attente, de l'anticipation du plaisir ( n dpend de la srie )( kB ) ;

    INFLUENCE DU PASSE : si on a reu en cadeau une dgustation de foie gras chacun de ces trois derniers jours, on prfre que l'on offre une nouvelle dgustation plus tard que ce soir ( n dpend de la srie )( kB ) ; autre illustration : deux individus sont en retard dune heure pour prendre lavion, lun des avions part lheure et lautre avec 55 min. de retard, celui qui rate son avion de 5 min prouve un plus grand mcontentement.

    INFLUENCE DU MODE DE FINANCEMENT : la satisfaction retire d'un bien dpend de son mode de financement (emprunt ou non).

    La plupart des comportements relevs empiriquement dans lencadr ci-dessus n'ont rien d'irrationnel et ne peuvent donc pas tre rejets. Ils ne constituent des anomalies que par rfrence au modle de la VAN, modle qui ne peut pas rendre compte de la ralit des choix individuels. Comme on peut le constater dans lencadr, on pourrait songer amender le modle de la VAN pour mieux reflter certains (mais pas tous les) comportements des individus, et ce uniquement au prix de complications qui rendent la VAN difficilement utilisable en pratique pour prdire le comportement de tel ou tel agent ( n dpend de trs nombreux paramtres et ne peut donc pas tre dtermin avant de calculer la VAN).

    Quand on passe au choix ralis par un groupe d'individus quil sagisse des actionnaires d'une socit prive ou de la collectivit (Etat) - il n'y a aucune raison pour que la mthode de la VAN soit satisfaisante :

    - elle ne convient dj pas au niveau individuel ;

    - quand bien mme les prfrences de chaque individu seraient reprsentes simplement par un taux dactualisation individuel, on ne peut pas les agrger pour dfinir un taux collectif 7.

    En particulier, on pourrait trs bien imaginer que l'effet 'prfrence pour l'amlioration' identifi dans lencadr soit constat au niveau collectif pour des sujets environnementaux, ce dont ne pourra jamais rendre compte une approche de type VAN.

    Compte tenu du caractre manifestement insuffisant de la VAN, on peut sinterroger sur lorigine de cette mthode, ce qui ncessite de revenir aux modles thoriques la sous-tendant, et leurs hypothses.

    7 Le paradoxe de Condorcet et le thorme d'impossibilit d'Arrow montrent limpossibilit de dfinir des rgles dagrgation des prfrences vrifiant les axiomes souhaitables (rationalit des prfrences collectives, au sens de la transitivit des choix, etc.).

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    3. Dtermination thorique du taux dactualisation : le taux d'actualisation est dfini localement comme un taux de prfrence psychologique portant sur les flux de revenus. La

    mthode de la VAN nest donc valide que pour un projet modifiant marginalement les flux financiers et pour des flux rels (non montarisation des externalits).

    Comme on va le voir, la mthode de la VAN dcoule en fait directement du modle microconomique de base du consommateur. Nous en supposerons vrifies les hypothses habituelles (existence dun pr-ordre sur les paniers de consommation, etc.) ce qui garantit lexistence des fonctions d'utilit.

    Considrons donc un agent conomique dont les prfrences peuvent tre traduites par une fonction d'utilit )( ,nixU o nix , est la quantit de bien i consomme l'anne n. Les caractristiques traditionnelles de la fonction U (quasi concavit) sont trs gnrales et ne prjugent en aucune faon de la manire dont lagent considr ralise des arbitrages intertemporels. Ainsi, on peut constater que aucune des anomalies au modle de la VAN qui ont t dcrites au 2 n'en est une ce stade8. Elles sont en effet compatibles avec des prfrences que peut traduire la fonction d'utilit (par exemple la fonction U peut trs bien traduire une prfrence pour le futur).

    Un taux dactualisation pour chaque bien chaque priode Une premire manire dcrire simplement, laide de taux, les arbitrages intertemporels que traduit la fonction U consiste dfinir le taux de prfrence psychologique pour le prsent concernant un bien donn. Ainsi, pour le bien i entre lanne n et lanne n+1, on peut dfinir un taux de prfrence pour le prsent ni, par l'intermdiaire du taux marginal de substitution suivant :

    1,

    ,

    constante,

    1,,1

    +=

    +

    ==+ni

    ni

    Uni

    nini

    xUxU

    dxdx

    Linterprtation en est classique : pour le bien i, le consommateur est indiffrent entre en gagner une unit la date n et en gagner ni,1 + units la date n+1. Il est important de remarquer quil sagit ici dune dfinition locale (au voisinage d'un panier de consommation intertemporel), marginale (pour de petites variations), pour un individu fix, pour un bien donn, et entre deux dates donnes. On est donc loin d'un taux d'actualisation commun tous les biens et constant sur toutes les priodes. On remarquera ici que cette dfinition de ni, ne pose toujours aucun problme par rapport aux anomalies du 2. On peut en particulier actualiser de manire diffrente chaque bien de consommation, et ni, peut tre ngatif (prfrence pour le futur).

    Un taux dactualisation pour les revenus chaque priode Pour passer un taux dactualisation au sens plus habituel du terme, cest dire appliqu des flux financiers et non des quantits de biens, on peut introduire le revenu nR que le consommateur considr touche la priode n, et le prix de chaque bien i chaque priode nip , 9. En rsolvant le programme de maximisation de l'utilit sous contrainte de budget, on trouve la fonction d'utilit indirecte

    )( nRV qui donne le niveau dutilit (maximum) quatteint le consommateur lorsquil reoit la srie de

    8 Sauf celle sur le mode de financement. Le modle microconomique de base repose sur lide que la satisfaction des consommateurs repose uniquement sur les biens consomms, pas sur le mode de financement qui permet datteindre le panier de consommation dsir. 9 Rappel : par hypothse simplificatrice dans cette section, toutes ces valeurs futures sont supposes connues avec certitude.

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    revenus nR .10 On peut alors dfinir un taux de prfrence psychologique pour le prsent concernant les revenus n aussi appel taux d'escompte psychologique, nouveau via un taux marginal de substitution

    1

    constante

    11

    +=

    +

    ==+n

    n

    Vn

    nn

    RVRV

    dRdR

    Linterprtation est l encore classique : le consommateur est indiffrent entre recevoir 1 la date n et en recevoir n+1 la date n+1. Il faut encore noter ici quil sagit dune dfinition locale (au voisinage d'une squence de revenus), entre deux dates donnes. Elle nest valable que pour les revenus rels, et non, par exemple, pour des effets externes valoriss.

    Le rsultat prcdent lgitime la mthode de la VAN, sous rserve de ne travailler que sur des projets modifiant marginalement les flux reus par un agent conomique, de ne prendre en compte que les flux rels (et non des valorisations dexternalits), et d'utiliser comme taux d'actualisation entre deux priodes le taux marginal de substitution de la fonction d'utilit indirecte. C'est ici un taux purement psychologique (dcoulant des prfrences traduites par la fonction d'utilit).

    Exemple : dmonstration de la lgitimit de la rgle de la VAN dans un cas simple

    Pour mieux voir le lien entre ce qui prcde et la mthode habituellement utilise, et pour en retrouver le cadre habituel, prenons comme agent l'Etat (en supposant qu'il existe bien une fonction d'utilit collective) et traitons un cas simple o le projet analyser ne joue que sur deux priodes. Supposons que la collectivit peroive des flux nR , et quelle envisage un projet se traduisant par des flux additionnels 1F et

    2F petits devant 1R et 2R . La thorie conomique nous dit quil faut entreprendre ce projet si et seulement si :

    );;();;( 212211 nn RRRVRFRFRV ++

    );;();;( 212

    21

    121 nn RRRVRVF

    RVFRRRV

    ++

    01

    221

    +RVRV

    FF

    ( ) 01 121 ++ FF ce qui est bien de la forme 0VAN en prenant 1 comme taux d'actualisation. Il faut ici rappeler que le projet envisag doit tre petit ( est dfini localement et varie avec 1R et 2R ).

    Comment dterminer le taux dactualisation, i.e. le taux d'escompte psychologique chaque priode

    En thorie, la valeur du taux descompte psychologique dcoule de la spcification de la fonction d'utilit quil suffit donc de connatre pour trouver le taux dactualisation employer dans la VAN. Cest videmment impossible en pratique, surtout pour un taux collectif : on ne peut ni connatre directement 10 On ne fait ici aucune hypothse sur la manire dont le consommateur peut, ou non, transfrer des revenus dune priode sur lautre. On conserve ainsi le cas le plus gnral. En ajoutant certaines hypothses sur le march financier (cf. 4) on peut montrer dautres rsultats intressants, mais plus particuliers (lien entre taux dactualisation et taux dintrt).

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    les prfrences de la collectivit (aucun agent ne les porte11) ni les obtenir par agrgation des prfrences individuelles (cf. 2). Une alternative pourrait consister poser normativement certaines valeurs, mme de manire arbitraire. En effet, mme sil ne reflte pas correctement les prfrences, lemploi dun taux prcis prsente un grand mrite : celui dassurer la cohrence des choix. Heureusement, faute d'observer directement la psychologie d'un dcideur, on peut recourir la thorie pour trouver des substituts permettant d'approcher le taux descompte psychologique, ce que dtaille la section suivante. La limite de cette solution provient du fait, comme on va le voir, que ces substituts reposent sur des modles thoriques qui ne sont gure valids empiriquement.

    11 De plus, les gnrations futures ne sont notoirement pas reprsentes.

  • 11

    4. Les substituts lobservation directe du taux dactualisation militent pour des taux rels de 2 %, dcroissants avec le temps mais jamais nuls.

    Diffrents modles conomiques permettent de relier le taux dactualisation (cest dire le taux descompte psychologique dcrit la partie 3) dautres paramtres empiriquement plus faciles mesurer. On peut en particulier comparer les valeurs ainsi obtenues aux dernires prconisations du Commissariat Gnral au Plan, datant du milieu des annes 1980, qui fixaient 8 % le taux dactualisation des projets publics.12

    4.1. Le taux dintrt

    Sous certaines hypothses, on peut montrer que le taux d'escompte psychologique est gal au taux d'intrt sur le march financier. Pour rappeler la dmonstration de ce rsultat, et surtout les hypothses qui le lgitiment, considrons le modle simple un bien et portant sur deux priodes. Un consommateur cherche maximiser son utilit

    ),( 21 CCU en choisissant le niveau de consommation iC chaque priode compte tenu de son revenu

    iR chaque priode (i=1 ou 2). Le prix ip du bien de consommation chaque priode est connu lavance13. On suppose quil existe un march financier permettant de transfrer n'importe quelle valeur d'une priode l'autre avec un taux dintrt rel14 . On vrifie facilement que la contrainte budgtaire scrit alors de la manire suivante :

    ++=++ 112

    121

    11RRCpCp

    Le terme de droite est le revenu actualis, celui de gauche la dpense actualise (au taux dintrt rel). Pour maximiser ),( 21 CCU sous la contrainte prcdente, on peut utiliser la mthode de Lagrange. Le multiplicateur de Lagrange associ la contrainte doit alors vrifier

    011

    =+ pCU et 0

    11

    2=++

    pCU

    On en dduit facilement +=

    1

    2

    1

    CUCU

    soit

    = En consquence, un consommateur maximisant son utilit sous contrainte intertemporelle de revenus ajuste sa consommation de telle sorte que son taux descompte psychologique soit gal au taux dintrt rel sur le march des fonds prtables. Avec plusieurs agents, lquilibre sur le march de loffre et de la demande de fonds prtables (sans risque) traduit dans ce cadre la prfrence collective pour le transfert de richesse dune priode sur une autre. De plus, le modle ci-dessus a un atout majeur : il montre que tous les projets rentables peuvent tre financs par appel au march financier (parfait). Autrement dit, sous les hypothses de ce modle, lEtat est sr quil trouvera de quoi financer les projets dont la valeur actualise nette au taux = est positive. Ceci ne fonctionne toutefois que si les externalits sont tarifes et font lobjet de rels flux montaires (cf. encadr la section 1). Dans le cas contraire, la VAN financire pour lEtat est ngative, et les finances publiques sont entranes dans un dficit non soutenable terme.

    12 Rappelons quune valeur normative prsente toujours lavantage dassurer la cohrence des choix de projets entre eux. 13 On se situe toujours ici en certitude. 14 En liminant le taux dinflation

    1

    12

    ppp , lemploi dun taux rel facilite lcriture de la contrainte budgtaire car le

    prix 2p du bien en deuxime priode napparat plus contrairement ce qui arriverait avec le taux nominal.

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    Les taux sans risque actuellement mesur sur les marchs financiers pour une maturit de 10 ans est compris entre 3 et 4 % en terme nominaux (taux moyen pondr de 4,43 % pour ladjudication du 6/11/2003 des OAT (Obligations assimilables du Trsor) de maturit 10 ans). Le passage des taux dintrt rels ncessite danticiper linflation future. Les OAT indexes sur linflation donnent des taux rels de 2,21 % maturit juillet 2013.

    Lapproche par les taux dintrt est critiquable plusieurs titres car le modle sous-tendant lgalit = connat des dfauts :

    - Comme on la vu la section 2, lide mme dun arbitrage intertemporel traduit uniquement par une fonction dutilit ),( 21 CCU est contredite par lexprience ; - Lhypothse dun march financier parfait - cest dire o nimporte quel montant peut tre transfr dune priode lautre au mme taux - nest pas vrifie en pratique (la fiscalit des emprunts ou des placements perturbe le taux rel propos aux agents ; le crdit est rationn, mme pour les Etats avec les contraintes montaires internationales) ; - Le march financier sans risque dcrit est en pratique celui des emprunts dEtat. Cest donc principalement la contrainte budgtaire de lEtat qui fixe alors le taux dactualisation et non linverse. On ne finance pas ncessairement tous les projets rentables mais ceux qui respectent la contrainte budgtaire. A loppos, on peut financer des projets non rentables parce que les taux sont faibles et largent facilement disponible. - En outre, les taux dintrt ne sont pas concrtement disponibles pour des chances suprieures 30 ans, et on sait quils varieront jusqu cette chance (nous traiterons dans la partie 5 la question du caractre alatoire des fluctuations des taux dintrt au cours du temps). En rsum, les taux dintrt disponibles sur les marchs sont pertinents dans une optique financire (les taux sont dfinis partir des besoins de financement de lEtat), mais ils ne refltent alors probablement pas les prfrences intertemporelles de la collectivit. 4.2. Effet richesse et prfrence pure pour le prsent

    Sous certaines hypothses, on peut montrer que le taux d'escompte psychologique est gal la somme de deux termes qui traduisent deux raisons pour lesquelles un agent est amen prfrer les consommations prsentes : un effet richesse (le niveau de vie futur sera plus lev ; donc un mme surcrot marginal de consommation y apportera moins de satisfaction que maintenant) et une prfrence pure pour le prsent (plus difficile expliquer psychologiquement15). Pour rappeler la dmonstration de ce rsultat, et surtout les hypothses qui le lgitiment, reprenons le modle simple deux priodes en supposant de plus que la fonction dutilit est de la forme :

    ( )

    ++=

    111

    1,

    12

    11

    21C

    rCCCU

    Lide que nous dtaillerons ultrieurement - est que le paramtre r est li la prfrence pure pour le prsent ( cause de r, un certain niveau de consommation dans lavenir apporte moins de satisfaction quun niveau identique dans le prsent) et que mesure leffet richesse (cest dire la dcroissance de lutilit marginale avec le niveau de consommation).

    Par dfinition du taux dactualisation , 2

    11

    CUCU

    =+ do

    +=+

    1

    2)1(1CCr

    15 En fait, cette prfrence pure pour le prsent peut provenir du fait que le consommateur sait quil mourra un jour. Cet argument na que peu de place pour lEtat ou la collectivit au sens large (gnrations futures comprises). De plus, dans lhypothse de certitude retenue ici, linquitude quant sa finitude na pas tre retenue.

  • 13

    Si la croissance conomique fait augmenter le niveau de consommation au taux , on obtient : ( ) ++++=+ rr 11)1(1

    do : += r

    Il est donc lgitime de dcomposer le taux de prfrence psychologique en deux lments :

    Leffet richesse mesur par le produit , produit qui augmente avec la croissance de lconomie16 et avec la dcroissance de lutilit marginale ;

    La prfrence dite pure pour le prsent r .

    Leffet richesse correspond la prise en compte de lanticipation (au regard du pass) du niveau de vie des populations dans le futur. Etant plus ais, un habitant dans le futur retire une moindre utilit de 1 supplmentaire de revenu. Cela correspond lhypothse habituelle dutilit marginale dcroissante. Pour estimer cet effet richesse, on peut prendre en compte le taux de croissance moyen du revenu par habitant sur des longues priodes ( %2 )et une sensibilit de la valorisations des biens aux variations de revenu (

    21= ), soit un effet richesse denviron 1 %.

    La prfrence pure pour le prsent part de la constatation que les individus accordent dans la plupart des situations une plus grande importance au prsent quau futur (voir 2). Si cette prfrence pure ntait pas strictement positive (abstraction faite des autres composantes de la prfrence pour la prsent), on constaterait des taux dpargne trs suprieurs ce quils sont et les agents renonceraient toute consommation prsente pour consommer plus tard. Cette prfrence pure est certainement faible, de lordre de 1 %. En combinant ces deux lments, on peut estimer un taux dactualisation rel denviro n 2 %. Cette approche est critiquable sous plusieurs aspects. Dune part les hypothses thoriques (et en particulier les formes des fonctions dutilit retenues) sont discutables. Dautre part, leffet richesse et surtout la prfrence pure pour le prsent sont difficiles valuer. Les hypothses sur la croissance future par tte long terme sont discutables et discutes (modles macro-conomiques de long terme, croissance endogne, soutenabilit de la croissance actuelle ), tout comme celles portant sur lutilit marginale (celle-ci varie dun individu un autre, il est donc ncessaire dagrger les fonctions dutilit individuelles). Finalement rien ne garantit avec cette approche le financement de lensemble des projets jugs rentables. En outre, le taux dactualisation retenu risque de conduire la substitutions des investissements publics aux investissements privs dans la mesure o le taux retenu nest pas ncessairement compatible avec ceux observs sur les marchs. 4.3. La dcroissance du taux dactualisation avec le temps Dans un modle de gnrations imbriques, C. Henry montre que - dans la mesure o chaque gnration ne sintresse qu son bien-tre et celui de ses enfants - lensemble des dcisions inter temporelles qui sont prises sont quivalentes celles que prendrait un planificateur la date zro, fixant les dcisions pour tout lavenir, condition de prendre un taux dactualisation dcroissant avec le temps. Le dcroissance du taux dactualisation est cohrente avec les constations empiriques faites au 2. Cette dcroissance trs long terme du taux dactualisation permet de prendre en compte les impacts dans un futur lointain sans pour autant hypothquer la rationalit des taux court et moyen terme qui doivent tre cohrents avec ceux observs sur les marchs par exemple. Le modle dvelopp prsente nanmoins un caractre normatif, et le les paramtres savrent difficiles estimer.

    16 A lquilibre, est aussi le taux de croissance gnral de lconomie dcrite ici.

  • 14

    La difficile prise en compte des gnrations futures17

    ou limpossibilit dtre quitable

    Est-il possible de traduire en une seule valeur (un seul nombre) la satisfaction que retire la collectivit dun flux dutilits affectant chaque gnration, prsente et futures ? La rponse est ngative ds lors que lon demande au processus de calcul dune telle valeur de vrifier laxiome dquit intergnrationnelle. Autrement dit, ds que lon accepte de rsumer en une seule valeur prsente toute une squence de flux affectant des gnrations futures, on est condamn faire lhypothse que certaines gnrations valent plus que dautres, quun mme bnfice vaut moins pour certaines (actualisation non nulle). La preuve mathmatique de ce rsultat sobtient en modlisant le problme de la manire suivante. Considrons une suite 0)( nnu dutilits traduisant le fait que la gnration i reoit lutilit iu . Attribuer cette suite dutilits gnrationnelles, une valeur prsente pour la collectivit revient chercher une fonction V qui la suite 0)( nnu attribue un rel v . Il est naturel de demander que la fonction V vrifie laxiome de Pareto : si toutes les gnrations gagnent plus (ou autant) avec la squence 0)'( nnu quavec la squence 0)( nnu , la valeur 'v de la premire squence doit tre suprieure (ou gale) celle v de la seconde. Comment traduire ensuite lide dquit intergnrationnelle ? De la manire suivante : si, dans deux squences 0)( nnu et 0)'( nnu , les utilits de chaque gnration sont les mmes sauf pour deux gnrations (j et k) o elles sont permutes, alors la fonction V doit attribuer ces deux squences la mme valeur. Ceci revient dire que la gnration j compte autant que la gnration k. Autrement dit, si

    kj uu '= et kj uu =' , et que { } ii uukji '; = alors 'vv = . On peut alors montrer quil ny a aucune fonction V qui satisfasse simultanment cet axiome dquit intergnrationnelle et celui de Pareto.

    4.4. La rentabilit du capital productif

    Lquilibre du march de lpargne et de linvestissement conduit lquilibre entre le taux dintrt pour le financement dun projet et la rentabilit marginale du capital productif. En effet, les projets dont la rentabilit marginale est suprieure au taux dintrt demand par les pargnants sont raliss, les autres non. Dans la mesure o la rentabilit du capital productif prsente un fort caractre alatoire, il doit ncessairement tre tudi dans un cadre prenant en compte lincertitude. Nous renvoyons donc ce substitut la section suivante (5.3.3).

    17 Aggregating infinite utility streams with intergenerational equity : the impossibility of being paretian , K. Basu, T. Mitra, Econometrica, Vol 71, n5, Septembre 2003.

  • 15

    5. La prise en compte du risque18 ne peut en aucun cas passer par un changement du taux dactualisation.

    Jusqu maintenant, ce document sest limit au cas o les flux futurs taient certains. Cette hypothse est bien sr trs restrictive, lincertitude jouant un rle fondamental dans les critres de dcision tant des individus que des pouvoirs publics. Dans certains cas (investissements de transport ou nergtiques long terme, lutte contre le rchauffement climatique ), la prise en compte du risque devient cruciale. Aprs la modlisation essentiellement statique de la dcision sous forme de rsultat de la maximisation desprance dutilit, le texte propose une discussion des critres de dcision alternatifs (maximin gain, minimax regret) et quelques enseignements tirs des marchs dactifs. Enfin, une distinction est faite entre petits et grands projets. 5.1. La dcision par maximisation de lesprance dutilit

    5.1.1. Le modle issu de laxiomatique de Savage

    Leonard Savage dans les annes 1940 met en vidence lexistence dun jeu daxiomes et dmontre que, dans ce cadre, toute dcision dcoule implicitement de la maximisation de lesprance dune fonction dutilit, avec des probabilits (dites subjectives) attribues aux diffrents scnarios venir. La fonction dutilit traduisant lattitude du dcideur vis vis du risque est dite de Von Neuman Morgenstern (VNM).

    En termes mathmatiques, il existe une fonction dutilit U (dpendant de la dcision prise Dd et de ltat de la nature) et une probabilit P sur les tats de la nature, telles que toute dcision rsulte du programme mathmatique suivant :

    ( )( )dUEMax PDd

    Cette approche semble a priori trs prometteuse dans la mesure o elle exhibe un cadre cohrent pour dcrire les dcisions individuelles et collectives : si lon admet que les axiomes de Savage sont satisfaits, alors il doit tre possible de caractriser les dcisions prises par un agent par une fonction dutilit et par des probabilits de ralisation des scnarios futurs.

    5.1.2. Les limites du modle

    Malheureusement ce programme est de peu dutilit pour dterminer la dcision publique prendre en cas dincertitude, et ce en raison dun certain nombre dobstacles difficilement surmontables :

    Tout dabord, il est lgitime de mettre en cause la validit notamment exprimentale - des axiomes de Savage. Si certains dentre eux sont effectivement acceptables au regard de critres rationnels de dcision (transitivit19 des choix par exemple) certains autres, comme laxiome dit de la chose sre 20, sont discutables. Par exemple, le paradoxe de lurne dEllsberg montre exprimentalement que les individus ne se comportent pas en maximisateurs dune esprance dutilit selon laxiomatique de Savage.21

    18 En thorie, on distingue le risque - qui correspond un danger connu pondr par une probabilit connue - de lincertitude (situation o le danger ou la probabilit de survenance sont inconnus). Ici on ne tiendra pas compte de cette distinction. 19 Malgr son caractre vident , cette axiome nest pas toujours vrifi empiriquement dans les dcisions individuelles. 20 Laxiome de la chose sre affirme quun choix ne doit pas tre modifi par lajout dune mme loterie tous les scnarios envisags. La remise en cause de cet axiome a conduit gnraliser la thorie de Savage par la notion dambigut. Cette dernire notion [Gilboa I. et Schmeilder D. Maximin expected utility with non-unique prior , Journal of Math. Economics, 18, 1989] savre encore plus difficilement applicable en pratique. 21 Dans cette exprience, on propose aux individus de parier sur la couleur de la boule qui va tre retire dune urne opaque. Deux urnes leur sont proposes. La composition de la premire (i.e. la proportion de boules de chaque couleur) est parfaitement connue ; dans la seconde, le joueur ignore cette rpartition. On montre que les dcisions prises sont incompatibles avec la maximisation dune esprance de gain (aucune probabilit subjective sur la composition de la seconde urne ne permet dexpliquer les choix constats).

  • 16

    La dtermination empirique des fonctions dutilit et des probabilit subjectives implicites dans laxiomatisation de Savage est trs difficile, les fonctions dutilit calcules se rapportant souvent des situations de jeu ou de loterie peu compatibles avec les dcisions relles en situation complexe. Quant aux probabilits, il faut bien noter quil ne sagit ici pas ncessairement de probabilits objectives ou historiques22.

    Quand bien mme les individus obiraient laxiomatique de Savage et que lon pourrait trouver les fonctions dutilit et les probabilit subjectives propres chacun, lagrgation de ces fonctions dutilit individuelles (comme celle des probabilits subjectives) pour prciser une rgle de dcision pour la collectivit serait impossible. Le problme est comparable celui voqu dans la section 2 (le paradoxe de Condorcet montre un niveau simple la difficult lie lagrgation des prfrences individuelles, Kenneth Arrow obtenant un rsultat plus gnral en dmontrant que tous les systmes de vote, la dictature excepte, conduisent des dcisions incohrentes).

    Malgr ces dfauts, lapproche de Savage fournit une approche intressante du point de vue normatif. 5.1.3. La notion daversion pour le risque

    Malgr ses limites, lapproche de Savage permet dintroduire la notion daversion pour le risque. Dfinition qualitative

    Face une loterie binaire (gain ir avec probabilit i , i=1,2), on peut dfinir en effet : lesprance de gain ==

    iii rrrE )~(

    lesprance dutilit de gain =i

    ii rUrUE )())~((

    lquivalent certain r tel que ))~(()( rUErU = la prime de risque rr On peut reprsenter ces diffrents gains sur le graphique donnant lvolution de la fonction dutilit Von

    Neuman Morgenstern U selon le gain r (cf. exemple sur le schma ci dessous, en prenant 21

    21 == ).

    Gains

    Utilit

    rl r2( ) rrE =~

    ( ) r U

    r

    ( ) ( ) r E U ~

    Prime de risque

    Gains

    Utilit

    rl r2( ) rrE =~

    ( ) r U

    r

    ( ) ( ) r E U ~

    Prime de risque

    22 Une probabilit est dite historique ou objective si elle se fonde sur lutilisation de la loi des grands nombres, ce qui suppose que lon dispose dun chantillon de donnes.

  • 17

    Quand la prime de risque est positive, le dcideur est averse au risque (il prfre un revenu sr nimporte quel revenu alatoire de mme esprance). Laversion au risque se traduit donc par la concavit de la fonction dutilit Von Neuman Morgenstern. Apprciation du risque Prime de risque )('' rU U

    Aversion Positive Ngative Concave

    Neutralit Nulle Nulle Affine

    Got Ngative Positive Convexe

    Dfinition quantitative

    Laversion au risque est value par le coefficient absolu daversion face au risque (Arrow-Pratt), coefficient local invariant par transformation affine de la fonction dutilit :

    )(')('')(

    rUrUr =

    Le terme en )('' rU traduit la concavit de la fonction dutilit. Celui en )(' rU permet de saffranchir du choix particulier dune dfinition de U (les fonctions dutilit VNM sont dfinies une fonction affine prs).

    est dautant plus grand que le dcideur est averse au risque. Il est nul quand le dcideur est neutre au risque, et ngatif quand il est risquophile.

    Remarques

    - La dfinition de laversion au risque est locale (au voisinage de r) et non globale. La valeur et le signe de , peuvent varier tout au long de la courbe dutilit. Il sagit donc l encore dune notion applicable au voisinage dun niveau de revenus. Habituellement, un dcideur est averse au risque certains niveaux et risquophile dautres. Ce sont ces comportements risquophiles pour de faibles montants qui expliquent par exemple pourquoi une part importante de la population joue au loto, en dpit du fait que lesprance de gain est ngative. - Laversion au risque nest dfinie que pour des loteries sur des gains. Autrement dit, cette notion est statique. Aucune notion daversion au risque na actuellement pu tre dfinie en dynamique, notamment face des flux futurs de revenus, et encore moins en cas dacquisition progressive dinformations.

    5.1.4. Le taux dactualisation

    Lapproche de Savage sous les hypothses et les limites que nous avons prcises prcdemment dfinit un cadre complet de dcision. Dans la mesure o lon considre comme diffrents des biens consomms des dates diffrentes, la fonction dutilit dfinit implicitement les prfrences intertemporelles de lagent. Malheureusement, cette fonction peut tre trs complexe et rien ne permet daffirmer que les choix intertemporels puissent tre caractriss par un seul paramtre non alatoire : le taux dactualisation.

    5.2. Les critres de dcision alternatifs

    Face une dcision prendre en incertitude, chaque agent conomique ragit selon sa psychologie et avec plus ou moins de rationalit. La diversit des comportements constats peut sexpliquer par lemploi de diffrents critres de dcision. Parmi ces derniers, on retient gnralement ceux qui ont de bonnes proprits, cest dire qui assurent notamment la transitivit des choix. On distingue en particulier le maximin du gain et le minimax du regret dtaills ci aprs. Dans les deux cas, on appelle lensemble des scnarios possibles (tats de la nature), et I lensemble des dcisions possibles i. Le gain obtenu avec la dcision i dans la situation est not iV .

  • 18

    5.2.1. Maximin gain

    Lattitude la plus prudente consiste retenir le projet qui donne le meilleur retour dans la situation la plus dfavorable. On retient alors le(s) projet(s) i* tel(s) que i* ralise(nt) ( )( )iIi V minmax . En dautre termes, on a :

    ( )( )iIi Vi minmaxarg* . Autrement dit, lapproche maximin de gain suppose danticiper que le pire va arriver et entend maximiser le gain obtenu dans le pire tat de la nature envisageable. Le tableau ci dessous donne lexemple dun problme trs simple.

    Tableau des gains Situation favorable Situation dfavorable

    Choix peu risqu 0 0

    Choix risqu 1 000 -500

    Le choix peu risqu donne un gain minimal de zro, contre un gain minimal de -500 pour le choix risqu . Le critre du maximin de gain conduit dont privilgier le choix peu risqu .

    5.2.2. Minimax regret

    Une autre attitude consiste minimiser les regrets possibles. Pour un tat de la nature et pour un projet i, le regret est lcart entre la VAN du projet i dans cette situation et la VAN du projet i qui aurait t le plus rentable dans cette situation . En dautres termes, pour un projet i, le regret scrit en fonction de la situation effectivement rencontre de la manire suivante :

    ( ) ( ) iiiiIi VVVVi == ~~max,Regret . Le choix du minimax regret consiste alors retenir le(s) projet(s) i* tel(s) que i* ralise(nt)

    ( )( )iIi ,Regretmaxmin . En dautres termes, on a : ( )( )ii Ii ,Regretmaxminarg*

    Autrement dit, il sagit dun critre de dcision visant non plus limiter les consquences de la situation la plus dfavorable mais minimiser le regret qui serait le plus lev. Le regret est dfini prcisment comme la diffrence entre le maximum des gains quil aurait t possible de faire dans ltat de la nature donn et la situation tudie. Cette approche prsente lavantage de prendre en compte les opportunits. Dans lexemple simple prcdent, le tableau des regrets scrit :

    Tableau des regrets Situation favorable Situation dfavorable

    Choix peu risqu 1 000 0

    Choix risqu 0 500

    Le regret maximal est de 1 000 avec le choix peu risqu contre 500 pour le choix risqu. Cest ce dernier qui est donc prfr.

    5.2.3. Avantages et inconvnients des critres alternatifs

    Les critres alternatifs du Maximin de gain et du Minimax regret ne ncessitent pas de connatre les probabilits doccurrence pour sappliquer. Cela peut sembler au premier abord un avantage, dans la mesure o la dtermination des probabilits des tats futurs est parfois trs difficile, mais cela conduit en

  • 19

    fait des dcisions trop extrmes ou simplistes . En reprenant lexemple expos prcdemment, si la probabilit que ltat dfavorable se produise est infime, gale 1010 par exemple, le comportement en maximin de gain semble difficilement acceptable, car lvnement cas favorable est pratiquement sr de se produire. Ce critre traduit lapproche de prcaution pousse ses limites : aussi faible que soit un risque, il faut en tenir compte et agir en consquence de sorte minimiser les dgts associs cette situation. Il sagit dune demande de risque zro, incompatible avec une prise de dcision dans le monde rel23. Il en va de mme avec le minimax regret o la peur de perdre une opportunit est tellement grande que lon est prt prendre des dcisions inconsidres. Par ailleurs, pour prouver un regret, encore faut-il savoir que lon a perdu quelque chose, autrement dit connatre le gain que lon aurait pu obtenir avec une dcision plus adapte ltat de la nature. Tel nest pas toujours le cas (par exemple, si lon ne prend pas le risque de creuser un puits, on ne saura pas sil y a du ptrole en sous-sol).

    Enfin, les deux critres sont peu robustes, au sens o ils donnent un rsultat excessivement sensible la description des consquences du scnario du pire (maximin gain) ou du scnario du meilleur (minimax regret).

    5.3. Les enseignements tirs des marchs dactifs

    Plutt que de sintresser la dcision de tel ou tel agent face tel ou tel problme, on peut examiner directement comment sont valoriss collectivement les actifs prsentant des risques (actions, etc.). En effet, ds lors que ces actifs sont changs sur des marchs suffisamment parfaits, leur prix intgre lapprciation collective des risques. On peut alors :

    - trouver la valeur dun projet en construisant des portefeuilles dactifs cots fournissant exactement les mmes revenus dans les mmes circonstances (5.3.1.) ;

    - sinspirer du lien entre le risque et lesprance de rentabilit des actifs cots pour dterminer un taux dactualisation compatible avec lincertitude (5.3.2.) ;

    - exploiter lesprance de rentabilit du capital productif (5.3.3.).

    Les deux premires mthodes amnent prsenter les deux grandes catgories de modles pour la valorisation des actifs : la valorisation par quilibre et la valorisation par arbitrage.

    5.3.1. La valorisation par arbitrage24

    Cette mthode consiste trouver une combinaison dactifs cots ayant exactement les mmes caractristiques de profitabilit que le projet que lon cherche valuer. La combinaison dactifs trouve et le projet sont alors deux biens conomiques identiques : leur prix doit donc tre le mme et la valeur du projet nest autre que le prix de la combinaison dactifs (les actifs tant cots, leur prix est connu).

    On va dtailler ci-dessous les fondements thoriques de cette mthode, et on en donnera un exemple dapplication tir du secteur financier. Le lecteur press, ou peu intress par les mathmatiques financires, peut se contenter de retenir le principe sur lequel repose la mthode par arbitrage (cf. ci dessus) et doit savoir quelle est dapplication limite dans le monde rel (faute dactifs cots permettant de construire la combinaison recherche)25.

    Sous des hypothses de march complet (on connat le prix dun ensemble dactifs dits primaires et dun actif sans risque) et dabsence dopportunit darbitrage26, la valorisation dun projet peut tre ralise par la construction dun portefeuille dactifs primaires donnant chaque priode les mmes gains dans les mmes tats de la nature27. Le prix du portefeuille rpliquant est alors la valeur conomique du projet 23 Surtout que, en pratique, il y a des risques tant prendre une dcision qu rester dans linaction. 24 La terminologie de valorisation par arbitrage fait rfrence lutilisation de la proprit dabsence dopportunit darbitrage sur les marchs pour le valorisation dun actif. 25 La mthode par arbitrage fonctionne toutefois bien pour certains projets, dans le secteur ptrolier par exemple : on peut trouver des actifs cots dont la possession quivaut au dveloppement et lexploitation dun champ ptrolifre 26 On dit quil existe une situation darbitrage sur un march quand il est possible de faire un gain strictement positif sans prendre aucun risque. Une telle situation nest bien entendue pas prenne. 27 La composition du portefeuille peut varier au cours du temps pour respecter cette contrainte, lhypothse de compltude des marchs assure quun tel portefeuille existe

  • 20

    Valeur la date 1 Etat haut Etat bas Actif sans risque 103 103

    Actif risqu 120 90 Option 20 0

    envisag. Cette approche prsente lavantage fondamental de ne ncessiter que la connaissance du prix de lactif sans risque28 pour valuer un projet intertemporel.

    On peut alors dmontrer que la valeur du projet correspond aux flux futurs actualiss au taux dintrt sans risque sous des probabilits dites risque-neutres . On se situe donc bien dans le cadre de la maximisation de lesprance de VAN. Ceci quivaut une fonction dutilit qui scrit comme une VAN au taux sans risque et avec des probabilits calculables (elles dpendent du prix des actifs primaires et des probabilits associes aux tats du monde).

    Lencadr ci-dessous dtaille un exemple dapplication de cette mthode.

    Exemple de valorisation par arbitrage

    On va appliquer cette mthode pour trouver la valeur dune option dachat sur un actif risqu, par exemple une option dachat sur une action France Telecom. Loption dachat considre est un titre qui donne le droit, mais pas lobligation, dacqurir lanne prochaine lactif (une action France Telecom) pour un prix fix lavance (disons 100 euros). Evidemment, si laction France Telecom vaut moins de 100 euros lan prochain, 90 euros par exemple, loption ne servira rien et son prix sera nul. En revanche, si laction France Telecom vaut plus de 100 euros lan prochain, disons 120 euros par exemple, loption sera intressante utiliser et aura une valeur positive (120-100=20 euros dans lexemple pris ici). Sil est donc facile de dterminer le prix de loption dans un an ( son chance) en fonction du cours de son sous-jacent (laction France Telecom), il est plus difficile de trouver son prix actuel. Le rflexe naturel pour trouver ce dernier consiste gnralement crire que le prix actuel de loption est gal lesprance actualise de sa valeur future mais comme on va le voir la mthode par arbitrage permet en fait de trouver directement la valeur actuelle sans se proccuper de fixer un taux dactualisation.

    Considrons donc un actif risqu valant 100 la date 0, et dont la valeur la date 1 est alatoire, avec une probabilit 0,5 de valoir 120 et une probabilit 0,5 de valoir 90. On cherche calculer le prix la date 0 dune option dachat sur lactif risqu, dchance un an et de prix dexercice 100. Cette option vaut videmment 20 la date 1 si le sous-jacent (lactif risqu) vaut 120 et 0 dans le cas contraire. On suppose en outre lexistence dun actif sans risque ayant un rendement fixe de 3 % (penser aux bons du Trsor). Le tableau suivant rsume cette situation :

    Pour valoriser loption la date 0, on cherche constituer un portefeuille constitu de lactif risqu et de lactif sans risque qui, la date 1, donne les mmes flux que loption. Essayons donc un portefeuille constitu de actifs risqus et actifs sans risque (nous allons dterminer et pour que ce portefeuille convienne). Les quations suivantes sont ncessaires et suffisantes pour que ce portefeuille ait les mmes flux que loption la date 1 :

    =+=+090*103*20120*103*

    soit :

    ==

    ==

    10360*

    10390

    32

    90120020

    28 Le taux dactualisation sans risque est facilement mesurable sur les marchs, il correspond au taux dintrt des emprunts dEtat (dans la mesure o ces Etats sont estims fiables conomiquement, principalement les pays du G7).

  • 21

    Avec ces valeurs pour et , le portefeuille rplique bien loption . (On peut remarquer que est ngatif : cela nest pas gnant ; le portefeuille rpliquant contient une dette en actif risqu29.)

    La valeur de loption (en raison de labsence dopportunit darbitrage) est alors gale la valeur en zro du portefeuille rpliquant :

    14,810360*100

    32*1000

    =V

    Il est ais de vrifier que la valeur de loption est gale lesprance de valeur actualise en prenant comme taux dactualisation le taux sans risque de 3 % et comme probabilits les valeurs +q et q dfinies par :

    dudrq

    +=+ 1 ; duruq

    = 1 avec u (up) et d (down) dfinis comme la valeur de lactif risqu la date 1 sur

    sa valeur la date 0 pour les tats haut et bas respectivement (ici : 100120=u ;

    10090=d do

    3013=+q et

    3017=q ).

    On vrifie facilement que 1=+ + qq (do le fait que ces deux grandeurs soient assimilables des probabilits). On les appelle probabilits risque - neutres et on vrifie facilement quelles nont rien voir avec les probabilits historiques gales ici 0,5 et 0,5.

    Finalement on vrifie bien que :

    [ ]

    14,8

    0*301720*

    3013

    03,011

    11

    110

    ++=

    ++=++ VqVqr

    V

    En conclusion, lapproche par arbitrage permet de trouver directement la valeur dun projet sans passer par le calcul dune esprance actualise, mais la valeur laquelle cette mthode conduit est quivalente une esprance de VAN condition de prendre comme taux dactualisation le taux sans risque et comme probabilits des probabilits dites risque - neutres (sans rapport avec les probabilits historiques).

    Lapproche par arbitrage, quoique trs prometteuse, trouve ses limites dans lhypothse de lexistence dun march complet, peu raliste pour certaines problmatiques (par exemple : sant, environnement). Le dveloppement des marchs financiers (obligations sur les catastrophes naturelles, march de quota dmission ) permet nanmoins desprer largir le champ dutilisation de cette mthode.

    5.3.2. La valorisation par quilibre30 (le Modle dEstimation Des Actifs Financiers - MEDAF31)

    Il est assez naturel de supposer que, esprance de rentabilit donne, un investisseur prfre une plus faible volatilit ou, ce qui est quivalent, qu volatilit donne, on prfre le placement dont lesprance de rentabilit est la plus forte. Par exemple, si lon peut placer son argent sans risque 3 % qui acceptera un investissement risqu dont lesprance de rentabilit est de 2 % ?

    Admettre cette hypothse, qui parat naturelle, suffit en fait dterminer le prix de tous les actifs. Plus prcisment, on est capable de relier lesprance de rentabilit que doit offrir un actif la volatilit de cette 29 On parle de position short en langage financier. 30 La terminologie de valorisation par quilibre se rfre lutilisation dun modle dquilibre pour lensemble des agents. Les modles de valorisation par quilibre sont plus contraints que les modles par arbitrage (voir 5.3.1 ou le modle APT, Arbitrage Pricing Theory), ils donnent donc des rsultats plus prcis (prix de lensemble des actifs) mais plus discutables. Il est noter en particulier que le modle MEDAF nest pas applicable un actif non cot sur les marchs (cest--dire ne faisant pas partie du portefeuille de march). 31 Capital Asset Pricing Model (CAPM) en anglais.

  • 22

    rentabilit. On propose ci-dessous la prsentation mathmatique du modle le MEDAF sur lequel repose ce rsultat. Le lecteur non fru de mathmatiques financires peut se contenter de retenir lide que, plus un actif est risqu (au sens relatif : par rapport aux autres actifs), plus il doit servir une rentabilit leve en esprance.

    A partir dhypothses sur le comportement des agents (arbitrage entre la moyenne dune rentabilit et sa variance) et donc dune spcification de leur fonction dutilit, il est possible de modliser le prix de lensemble des actifs (il ny a plus ici - contrairement au cas de la valorisation par arbitrage -) deux catgories dactifs : primaires dont le prix est connu, et secondaires ou drivs dont le prix est inconnu).

    La valeur dun actif, ou dun projet, est alors donne par lesprance actualise ( )

    +=n

    ii

    iBE0 1

    o iB est le

    flux de revenu net la date i et o le taux dactualisation est donn par la formule suivante (une interprtation intuitive en est propose juste aprs) :

    ( )( ) ( )rp ppCovr refrefref += ~var~,~

    o refp~ correspond au rendement (alatoire) dun portefeuille de rfrence (dfini comme celui de lensemble des actifs), p~ au rendement (alatoire) du projet considr, r au rendement (certain) de lactif sans risque et o ref est lesprance de rendement du portefeuille de rfrence. Le coefficient ( )( )refrefp

    ppCov~var

    ~,~est gnralement not .

    La formule prcdente, qui peut paratre complique, traduit en fait une ide simple : lesprance de rentabilit dun actif () est la somme de la rentabilit de lactif sans risque (r) plus une prime de risque. Cette dernire est le produit de lcart de taux moyen32 du march ( rref ) par un facteur traduisant le risque relatif de lactif considr (

    ( )( )refrefpppCov

    ~var

    ~,~), le terme relatif signifiant par rapport la moyenne de

    tous les actifs.

    On peut aussi interprter cette formule de la manire suivante, en sintressant un actif qui ne serait pas corrl avec lactif de rfrence : lcart )( r est le produit de la prime de risque moyenne du march gale

    ( )( )ref

    ref

    pVar

    r~

    par un facteur ( )p~var quantifiant le risque de lactif tudi. Le cas dun actif quelconque, un peu plus difficile, fait quant lui intervenir la corrlation entre lactif tudi et lactif de march, lcart de rendement tant alors gal au produit de la prime de risque, du coefficient de corrlation et de la volatilit de lactif :

    ( )( ) ( )

    ( )( ) ( )ppVar

    r

    pVarpVar

    ppCovr

    ref

    ref

    ref

    ref ~var~~~

    ~,~ =

    Comme lillustre le graphique ci-dessous, un actif caractris par ( ( )pVar ~ ,) et non corrl avec lactif de march est ncessairement sur la droite de march qui relie lactif sans risque ( ( ) 0~ =pVar , r= ) et le portefeuille de rfrence ( ( )refpVar ~ , ref = ). 32 Cet cart de taux est parfois abusivement appel prime de risque . Dans sa dfinition, la prime de risque prend galement en compte la variabilit des rendements du portefeuille de march. En supposant, par exemple, que lcart de rendement entre lactif de march et lactif sans risque est fix, la prime de risque diminue avec la variabilit du portefeuille de march. Ce qui se traduit en disant que, dans un march en moyenne trs volatil, la prime de risque est moins leve : familier dune forte volatilit les agents rmunrent moins celle-ci. La prime de risque est un coefficient de rmunration du risque (mesur dans le modle du MEDAF par la volatilit des actifs).

  • 23

    0 Ecart-typeDes rendements

    MoyenneDes rendements

    Rendement sans risque

    Portefeuillede rfrence

    Portefeuilles en labsence de lactif sans risque

    0 Ecart-typeDes rendements

    MoyenneDes rendements

    Rendement sans risque

    Portefeuillede rfrence

    Portefeuilles en labsence de lactif sans risque

    On peut trouver le mme type de graphique en portant en abscisse le paramtre : une droite de march relie lesprance de rentabilit dun actif . Le taux dactualisation dpend donc finalement uniquement de la corrlation entre le rendement du projet et lactif de march, le taux dactualisation est dautant plus faible que le rendement du projet est anti-corrl avec celui du portefeuille de rfrence.

    La dtermination du paramtre se fonde gnralement sur des donnes historiques dvolution des rendements de lactif tudi (ou dun actif proche) et du portefeuille de rfrence (comme approximation de celui-ci on peut utiliser les indices des marchs, par exemple le CAC40, indice des 40 premires valeurs de la bourse de Paris). Les actifs rels33 comme la qualit de lenvironnement, ne sont pas inclus dans le portefeuille de rfrence. Toutefois, il est par exemple assez naturel de penser que la pollution automobile est corrle la consommation des mnages donc lambiance macroconomique gnrale et au portefeuille moyen du march. A un autre extrme, le rendement dun projet dinvestissement dans un programme de prvention du tabagisme est alatoire mais non corrl a priori avec le rendement du portefeuille de rfrence donc son est nul (son taux dactualisation devrait alors tre le mme que celui du portefeuille de rfrence). Cette approche principalement utilise dans la gestion de portefeuille dactifs financiers prsente linconvnient de ntre adapte que dans le cas o les projets tudis sont marginaux et ninfluencent pas la composition du portefeuille de rfrence. De plus, on peut se demander pourquoi l'Etat devrait se comporter comme des investisseurs privs (mmes prfrences, mme arbitrage moyenne-variance). En outre les taux donns par l'observation des marchs financiers sont trs fluctuants. 5.3.3. La rentabilit du capital productif

    Comme nous lavons rappel dans la section 4, le taux dactualisation psychologique doit - sous certaines hypothses - tre gal au taux dintrt sur le march financier. Par ailleurs, larbitrage entre lpargne et linvestissement conduit lquilibre une galit entre le taux dintrt financier et la rentabilit (marginale) du capital. Or on constate en pratique que la rentabilit du capital observe est nettement plus leve que le taux dintrt financier. La raison en est simple :

    33 Cest dire ne faisant pas lobjet de cotations sur les marchs.

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    a) lgalit entre taux dintrt et rentabilit du capital ne vaut quen certitude alors que la rentabilit du capital est en pratique alatoire (la fiscalit du capital vient galement perturber lgalit thorique) ;

    b) ce que lon observe empiriquement nest gnralement pas la rentabilit marginale du capital mais la rentabilit moyenne.

    Autrement dit, il convient dtre trs prudent quand on essaie dapprocher le taux dactualisation par la rentabilit du capital. La rentabilit du capital investi dans un projet prcis est incertaine, varie de projet projet, et au niveau agrg auquel se font les observations, on obtient une rentabilit du capital qui est une moyenne de rentabilits disparates et variables intgrant des primes de risque. Il nest donc pas possible dutiliser les observations venant de la rentabilit du capital sans dfinir un cadre thorique tenant compte de lincertitude.

    Une premire ide peut consister relier la rentabilit du capital investi celle des actions qui assurent le financement de linvestissement (actions pour lesquelles on dispose dun cadre thorique convenable et de donnes (cf. 5.3.2.)). Ainsi, en observant la rentabilit des titres, on obtiendrait la rentabilit des investissements productifs. Toutefois, les investissements sont financs non seulement par actions mais aussi par endettement34. Cela renvoie au Cot Moyen Pondr du Capital (CMPC) qui peut apparatre comme un taux dactualisation lgitime et qui, de fait, est utilis par certaines entreprises. Nous ne nous tendrons pas sur le CMPC dans la mesure o il est manifestement hors de propos pour les choix publics (financement diffrent). Par ailleurs, le taux fourni par le CMPC prsente le dfaut dtre excessivement variable avec la valorisation boursire de lentreprise et donc dtre lui mme incertain.35

    En fait, la rentabilit du capital conduit qualitativement aux mmes arguments que la rentabilit des titres financiers (MEDAF au 5.3.3). Linvestissement prsente gnralement un caractre risqu ; dans ce cas laversion au risque de linvestisseur conduit celui-ci demander une prime de risque pour largent investi, quil sagisse dactions ou de crances. Les taux dpendent donc du niveau de risque de linvestissement.

    Pour obtenir le taux de rendement financier dun actif, il convient dajouter le profit additionnel que linvestisseur attend de son placement. Schmatiquement on a la dcomposition :

    Taux d'intrt sans risque + Prime de risque + Marge =

    Taux de rendement financier36

    On constate que le taux de rentabilit net du capital varie dun secteur lautre de lconomie : denviron 13 % pour les industries des biens dquipement en 2001, il se situe aux environ de 4 % pour les transports et lnergie37. Au total, il semble peu pertinent dutiliser ces taux observs pour fonder le taux dactualisation : - ce ne sont pas des taux marginaux mais moyens ; - ils sont variables et refltent plus les contraintes actuelles de march des entreprises sous-jacentes que des arbitrages intertemporels. Toutefois, cette approche permet de prendre en compte le risque d'vincement de l'investissement priv par l'investissement public (qui absorbe de l'pargne) alors que les projets publics ne sont pas ncessairement les plus rentables. En effet, lquilibre entre lpargne disponible et les investissements raliser (publics et privs) nest plus assur, do lintrt de prendre en compte par ailleurs cet aspect des choses. 34 Le partage des risques entre cranciers et actionnaires mriterait elle seule un long dveloppement. Le lecteur intress pourra se rfrer Doherty, Neil A., Integrated risk management , New York: McGraw-Hill, 2000. 35 Si D dsigne la dette (rmunre au taux ) et K les capitaux propres (rmunrs au taux ), le CMPC est donn par

    KDK

    KDDCMPC +++= qui varie beaucoup.

    36 La fiscalit vient aussi perturber cette analyse. Nous la ngligeons ici. 37 Source : Le taux dactualisation public , Direction de la Prvision, septembre 2003.

  • 25

    5.4. Le cas des petits projets : neutralit au risque

    Jusqu prsent, les mthodes prsentes pour traiter le cas du risque peuvent sembler assez dcevantes car difficiles dapplication. Heureusement, et cela est dautant plus vrai que lon sintresse au dcideur public, on peut se ramener aux cas en certitude traits aux sections 3 et 4 ds lors que les consquences de la dcision envisage sont suffisamment petites. Dans le cas o les flux engendrs par le projet sont faibles au regard des autres flux reus par le dcideur, il est lgitime de faire une approximation linaire de la fonction dutilit, et - en suivant laxiomatique de Savage - de maximiser lesprance dutilit. Dans la mesure o lon considre des projets denvergure modeste (au regard du budget total), le dcideur public se retrouve ainsi neutre au risque. Dans ce cadre le taux dactualisation est choisi avec des critres comparables ceux utiliss dans le cas o les flux futurs sont certains. Illustration (cas simple dun petit projet incertain) : Soit U une fonction dutilit VNM , on suppose quinitialement les flux de la collectivit sont certains et valent nR (cest--dire le bilan des bnfices nets des cots la date n ). Considrons alors le cas dun projet envisag par lEtat qui conduit aux flux incertains en date 0

    ~F en date 0 et 1

    ~F en date 1. Dans la mesure o lon considre que lEtat est rationnel (se conforme laxiomatique de Savage) et sattache maximiser le bien-tre collectif, le projet ne sera accept que si lesprance de gain avec le projet est suprieure au gain sans, cest--dire : ( )( ) ( )101100 ,~;~ RRUFRFRUE ++

    En faisant un dveloppement limit de la fonction dutilit au voisinage du point ( )10 , RR et en ngligeant les termes dordre suprieur un, on trouve les conditions quivalentes suivantes :

    ( ) ( ) ( ) ( )10101

    1100

    010 ;,~,~, RRURR

    RUFRR

    RUFRRUE

    +

    +

    ( ) ( ) ( )( ) 0,,

    ~~

    100

    101

    10

    +RR

    RU

    RRRU

    FEFE

    On retrouve alors lexpression dune esprance de VAN avec le mme taux dactualisation que dans le cas dterministe. Il faut toutefois noter ici que la fonction dutilit prsidant la dfinition du taux marginal de

    substitution ( )( )10

    0

    101

    ,

    ,

    RRRU

    RRRU

    est la fonction VNM dcoulant de laxiomatique de Savage, et non celle venant

    du modle microconomique du consommateur. Dans la mesure o les consommateurs vrifient simultanment les hypothses micro-conomiques classiques et les critres de dcision des axiomes de Savage, les fonctions dutilit sont les mmes, les taux dactualisation de la partie 4 sont donc utilisables. 5.5. Le cas des grands projets : quelle relation au risque pour la collectivit ?

    LEtat est permanent et a toujours thoriquement la capacit de diversifier les risques ou de transfrer ses revenus dune priode sur une autre. A la lumire des considrations prcdentes sur laxiomatique de Savage et la forme de la fonction dutilit dans le cas de petits projets, on peut donc considrer que lEtat doit tre neutre au risque et donc raisonner simplement en esprance de gain.

  • 26

    Dans cette optique, une analyse cots-bnfices doit se fonder sur la comparaison des esprance des gains et des cots. Le choix du taux dactualisation se ramenant alors la problmatique dveloppe dans un cadre certain. On notera nanmoins que le choix dun tel comportement pour la dcision publique nest pas exempte de critiques :

    si lEtat est permanent, les lecteurs ne le sont pas et prsentent gnralement une aversion au risque38. Un tel critre de dcision peut donc donner limpression que lEtat agit de faon irresponsable ;

    lEtat est galement soumis des contraintes qui lempchent de transfrer nimporte quelle valeur dune priode sur une autre (endettement limit ) ;

    certains risques sont suffisamment importants pour menacer lexistence dun Etat, le risque de dfaut nest pas nul.

    De faon gnrale, hors du cadre trs spcifique du MEDAF, rien ne justifie en tout tat de cause de modifier le taux dactualisation pour rendre compte du risque. En particulier, lide que le risque doit conduire modifier le taux dactualisation que ce soit dans le sens dune augmentation ou dune diminution conduit des rsultats aberrants comme le montre lencadr ci-dessus.

    Pourquoi il ne faut pas modifier le taux dactualisation ( la hausse ou la baisse) pour prendre en compte le risque

    On entend souvent dire que la ncessit dtre prudent doit conduire lEtat utiliser un taux dactualisation diffrent pour des projets risqus et des projets sans risque. Lide est que la modification du taux dactualisation peut permettre de faire apparatre un projet risqu comme moins rentable que le projet certain quivalent. Autrement dit, la mthode est cense diminuer la valeur conomique des projets risqus par rapport ce que donne une analyse en esprance actualise o les flux incertains sont remplacs par leur esprance.

    Il nen est rien comme on le constate aisment avec lexemple suivant deux priodes.

    Projet 1 : utilisation dun pesticide nouveau. Les gains lis llimination des espces nuisibles - immdiate sont srs (+98) ; en revanche, les cots cologiques - en deuxime priode - sont incertains (-50 ou -150 quiprobables).

    Projet 2 : construction dune centrale lectrique. Le cot immdiat est sr (-80). Le gain futur incertain en raison du prix inconnu de llectricit (+50 ou +150 quiprobables).

    Si lon raisonne en quivalent certain, les projets valent respectivement (en esprance actualise 4 %, suppos tre le taux sans risque) :

    V1 = +2

    V2 = +16

    et les deux projets apparaissent donc rentables.

    Que se passe-t-il si, au nom du risque, on dcide dutiliser un taux dactualisation diffrent de 4 % ?

    V1 augmente avec le taux dactualisation, et devient nulle quand le taux est infrieur 2 %.

    V2 diminue avec le taux dactualisation, et devient nulle quand le taux est suprieur 25 %.

    Autrement dit, si la prudence impose de donner une valeur moindre aux projets risqus, il faut tantt accrotre tantt diminuer le taux dactualisation au nom du risque (tout dpend de la structure de la squence des flux futurs). Une autre faon de commenter ce rsultat est de dire que accrotre le taux dactualisation ne favorise en aucune faon la slection des projets les moins risqus. Diminuer le taux non plus. 38 Encore une fois, mme si lon peut observer dans le comportement des individus une certaine relation au risque (accidents de la route, etc.), rien ne permet dagrger les observations pour en dduire une aversion au risque collective.

  • 27

    6. Conclusion : proposition pour l'actualisation publique

    La taille de la plupart des projets publics lgitime lhypothse de neutralit au risque, et conduit donc recommander le critre de maximisation de l'esprance de valeur actualise nette (VAN) avec comme taux d'actualisation : - le taux d'intrt sans risque sur les marchs financiers tant que ces marchs existent (30 ans) soit entre 2 et 3 % en termes rels actuellement ; - au del de toute rfrence au march, un taux faible mais non nul (prfrence pure pour le prsent) d1 %. Pour les projets mettant en jeu des sommes ne permettant plus de considrer que lEtat est neutre au risque, les hypothses lgitimant lemploi de la VAN ne sont plus vrifies et il est donc a fortiori vain de tenter de traiter laversion au risque via cet outil. Il convient alors dutiliser la mthode par Absence dOpportunit dArbitrage quand cette mthode peut s'appliquer. Remarques : - Cette recommandation est trs normative dans certains cas mais c'est la seule qui garantisse la cohrence dynamique des choix collectifs (i.e., sur trs longue priode, on maximise bien la richesse nationale en appliquant la rgle chaque priode). Il importe en effet de ne surtout pas changer la rgle selon les projets considrs ou selon le moment o on l'applique. - La squence de taux ainsi dfinie permet, horizon dinvestissement humain, dactualiser les flux de faon cohrente avec le fonctionnement des marchs et, simultanment, de ne pas hypothquer le dveloppement durable par la prise en compte dventuels impacts sur plusieurs gnrations. - La rgle propose doit servir dterminer si un projet est rentable ou non pour la collectivit. Elle ne prjuge pas de sa ralisation effective ; la contrainte de financement intervient par ailleurs. La rgle propose convient pour les effets externes valoriss sur une base de march (prix hdoniques, cots, etc.). En revanche, lintgration dans un calcul actualis deffets externes valoriss sur des bases non marchandes (valuation contingente) nest justifie par aucun des modles thoriques dcrits dans cette note et donne des rsultats contraires aux observations empiriques.

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    BIBLIOGRAPHIE

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    Integrated risk management , Doherty, Neil A., New York: McGraw-Hill, 2000.

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