10 questions 10 réponses sur l’Accord National International

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10 QUESTIONS 10 RÉPONSES SUR L’ACCORD NATIONAL INTERNATIONAL L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI) SUR LA SÉCURISATION DE L’EMPLOI CONCLU LE 11 JANVIER DERNIER ENTRE LE MEDEF, LA CFDT ET LE GOUVERNEMENT MENACE LE CODE DU TRAVAIL. GÉRARD FILOCHE, INSPECTEUR DU TRAVAIL DÉCRYPTE DANS LE DÉTAIL LES ENJEUX DE CET ACCORD. PARTIE 1

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L’accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi conclu le 11 janvier dernier entre le Medef, la CFDT et le gouvernement menace le code du travail. Gérard Filoche, inspecteur du travail décrypte dans le détail les enjeux de cet accord.PARTIE 1

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10 questions 10 réponsessurl’AccordnAtionAlinternAtionAlL’accord nationaL interprofessionneL (ani) sur La sécurisation de L’empLoi concLu Le 11 janvier dernier entre Le medef, La cfdt et Le gouvernement menace Le code du travaiL. gérard fiLoche, inspecteur du travaiL décrypte dansLe détaiL Les enjeux de cet accord.

partie 1

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Est cE quE la méthodE dE l’aNI étaIt boNNE ?

Cher ( e ) s député ( e ) s de gauche,

En même temps qu’à des mil-lions de salariés c’est à vous que s’adresse cette analyse.

L’ANI signé boulevard de Wagram le 11 janvier arrive en Conseil des ministres le 6 mars. Puis il arrivera au Parle-ment fin mars, courant avril. C’est vous qui allez avoir, avant mai, la décision entre vos mains.

On nous dit qu’il y aurait une « procé-dure d’urgence » et une seule lecture ? Pourquoi ? N’a t on pas pris le temps parlementaire régulier pour quantité de récentes lois ? Or là, l’enjeu est plus grave, plus déterminant encore. Ce sera sans doute la loi la plus décisive depuis le début du quinquennat.

Or le projet d’accord conclu le 11 jan-vier 2013 boulevard de Wagram entre le patronat et une minorité syndicale ne devrait pas être repris par la majorité de gauche au Parlement.

Prenez le temps de l’examiner, car il marquerait une grave régression des droits sociaux des salariés.

Ce fut pourtant une excellente idée d’envisager un sommet social après les élections présidentielles et législatives.

La droite avait tellement cassé le droit du travail pendant dix ans (lois Fillon, Larcher, Bertrand… recodification du code du travail, etc.) qu’il fallait le re-construire, éradiquer la précarité.

Il était nécessaire d’impliquer le patro-nat dans la lutte contre le chômage, contre les licenciements. Il fallait ré-augmenter les salaires bloqués depuis dix ans et donner des droits nouveaux en termes de santé, sécurité, condi-tions de travail. Encourager les sala-riés, les mobiliser, c’était le moyen de sortir plus vite et plus surement de la crise, tout en confrontant le patronat à ses responsabilités.

C’était d’ailleurs écrit dans le « projet socialiste » 2011 : « reconstruire le droit du travail »

Négocier avec le patronat, l’engager dans le redressement du pays, il le faut. Le Medef a une lourde part de respon-sabilités dans le chômage de masse, il doit être concerné profondément dans la sortie de crise, la redistribution du travail et des richesses. Car il y a eu un partage du travail féroce, violent, injuste entre sans travail sous travail sur travail au détriment de l’emploi.

Il faut en revenir à de bonnes lois répu-blicaines du travail. Nous ne pouvons survivre avec 5 millions de chômeurs, 10 millions de pauvres, 3 millions de précaires, 3,5 millions de temps par-tiels, 2,7 millions de smicards, un sa-laire médian limité à 1640 euros alors que la durée réelle moyenne du travail hebdomadaire est remontée à 41/42 h

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et qu’il y a un milliard d’heures supplé-mentaires dissimulées, non déclarées, non majorées, non payées (l’équivalent de 600 000 emplois). Il y a urgence : on aurait pu voter en ce sens dés juillet 2012, cela a été retardé, mais ce n’est pas une raison pour que cela soit fait de façon précipitée, au pas de charge, sans faire très attention.

On se souvient dans l’histoire de notre pays, des célèbres « sommets » de Ma-tignon en 1936 après la crise de 1929 et de Grenelle en 1968 après la grève générale, où patronat et syndicats, à chaud, négocièrent des avancées his-toriques qui marquèrent le XXe siècle !

Plus prés de nous, après novembre décembre 1995 et la victoire de la gauche, le 10 octobre 1997, Lionel Jos-pin avait convoqué un « sommet social » ou le gouvernement engagea les « par-tenaires sociaux » à négocier les 35 h avant qu’une loi ne les consacre.

Dans tous ces cas, sous la pression des grèves, luttes sociales ou du gou-vernement, la gauche faisait progres-ser la cause de millions de salariés. Parfois plus loin que prévu : les 40 h et les congés payés n’étaient pas au programme du Front populaire, ils n’en furent pas moins négociés et accordés le 8 juin puis le 11 juin 36 sous l’impact du développement des grèves et occu-pations d’entreprises. La loi suivit vite.

Mais, là au sommet de Wagram qui a commencé le 16 juillet 2012 pour se terminer à froid le 11 janvier 2013, on n’a pas eu du tout ni le même enthou-siasme, ni le même résultat. Ni lutte

sociales, ni propositions centrales et fortes du gouvernement de gauche, et à la fin seule une minorité syndicale a signé. C’est négatif.

L’ANI de Wagram c’était une bonne idée, mais un mauvais résultat en rela-tion avec les espérances conçues.

Il faut des négociations, des contrats, des compromis, bien sur :

Quand les « partenaires sociaux » par-viennent à négocier mieux que la loi, c’est bon pour tous. Entre le contrat et la loi, c’est le principe de faveur, c’est-à-dire ce qui est le plus favorable au sala-rié qui l’emporte, c’est ainsi qu’on fait progresser les droits sociaux.

Il est arrivé dans le passé que des grèves donnent naissance à des « contrats » meilleurs que les lois en vi-gueur. Oui il faut des « contrats », des « conventions collectives » étendues de branche et interprofessionnelles.

Il est sain, pour un gouvernement de gauche, de chercher à consulter les syndicats avant de faire une loi, et de chercher à en convaincre les patrons.

Concertations, négociations, sont nécessaires : encore faut-il respecter certaines règles, par exemple, écouter la majorité des syndicats revendicatifs plus qu’une minorité signant à bas ni-veau. Une négociation, ça se conduit, ça se guide, comme le fit Lionel Jospin en 1997.

Mais si un patronat ne veut pas faire de concession, propose une feuille de

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route régressive, il n’y a aucune raison, pour la gauche, de le suivre.

Si on avait attendu que le patronat signe, nous n’aurions jamais eu les 35 h !

L’idée qu’il faudrait à tout prix respec-ter « fidèlement et loyalement » une négociation, un accord, un compro-mis dictés par le patronat est sur-prenante. Ce sont les représentants du peuple, les élus qui décident, pas les patrons du Medef.

S’il n’y avait plus de loi sans accord préalable des patrons, on changerait carrément de République : il n’y aurait plus jamais d’avancée sociale, on n’au-rait jamais eu les conges payés, les 40 h, les 35 h, les retraites, la Sécu… car tout cela a été imposé par une syner-gie de l’action des syndicats et de gouvernement de gauche !

La volonté du MEDEF, traduite dans ce texte, est de multiplier les accords d’en-treprise, au détriment de la loi. Comme l’a expliqué Laurence Parisot, refusant toute contrepartie aux 20 milliards de crédit d’impôt accordés en 2013 par le gouvernement : « ce qui en sera fait re-lève de la décision de 1,2 millions d’em-ployeurs, il y a 1,2 millions de décisions ».

Mais pourtant il existe un « ordre public social » républicain qui, normalement s’impose à tout employeur : « Entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » disait Lacordaire.

La gauche n’a jamais eu besoin de l’ac-cord du CNPF puis du MEDEF pour lé-giférer dans l’histoire, sinon elle n’aurait jamais fait la Sécurité sociale, la retraite à 60 ans, la journée de 11 h, de 10 h puis de 10 h, les 40, les 39, puis les 35 heures, les congés payés…

L’ANI de Wagram, du 11 janvier, écrit par le Medef, défendu par le Medef, resté minoritaire n’a aucune sorte de légitimité pour devenir « loi de la Répu-blique ». Il faut le prendre pour que ce qu’il est, un texte d’une minorité forte-ment contesté par une majorité !

Est-ce que l’ANI est un compromis ?

Le gouvernement ne peut argumenter que ce texte serait le résultat d’un com-promis entre syndicats majoritaires et patronat.

Ce serait mieux s’il l’avait été. Mais ce n’est pas un compromis. Il n’y a rien de-dans qui favorise en quoi que ce soit les salariés. Aucune avancée. Aucun pro-grès. Uniquement des petites mesures tordues, confuses, manipulées pour in fine arranger le patronat pas le salariat.

Nous allons vous le démontrer ci des-sous dans le détail chapitre par cha-pitre, point par point.

Car il faut lire, étudier l’ANI dans le dé-tail. Le droit du travail est un droit in-time, décisif, quotidien, pour 18 millions de salariés du privé.

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C’est l’état de droit dans l’entreprise.

C’est le droit le moins connu, le moins enseigné, le plus dénigré, le plus frau-dé, mais celui qui se révèle vital dés que l’emploi est en jeu.

Le droit du travail, contrairement à une légende, est simple, pratique, concret. C’est lui qui donne et garantit le droit au travail, le niveau du salaire, la durée du travail, légale et maxima.

Le droit du travail a été bâti depuis 170 ans, il a été rédigé avec du sang et de la sueur, des luttes et des larmes. Les salariés sont l’écrasante majorité, 93 % des actifs de ce pays. Quand un article du Code varie, ce sont des millions d’entre eux qui sont impactés.

Un contrat de travail se caractérise comme un « lien de subordination juri-dique permanent »

C’est l’employeur qui décide de la naissance du contrat, de la gestion du contrat, de la fin du contrat. Il n’y a pas démocratie dans l’entreprise, il n’y a pas de citoyenneté dans l’entreprise.

Il n’y a pas d’égalité dans l’entreprise entre employeur et salarié. Il n’y a pas de volontariat en droit du travail. Le sa-larie est subordonné.

...Et le code du travail est la contre partie à la subordination !

Laurence Parisot déclare « la liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail » pour mieux supprimer toutes les contrepartie à la subordination.

Le Medef a organisé des colloques sur « la soumission librement consentie » pour mieux justifier qu’il n’y a pas à exis-ter d’état de droit dans l’entreprise.

De 2004 à 2008, la « recodification du code du travail » par ordonnance, les lois Fillon, Larcher, Bertrand ont multiplié flexibilité, précarité et dérèglementa-tion, provoquant souffrances, précarité, stress, risque psycho sociaux, burn out, accidents et maladies professionnelles accrues, ce qui a abouti à davantage de ruptures de contrats et de licenciement abusifs.

Plus il y a de flexibilité moins il y a de droits et d’emploi.

Parfois pour un député, surtout s’il a été occupé dans la fonction publique, le Code du travail semble « complexe » et « abstrait ».

Mais pas pour ses électeurs.

Ceux qui aujourd’hui n’ont pas d’opi-nion mesureront demain les effets de cet accord sur leur vie et ne manque-ront pas d’en tirer les conséquences notamment sur le plan électoral.

Il n’y a aucune restitution de droits perdus depuis dix ans. Quasi aucune mesure ne s’applique avant fin 1993 et donc rien ne pèsera donc pour aider le gouvernement à « inverser la courbe du chômage » cette année : Rien de nouveau en matière de for-mation professionnelle (120 h sur toute la vie),

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une « complémentaire santé » en 2016 limitée, chère, tardive et tournée vers les gros groupes d’assurances privés, aucune interdiction des CDD abu-sifs, partiellement et aléatoirement taxés, remplacés pas des intérims, flexibilisation maximale des temps partiels contre 85 % des femmes qui le subissent en majorité, développement massif du chômage partiel et recul des droits à formation afférents, dégressivité des indemnités chô-mage, reculs de l’information des IRP, création de CDI intermittents, « pactes » aléatoires de baisse de salaires et de changements d’horaires, des « mutations internes » imposées « plans de sauvegarde de l’emploi » accélérés, fluidifiés, facilités, cadenas-sés… recul historique dans la défense des contrats de travail face à des ac-cords dérogatoires, affaiblissement grave des droits des salariés face aux prud’hommes, remise en cause des procédures devant les juges…

Ca fait beaucoup de négatif. Tellement de « négatif » qu’il est impossible de parler de « compromis ».

L’ANI issu du sommet social a été dé-tourné de son objectif. Loin de favoriser l’emploi, il facilite les licenciements et la précarité.

Les salariés ont déjà beaucoup trop donné avec la droite quant aux pro-messes de moins de garanties pour plus d’emplois. La baisse des droits est

immédiate et réelle mais les promesses d’emploi ne sont jamais tenues.

Déjà en 86 le patronat promettait 400 000 emplois en échange de la suppres-sion de l’autorisation par l’inspection du travail des licenciements économiques. La suppression a été effective, les em-plois n’ont jamais vu le jour.

Cet accord n’est donc pas transpo-sable en l’état.

Il serait inconcevable que la majorité parlementaire entérine dans la loi les reculs sociaux dictés par le MEDEF.

D’ailleurs il comporte aux yeux des ex-perts quantité d’anomalies juridiques, d’aspects contradictoires, improvisés, et même des passages anticonstitu-tionnels.

Mais au delà de l’aspect juridique, c’est sa philosophie qui fait question. Fran-çois Hollande a été élu avec l’immense majorité des voix des salarié en promet-tant l’emploi et la justice. L’ANI signé ne créera pas un emploi de plus, pas un chômeur de moins. Il ne contribuera en rien à inverser la courbe du chômage avant fin 2013. Pire, s’il entrait en vi-gueur, il facilitera les licenciements

En plus de donner des aides et des droits nouveaux injustifiés au patronat, cet accord comporte des reculs sociaux historiques, soulignés par de nombreux juristes et détaillés (cf. ci dessous ou les 28 articles de l’ANI sont examinés). Il permet aux employeurs de rendre in-certain ce qui était sur pour le salarié (sa paye et son contrat) et sécurise les

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employeurs en rendant plus difficile ou impossible la saisie de la justice par le salarié pour faire valoir ses droits.

C’est un accord minoritaire :

La nouvelle loi (voulue par la CFDT, la CGT et le Medef en 2008) entre en vi-gueur en 2013, impose que les signa-taires d’un accord aient plus de 10 % des voix et qu’elles représentent 50 % des voix des salariés pour qu’un accord soit valable :

Or les organisations syndicales signa-taires de l’ANI de Wagram du 11 jan-vier, sont minoritaires. La CFTC et la CGC ont moins de 10 % des voix et ne sont pas fondées à signer. Le total des voix des éventuels signataires (CFTC, CFE CGC, CFDT) représentent moins de salariés que les non signataires CGT et FO.

Pour mémoire :

Aux prud’hommes en 2008 : Pour les non signataires CGT 34% et FO 15,81% soit 49,81%. Pour les signataires CFDT 21,81, CFTC 8,69% et CGC 8,19% soit 38,69%

Le dernier résultat de décembre du vote des petites entreprises est le suivant : Pour les non signataires CGT 29,54 % FO 15,25 % soit 44,79 %; Pour les signataires CFDT 19,26 % ; CFTC 6,53 % ; CGC 2,32 %.soit 29,15 %.Deux sondages de début janvier 2013

confirment qu’une majorité rejette la flexibilité du MEDEF.

56% selon BVA, 55% selon celui de CSA/les Echos, dont 69 % d’ouvriers et 69% de sympathisants du PS.

La majorité du Parlement doit être rai-sonnable et respectueuse : elle doit corriger ce très mauvais résultat du 11 janvier, écouter la majorité des salariés.

Ce texte n’a pas l’aval de la majo-rité des salariés, vous devez les entendre et porter leur voix.

Est-cE quE la présENtatIoN dE l’ aNI par lEs graNds médIas va trompEr soN moNdE ?

Conduire la bataille d’opinion pour faire connaitre le réel contenu de l’ANI

contre l’intox d’une présentation médiatique apologétique et tron-quée

La grande presse a confisqué, en le dénaturant, la présentation de l’ANI par des phrases dithyrambiques, creuses et abstraites, sans jamais dire ce qu’il y avait de précis dans le texte. Aucun des défenseurs de l’ANI ne rentre dans les détails… et pour cause. L’accord serait « gagnant-gagnant », « audacieux », ou encore « une bouffée d’air au dialogue social »…

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Frédéric Lemaire, le 28 janvier 2013, dans Acrimed (excellent travail, cité abondamment ci dessous en raison de sa précision et de son caractère exhaustif) démontre de façon écla-tante que c’est partout la même ren-gaine : la réforme qui devrait résulter des négociations promet « plus de souplesse aux entreprises, et plus de protection aux salariés » .

Il démontre une « étonnante uni-formité lexicale » :

« Le chef de l’Etat […] croit aux vertus du dialogue social […] pour donner plus de souplesse aux entreprises, plus de protection aux salariés. » (L’Express, 29 décembre) ;

« Cette négociation, voulue par le gou-vernement et entamée le 4 octobre, vise à concilier plus de souplesse pour les entreprises et plus de protection pour les salariés . » (Libération, 1er jan-vier) ;

« Il s’agit de trouver un équilibre entre plus de flexibilité pour les entreprises et plus de protection pour les salariés . » (La Croix, 7 janvier) ;

« A la recherche d’un compromis his-torique sur une réforme du marché du travail, syndicats et patronat peinent à s’entendre pour le rendre à la fois plus souple et plus protecteur. » (Direct Matin, 8 janvier) ;

« Les négociations reprennent […] Il s’agit d’offrir à la fois plus de protection aux salariés, mais aussi plus de sou-plesse aux entreprises » (Leparisien.

fr, 9 janvier). L’article est assorti d’un sondage : selon vous, faut-il assouplir le code du travail ? »

« Depuis le coup d’envoi, le 4 octobre 2012, de cette négociation cruciale, syndicats et patronat peinent à trouver un compromis pour fluidifier le marché du travail en donnant plus de souplesse aux entreprises et de protection aux salariés. » (AFP, 10 janvier) ;

« Les négociations sur une réforme du marché du travail alliant plus de sécu-rité pour les salariés et flexibilité accrue pour les entreprises ont débouché sur un accord vendredi » (Reuters, 12 jan-vier)

« Au terme d’une journée marathon et de trois mois de négociations, syndi-cats et patronats ont arraché hier soir l’accord tant attendu par l’exécutif sur la sécurisation de l’emploi, destiné à offrir à la fois plus de souplesse aux entre-prises et davantage de protection aux salariés. » (La Dépêche, 12 janvier)

« Au terme de trois mois de négocia-tions, syndicats et patronats sont par-venus à un accord vendredi 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi, destiné à offrir à la fois plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés . » (L’Expansion, 14 janvier)

« Destiné à offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés cet accord «marque l’avè-nement d’une culture du compromis après des décennies d’une philosophie de l’antagonisme social», s’est félicitée Laurence Parisot, présidente du Medef.

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» (BFMTV.com, 12 janvier 2013)« Destiné à offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés , que prévoit exactement cet accord ? » (RTL.fr, présentation de l’émission d’Eric Vannier, 12 janvier)

« Trois syndicats sur cinq, à l’exception de la CGT et de FO, et les organisa-tions d’employeurs, sont convenus d’un dispositif qui offre plus de souplesse aux entreprises et davantage de protec-tion aux salariés. » (RFI)

« Plus de souplesse pour les entre-prises et davantage de protection pour les salariés. Tels sont les grands axes de l’accord trouvé vendredi après trois mois de négociations entre syndicats et patronats. » (francetvinfo.fr, 14 janvier)

« Destiné à offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de pro-tection aux salariés , ce projet de loi sera présenté en Conseil des ministres en mars, puis examiné en urgence par le Parlement en vue d’une pro-mulgation fin mai » (france24.com, présentation de l’émission « duel de l’économie », 17 janvier)

« La semaine dernière, la CGT et Force ouvrière ont refusé de signer l’accord sur une réforme du marché du travail […] Cet accord est censé offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés » (présenta-tion de l’émission du 21 janvier 2013, France Inter)

Un accord « donnant-donnant, équilibré et subtil » (Les Échos)Très subtils, en effet, Les Échos, exultent : « la clef de ce compromis se trouve du côté de la flexibilité. À tel point qu’au lieu de parler de flexisécurité, il convient d’évoquer la sécuflexibilité. » Se payant, au passage, le gouvernement : « L’ironie est qu’il appartient à la gauche d’ava-liser le mot même de flexibilité qu’elle rangeait dans la case de l’ultralibéra-lisme il y a un an. Mais, après tout, elle récusait également tout problème du coût du travail et toute idée de hausse de la TVA. »

Internationalement, toutes les presses de droite ont salué l’accord de Washing-ton à Londres, de Berlin à Rome, et la droite française aussi, l’UMP s’apprê-tant à le voter sans regimber.

Haro sur les « archaïques » qui s’op-posent à l’ANI :

Mais Le Monde s’inquiète déjà de la fra-gilité des acquis de l’accord : « le plus dur est à venir : obtenir des élus socia-listes le même respect de la démocratie sociale » (12 janvier).

Ce qui permet à Libération d’annon-cer « que les partenaires sociaux, ou au moins une majorité d’entre eux, s’ac-cordent sur une première négociation sociale, attendue depuis des années » (11 janvier). Une majorité dont Libéra-tion oublie de préciser qu’elle est, en termes de représentativité, minoritaire.

Même oubli dans le Nouvel Obser-vateur, qui annonce ainsi qu’« une

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majorité (sic) de partenaires sociaux a donné un avis positif, vendredi 11 jan-vier en fin de soirée, sur la signature de l’accord tant attendu sur la sécurisation de l’emploi, actant plus de droits pour les salariés et plus de flexibilité pour les entreprises. »

Aux syndicats signataires, qui ont per-mis cet accord si précieux, la presse dresse unanimement des éloges : « les signataires ont courageusement pris le risque de la réforme au lieu de s’accrocher à un statu quo mortifère » explique Le Monde (12 janvier). « MEDEF et CFDT, fins stratèges d’un accord audacieux » titre l’article du Fi-garo du 13 janvier. Franz-Olivier Gies-bert est à deux doigts d’adhérer à la CFDT : « Grâces soient rendues à la CFDT d’avoir fait la preuve, une fois de plus, de son patriotisme et de sa matu-rité en signant le projet » (Le Point, 10 janvier).

Ces éloges n’ont d’égal que l’opprobre jeté sur les syndicats qui ont refusé de signer l’accord. Si la CGT s’y oppose, c’est par pur calcul interne croit savoir Le Nouvel Observateur « Le secrétaire général de la CGT, dont la succession a affaibli l’organisation, est soucieux de montrer les muscles. » (11 janvier).

Pour Giesbert, la CGT et FO « déci-demment hors d’âge » refusent l’ac-cord par « logique boutiquière » (11 janvier) ; « C’est encore cet autisme français qui, cadenassant le pays dans l’archaïsme, l’a jusqu’à présent empê-ché d’accepter les solutions qui s’im-posent en matière de compétitivité ou d’emploi. » (10 janvier)

Pour Le Monde, c’est bien évidemment un mauvais pari : « ce compromis va légitimer le syndicalisme réformiste et le dialogue social, si bien que la stra-tégie de la CGT et de FO pourrait s’avérer perdante. »

Dire « non » au projet du patronat n’est semble-t-il pas une option dans le « dialogue social » tel qu’il est conçu par les éditorialistes. « Il faut donc une nouvelle fois constater que la princi-pale organisation syndicale française s’est mise hors du jeu de la négocia-tion quasiment à l’instant où elle a dé-marré. C’est étrange, et pour tout dire condamnable » (Les Échos, 14 janvier).

Dans le traitement médiatique de cet accord sur la réforme du marché, le commentaire a « écrasé » l’informa-tion. Car rien de concret n’est jamais précisé sur son contenu. Tout est à l’esbroufe.

Mais cela n’empêchera pas des mil-lions de salariés, par le truchement de syndicats, d’internet, de s’informer vrai-ment sur le fond de l’ANI de Wagram.

Alors pour mieux tenter de faire passer l’ANI, la grande presse essaie aussi et ensuite d’attiser la division syndicale : il y aurait une « guerre syndicale » (Europe 1), « la fracture se creuserait entre la CFDT réformiste et la CGT ra-dicalisée » (Libération). Le Figaro surfe contre « l’attitude jusqu’au-boutiste de la CGT » (sic) …

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Est cE quE l’aNI va dIvIsEr lEs syNdIcats EN profoNdEur ? il n’y a pas de « guerre syndicale» :au fond l’immense majorité des syndicalistes converge sur le ter-rain

Tout cela en prenant prétexte que le nouveau leader de la CFDT, Laurent Berger, aurait renvoyé dos à dos la direction de Goodyear et « l’organisa-tion syndicale majoritaire », (de fait, la CGT) leur imputant une responsabilité « à part égale » dans le projet de fer-meture du site et en s’en prenant aussi aux méthodes « d’intimidation de la CGT » à l’usine PSA Peugeot-Citroën d’Aulnay. Cette sortie n’était peut être pas très judicieuse, d’autant qu’elle n’était pas suivie sur place par la base CFDT mais en réalité Thierry Lepaon, nouveau secrétaire de la CGT l’a expli-qué logiquement : « Les salariés sont en colère et leur colère s’exprime ». Et puis ce sont les syndicalistes qui ont été poursuivis en justice sous de faux prétextes et il devient aussitôt néces-saire de les défendre tous dans un pareil contexte.

Selon Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa, une « stratégie de lutte de classe est mise en place « par un cou-rant de la CGT très politisé ». C’est une « stratégie d’affrontement frontal » qui « ne vise pas à la négociation » mais veut faire « converger » les luttes des salariés des différentes entre-prises, comme les récentes opérations

« cause commune » des ouvriers de PSA et de Renault. Cela peut sembler excessif ! mais c’est normal d’essayer de faire converger les luttes de défense de l’emploi, non ? D’ailleurs les syndi-cats le souhaitent tous sur le terrain.

C’est donc en vain que la presse es-saie de se goguenarder, à partir de ces incidents secondaires, sur la « straté-gie de la direction de la CGT qui (se-rait) de plus en plus axée sur la rupture et le refus de négociation ».

Ca ne tient pas debout : c’est la CGT qui signe le plus grand nombre d’ac-cords au plan national (forcément c’est le plus grand des syndicats).

Et au fond, les plus « violents, » si on y réfléchit, ce sont les syndicats patro-naux de la grande presse qui s’en sont pris, mercredi 6 février, férocement au syndicat CGT du Livre alors que celui-ci défend ses derniers acquis.

La « violence sociale » dont les médias redeviennent soudain friands, n’est plus guère que la réaction – franchement très modérée, étonnamment limitée et parfaitement légitime - des salariés aux extraordinaires violences antiso-ciales réitérées de leurs employeurs. Mais les médias réussiront-ils, en attisant division et climat de tension, artificiellement, à éviter la réflexion sur le fond de l’ANI ?

Surement pas !

En vérité tout cela fait « pschiitt… ». Ce n’est pas sérieux. Tout sim-plement parce que dans les

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entreprises les salariés et syndi-qués, eux, préfèrent l’unité syndicale.

Même la dépêche AFP souligne que « La réalité du terrain forge d’autres alliances ». « L’heure de la mobilisation a sonné », affirme Thierry Lepaon futur secrétaire général de la CGT, en sou-tenant la grève des fonctionnaires uni-tairement appelée par son syndicat, la FSU et Solidaires.

Les efforts des médias aux ordres pour opposer artificiellement « deux fronts syndicaux » d’un côté, des prétendus « réformistes » – CFDT, CFTC, CFE-CGC, Unsa – partisans de l’ ANI et de l’autre des opposants prétendu-ment « radicalisés » à l’ANI – CGT, FO, FSU, Solidaires – ne tiennent pas une seconde.

D’abord parce qu’il n’y a pas égalité des forces : les partisans de l’ANI sont nettement minoritaires, avec moins de 40 % des voix. Les adversaires de l’ANI imposé par le Medef sont largement majoritaires avec plus de 60 % des voix. Ou est la prétendue « coupure » réformiste/révolutionnaire dans tout ça ? F0 est soudainement devenue « révolutionnaire » ?

Personne n’a intérêt à « jouer les gau-chistes », à créer des diversions, les choses sont trop sérieuses. Il faut que PSA, Renault, Goodyear, Mittal, Petroplus, Sanofi, Pilpa, gagnent sur l’emploi face aux patrons licencieurs. Il ne s’agit pas de régler des comptes avec le gouvernement ni d’opposer un secteur de la gauche à un autre. Il s’agit de convaincre, de gagner sur

des objectifs précis : pour l’emploi… et donc contre l’ANI qui va faciliter les licenciements.

Les syndicats ne sont ni réformistes ni révolutionnaires, ou alors ils sont à la fois et tour à tour l’un et l’autre car ils ont pour fonction de défendre pragmatiquement les revendications des salariés. Pas de faux clivage, superficiel : il y a des reven-dications légitimes émanant des sala-riés, il y a des luttes pour les défendre, elles sont presque toujours unitaires, ça « brasse » tous les syndicats quelque soient les « plans » de leurs directions. C’est normalement la base qui décide. Quant aux luttes et à leur « radicalité » cela dépend.. de la résistance obstinée ou non des patrons !

Ensuite toutes les positions se croisent, aussi bien dans les luttes que face à l’ANI.

Dans les luttes en cours, il parait encore plus artificiel de vouloir séparer des syn-dicats pseudo « réformistes » et pseudo « révolutionnaires » ? Edouard Martin est CFDT à Florange, et sur le site d’Arcelor Mittal, les syndicats CFDT, CGT et FO se battent ensemble en intersyndicale depuis plus de 18 mois. Des débats traversent tous les syndicats : si Lau-rent Berger a jugé « acceptable » l’ac-cord entre le gouvernement et Arcelor Mittal, Edouard Martin, n’a pas hésité à s’enchaîner aux fenêtres de Matignon le 23 janvier pour exprimer son total désac-cord avec le plan.

Chez PSA, la CFDT s’est associée à la grève et seuls CFTC et CFE-CGC, là avec FO, très minoritaires, ont dé-

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noncé les méthodes « inacceptables » de « certains » autres grévistes.

A Pétroplus c’est l’unité syndicale depuis 18 mois aussi.

A Renault, alors qu’au niveau du groupe direction et syndicats sont engagés dans un bras de fer sur un accord de compétitivité, les syndicats sur chaque site appellent à des débrayages chaque semaine, en intersyndicale, au cas par cas, dans l’unité ou séparément.

Du côté de Sanofi, la CFDT, en inter-syndicale avec la CGT et Sud, mul-tiplie les actions pour suspendre le plan de restructuration, et manifestait devant le ministère du Travail pour exi-ger une loi interdisant les licenciements boursiers aux côtés de centaines de salariés d’entreprises touchées par des restructurations.

A la laiterie Candia du Lude (72) les délégués au comité d’entreprise élus CFDT FGA sont mobilisés contre un plan de restructuration des usines du groupe laitier. L’usine Candia du Lude est menacée à l’horizon juin 2014. Un PSE est en cours de négociation. Les représentants CFDT accompagnent cette lutte (d’ailleurs, en total isolement de leur UD CFDT 72 et de leur branche FGA agroalimentaire) : ils faisaient par-tie des ouvriers mobilisés mardi 29 jan-vier pour aller rencontrer Michel Sapin (avec les Licenci’elles (3 suisses), PSA, Renault…

« Il y a des divergences, mais il n’y a pas de guerre syndicale » relativise in fine, lui-même, Laurent Berger,

dans une autre interview des Echos. Prudence bienvenue.

Chaque syndicat est jaloux de son in-dépendance à juste titre. Ce qui n’em-pêche qu’il y a des résistances visibles dans la CFDT à la signature de l’ANI : des milliers de cadres et militants ont une grande peur que se reproduise ce qui s’est passé après mai 2003 lorsque François Chérèque avait signé dans le dos du front syndical, dans le bureau de Raffarin un « accord » divisant le grand mouvement qui était en cours pour défendre les retraites. La CFDT avait alors perdu 100 000 membres, de 6 à 8 % lors des élections profession-nelles, et avait reculé de 10 points loin derrière la CGT. Il n’est pas difficile de comprendre que de nombreux militants CFDT ne souhaitent pas que ça recom-mence. Le choix de signer le 11 janvier 2013, l’accord minoritaire de Wagram sous l’empire du Medef fait manifeste-ment débat à la CFDT.

On comprend, dans ces conditions, pourquoi la légende de la « guerre syn-dicale » a surgi dans les gros médias de droite : elle vise à fermer les passerelles, à réfrigérer les alliances naturelles sur le terrain, à empêcher qu’une majorité encore plus grande ne se développe contre l’ANI. Un bon clivage, une bonne division vaut mieux pour le Medef qu’un front uni anti-ANI.

Il n’y a pas d’ennemi entre syndica-listes. Il n’y a pas d’ennemi parmi les syndicats. Il faut que soit respectée leur indépendance de la base au som-met. Nul ne doit chercher un combat entre leurs directions. La démocratie

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syndicale doit régner. L’union fait la force. Et l’union impose d’entendre les aspirations majoritaires. Lire l’ANI, le connaitre, le juger sur le fond, ça facilite l’unité. Or dés qu’on informe et qu’on discute, il y a assurément une majo-rité nette contre cet ANI : on doit tous s’écouter et s’entendre à partir de ce fait, force et unité !

Est cE qu’Il va êtrE possIblE dE coNstruIrE uN largE froNt uNItaIrE majorItaIrE à gauchE pour quE cEt aNI N’ENtrE pas daNs la loI ?

Ce n’est pas le moment d’entamer de vaines polémiques. Encore moins de diviser le front de ceux qui peuvent s’opposer à l’accord de Wagram. A qui profite l’ANI ? au Medef : il faut rassem-bler tous les salariés, tous les syndicats, toute la gauche, qui n’ont pas intérêt à ce que ce mauvais accord devienne une mauvaise loi.

Il faut informer débattre à tous les ni-veaux, à la base comme au sommet :

Il est nécessaire dans le plus grand respect de s’adresser aux DEUX : à la base et au sommet, cela augmente les pouvoir de conviction, d’échange, de mobilisation, ça aide à lever les barrières. Par exemple, concrètement, ceux qui insultent les dirigeants CFDT pour leur

signature de l’ANI, n’aident pas les mili-tants CFDT : ça crée un obstacle inutile, ça donne un argument aux dirigeants de la CFDT pour dire «à militants» : «- Regardez comment ils nous traitent, ne les écoutez pas..». Toute attaque contre les dirigeants CFDT affaiblit les possi-bilités de les influencer et, avec eux, les militants CFDT... pour construire un large front victorieux il ne faut pas créer des ennemis entre syndicats, pas d’ennemis entre syndicalistes, il faut lever les faux procès un à un : oui, il faut des contrats, oui, il faut des négociations, oui, il faut des compromis, mais pas CETTE négo-ciation, pas CE contrat, pas cet ANI, pas CE compromis…

Quelques millions de salariés, pro-gressivement, commencent à dé-couvrir en février mars, ce qui a été signé le 11 janvier dernier entre le Medef et des syndicats minoritaires.

Cet « ANI » (accord national interprofes-sionnel) a été présenté par les médias de façon valorisante comme étant « souple pour les employeurs et protecteur pour les salariés ».

Mais ceux qui le lisent découvrent qu’il est entièrement en faveur du Medef. La CGT, Force ouvrière, la FSU, Solidaires, c’est à dire la majorité des syndicats, se chargent de décortiquer les gros reculs sociaux qu’il contient en matière de droit du travail, de facilitation des licencie-ments, de flexibilité des contrats (temps partiels, CDI « intermittents », intérim, mutations…).

Donc peu à peu une opinion se construit pour rejeter, à juste titre, cet ANI (dit

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de Wagram car il a été signé dans les locaux et sous la dictée du Medef, rue de Wagram).

Selon la théorie récemment inventée que « le contrat doit précéder la loi » et être retranscris par elle, le gouver-nement annonce qu’il va transcrire l’accord de « façon loyale et fidèle » dans la loi. Pourtant rien ne l’y oblige : ce n’est qu’un accord minoritaire et on ne voit pas pourquoi la majo-rité de gauche donnerait raison aux diktats du Medef.

Donc l’éveil des consciences et la mobilisation commencent : elles ont trois mois pour faire le plein en termes de rapport de force afin de se faire entendre. Le projet de loi sera soumis au Conseil des ministres le 6 mars. Des manifestations sont prévues par les syndicats ce 6 mars. Puis cela sera soumis au Parlement courant avril dans la perspective d’un vote courant mai. On entend que la procédure d’urgence serait adoptée : ce qui serait fâcheux et on peut être choqué qu’elle sur-gisse pour un si mauvais texte, et alors qu’un nombre important de députés y est hostile.

La question qui se pose est : est ce que la majorité des syndicats et des salariés hostiles à cet ANI ont les moyens de gagner ?

On lit déjà le dépit de certains qui pronostiquent, de façon fataliste, que l’ANI sera transcris fidèlement, que c’est foutu, que la majorité de gauche

s’inclinera forcément, et qui en pro-fitent, hélas, pour combattre le PS plutôt que l’ANI, etc.

Hé, bien : il est parfaitement POSSIBLE de gagner.

Car le débat traverse totalement le Parti socialiste et son groupe parle-mentaire et cela va forcément faire réfléchir le gouvernement.La gauche du Parti socialiste s’est pro-noncée contre l’ANI, cela fait 25 % des voix environ.

Cela ne suffit pas.

Une partie de la majorité du PS (l’ancienne « UMA ») s’est aussi pro-noncée contre. Cela mène à 40 % d’opposants à l’ANI.

Cela ne suffit pas.

Mais il y a un impact : la majorité a engagé la discussion en son sein, et une moitié est en faveur d’une « trans-cription loyale et fidèle » (comme l’a dit le président du groupe parle-mentaire Bruno Le Roux) et une autre moitié se distingue en proposant une « transcription optimale qui tienne compte des non signataires » (comme l’ont dit, entre autres, Guillaume Bachelay ou Jean-Marc Germain au Bureau national) . Cela n’a pas échappé à François Hollande puisque, dans l’un de ses « vœux » il a précisé qu’il fallait « entendre les syndicats non signataires».

Entre « loyale » et « optimale » il faut comprendre une nette différence

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d’appréciation, disons même une brèche. Assez pour que cela suffise à inverser ce qui est mauvais dans l’ANI et éventuellement à importer des lois plus positives pour les salariés au Parlement.

Il y des failles : il y a du grain à moudre.

Laurence Parisot le 8 janvier s’ inquiète dans les médias sur le fait que les pre-mières transcriptions de l’ANI lui posent problème, en ce qui concerne la « com-plémentaire santé », par exemple. La CG-PME lui emboite le pas. Le patro-nat va donc se plaindre au jour le jour pour faire pression sur le législateur.

De quoi cela dépendra ? Du rapport de force créé en mars et avril par les mobilisations et manifestations. Si elles sont assez puissantes, la victoire est donc accessible. Il faut jouer gagnant pas jouer « placé ». Il faut engager, dans la plus large unité possible, les réunions d’informations, meetings de luttes, manifestations et grèves jusqu’à ce que cela s’impose : la majorité des syndicats et de la gauche, tous par-tis confondus, ne veut pas de cet ANI maudit ! Elle veut reconstruire le droit du travail pas le détruire davantage, elle veut faire reculer le chômage, contrôler les licenciements, pas les faciliter, elle veut des protections plus fortes pour les salariés, pas des flexibilités désas-treuses et nuisibles à l’emploi.

Unité, tous ensemble comme lors du CPE ou des retraites, car cette fois gagner est possible !

Est-cE quE l’aNI coNtIENt dEs « mEsurEs coNtrE la précarIté » ?

Le diable est dans les détails : qu’en est-il des CDD ?

Il n’y aura pas un précaire de moins avec cet ANI :

Un des « affichages » de ceux qui dé-fendent l’ANI ce serait qu’il limite la pré-carité, en « majorant la cotisation chô-mage des CDD » au 1er juillet 2013.

Faux :

1 d’abord très peu de type de contrats CDD seront concernés2 parce que la « majoration » est dispa-rate, légère et non dissuasive3 parce que l’intérim devenu moins cher prendra la place

Qu’aurait-il fallu faire ?

1) une majoration massive, dissuasive, au moins à 25 % comme les heures supplémentaires2) imposer un quota maximum de 5 % de « précaires » par entreprise de plus de 20 salariés (sauf dérogation préa-lable).3) interdire tout CDD de moins d’un mois (cela fut le cas, déjà, dans le Code du travail)

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4) augmenter les moyens de contrôle, de recours et de sanction envers les très nombreuses infractions (CDD ré-pétés, abusifs, CDD non motivés)

Reprenons en détail :

Les contrats qui sont exemptés de la nouvelle légère sur-majoration sont : les CDD de plus de trois mois les CDD dits d’usage

liste longue dans 15 branches diffé-rentes dont :1 Les exploitations forestières ;2 La réparation navale ;3 Le déménagement ;4 L’hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;5 Le sport professionnel ;6 Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinémato-graphique, l’édition phonographique ;7 L’enseignement ;8 L’information, les activités d’enquête et de sondage ;9 L’entreposage et le stockage de la viande ;10 Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l’étranger ;11 Les activités de coopération, d’as-sistance technique, d’ingénierie et de recherche à l’étranger ;12 Les activités d’insertion par l’activité économique exercées par les associa-tions intermédiaires prévues à l’article L. 5132-7 ;13 Le recrutement de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la dispo-sition de personnes physiques, dans le cadre du 2° de l’article L. 7232-6 ;14 La recherche scientifique réalisée

dans le cadre d’une convention interna-tionale, d’un arrangement administratif international pris en application d’une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;15 Les activités foraines.) les CDD des jeunes de moins de 26 ans faisant des études les CDD pour remplacement de sala-riés absents les « contrats saisonniers » (difficiles à distinguer)

Cela équivaut à 80 % environ d’exemp-tion des CDD existants.

1 Quel est le niveau de la « sur ma-joration » envisagée ?

elle serait de 0,5 % en plus pour cer-tains CDD conclus dans certains sec-teurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, dans lesquels il est « d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée ». elle serait de 1,5 % en plus pour les CDD de 1 à 3 mois. Elle serait de 3 % en plus pour les CDD de moins d’un mois

Les taux mentionnés ci-dessus ne sont pas applicables lorsque le salarié est embauché par l’employeur en CDI à l’issue du CDD (c’était déjà le cas, une solution pour ne pas payer…)

2 Quel sera le coût d’un CDD pour un employeur ? il est déjà de 10 % de « prime de précarité » pour le salarié, et de 4 % d’allocation chômage

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supplémentaire soit 14 % les CDD d’usage couteront dont 10 % + 4 % + 0,5 % soit 14, 5 % les CDD de 1 à 3 mois couteront 10 % + 4 % + 1,5 % soit 15,5 % les CDD de moins d’un mois coute-ront 10 % + 4 % + 3 % soit 17 %

C’est ce que réclamait depuis long-temps les patrons d’intérim : car celui-ci est taxé à

15 % pour le salarié.

D’ailleurs l’ANI prévoit une « négocia-tion » dans la branche du travail tem-poraire pour des « contrats d’intérim permanents » (article L1252-1 du code du travail et suivants)

Le patronat a estimé la « sur majora-tion » à un cout global de 110 millions d’euros.

3 Y a t il une contre partie ?

L’ANI prévoir que les employeurs qui embaucheraient des jeunes de moins de 26 ans en CDI se verraient détaxés de l’allocation chômage pendant trois mois. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, l’exonération est portée à 4 mois.

Attention : précise la CFDT : Cette exonération est « totale » quel que soit le niveau de rémunération du jeune embauché et viendra en sus de l’aide prévue en cas d’embauche d’un jeune dans le cadre d’un contrat de génération.

4 Est ce une vraie « contre partie positive » ?

Non, l’avantage est totalement pour l’employeur pas pour le jeune.Car la période de trois mois est exacte-ment celle qui correspond à la période d’essai d’un CDI. L’employeur pourra donc rompre le contrat sans motif, et sans procédure jusqu’à la veille du 30° jour du 3° mois. Il ne paiera pas de « prime de précarité » de 10 % au jeune ni aucune taxe, il aura l’avantage d’une exonération complète de cotisations chômage, et il pourra rompre le contrat comme il le veut du jour au lendemain pendant 3 mois.

5 Est-ce un encouragement à l’em-bauche en CDI ?

Cela se peut qu’il y ait un « effet d’au-baine » fictif. Le Medef a calculé lui même que cette exonération nouvelle de cotisation chômage rapporterait 155 millions d’euros aux patrons. La différence entre les 110 millions de surtaxe des CDD et les 155 millions de détaxe des CDI « courts » serait de 45 millions à l’avantage des employeurs selon le Medef lui-même.

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