10 janvier 2017 ILS SE CROYAIENT LES MEILLEURS...

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10 janvier 2017 1 - ILS SE CROYAIENT LES MEILLEURS - Histoire des grandes erreurs de management On y trouve environ cent cinquante cas d’échecs, dans des secteurs d’activité les plus variés: de la téléphonie à l’édition en passant par le numérique ou l’automobile. Ces erreurs, Christine Kerdellant les séparent en deux catégories: D’une part celles qui résultent d’une stratégie marketing non adaptée. C’est l’exemple du Club Med s’endormant sur ses acquis, n’a ni innové ni adapté son ore avec l’évolution de sa clientèle, croyant que le produit de l’entreprise, sa « vache à lait » comme le définit l’auteure, sera une réussite ad vitam eternam. Notons également l’exemple du Minitel, arrivé trop tôt sur le marché et qui a très vite été détrôné par le mastodonte « internet ». L’ erreur de timing peut être fatale pour une entreprise. D’où la pertinence de la question suivante : faut -il être « first mover » ou « fast follower »? Anglicisme désignant l’entreprise qui se lance la première sur un marché, le first mover bénéficie, du fait de la pénétration d’un nouveau marché, de l’association de sa marque au nouveau produit, de l’absence de concurrence et va pouvoir fixer le niveau de prix. Il subit toutefois les risques liés au développement d’un nouveau marché, les frais afférents au développement d’un nouveau produit et de la communication associée que n’auront pas à eectuer les « suiveurs » puisque le produit est déjà connu. Il conserve une position privilégiée jusqu’à l’arrivée des fast followers. D’autre part, il y a les erreurs liées à un dysfonctionnement global inhérent à la culture d’entreprise et au style de management. L’exemple le plus frappant est la célèbre entreprise de téléphonie Orange connue pour avoir licencié des milliers de collaborateurs, sans égards pour la culture d’entreprise, jusqu’alors très paternaliste. Le constat est accablant : vingt trois salariés se suicident en dix huit mois. En eet, pour les salariés, il y régnait un "management par la terreur", très directif et brutal. Pour l'ancien PDG d'Orange, il s'agit juste d'une nouvelle mode de "suicide" qui n'est que le reflet de la machine à broyer les salariés instauré par lui même. R éussir par l’échec ? Cela semble curieux comme approche pour atteindre le succès. Pourtant, il s’agit bien de la problématique traitée par l’auteur Christine Kerdellant dans son ouvrage “Ils se croyaient les meilleurs” - Histoire des grandes erreurs de management. Elle met en lumière une multitude d’erreurs de management commises aussi bien par de hauts dirigeants que par des “petits” patrons de start up. Une véritable mine d’or permettant de mieux appréhender les conditions pour réussir dans une économie de plus en plus mondialisée et concurrentielle.

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- ILS SE CROYAIENT LES MEILLEURS - Histoire des grandes erreurs de management

On y trouve environ cent cinquante cas d’échecs, dans des secteurs d’activité les plus variés: de la téléphonie à l’édition en passant par le numérique ou l’automobile. Ces erreurs, Christine Kerdellant les séparent en deux catégories:

D’une part celles qui résultent d’une stratégie marketing non adaptée. C’est l’exemple du Club Med s’endormant sur ses acquis, n’a ni innové ni adapté son offre avec l’évolution de sa clientèle, croyant que le produit de l’entreprise, sa « vache à lait » comme le définit l’auteure, sera une réussite ad vitam eternam.

Notons également l’exemple du Minitel, arrivé trop tôt sur le marché et qui a très vite été détrôné par le mastodonte « internet ». L’ erreur de timing peut être fatale pour une entreprise. D’où la pertinence de la question suivante : faut-il être « first mover » ou « fast follower »?

Anglicisme désignant l’entreprise qui se lance la première sur un marché, le first mover bénéficie, du fait de la pénétration d’un nouveau marché, de l’association de sa

marque au nouveau produit, de l’absence de concurrence et va pouvoir fixer le niveau de prix. Il subit toutefois les risques liés au développement d’un nouveau marché, les frais afférents au développement d’un nouveau produit et de la communication associée que n’auront pas à effectuer les « suiveurs » puisque le produit est déjà connu. Il conserve une position privilégiée jusqu’à l’arrivée des fast followers.

D’autre part, il y a les erreurs liées à un dysfonctionnement global inhérent à la cu l ture d ’ ent repr i se e t au s ty le de management.

L’exemple le plus frappant est la célèbre entreprise de téléphonie Orange connue pour avoir licencié des milliers de collaborateurs, sans égards pour la culture d’entreprise, jusqu’alors très paternaliste. Le constat est accablant : vingt trois salariés se suicident en dix huit mois. En effet, pour les salariés, il y régnait un "management par la terreur", très directif et brutal. Pour l 'ancien PDG d'Orange, il s'agit juste d'une nouvelle mode de "suicide" qui n'est que le reflet de la machine à broyer les salariés instauré par lui même.

Réussir par l’échec ? Cela semble curieux comme approche pour atteindre le succès. Pourtant, il s’agit bien de la problématique traitée par l’auteur Christine Kerdellant dans son ouvrage “Ils se croyaient les meilleurs” - Histoire des grandes erreurs de management. Elle met en lumière une multitude d’erreurs de management commises aussi bien par de hauts dirigeants que par des “petits” patrons de start up. Une véritable mine d’or permettant de mieux appréhender les conditions pour réussir dans une économie de plus en plus mondial isée et concurrentielle.

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Est-ce que cela sous-entend que les autres styles de management sont meilleurs ?

Prenons l’exemple de « Michel et Augustin ». La marque prône une ambiance joyeuse où règne le partage et la convivialité parmi les collaborateurs. Cependant la start up affiche un turnover important : reflet d’une entreprise où il ne fait pas si bon vivre. Les fondateurs sûr d'eux, n'écoutent pas les c r i t iques constr uct ives des sa l a r iés engendrant mépr i s , f r us t ra t ions e t désillusions.

L’affaire Kerviel quant à elle, montre les limites du management délégatif : laisser les collaborateurs mettre en œuvre leurs propres plans d’actions et leurs propres méthodes, sans contrôler leurs agissements. Ou p lutôt fe rmer l e s yeux sur l e comportement de leurs collaborateurs tant qu’ils y trouvent leurs intérêts jusqu’au jour où tout bascule préférant faire endosser la responsabilité à leurs salariés par manque de courage managérial.

Avec Bernard Madoff et sa force de persuasion, il parvient à escroquer les plus g randes ins t i tut ions financ iè res . Mégalomane, il croit que son système peut monter jusqu’au ciel, or il se brûle les ailes et est arrêté le 12 décembre 2008 par le FBI.

Au travers de ces anecdotes, il semble évident qu’un subtil mélange de ces quatre styles de management soit essentiel pour animer, développer et fédérer son équipe autour de sa stratégie ou d’un projet. Cet ouvrage offre alors, des pistes de réflexion voire même des outils précieux dont le mana ger doit se munir pour ne pas commettre d’impair dans sa politique de ges t ion des Ressources Humaines . Cependant n’oublions pas que chaque manager est unique et qu’il lui appartient de faire l’inventaire des outils dont il dispose dans sa boîte à outils et de tous les autres dont il aura besoin pour faire face à la situation dans laquelle il se trouvera.

Cet ouvrage met également en évidence que l’escroquerie est inutile, que le ressenti égare, et que l’équipe accorde guère sa

Autre exemple , tou jours dans l a téléphonie, où l’histoire de l’entreprise est nég l i gée e t l e s ty le de mana gement inapproprié : il s’agit du naufrage d’Alcatel-Lucent. La dégringolade et la disparition d'Alcatel étaient inéluctables, depuis l'impardonnable erreur humaine commise par Serge Tchuruk en juin 2001. L'ancien patron de Total, austère et tranchant, arrivé comme un sauveur six ans plus tôt, déclare ce jour-là : "Alcatel doit devenir une entreprise sans usines". Il met son plan à exécution : d’un plan social à l ’autre, l 'équipementier s'achemine vers un groupe sans usines et sans salariés.

Ici et tout au long de son ouvrage Christine Kerdellant met en avant le management directif au travers de ces exemples. C’est cette posture de leadership qui s’impose et dont Christine Kerdellant fait la satire car bien que ce style de management soit par définition rassurant, efficace dans des situations urgentes ou sur une gestion de projet avec des délais très serrés; le style directif a aussi ses limites.

Nommé mana gement autor i ta i re , l e management directif est basé sur une structure et des consignes strictes, limite l’autonomie et vise à l’efficacité brute des collaborateurs qui n’ont aucun regard sur les décisions centralisées. Celui-ci exige de la précision sur la méthode et sur les résultats. Ce style de management repose sur de nombreuses procédures mais aussi sur la sanction et la récompense. La confiance du manager en ses collaborateurs est limitée. C’est probablement le type de management qui génère le plus de comportements hostiles de la part des collaborateurs mais aussi des problèmes relationnels et un mal être au travail.

Le manager directif, avide de pouvoir et ayant un égo démesuré peut causer des dommages collatéraux considérables : marque employeur sévèrement écornée, risques psychosociaux élevés, faillite de l’entreprise….

Tout au long de l’ouvrage, le style directif est montré du doigt, considéré comme la principale cause des erreurs management.

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Un manager ne doit-il pas aussi apprendre à détendre l’atmosphère, à jouer les naïfs et à demander si l'idée contraire ne serait pas meilleure ?

Le respect de la parole ainsi qu’une bonne posture permettent de calmer les passions, de prendre du recul sur les choses et les évènements. L’art des managers n’est-il pas d’essayer de mettre de la raison dans les passions ? De garder le sens de la mesure, de remettre les choses à l’équilibre ? N’est-il pas dans les responsabilités d’un manager d’enseigner l’art de la pondération, de faire preuve d’exemplarité ?

Que le manager soit directif, participatif ou d’un tout autre type, il présente d’une part, des intérêts spécifiques liés à sa propre histoire mais aussi, à celle qu’il vit dans l’entreprise dans laquelle il détient un pouvoir !

D’autre part, si celui-ci use de certains outils, tels que ceux de l’écoute et de l’observation, alors, il lui est plus aisé de jouer avec les données informelles d’une organisation.

Ne doit-il pas être doté d’une boîte à outils afin de construire, ajuster, restaurer, réparer son entreprise représentée par l’ensemble des salariés ?

Dans cet ouvrage, nous découvrons la boîte à outi l s des di fférents mana gers , leur apprentissage dans l’usage de leurs outils et enfin, la transmission de leur savoir, savoir faire et savoir être.

Ces nombreux exemples d ’échecs de dirigeants démontrent également que les Hommes représentent la société, sa mission et que leur engagement est un outil pour s’assurer de la réalisation du résultat collectif attendu. Cela implique de se connaître, de connaître l’autre et surtout de savoir se remettre en cause.

Malgré la diversité des secteurs d’activités, les e r reurs commises par l e s d i r i geants reviennent avec une étonnante régularité : les mêmes f autes e t l e s mêmes dysfonctionnements sont relatés « comme si

confiance au mana ger qu i manque d’assertivité et d’éthique.

Dans un univers profess ionnel où la hiérarchie est très verticale et très "animale", tout le monde se tait. Et, si le dirigeant dit des bêtises, très peu de gens, pour ne pas dire personne, n'ose le contredire." La parole devient un véritable outil pour imposer son autorité.

Les deux questions qui se posent sont, en réalité, une telle hiérarchie a-t-elle réellement autorité sur ses collaborateurs ? Et que font ces collaborateurs lorsque la contrainte du silence au nom du respect est levée ? Gaspillent-ils la parole qui leur ait donnée ou la mettent-ils davantage à profit ?

Avoir le droit à la parole peut être rarement accordé avec un manager de type directif. Le manager directif impose, et c’est ainsi qu’il pense pouvoir limiter les conflits et les rappor ts de force . Voyons comment procèdent un manager participatif ou bien collaboratif avec cet outil, le pouvoir de la parole.

La parole peut être source d’autorité, mais avec un manager tourné vers le collaboratif, ce dernier aura tendance à mesurer davantage sa prise de parole et de parler au bon moment et mais pas sur tout. Il a appris à synthétiser sa pensée, à distinguer le superflu de l’essentiel.

Mettre en relief la parole et l’action. Cela ne revient il pas à parler de l’engagement, de l’humanisme et du professionnalisme ?

Les différents exemples cités dans cet ouvrage mettent en lumière la parole comme un outil de travail ou une arme de pouvoir. En effet, les dirigeants cultivent peu l’humanisme ou alors ponctuellement et peu fréquemment en période de crise. Et pourtant, la parole est un excellent outil pour doper la productivité dans les réunions ou bien gérer les conflits. Ne faut-il pas se frotter aux aspérités des autres pour se construire soi-même ?

Un manager, qui tend à devenir imbus, a-t-il encore la capacité d’écouter et de faire coexister les contradictions quand il anime des réunions ?

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l’expérience des uns ne profitait jamais aux autres ». Encore faudrait-il exposer et partager son expérience « d’échec » pour en faire profiter les autres. Car, si certains parviennent à en faire l’éloge, d’autres en revanche préfèrent les étouffer et faire comme si elles n’avaient jamais existé.

Personne ne fait l’éloge de l’échec dans notre tradition occidentale car l’échec est très culpabilisant. Selon Descartes « Quand on échoue, c’est qu’on a fait un mauvais usage de sa volonté » et selon Kant « Quand on échoue, c’est qu’on a fait un mauvais usage de la raison ».

Aux Etats-unis, en Finlande ou au Royaume uni, l’échec est perçu comme une forme d’audace et une marque d’expérience. L’echec est valorisé car source d’enseignement. On dit même qu’il ne faut pas râter les ratages intéressants.

Échouer, d’accord. Mais après ? Le problème n’est pas l’échec. C’est de ne pas en faire une analyse qui est mis en cause, condition sine quanone pour rebondir voire réussir. Cela signifie-t-il que les hauts dirigeants ayant échoué et analysé leur échec ont forcément réussi par la suite ? Y-a-t-il un lien de cause à effet ?

Ce qui est clair c’est que le point commun entre Steeve Jobs, Bill Gates et d’autres comme Charles de Gaulle, Roger Federer et JK Rolling est qu’ils ont beaucoup réussi mais ont d’abord beaucoup échoué.

Ils ont sû également s’appuyer sur leur professionnalisme pour réussir. Cette capacité à triompher des échecs leur a permis de monter au sommet et leur vaut aujourd’hui une renommée sans faille. Pour tout manager, il est primordial que cette valeur soit la ligne directive de toutes décisions et actions qu’ils engagent auprès de leurs équipes.

Ces hauts dirigeants ont certes échoué quant à leur stratégie, à leur style managérial, à leur produit… Cependant on ne peut pas leur enlever ce “talent entrepreunarial”. Un entrepreneur n’a pas peur de se lancer: c’est une personne qui veut et qui est capable de transformer une idée ou une invention en une innovation réussie.

Un des fondateur de BLABLACAR Frédéric Mazzella a dit « Fall, learn, succed », Antoine Ribaud, fondateur de DANONE disait « Je crois beaucoup à la nécessité d’avoir de temps en temps de sérieux échecs ». Selon lui, rater c’est un besoin qui permet de se rapprocher de son talent. En effet, il faut aimer l’échec en ce qu’il donne la chance de s’arrêter et de s’interroger. L’échec est une chance car il permet de savoir si nous persistons dans une voie qui est faite pour nous, ou pas.

Il y a des échecs qui nous aident à être plus fort, d’autres qui nous amènent à des bifurcations existentielles. C’est l’exemple de Darwin qui échoua successivement dans ses études de médecine.

Néanmoins, soyons prudents avec les vertus de l’échec car nous ne sommes pas tous égaux face à lui. En effet, il y a des échecs dont on ne se remet pas surtout dans un pays où l’échec n’est pas valorisé. Nous n’avons pas de ressource égale de rebondissement, de résilience voire de combativité. De plus, nous apprenons uniquement des erreurs à ne pas réitérer dans un échec.

Or, lors d’un succès, nous apprenons exactement les bonnes pratiques pour réussir. Alors, pourquoi ne pas plutôt se focaliser sur nos réussites ?

Cela peut paraître paradoxale mais il est prouvé que la réussite peut conduire à l’échec, de même que l’échec peut engendrer la réussite. D’ailleurs, Bill Gates le disait lui même :” Success is a lousy teacher, it seduces smart people into thinking they can’t lose”.

Quelles sont alors les erreurs à éviter pour capitaliser sur le succès et réduire l’échec ?

Selon des travaux de recherche menés par des universitaires, il faut se méfier de trois grandes tendances: la première consistant à faire des “erreurs d’attribution”. En effet, lorsque nous réussissons, nous avons tendance à croire que les facteurs internes (les talents, la stratégie adoptée...) en sont la raison, sans considérer les facteurs externes ou encore la chance.

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La seconde tendance est un “excès de confiance” qui, après un succès, se traduit par un manque d’humilité et de remise en question.

La troisième tendance est le syndrome de l’incapacité à se demander pourquoi - ou la tendance à de ne pas étudier les causes de bonnes performances. La réussite affecte notre réflexion pouvant engendrer par la suite des prises de décision mal évaluées.

Il en ressort cinq approches d’apprentissages que les organisations et les Hommes peuvent mettre en place : Fêter les réussites mais aussi analyser les raisons pour lesquelles elles ont fonct ionné . Ins taurer des b i l ans systématiques, comme après un match où les entraîneurs et joueurs passent en revue leurs performances . Uti l i ser un bon cadre temporel, pour éviter d'être “dupés par le hasard” comme le dit “Nassim Nicholas Taleb”. Avoir confiance en nos facteurs clés de succès mais ne pas les reproduire à tout bout de champ car cela ne garantit pas le succès. Expérimenter pour tester les différentes options conduisant à l’atteinte de la performance.

In fine , pour per former de manière constante, il est nécessaire voire vitale d’être dans une logique d’analyse et de remise en question quelque soit la situation: échec ou succès.

Aurélia ALEXIADE

Florence PARIS

Emilie GARÇON

RMDRH 35