1 Les Fondements Responsabilite Civile Delictuelle

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Les fondements de la responsabilité civile délictuelle Par Amandine Assaillit – Octobre 2006 La responsabilité civile délictuelle est un procédé juridique permettant la mise en œuvre de la responsabilité des personnes qui causent un dommage à autrui avec pour obligation la réparation du préjudice subi par la victime. La responsabilité civile délictuelle trouve ses fondements dans les articles 1382 s. du Code civil, ou plus précisément dans les articles 1382 à 1386 du Code civil. Chaque article énonce une responsabilité particulière qui s’adapte au comportement de l’individu. Il conviendra alors de voir le régime de chacun des articles, les articles 1382 et 1383 (I), l’article 1384 (II), l’article 1385 (III) et enfin l’article 1386 (IV) afin de mieux comprendre ce qu’est la responsabilité civile délictuelle. I Les articles 1382 et 1383 du Code civil Avant d’engager la responsabilité civile délictuelle d’une personne (B), il faut tout d’abord déterminer ce qu’est la faute (A). A La notion de faute Les articles 1382 et 1383 C.civ. fondent l’obligation à réparation du préjudice sur la faute du responsable qui doit être prouvée par la victime. La notion de faute délictuelle n’est pas définie par le Code civil. Ce dernier ne vise que la faute volontaire soit le délit, et la faute d’imprudence ou de négligence qui est le quasi- délit. Planiol a défini la faute comme étant la violation d’une obligation préexistante. Pour que la faute soit caractérisée, la victime doit établir que le responsable a eu une attitude contraire à une norme de conduite résultant d’une faute de commission (1) ou d’abstention (2) (ou d’omission). 1) La faute de commission La faute de commission résulte d’un acte positif du responsable qui méconnaît une règle de conduite imposée par une obligation préalable. Il peut s’agir de la violation d’une loi ou bien même d’une règle coutumière comme c’est le cas de la responsabilité sportive dans le cadre de la pratique d’un sport violent tel que la boxe. La responsabilité sportive est engagée seulement si la personne a méconnu les règles sportives. Les juges ont ici un large pouvoir d’appréciation.

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Les fondements de la responsabilité civile délictuelle

Par Amandine Assaillit – Octobre 2006

La responsabilité civile délictuelle est un procédé juridique permettant la mise en

œuvre de la responsabilité des personnes qui causent un dommage à autrui avec pour

obligation la réparation du préjudice subi par la victime.

La responsabilité civile délictuelle trouve ses fondements dans les articles 1382 s. du

Code civil, ou plus précisément dans les articles 1382 à 1386 du Code civil.

Chaque article énonce une responsabilité particulière qui s’adapte au comportement de

l’individu.

Il conviendra alors de voir le régime de chacun des articles, les articles 1382 et 1383

(I), l’article 1384 (II), l’article 1385 (III) et enfin l’article 1386 (IV) afin de mieux

comprendre ce qu’est la responsabilité civile délictuelle.

I Les articles 1382 et 1383 du Code civil

Avant d’engager la responsabilité civile délictuelle d’une personne (B), il faut tout

d’abord déterminer ce qu’est la faute (A).

A La notion de faute

Les articles 1382 et 1383 C.civ. fondent l’obligation à réparation du préjudice sur la

faute du responsable qui doit être prouvée par la victime.

La notion de faute délictuelle n’est pas définie par le Code civil. Ce dernier ne vise que

la faute volontaire soit le délit, et la faute d’imprudence ou de négligence qui est le quasi-

délit.

Planiol a défini la faute comme étant la violation d’une obligation préexistante.

Pour que la faute soit caractérisée, la victime doit établir que le responsable a eu une attitude

contraire à une norme de conduite résultant d’une faute de commission (1) ou d’abstention (2)

(ou d’omission).

1) La faute de commission

La faute de commission résulte d’un acte positif du responsable qui méconnaît une

règle de conduite imposée par une obligation préalable.

Il peut s’agir de la violation d’une loi ou bien même d’une règle coutumière comme

c’est le cas de la responsabilité sportive dans le cadre de la pratique d’un sport violent tel que

la boxe. La responsabilité sportive est engagée seulement si la personne a méconnu les règles

sportives.

Les juges ont ici un large pouvoir d’appréciation.

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2) La faute d’abstention ou d’omission

Dans un arrêt Branly du 27 février 1951 (1), la Cour de cassation adopte une position plutôt

libérale. En effet, dans cette décision, la Cour considère que « la faute prévue par les art. 1382

et 1383 peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif ; que

l’abstention, même non dictée par la malice et l’intention de nuire, engage la responsabilité de

son auteur lorsque le fait omis devait être accompli en vertu d’une obligation légale,

réglementaire ou conventionnelle, soit aussi, dans l’ordre professionnel ».

Cet arrêt permet de relever deux éléments de la faute d’abstention.

Tout d’abord la faute d’abstention n’implique pas que l’auteur ait été animé d’une

intention malveillante à l’égard de la victime.

Ensuite, il doit exister une obligation d’action préalable dont les sources sont très

variées : loi, coutume, norme professionnelle…

Les tribunaux peuvent aussi sanctionner une faute d’abstention quant le responsable

aurait dû agir selon des règles normales de conduite d’une vie en société, soit l’idée du « bon

père de famille », même si aucun texte spécial n’existe.

B Engagement de la responsabilité civile délictuelle

Afin d’engager la responsabilité civile délictuelle sur le fondement des articles 1382

et 1383 du Code civil, il faut la réunion des certaines conditions (1). De même qu’il existe

pour le défendeur de moyens de défense (2).

1) Conditions de la mise en œuvre de la responsabilité

Pour que la responsabilité d’une personne soit retenue, il faut la réunion de trois

conditions :

- la personne doit avoir commis une faute

- une autre personne doit avoir subi un dommage

- la faute de la première personne a provoqué le dommage de la seconde personne.

2) Les moyens de défense

Le défendeur dispose de moyens de défense. Il peut tenter d’établir son absence de

faute ou invoquer une cause d’exonération en prouvant la cause étrangère ou un fait

justificatif. L’acceptation des risques et le consentement de la victime sont considérés comme

un fait justificatif.

Toutefois, les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont exclues.

____________________________________________________________________________________ 1. Civ. 27 février 1951, D.1951. 329, note H. DESBOIS

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II L’article 1384 du Code civil

L’article 1384 du Code civil contient huit alinéas. La plupart définissant une

responsabilité particulière. Il convient alors de les étudier de façon successive.

A Alinéa 1er

de l’article 1384 du Code civil

L’alinéa 1er

de l’article 1384 du Code civil a été découvert (1) de façon tardive. Cet

alinéa énonce que l’on est responsable du fait des choses que l’on a sous sa garde. Il s’agit

alors de définir cette notion de chose (2), pour mieux comprendre les conditions de la mise en

œuvre de la responsabilité (3) et son régime (4).

1) « Découverte » de l’article 1384 al. 1er

du Code civil

Deux arrêts de principe permettront la « découverte » de l’art. 1383 al. 1er

C. civ.

Dans un arrêt du 11 juin 1896, Teffaine (2), la chambre civile de la Cour de cassation

affirme l’existence d’une responsabilité extra-contractuelle autonome du fait des choses

fondée sur l’art. 1384 al. 1er

C.civ. La Cour de cassation reprenant une idée lancée par la

jurisprudence et la doctrine belges.

Plus tard, dans un arrêt des chambres réunies du 13 février 1930, Jand’heur (3), la

Cour de cassation affirmera l’existence d’un principe général de responsabilité du fait des

choses, fondée sur l’art. 1384 al. 1er

C.civ., qui oblige le gardien à l’indemnisation des

préjudices causés par la chose, indépendamment de toute preuve de sa faute.

2) La notion de chose

La jurisprudence interprète de façon très large la notion de chose. Cela peut être toute

chose, tant un meuble qu’un immeuble.

Malgré une conception large, la jurisprudence énonce trois exceptions :

- les exceptions fondées sur l’adage « specialia generalibus derogant », qui signifie que

ce qui est spécial, déroge à ce qui est général.

Donc, les choses soumises à des textes spéciaux n’entrent pas dans le champ

d’application de l’art. 1384 al. 1er

du Code civil. Ainsi en est-il des animaux (art. 1385

C.civ.) ou des bâtiments en ruine (art. 1386 C.civ.).

- Exclusion du corps humain

Le corps humain n’est pas une chose, en conséquence, il ne sera pas fait application de

l’art. 1384 al. 1er

C.civ. Les dommages qu’ils causent seront indemnisés sur le

fondement de l’art. 1382 C.civ.

- exclusion des choses sans maître ou abandonnées

__________________________________________________________________________________________

2. Ch. civ. 11 juin 1896, S. 1897. 1. 17 note A. ESMEIN ; D. 1897. 1. 433 note SALEILLES et concl. SARRUT

3. Cass. Ch. réunies, 13 février 1930, D. 1930. 1. 57, rapport LE MARC’HADOUR, concl. MATTER et note

RIPERT ; S. 1930. 1. 121 et note P. ESMEIN, Gaz. Pal. 1930. 1. 393 et concl. MATTER

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3) Conditions de la mise en œuvre de la responsabilité

Le dommage subi par la victime doit être dû au fait de la chose, celle-ci doit être

l’instrument du dommage.

La responsabilité incombe à la personne qui exerce sur la chose un pouvoir de garde qui

est un pouvoir d’usage, de contrôle et de direction sur la chose. Le gardien étant la personne

qui détenant de façon matérielle cette chose lors du dommage. Il s’agit généralement du

propriétaire de la chose bien que le transfert de garde soit admis par la jurisprudence.

4) Le régime de la responsabilité

L’article 1384 al. 1er

du Code civil met en œuvre une responsabilité objective du

gardien de la chose. Il peut s’exonérer de sa responsabilité par la cause étrangère.

B L’alinéa 2 de l’article 1384 du Code civil

L’alinéa 2 de l’article 1384 du Code civil résulte d’une loi dont il faut connaître les

raisons de sa création (1) pour mieux saisir l’évolution de la jurisprudence dans les conditions

d’application du texte (2).

1) Raisons de l’article 1384 al. 2 du Code civil

La jurisprudence appliquait l’alinéa 1er

de l’art. 1384 C.civ pour les incendies ayant pris

naissance dans une chose, qui causaient un dommage aux voisins. C’est pour éviter une forte

augmentation des primes des contrats d’assurance sur les recours des voisins en cas

d’incendie que la loi du 7 novembre 1922 a été votée et insérée dans l’article 1384 al. 2 C.civ.

2) Evolution de la jurisprudence

Le texte énonce que celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de

l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera

responsable, à l’égard des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé

qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

En l’absence de faute prouvée, et si l’origine de l’incendie est inconnue, le gardien

n’encourt aucune responsabilité (4).

La jurisprudence a interprété de façon restrictive les conditions d’application de

l’article 1384 al. 2 C.civ. pour écarter le moins possible la protection de l’art. 1384 al. 1er

C.civ., et ce, malgré les assureurs.

Tout d’abord, elle a considéré que si un incendie provoque une explosion, l’art. 1384

al. 2 C.civ. s’applique (5). Par la suite, la jurisprudence considère uniquement le fait que

l’incendie soit né dans l’immeuble ou les biens mobiliers du défendeur pour appliquer l’alinéa

2 de l’article 1384 du Code civil (6).

La doctrine appelle à une suppression de cet article. ___________________________________________________________________________________ 4. Civ. 2e, 12 juillet 1955, D. 1955.685 sur un poêle imprudemment porté au rouge

5. Civ. 23 novembre 1925, Gaz. Pal. 1926.1.133

6. Civ. 2e, 16 avril 1996, Bull. civ. II, n°93, Resp. civ. et assur. 1996, chron. 38, par H. JOURDAIN

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C Les alinéas 4 et 7 de l’article 1384 du Code civil : la responsabilité des

parents du fait des enfants

Les parents sont tenus pour responsables des fautes commises par leur enfant

mineur et qui causent à une autre personne un dommage.

Pour pouvoir mettre en œuvre la responsabilité des parents, deux conditions doivent

être réunies :

- Le(s) parent(s) devant exercer l’autorité parentale

- une cohabitation (le mineur doit vivre chez ses parents) doit exister avec l’auteur du

fait dommageable

Depuis l’arrêt Bertrand (7) la responsabilité des parents est une responsabilité

objective. Ils peuvent se dégager de cette responsabilité que par la cause étrangère.

D L’alinéa 5 de l’article 1384 du Code civil : la responsabilité des

commettants

Cette responsabilité permet à la victime d’obtenir indemnisation d’une personne qui

exerçait une autorité sur l’auteur du fait dommageable.

Conditions de mise en œuvre de la responsabilité

L’auteur doit avoir commis un fait dommageable dans l’exercice de ses fonctions.

Cette responsabilité suppose un lien de subordination entre le responsable et l’auteur

du fait dommageable.

Régime de la responsabilité

Pour le commettant, il s’agit d’une responsabilité sans faute. La victime n’a pas à

prouver la faute du commettant. Quant au commettant, il ne peut s’exonérer par la preuve de

son absence de faute. Ses possibilités d’exonération sont restreintes. Il peut s’exonérer en

prouvant que les conditions de sa responsabilité ne sont pas réunies. Quant à l’exonération par

la cause étrangère, elle reste possible, mais le commettant ne peut s’exonérer en invoquant

que le fait du préposé avait pour lui les caractères de la force majeure, néanmoins, si la force

majeure est constituée à l’égard du préposé, le commettant peut s’en prévaloir comme cause

d’exonération.

La faute de la victime et le fait du tiers restent exonératoires.

La victime pouvait choisir d’agir contre le commettant ou contre le préposé, et

même les deux à la fois.

___________________________________________________________________________ 7. Civ ; 2e, 19 février 1997, D. 1997. 265, note P. JOURDAIN ; JCP 1997. II. 22848, note M. HUYETTE

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Mais dans un arrêt Costedoat, l’Assemblée Plénière, décida que « n’engage pas sa

responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui

lui a été impartie par son commettant » (8). La victime n’a plus donc plus qu’une action,

contre le commettant, dès lors que le préposé n’outrepasse pas les limites de sa mission.

Cette décision a été complétée par un arrêt Cousin, où l’Assemblée plénière a

considéré que « le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-

ce sur l’ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa

responsabilité civile à l’égard de celui-ci » (9).

E Les alinéas 6 et 8 de l’article 1384 du Code civil

L’alinéa 6 de l’article 1384 du Code civil met en œuvre la responsabilité de l’artisan

du fait de ses apprentis (1) et la responsabilité de l’instituteur du fait de ses élèves (2).

1) Responsabilité de l’artisan du fait de ses apprentis

L’application de l’article 1384 alinéa 6 du Code civil est aujourd’hui en déclin, la doctrine

plaide pour sa suppression.

Comme les parents à l’égard de leur enfant, l’artisan est responsable de l’apprenti.

Conditions de la responsabilité

Pour mettre en œuvre la responsabilité de l’artisan, il faut que l’apprenti ait commis un

fait illicite ayant causé un dommage à un tiers.

Il faut une relation d’apprentissage, et peu importe que le responsable ait la qualité

juridique d’artisan.

Enfin, il faut une surveillance de l’apprenti. Si l’apprenti habite avec l’artisan, sa

responsabilité sera permanente et elle peut être engagée même si le fait dommageable a été

commis en dehors des heures de travail, sinon, sa responsabilité restera limitée à la durée du

travail.

Nature de la responsabilité :

La responsabilité de l’artisan reposerait sur un régime de présomption simple de faute.

Mais suite à l’arrêt Bertrand (Civ. 2e, 19 février 1997), la doctrine considère que cette

solution devrait aussi s’appliquer à l’artisan. Il aurait donc une responsabilité objective.

Toutefois, la Cour de cassation n’a pas répondu à cette question.

__________________________________________________________________________________________

8. Assemblée Plénière, 25 février 2000, D. 2000.673, note Ph. BRUN ; Resp ; civ. et assur., chron. n°11, obs. H.

GROUTEL, JCP 2000.I.241, obs. G. VINEY

9. Ass. plén. 14 décembre 2001, D. 2002. 1230, note J. JULIEN, JCP 2002. II. 1ote M. BILLAU

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2) La responsabilité de l’instituteur du fait de ses élèves

La responsabilité de l’instituteur est instituée aux articles 1384 al. 6 et 8 et concerne

non seulement les instituteurs mais tous les membres de l’enseignement à l’exclusion des

professeurs d’Université.

Conditions de mise en œuvre de la responsabilité :

La mise en œuvre de la responsabilité suppose la réunion de deux conditions.

Selon l’alinéa 8 de l’art. 1384 C.civ., la responsabilité de l’instituteur est mise en

œuvre si le demandeur à l’action arrive à prouver la faute de ce premier.

Par ailleurs, l’enfant doit commettre le dommage alors qu’il était sous la surveillance

de l’instituteur.

Si l’instituteur exerce dans un établissement public, l’Etat se substitue à lui dans

l’indemnisation de la victime. L’action en réparation sera alors dirigée directement contre

l’Etat. La victime sera indemnisée par ce dernier qui pourra à son tour se retourner contre

l’instituteur.

III L’article 1385 du Code civil, la responsabilité du fait des

animaux

L’article 1385 du Code civil est applicable à chaque fois qu’un animal, quelque soit

sa nature zoologique, est à l’origine d’un dommage.

Pour mettre en œuvre la responsabilité du fait des animaux, soit l’article 1385 C.civ.,

l’animal doit être approprié.

Dès 1885, avec un arrêt Montagnié, la Cour de cassation décida qu’il ne suffisait

pas au gardien de rapporter la preuve d’une absence de faute, mais que la présomption de

faute édictée par l’article 1385 « ne peut céder que devant a preuve soit d’un cas fortuit, soit

d’une faute commise par la partie lésée » (10).

L’article 1385 C.civ. rend responsable le propriétaire de l’animal ou celui qui s’en sert,

même quand l’animal s’est égaré ou échappé.

Toutefois, sur le fondement de l’article 1385 C.civ., le propriétaire d’une chasse

gardée n’est pas responsable des dommages que peut causer le gibier aux voisins. Mais il peut

l’être sur le fondement de l’article 1382 C.civ.

___________________________________________________________________________ 10. Civ. 27 octobre 1885, DP 1886.1.207, S. 1886.1.33, Grands arrêts, n° 190

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IV L’article 1386 du Code civil, la responsabilité du fait des bâtiments en ruine

Avant la découverte et l’exploitation de l’article 1384 alinéa 1er

, l’article 1386 a été

le seul texte du Code civil pouvant améliorer la situation de la victime à propos des choses

inanimées.

Pour la mise en œuvre de la responsabilité, il faut être en présence d’une construction

en matériaux durables élevée par l’homme et fixée au sol.

Le dommage causé par le bâtiment doit être dû à sa ruine, donc à sa destruction

partielle ou totale.

L’article 1386 du Code civil met une responsabilité objective à la charge du

propriétaire. En effet, c’est lui qui doit surveiller son immeuble et en empêcher la ruine (11).

Le propriétaire ne peut s’exonérer que par la cause étrangère.

Si la dégradation résulte d’un locataire, le propriétaire devra quand même indemniser

le victime, mais il bénéficiera d’un recours contre le locataire.

Par ailleurs, la Cour de cassation a récemment affirmé que la possibilité pour la

victime d’agir contre le propriétaire du bâtiment en application de l’article 1386 du Code civil

ne l’empêchait pas d’exercer également une action contre le gardien de la chose, et ce, sur le

fondement de l’article 1384 alinéa 1er

du Code civil (12).

__________________________________________________________________________________________

11. Req. 4 juillet 1905, DP 1906.1.245

12. Civ. 2e, 23 mars 2000, RTD civ. 2000.581

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