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3Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium

Éditorial: Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur AquariumLes Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium

Cher lecteur,À l’origine, c’est pour la Russie que ce magazine d’un

genre assez unique, fut lancé. Devant le succès rencontré,il a été diffusé ensuite en anglais, avant d’être aujourd’huidisponible en français, toujours en exclusivité auprès deséditions Aquapress.

Dans ce numéro et dans les suivants, au rythme d’un paran, je présenterai la réalité du monde aquatique dans la na-ture, les expéditions de collecte des animaux et végétauxaquatiques, la manière de les ramener vivants et de les in-troduire dans notre merveilleux hobby. Je souhaite vousfaire voir ainsi, cher lecteur, comment les poissons viventnaturellement et comment il faudrait les garder en aqua-rium, afin de reconstituer l’environnement le plus sain etle plus naturel chez vous, au bureau ou à l’école. En ayant(ou en créant) un aquarium respectueux du biotope, votreplaisir n’en sera qu’augmenté, tandis que vos poissons s’ysentiront « comme chez eux ».

Mon objectif est non seulement de transmettre cette in-formation mais aussi de vous donner les trucs pour déco-rer l’aquarium en conséquence et l’entretenir – enm’adressant tant aux aquariophiles débutants qu’aux che-vronnés. Tout cela en vous présentant tout en images, lesdernières introductions dans la spécialité, comme en vousparlant des poissons et plantes d’aquarium bien connus etde ce qui est facilement disponible dans votre animalerie. À présent, vous devez vous demander : « Pourquoi Hei-

ko Bleher fait-il cela ? ». Ou même : « Mais qui est donc Heiko Bleher ? ». Bien ; pour ceux qui ne me connais-sent pas, permettez-moi quelque mots de présentation.

Je suis né dans une famille qui a consacré sa vie à l’aquariophilie. Mon grand-père, Adolf Kiel – dont la fem-me était d’origine russe – estima dans les années 1880, tandis que les gens avaient déjà chez eux des bocaux àpoissons rouges et que les premiers aquariums publics ouvraient leurs portes, qu’il y manquait quelque chose.Il pensa alors « plantes aquatiques » (personne n’en possédait à l’époque), pour apporter l’oxygène aux pois-sons exotiques et à toute la vie sous l’eau. Et il partit explorer les confins européens, y collecta des végétauxdont il débuta la culture, de concert avec un élevage de poissons – essentiellement d’eau froide – jusqu’à se re-trouver à la tête du plus gros établissement du genre dans le monde, à Francfort-sur-le-Main (Allemagne). Là-bas, il est encore connu de nos jours comme le « père des plantes aquatiques ».

Ma mère, Amanda Flora Hilda Kiel (née en 1910) a grandi avec des plantes aquatiques, des reptiles et desamphibiens en lieu et place de poupées. (Comme j’en fus moi-même entouré.) C’était une femme étonnante etdes trois enfants la préférée. L’engagement de sa vie fut le même que son père, mais en plus elle se lança dansdes expéditions en Afrique et en Amérique du Sud pour collecter de nouvelles espèces de poissons et de plantesaquatiques – pour beaucoup inconnues. Quelques unes furent baptisées en son honneur « Amanda » ou « Ble-her », du nom de mon père, Ludwig Bleher, qu’elle épousa en 1938. (Mais qui ne s’engagea jamais sur ce ter-rain.) J’étais le plus jeune de ses quatre enfants et après la Seconde Guerre Mondiale, elle m’entraîna en Afriquedès l’âge de quatre ans, en Amérique du Sud à sept, pour collecter et cataloguer plantes et poissons, reptiles etamphibiens, oiseaux et mammifères. Sans avoir d’autre choix, j’ai grandi dans un environnement aquatique,dans lequel je suis finalement demeuré toute ma vie. J’ai passé notamment trente années de suite à gérer unecompagnie du nom d’Aquarium Rio, que j’avais créée au Brésil, pays où ma mère vécut ses trente dernièresannées, et d’où je partis pour regagner l’Allemagne en 1967. Sous ce label d’Aquarium Rio, j’ai exporté desplantes et des poissons tropicaux vers 86 pays du monde entier, en voyageant pour collecter et ramener chaqueannée de nouvelles espèces. Au bout du compte, j’ai introduit plus de 4 000 espèces différentes de poissonsd’aquarium et un bon nombre d’espèces végétales aquatiques (d’où toutes ces espèces des deux règnes portantmon nom). Ces plus de 800 expéditions de collecte et de recherche dans 163 pays, devraient me permettre devous apporter certaines connaissances sur les poissons, qui ne vous décevront pas.

Je vais donc faire de mon mieux pour vous montrer dans sa globalité le monde aquatique d’aujourd’hui, maisaussi son milieu naturel, ses peuples, avec leurs traditions et leurs cultures. Dans chaque numéro, un nouveaupays de chaque continent sera présenté, avec ses poissons, ses plantes, son environnement, ainsi qu’un au-thentique aquarium biotope qui reproduira un milieu particulier de ce pays (rivière, ruisseau, lac ou baie).

Une fois que vous aurez lu ce premier numéro, je vous serais très reconnaissant de nous écrire, pour nous don-ner votre opinion sur ce nouveau concept, dans le hobby le plus beau et le plus instructif de la planète Terre.

Votre amoureux de la nature,

Heiko Bleher

Les Biotopes de Bleher

Grandeur NatureGrandeur Aquarium

Édité par AquapressVia G. Falcone, 11

I-27010 Miradolo Terme (PV)Italie

Tel. (++39) 0382 754707Fax (++39) 0382 754129

E-mail: [email protected]

Site Internet:www.aquapress-bleher.com

Direction :Rédacteur en chef : Heiko Bleher

Textes :Heiko Bleher et

Bertran M. Feitoza, Luiz A. Rocha,

Osmar J. Luiz-Junior, Sergio R. Floeter et João L. Gasparini

Traduction :Mickaël Legrand

Photos :Gerald R. Allen, Heiko Bleher,

Bertran M. Feitoza, E. Fritzche,Natasha Khardina, Ralf Kiefner,

Osmar J. Luiz-Junior et Luiz A. Rocha.

Conception et mise en page :Aquapress Publishers, Italie :Rossella Bulla et Heiko Bleher

L’intégralité du contenu de cemagazine est protégé.

Aucune partie ne peut être reproduite sans autorisation

écrite de l’éditeur. L’éditeur nes’engage pas à renvoyer tout

matériel non sollicité

ISSN 1126-8956

© Aquapress 2007© aqua geõgraphia 2007

© Blehers’ Biotopes in Nature and in Aquaria

Le Bleher des Discus – La MonographieUne étude inégalée et exhaustive

du genre SymphysodonQuant à savoir si c’est l’empereur Napoléon ou le prince de Metternich qui est responsable de la première découverte du Discus, au

lecteur d’en décider, mais le reste de cet ouvrage de plus de 1.200 pages – en deux tomes – évite toute ambiguïté. Tome 1 – avec près de 5.000 photos, peintures, dessins et environ 50 cartes: Dans les premiers chapitres, Heiko Bleher vous guide aulong des siécles, à travers plus de 150 ans de découvertes finement détaillées. Il ressuscite tous les scientifiques qui ont travaillé sur legenre – avec, en partie, des ouvrages et des photos inédits – et, au terme de près d’un demi-siècle de discussion au sujet de la systéma-tique, fournit une synthèse nouvelle et facile à comprendre de la taxinomie. La distribution du genre et des espèces individuelles figure,pratiquement jusqu’au moindre igarapé ou lago, sur 8 cartes en double page. Pour la première fois, avec des détails précis sur la couleur

des eaux relevés sur le terrain. Dans le quatrième chapitre, Bleher fait l’inventaire de toutes les formes sauvages connues à ce jour (certaines encore inédites) et de leurs variétés chromatiques, en mots et en photos – résultat de ses expéditions au nombre de plus de

300. Les données concernant les localisations ont été soigneusement contrôlées sur le terrain, au long des années, jusqu’en 2005. Dans le chapitre 5, il entraîne le lecteur dans l’histoire de l’Amazonie – jusqu’à l’époque de sa découverte – et aborde en détails

l’histoire primitve des régions et des multiples tribus indiennes (notamment, ses expériences personnelles au contact des aborigènes). En outre, les habitats naturels des Discus sont décrits et illustrés, y compis le paramètres des eaux (relevés de jour comme de nuit)

de 75 localisations différentes; pratiquement chaque cours d’eau d’Amazonie est cité en long et en large, avec des détails sur la (ou les) forme(s) qui y séjourne(nt); les endroits encore inexplorés sont aussi mentionnés. Il détaille également – sur plus de 80 pages –

le régime des Discus dans la nature, les communautés dont ils font partie et leurs ennemis, ainsi que les diverses méthodes de capture imaginées depuis les origines jusqu’à nos jours.

Aquapress Publishers – Via G. Falcone 11 – 27010 Miradolo Terme (PV) ItalieTel. +39 0382754707 – Fax +39 0382754129 – [email protected] – www.aquapress-bleher.com

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SommaireÉditorial 3

AFRIQUE Congo : Royaume des poissonsd’aquarium – Découverte d’un lac de rêve 4Texte et photos : Heiko Bleher

AMERIQUERio Guaporè 20Texte et photos : Heiko Bleher

ASIELao 38Texte et photos : Heiko Bleher

AUSTRALASIEMamberamo 58Texte et photos: Heiko Bleher

MILIEU MARINLes poissons de récif des Rochers de St-Paul 86Texte et photos : Bertran M. Feitoza, Luiz A. Rocha, Osmar J. Luiz-Junior, Sergio R. Floeter, João L. Gasparini et Heiko Bleher

AQUARUMS BIOTOPESNéons & cardinalis 102Guppys 106Poissons-anges 110Poissons rouges 114Texte : Heiko BleherPhotos : Heiko Bleher etNatasha Khardina

AFRIQUEAFRIQUELac FwaLac Fwa

ASIE ASIE – – LaoLaoAQUARIUMSAQUARIUMSBIOTOPESBIOTOPES

MILIEU MARINMILIEU MARINRochers de St-PaulRochers de St-Paul

AMÉRIQUEAMÉRIQUERio GuaporéRio Guaporé

AUSTRALASIEAUSTRALASIE

MamberamoMamberamo

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AFRIQUECongoCongo

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AFRIQUE CongoCongo

CongoCongo

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Un problème en chasse un autreÀ Kinshasa, la capitale de l’ancien Zaï-

re (actuel Congo), mes bagages disparu-rent ; je m’envolai quand même le lendemain pour Kananga. Ils devaientm’y être envoyés… mais après une se-maine de préparatifs pour l’expédition, je n’en voyais toujours pas la couleur.Sur un coup de tête, je décidai de reveniren avion et les retrouvai au beau milieude plusieurs centaines de sacs et de valises perdus, dans un entrepôt quasi-désaffecté.

De retour à Kananga, avec le soutien dela Cooperation Regional Kasai Occiden-tal, et au volant d’une jeep flambant neu-ve appartenant au Projet Pisciculture Fa-miliale, j’empruntai la seule route quimenait à l’est. Bien qu’il n’y ait pratique-ment pas de circulation, j’apercevais deloin en loin l’épave d’une voiture dans lefossé. Lors d’une première tentative surce trajet, mon propre véhicule avaitd’ailleurs connu le même sort. La routeétait à ce point périlleuse que la prendrene pouvait s’envisager qu’en casd’extrême nécessité, avec un véhicu-le à quatre roues motrices et à la sai-son sèche.

J’atteins en soirée le lac Mukamba,autrefois villégiature des fins de se-maine de Kananga. À l’image de lamajeure partie de la région, le lacétait dépourvu de tout bosquetd’arbres un tant soit peu remar-quable (hormis quelques palmiers, lavégétation de la région de Kasaï se limiteà une savane sèche). Une petite enquêterévéla que la faune et la flore naturellesde ce lac avaient été éradiquées par l’in-troduction de poissons tilapias. Mais lespécimen le plus gros que j’attrapai nemesurait que 6 cm ; alors que ces pois-sons, qui ont été introduits un peu partout sous les Tropiques, mesurent normalement entre 35 et 40 cm.

Mukamba passé, la route se fit encoreplus étroite et à peine praticable. Les derniers 50 km jusqu’au lac suivant meprirent une journée et une nuit. J’étaiscomplètement perdu quand soudain, unevallée plantée de grands arbres verdoyants apparut dans la savane. Il n’y avait pas d’accès visible. Mais, tandis que la nuit tombait, je finis malgrétout par arriver à la baie. Le spectacle effaça alors les épreuves des dix derniers jours.

L’eau était en feuLes rayons du soleil couchant péné-

traient la surface de l’eau et teintaient lavégétation aquatique de rouge sang. Onaurait dit que l’eau était en feu et que lesplantes ondulaient au rythme desflammes pendant que d’innombrablespoissons nageaient au milieu de « l’in-cendie ». Ces joyaux, ces petites tachesde couleurs évoluant dans un jardinaquatique onirique – mais en mêmetemps parfaitement naturel – me remé-morèrent mon enfance. C’était en 1947,j’avais juste fait mes trois ans et les sé-quelles de la Seconde Guerre Mondialeétaient partout. Ma mère, Amanda, quiavait été une « force motrice » dans la re-construction du zoo de Francfort, organi-sait alors la première exposition d’aqua-riums. Je me tenais fièrement debout (jevenais juste d’apprendre à marcher) faceà un énorme aquarium. Pour la premièrefois, je voyais un paysage d’un genre fas-cinant. Un jardin subaquatique danslequel des poissons glissaient ici et

là tels des bijoux somptueux. Et impos-sible d’attraper ces taches de couleurs vi-vantes : la cuve était bien trop haute. Jerestais en admiration, ma mâchoire infé-rieure béant de plus en plus, et seul l’ap-pel de ma mère – « Heiko, ferme labouche avant qu’une mouche n’yentre ! » – m’avait réveillé.

Là, en Afrique, bien des années plustard, il me fallut encore un certain tempsavant de revenir sur terre. Cette premièreimpression du lac Fwa est quelque choseque je n’oublierai jamais, aussi long-temps que je vivrai. La présence du para-site de la bilharziose dans ses eaux nesuffit pas à raisonner mon envie irrépres-sible d’y plonger. Équipé d’un masque,d’un tuba et d’une puissante lampe sous-marine, je m’élançai dans l’eau et nageaià travers les paysages de la végétationaquatique. Passant devant d’étonnantesformations rocheuses, au-dessus d’éten-dues de sable blanc comme neige, entre

À deux reprises, j’ai eu la chance d’accéder à ce lac reculé de Fwa, de l’actuelle République Démocra-tique du Congo, ancien Zaïre. Avec la possibilité d’en ramener pour la première fois quelques uns des ci-chlidés les plus beaux (et les plus colorés) que l’aquariophilie ait jamais vus. Thorachromis brauschi (1),anciennement Haplochromis, était l’un d’eux. Le seul moyen d’accès au Lac Fwa est l’avion jusqu’àKananga, puis la voiture (pour peu qu’il y en ait une à Kananga...) sur 150 km vers l’est, sur une piste àpeine existante (2). Alors, avec de la chance, on approche le lac (3).

AFRIQUE CongoCongo AFRIQUECongoCongo

Il est des endroits sur Terre qui semblent n’exister que dans l’imagination humaine et parmi eux, il existe un lac au cœur de l’Afrique qui dépasse les limites de cette imagination.

Un monde aquatique unique, fascinant ; un lac de rêve ; le lac Fwa. Situé dans le royaume africain des poissons d’aquarium…

Texte et photos : Heiko Bleher

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CongoRoyaume des poissons d’aquarium

Découverte d’un lac de rêve

CongoRoyaume des poissons d’aquarium

Découverte d’un lac de rêve

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les longues feuilles de Vallisneria, sousdes troncs d’arbres broutés par les pois-sons et peuplés par d’innombrables cre-vettes minuscules, je n’aurais plus vouluressortir.

Cette nuit-là, je restais étendu à la belleétoile sur la rive, incapable de trouver lesommeil. Était-ce un rêve ? Un lac à cepoint fantastique, complètement épar-gné ? Personne ? Pas la plus infime tracede civilisation ? Les études du BelgeJ. Schwetz en 1946, révélant l’infestationde Bilharzia avaient-elles eu un effet aus-si radical ? Était-ce pour cela que ce lacavait disparu des cartes ? Les questionss’enchaînaient sans réponses.

Je ne disposais que de deux jours. Pourcette raison, j’avais résisté à retournerdans l’eau et me trouvai, dans lebrouillard du petit matin, en compagnied’un indigène qui vivait non loin de là,dans sa pirogue qui prenait l’eau. Tandisque j’écopais, il poussait son embarcationà l’aide d’une longue perche. Le soleil selevait, le lac Fwa se réveillait et avec luisa flore et sa faune. Les poissons bondis-saient de l’eau joyeusement (à moinsqu’ils ne chassaient), des papillons colo-rés voletaient d’une splendide orchidée àune autre, des crabes rouges détalaient aufond de l’eau en formant des ronds à lasurface et de désagréables guêpes noires,aux parties intimes colorées de jaune, metournaient autour en bourdonnant. Ungroupe de singes s’enfuit en sautant à tra-vers les cimes des arbres. Les grenouillesrestaient coites.

Arrivé à un endroit, le lac ressemblaitdavantage à une rivière, s’écoulant rapi-dement vers le nord,encadré par desfeuilles géan tes de Co-locasia. Des pieds dePandanus dépassaientde l’eau, plus hautsque la plupart desarbres, et les fougèresétaient les plus grossesque je n’avais jamaisvues. Des philoden-drons pen daient desarbres qui nous sur-plombaient, tandis qued’autres plantes grim -pantes compléta ientcet te rive uni que. Sousl’eau, le spec tacle étaitde la même qualité. Lepaysage du fond alter-

nait d’interminables massifs gras et ver -doyants de Vallisneria géante, ponctuésd’étranges affleurements rocheux sem-blant tombés de la lune, de dunes desable blanc et de formations de laverouge.La richesse des plantes aquatiques était

immense. Les genres Lagarosiphon, Po-tamogeton, Nymphaea, Nuphar et Otteliay étaient tous représentés, associés àd’autres, innombrables fougères aqua-tiques et plantes flottantes, dont j’ignoraisle nom. Le tout mêlé à des millions depoissons. Les cichlidés prédominaient,évoluant principalement en larges bancs.Je vis aussi des spécimens solitaires d’unhaplochrominien exceptionnellement co-loré, le plus grand cichlidé du lac, que jebaptisai « Poisson Picasso », en homma-ge à ce peintre qui était bien le seul au

monde à pouvoir créer une telle combi-naison de couleurs.

La pirogue délabrée était plus en trainde sombrer qu’autre chose, mais la trans-parence du lac était telle que nous avionsl’illusion d’être suspendus dans les airs.Dans le peu de courant des eaux de labaie, un poisson de fond de 5 cm delong, une espèce de Garra, pouvait êtreclairement visible, même à une profon-deur de 15 m. Cela dit, il valait quandmême mieux arriver…

Je plongeai avec mes palmes et passaiprès de six heures à explorer. Sous lesplantes flottantes (Pistia stratiotes), jetrouvai des cichlidés à ventre rouge sang(Hemichromis sp.), entourés de centainesde petits poissons. Autour des formationsrocheuses (qui ressemblaient à celles dujardin du temple Tenryuji de Kyoto, en

relativement plus anciennes toutefois, lesjaponaises n’ayant pas été construitesavant 1339…), des centaines de cichlidésde couleur sombre à noire et à la nageoi-re dorsale d’un jaune d’or éclatant, na-geaient à la verticale pour brouter les ro-chers. D’autres, bandes longitudinales argentées, opercules vert émeraude, na-geoires rouge rosé et à dorsale noir ve-louté bordée de blanc, défendaient leursfemelles. Ces dernières, presque sanscouleurs, portaient jusqu’à cinquante ale-vins d’1,5 cm de long dans leur gueule,ne laissant aller leurs rejetons que pourleur permettre d’uriner sous le couvertdes gros rochers, et les aspirant à nou-veau sitôt qu’un danger menaçait. Deleur côté, les mâles exhibaient la splendi-de parure de leurs nageoires, la tache jau-

ne et étirée de l’anale particulièrementimportante, et chassaient tout intrus. Cepoisson fut décrit par Poll en tant qu’es-pèce monotypique et baptisé Schwetzo-chromis neodon ; à l’instar de toutes lesautres espèces de cichlidés présentes, elleest endémique (en d’autres termes, ellene se trouve que dans ce lac).

Tandis que tous ces poissons habitentprincipalement les zones rocheuses,d’autres se trouvent exclusivement surles fonds sableux. Ceux-là, conduits parun individu dominant, fouillaient le sableà la recherche de micro-organismes (fau-ne interstitielle). Inlassablement, ils s’af-fairaient à prendre des bouchées de sable,qu’ils tamisaient avant de recracher. Jerestai allongé sur le fond, complètementimmergé, et en laissai des centaines pas-ser sur moi. C’était fascinant de noter àquel point tous les individus à l’excep-

tion de leur chef s’adaptaient complète-ment à la couleur du sable blanc. Lui, arborait un brun foncé séduisant avec des nageoires jaunes et des bandes sur la longueur. Il nageait principalement en avant et au-dessus du banc, ne s’écartant que siun rival survenait.

D’autres encore (une possible petite Tout le long de cette routeaffreusement poussiéreu se,nous avons collectionné lesproblèmes mécani ques (1).Dans un campement in-digène, le réservoir d’huilese boucha et notre chauf-feur le dé pous siéra en « soufflant » (2). Les peu-plades, éloi gnées de toutecivilisation, construisaientleurs huttes avec desmatériaux natu rels, ici desbriques faites d’argile (3).

Le lac possède une eau cristalline qui de toute partlaisse voir le fond. Ici, un endroit avec des roches,derrière de grandes implantations de Vallisneriaaethiopica (1). Sous l’eau, tout reste visible. Ici,Ceratophyllum demersum en avant-plan et des centaines de cichlidés au-dessus du sable blanc(2). Le lac Fwa est constitué d’un lac supérieur etd’un lac inférieur. Le terrible courant qui agite leseaux à l’approche du lac inférieur apparaît clairement sur cette photo subaquatique (3).

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espèce d’Haplochromis) vivent seule-ment parmi les plantes, trouvant là al gueset micro-organismes pour se nour rir, maisaussi un abri pour les groupes de juvé-niles. La plus grande créature nageantedu lac, une espèce de Labeo aux alluresde carpe, semble elle ne pas consommerles feuilles des plan tes. Ce poisson griset inoffensif, qui peut atteindre une taillede 65 cm, possède un long museau poin-tu et une bouche ventouse munie d’or-ganes sensoriels. Son corps est ponctuéde grandes taches, rouge vif et presquerondes, sur chaque écaille. Moins paci-fiques sont les characiformes du groupeHydrocynus, que l’on surnomme parfoispoissons-tigres. Leurs bouches sont ar-mées de très grandes dents, acérées etemboîtées à la manière de celles deschats, et ils ont de quoi vous faire froiddans le dos – même si leurs proies se résument essentiellement à des poissons.

Le fort courant du milieu du lac,contre lequel il était impossible de nager, m’entraîna quelques kilomètresen aval, jusqu’à un rétrécissement. Ici,le lac supérieur, qui avait jusque là 100 à 300 m de large, ne faisait plusqu’une largeur de 12 m. et perdait enprofondeur à l’approche d’une sorte dechute d’eau. La soirée venue, toujoursaussi peu reposée mais incroyablementheureux, j’allumai un feu de camp surla rive de la baie, tandis qu’un jeunegarçon m’apportait une paire de poissons qu’il avait pêchés. Je leséchangeai contre un peu de potage allemand.

Le lac Fwa doit sa limpidité au fait queses seuls affluents sont de nombreusessources souterraines, certaines d’entreelles importantes. La puissance avec la-quelle l’eau claire émerge des roches etdes failles est considérable. À certains

endroits peu profonds, cela crée un effetde fontaine, avec de l’eau jaillissant au-dessus des rochers. En d’autres points,nombreux, où le fond n’est que sableuxet sans obstacles, l’eau y bouillonne. Le lac possède un seul déversoir à sonextrémité nord. Mais je ne le vis quedeux ans plus tard.

Lors de ce retour dans les années 90,la situation se révéla bien différente.J’avais l’intention de passer cette fois-ci quatorze jours sur le lac de rêve,avec les provisions nécessaires et accompagné de deux très bons amis :l’éleveur de cichlidés et connaisseur dela Tanzanie, Peter Schupke de Bavière,et l’expert forestier Karlheinz Freitag.Mais au cours de cette expédition, toutallait mal tourner, d’une manière malheureusement symptomatiquede la partie la plus sombre de

l’Afrique...

Sur le site du lac, aucun indigène n’est présent, ni quique ce soit d’autre. On n’y trouve pas plus de bateau oud’autre trace d’activité humaine, à l’exception dequelques pirogues fabriquées par des indigènes vivantloin de là et qui viennent de temps à autre pour pêcher –deux de ces pirogues nous furent d’ailleurs bien utiles.Ici, la progression au-dessus de masses de Ceratophyllum(1). Vallisneria aethiopica devient rouge vif en eau peuprofonde, où pousse aussi en abondance Lemna gibba(2). Les deux espèces identifiées, Cyclopharynx schwetziet C. fwae, se déplacent en permanence au-dessus d’unsable blanc et fin, dont elles ingèrent de grandes quan-tités, chargées de diatomées. Elles restent constammentsurveillées et guidées (et protégées ?) par les animaux al-pha (dominants) de couleur sombre (3-4). Une autre es-pèce (et genre) endémique : Schwetzochromis neodon.Un cichlidé fascinant (voir aussi pages suivantes). Il estici au centre, sur fond de sable blanc et de Ceratophyllumdemersum, avec sa femelle en dessous (5).

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Délais et détentionFaute de vol sur les lignes intérieures, il

nous fallait patienter trois jours à Kinsha-sa. Et quand arriva notre vol pour Kanan-ga, il fut annulé sans alternative immé-diate. Nous dûmes attendre le cinquièmejour pour atterrir là-bas, et nous voir nospasseports retirés. Nous n’avions soit di-sant pas de permis de voyager pour la ré-gion de Kasaï. Après trois jours, passésen partie en garde à vue (mon visa futaussi déclaré invalide et ma présence defacto illégale), on nous octroya des per-mis de séjour – uniquement pour troisjours et pour Kananga – sans nous rendrenos passeports. La jeep que nous avionsconvenu de louer se révéla hors d’usage :des roues manquantes ou endommagées,un moteur en piètre état, et aucun véhicu-le de rechange disponible. À l’hôtel – leGrand Hôtel Kananga – il n’y avaitrien  : ni information, ni électricité, ni eaucourante, ni nourriture. Finalement, lamission nous donna un coup de mainsous la forme d’une vieille Land Rover.Et le soir du dixième jour, nous arri-vâmes enfin au lac Fwa. Au cours duvoyage, je remarquai que nombre dechoses s’étaient altérées depuis ma visiteprécédente. Il n’y avait pratiquement plusun arbre apparent, seulement du charbonde bois. Tous avaient été brûlés, jusquesur la rive du lac, et une route vers la vil-le diamantifère de Mbuji-Mayi était enconstruction non loin. Il y avait mainte-

Schwetzochromis neodon possède des couleursfantastiques ; ici un mâle (1-2). Dans leur révision des cichlidés du lac Fwa, Roberts &Kullander (1994) placèrent le Callopharynx microdon décrit par Poll en 1948, en synonymieavec Cyclopharynx fwae ; mais leurs morpholo-gies sont aussi distinctes que leurs comporte-ments : C. microdon (3-4) se nourrit exclusive-ment d’aufwuchs (qu’on leur voit gratter, têteen bas, sur la grande photo), tandis que fwae etschwetzi ingèrent du sable et des diatomées. Des grenouilles peuvent être observées autourdu lac Fwa à la nuit tombée (5). Pistia stratiotesse trouve en grand nombre sur le lac inférieur(6). Bien que personne ne connaissait lalongueur du lac Fwa, j’ai pu la mesurer. À sonextrémité, là où il se déverse dans la rivière Lubi, nous perdîmes notre perche en ramenantla pirogue et je l’évaluai grossièrement avecmes palmes. À raison de 22 000 coups depalme, chacun faisant avancer d’environ 1 m,nous arrivons à 22 km (7). Le lac présente à sonextrémité sud un nombre incroyable de sourcessouterraines. À certains endroits, quand l’eaune s’étale pas à l’approche de la surface, ellejaillit avec une force qui vous repousse immanquablement (8).

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AFRIQUECongoCongo

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AFRIQUE CongoCongo

nant bien plus de pêcheurs sur le lac quedeux ans auparavant. Un homme traînaitun singe fraîchement abattu et un autreune peau de python de 7 m de long.

Karlheinz et Peter partagèrent malgrétout mon envoûtement et à notre secondet dernier jour, nous décidâmes en dépitdu peu de temps disponible, de des-cendre le lac jusqu’à son déversoir. L’en-treprise s’avéra bien plus qu’aventureuse.De 5 heures du matin jusqu’au coucherdu soleil, nous eûmes à pagayer jusqu’àl’autre bout du lac, sur deux canoës quiprenaient l’eau. Durant ce temps, je fuscapable d’établir avec certitude pourquoitoutes les espèces du lac (à 1-2 excep-tions près) sont endémiques. Dans le lacinférieur (que je nomme ainsi car aprèsl’étranglement du premier et la chuted’eau, un autre véritable lac commence,avec jusqu’à un kilomètre de large, uncourant pre sque inexistant et une grandeprofondeur), s’ouvre une partie longuede 6 km remplie d’une végétation aqua-tique impénétrable. Une couverture dePotamogeton sp. forme là un immensetapis d’au moins un mètre d’épaisseur.Nous pouvions à peine pousser nos em-barcations dessus, et nage et plongéeétaient impossibles. Ni nous, ni les pê-cheurs, ne pouvions trouver un seul pois-son à cet endroit, seulement des millionsde crevettes.

À l’autre extrémité, l’écoulement du lacdans les eaux troubles de la rivière Lubiest incroyablement violent. Là, nous re-trouvâmes des poissons dans une minus-cule crique, sans qu’ils correspondent àaucune des espèces observées dans le lac– de toute évidence, ils étaient bien nésdans la rivière.

Tandis que le soleil se couchait au-des-sus des tapis de plantes, lançant des ra -yons dorés étincelants, nous étions entrain de pagayer en sens inverse, àcontre-courant ! La tâche était incro ya -ble ment rude : 22 000 coups de mes pal -mes, que j’avais enfilées sur mes mains,pour progresser à chaque fois d’un mè -tre. Je m’attendais à ne plus avoir de brasà l’aube. Mes muscles étaient encoredouloureux des semaines plus tard. Ilnous fallut également passer entre-tempsla chute d’eau. Pendant que mes cama-rades erra ient à travers les broussailles, jem’escri mai, aidé d’un guide, à remonterma pirogue et tout notre équipement parla ca scade, avec la seconde embarcationattachée à l’arrière. Nous dûmes forcé-ment nous y prendre à plusieurs repriseset tout fut finalement submergé – appa-reil photo, argent et nourriture y compris.

Cœurs tristes et souvenirs heureuxNous quittâmes le lac merveilleux avec

beaucoup de regrets mais aussi de somp-

tueux souvenirs. Ce lac était unique etson exploration l’avait été tout autant. ÀKananga, nous récupérâmes nos passe-ports à la dernière minute ; à Kinshasa, jefus une nouvelle fois mis en garde à vue,cette fois-ci pour un timbre d’autorisa-tion qui manquait (et qui avait été sansaucun doute délibérément oublié), et ilfallut toute l’invention de Karheinz etl’intervention de l’ambassade allemandepour pouvoir prendre notre avion ce soir-là. Quelques temps après, je fus victimed’une terrible attaque de malaria, avantque Peter et Karlheinz ne succombent àleur tour. Le test du Bilharzia fut positifpour tous les trois.

Positif, notre recensement des poissonsdu lac Fwa l’était aussi et nous avionsmalgré tout la satisfaction de confirmerla présence des familles de Notopteridae(1 sp.), Mormyridae (2 spp.), Clupeidae(1 sp.), Cyprinidae (4-5 spp.), Alestidae(2 spp.), Distichodidae (1 sp), Bagridae(3 spp), Clariidae (1 sp), Mochokidae(1-2 spp), Alocheilichthyidae (2 spp.) etCichlidae (au minimum 10 spp.), pourun total d’au moins 29 espèces, qui dépasse selon toutes probabilités les 30.La plupart étant qui plus est endémiques.En somme, nous avions découvert deuxfois plus d’espèces que Pool et Roberts,les auteurs du seul rapport antérieur surle lac Fwa.

Le lac Fwa est unique sur Terre, et pas seulement pour tous ses cichlidés endémiques et colorés. C’est un véritable aquarium naturel, géant et incroyablement beau, qui possède son lot d’espèces (réduit comparé aux lacs Tanganyika, Malawi et Victoria – mais incontestablement supérieur

aux cinq reconnues jadis par Roberts & Kullander).Je l’avais appelé « Cichlidé Picasso », d’après mon idée que seul l’artiste en question aurait été capable de produire de telles couleurs

sur ce Thoracochromis callichromis de Fwa.

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMCongoCongo

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM CongoCongo

Pour un aquarium biotope avec des cichlidés du lac Fwa (mais pas seulement – cf. le texte principal pour les autres familles), voici quelques exemples et informations : 1. Thoracochromis callichromis, le « Poisson Picasso », peut atteindre une longueur totale de 15 cm (c’est le plus grand cichlidé du lac Fwa)

et est de loin le plus coloré de tous, mais aussi le plus agressif. À ne maintenir qu’en très grand aquarium, si possible en groupes de 5 ou plus. Adopter un décoravec beaucoup de grandes Vallisneria gigantea (cf. commentaires à la fin). 2. La femelle du T. callichromis est bien moins colorée. 3. T. brauschi est un cichlidé

paisible et a été introduit en aquariophilie en Russie, de même qu’en Europe et en Amérique, grâce en particulier à l’élevage de Mr. Anatoly (Moscou). 4. La femelle de T. brauschi présente plus de couleurs que celle du « Poisson Picasso ». 5. Cyclopharynx schwetzi est également un cichlidé paisible et très beau.

Comme C. fwae, qui lui ressemble, il filtre le sable à la recherche de micro-organismes – et par conséquent exige un fond de sable fin. 6. Schwetzichromis neodon est une autre beauté exclusive du lac Fwa, au caractère pacifique. Cet incubateur buccal (comme tous les autres), demande

une partie rocheuse car il consomme aussi l’aufwuchs (couverture végétale sur les roches et sa microfaune).Note : d’une manière générale, un aquarium inspiré du lac Fwa devrait posséder une part de roches de forme plate ou singulière comme celles représentées à lapage précédente ; quelques Vallisneria gigantea (faute de disponibilité de V. aethiopica en aquariophilie), Ceratophyllum demersum, peut-être quelques nénuphars

(Nymphaea sp.), si possible Lagarosiphon major, et une certaine quantité de sable blanc (et fin). L’eau devrait être fortement brassée et cristalline. Le pH peutaller de 7,0 à 8,5 (voire un peu plus) et la conductivité se situer entre 100 et 500 micro siemens (ou davantage). Températures de 23-24 à un maximum de 29°C.

Voici une sélection d’espèces de poissons originaires du Cameroun et du bassin du Congo, avec des détails sur leurs comportements et leurs habitats, ainsi que sur leurmaintenance : 1. Le Pelvicachromis taeniata de Muyuca (Cameroun) est une petite beauté vraiment fantastique – mais chez laquelle la femelle est seule à arborer descouleurs aussi éclatantes. 2. Chez le P. taeniata de Dehane, c’est le mâle qui possède une coloration étonnante. Toutes ces variétés de P. taeniata sont des cichlidés nainsterritoriaux. Ils peuvent être maintenus en petits groupes mais une fois qu’ils ont trouvé leur compagnon, ils deviennent très agressifs, même l’un envers l’autre ; ilest par conséquent impératif qu’ils disposent d’assez d’endroits pour se cacher (i.e. des morceaux de bois flotté, des cônes ou des pots de terre cuite, des rochers troués,etc.). 3. Les espèces de Nanochromis, ici N. squamiceps (femelle), sont également des cichlidés nains, pacifiques s’ils sont conservés en groupes, mais qui peuvent semontrer agressifs individuellement ; auquel cas, il conviendra de les séparer (en particulier s’il y a des jeunes, on ne laisse normalement que la mère avec les bébés,étant donné qu’elle en prend soin). 4. Le véritable Nanochromis dimidiatus (mal identifié dans la plupart des publications) est comme tous les autres Nanochromis, uncichlidé nain paisible, sauf au moment du frai (ou peu de temps après). Tous (Pelvicachromis comme Nanochromis) devraient être maintenus en eau douce et, sans ré-serve, à des valeurs pH inférieures à 7,0 – et même, encore mieux, sous les 6,0, dans la mesure du possible. La conductivité sera inférieure à 100 microsiemens – dansla nature, elle se situe toujours sous les 30 μS. L’idéal est de filtrer sur tourbe et d’utiliser pour le décor du sable blanc fin, du bois flotté, quelques Anubias, des espècesde Bolbitis et/ou Crinum natans. La température de l’eau se situera au-dessus de 23°C, avec un optimum à 26-28°C mais sans jamais dépasser 30°C. Et tout cela dansdes aquariums pas trop petits lorsqu’ils ne sont pas employés à la reproduction. 5-6. Tout bon groupe de poissons destinés à tenir compagnie aux cichlidés nains citésplus haut, devrait comporter des espèces de characiformes dans les genres Phenacogrammus, Nanaethiops, Micralestes ou Rhabdalestes. Pour n’en montrer que deuxjolies : le Micralestes stormsi (5) du bassin du Congo, ainsi que le néon en métal laminé, Phenacogrammus bleheri, découvert par l’auteur.

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Voici sur ces deux pages le décord’un aquarium congolais authentique : un biotope natureldu Pool Malebo, représentant unfragment d’une rive de ce grand plan d’eau, situé à l’est de Kinshasa. Dans ce biotope, poussent très peu de plantesaquatiques et les petites espècesde poissons sont absentes (on neles trouve qu’à proximité desrives peu élevées et dans son affluent, le fleuve Congo). Ses habitants, en se sentant immé-diatement comme « chez eux »,montrent combien ce décor a unaspect naturel. L’aquariumn’avait pourtant été décoré parl’auteur que quelques heuresplus tôt (c’est pourquoi l’eaun’est pas encore 100% limpide –cela dit, elle ne l’est pas complè-tement dans la nature) : 1. Le Pool Malebo présente unerive rocheuse (lave ou autreroche) avec beaucoup de sableblanc (plutôt fin) sur le fond. On y trouve de grands characiformes, principalementPhenacogrammus interruptus, P. caudalis et Micralestes sp. Ces trois,à peine placés là, ont immédiatementformé des bancs en pleine eau, commedans la nature. La zone de surface estoccupée par les poissons-papillons(Pantodon buchholzi), la zoneinférieure par Distichodus sexfasciatuset D. lussoso – deux characiformes àforte croissance, qui mangent lesplantes tendres (et parfois de plus coriaces). Quant au fond proprementdit, il est fréquenté par Synodontis(c-à-d. S. ornatipinnis, S. angelicus, S. notatus, etc.) et Auchenoglanis sp.Les poissons-éléphants (ici Gnathonemus petersii) font aussi partiedes poissons de fond et cherchentcontinuellement leur nourriture deleur long museau recourbé. 2. Ces derniers s’activèrent aussitôt. 3. Et D. sexfasciatus suivit, tirant profit de la nourriture mise à jour par les fouilles des « éléphants ».

eux l’idéal) pour se nourrir, sitôt placés dans la cuve. Remarque : Un aquarium biotope authentique de ce genre ne devrait comporter que peu de plantes (tel Crinum natans, quelques Anubias nana et peut-être Cyperus papyrus [qui devrait alors être en mesure d’émerger]), et le décor montré. Il convient

parfaitement pour les poissons mentionnés. Mais il ne devrait pas faire moins de 600 l, si possible davantage (la cuve représentée fait 1 600 l). Il devrait êtreéquipé d’un filtre puissant, qui génèrera un courant fort ; de l’eau sera ajoutée pour compenser l’évaporation (et partiellement changée périodiquement).

4. Phenacogrammus interruptus et P. caudalis formant immédiatement un banc en pleine eaudans un aquarium de ce genre. 5. Le poisson-papillon africain (Pantodon buchholzi) se sent bien en surface, y capturant (exclusivement) sa nourriture. 6. Synodontis (ici S. pleurops) com-mence à gratter les pierres à la recherche de micro-organismes (notez la taille que doiventavoir les pierres par rapport à ce qu’ils peuvent prendre dans leur bouche !). 7. D. lussosofaisant la même chose (notez encore la pierre dans sa bouche). 8. Les poissons-éléphants forment aussi des bancs (ce sont des poissons grégaires) et fouillent le sable fin (qui est pour

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMCongoCongoINFORMATIONS POUR L'AQUARIUM CongoCongo

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AMÉRIQUE Rio GuaporéRio Guaporé AMÉRIQUERio GuaporéRio Guaporé

Déjà 50 ans auparavant, nous – mamère, mon frère Michael, messœurs Karin et Irene, et moi-mê-

me – partions de Vila Bela dans unelongue pirogue, avec un équipage de troisindiens. Et ce jour-là, comme un demi-siècle plus tard, il était quatre heures dumatin et le brouillard était épais. Alors,nous avancions le long du Guaporé, clairet silencieux, poussés par des remos (pa-gaie à long manche et à la lame grande et

ronde comme un plateau) taillés à la mainet plongés dans l’eau par les trois indiensà l’unisson. Bien des années plus tard,c’était plutôt le gros moteur diesel d’unremorqueur qui nous conduisait : haletantmais régulier – et ô combien plusbruyant !

Notre équipée moderne avait quitté Riode Janeiro le vendredi, pour débarquer àCuiabá, la capitale de l’état du MatoGrosso. En 1954, ma mère était arrivée là

la première, mais dans une « Perua » (unpick-up) antédiluvienne, et elle comme lavoiture étaient sur les jantes, après quatresemaines de lutte extrême à travers desrégions aux routes inexistantes, attaquéeet dévalisée par des bandits, assaillie parla faim et la soif. En ces temps-là, il n’yavait pas de véritables routes (encoremoins d’avions), mais essentiellement desimples chemins de terre. De nos jours,elles sont bien plus correctes et empier-

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Pratiquement aucun réseau hydrique sur Terre n’abrite une telle variété de milieux (aquatiques) naturels,autant d’espèces différentes de plantes d’eau et une telle richesse de poissons d’eau douce, que le Rio

Guaporé, une rivière qui sépare le Brésil de la Bolivie (où il prend le nom de Rio Iténez) sur plus de 1 300 km.Le Portugais Alexandre R. Ferreira (1756-1815) fut le premier naturaliste à explorer cette rivière unique, suivi

par l’Autrichien Johann B. Natterer (1787-1843) et d’autres, mais ce fut l’aventurière allemande Amanda F. H. Bleher (1910-1991), ma propre mère, qui ouvrit réellement cette région à l’aquariophilie

mondiale. Elle y découvrit plus de 60 nouvelles espèces de plantes et un nombre de poissons pour ainsi dire incalculable, dont beaucoup d’entre eux ornent aujourd'hui les aquariums, un peu partout sur le globe…

Texte et photos : Heiko Bleher

Rio - GuaporéRio - Guaporé

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium22 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 23

Rio GuaporéRio Guaporé Rio GuaporéRio Guaporérées, tandis que se posent quotidienne-ment des vols venant de Rio ou São Pau-lo, à 2 000 km de là. Alors qu’il fallait secontenter autrefois du « Grand Hotel »,qui n’avait de grand que le nom, nousavions désormais l’embarras du choix, ycompris en quatre étoiles. Mais nous dé-cidâmes de louer un minibus Volkswagenet de poursuivre immédiatement jusqu’àVila Bela. Amanda, mon intrépide de mè-re, pour sa part, en avait été réduite à ra-fistoler son véhicule (faute de pièces dé-tachées, il fallait s’en remettre au quebragalho brésilien – les réparations de fortu-ne) pour le vendre car les routes s’arrê-taient là et le seul moyen de continuerétait d’affréter un avion monomoteur.

Peu avant minuit, nous fîmes un arrêt àCaceres, une ville sur le Rio Paraguay, oùj’avais attrapé des milliers de poissonsdans les années 1960 et tenté de les expé-dier, par centaines de boîtes, jusqu’à Riopar un DC-3 d’avant-guerre – un vol dedeux jours à cette époque où les avionscommençaient seulement à pénétrer àl’intérieur des terres. Il n’existait pas deservice de fret alors – le « fret aérien »n’étant qu’un concept totalement abstrait.« Les avions sont réservés aux passagerset à leurs bagages », m’avait-on répondu.« Pour le courrier, à la limite… ».

Notre séjour à Caceres fut passé au mi-lieu de la rivière, sur un restaurant flot-tant. Il y avait au menu une formidablebouillabaisse brésilienne concoctée avecde la Colossoma macropomum (le pa-cu !), un poisson d’une véritable finesse.Nous continuâmes ensuite vers Vila Bela,où nous arrivâmes autour des trois heuresdu matin. Sur les 547 km qui séparentCuiaba de cette ville reculée, seuls les 78der niers se font sur des routes non em-pierrées ; l’axe principal est bien aména-gé et largement emprunté par les poidslourds qui transportent des marchandisesjusqu’à Porto Velho, dans l’état du Rôndonia.

Nous réveillâmes ma vieille amie FrauGundi, une Allemande qui s’était instal-lée à Vila Bela des années plus tôt, fai-sant de la ville sa seconde maison. Arri-vée là avec son mari d’alors, un négo-ciant en peaux d’animaux sauvages,entre-temps décédé, elle s’était retrouvéedès le départ avec tout le décorum : unejolie maison, des fazendas avec plus de60 000 têtes de bétail, une entreprise debateaux à moteur. Elle fit la connaissancede ma mère lors des derniers voyages decelle-ci pour le Guaporé. Ma mère reve-

nait toujours à Vila Bela – elle aimait leGuaporé de bout en bout et le visitapresque une fois par an au cours des tren-te dernières années de sa vie, lorsqu’ellevivait à Magé, en plein milieu d’une zoneforestière à seulement 40 km de Rio. La

senhora alemão (la dame allemande)s’intéressa tellement au travail de ma mè-re, qu’avec le tassement des affaires dansle négoce des peaux, elle et son maricommencèrent à collecter des plantes et àles amener à Magé. Et les poissons suivi-rent de la même manière. Elle s’y investittant qu’elle ouvrit même un commerce depoissons d’ornement dans le centre deRio. Mais désormais elle passait à nou-veau le plus clair de son temps dans lapetite ville d’Iténez, bel et bien accaparéepar la gestion de son élevage de bétail.Son nouveau mari, Bene, était égalementpropriétaire d’un grand nombre de terreset de plus de bétail encore.

À l’époque où ma mère avait atterri àVila Bela – il nous fallut nous-mêmes fai-

Sur l’un de mes 30 voyages d’exploration sur le Guaporé, je pris avec moi Holger Windelov (Danemark),son fils Martin, ainsi que Paola Pierucci (Italie) (7). Ce voyage fut l’occasion de marcher dans les pas de mamère (43 ans plus tard), en nous déplaçant à bord d’un grand ferry (1) et en suivant le cours de la rivièrede Vila Bela à Guajará-Mirim, sur environ 1 360 km, collectant plantes et poissons (2), dormant dans deshamacs (3) et trouvant même parfois du ravitaillement auprès d’autres ferrys (4). Pour pêcher, il nous arrivait fréquemment d’accoster aussi bien sur de grandes plages de sable (5), que dans la boue épaisse (6),et nous pénétrâmes dans pratiquement chaque affluent (7) tout au long de cette grande étendue, découvrantde nouvelles espèces supplémentaires de plantes aquatiques et de poissons, dont certaines sont illustrées ci-après…

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Rio GuaporéRio Guaporé Rio GuaporéRio Guaporé

re deux voyages au départ de Caceresdans le minuscule avion affrété pour noustransporter, nous et notre énorme tas debagages du moment – ce n’était qu’uneléproserie, où étaient bannis les exclus dela société. N’y vivaient que les mourants,des Noirs pour leur majorité.

Vila Bela da Santissima Trinidade (= Belle Ville de la Très Sainte Trinité)avait été fondée le 19 mars 1792 par unPortugais du nom de Dom Antonia Rolimde Moura Traves, le premier Governador

da Capitania du Mato Grosso. Il lui avaitfallu à lui et ses compagnons, trente-quatre jours de marche pour tailler leurchemin, à travers l’épaisse forêt jusqu’àcet endroit ; et quand il fut finalement ar-rivé sur la rive droite du Rio Guaporé, ilavait été si enchanté par le site qu’il luiavait aussitôt donné le nom qu’il porteencore aujourd’hui. Des années plus tard,en 1818, le village ayant grossi sur la rivede ce fleuve de conte de fée, un décret enfaisait la capitale de l’état du Mato Gros-so. Le nom de la ville était devenu cé-lèbre au-delà des frontières de l’état (et

apparaît toujours aujourd’hui sur de nom-breuses cartes). Mais cela avait été decourte durée. Dès 1827, la ville avait étédéclarée en faillite par Dom Pedro I –ironiquement titré Barão (= Baron) deVila Bela – et en 1835, tout avait ététransféré à Cuiabá. En 1873, Dom PedroII, l’empereur du Brésil, avait scellé lesort de Vila Bela en annonçant officielle-ment que la ville n’existait plus. En 1878,plus aucune activité ne restait pour attes-ter de son existence passée. Plus deBlancs, que des Noirs, à vivre dans le vil-

lage, dans le plus grand isolement, pourles cent cinquante années qui avaient sui-vi, rythmées par les invasions régulièresdes indiens Nhambiquara. C’était devenufinalement ce lieu pour parias et malades,ainsi qu’une poignée d’indiens, lorsquema mère – la première femme blanche –y posa le pied. Aujourd’hui, la ville a re-trouvé une certaine vie et abrite plus de4 000 âmes – toujours des Noirs en gran-de partie, descendants des quilombos,conduits en esclavage au Brésil par lesPortugais, qui les arrachaient du Mozam-

bique et de la Guinée-Bissau (alors colo-nies portugaises). Environ 10 000 per-sonnes vivent actuellement dans la région,principalement dans les fazendas (fermesd’élevage pour le bétail), qui en 1985 four-nissaient la pâture pour plus d’un millionde bêtes. On raconte que les Noirs n’ontdû leur longue survie ici qu’à leur peau quipouvait résister aux moustiques, vecteursde cette malaria fatale à tant de Blancs.

En 1982, Vila Bela inaugura sa premièrebanque, et aujourd’hui elles sont au

nombre de trois. On y trouve des télé-phones et un bureau postal, un docteur etun dentiste, une bibliothèque et trois pen-sions de famille. Ainsi qu’une station-ser-vice et même une station de bus, avec unservice quotidien pour Caceres et Cuiabá.La principale source de revenus est l’éle-vage – on dénombre actuellement 200 mil-lions de têtes de bétail, qui lui confèrent ledeuxième rang de la spécialité au Brésil.Bien entendu, ces grandes propriétés agri-coles ont eu un rôle majeur dans la dispa-rition du Mato Grosso (= forêt dense),dont il reste si peu.

Après deux jours de navigation en aval sur la rivière,à partir de Vila Bela da Santissima de Trinidade(nom du plus gros village sur le Guaporé, après Gua-jará-Mirim), s’étend sur la rive droite Costa Mar-ques, une petite colonie. Ici, le candidat à la mairierevendiquait une ville « propre », sur une enseignesous laquelle avaient été entassées les ordures (1).Jusque dans la plus petite bourgade, l’outil le plus es-sentiel de la formidable bureaucratie brésilienne restele tampon encreur. Martin se devait de photographi-er cela (2). Le Guaporé était déjà nommé en 1820 le « paradis des oiseaux » par les naturalistes allemandsSpix et Martius, ce qu’il est toujours (en partie). Lesplus abondants aujourd'hui sont trois différents cor-morans (3) et les Urubus (vautours) qui s’occupentdes charognes – ici un cadavre de caïman de 4 m (4).

L’agouti (Dasyprocta sp.) se rencontre ici dans deszones à gros rochers calcaires, où il creuse des terriers

(5). Il s’agit de l’une des nombreuses espèces derongeurs de la région du Guaporé. À la saison sèche,

certains oiseaux tirent profit des terriers creusés dansle sable en période de crue par les raies d’eau douceet les cichlidés « mangeurs de terre » (6). À quelques

occasions, nous récupérâmes une tortue Matamata(Chelus fimbriatus) dans notre filet de pêche (7).

La région du Guaporé est également, encore aujour-d'hui, un paradis pour les papillons (8). Mais

malheureusement, les aras pour leur part, tels que lejaune et le bleu, sont devenus rares. Je les voyais s’en-

voler par milliers lorsque j’étais enfant dans les an-nées 1950, avec parmi eux l’ara rouge et l’ara de Spix,

qui a disparu après avoir été placé sous CITES...

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convertir une des bargeslocales destinées au bétail

(avec une capacité de 300têtes) en un espace pour nos

hamacs, tout notre équipement etle reste de notre matériel, y compris

ce que nous espérions collecter. À l’unedes extrémités de la barge, il avait faitériger une superstructure composée d’unecuisine, de toilettes et d’une petite piècepour le cuisinier. Devant cet ensemble,une longue table en bois était prévue pour

manger et travailler, avec au-dessus unearmature pour supporter un auvent etfournir un espace supplémentaire de sto -ckage. L’ensemble était attaché à un ba-teau de même gabarit, à coque plate, quiétait destiné à tracter la barge et disposaitpour équipage d’un capitaine et de troisaides, ainsi que d’une réserve de 4 500litres de gazole.

Les amarres largués, je m’assis à laproue et scrutai l’épaisse brume, essayantde reconnaître les méandres de cette ri-vière dont je me souvenais clairementcinquante et un ans plus tard. Mais la va-peur qui montait de l’eau et les nappes de

Le samedi matin, Frau Gundi nous ré-veilla avec un petit déjeuner composéde pain fait-maison, d’œufs du jour etde lait récolté à 6 heures du matin.Mais il y avait aussi du fromage, dumiel, de la marmelade – tout cela pro-duit encore sur la ferme. Sans parlerdes bananes divinement sucrées et par-

fumées, des fruits de la passion et des pa-payes. Nous mangions à l’ombre, au mi-lieu du jardin luxuriant, et la table ployaitsous le poids de tous ces mets délicats.Nous ne sortîmes de table pas avant les11 h, pour nous entendre invités à déjeu-ner dans l’une des fazendas !

Son mari Bene y avait mis un moutonentier à rôtir lentement depuis l’aube –toute la technique consistant à cuire l’ani-mal sur six heures, en le rapprochant pro-gressivement du feu, afin qu’il « mûrisse »lentement. Cette viande avait un goût d’unautre monde, absolumentdéliccccccccieux ! (cf. photo). Jusqu’à ce

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Rio GuaporéRio Guaporépour négocier les passages très peu pro-fonds ou les rapides de la région de FortePrincipe en saison sèche (l’époque denotre visite) ; à la saison des pluies (no-vembre à mars), c’était plus envisageable.L’organisation de notre expédition futcontrariée par des difficultés presque aus-si grandes que celles auxquelles ma mèreavait été confrontée cinquante ans plustôt, quand elle tentait de réunir une pi-rogue et des rameurs. Mais notre hôte yparvint !

Bene avait fait le nécessaire pour

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Rio GuaporéRio Guaporéjour-là, un tel festin n’appartenait qu’à nosrêves.

Bene s’était aussi occupé des préparatifsde notre expédition. Pendant des mois, ils’était mis en quête d’un bateau approprié– car de même qu’à l’époque de ma mè-re, vraiment très peu d’embarcationsvoyageaient sur le Guaporé, et dans cescas-là seulement sur de courtes distances.Les occasions de se ravitailler en carbu-rant étaient très limitées sur les 1 360 kmde la rivière. Les lanchas disponibless’enfonçaient beaucoup trop dans l’eau

Le Guaporé inférieur tout particulièrement abrite une immense variété deplantes d’eau et de marécage. Ne serait-ce que dans le genre Echinodorus, ondénombre 16 espèces – pas un autre endroit n’abrite autant de plantes épéessur un seul site. Chaque année, la plupart d’entre elles alternent périodes à l’airlibre (1-2) et d’immersion. Les espèces d’Hygrophila (4) et la belle Ludwigiarouge (5) – classée par certains en tant que L. inclinata – que l’on ne trouvequ’ici et qui fait une plante d’aquarium parfaite (sous réserve de disposerd’une eau douce), poussent elles aussi temporairement émergées. La Ludwigiasedoides immergée forme des feuilles flottantes (3). Une autre plante aquatique

unique (elle ne peut survivre qu’à debrèves périodes en station émergée – cf.

photos 6-7) fut découverte par A. Bleher.Souvent confondue avec Eichhornia

diversifolia, elle n’a pas encore été décrite.Il en va de même pour cette mousse aqua-

tique (8). Une autre plante, qu’Amandaavait introduite dès 1960 : Tonina fluviatilis

(au nom parfois écorché en « Tonia »),qu’elle appelait Callitriche sp. (9), la plante

étant alors classée sous ce genre par certains. Partout, les fleurs abondent (10).

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Rio GuaporéRio Guaporé Rio GuaporéRio Guaporé

11. Phenacogaster cf. pectinatus (en haut) et son sosie (plus bas). 12. Pygocentrus nattereri – le piranha de Natterer. (Le piranha représenté jusqu’à ce jour danstous les livres et magazines populaires d’aquariophilie est quasi-systématiquement celui élevé à Hong Kong et ailleurs, appelé P. altus. Certains consi dèrent cedernier comme un synonyme de P. nattereri, mais c’est sans prendre en compte que P. altus arbore des taches noires au stade juvénile et semi-adul te, et ne setrouve que dans le système fluvial supérieur de l’Amazone.) 13. Nannostomus trifasciatus est plus coloré dans le Guaporé que dans n’impor te quel autre système hydrique, et ne se retrouve pas sur les cartes de distribution publiées... 14. Un trichomyctéridé qui fait jusqu’à 150 mm TL et qui éclaire son chemin.La lumière est produite par des bactéries luminescentes vivant sur ses opercules et aide ce poisson-chat à trouver ses proies et le reste de sa nourriture. Lesphotophores (organes lumineux) sont bien étudiés chez les poissons sous-marins (poissons-phares et lanterne), mais ne l’ont jamais été à ma connaissance chezles poissons d’eau douce. J’ai pu observer de tels organes lumineux chez de nombreuses espèces de poissons-chats amazoniens, ain si que chez certains characiformes. 15-17. Au moins 10 espèces de Corydoras ont été décrites dans le Guaporé, dont les C. sterbai, C. haraldschultzi, C. caudimaculatus, C. guapore,C. geryi et autres, tous bien connus ; mais on trouve encore un certain nombre d’espèces inconnues et/ou de variants tels que les quatre ci-dessous.

J’ai recensé approximativement 500 espèces différentes de poissons dans le Guaporé : pratiquement le double des espèces européennes. Nombre d’entre elles sontencore non décrites. En voici ici quelques exemples, principalement des poissons-chats, le groupe le plus important après les characiformes dans ce système hydrique : 1. Un Hypostomus non décrit (et non catalogué dans les listes L). 2. Deux différentes espèces d’Acanthodoras vivant en sympatrie (ensemble), A. cata -phractus (en haut) et A. spinosissimus (en bas). Toutes deux sont de petits poissons-chats paisibles (à peine 10 cm SL), qui se cachent régulièrement derrière desmorceaux de bois. 3. Ancistrus sp. (mâle). 4. Rineloricaria cf. lanceolata. 5. Pimelodella cf. gracilis. 6. Pseudopimelodus sp. (probablement P. variolosus décrit en1914 par Miranda Ribeiro dans le Mato Grosso, et qui a été assimilé à P. pulcher d’Équateur...). 7. Ituglanis cf. amazonicus, un poisson-chat trichomyctéridé(Fam. : Trichomicteridae) ou poisson-chat parasite. 8. Lepthoplosternum beni ne fut décrit que récemment (1997) par Reis. Il dépasse difficilement les 5 cm SL. 9. On trouve encore de nombreux Pimelodus sp. non identifiés dans le système du Guaporé. 10. Otocinclus caxarari n’a lui aussi été décrit que dernièrement(1997) par Schaefer, dans la région de Guajará-Mirim. Mais il ressemble beaucoup à O. vittatus, ainsi qu’à O. mura (ce dernier vivant dans le cours supérieur del’Amazone), de sorte qu’il est difficile de distinguer les 3 espèces.

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Rio GuaporéRio Guaporé Rio GuaporéRio Guaporé

brouillard réduisaient la visibilité à moinsde 10 m. Et il faisait vraiment très froid(moins de 14°C), quand bien même il n’yaurait pas eu ce courant d’air généré parnotre vitesse qui me soufflait au visage.Je m’en retournai donc me glisser dansmon hamac et m’y enveloppai chaude-ment. Paola était elle aussi emmitoufléedans plusieurs couches de vêtements ettrois paires de bas, Martin avait enfilédeux épais pull-overs, et Holger portait leblouson d’hiver qu’il s’était amené (nonsans aussi s’envoyer par derrière un verrede kirsch danois pour se réchauffer). Pourcouronner le tout, il se mit à pleuvoir àverse. Et quand il pleut sous les Tro-piques, ce sont de sérieuses quantitésd’eau qui tombent du ciel. Il plut si fortque nous essuyâmes notre première inon-dation à bord ; l’eau se mit à traverserl’auvent, trempant notre équipement pho-tographique, nos paquets d’habits et lesprovisions. Tous les hommes luttaient aumilieu du vent et de la pluie pour arrimerfermement l’auvent. Ce n’est qu’au boutd’une heure environ que, frigorifiés jus-qu’à la moelle, nous pûmes retourner aulit et récupérer un peu, tandis que le soleiln’était pas encore levé.

Voilà ce que furent les premières heuresde notre incroyable voyage dequatorze jours, surpassées seulement parl’expédition unique de ma mère plus d’undemi-siècle auparavant – et après avoirmoi-même enregistré plus de 700 autresexpéditions dans l’intervalle !

Mais pourquoi suis-je en train de vousparler de tout cela ? Simplement parcequ’en Amérique du Sud, et probablementsur tout ce que j’ai pu voir dans 162 pays

à travers le monde, le Guaporé est l’espa-ce d’eau douce tropical le plus fantas-tique sur Terre. La somme extraordinairede végétaux aquatiques présents est toutsimplement époustouflante et le nombred’espèces de poissons, aussi loin que j’aiepu en enregistrer dans ce gigantesqueaquarium d’eau claire (on peut voir lefond jusqu’à 20 m, et même au-delà)s’approche aujourd’hui des 500. Ce quiéquivaut grosso modo au double dunombre d’espèces recensées dans la tota-lité de l’Europe – et tout cela, soulignons-le, dans une seule rivière. Le Guaporé estlong approximativement de 1 700 km etcoule dans le Río Madeira, le plus grandaffluent du puissant fleuve Amazone.Mais dans le Guaporé inférieur (certainsnomment cette partie Río Marmoré, dunom de son affluent gauche venant deBolivie), on répertorie vingt-deux cata-ractes et chutes d’eau, qui représententautant de barrières naturelles. Par consé-quent, nombreuses sont les espèces depoissons et de plantes à être endémiques,introuvables ailleurs, dont une espèce dedauphin d’eau douce (Ina boliviensis).Mais je veux maintenant laisser lesimages parler de cet aquarium naturel,unique et splendide. Les commentaires enlégende donneront plus de détails surl’environnement et les habitats, la maniè-re dont poissons et plantes vivent danschaque biotope. On peut en tirer des le-çons sur ce qu’un authentique biotope de-vrait et pourrait être, s’il était transposédans votre aquarium domestique tel qu’ilest dans la nature. Si vous y parvenez,vous apprécierez un peu plus encorel’aquariophilie…

En haut : Inia bolivianum est l’espèce la plus rose des 3 espèces d’Inia connues et est endémique du système Guaporé-Marmoré. Ici une photo d’un spécimen sauvage de ce dauphin d’eau douce rose, jouant avec moi sous l’eau dans le Guaporé, près de Vila Bela. À droite : Sous de telles populations d’Eichhornia et parmi leurs racines flottantes, se trouvent habituellement des centaines de poissons : la biomasse de poissons dans ce fleuve est presque incroyable.J’ai eu une fois l’occasion de dénombrer 47 espèces différentes par mètre carré d’Eichhornia. Et il estclassique de trouver des centaines de cichlidés nains (Apistogramma) dans le filet (médaillon).

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Rio GuaporéRio Guaporé Rio GuaporéRio Guaporé

Une partie des affluents de la rivière Guaporé-Iténez restent à ce jour complètement inexplorés – telle laforêt vierge représentée ci-dessus. Malheureusement, des 9 tribus et des milliers d’indiens qui vivaientautrefois le long de la rivière, seulement une poignée, moins de 300 sont encore en vie ; ils sont cantonnésà un minuscule morceau de terrain, sous la protection de la FUNAI (en français, la Fondation Nationalede l’Indien) (1-2). Je visitai le village indien de la tribu Cabixi, mais ils ont disparu et ce sont les Cabo closqui y vivent désormais. Ils me donnèrent un peu de poisson pour manger (3). Dans un affluent, j’ai trou-vé une intéressante mousse adaptée à l’aquarium et encore inédite (4). Un jardin aquatique naturel estsans aucun doute aussi bénéfique dans la nature que dans l’aquarium. Holger essayant de collecter desespèces d’Echinodorus – des plants mères – quasiment immergés (5). Ottelia brasiliensis en fleurs (6).

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM Rio GuaporéRio Guaporé INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMRio GuaporéRio Guaporé

2. Leporinus affinis est un autre anostomidé qui convient pour l’aquarium Guaporé d’ensemble, mais il risque de manger les jeunes pousses des plantes aquatiques s’il n’est pas nourri de manière appropriée. Il porte normalement 9 à 10 bandes. 3. Une troisième espèce, indéterminée, de Leporinus, aux belles nageoires pelviennes, pectorales et anale jaunes, et une tache centrale noire. 4. Bien moins pacifique et un prédateur résolument piscivore : Acestrorhynchus

falcatus. Un joli poisson mais seulement pour un aquarium avec de grandes espèces, qu’il ne pourra ni attaquer, ni manger. 5. Les soles ne vivent pas seulementen milieu marin ; il en existe plusieurs espèces dans les eaux douces amazoniennes (et partout dans le monde), dont la plupart n’ont pas encore été classifiées,

telles que celles du Guaporé. 6. Pterygoblichthys cf. gibbiceps (Liposarcus pour certains) est une autre beauté pour tout aquarium.

1. Leporinus bleheri fut décrit suite à ma découverte en 1999 dans l’affluent gauche du Guaporé, le Rio Verde. C’est une belle espèce d’anostomidé pourun aquarium rocheux, décoré par quelques plantes robustes, du sable blanc et du bois flotté. Cette espèce pacifique dépasse rarement les 15 cm TL et vit

dans des eaux à faible courant, de pH 6,0 à 7,5, relativement douces (sous les 100 microsiemens), de 22 à 30°C, comme toutes les espèces ci-dessous.

7. Deux espèces différentes ? Effectivement. Laemolyta proxima (à gauche) et L. taeniata (à droite – notez la bouche rouge que L. taeniata est seule à posséder dans le Guaporé). Un exemple de mimétisme. Mais toutes deux sont des poissons d’aquarium très paisibles. La seule chose,

c’est que si elles ne sont pas assez nourries, elles risquent de grignoter les jeunes pousses des plantes, il est donc préférable d’avoir des végétaux coriaces dans le bac qui accueillera ces deux espèces d’anostomidés.

8-9. Ces deux characiformes de fond appartiennent à la famille des Characidiidae (sauf pour un auteur récent, qui les place dans la famille des Crenuchidae, bien que ces derniers possèdent une vessie natatoire, qui est absente chez les Characidiidae). Ils sont largement répandus sur toute

l’Amérique du Sud et plus de 60 espèces sont connues. Les Characidiidés constituent de jolis poissons d’aquarium pacifiques, qui devraient toujours êtremaintenus en petits groupes d’au moins trois individus – ou plus. 10. Un autre poisson grégaire : la veuve noire, Gymnocorymbus ternetzi – un excellent hôte

pour les aquariums, originaire du Guaporé où il nage normalement en pleine eau. 11-12. Cichlasoma boliviense (à gauche) et Chaetobranchopsis australis (à droite) sont également très paisibles et représentent deux espèces de cichlidés restant relativement petites (max. 12 cm SL).

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1. Hemiodus microlepis du Guaporé est un amateur d’eau dégagée, qui a besoin d’un aquarium assez grand et d’être maintenu en groupes d’au moins quatre-six. 2-3. Les poissons-hachettes tels que Gasteropelecus sternicla (2) et Carnegiella strigata (3) évoluent toujours près de la surface, où ils doivent être

nourris car ils ne s’alimenteront pas en pleine eau, pas plus qu’au fond. Ce sont également des poissons grégaires qui devraient être conservés en groupes de 6(minimum) ou plus. 4-7. Les apistogrammas se trouvent en grand nombre (ainsi que de nombreuses espèces non décrites) dans le Guaporé et seront, de la même

manière, maintenues en petits groupes, en particulier A. trifasciata. Deux espèces appartenant au complexe A. trifasciata, mais certainement nouvelles (etproches) sont présentées ici (4-5). Une autre apistogramma non identifiée (6) mais proche d’A. commbrae : une forme à corps haut, aussi originaire de la régiondu Guaporé. Et, pour finir en beauté : A. macilienis, une autre splendeur du Mato Grosso. Notez : toutes ces espèces, et bien d’autres encore (montrées dans les

pages précédentes) peuvent être maintenues très bien ensemble dans un authentique aquarium biotope (pour les exemples, voir plus loin).

Ci-dessus quatre aquariums biotopes représentatifs du système hydrique du Guaporé et reconstituant différents habitats. Comme cela a été dit (et en partie montré), les plantes aquatiques y sont abondantes – toujours sur sable blanc, rarement avec du bois flotté et exceptionnellement des rochers ou dugravier. L’éventail végétal de ce genre de milieux peut comprendre : Echinodorus (16 espèces), Limnophila indica, Hygrophila guianensis, Tonina fluviatilis et des

espèces d’Alternantera, Cabomba, Cyperus, Hydrocotyle, Hydrocleys, Heteranthera, Eichhornia, Eleocharis, Ludwigia, Egeria, Najas, Potamogeton, Sagittaria platyphylla, et bien d’autres encore.

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d’entrée dans le pays avait bien failli enavoir raison.

Imaginez : une arrivée en taxi de la vil-le frontalière thaï de Nongkhai ne peutdépasser le terminus fixé à l’extrémitédu pont de 2 km qui enjambe le Mékongvers Vientiane, la capitale du Lao. Il res-te alors à attendre le bus qui conduit surle pont Mitraphap (de l’Amitié) jusqu’auvéritable poste frontière. Et c’est seule-ment parvenu là que débutent les forma-lités ; pour ma part : une nouvelle atten-te avant de pouvoir remettre le visa ob-tenu à Nongkhai une semaine aupara-vant, de nouveaux formulaires remplispour, au bout de deux heures, décrocherfinalement mon permis d’entrée...

Pendant ce temps, Peter Frech, moncompagnon de voyage sur toute une sé-rie d’expéditions et Hermann Kunz, uncommerçant d’aquariophilie de Mem-mingen (Allemagne), attendaient euxpatiemment à l’autre bout du pont – unpont construit seulement en 1994 par lesAustraliens et le seul du pays à franchirle Mékong. Ces amis étaient arrivés plustôt pour commencer à planifier notre ex-pédition et m’accompagneraient ensuitesur la première partie de mon voyage, àtravers le Sud du Lao.

Et maintenant, des jours plus tard, jeme trouvais là, assis dans un pick-up ja-ponais à quatre roues motrices, en com-pagnie de Yin, dans la ville de Paksé (etle récit des presque 1 000 km de voyagesur des chemins de terre parfois terri-fiants, de Vientiane à Paksé, attendra).Mes compagnons étaient rentrés en Alle-magne, et nous étions tous les deux enroute vers le gigantesque delta duKhong, un des fleuves les plus im-portants

du globe, que le Lao abaptisé Mae Nam Khong,la mère de toutes les eaux.Pour le reste du monde, ilse nomme Mékong.

La poussière volait autourde nous, mettant une éter-nité à retomber dans cettemoiteur et cette températu-re de 38°C à l’ombre ; leschars à bœufs chargés debois de chauffage dispa-raissaient rapidement dansles nuages de poussière. Sitout se passait bien, nouspouvions arriver bientôtdans la région frontalièredu Cambodge – en dépitdes mises en garde de mesamis sur ses dangers – etpuis au Viêt Nam, à l’est.

Notre logement à Paksé,

Le vaste delta intérieur duMékong se trouve au sud de la

Province laotienne de Champasak,près de la frontière avec le

Cambodge (2-4) et se nommeSiphandone (Les 4 000 Îles). Lesmassifs rocheux géants agissent

comme des freins naturels sur lepuissant fleuve. Un nombre quasi

incalculable de chutes d’eau,grandes, moyennes et petites,

entravent également la course duMékong, qui ici se rétrécit jusqu’à

ne plus mesurer qu’une largeur de 20 km (sensiblement augmentée à lasaison des pluies). D’énormes masses d’une eau turbulente et boueusedégringolent du haut d’escarpements de 21 mètres ou plus. Parmi ces

nombreuses cascades, deux sont célèbres. La première, la KhongPhapheng (4), ce qui se traduit par « Le grondement du Mékong », estla plus grande d’Asie. Se place juste derrière en termes de grandeur, la

Li Phi (2), également connue sous le nom de Somphamit ou Khon Nyai. Plus à l’intérieur desterres, à proximité de la frontière vietnamienne, se trouvent de nombreuses autres chutes très hautes (1 – et ci-contre).

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Le Lao : ses chaînes de montagnes, sa nature intacte, ses chutes d’eau pittoresques. Une population multi -raciale aux parures exotiques, qui englobe des tribus montagnardes encore mystérieuses. Un territoire

traversé par l’un des dix plus grands fleuves au monde et son immense delta intérieur aux quelques 4 000îles. Une époustouflante constellation terrestre, qui attendait pour être explorée que les frontières soient ou-vertes et les visiteurs autorisés. Hors de ses frontières, on nomme ce petit pays peu fréquenté « Laos », suiteà une mauvaise interprétation du nom que lui donnèrent les Français, il y a bien longtemps. Car pour eux,ce n’était non pas « Le » mais « Les Laos », en référence aux nombreux royaumes laotiens du passé. Au-

jourd'hui, le peuple de ce territoire enclavé a repris pour lui et son pays, le nom de Lao, comme autrefois.

Texte et photos : Heiko Bleher

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Bøøjj Pen Njang” (Pas de problè-me) répondit Yin, mon chauf-feur, en réponse à mon « Khooi

Bøø Paak Phaasaa Lao » (Je ne parlepas le laotien) – une véritable lacune àlaquelle il me fallait remédier le temps

de mon passage, étant donné que prati-quement personne ne parlait l’anglais,ou même le français, en dépit de la pré-sence de la France de 1893 à 1954. Enfait, ces mots « Bøø Pen Njang » en di-saient long sur le peuple qui vivait sur

les rives du puissant fleuve Mékong. Àeux seuls, ils auraient presque suffi à ré-sumer la philosophie de vielaotienne : « Ne jamais perdre patien-ce ». C’est aussi mon credo en tempsnormal, mais il faut dire que le protocole

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l’ancienne ville française de Bassac etactuellement la capitale de la Province,avait été parfait. Nous avions séjournédans la Résidence du Champa, une mai-son isolée où était autrefois domicilié legouverneur de la ville et qui avait été re-convertie quelques années plus tôt enune splendide auberge. Son propriétaire,Boualamphone Somphonxay, était lagentillesse même : il avait réuni pourmoi un véhicule, des cartes, de la docu-mentation et un chauffeur,Yin, en l’absence ici de voi-tures de location. Je ne pou-vais que le remercier chaleu-reusement à mon départ, quid’ailleurs ne se fit pas sans

regrets. Il y avait de bonnes raisons pourêtre partagé à l’idée de partir, car nousattendaient désormais non seulement fo-rêt vierge et prairies, mais aussi unesimple tente !

Je grinçais des dents dans la poussièreque soulevaient les wagons de bois ve-nant de la frontière sud, et qui nous en-veloppait dans un nuage. Par bonheur, iln’y avait pratiquement pas d’autres véhi-

cules à moteur sur la route. Et la présen-ce de touristes ne se posait pas – la dis-tribution sud de cette espèce se termi-nant à Paksé ! Tandis que je songeais àces créatures parfois étranges, l’idée mevint soudain à l’esprit que le premier« touriste » à avoir visité cette partie dumonde devait bien être Marco Polo !L’histoire de ce fils de marchand véni-tien avait de quoi couper le souffle. En

compagnie de son père et de son oncle,il fit un « grand tour » de l’Asie sur plu-sieurs années, voyageant aussi loin quele territoire de Kublai Khan et la rési-dence estivale de ce dernier à Shang-tu(de l’actuelle Mongolie). Son séjour de17 années à la cour du Grand Khanétait tout aussi intéressant car il fut fré-quemment mandaté pour d’importantesmissions, qui le menèrent en d’autreslieux et même une fois aussi loin quePagan, dans le Myanmar (ex Birma-nie). Ce fut à l’occasion de ce périplesur les terres du Karen, qu’il devint lepremier Européen à traverser le Mé-kong. Son itinéraire le fit partirde Khanbalik (aujourd’hui Bei-jing), traverser tout le sud-ouestde la Chine, puis le nord du Lao,et finalement l’ancienne Birma-nie, avant d’emprunter pour sonretour une route un peu plus ausud. Je me souvins d’un passage deson livre Divisament dou Monde,publié en 1301, où il mentionnaitChampa, un royaume aux nom-breux éléphants. Il y relatait aussil’histoire de son retour en Euro-pe, qui lui prit deux années, aucours desquelles il écrivit : « Lo-cac – un pays riche et agréable(sur le continent), doté de sonpropre roi. Son peuple est païen,possède sa propre langue et nepaie de tribut à quiconque. Lepays est si isolé que personne nepeut venir pour leur faire dumal… » (Il devait évoquer lesimmenses chutes d’eau du deltaintérieur du Mékong, qui empê-chaient tout trafic venant de lamer.) « Ils ont aussi deséléphants », continuait-il, « etbeaucoup de cerfs ». Autant dedétails qui concordent avec leLao de l’époque. Pour le retour de Marco à Venise

dans sa patrie, le Khan lui offrit 14grandes jonques avec un équipage de250 personnes ; en échange, celui-ci de-vait en chemin amener une nouvelle

épouse chinoise à Arghun, le roi de Per-se. Après un embarquement à Ch’uan-chou, les jonques longèrent les côteschinoise, puis indochinoise. Son escale àcet endroit est suggérée par l’extraitsuivant : « ... de nombreux unicornespresque aussi grands que des élé-phants... avec une toison comme lebuffle d’eau (qui n’en a pas tant !), despattes comme des éléphants, et une cor-ne noire et massive au milieu dufront… la tête ressemble à celle d’unsanglier sauvage et la bête la porte tou-jours baissée vers le sol… et adore sevautrer dans la boue… » Mes re-

cherches suggèrent que Marcodécrivait là une sous-espèce durhinocéros de Java (Rhinoce-ros sondaicus annamiticus),disparu depuis longtemps. Endépit des premières mesuresde protection des rhinos autournant du siècle, la cupiditéhumaine a conduit peu à peu àla disparition totale de cettesous-espèce (parmi d’autres).Le prix de la poudre de cornede rhino sur la marché mon-dial, encore plus élevé quel’opium, a éclipsé toute autreconsidération. Aujourd’hui,seules de petites populationsisolées subsistent, totalisantdifficilement 50 individus,malgré toutes les tentatives deprotection et d’élevage. Ce quien fait ni plus ni moins lemammifère le plus menacé aumonde !Un second Italien, le moinefranciscain Odoric, de Porde-none in Friuli (cf. Aqua geõ-graphia 15, Lago di Cornino),voyagea en Asie entre 1318 et1330, et comme Marco Poloavant lui, mentionna le Cham-pa. En fait, le Champa était leterritoire des Cham, un peuple

Marco Polo est considéré comme le premier Européen à avoir traversé ce qui est connuaujourd'hui comme le Lao et le Mékong. Le moine franciscain Odoric, de Pordenonein Friuli, Italie (1286-1331) parla quant à lui de Champa et ses 200 rois aux alentoursde 1330, dans son journal de voyage. Au XVIe siècle, les Portugais remontèrentjusqu’à la « Mère des Rivières », aussi loin que Vientiane (la capitale du Lao d’aujour-d'hui), suivis au XVIIe siècle par un Allemand, Gerhard van Wuystoff, mais la vérita-ble exploration du Lao ne commença qu’avec un Français, Francis Garnier. La pre-mière carte représentant la région du « Mékong R. », fut réalisée par Duval autour de1670 – qu’il nommait India Extra Gangem. En 1755, Danville cartographia la « Nou-velle Inde » et mentionna pour la première fois le « Royaume du Lao » (1). Le Laod’aujourd'hui sepré sente différem-ment : pays entou -ré par cinq autres,sans accès à la mer(2). Sur les photos3-4, des temples etdes maisons colo-niales dans la capi-tale ; 5-6 : la fron-tière entre Nong-khai et Vientiane,et le Pont del’Amitié (5).

Impressions du sud du Lao et de la route qui ymène : les chars à bœufs y sont (toujours) lemode de transport le plus répandu (7). La cui -si ne laotienne est généralement appétissante,même s’il lui arrive de prendre la forme d’ungruau bien moins attirant, dûment mélangéavec des asticots vivants… (8). Les transportsen commun restent encore limités, bien qu’il yait des bus pour les longs trajets, et même si cesderniers sont souvent des camions reconvertis(9). De nouveaux ponts sont en constructionsur les affluents du Mékong malgré tout, poury remplacer les ferries. Des camions trans-portant des troncs, coupés dans le sud (10).

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équivalent aux Khmers, qui tintsous sa domination pendant plusd’une centaine d’années la côtedu Viêt Nam, plus haut dans lesterres jusqu’à la partie sud duLao (la Province moderne deChampasak). Champa est unnom courant dans la région (pourles villages, les parcs, les rues etles maisons – y compris la rési-dence du gouverneur), mais pasà Sumatra, où pourtant l’intégra-lité de la littérature a cherchéjusqu’ici à localiser le Champade Marco Polo et celui d’Odo-ric ! (Une fois de plus, Aquageõgraphia apporte sa contribu-tion à l’éclaircissement des vieuxdocuments !)Mais ces premiers Européensn’avaient fait que « traverser » larégion du Lao. Ce fut un Fran-çais, Francis Garnier, qui passa àla postérité pour l’avoir propre-ment explorée, avec ses quatrecompagnons. Il fut le moteur dela Mission d’exploration du Mé-kong (1866-68), qui partit deSaigon le 5 juin 1866. Une autreaventure qui mérite d’être lue. Tandis que j’étais perdu dans lepassé, la route s’étaitnettement dégradée. Lesnids-de-poule formés parles poids lourds embour-

bés rendaient notre progres-sion difficile et le différentieldu 4x4 japonais peinait pen-dant que les camions pas-saient avec fracas. Les arbreset les branches tombées em-piraient encore les choses.« Pas vraiment une piste decourse », pensai-je. C’estalors qu’apparut enfin la pre-mière petite rivière, limpide,d’une largeur de quelques 5-8 m sur seulement 1-1,5 deprofondeur ; on la nommaitHuen Nam Sai. Les femmesse lavaient et des enfantsrieurs sautaient dans l’eau duhaut de grands rochers. Jetrouvai quelques petits pois-sons près de la berge et trèsvite je me plongeai dans cet-te eau rafraîchissante, lais-sant derrière moi un sillagerouge de poussière… Le filet manuel donna bientôtun poisson labyrinthidé (unTrichopsis sp. avec une ban-de latérale allant de la tête àmi-corps), un gobie (Eleotri-dae), un demi-bec (Beloni-dae), un petit cyprinidé (Pun-

tius sp.) et des poissons-pipes (Syngnathidae).L’eau était extrêmementdouce (conductivité de

seulement 24 μS/cm) et acide (pH 5,5) ;et bien que la température de l’air dépas-sait les 28°C à l’ombre, l’eau restaitfraîche à seulement 24,5°C. Le fondétait tapissé d’une très petite planteaquatique enracinée. Malheureusement,tous les plants que nous avons collectésmoururent.Suivirent d’autres rivières tout aussibelles : les Ban Nizier, Huey Mesang,Huey Nam Say, et puis la Huay Wat (quisignifie « rivière suceuse de sang » !),dont les berges étaient bordées de Bar-claya rotundifolia. J’y sautai sans guèrede cérémonie et ne compris pas pour-quoi d’un coup je commençais à avoirextrêmement mal aux jambes, tandis queje pêchais. Comme si quelque chose les

suçait ! Et ce qui était le cas ! Quelquesvingt sangsues vert clair et rayées dejaune dans la longueur, pompaient lesang de mes belles jambes poilues !Yin, qui m’observait du haut du pont,était en train de rire comme une baleine.Je m’escrimai tant bien que mal à décol-ler ces petits monstres de presque20 cm, qui laissaient derrière eux de ter-ribles dégâts – de gros trous et du sangpartout, qui ne faisait qu’en attirer plusencore ! Difficile de croire que cette eauenchanteresse pouvait être infestée desangsues, mais elles se précipitaient biensur moi comme des flèches braquées surune cible. Je jaillis de l’eau comme unbeau diable. Pendant que Yin était pliéen deux…Plus en amont, où la rivière se tarissaitlentement, poussaient des rangées deBarclaya et de Cryptocoryne, apparem-

ment victimes de la prétendue « pourri-ture de la Cryptocoryne », la totalité deleur feuillage dépérissant. Cette décou-verte démontrait que ce problèmen’avait bien aucun rapport avec lesconditions de l’aquarium mais n’était,plus simplement, qu’une mort desvieilles feuilles avant l’assèchementcomplet du cours d’eau. Lorsque la pluiearrive, les plantes repoussent – un autredes miracles de Mère Nature. Elle a pen-sé à tout.Perdu dans mes pensées, je regardais laroute se rétrécir, nous éloignant à chaqueminute un peu plus de la « Mère detoutes les rivières ». Soudain, un vastepanorama se déploya devant nous : ledelta intérieur et ses centaines d’îles, et

au milieu d’elles, la plus grande : DonKhong. Ici et là, d’énormes rochers,sculptés par les eaux impétueuses duMékong, émergeaient du flot jaune etboueux. Le temps semblait suspendu.Yin sauta du pick-up et parla avec lepropriétaire d’une chaloupe, marchan-dant le prix de mon trajet et de celui demes bagages. Bientôt nous glissions len-tement sur l’eau, avec en toile de fondun fantastique coucher de soleil rougeorangé, derrière des bouquets de coco-tiers poussant sur de petites îles et quime rappelèrent les mers du Sud. N’au-rait été le hors-bord qui broutait et rui-nait ce calme, je me serais senti dans lapeau de Francis Garnier, un siècle plustôt. Peu de choses avaient changé…Je m’efforçais d’imaginer la déceptionqu’il avait dû éprouver d’un certain côté,quand il réalisa que son ambition de

trouver un raccourci pour la Chine nepourrait jamais être réalisée et que lepuissant Mékong n’offrait pas de pas-sage alternatif vers la mer. Quand il setint devant les immenses chutes deKhong Phaphong, tous ses rêves furentanéantis.Mais d’un autre côté, je suis persuadéqu’il a dû aussi se trouver stupéfait etsans voix, comme je l’étais alors. Etpeut-être que ce spectacle unique,époustouflant, lui donna un nouvelélan puisqu’il poursuivit sa pénible ex-pédition, pendant deux années supplé-mentaires, et malgré l’abandon de l’unde ses 5 compagnons qui entre-tempsrebroussa chemin. Le commandant lui-même succomba aux épreuves duvoyage et mourut ; et un autre membredu groupe tomba si malade qu’il quittace monde peu de temps après son re-tour en France. Ce fut également Francis Garnier quiétablit l’endroit où le Mékong prend sasource, ainsi que sa longueur – plus de4 350 km, naissant en Chine sur le pla-teau tibétain où il est nommé LancangJiang (Flot Turbulent), avant de coulersur près de 1 900 km à travers le Lao,en tant que Mae Nam Khong ; au dé-but, le long de la frontière avec leMyanmar, puis celle de la Thaïlande,délimitant les deux pays sur plus de1 500 km. Après avoir descendu lesplus grandes chutes d’eau d’Asie, ilcontinue son chemin sous le nom deTonle Thom (Grande Eau), traversantle Cambodge où ses eaux se gonflent,quoiqu’indirectement, des eaux venantentre autres de la Tonle Sap, la secon-de plus grande mer intérieure du conti-nent. Enfin, dans le sud du Viêt Nam,le Cuu Long (Les Neuf Dragons) se

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La vie du marché :Comme tous les jours, les

hommes partent chasser oupêcher tandis que les femmeset les enfants vont au marché.Ici un aperçu du grand choixdes produits proposés sur les

marchés du sud. Les fruitssont essentiellement locaux,tirés de la forêt (ci-dessus).L’éventail de Phak Hom et

Phak (légumes verts et autres)est quasiment illimité et en

grande partie majorité incon-nu des visiteurs étrangers.

C’est aussi le cas des poissons,exception faite des quelques

espèces exotiques introduites –une absurdité complète étant

donnée la richesse des pois-sons indigènes (l’aquaculture

est de ce fait pratiquement in-existante). Voici un cataloguesuccinct des poissons qui sontmangés (nombre d’entre euxayant été ou restant d’excel-lents poissons d’aquarium),

avec leur ordre de grandeur,ainsi que d’autres animaux :

1) Mystus mysticetus (8-13 cm) ; 2) Paralaubuca barroni(7-8 cm) ;3) en haut, Macrognathus maculatus (?) (28 cm) et M. siamensis (8-30 cm) ; en bas Xenentodon cancila (?) (de 15 à 40 cm) ;4) une carpe introduite (Cyprinus carpio) (50 cm) ; 5) Oreochromis niloticus luiaussi introduit (14-25 cm) ; 6) Clarias batrachus (20-50 cm ou plus) ; 7) Monopterus albus (?) (30-100 cm) ; 8) Ophisternon bengalensis (?)(40-100 cm) ; 9) Belodontichthys dinema(50-100 cm) ; 10) Hemibagrus nemurus(20-70 cm) ; 11) un scorpion aquatique(famille des Nepidae) ;12) un immense choix degrenouilles ; 13) des serpents, des varans,des écureuils ; 14) des chouettes ; et 15) des rongeurs locaux. Tout cela est consommé.

Les tout juste 5 millions d’habitants du Laosont répartis en (4) grandes « familles »

ethniques faites en tout de 119 tribus différentes, dont certaines vivent très à

l’écart, quasiment isolées, telle que la tribuAlak (à gauche). Mais toutes sont très

amicales, comme cette jeune fille ci-dessus.

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Les hommes capturent habituellement de plusgrosses pièces (13), et/ou fabriquent des pièges à

poissons (11-12), qu’ils amènent sur les siteschoisis. Ces pièges sont utilisés pour attraperdes poissons tels que les raies géantes d’eau

douce, Himantura chaophraya (qui peut peserjusqu’à 600 kg) (6), ou les grands « requins »

d’eau douce (Labeos) comme le Moruliuschrysophekadion noir (jusqu’à 60 cm – non

représenté). Mais sont également visés de petitscyprinidés tels que Paralaubuca barroni (8) et

P. typus (9. femelle / 10. mâle), ainsi que les gobies, Papuligobius ocellatus (5), les escargots

(7) et les crevettes d’eau douce.

Dans le pays, riziculture et pêchefournissent le pain quotidien : pen-dant que les jeunes filles attrapentdu poisson dans les rizières (1-2),

les femmes se servent de filets plusgrands dans la zone inondée, le

long du Mékong (3-4).

Le Lao était à l’origine le « Pays au million d’éléphants », comme en témoignent d’anciennes peintures et des gravures sur pierre (à gauche). De nos jours, ne subsistent qu’une poignée de

pachydermes, qui sont mis au travail (ci-dessus).

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Garra cambodgiensis. Une autre beauté du Mékong : cecyprinidé rarement exporté, mangeur d’algues et de phy-toplancton. La rayure est jaune sur vert. Taille : jusqu’à15 cm.

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Hemibagrus cf. microphthalmus. Cette beauté ressemble àH. wyckioides, mais toutes ses nageoires sont rouge sang etl’adipeuse pré sente une veine rouge qui diffèrent de laqueue rouge ou rougeâtre connue.

Hemibagrus cf. microphthalmus, probablement une nou-velle espèce, avec de pareilles nageoires rouge sang (détailà gauche). Ne convient qu’à de grands aquariums, bienqu’elle ne grandisse pas tant que cela.

Hemibagrus wyckii, sa bouche est faite pour tuer : ses dentspénètrent comme des flèches et infligent de terribles blessuresà sa proie. C’est un poisson qui peut atteindre les 75 cm(même si c’est rare).

Mystus cf. wolffii. On prétend qu’il ne se trouve qu'en avalchutes d’eau du Cambodge, mais cela semble bien être lamême espèce que l’on trouve en amont. Ne dépasse pas les25 cm.

Hemibagrus filamentus. Un des plus « petits » bagridés duMékong, ne dépassant pas les 50 cm. Se nourrit de crus-tacés et de petits poissons.

Laides longibarbis. On sait peu de choses sur cet étrangepoisson-chat schilbéidé. Il dépasse rarement les 15 cm TL,possède des yeux rouges et occupe paisiblement la pleineeau.

Clarias batrachus, au stade juvénile. Il reste dans les 45 cm,mais a la faculté de rallier d’autres plans d’eau par la terreferme, en se servant de ses organes respiratoires auxili-aires.

Pangasius conchophilus, adulte. Cet inhabituel pangasiidépeut regarder vers le bas et grandir jusqu’à 130 cm. Il senourrit de crevettes, d’insectes, particulièrement de mol-lusques, et non pas de poisson.

Mystus aff. singaringan. Un autre Mystus, mais doté d’unetrès grande nageoire adipeuse. Un poisson d’aquarium trèsintéressant et pacifique, qui excède rarement les 25 cm.

Danio cf. acrostomus. Ce danio n’a été que récemmentdécrit dans le Nam Leuk. Il atteint les 7,7 cm et je l’airetrouvé plus au sud du Lao.

Labiobarbus siamensis. Un beau poisson d’aquarium de 20 cm, qui évolue en pleine eau comme au fond, se nour-rissant d’algues, de phytoplancton benthique et de zoo-plancton.

Hampala macrolepidota. Un beau cyprinidé au stade ju-vénile, qui perd à l’âge adulte une grande proportion de sacoloration rouge et une partie de sa bande noire. Taille :jusqu’à 60 cm.

Henicorhynchus cryptopogon. Un autre joli petit (moinsde 15 cm) poisson d’aquarium paisible, à la nageoirepelvienne remarquablement colorée.

Gyrinocheilus pennockii. Ce mangeur d’algues (et il esttrès bon à cela) peut approcher les 30 cm. Il est endémiquedu Mékong et rarement exporté.

Yashuhikotakia sp. Ses couleurs étaient si étonnantes queje pensai immédiatement que ce spécimen était différentde Y. modesta, connu dans cette région. Taille inférieure à20 cm.

Yashuhikotakia sp. Une loche fantastique, probable-ment nouvelle : vert émeraude et nageoires rouge vif.Sur cette photo, on distingue l’épine au-dessus de l’œil(organe défensif).

Syncrossus aff. helodes. Cette loche présente aussi descouleurs (inédites) particulièrement vives et semble différente. Sa taille est également limitée, autour des 20 cm.

Hemibagrus wyckii. Sûrement l’un des poissons d’eau douceles plus agressifs (si ce n’est le plus) : il tuera même sa parte-naire. En aquarium, à conserver uniquement en solitaire.

Hemibagrus wyckioides est connu pour atteindre 95 cm SLet peser jusqu’à 80 kg. Ses nageoires sont normalementtransparentes et seule sa queue est rose ou rougeâtre.

Wallago attu. L’un des plus grands (si ce n’est le plusgrand) des poissons-chats de pleine eau, pouvantmesurer 250 cm de long. C’est une espèce prédatrice àne réserver qu’à des aquariums géants.

Bagarius yarrelli. Bien qu’il atteigne de grandes tailles, onle trouve rarement sur les marchés en raison de sa chair fi-landreuse. Convient pour de grands aquariums.

Hemibagrus nemurus. Les spécimens collectés à l’origineatteignaient jusqu’à 65 cm de long, mais ce n’est plus querarement le cas.

Ompok bimaculatus. Un poisson-chat qui à l’âge adulteévolue plutôt en pleine eau et qui peut faire jusqu’à 50 cm.Il se nourrit de matière végétale, de crustacés et de mol-lusques.

Micronema micronemus. Un poisson-chat du Mékong (quel’on trouve aussi dans le fleuve Kapuas, à Bornéo), d’alluretrès étrange. Il peut dépasser les 50 cm. (Placé dans Kryp-topterus par certains.)

Micronema micronemus. La bouche de ce poisson-chat atyp-ique – par ailleurs nageur de pleine eau et trouvé en eauboueuse (comme les autres). Se nourrit pour sa part dematière végétale.

Bagarius yarrelli. Un poisson-chat dont les barbillons trèsinhabituels sont fixes – non flexibles. Une espèce de fondgéante qui peut aller jusqu’à 200 cm de long.

Bagarius yarrelli. Sa bouche est assez grande pour avalerde petits poissons (et de plus en plus gros, au fur et àmesure qu’il grandit…), mais il se nourrit principalementd’invertébrés aquatiques.

Wallago attu. Ce poisson-chat possède également unetrès grande gueule et mord fortement s’il est saisi. Deformidables mâchoires avec une rangée de dentsconiques.

Hemibagrus nemurus. Un autre poisson-chat parmi lesplus gros du Mékong, également agressif, mais bien moinsque H. wyckii.

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Quant à la flore aquatique du Lao, pratiquement rien n’a été publié et, à vrai dire n’est connu sur sesplantes aquatiques et palustres. Elle se recoupe évidemment en partie avec la flore thaï, mais à l’imagedes poissons, il existe aussi des espèces endémiques, dont certaines d’entre elles restent encore indéterminées. 23) Cette rivière cristalline était appelée (après traduction) : « Rivière suceuse de sang »,

comme me l’apprit plus tard mon chauffeur ; 24-25) Une possible espèced’Hygrophila, remarquable par sa croissance à la fois immergée etémergée ; 26) et un ruisseau couvert de Barclaya longifolia...

Pristolepis fasciatus. Ce poisson à l’allure de perche ap-partient à la famille Nandidae (poissons-feuilles asia-tiques). C’est un poisson pacifique, qui se nourrit d’algueset de matière végétale, et qui atteint les 20 cm.

Macrognathus aff. meklongensis. Une petite anguilleépineuse, seulement connue dans le fleuve Mékong etfaisant moins de 20 cm de long.

Notopterus notopterus. Voilà un genre monotypique, avecsa seule espèce connue. C’est aussi en partie un prédateur(de 50 à 60 cm de long), à la distribution très vaste.

Chitala ornata. Le plus populaire des poissons-couteaux enaquarium, où il peut aussi atteindre ses 100 cm (dans ungrand bac).

Chitala cf. blanci. Cette espèce que je trouvai, ne possèdepas la tache noire et présente un motif caudal différent !Serait-elle nouvelle ? En tout cas, ce n’est résolument niornata, ni la C. lopis argentée.

Chitala cf. blanci. Détail du motif caudal complètementdifférent de cette espèce, probablement non décrite. Unmotif commun à tous les spécimens collectés.

Chitala cf. blanci. Y compris au stade juvénile, elle arborece motif typique sur la queue et pas de tache noire (quel’on trouve chez C. blanci, au même stade).

Xenentodon aff. cancila. Ce poisson-aiguille peut fairejusqu’à 45 cm. Convient aux aquariums de grande taille,mais doit être impérativement nourri de petits poissons.

Zenarchopterus cf. dunckeri. Le demi-bec que je trouvaidans la chute d’eau, et donc sans connexion avec la mer.Un pur poisson d’eau douce, probablement non décrit.

Monotrete aff. turgidus. Une probable espèce non décrite,au bel œil rouge et exclusivement d’eau douce – peut at-teindre 20 cm.

Macrognathus siamensis. Cette anguille épineuse granditun peu plus, jusqu’à 30 cm, et se nourrit tant de larvesd’insectes que de crustacés et de vers.

Rasbora cf. paucisqualis. Un cyprinidé encore plus petit,qui approche rarement les 4 cm. De jolies nageoires jauneset encore un poisson grégaire.

Trichopsis schalleri. Cette variante présente des couleurstrès vives. Les spécimens déjà introduits en aquariophiliene montrent jamais une telle coloration, mais les uns et lesautres restent très petits – 3,5 cm maximum.

T. vittata. Cette espèce présente une certaine variété deformes colorées (cf. également pages suivantes) et peutfaire jusqu’à 7 cm.

Channa aff. orientalis, stade juvénile. Les têtes-de-ser-pents ne sont pas encore très bien classifiées. Il existeplusieurs variétés naines et il s’agit probablement de l’uned’entre elles, comme C. bleheri.

Channa cf. gachua. Cette espèce de tête de serpent (s’ils’agit de gachua) reste également petite. Pas plus de 20 cmde long. Des poissons très intéressants et un beau choixpour l’aquarium.

Ambassis kopsii. Un poisson de verre relativement petit,avec ses moins de 10 cm de long, et une remarquable épinedorsale noire. Il est largement distribué en eau douce.

Parambassis wolffii. Ce poisson de verre de forte crois-sance, jusqu’à 20 cm, présente dès le stade juvénile unetache iridescente sur la tête (médaillon) – à quelle destina-tion ?

Chitala blanci. On les appelle ici « featherback » ou pois-sons-couteaux, et cette espèce peut atteindre 120 cm.

Chitala blanci. Cette espèce peut se reconnaître à la tachenoire qu’elle porte à la base de la nageoire pectorale et auxmotifs de sa queue.

Chitala blanci. Un prédateur nocturne, qui mange pois-sons et crustacés. Ne convient qu’aux grands aquariums.

Pour résumer : On estime à plus de 1 200 espèces différentes, la population de poissons du Mékong et de ses affluents,mais leur diversité est sans aucun doute plus grande encore. Après avoir exploré à plusieurs reprises la région et conduit

mes recherches, j’en porte le nombre àprès de 2 000. Sur le temps limité de madernière visite, j’ai quasiment pu col-lecter 500 espèces différentes. Dans unseul affluent, Tyson Roberts, le célèbreichthyologiste américain, a récemmentdécouvert 94 nouvelles espèces (et en-core aujourd'hui je suis incapable dedire combien d’espèces non décrites setrouvaient dans ma propre collection).Ces pages ne montrent qu’un aperçu –moins de 10% – des espèces que je trouvai dans le delta intérieur et les affluents.

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Rasbora borapetensis. Très joli poisson d’aquarium, iciavec une queue rougeâtre. Atteint rarement 6 cm et faitbel effet en petits groupes.

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déverse dans la Mer de Chine par sonénorme delta.« Tout est gigantesque dans ce pays »,écrivait Garnier quand il posa le pied auLao. « Les chutes d’eau font entre 11 et13 km de large, et la rivière au moins 20 km d’une rive à l’autre, avec unnombre incalculable d’îles. » Il conti-nuait : « La population, sa façon de s’ha-biller, les surfaces intensément cultivéeset les forêts, tout cela est hors normes » !Et ce fut aussi mon expérience où quej’aille : que ce soit ce fleuve, cette profu-sion incroyable et presque incomparablede poissons pour aquarium, la gentillessede son peuple, ou cette quiétude et ce si-lence. J’étais comme dans un rêve.Le soleil s’était couché. J’étais assis surla terrasse de l’hôtel en bois – l’uniquehôtel – de Don Khong, dont j’étais leseul client. Pas même l’Empereur deChine n’aurait été mieux soigné ce jour-là. Le menu consistait en poisson fraî-chement pêché, qui se laissait mangertout seul, tandis que des geckos géantsgobaient la vermine. Tout était idyllique.Le jour suivant, le temps était radieux etj’attrapai et photographiai des centainesd’espèces de poissons, toutes plus inté-ressantes et colorées les unes que lesautres. On me fournissait avec empresse-ment tout le nécessaire pour mon bac àphotographier, que ce soit de l’eau ouune serviette. Ces pages donnent unaperçu des poissons de ce splendide bio-tope, mêlés à une sélection de végétauxaquatiques.

Je ne pouvais séjourner que quatre jourssur le Khong, mais je me promis de re-venir. Et de le faire vite, compte tenudes projets thaïlandais de transformer ceparadis en un centre touristique géant,avec ses terrains de golf, ses casinos, seshôtels, etc. (bien qu’heureusement l’ef-fondrement des marchés financiers aitdepuis rayé ce projet absurde des pro-grammes). D’une manière sensiblementidentique, ont été développés des planspour ouvrir cet autre monde rêvé que jevisitai plus tard, à la frontière du ViêtNam, où les tribus indigènes sont restéespratiquement à l’écart du monde exté-rieur ; y naîtraient huit nouveaux bar-rages hydro-électriques – une folie sanséquivalent. La plus belle et la plus pré-servée (et probablement la dernière) desforêts primaires d’Asie disparaîtrait. Dé-jà, des camions lourdement chargés l’ex-portent morceaux par morceaux, de jouret de nuit, vers la Thaïlande, puisque cepays a depuis longtemps brûlé la totalitéde ses propres forêts et doit désormaisacheter son bois auprès de ses voisins.

Le pays reste encore boisé pour moitié, avec unegrande partie occupée par de la forêt primaire

(dont le spectre comprend la forêt sèche à feuillage persistant, la forêt tropicale de montagne

à feuillage persistant, la forêt claire mixte ou àfeuillage caduc, ainsi que des forêts subtropicales

et subalpines), aussi bien que par des pinèdes.Malheureusement, l’abattage est ici, commepartout, non-stop. Chaque jour, d’énormes

camions chargés de précieux bois durs tropicauxquittent le sud (la plus merveilleuse des zones

boisées) pour la Thaïlande.

L’étranger achète tout.On estime à plus de 8 300 espèces le nombre de

plantes, dont plus de 1 500 sont menacées d’extinction. Les 100 espèces d’orchidées (photos

1-3, 5, 7, et la grande photo), poussant pour la plupart en épiphytes sur les grands arbres, sont

évidemment les premières à tomber sous latronçonneuse. Ne citons qu’un exemple : en 1866,

la Mission d’exploration du Mékong collecta etobserva ces merveilleuses orchidées roses (5, et lagrande photo) en très grand nombre, alors que jen’en trouvai en tout et pour tout qu’un spécimende l’espèce au cours de tout mon voyage à traversle sud. Sur ces pages n’est montrée qu’une petite

sélection d’espèces, dont nombre d’entre elles sontencore nouvelles pour la science !

Les photos montrent des chutes d’eauqui n’apparaissent sur aucune carte niaucun guide de voyage. Rien que cespectacle méritait de parcourir le moitiédu globe jusqu’au Lao. Détruire tout ce-la serait criminel. L’homme semble in-capable de retenir les leçons…Je promets de vous en dire davantaged’ici peu sur ce pays fascinant. En atten-dant, laissez-moi vous quitter avec lesderniers mots de Louis de Carné, lecommandant initial de la première expé-dition du Mékong, prononcés avant demourir suite aux épreuves de l’expédi-tion. « La vie d’un homme n’a pas devaleur si ce n’est à mesure qu’il apprendà la mépriser en la dépassant. Se consa-crer à une cause, c’est vivre vraiment ;s’y consacrer jusqu’à la fin, c’est vivreau-delà. »

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7. Acanthocobitis sp. (encore non décrit), est une loche de fond, paisible et petite (6 cm max.).

8. Danio fangfangae, peut atteindre une longueur totale de 7 cm et vit près de la surface.

9. Rasbora hobelmani, une rasbora pacifique qui peut faire jusqu’à 5 cm. 10. Raimas guttatus, un autre cyprinidé paisible, aimant le fond, qui peut

atteindre les 30 cm. 11. Parambassis wolffii, adulte, est un paisible poisson de verre,

très singulier, ornemental et facile à maintenir (ne demande pas de sel – il ne vit qu’en eau douce).

12. Ospronemus exodon est un autre poisson-labyrinthe (endémique duMékong), mais dont la taille de 60 cm ne le destine qu’à de grands bacs. 13. Ompok bimaculatus doit aussi grandir dans de grands aquariums, où

il fera jusqu’à 45 cm. Il est tout aussi pacifique (se nourrit également de matière végétale et de crustacés).

14. Le beau gobie Rhinogobius maculicervix reste petit (4-5 cm) et préfère les fonds de gravier.

Pour un aquarium biotope-Lao, voire des biotopes de petite Thaïlande-Malaisie (péninsule), quelques suggestions : 1. Trichopsis vittata (ici encore, une autre forme colorée du Lao). Étantdonné qu’il respire l’air atmosphérique, il demande un habitat peu profond et dans tous les cas des plantes flottantes pour édifier son nid. 2. Barbonymus altus est un cyprinidé herbivore et pacifique, plutôt petit(8-15 cm), qui se plaît en pleine eau, en petits groupes. 3. Hampala dispar, adulte. Sa jolie coloration (rougeâtre) de jeunessedisparaît en vieillissant mais elle reste un bon poisson paisible pour cegenre d’aquarium. 4. Osteochilus hasseltii, arbore un très beau patron coloré ici dans leMékong. Un poisson pacifique qui peut atteindre les 27 cm. 5. Mystacoleucus atridorsalis, un étrange petit barbus pacifique (jusqu’à 6 cm) de pleine eau. 6. Parachela maculicauda, un poisson grégaire et paisible (plutôt petit :5 cm maximum) de pleine eau.

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium56 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 57

Le très inhabituel Polynemus paradiseus (familledes Polinemidae), est probablement l’un des

poissons d’aquarium les plus sensationnels. Jel’avais introduit en aquariophilie dès le milieu desannées 1970 et il est revenu à la mode depuis peu

(quoique vendu comme poisson-chat par certains…). La majorité des publications scien-

tifiques affirment qu’il s’agit d’un poisson marinmais j’ai prouvé le contraire : il s’agit bien d’une

pure espèce d’eau douce (qui peut migrer vers deshabitats saumâtres). L’important est qu’il disposede beaucoup d’espace libre dans l’aquarium poury nager à sa convenance (à ne jamais placer dansun petit bac). Il demande une eau bien brassée etune ration quotidienne de vers de vase, crustacés,invertébrés et autres proies du même genre. C’est

un poisson très actif qui nage en permanence (il nese repose jamais) et voit mal. Son évolution l’a

doté de 16 tentacules : les tentacules inférieurs luiservent à détecter sur le fond tout objet qui pour-

rait être sur son passage ou éventuellement sanourriture (même s’il se nourrit rarement là), tandis que les autres lui permettent d’explorer

autour et au-dessus de lui, en quête d’obstacles et,en tous cas, de nourriture. C’est un poisson qui

aime les espaces aquatiques dégagés, où il occupetoutes les zones, sans jamais rester longtemps sur

le fond. Il offre un spectacle extraordinaire et doitêtre maintenu en petit groupe, à moins qu’un

aquarium très grand ne permette plus. Quelquesgobies pourraient lui tenir compagnie mais il esten général préférable d’apprécier ce magnifique

poisson par lui-même.

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Le Mamberamo : le plus grand système fluvial de la deuxième plus grande île du monde,la Nouvelle-Guinée, qu’il irrigue dans sa partie nord-ouest. Son bras occidental, le Tariku

(anciennement Rouffaer), est alimenté par les rivières Kano, Konda et Kurogo, qui naissent dans la chaîne montagneuse du Sudiram. Son bras oriental est la rivière que les

premiers colonisateurs allemands baptisèrent Idenburg (appelée Taritatus par les Indonésiens), et qui prend sa source dans la chaîne de Jayawijaya. L’ensemble, qui dépasse les 2 000 km de long et est l’un des moins explorés au monde, coule dans le

Pacifique à la pointe nord de la Guinée occidentale (partie indonésienne de l’île, appelée àl’époque de ce voyage Irian Jaya). Le premier Blanc à avoir visité le Mamberamo fut un

Allemand, le Capitaine Franssen Herderschee (1872-1932), qui remonta le fleuve en bateausur quelques 150 km en 1907. Très peu d’aventuriers ou de scientifiques marchèrent dans ses

pas, le dernier d’entre eux dans les années 1930, et aucun ne pénétra plus loin que l’Idenburg. Dans les années 1950, des missionnaires commencèrent à prendre l’avion pour

la région, d’abord occasionnellement puis de plus en plus régulièrement. Mais encore aujourd'hui, le nombre de pistes d’atterrissage dans la région du Mamberamo n’en reste pasmoins très limité, et lorsqu’elles existent, elles se résument à de simples clairières où la forêtvierge a été abattue par les habitants, et demeurent utilisées presque exclusivement par les

missionnaires. Les vols commerciaux sont inexistants et les excursions dans ou vers cette zonene sont pas autorisées. Le classement de la région en parc national, le Mamberamo Foja,

est à l’étude. Il couvrirait 1 661 000 hectares et deviendrait la plus grande zone protégée d’Indonésie. Une absolue nécessité pour protéger ses plus de 100 espèces de mammifères,

es 330 espèces d’oiseaux et le nombre quasi-incalculable de ses poissons et insectes en grandepartie inconnus : toute une nature majoritairement endémique. Le système du Mamberamo

comprend non seulement la majorité des lacs indonésiens mais aussi les plus importants, et larégion constitue la plus vaste zone marécageuse sur Terre, que l’on nomme la Dépression-lacs-

plaines, surpassant même le Pantanal de la province brésilienne du Mato Grosso. L’auteur,assisté d’une intrépide Italienne et de deux Japonais, fut le premier Blanc (exception faite des

missionnaires) à explorer la région depuis son annexion par l’Indonésie en 1969.

Texte et photos : Heiko Bleher

MamberamoMamberamoCe fut à 11h55 que le Twinotter dé-

colla finalement. À nous quatre,nous étions les seuls

passagers payants. Il y avait aussi un in-digène, un Indonésien et deux Polri (cespoliciers portaient « Polres, Jayapura,Irian Jaya » brodé sur leur chemise) pournous surveiller (?). Les deux serviteursMerpati n’avaient fait le voyage que pourdécharger notre équipement – des caisseset des boîtes pleines de vivres, ainsi que5 sacs de riz, des poules vivantes, etc.,etc. – étant donné qu’à Dabra, notre des-tination, aucune équipe au sol n’était

présente dans la jungle de Nouvelle-Gui-née.

Nous survolâmes le beau lac Sentani,domicile du poisson arc-en-ciel rougesaumon, et il commença à pleuvoir.Quelle frustration ! Les deux pilotes ten-tèrent alors d’éviter l’averse et entrepri-rent un de ces loopings que l’on a plusl’habitude de voir pendant les vols d’ex-hibition, pour mettre le cap sur la côte.Bien vite, nous nous retrouvâmes au-des-sus des nuages et je ne vis plus que paréclairs l’épaisse forêt primaire des mon-tagnes Van Rees.

Encore une fois, selon la spécialité del’aéroport de Jayapura d’Irian Jaya, lescontrôles avaient donné de quoi s’arra-cher un peu plus les cheveux ! Jusqu’à latoute dernière minute, nous n’avions passu si nous serions autorisés à embarquer.Le service de sécurité était arrivé au mo-ment où nous présentions nos ticketspour Dabra. « Dabra ? », nous avait-ondemandé avec incrédulité.

« Mamberamo ? » – Idem ! C’étaitcomme si jamais un Blanc n’avait volédans cette direction. « Votreautorisation ! » avaient été les mots sui-

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IndonésieIndonésie IndonésieIndonésie

vants, et les papiers qu’il nous avait fallusix mois d’efforts méticuleux et plusqu’un peu de sueur pour obtenir, furentexaminés à la loupe. « Mamberamo n’estpas sur le permis de police » nous avait-on finalement déclaré ! Et c’était vrai. ÀJakarta, la police avait seulement enregis-tré : « Jayapura, Wamena, Biak » commedestinations autorisées, sur le permisd’entrée portant les photos de nos quatrepasseports. Je m’étais trouvé à deuxdoigts de l’attaque cardiaque ! Les rela-tions de mon ami Kamihata, le dirigeantd’une compagnie de crevettes multimil-lionnaire, n’avaient pas eu l’effet es-compté. Si seulement je m’en étais occu-pé moi-même…

Mais la partie avait été à moitié gagnéequand nous avions abattu notre seconde

carte, le « Surat Jalan » (permis de voya-ge du Ministère du Tourisme) qui men-tionnait aussi l’entrée « Sungai Mambe-ramo » ; et en usant de toute notre puis-sance de persuasion, nous avions réussi àconvaincre les officiels. Tout ce qu’il fal-lait désormais, c’était des photocopies –mais où les obtenir ? L’aéroport se trou-vait à 60 km de la ville. Heureusement, levol était considérablement en retard et ilrestait encore deux heures et demi avantle décollage. C’était juste ce qu’il fallaitpour un aller-retour de 120 km à tom-beau ouvert, dans un taxi qui finit prati-quement par se désintégrer sur les in-nombrables trous de la chaussée. Suite àquoi, juste avant le décollage, l’officielétait revenu dans la petite salle d’attente,

bruyante et surchauffée, et avait déclaré :« Le commandant en chef m’a impérati-vement demandé que vous vous présen-tiez à votre retour du Mamberamo et quevous vous présentiez aussi dans chaquevillage que vous visiterez en délivrantdes copies de votre permis ! »

Tandis que j’écrivais sur cette aventureet d’autres en relation avec ce voyage –j’avais passé plus de deux ans à faire desallées venues entre Sentani et l’Alle-magne, pour tenter vainement d’obtenirun permis – notre avion perça un amasde nuages et pour la première fois en dixans, je vis sous moi le puissant Mambe-ramo. L’atterrissage fut mouvementé ;nous nous retrouvâmes projetés pêle-mê-le sous nos bagages au moment où le pi-lote arrêta net le zinc à exactement 3 m

de la montagne couverte d’arbres ! Lapiste enherbée, qui ne faisait que dans les500 mètres de long, allait de la berge duMamberamo jusque dans les profondeursde la forêt vierge la plus épaisse du mon-de. Notre comité d’accueil consistaitprincipalement en Dani, qui avaient quit-té leurs domiciles dans les montagnes etavaient fait le voyage à pied de deuxmois qui les séparait d’ici. Il fallait leurajouter des soldats de Java, un docteurvenu du sud du Sulawesi pour travaillerdans l’hôpital qui n’était encore qu’àmoitié construit, un homme d’Ambon etun expert minier de la Freeport MiningCompany de Manado, en Sulawesi dunord. Nous étions à l’évidence les pre-miers touristes à visiter le Mamberamo etchacun souhaitait nous dévisager, nous

toucher. Escortés par ce public, nousfûmes conduits au poste de police, unebaraque en planches de 5 m2 avec unevéranda, où nos papiers de voyage furentune fois encore examinés à la loupe parl’assemblée des policiers. Je remarquaique pas plus d’un ou deux ne savaientvraiment lire.

On nous interrogea sur le but de notreséjour et on nous mit en garde sur lesdangers de voyager sur le Mamberamo.Une escorte policière s’imposait. Celagrouillait de crocodiles et autres périls.La région était inhabitée et ils ne pou-vaient nous fournir aucune garantie pournotre sécurité.

Après environ 1 600 heures – quelquescinq heures après notre atterrissage –

1-2. La compagnie aérienne Garunda relie Jayapura – lacapitale de la province indonésienne d’Irian Jaya – troisfois par semaine. Son aéroport est localisé à 60 km de laville, dans un village du nom de Sentani (2). 3-4. Jayapurafait peu de choses pour ses ordures, qui finissent toutes dansles ruisseaux, au pied des logements (3), où la populationprend son bain et fait sa toilette (4). 5-8. Le marché est tou-jours l’endroit incontournable pour qui veut voir la cultureet les productions locales (5). L’un des produits principauxest la noix de bétel (6), qui est mâchée avec de la poudre decoquillage, qui rougit la bouche (7). On vend aussi les poissons introduits comme les tilapias et les goramys (8).

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nous fûmes finalement « libres ». J’avaisbesoin d’une bonne bouffée d’air frais etallai voir le petit cours d’eau le plusproche, dans la forêt à l’extrémité de lapiste. Une touche de nature fait toujoursdu bien après tant de tracasseries.

Il faisait seulement 1 ou 2 m en largeurmais il courait dans un lit caillouteux deplus de 50 m de large, suggérant qu’à la

saison des pluies, d’incroyables massesd’eau le transformaient en torrent fu-rieux. L’eau était claire, souvent avec desbrins d’algues vertes ondulant dans et augré du courant. Je repérai des têtards puisles premiers poissons : des gobies se dé-plaçaient de leur nage saccadée au-dessuset entre les pierres rondes. Ils possédaientde splendides rayures orange et pouvaientbien être une espèce d’Oxyeleotris. C’estalors qu’apparut le premier poisson arc-en-ciel ; un membre du groupe Melano-taenia affinis ! Il ne faisait que 6 cm delong et souffrait de cette maladie rare(dans la nature) mais typique de ces pois-sons. Je poursuivis mon chemin en aval,de mare en mare, grimpant dans lesarbres et les rochers, passant devant desuperbes cham pignons orange qui pous-saient sur le bois en décomposition. Dansune petite mare, de 2 m de diamètre etsurplombée d’un buisson à fleurs jauneset à fruits noirs, je vis de nombreusesChila the rina sp. et les eus bientôt dansmon filet. Elles semblaient appartenir augroupe C. fasciata. Plus loin sur le courspierreux, poussaient de glorieuses orchi-dées terrestres aux épis de petites fleurslilas. Une véritable fête pour les yeux. Deretour à Dabra, notre guide Dani nousguida à travers un champ de patatesdouces en quête de « chambres ». Peuaprès, il nous parla d’« hôpital » et mimale sommeil ! Cela semblait une excellen-te idée.

Le docteur du village, un Javanais, étaitagenouillé sur son tapis de prière, orienté

vers la Mecque. Mais bien vite, il laissa ànotre disposition son hôpital de huitchambres, qui était à l’arrêt faute de pa-tients et commençait lentement à se dé-grader avant même d’avoir été achevé. Ilétait propre comme un sou neuf. Le solavait été frotté et désinfecté, des mousti-quaires étaient tendues au-dessus des litset des clous avaient même été plantésdans des planches pour faire office deportemanteaux. Un service impeccable.

Mais juste au moment où j’allais servirle thé du soir, une nouvelle patrouille en-tra. C’était cette fois-ci le chef militairede la région, accompagné des chefs lo-caux. Ces dignitaires estimaient que nousles avions ignorés et exigeaient une ex-plication.

Je répétai mon discours pour la énièmefois, et quand je fus à nouveau pressé

d’accepter une escorte militaire pourl’excursion le long du Mamberamo, jerefusai violemment de céder. Mon em-portement sembla obtenir l’effet escomp-té et il ne me resta plus qu’à rédiger unedéclaration qui stipulerait que nous se-rions entièrement responsables de notrepropre sécurité et que nous ne pourrionsleur faire endosser la responsabilité desaccidents qui pourraient survenir.Bref, ils voulaient obtenir la confir-mation qu’ils pouvaient se laver lesmains de notre sort.

Et la soirée se poursuivit, amenantson lot d’animations supplémentaires,comme cette musique qui résonna,ici, dans la forêt vierge la plus pro-fonde du monde. Jusqu’à 3 h du ma-tin, Thriller tonitrua en boucle, sur le

seul radiocassette de Dabra, qui se trou-vait dans le quartier général de la poli-ce ! Même ici, Michael Jackson faisaitun tabac !

Un peu avant l’aube, nous fîmes nosbagages et marchâmes à travers lebrouillard jusqu’à notre bateau, le seulvéhicule à moteur du Mamberamo. Ha-maru, un natif du Sud-Ouest du Sulawe-si, avait accepté, après des tractations quis’étaient prolongées tard dans la nuit, denous louer le sien (trois hommes d’équi-page et carburant compris) pour quatrejours pour 800 $ cash. C’était salé ; d’au-tant plus que le pont était encore incom-plet, la superstructure à moitié construite,l’air conditionné et l’éclairage électriqueencore à installer, le catamaran seulementprovisoire, et les fenêtres, lits, cabines,lavabos, toilettes, à l’état de simples

ébauches. En fait, scie et marteau allaients’activer toute la nuit mais aussi tout aulong du voyage, pour continuer sous nosyeux l’incroyable construction du « Yat-ch Mamberamo ».

Nous marchions avec de la boue jus-qu’à la taille, nous enfonçant maintes etmaintes fois sous le poids des lourdschargements que nous portions sur ledos. Les laisses de vase s’étalaient sur10-20 m de large de chaque côté duMamberamo, pour faire à certains en-droits plus de 100 m et atteindre la forêt.Nous arrivâmes finalement au bateaud’où Hamaru fit apparaître quelquesplanches, qu’il posa sur le limon noir,afin de nous permettre de grimper à bord.

Nous nous installâmes, nous et nos ba-gages, sur une pile de planches. Le toiten tôle ondulée au-dessus de nos têtesparaissait assez valable, malgré quelquestrous. Nous disposions même d’une

6-9. Une jeune fille indigène voulut tout de suitenous offrir en guise de cadeau de bienvenue unoiseau apprivoisé (6). Et une autre, ce jeune crocodile de Nouvelle-Guinée (7), le Crocodylus novaeguineesis, endémique et protégé. Malheureu -se ment, les WWF, Cites, et autres organisations deprotection ne peuvent rien contre le massacre dontsont victimes les crocodiles (8), que les indigènespeuvent perpétrer pour les militaires, en les leurvendant empaillés (9), ou sous forme de peaux.

10-13. À Dabra, je trouvai un Indonésien du nomd’Hamaru, marié à une indigène, qui m’assuraqu’il pouvait nous construire un bateau pour

voyager sur le Mamberamo, étant donnée l’ab-sence de toute embarcation sur ce système fluvialgéant (à l’exception des pirogues locales). Et il s’ylança le soir même (10). Même au cours du voyage(11-13), il était toujours à ajouter un morceau au

bateau... 14. Nous nous retrouvâmes souvent enlisés, le niveau de la rivière étant peu profond,

et cela sous la pluie…

1-2. En volant à bord d’un avion affrété jusqu’àDabra dans la région du Mamberamo (le seulavant-poste), on peut admirer l’infinie forêt primaire équatoriale (1), un système fluvial géant(2), mais aucune trace de civilisation.3-5. L’arrivée d’un avion civil (très rare ici) attiratous les indigènes et les quelques militaires, quinous demandèrent aussitôt nospermis spéciaux (5), que j’avaismis trois ans à obtenir...

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« cheminée » au centre de la « cabine »,ouverte aux quatre vents ! Notre « yat-ch » en chantier se mit à remonter le cou-rant en hoquetant, remorquant un canoëpirogue de 6,5 m et son moteur hors-bordsupplémentaire. Que pouvions-nous dési-rer de plus ?Le brouillard matinal commençait lente-ment à se dissiper. Se dessinait tout au-tour de nous l’immense et impénétrableforêt vierge, apparemment infinie. J’avaisl’impression que nous étions les premiershommes sur une planète inexplorée. Jepouvais imaginer ce que Neil Armstrongavait dû ressentir quand il devint le pre-mier homme à marcher sur la lune.

J’avais déjà établi que nous étions réelle-ment le premier groupe de touristes à vi-siter le Mamberamo depuis l’indépen-dance de l’Indonésie, et Kamihata-san etTarzan les premiers Japonais à être ja-mais venus sur ce site. J’étais tendu com-me une corde de violon à la perspectivede ce qui nous attendait dans ce no mansland.

Le lit du Mamberamo, qui serpentait ende gigantesques méandres à travers la fo-rêt, mesurait jusqu’à 1 km de large. Leslaisses de vase le long de ses rives émer-geaient bien au-dessus de l’eau – bienqu’il pleuvait tous les jours, c’était le ni-veau de la saison sèche.

Nous luttâmes des heures durant contrele courant, l’eau opaque et gris laiteux,chargée de particules en suspension, dé-montrant la force contenue de ce puissantfleuve. Il n’y avait pas d’humains sur deskilomètres. Aucun signe d’habitation. Pasd’indigènes. Hamaru nous apprit quel’une des raisons pour lesquelles aucunhomme ne vivait le long duMamberamo était la présen-ce de crocodiles dangereuxen grand nombre. Mais pen-dant de nombreuses années,les propriétaires des célèbresfermes aux crocodiles d’IrianJaya (la plus grande à Jaya-

pura, entretenant une population perma-nente de 30 000 bêtes), avaient payé lestribus indigènes de la région pour attraperle moindre spécimen sur lequel elles pou-vaient mettre la main ! Le résultat en futla quasi-extinction du Crocodylus nova-guineensis, tandis que les indigènes en-traient pour la première fois en contact

avec l’argent, avec lequel ils achetèrenthabits et nourriture – on les avait amenésni plus ni moins à troquer les crocodilescontre ces produits de base.

La nuit venue, j’exa-minais les berges dufleuve principal, des af-fluents, des lacs maisdes seulement quatrespécimens que je réus-sis à entrevoir à la lu-mière de ma torche de2000 watts, pas un nemesurait plus de30 cm ! À mon sens,un pitoyable vestige decette espèce majestueu-se. Mais d’autres formes de vie abon-daient sur et autour du fleuve : des hé-rons blancs aux becs jaunes (Bulbucusibis – connu localement comme « KuntueKerbaw ») étaient visibles partout, sou-vent de très près. Les intéressantes Egret-ta sancta (« Kuntul Karong ») aux alluresde cormoran volaient au-dessus de l’eau,plongeant après le poisson et refaisantsurface avec leurs proies dans leurs becs,tandis qu’un aigle à corps blanc (Halia-sius indus, nommé « Elang Bondol » lo-calement) arrachait un poisson du fleuve,l’étreignant dans ses serres comme si derien n’était, avant de remonter en flècheen poussant des cris discordants.

Le membre le plus élégant de la tribuemplumée restait néanmoins le calao(Acerosplicatus julang, aussi appelé enanglais l’Irian ou Burung Lipat), qui res-semble au toucan sud-américain. Leurscroassements rauques étaient caractéris-tiques lorsqu’ils planaient par deux au-dessus de nos têtes, soutenus par trois ou

quatre battements d’ailes.Cela faisait presque une journée

que nous remontions le fleuvequand nous tombâmes sur un af-fluent large d’approximativement6 m, le Boare, qui s’ouvrait sur larive droite, entouré par la forêt infi-nie. Hamaru échoua habilement le« Yatch Mamberamo » sur la vaseet s’y fixa ! Nous passâmes avecune partie limitée de notre équipe-ment dans la pirogue et progres-sâmes sur l’affluent. Notre amuse-ment fut de courte durée cepen-dant, car sitôt le premier coudepassé, la rivière était barréed’arbres géants qui y étaient

tombés.Mais cela n’empêcha pas Hamaru de

franchir cet obstacle, et bien d’autres sur4 km de rivière, dans son style inimi-

table. Il s’y connaissait pour écarter lesarbres, tout seul ou avec notre aide. Etmême quand il était réellement impos-sible de continuer, il nous demandaitalors simplement de grimper sur l’arbreavec nos sacs et bagages, avant de pous-ser de toutes ses forces le canoë videsous l’eau et à contre-courant, tout en fai-sant passer le moteur hors-bord par-des-sus le tronc.

Hamaru appartenait réellement à cettecatégorie d’hommes que rien ne peut dé-courager et qui ignorent la significationdu mot « impossible ».

Le Boare devenait de plus en plus clairet après un trajet d’à peu près une heureet demie, l’eau était si transparente qu’ilétait possible d’identifier les poissons àpartir de la surface ! Nous jetâmes notrefilet déployé et un splendide spécimenrayé de Chilatherina apparut, une pos-sible espèce du groupe C. fasciata.C’était des créatures colorées de vertémeraude étincellant, de bleu brillant, dejaune d’or et de rose orange, et rayées dehuit barres bleues – une richesse denuances qui justifiait si bien leur surnomde « poissons arc-en-ciel ». Mais cescouleurs vives ne deviennent toutefois vi-

sibles que sur des adultes de14,5 cm ou plus. Or les ju-véniles et semi-adultes, la

1-2. Il restait encore quelques endroits du Mamberamo où nous pûmes rencontrer le crocodile endémique, mais il ne nous attaqua jamais ni ne fit quoi quece soit, étant donné que nous le laissions tranquille. Cela malgré son aspect dangereux et cette manière d’ouvrir grand la gueule pour nous signifier

« N’approchez pas ! » (1)... Certains jeunes spécimens se trouvaient dans des bassins remplis d’algues (2), en quête de proies faciles (des poissons quiétaient attrapés faute de pouvoir nager vite, à cause du peu d’oxygénation de l’eau). 3. Le système du Mamberamo est pure nature, l’endroit pratiquement

le moins habité sur la planète Terre de nos jours…

Les plus grands pois-sons du système du

Mamberamo appar -tiennent à la famille depoissons-chats Ariidae.

Seulement deux espèces avaient été

décrites ici, mais j’aieu la possibilité d’en

trouver au moins 5 deplus, dont aucune

n’est comparable àcelles connues, telles

que : 4. Cette espèce àla tête très plate ;

5-6. Celle-ci à la trèsgrosse tête et aux

points argentés ; et 7. Cette autre, au re-gard rivé vers le bas.

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plus grande proportion de notre prise,avaient plutôt une couleur d’ensemble ar-gentée. Et il y avait aussi là une espècede Glossolepis – mais laquelle ? Nous al-lions la retrouver encore et encore, dansle Mamberamo.

Plus en amont sur le Boare, après plusde deux heures sous la chaleur du soleil,nous entrâmes dans une lagune aux appa-rences de lac, partant d’un côté du lit dufleuve et mesurant plus de 100 m de lar-ge pour environ 1 km de long. « DanauBoare » nous annonça Hamaru. Nous ybarbotâmes avec une longue drague, parune température de 42°C à l’ombre.

L’eau faisait 36°C et donnait aussi uneimpression de chaleur, mais cela n’empê-chait pas d’énormes bancs de poissons des’ébattre dans ce bouillon immobile : destilapias en grande majorité ! Suivies pardes carpes (Cyprinus carpio) et des bar-bus du genre Barbodes (B. gonionatusselon toutes probabilités). Toutes ces es-pèces exotiques avaient été introduitespar les Allemands durant leur occupa-tion ! L’objectif étant d’augmenter laquantité de protéines disponibles pour lesindigènes. Mais comme cela a été le caspresque partout dans le monde où leshommes ont perpétré de telles folies, uneffet boomerang a eu lieu ; faune et floreindigènes ont été décimées ou dans laplupart des cas complètement éradiquées,par l’introduction de ces étrangers.

C’était exactement le cas ici, dans le Da-nau Boare. L’introduction d’organismesexotiques devrait faire l’objet d’une inter-diction totale à la fois de la part des gou-vernements nationaux et des organisa-tions internationales, et sanctionnée pardes peines sévères devant la Cour inter-nationale de Justice. Et pas comme enAustralie, où les différents pouvoirs quin’ont jamais fait quoi que ce soit, si cen’est débiter des inepties, souhaitent dé-sormais faire porter le chapeau aux aqua-riophiles !

Le Boare abritait aussi malgré tout detrès robustes poissons-chats Arius, enspécimens de 2-3 kg capables de fournirplus de chair que n’importe laquelle deces pièces rapportées. Si les introductionsn’ont pas été en mesure de décimer cesendémiques, c’est que ces espèces sur-nommées « poissons-chats crucifix » sontaussi des prédateurs qui avalent pratique-ment tout ce qui passe à leur portée – àl’exception de leurs œufs. Ils couvent cesderniers, ainsi que les juvéniles, dansleurs bouches – trouvant là un manièresupplémentaire de résister !

Certains poissons-chats crucifix possè-dent sur leurs flancs brun métallique unerangée de taches ressemblant à des perlesétincelantes, et ne sont blancs que sur leventre. Le plus sensationnel d’entre euxcependant était un poisson-chat du genreDoiichthys (?). L’espèce monotypique(D. novaguineae) qui possède égalementsa famille attitrée (Doiichthyidae), estcertainement le membre le plus remar-quable du groupe et on ne peut ques’émerveiller de la manière dont ses deuxyeux sont placés au même niveau que labouche et peuvent voir exclusivementvers le bas. Ainsi, si l’on regarde cescréatures par le dessous, on se retrouveyeux dans les yeux, ce qui est à peine vi-sible du dessus. Les barbillons de 6-8 cmde long sont pointés vers l’avant, avec

deux paires sur la maxillaire et uneseule sous la mâchoire inférieure. Lastructure de la tête et de l’œil me rap-pelèrent immédiatement le poisson-chat dauphin d’Amérique du Sud(Aqua geõgraphia, n°6) qui, de la mê-me manière, ne peut regarder que versle bas. Un processus d’évolution principalement axé vers la recherche de nourriture.

Doiichthys n’avait jamais été photo-graphié auparavant et était connu seu-

1-6. Mon objectif était de pénétrer, aussi loin que possible, dans les afflu-ents du grand fleuve de cette vallée géante. La plupart d’entre eux

n’avaient jamais vu d’homme jusque là (dans tous les cas, jamais un seulBlanc), en conséquence rivières et ruisseaux étaient encombrés d’arbres ef-

fondrés, de troncs et de racines démesurées. Nous avions à les écarter (3)ou, dans certaines situations, la seule solution était de passer la pirogue

par-dessus l’obstacle (5). Certains de ces cours d’eau étaient en tellementmauvais état qu’il n’y avait aucune chance d’y pénétrer (6). Même les très

grands cours d’eau, tel que le Mamberamo lui-même, ou le Taritatus,étaient jonchés de troncs (4). Personne ne les avait jamais déplacés, car letransport des personnes ou des marchandises par bateau n’avait pascours ici. 7-9. L’accès de certains lacs se faisait à pied, en s’enfonçant

profondément dans la boue (7). Et là encore, les seules empreintes quenous y trouvions appartenaient à des animaux, tels que les oiseaux

casoars (8) ou d’autres espèces d’oiseaux très petites (9).

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Page 36: 1 Les Biotopes de BleherLes Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium3 Éditorial: Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium Cher lecteur, À

1. De l’avion, onpouvait distinguer de

nombreux petits affluents,ruisseaux et rivières, dans cette vallée géante. Aucun

d’eux n’a encore été exploré et ils abritent probablementdes centaines d’espèces inconnues. Mais il est extrême-

ment difficile d’y pénétrer, quand cen’est pas tout simplement impossi-

ble. 2-4. Les Allemands (l’Irian Jayafut dans un premier temps hol-

landaise avant d’être colonisée parl’Allemagne) ont, on ne sait pas

exac tement quand, introduit ici troisespèces exotiques : 1. Barbonymus

gonionotus de Java. 3. Cyprinus carpio, d’Europe et 4. Oreochromis

niloticus d’Afrique. Compte tenu detous les poissons présents sur place,

qu’est-ce qui a bien pu justifier cela ?5-7. Le demi-bec, probablement ici

Zenarchopterus kampeni, est pour sapart natif de la région.

8-10. Dans cet affluent limpide (8) nous prîmes àla senne une belle espèce de Chilaterina (9), encore non décrite mais déjà connue en aquario-philie sous le nom de « poisson arc-en-cielcaméléon » (car il change de couleurs). J’en avaisdeux dans le filet (10). Elle peut atteindre 18 cm(les spécimens représentés mesuraient 14.5 cm) etest probablement la plus grande Chilaterina, apparentée au groupe fasciata. Une réelle beauté.11-12. La Chilaterina cf. fasciata la plus commune(je l’appelai Chilaterina sp. « Mamberamo »), vit

à peu près partout dans la vallée.

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lement dans le Sud de la Nouvelle-Gui-née. Il se pourrait bien que la populationdu Mamberamo représente une nouvelleet seconde espèce. C’est cette morpholo-gie sans équivalent de D. novaguineaequi a justifié la création d’une familledistincte.

Un moment plus tard, Hamaru, devantmon insistance à inspecter les lacs àl’écart, parvint à trouver un passage pourla pirogue, du fleuve jusqu’à la forêtinondée, et un énorme lac de 20 km delong s’ouvrit devant nous. C’était un bio-tope de rêve, totalement intact. À peinesurprenant car probablement jamais avantdans l’histoire du monde, un Blancn’avait visité cet endroit. Jusqu’ici, on enétait réduit à rêver qu’il puisse peut-êtreencore exister quelque chose de ce genresur notre planète, à l’orée du XXIe siècle.

Hamaru, qui avait pêché dans le Mam-beramo central pendant dix-neuf années,durant lesquelles il avait pris de nom-breux poisson indigènes dans ses filetsmaillants, connaissait la zone comme sapoche. Il me montra même une carte de

la région faite à main le-vée, assez différente detoutes les cartes offi-cielles ; néanmoins jesuis convaincu que saversion en donnait la vé-ritable image. Il appelaitle lac « Tanjum Potus ».L’eau était quasimenttransparente, avec desracines et des troncs dé-passant à divers en-droits, et la forêt depluie qui l’entourait ysemblait encore plusdense et impénétrableque jamais.

Le sous-bois riparien était composé defougères, rien que des fougères. Des mil-lions de plantes qui, à la montée deseaux, perdraient leurs feuilles ou mour-

raient complètement, et qui dès la décrue,enrichiraient toujours plus ce biotopemerveilleux de leurs feuillages vert vif.Les hérons blancs étaient partout, lesaigles dans le ciel, et les calaos plus nom -breux que jamais. Un crocodile d’1,5 ms’enfonça rapidement dans les profon-deurs à l’approche de notre bateau.

Malheureusement, la pêche ici ne pro-duisit rien de particulièrement excitant –le lac devait être directement connectéau Mamberamo à la saison des pluies.Une fois de plus, se trouvaient là des

poissons arc-en-ciel dugenre Glossolepis (mais ici,avec une tache orange surles opercules) et des pois-sons-chats Arius argentés,dont un spécimen dépas-sant les 50 cm fut mis im-médiatement de côté parHamaru pour notre repasdu soir. Cette splendide bê-te pesait 3,5 kg.

Cette soirée-là, nous poursui-vîmes notre voyage sur le Mam-beramo, vivant un coucher de so-leil incroyablement beau et dansun calme inimaginable.

Hamaru ancra son « yatch »dans la vase d’une baie et nous fûmesimmédiatement assaillis par des nuées demoustiques. Nous ne fûmes débarrassésde ces pestes (et encore, seulement d’unepartie) qu’après avoir allumé notre feu decamp sur le bateau et cuisiné notre soupede pommes de terre, pendant que les Ja-ponais préparaient leur sac de riz – on leremplissait simplement avec de l’eauchaude, on patientait 20 minutes et onobtenait du riz instantané avec tout sonaccompagnement. Tandis que nous dé-

gustions notre thé, sauterelles et gre-nouilles nous donnèrent la sérénade, seu-lement interrompues par le cri perçantdes oiseaux.

Le feu de camp fut réduit à des braiseset nous déployâmes notre arsenal anti-moustiques : répulsif à enduire, mousti-quaires et fumigènes. On ne prenait ja-mais trop de précautions ici : la malaria,qui infecte plus de 200 millions de per-sonnes chaque année, était pour ainsi direendémique au Mamberamo – une autreraison pour laquelle personne ne venaitici. Les Japonais portaient une protectionsupplémentaire à leurs poignets – desbracelets anti-moustiques d’invention ré-cente, qui libéraient un parfum répulsif.

Hélas, ce ne fut pas les moustiquesqui nous empêchèrent, Paola et moi,de trouver le sommeil. Mizukami etKamaihata-san entreprirent d’inter-préter à tour de rôle une symphonieen ronflements majeurs – c’étaitcomme s’ils concouraient tous deux àqui trompetterait le plus fort ! J’ai dûles secouer une bonne trentaine defois au cours de la nuit pour les ré-veiller, mais sans succès !

Avant l’aube, Hamaru et ses cama-rades étaient levés, jetant leurs filetsmaillants dans la baie. Après seule-ment quelques minutes, ils avaient unfilet plein de tilapias, barbus et pois-sons-chats, avaient fait le feu et nousappelaient pour le petit-déjeuner.Pommes de terre rôties et poisson

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étaient leur menu quotidien : matin, midiet soir. Dans le brouillard matinal, nousnous joignîmes à eux pour pousser le« Mamberamo Yatch » de la vase, tant ily était bien collé. Enfoncé dans la bouejusqu’à la ceinture, et par endroits jus-qu’au cou, Hamaru ramena le bateaudans le courant principal et poursuivitnotre remontée du fleuve ; entre-temps,une brève baignade dans le fleuve nousavait nettoyés de ce limon collant.Quelques Lorius roratus, des perroquetsverts, nous survolèrent, jacassant commes’ils essayaient de nous dire que le jourse levait, et avant que le soleil n’ait quittél’horizon, nous vîmes aussi des cacatoes

blancs, Cacatua galerita (connus locale-ment comme Kakatua besar ou JambulKuning), poussant leurs cris caractéris-tiques. Le fleuve, paisible et majestueux,s’était à nouveau éveillé.

Hamaru avait bien compris que je m’in-téressais aux lacs qui ne se trouvaient ja-mais en connexion avec le fleuve princi-pal, même au plus fort des crues, autre-ment dit qui n’étaient jamais inondés parle Mamberamo. Car les simples lacsd’inondation – et ce type de lacs étaientinnombrables sur le fleuve – possède-raient invariablement une faune aqua-tique identique à celle du Mamberamo

lui-même. C’est pourquoi, le second jourà midi, nous nous retrouvâmes de retourdans la pirogue, remontant cette fois-cisur plusieurs kilomètres un cours d’eauplus petit, de seulement 2,5 à 3,5 m delarge. Notre Sulawésien m’expliqua quebien qu’il soit encore navigable à cetteépoque de l’année, il serait impraticabledans quelques semaines. Ce n’était qu’unécoulement du lac Kli qui se trouvaitplus loin et par conséquent pas une vraierivière du tout !

Après un trajet semé d’aventures – cecours d’eau n’avait clairement jamais étédérangé et présentait encore plus debranches, de buissons et d’arbres géants

dans tous les coins que la rivière Boare,avec en plus des rives bordées de Panda-nus hérissés d’épines et donc infranchis-sables – nous atteignîmes finalement leDanau Kli. S’ouvrit alors devant nous leplus extraordinaire des spectacles quinous avaient été offerts jusque là – uneeau quasiment noire, des oiseaux innom-brables et une variété de poissons sanséquivalent. Quand Hamaru trempa sesdoigts dans l’eau, des centaines de pois-sons-chats arrivèrent à la surface, se dis-putant la proie qu’ils pensaient s’être po-sée. Je fus immédiatement convaincu quece lac recèlerait au moins une espèce en-

démique. C’est généralement le cas à tra-vers toute la Nouvelle-Guinée : les lacsgéographiquement isolés possèdent desespèces endémiques. Mais la plupart dutemps, les attraper est très difficile. L’eauétait aussi très profonde ici et les filets neramenèrent rien d’autre que quelques go-bies. Hamaru tenta alors d’aller un peuplus loin sur le lac. Au milieu, nous pas-sâmes de petites îles à la végétation fan-tastique et des bosquets d’arbres qui, bienque profondément enfoncés dans l’eau,donnaient tout signe de prospérer. De là,j’aperçus une berge où nous pouvionspeut-être accoster. En dépit des fourrés

1-4. La jungle, vierge et intacte (2), et ses centaines de lacs superbes, inhabités ni même visités (1), dans unevallée géante épargnée, sillonnée derivières inconnues (3), que hantentseulement les hérons (4) et autres animaux. Pas d’humains, pas leurtrace non plus. 5-6. J’ai eu la possibi -lité de visiter seulement quelques unsde ces lacs isolés, tel que celui-ci (6).Mais nous marchâmes trois jourspour l’atteindre – et pour n’y trouverqu’une espèce de gobie (5).

Page de droite : 7-10. Le très petit nombred’indigènes (aborigènes) qui vivent dans lavallée du Mamberamo peuvent se comptersur les doigts de quelques mains. Sur mestrois voyages ici, je n’ai pas vu plus de centindigènes dans cette région plus grandeque la Suisse. Ils vivent encore à l’âge depierre et se comportent en tribus nomades.Leurs huttes ne sont couvertes que d’unéphémère toit de palmes (7). Leurs outilssont faits à partir de matières tirées di-rectement de la nature, y compris leursarcs et leurs flèches – un certain type deflèche pour attraper une certaine espèced’animal ou de poisson (8). Leurs vête-ments (9) sont faits de l’écorce qu’ilsprélèvent sur une certaine variété d’arbre,ou leur ont été donnés il y a une éternitépar des missionnaires. Mais tous se mon-trèrent toujours très amicaux et m’accueil-lirent dans leur modeste demeure (10).

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était simplement rose, mais avec unequeue rouge vif. Le filet en contenaitdeux à la première prise, mais les cap-tures suivantes se firent attendre jusqu’àune petite baie, située sur le chemin duretour, où nous attrapâmes quatre nou-veaux spécimens après une terrible lutteavec les broussailles. À cet endroit, nousfûmes aussi en mesure de voir combienles berges de ce lac plongeaient abrupte-ment dans ses profondeurs. Il devait s’en-foncer sur plus de 50 m.

Pendant notre « sortie » au lac Kli,l’équipage participa en tentant une pêcheà une profondeur d’à peine 40-80 cmdans la zone d’inondation ; nous y trou-vâmes d’énormes bancs de cette espècede Glossolepis présente dans tout leMamberamo. Nous capturâmes aussi uneautre forme, très argentée, et qui sans ce-la lui ressemblait beaucoup (femelle ?).En supplément, se présenta une espècede Zenarchopterus, un demi-bec à la

gueule unique, la mâchoire inférieuremesurant jusqu’à 8 cm de long et la su-périeure n’étant qu’un simple moignon,mais l’ensemble s’emboîtant parfaite-ment malgré tout. Elle n’était représentéeque par un seul spécimen de 24,5 cm.Seulement deux espèces, Z. alleni et Z. novaguineae, étaient connues dans larégion. Mais une identification précisen’était pas possible à ce stade du voyage.

Nous capturâmes aussi un autre pois-son très inhabituel : une perche à grandebouche du genre Glossamia, probable-ment dans une nouvelle espèce. Le pa-tron coloré ne correspondait ni à celui deG. beauforti, ni à celui de la G. gjellerupià deux bandes, les seules espèces décritesdans la région. Un groupe de poissonsvraiment intéressant. Ils sont restreints

ve toujours dans l’Idenburg, pour lasimple et bonne raison que je ne l'en ai ja-mais ramené (si ce n’est en photos). Peut-être que cesespèces seront décrites un jour. Et peut-être pourrais-je y retourner pour collecter le véritable G. multi -squamatus et cette fois-là vraiment le ressu sciter... 7-9. On trouve aussi des gobies dans le systè me duMamberamo (7). Ici, quelques espèces de Glossolepisnon décrites. La Glossamia (8), un membre d’eaudouce de la grande famille marine des Apogonidae,n’a pas été non plus classifiée à l’heu re actuelle. C’estune incubatrice buccale et une prédatrice, qui mangede petits poissons. Les arai gnées sont omniprésentesdans la vallée du Mam beramo, y compris sur lesbrindilles à la surface de l’eau (9).

10. Seulement prèsd’une centained’espèces sont reconnues dans legenre Nepenthes –plantes carnivorescommunément appelées plantes àurnes ou tasses dessinges – et nombred’entre elles setrouvent en Nouvelle-Guinée.Cette île recèle(encore) unegrande richesse deflore et de faune.11. Une autre nouvelle décou-verte étonnante fut cette espèce dePseudomugil à œilbleu. Encore nondécrite.

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium72 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 73

sur la rive, notre Sulawésien mit unenouvelle fois dans le mille et en un riende temps, nous étions tous les deux avecses aides, dans l’eau noire. Je nageai àtravers le lac avec le filet de 7 m derrièremoi, essayant d’atteindre la berge oppo-sée aussi vite que possible – plus facile àdire qu’à faire. Arrivé là, après avoir reti-ré du filet les nombreux morceaux de ra-cines qu’il avait récupérés au cours demes régulières plongées sous les obs-tacles (jusqu’à 5 m de profondeur), je visun poisson rouge saumon en pleinmilieu !

Quelle sensation ! Il rivalisait avecGlossolepis inciscus, à ceci près que lacoloration rouge des mâles était répartieen bandes horizontales, principalementsur la partie supérieure du corps, et s’es-tompait vers le bas. Mais sa teinte rougesang était tellement vibrante que je laissaisortir un cri, à peine capable de retenirmon enthousiasme. Le corps des femelles

aux habitats d’eau douce, contrairementaux autres membres de la famille (Apo-gonidae) qui habitent principalement leseaux salées et ont une distribution mon-diale. On recense sept espèces décrites,dont six sont endémiques à la Nouvelle-Guinée, la septième, G. aprion, se trou-vant en Australie du Nord. Ce sont despiscivores qui utilisent aussi leursgrandes bouches pour couver leurs œufs.L’eau était à 29,5°C et à midi, la tempé-rature de l’air dépassait les 40°C sur lethermomètre.

Le trajet du retour au Mamberamo futrelativement plus facile que la remontéede la rivière. Nous nous allongeâmes ànotre aise pendant près de 6 km dans lapirogue d’Hamaru, tandis qu’il écartait,comme à son habitude, les nombreusesracines d’arbres et les troncs de notrepassage. Cette nuit, je pourrais dormir surmes deux oreilles : j’avais encore satisfaitmon ambition, tenue depuis treize ans, de

découvrir chaque année un nouveau pois-son arc-en-ciel. Il commençait à pleuvoir.Il avait plu à plein seau la nuit d’avant etune fois encore au cours de la journée, deces pluies typiquement tropicales, qui sielles sont de courte durée (10-15, parfois30 minutes) sont glaciales. Cette fois-ci,cela dura toute la nuit.

Avant que le silence de la nuit ne tombesur le Mamberamo, Hamaru et moi-mê-me pûmes pêcher dans la rivière Door-mann, un cours d’eau limpide, au courantfaible et au fond sableux, qui ne mesuraità ce moment-là que 8-10 m de large,mais qui au moment des crues, s’étalaitsur un bonne trentaine-quarantaine demètres de large, comme en attestaientclairement les énormes bancs de sableexposés et les troncs d’arbre balayés par

1-6. Dans un lac (que les aborigènes qui m’accompa-gnaient appelaient « Kli »), je trouvai un étonnant poissonarc-en-ciel (1-2). C’était un Glossolepis, mais un vraimenttrès rouge et selon moi encore à décrire. Car il persisteune confusion au sujet de l’espèce nommée G. multisqua-matus. Elle fut décrite en 1922, d’après un spécimen col-lecté par W. C. Van Heurn dans la rivière Idenburg (pasdans le lac Kli si reculé), en tant que Melanoatenia multi -squamata par Weber & De Beaufort, et qui décrivirentprécisément l’espèce que je collectai moi-même dans la ri-vière Idenburg (5-6), sa localité type. Or, mon poisson dulac Kli (déjà introduit en aquariophilie) présente systé-matiquement des yeux rouges et des rayures de mêmecouleur (1-2), et cela dès le stade juvénile, où les yeux com-mencent à virer au rouge et où les bandes rouges appa-raissent clairement (3). Ces caractéristiquessont absentes chez l’espèce trouvée dansl’Idenburg et n’apparaissent pas plus danssa description originale. Pourtant G. R. Al-len, continue d’appeler les deux G. multi -squamatus – y compris celle que l’on trouvedans la vallée Ramu éloignée (en Papoua-sie-Nouvelle-Guinée), qui représente encoreune espèce différente (également non décri-te) et qui est répandue en aquariophilie àtravers le monde entier, encore et toujourssous le nom de G. multisquamatus. Bref, enréalité, les poissons présents dans les aqua-riums sont tous les deux nouveaux, tandisque le véritable G. multisquamatus se trou-

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7-9. Quel que soit l’endroit où nous collections et cherchions, eauboueuse (7-8) ou eau claire (9), les poissons étaient omniprésents.Partout, c’était la plupart du temps les espèces déjà mentionnées,

Chilatherina fasciata et Glossolepis multisquamatus (10), en eauxprincipalement turbides. Melanotaenia vanheurni (11-12) ne setrouvait elle que dans l’affluent limpide (9) de la rivière Iden-burg. De même que cet intéressant Glossogobius cf. koragensis

(13). Toutefois, nous ne trouvâmes jamais là Melanotaenia praecox, bien que Van Heurn l’avait collectée en 1907 dans

le fleuve Mamberamo...

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium74 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 75

la force du courant et éparpillés à la ron-de comme des allumet tes. Cette rivièreétait l’un des deux seuls sites de collec-tion où, aux alentours de 1920, desmembres de la famille des pois sons arc-en-ciel, les Melanotaeniidae, furent tirésdu Mamberamo, conservés, et deux ansplus tard, en 1922, décrits par les ich-thyologistes Weber et de Beaufort.L’autre site était l’ancien Pioneers Bivak,où avait été trouvée une certaine M. praecox.

Dans le Doormann (les indigènes conti-nuent d’utiliser le nom allemand), jetrouvai aussi le plus grand de tous lesMelanotaeniidae (au moins, comme ilssont connus dans la nature). Dans la lu-mière du projecteur, des spécimens fai-sant jusqu’à 16,5 cm nageaient autour demes jambes. Cette espèce est pour l’ins-

tant connue de la science en tant que Me-lanotaenia vonheurni, mais tant la formede la bouche que celle de son corps rap-pellent Chilatherina, sans parler de sonhabitat et de sa manière de se mouvoirqui plaident aussi pour son rattachementà ce groupe. Chilatherina, à la différencede Melanotaenia, se trouve presque ex-clusivement dans des ruisseaux et des ri-vières à fort courant – généralement dansles zones de rapides – et seulement eneau claire. Le genre n’apparaît que rare-ment dans des lacs (C. bleheri étant l’ex-ception) ou en eaux troubles ouboueuses. Encore une fois, nous pê-châmes quelques gobies, mais ceux-làétaient loin d’être aussi colorés que ceuxdes eaux noires du lac Kli. Et encore unbarbus, un exotique !

Trempés jusqu’aux os par la pluie, nous

nous blottîmes autour du « foyer », àbord de notre « yacht », pour nous sécheret penser aux moments merveilleux quenous avions eus sur le Mamberamo.Nous ne savions que trop que dès le len-demain matin, un hélicoptère de l’AirfastCharter Company de Jayapura arriveraitpour nous chercher. Retour à la « civili-sation ». J’aurais préféré rester, un senti-ment que Paola partageait, mais il y avaitaussi les Japonais...

Hamaru et son équipage naviguèrent àtravers l’incessante pluie torrentielle endirection de Dabra, où nous jetâmesl’ancre à 2 h du matin. La manière dontcet homme retrouvait son chemin à tra-vers le dédale des rivières, dans une forêtnoire d’encre et sous la pluie battante,était proprement miraculeuse.

Paola et moi restâmes à bord de notre

1-5. La plupart des lacs reculés de la vallée du Mamberamon’étaient accessibles que par la terre. Il nous fallait ancrer

le bateau, puis marcher (1). Et comme cette vallée géanteétait avant tout constituée de marais et de boue, la marche

se faisait rapidement très désagréable (5). Malheureuse-ment (pour les aquariophiles), de tels lacs boueux abritent

rarement des poisson arc-en-ciel mais plutôt, etsystématiquement, des gobies et des goujons. Celac possédait deux goujons remarquables : l’unqui était certainement Giurus magaritacea (2), quel’on trouve partout en Nouvelle-Guinée et ailleurs,et qui peut atteindre 30 cm ; et une autre grandeespèce, non encore décrite (4). Le gobie apparte-nait sans aucun doute au genre Glossogobius (3) etressemblait plus ou moins à G. bulmeri. 6. Le lacmentionné ci-dessus, dans lequel nous collectâmesces espèces, est visible ici de l’avion.

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Page 40: 1 Les Biotopes de BleherLes Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium3 Éditorial: Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium Cher lecteur, À

1. La plupart des coursd’eau principaux du

Mamberamo subissentl’influence des marées

– bien que certainsd’entre eux se trouvent

à 1 000 km del’Océan...

2-4. Le Pandanus (2)pousse pratiquementpartout dans la vallée

du Mamberamo, etsous plus d’une espèce.

Ses graines rougesfournissent une

alimentation aux indigènes, de mêmeque les autres nom-

breux fruitsendémiques, pour

la plupart inconnus (3-4).

Ci-dessous : Ici, personne ne possède de moteur hors-bord ouquelle que sorte d’engin que cesoit, à l’exception des pirogues,dans lesquelles on transporte

tous ses biens, tels que ces casoars nains ou dits de Bennett

(Casuarius bennetti).

6. Hamaru travail-lait constamment à

améliorer le bateau,tout au long de notre

voyage. 7-8. Les fruits locauxme rendaient fou : il

me fallait tous lesgoûter, et chacun

était meilleur que leprécédent…

9-10. Je demandaitoujours conseil

avant auxaborigènes, qui

m’apprirent aussileur art fantastique à

confectionner desflèches, des lassos et

des harpons pour at-traper les poissons…

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« yatch », afin de pouvoir y dormir lesquelques heures qui nous restaient. Ha-maru tendit un grand morceau de toile ducôté du vent, pour protéger nos lits duplus fort de la pluie, puis accompagnaKamihata et Tarzan au-dessus de la bouejusqu’à la terre ferme.

Soudain réveillé par l’épouvantable va-carme d’un hélicoptère au-dessus de matête, je jaillis de dessous ma moustiquaireet regardai vers le ciel, encore encombréde nuages qui pleuvaient tout ce qu’ilspouvaient. C’était un hélicoptère apparte-nant à la P.T. Freeport Mining Companyde Tembagapura, la plus grande mine decuivre, d’argent et d’or d’Irian Jaya (et detoute l’Indonésie !), avec plus de 140 000employés. Les forages s’étaient déjàétendus au bassin du Mamberamo. Deuxpersonnes étaient restées ici plusieurs se-maines durant pour faire une étude de lazone et elles étaient ravitaillées presquetous les jours par les airs. L’hélicoptèreavait même transporté un grand nombrede bidons de 200 litres de benzène, dansdes filets accrochés sous le ventre, enprovenance de Tembagapura, situé hautdans les montagnes.

De mon côté, j’espérais que notre pilotequi devait arriver de Sentani ne pourraitpas tenter le voyage par ce temps. Maisles choses tournèrent tout autrement.

Lors de mon premier voyage en IrianJaya et dans le Mamberamo (1982), encompagnie de mon ami, le Dr. G. R. Al-len, ichthyologiste de renommée interna-tionale, et du photographe Dr. W. Tims,mon pilote m’avait dit, lorsque je luiavais demandé quand et à quel prix jepouvais louer un hélicoptère : « Vous de-vez avoir trois choses en tête quand vousvenez en Irian Jaya :

1) Il faut oublier toute notion de temps ;2) Tout coûte au moins trois fois le prix

qu’il vaut ailleurs ; et 3) Rien ne tournera comme vous l’avez

prévu. »Je dois dire que tout cela se révéla par-

faitement vrai lors de chacune de mes ex-péditions dans cette partie de l’Indonésie.

Notre pilote du jour, un Australien sur-nommé Captain Threat (= Capitaine Me-nace), un homme au visage tanné et éma-cié, qui donnait l’impression d’être per-pétuellement en colère, vêtu de sandales,de chaussettes, d’un short et d’un cha-peau râpés, arriva pourtant bel et bien etvoulut repartir aussitôt. Je réalisai que par

ce temps nous ne verrions rien du magni-fique panorama du Mamberamo tel queje l’avais imaginé à l’origine, pas plusque nous n’aurions l’opportunité de nousposer sur l’un des lacs. Je demandai doncà Hamaru, venu nous dire au revoir, dem’accompagner à la rivière Uge non loinde là pour chercher des poissons et desanimaux aquatiques.

Accompagnés par deux boys, nous nousesquivâmes discrètement, sans un mot àquiconque, laissant Threat incapable departir sans nous ! Une heure plus tard,après avoir franchi un nombre incroyablede ruisseaux qui coulaient des montagnessuite aux pluies et qui avaient inondé lazone entière, nous atteignîmes l’embou-

chure de l’Uge. Mais ce ruisseau avaitsans surprise été transformé en un torrentrugissant et boueux. J’avais beau êtrel’optimiste de service, là, j’avais moi-mê-me des réserves sur la probabilité d’attra-per quoi que ce soit dans ces conditions.Partant au combat contre le torrent dé-chaîné et rouge de boue, le fidèle Hama-ru suivit malgré tout mon exemple ; maisaprès vingt lancers de filet, nous étionshors d’haleine et toujours bredouilles.Nous avions des épines dans les pieds,les mains lacérées par les pierres et lesracines, et à plusieurs reprises nous fû -mes entraînés sous l’eau par le courant,avalant au passage des kilos de boue.Nous étions alors vraiment à deux doigtsd’abandonner. C’est alors que nous repé-râmes une baie de 6 m de large, au cou-rant plus faible, et notre vingt-et-unièmeet dernier lancer allait donner lieu à une

expérience inoubliable. Réunissant toutce qui nous restait de force, nous traî-nâmes le filet de 7 mètres, lourd etmouillé – encombré de racines et defeuilles – et nous le hissâmes à terre àgrand peine, enroulé autour de nos cous.À première vue, il semblait que nousn’avions rien attrapé d’autre que l’espècede Chilatherina capturée dès le début denotre voyage. Mais juste au moment oùj’allais réellement abandonner et étais surle point de nettoyer et rouler le filet, jeremarquai quelque chose d’incroyable-ment beau qui rutilait parmi les feuilles !Cela resplendissait comme un néon lumi-neux ! Un poisson minuscule ! Seule-ment un centimètre de son corps était vi-sible et malgré tout je savais que c’étaitça ! La découverte de la décennie ! Lepoisson de mes rêves, aux couleurs iri-descentes et chatoyantes sans équivalent.

Existait-il réellement ? Cela pouvait-ilêtre vrai ? Comme en transe, je me jetaisur le filet pour le saisir avant qu’il nepuisse s’évanouir, et je trébuchai au pas-sage sur une branche, me plantant unéclat de bois dans le pied droit. Mais surle moment, je ne pensai à rien d’autre.Hamaru comprit alors que pendant toutce temps, c’était cela que j’avais essayéd’atteindre. Avant cela, il avait pensé quecomme d’habitude, j’étais simplementdans mon rôle de gringo excentrique.Mais maintenant, lui aussi était ébahi,comme si pour la première fois surpresque vingt ans, il voyait quelque cho-se de nouveau dans « son » monde.

Ce joyau n’était probablement pas toutseul ! Nous draguâmes à nouveau le litde la rivière avec une vigueur retrouvée –mais sans succès. Bien que complète-ment épuisés, trempés et frigorifiés, nous

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redoublâmes nos efforts et au quarante-et-unième lancer, nous ramenâmes finale-ment deux spécimens supplémentaires.Cela me suffisait pour vivre. Nous esti-mant raisonnablement satisfaits, nousempruntâmes le chemin du retour, traver-sant un affluent de l’Uge, qui n’était pasautant en crue. Nous jetâmes sansconviction notre filet dans ce coin isolé etramenâmes une première fois cinq, puisquatre, puis finalement trois autres de cespoissons ! Mon ravissement était à cemoment-là assez indescriptible. Je dansaidans l’eau comme Rumpelstiltskin autourde son trésor (= personnage de conte al-lemand – N.d.T.). Seulement quatre foisdans ma vie, j’avais ressenti cela : en1954, quand petit garçon, j’avais aperçupour la première fois un piranha-pacu,une espèce encore non décrite de Cato-prion, dans le Rio Guaporé, Province duMato Grosso, Brésil ; en 1964, quandj’attrapai le characin à nez rouge, Hemi-grammus bleheri, dans un affluent du RioNegro ; en 1971, quand je ramenai dansmon filet un fantastique discus « RoyalBlue », un individu dominant de la sous-espèce Symphysodon aequifasciatus ha-raldi, sur le lac Manacapuru, dans l’étatd’Amazonas ; et en 1982, dans le lacAjamaru sur la péninsule du Vogelkop,en Irian Jaya, où je vis pour la premièrefois le poisson arc-en-ciel corail, Melano-taenia boesemani. Tous ces poissons quisont aujourd’hui élevés dans le mondeentier et figurent parmi les plus beauxhôtes des aquariums.

Je savais que l’année 1993 entrerait

aussi dans l’histoire des poissons. Celane faisait aucun doute que le « poissonarc-en-ciel néon » rencontrerait un succèstonitruant dans le monde. Une taillemaximale de 4,5 cm (seulement 3,5 cmdans la plupart des cas) ; des mâles auxnageoires ourlées de rouge tandis quecelles des femelles sont jaune pur ; et lesdeux sexes colorés comme de brillantsnéons bleus lumineux, comme celan’avait jamais été vu ailleurs que chez le

Tétra Cardinal (Paracheirodon axelrodi)et chez ma découverte zaïroise (dansl’actuel Congo), le Néon africain (Phena-cogrammus bleheri). Une telle brillanceet une telle luminosité sont rares dans lemonde subaquatique. Mais la Nature acréé quelques formes de vie qui se tien-nent, à un degré incroyable, bien au-des-sus du reste. Et c’est encore une preuvede son talent incomparable.

Toutes ces pensées traversaient mon es-prit tandis que je courai fièrement dans lecourant, mon butin dans les mains, sansmême remarquer que mes galochesavaient été emportées. Au septième ciel,je volai sur les bâtons et les cailloux, sansm’en soucier. Et quand je revins à l’héli-coptère, pas même le courroux du Cap-tain Threat ou la grosse colère des Kami-

hata-Tarzan pour le retard, auraient pugâcher ma bonne humeur. Et comme jel’avais prophétisé, le ciel s’éclaircit, lesoleil sortit, et nous pûmes partir, tel queje l’avais planifié…

Une fabuleuse vue panoramique duMamberamo s’étendit devant nous. Nousen fîmes trente rouleaux de pellicule,photographiant la rivière la plus majes-tueuse de Nouvelle-Guinée, mais aussi lamoins explorée, et qui conserve la plu-

part de ses secrets. Nous survolâmes unnombre presque incalculable de lacs iso-lés géographiquement, certains d’entreeux assez profonds, mais sans qu’il soitmalheureusement possible d’atterrir.J’avais dans la tête que chacun d’entreeux renfermait au moins une espèce en-démique et sans les efforts de Paola, j’au-rais sauté hors de l’hélicoptère (ce quej’ai vraiment fait à une autre occasion).

Il y avait là des lacs avec de la végéta-

1-6. Les cours d’eau principaux de la vallée sontremplis de crevettes ; à chaque coup de filet, il s’entrouvait par centaines (1). Hamaru, à ma troisièmevisite, avait déjà commencé à faire ses propressalaisons de poissons : au milieu de la rivière, ilsalait et faisait sécher ses prises (2), en grande par-tie des espèces exotiques... rarement de gros pois-sons-chats, tels que les grandes espèces d’Arius (3)ou de Doiichthys (6), qu’il faisait frire fraîches surnotre bateau (4). Le bateau qu’il avait bâti futnotre maison des jours durant, et nous y brossionsnos dents, comme ici (5), y mangions et dormions...

Quelques photos de mon premier et de mon dernier voyages : 7. Mon premier atterrissage avec un avion de missionnaire, un petit Cessna, en 1982. Ici, en

compagnie d’aborigènes, du pilote et de G. R. Allen (en chemise verte), sur une piste d’atterris-sage du Mamberamo. 8-10. Lors de mon récent et dernier voyage, malgré l’obtention d’un

permis auprès des plus hautes autorités de Jakarta, nous fûmes forcés à partir par le commandement militaire de Dabra. Même mes communications radio furent sans effet (10). Je

dus abandonner derrière moi 1 200 litres de carburant et un moteur hors-bord. Mais nousavions auparavant marché trois jours jusqu’à un lac reculé, à travers de profonds marécages (8),

retirant les sangsues au couteau (9). 11. Cette carte montre clairement que la vallée du Mamberamo est complètement ceinturée de hautes montagnes, totalement isolée du monde.

L’endroit le plus préservé sur Terre…

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(Aussi parce que l’hélicoptère était déjà arrivé depuis quel -ques temps…) Et comme cela a été raconté, ce fut le mira -cle : un seul et unique petit poisson rutilant, au beau milieudes paquets de feuilles. C’était lui ! Melanotaenia praecoxresplendissant comme un diamant, comme un néon (4). Jepouvais à peine en croire mes yeux, le miracle était là, monrêve était devenu réalité. J’en collectai de nouveaux, 15 spé-cimens au total, que je ramenai (il en arriva 13 en vie enEurope, qui donnèrent les 5 millions produits aujourd’hui

1. Au cours des derniers jours sur le Mamberamo,il plut non-stop, nuit et jour, sans qu’il soit possible

de trouver la Melanotaenia praecox. La déceptionétait générale. Mais j’eus ce rêve, lors de la dernière

nuit que je dormis à bord du bateau, tandis qu’ilpleuvait sans interruption… qui me disait que

j’avais cherché bien trop loin. Quand l’Allemandvint ici il y a presque 100 ans, il n’y avait que ce vil-lage indigène (aujourd'hui Dabra), et il l’avait trou-

vée à proximité. Je me levai et décidai de partir,pour la chercher dans les ruisseaux proches (2-3),

même si je savais que l’hélicoptère était sur le point d’arriver de Jayapura pournous ramener. Je sillonnai toute la zone environnante à pied et sous la pluie in-

cessante. Je manipulai la senne avec un indigène d’un bout à l’autre des ruis-seaux, qui nous entraînaient plusieurs fois au loin, tant le courant était fort avec

cette pluie. Nous étions tous les deux complètement épuisés et toujours sanspoisson, quand je lui dis : « Encore un coup de filet et nous rentrons ».

chaque mois dans le monde). Mon poisson de rêve (6), le poisson du siècle (XXe)comme je le surnommai (ou « petit poisson arc-en-ciel néon »), a conquis l’aqua-riophilie, comme pratiquement jamais aucun autre ne l’avait fait. Kamihata (7),Tarzan, Paola et le pilote avaient attendu deux heures, et étaient furieux contremoi, mais au lieu de quoi que ce soit, ce dernier me dit simplement « Vous êtesun génie ». Hamaru comprit alors ma quête et se mit à goûter l’aquagéo (5).

9. Nous rentrâmes finalement dans l’hélicoptère affrété (9) à Jayapura (pour une petite fortune) avecnotre précieux chargement. 10. Lors de mon dernier voyage, je fus forcé (par les militaires) derepartir avec un avion de location, en laissant une petite somme de carburant (1 200 l) et le moteur hors-bord (10), qu’ils confisquèrent. Pour une raison ou pour une autre, je crois que l’ondoit passer par l’enfer si l’on veut obtenir quelque chose de valeur. Mon enfer fut que je n’étaispas satisfait et qu’en attendant à Sentani notre vol retardé pour Jakarta, je partis pêcher dansun cours d’eau chargé d’ordures et je sautai sur un boulon rouillé, qui s’enfonça de 2,5 cm (11).Deux mois de plâtre (12). Pas de bonheur sans douleur.

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tion sur leurs rives et sous leurs eaux ;des lacs d’eau noire (l’habitat de certainsdes poissons les plus colorés du monde) ;des lacs teintés de vert ou de bleu. Envi-ronnés par une forêt dense et vénérable,la forêt primaire dans toute sa gloire.

Les arbres étaient couronnés de fleurstantôt rouges, tantôt jaunes. Certains bio-topes étaient parsemés de palmiers, tan-dis que dans d’autres, les Pandanus épi-neux prédominaient. La flore du Mambe-ramo est vraiment sans égale.

La branche que nous survolions étaitl’Idenburg, cet affluent du Mamberamo.Et l’autre branche, à l’est, qui n’était pasreconnue comme le Mamberamo, senommait le Rouffaer (Tariku). Mais cesdeux affluents, qui se joignaient pour for-mer le Mamberamo à proprement parler,restaient toujours considérés à part entiè-re comme des parties de ce fleuve. En-semble, ils formaient non seulement letrésor biologique le moins exploré maisaussi le plus grand système fluvial de ladeuxième plus grande île sur Terre.

Il est peu probable que l’homme blancsera jamais en mesure de dévoiler tousles secrets du Mamberamo, ni que lemonde civilisé appréciera jamais la di-versité de cette région unique, ni mêmeque les scientifiques comprendront unjour la complexité de cet écosystème.

Par chance, le gouvernement indonésiena déclaré cette région « d’accès interdit »et il est pratiquement impossible d’obte-nir un permis pour visiter la zone. Espé-rant que les choses resteraient ainsi, quela P.T. Freeport Mining Company n’y dé-couvrirait pas des minerais comme dansles montagnes, et que la National Perta-mina Oil Company, qui avait effectué desforages en quête de son « or noir » à troisendroits ne trouverait rien, je regardaipour la dernière fois la forêt infinie duMamberamo, ce fleuve qui ne figure nisur les guides de l’Indonésie, ni sur ceuxqui traitent de ce pays.

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM IndonésieIndonésie INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMIndonésieIndonésie

Quelques suggestions pour les aquariums biotopes à poissons arc-en-ciel : 1. Voici le lac Wanam, dont est originaire

Glossolepis wanamensis (2), un splendide poisson arc-en-ciel.Il y vit en compagnie de Chilaterina fasciata (3) et de gobies,dans un riche biotope aquatique, abondamment pourvu de

nénuphars et de lotus, ainsi que de Ceratophyllum demersum. 4. Chilaterina bleheri est aussi endémique à un certain lac (Danau Biru),

sans autre espèce de poisson arc-en-ciel, seulement des goujons et des gobies. 5-6. Melanotaenia boesemani (6) vit dans deux lacs (communicants) remplis de fougères aqua-

tiques (5), d’espèces de Najas et Ceratophyllum. Seulement accompagné de Pseudomugil reticulatus (7), et non de P. ivantsoffi (8) comme cela a pu être écrit ailleurs.

9-10 Un habitat typique (9) du beau Glossolepis dorityi (10), que j’ai également découvert et que j’ai appelé le « poisson arc-en-ciel à zigzag rouge ». Ce milieu estlui aussi abondamment peuplé de nénuphars, ainsi que d’espèces de Ceratophyllum, quelques Barclayas et rarement Aponogeton. 11. Melanotaenia alleni

(pas encore introduit en aquariophilie) vit sur fond de gravier, dans des rivières et des ruisseaux avec du courant et presque pas de végétation. 12. L’espèce deMelanotaenia (classifiée par certains comme M. goldiei) que je découvris dans un ruisseau appelé Tapini en Papouasie-Nouvelle-Guinée – la raison pour laquelle jela nommai Melanotaenia sp. ‘Tapini’. Une véritable beauté, disponible en aquariophilie. Elle apprécie la mousse (comme sur l’image), un fond de gravier avec un

peu de sable. On peut lui associer des gobies ou des goujons, éventuellement quelques yeux bleus (Pseudomugil novaguineae, ou P. gertrudae ou P. paskai). 13-14. Un autre poisson récemment collecté pour la première fois : le véritable Melanotaenia misoolensis (qui est mal identifié dans de nombreuses publications).

Le spécimen représenté correspond à la véritable espèce : un corps étiré en hauteur et l’incroyable capacité de changer de couleurs (parfois en quelques minutes),en passant par exemple du bleu acier (13), au rouge orangé (non représenté) ou au jaune d’or (14). Cette espèce ne se trouve que dans deux ruisseaux de l’île de

Misool, dans une eau dénuée de végétation, seulement du gravier et des plantes trempant dans l’eau. Pour tous ces poisson arc-en-ciel (et les yeux bleus), l’eau peut avoir sans problème une dureté jusqu’à 500 microsiemens et un pH jusqu’à 8, pour des températures variant de 23 à 28°C.

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Sur ces deux pages, quelques exemples d’aquariumsbiotopes très typiques pour poissons arc-en-ciel : 1. Celui-ci est décoré pour Melanotaenia praecox (2),dont traite l’article précédent (en donnant des informations supplémentaires). Il devrait comporterquelques plantes (ici Microsorium pteropus, que l’ontrouve dans toute la Nouvelle-Guinée, attaché à du boisflotté ou à des rochers) ; des zones de gravier et de sable– mélangées. J’avais décoré cet aquarium pour une exposition et les poissons se sentirent aussitôt tellement« comme chez eux », qu’ils commencèrent à pondre…3. Cet aquarium est exposé à Denver, Colorado (USA),en tant qu’aquarium aux poissons arc-en-ciel. Je l’aivisité il y a deux ans et j’ai trouvé qu’ils avaient fait dubeau travail. Naturellement, ils ont placé ensembleplusieurs espèces différentes de poissons arc-en-ciel (ainsi que quelques gobies et yeux-bleus) mais l’ensem-ble n’en a pas moins belle allure et si on le compareavec la photo subaquatique que j’ai prise de l’habitatnaturel de M. boesemani (cf. photo 5, p. 86), on peutconstater qu’il y ressemble beaucoup…

4-6. Voici ci-dessus une autre présentation typique,pour Melanotaenia angfa cette fois-ci (4), décorée,

encore de Microsorium pteropus, de certaines es-pèces de Spatiphyllum et de plantes flottantes

(Azolla ou Lemna sp.). Beaucoup de sable blanc finet de pierres colorées (brun rouille). Là aussi, cette

espèce de poisson arc-en-ciel s’est senti comme dansla nature, comme le montre son comportement. Elle

a immédiatement entamé sa parade nuptiale (5) etmontré le meilleur de ses couleurs (de jeunesse) (6).

Chose importante pour les poissons arc-en-ciel et lesyeux-bleus : ne jamais surpeupler le bac. Ils nevivent jamais en très grands bancs ou groupes.

La quantité montrée ici est celle qui convient. Donnez-leur aussi un peu d’ombre.

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MILIEU MARIN Les Rochers de St-Paul Les Rochers de St-Paul MILIEU MARINLes Rochers de St-Paul Les Rochers de St-Paul ne à des profondeurs de 60 m. Par le pas-sé, la nature inhospitalière et l’inaccessi-bilité des Rochers de St-Paul ont empê-ché des études biologiques détaillées.Malgré tout, depuis l’établissement d’unestation scientifique par la Marine brési-lienne en juillet 1998, les ichthyologistesont été en mesure de visiter périodique-ment l’île afin de réexaminer le statut dela population des poissons récifaux (lesRochers, aujourd’hui appelés « Archi-pel », sont en permanence inhabités).

L’Archipel naît à 4000 m de profondeursur le plancher océanique, à proximité de

la dorsale médio-atlantique ;deux âges possibles lui sontdonnés : 9,5 MYBP (c’est-à-di-re Million Years Before Pre-sent = Millions d’années jus-qu’à aujourd’hui) s’il a pourorigine une crête proche, ou 35MYBP s’il a pour origine unecrête océanique plus éloignée.Il se compose de cinq petitsîlots rocheux et de quatre plusgrands, couvrant en tout unezone d’environ 16 000 m2. Descuvettes de marée sont pré-sentes sur la plupart des îlots,qui sont généralement recou-vertes d’eau de mer fraîche àmarée haute. Une petite baiepeu profonde (2 à 21 m de pro-fondeur) est formée par l’encer-clement des trois îlots princi-paux. Le reste des habitats des

Rochers de St-Paul consistent presqueentièrement en falaises quasi-verticaless’enfonçant à plus de 60 m. Cet archipelpossède l’une des zones les plus limitéesd’habitats peu profonds (< 50 m de pro-fondeur) parmi les îles océaniques, avecmoins de 0,2 km2. La majeure partie dela zone sublittorale est dominée par le co-rail mou Palythoa caribeorum (de 3 à8 m de profondeur) et les algues Caulerpa sp. (de 3 à près de 30 m).

Les coraux hermatypiques Madracisdecactis et Scolymia wellsi Laborel appa-

raissent au niveau où Caulerpa s’arrête, àenviron 30 m, et descendent jusqu’à 45m au moins, où ils sont relativementabondants. Deux coraux noirs (Anti-pathes spp.) se trouvent à des profon-deurs de 45 m à au moins 60 m et 14 es-pèces d’algues ont été répertoriées entout.

Les dernières expéditions (mai à no-vembre 1999, septembre 2000 et août2001) totalisèrent près de 124 heuresd’activité sous-marine (54 plongées sous-marines jusqu’à des profondeurs de 62 m– dont deux plongées nocturnes, et 39

plongées au tuba). La tempé-rature de l’eau variait de 23 à26,5 ºC et la visibilité de 12 à30 m. La faune de poissonsfut étudiée dans les cuvettesde marée et à la surface desrécifs jusqu’à des profondeursde 62 m, à l’occasion d’obser-vations, de collection et dephotographies sous-marines,dans le but d’obtenir une no-tion fidèle de ce qui vit ici etd’être en mesure d’améliorernos connaissance sur l’habitatdes poissons de récifs de l’At-lantique.

Trois petits inventaires àl’huile de girofle furentconduits afin de recenser lespoissons cryptiques impos-sibles à collecter avec d’autres

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium86

Les poissons deLes poissons derécif des Rochersrécif des Rochers

de St-Paulde St-PaulLes Rochers de St-Paul sont un très petit groupe d’îles rocheuses situées sur la dorsale médio-atlantique,juste au Nord de l’Équateur, à environ 1 000 km de la côte brésilienne. Au cours de quatre expéditionsrécentes, leurs poissons furent étudiés dans les cuvettes de marée et à la surface des récifs jusqu’à desprofondeurs de 62 m. 75 espèces de poissons ont été recensées, dont 58 sont des habitantes des récifs et

17 pélagiques. Les familles les plus représentées en nombre d’espèces sont ici les Muraenidae (7 espèces), les Carangidae (5), les Pomacentridae (5), les Labridae (4), les Serranidae (3) et les Scaridae(3). Tandis que Stegastes sanctipauli (Pomacentridae), Chromis multilineata (Pomacentridae), Melichthysniger (Balistidae) et Caranx lugubris (Caranagidae) étaient les poissons les plus abondants visuellement.

Bien qu’ils aient été répertoriés lors d’expéditions précédentes, Carcharhinus galapagensis et Anthiassalmopunctatus ne furent pas aperçus. D’après nos observations, 60,3% des espèces de poissons récifalessont carnivores, 15,5% sont planctivores, 8,6% omnivores, 8,6% des herbivores territoriaux et 6,9% des

herbivores non territoriaux. Des 58 poissons récifaux recensés, 4 sont endémiques des Rochers de St-Paul et environ 80% se retrouvent au large de la côte brésilienne.

par Bertran M. Feitoza, Luiz A. Rocha, Osmar J. Luiz-Junior, Sergio R. Floeter, L. Gasparini et Heiko Bleher

2. Bassin de marée dans l’Îlot de Belmont, recouvert par de l’eau de mer fraîche à marée haute. Photo de B. M. Feitoza. 3. Baie située entre les îlots de Belmont, de Challenger et de Cabral. Photo de B. M. Feitoza.Carte des Rochers de St-Paul.

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Les Rochers de St-Paul (de l’Arquipélago de São Pedro e SãoPaulo = appellation portugaise de

l’Archipel de Saint-Pierre et de Saint-Paul) sont un très petit grouped’îles rocheuses situées sur la dorsalemé dio-atlantique, juste au Nord de l’Équateur (00°55’N ; 29°21’W), à 1 000 km de la côte brésilienne, et à1 890 km du Sénégal, Afrique. C’est l’undes plus petits groupes d’îles océaniquesdu monde et aussi l’un des plus isolés.

Les Rochers sont particulièrement inté-ressants au point de vue de la biologie deleur population et de la biogéographie enraison de leur très petite taille et de leurisolement. Ils subissent uniquement l’in-fluence de deux courants à la fois : lesous-courant équatorial – qui facilite ladispersion vers l’Est – et le courant Sud-équatorial – qui dirige les flux en prove-nance d’Atlantique Centre-Est. La zone aété visitée par des expéditions scienti-fiques depuis 1799. Il fallut cependant at-tendre 1979 pour que soit conduite uneétude impliquant une plongée sous-mari-

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium88 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 89

méthodes. Six heures de vidéo sous-ma-rine furent réalisées dans l’objectif d’étu-dier le comportement des poissons. Lesspécimens collectés furent déposés dansles collections de poissons des institu-tions suivantes : l’Universidade Federalda Paraíba, João Pessoa, Paraíba, Brésil(UFPB); et le Museu de Biologia, Profes-sor Mello Leitão, Santa Tereza, EspíritoSanto, Brésil (MBML).

Les informations et la liste d’espèce ci-dessous sont basées sur les poissons ob-servés, photographiés et collectés durantles quatre expéditions, ainsi que sur lesinformations tirées de la littérature et descaptures réalisées par les bateaux de

pêche commerciaux. Les poissons os-seux sont répertoriés dans l’ordre phylo-génétique des familles d’après Nelson(1994) ; les élasmobranches sont inven-toriés d’après Compagno (1999). Ausein des des familles, les espèces sontclassées par ordre alphabétique.

Statut actuel de la population : l’indi-cation d’abondance relative de 1999-2001 est basée sur la probabilité pourun plongeur d’observer une espèce dansson habitat normal et à une profondeurdonnée, où AB = abondant (quand onpeut espérer apercevoir au moins plu-sieurs fois de nombreux individus – 50au minimum – à pratiquement chaqueplongée), VC = [Very Common] Trèscommun (quand on peut espérer aperce-voir l’espèce au moins plusieurs fois, àpratiquement chaque plongée mais pasnécessairement en grand nombre), CM = commun (peut être fréquemmentaperçu mais pas nécessairement à

chaque plongée), OC = occasionnel (sonobservation n’est pas inhabituelle maisne peut être espérée sur une base réguliè-re), UN = [uncommon] peu commun(son observation est inhabituelle) et RA =rare (son observation est exceptionnelle).

Habitat : là où les espèces ont été habi-tuellement trouvées (d’après Edwards &Lubbock, 1983a), où : 1 = bassins de ma-rée (régulièrement ou irrégulièrement re-couverts par de l’eau de mer fraîche), 2 =zone littorale (zone des grandes marées),3 = zone à Palythoa et Caulerpa (domi-née par Palythoa caribeorum, de la partieinférieure de la zone littorale jusqu’à 8 mde profondeur, et par Caulerpa, de 3 à 30

m environ), 4 = zone sub-Caulerpa (del’endroit où Caulerpa s’arrête, environ30 m, jusqu’à 60 m environ), 5 = rivageet baie (zones en pentes douces, avec desbancs de sable, de débris rocheux et deroches détachées et isolées) et 6 = colon-ne d’eau (au large et au-dessus des récifs,zone pélagique).

Distribution selon profondeur : profon-deur couramment observée en plongée.

Distribution géographique des espèces.Catégorie trophique : déterminée

d’après une observation directe des com-portements et d’après la littérature dispo-nible, où TH = herbivores territoriaux,NT = herbivores non territoriaux,C = carnivores, P = planctivores et O = omnivores.

Statut d’enregistrement : catégoriedans laquelle l’espèce fut inventoriée.Nous considérons les « poissons de ré-cifs » aussi bien comme des espèces as-sociées à des substrats durs, que commedes formes épipélagiques qui fréquen-tent régulièrement les récifs (tels que lescarangidés, les belonidés, les requins etles raies pélagiques). L’étude de l’abon-dance et de la présence de formes juvé-niles et adultes a servi à estimer quelsmembres de la faune piscicole sont rési-dents (i.e. ont des populations autosuffi-santes) ou sont nomades (i.e. excessive-ment rares et probablement en prove-nance d’autres sites).

Résultats Notre équipe a recensé un total de 75

espèces de poissons (25 nouveaux enre-gistrements) appartenant à 36 familles.58 espèces ont été répertoriées à la surfa-ce des récifs (désignées comme « pois-sons de récifs »), dont 11 sont des es-pèces de pleine eau régulièrement obser-vées sur les récifs et 47 sont des espècesdépendantes des habitats des récifs ro-cheux. 17 espèces sont pélagiques etn’ont pas été intégrées dans la liste ci-dessous (nouveaux enregistrements engras) : Rhincodon typus Smith, 1829 ;Carcharhinus falciformis (Bibron in Mül-ler & Henle, 1839) ; Prionace glaucaLinnaeus, 1758 ;Isurus oxyrinchusRafinesque,1810 ; Cypselu-rus cyanopterus(Valenciennes,1847) ; Exocetusvolitans Lin-naeus, 1758 ; Pa-raexocoetus sp. ;Remora brachyp-tera (Lowe,1839) ; R. osteo-chir Cuvier,1829 ; Remorinaalbescens (Tem-minck & Schle-gel, 1845) ; Cory-phaena hippurusLinnaeus, 1758 ;Acanthocybiumsolandri (Cuvier,1832) ; Scombe-romorus cavalla(Cuvier, 1829) ;Thunnus albacares (Bonnaterre, 1788) ;T. obesus (Lowe, 1839) ; Makaira nigri-cans Lacepède, 1802 ; et Mola sp.

Parmi les 58 poissons de récif réperto-riés, les familles piscicoles les plus repré-sentées en nombre d’espèces sont ici lesMuraenidae (7 espèces), les Carangidae(5), les Pomacentridae (5), les Labridae(4), les Serranidae (3) et les Scaridae (3).Six peu communes, neuf (15.5%) occa-sionnelles, treize (22.4%) communes,sept (12.1%) très communes et six(10.3%) abondantes. Neuf des 16 espècesrares (Cephalopholis fulva, Lutjanus jo-cu, Stegastes rocasensis, Clepticus brasi-liensis, Thalassoma noronhanum, Spari-soma amplum,

S. axillare, S. frondosum et Bathygobiussoporator) ne semblent pas disposerd’une population autosuffisante et vien-nent probablement d’autres sites où ellessont communes (ex. : l’Archipel de Fer-nando de Noronha).

Le statut de la population de la majoritédes espèces entre 1999 et 2001 sembleêtre très proche de celui observé en 1981,à l’exception de deux espèces enregistréeprécédemment qui ne furent pas obser-vées par notre équipe : le requin des Ga-lapagos Carcharhinus galapagensis etl’anthias de St-Paul Anthias salmopunc-tatus. L’abondance de requins aux Ro-chers de St-Paul a été notée par la plupart

des premiers visiteurs et est attribuée enpartie à l’absence de pêche. Les deuxdernières décennies ont vu cependant lapression de la pêche considérablementaugmenter et les requins sont désormaispris pour cible, à cause de la haute valeurcommerciale de leurs nageoires. Lespoissons pélagiques dont se nourrissentles requins sont aussi visés par l’industriede la pêche et le phénomène peut avoiraussi sa part dans le déclin apparent de lapopulation de C. galapagensis. Anthiassalmopunctatus est endémique aux Ro-chers de St-Paul et est classé comme vul-nérable par l’IUCN. Cette espèce étaitcommune sur les parois rocheuses en-dessous de 30 m, mais notre équipe ne

l’a pas aperçue. Le grégoire de St-Paul,Stegastes sanctipauli, le chromis brunChromis multilineata, le baliste noir Me-lichthys niger et la carangue noire Ca-ranx lugubris étaient les poissons les plusabondants visuellement aux Rochers deSt-Paul et constituent certainement laproportion la plus importante de la bio-masse piscicole. Les deux dernières es-pèces se trouvent habituellement jusqu’àune distance d’au moins 150 m des Ro-chers, formant de grands groupes justeau-dessous de la surface et jusqu’à 30 mde profondeur environ. Melichthys nigersemble commun autour des îles océa-niques isolées. On rapporte une abondan-

ce similaire pourl’Île de l’Ascen-sion, l’Atoll deClipperton, l’Île deTrindade, et dansune moindre mesu-re au voisinage del’Atoll de Rocas etl’Archipel de Fer-nando de Noronha.Environ deux-tiers(60,3%) des es-pèces de poissonsrécifaux sont carni-vores, 15,5% planc-tivores, 8,6% omni-vores, 8,6% desherbivores territo-riaux et 6,9% desherbivores non ter-ritoriaux. Stegastessanctipauli est es-sentiellement consi-dérée comme unherbivore territorial,

mais elle peut se montrer aussi opportu-niste, s’attaquant de temps en temps auxœufs de poissons et aux petits invertébrésbenthiques. La même chose arrive avecle sergent major Abudefduf saxatilis (trai-té essentiellement comme un « planctivo-re ») depuis qu’il a été surtout vu en plei-ne eau, se nourrissant clairement de zoo-plancton. A. saxatilis présente des habi-tudes alimentaires parmi les plus diversi-fiées que l’on connaisse et peut être ob-servé en groupes, bien au-dessus des ré-cifs, se nourrissant de zooplancton oubroutant des algues benthiques, ou encoredes formes animales sessiles sur le fond.Cette adaptabilité alimentaire permet se-lon toutes probabilités aux planctivores

4. À-pic, l’habitat typique sur les Rochers de St-Paul. Photo d’O. J. Luiz-Junior.5. Vue sous-marine aux Rochers de St-Paul, avec l’algue verte Caulerpa sp. qui domine la majeure partiede la zone sublittorale. Photo d’O. J. Luiz-Junior.

6. Distribution géographique des poissons de récif des Rochers de St-Paul.

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opportunistes (ex. S. sanctipauli et A. saxatilis) et aux omnivores classiques(ex. M. niger) de dominer numérique-ment les environnements hostiles autourdes îles océaniques.

Des 58 poissons de récif recensés dansl’Archipel de St-Paul, 20 se retrouvent enAtlantique de l’Ouest, dont 7 sont endé-miques aux côtes du Brésil continental et1 aux Îles de Fernando de Noronha Rid-ge. 13 sont pan-atlantiques, 11 circumtro-picales et 5 sont essentiellement connuesautour des îles de l’Atlantique Centre,dont 2 se retrouvent aussi sur la côte at-lantique Est et 1 dans la Province brési-lienne. 3 sont des espèces de l’AtlantiqueNord-Ouest, dont 1 se retrouve aussi auxalentours des Îles de Noronha Ridge.

En raison des courants dominants, la

faune piscicole récifale de St-Paul res-semble davantage à celle de la Provincebrésilienne qu’à celle des Îles de l’Ascen-sion et de St-Hélène sur la dorsale mé-dio-atlantique, avec environ 80% de sespoissons récifaux se retrouvant dans laProvince brésilienne.

Les Rochers de St-Paul abritent 4 es-pèces de poissons endémiques. Notreétude a révélé la présence d’une pos-sible cinquième espèce endémique ap-partenant au genre Emblemariopsis,originaire de l’Archipel de St-Paul.C’est la première fois que l’on signaleun chaenopsidé dans la zone malgrél’importante population d’Emblema-riopsis sp. qui a été observée à des pro-fondeurs variant de 3 à 45 m. Si cetteespèce n’avait pas été rapportée jusqu’à

présent, c’est probablement dû à soncomportement cryptique.

Un des aspects les plus remarquablesdes Rochers de St-Paul est la présence dedifférentes formes colorées du poissonange royal, Holacanthus ciliaris. On endénombre trois formes colorées de base,jaune, bleue et blanche, ainsi que diffé-rentes variations et combinaisons. Deplus, toutes ces formes colorées se distin-guent de celles que l’on rencontre cheztoutes les autres populations de H. cilia-ris par une dorsale plus courte et des fila-ments sur la nageoire anale. La formejaune représentait le motif le plus abon-dant observé aux Rochers, y représentantprès de 95% des formes colorées obser-vées. Les variations colorées présentéespar la population de H. ciliaris des Ro-

chers de St-Paul furent attribuées aux ef-fets que peuvent avoir les croisementsdans une petite population isolée. Celasuggère qu’aucune recrue (ou en nombre

très limité) n’arrive d’autres sites et quela population de H. ciliaris à St-Paul semaintient par auto-recrutement, un pro-cessus plus commun que l’on ne l’imagi-

nait. Aucune variation colorée de ce gen-re n’est observée dans le reste de la dis-tribution de H. ciliaris en AtlantiqueOuest. Une possible différenciation en

7a-f. Poissons endémiques des îles de l’Atlantique Centre : a-d) Espèces de St-Paul ; e-f) Espèces de St-Paul, Ascension et Sainte-Hélène. a) Chaetodonobliquus ; b) Enneanectes smithi ; Stegastes sanctipauli, c) juvénile et d) adulte ; e) Bodianus insularis ; et f) Scorpaenodes insularis. Photos de B. M. Feitoza.

8. Emblema-riopsis sp.,une cinquiè-me espèceendémiquepossible del’Archipel deSt-Paul. Photo de B. M. Feitoza.

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très élevé et ont la capacité de maintenirleur homogénéité génétique sur degrandes distances, suggérant que la li-mitation en dispersion ne devrait pasêtre la cause principale de leur absence.Les poissons chirurgiens sont principa-lement herbivores et/ou détritivores, parconséquent les limitations écologiquestelles que la diversité d’algues relative-ment peu élevée (avec Caulerpa domi-nant la majorité des habitats de faibleprofondeur), l’absence d’habitats sa-bleux et/ou à sédiments fins (i.e. dé-chets organiques), pourraient être desraisons de leur absence, comme ellespourraient l’être pour les très faiblesdensités de scaridés. Seulement 2 des 27algues consommées par les poissonschirurgiens de l’Atlantique Sud-Ouest(Acanthurus spp.) de la côte de Paraíba,

nord-est du Brésil, sont reconnues pré-sentes aux Rochers. De plus, il a été dé-montré que les sédiments fins, sansdoute riches en matière organique (ex. :détritus), sont l’un des éléments majeursdu régime alimentaire du poisson chi-rurgien A. bahianus et du chirurgiendocteur A. chirurgus. Cette ressourcealimentaire est quasiment absente auxRochers. Il a été prouvé que les détritusreprésentent une source précieuse denutriments pour les poissons de récifbrouteurs et que la biomasse d’algues etde détritus décroît en partant des récifsabrités de l’étage intermédiaire jus-qu’aux récifs extérieurs hautement ex-posés. Les surmullets (Mullidae) et lesflets (Bothidae), qui sont étroitement as-sociés à des substrats meubles, man-quent aussi aux Rochers.

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Depuis le rapport d’étude de Lubbock& Edwards de 1981, quelques formes al-binotiques ou semi-albinotiques suppo-sées de Chromis multilineata ont été re-censées aux Rochers de St-Paul. Cet « al-binisme » supposé était aussi rattachéaux croisements survenant dans une peti-te population. Toutefois, C. multilineata est un des poissons lesplus abondants des Rochers depuis 1979.En dépit de l’importance de la popula-tion, notre équipe n’a pourtant pu obser-ver et photographier qu’un seul spécimen« semi-albinotique ». Notre équipe révélala présence aux Rochers d’une espèce ty-pique de l’Atlantique Est : la murène àpois Muraena melanotis. Cette espèce esttrès voisine de M. pavonina, avec desdifférences minimes mais consistantesdans la coloration (qui persistent mêmeaprès conservation) et la taille de la nari-ne postérieure. Les deux espèces sont fré-quemment l’objet d’identifications erro-nées et les rapports de M. melanotis aunord-est du Brésil continental sont proba-blement des confusions avec M. pavoni-na. En effet, au cours des six annéesd’une étude de la côte nord-est du Brésil, M. melanotis n’a jamais été observée tan-dis que M. pavonina fut trouvée sur denombreux sites. Cela dit, l’enregistre-ment de M. melanotis dans l’Archipel deFernando de Noronha et à l’Atoll de Ro-cas semble être valable. Les formesadultes des deux espèces peuvent être fa-cilement distinguées par leurs motifs co-lorés : fond sombre avec un motif blancen nid d’abeille (absent ou indistinct surle ventre) et sur la tête des taches deplus en plus rapprochées (quand elles nefusionnent pas) vers le museau, chez M. melanotis ; et un fond sombre irré-gulièrement ponctué de taches blanchesarrondies (y compris sur le ventre), avecsur la tête des taches encore plus large-ment espacées, devenant pratiquementabsentes à proximité du museau, chezM. pavonina.

Comme l’analyse zoogéographique lesuggère, la faune piscicole des Rochersde St-Paul dérive de celle de la côte bré-silienne et/ou de l’Archipel de Fernandode Noronha. La dispersion finale deslarves au gré du sous-courant équatorialpeut être supposée à la présence d’es-pèces nomades en provenance probablede l’Archipel de Fernando de Noronha,où elles sont très communes (ex. : Ce-

phalopholis fulva, Lutjanus jocu, Ste-gastes rocasensis, Clepticus brasiliensis,Thalassoma noronhanum, Sparisomaspp. et Bathygobius soporator). On notaun cas remarquable en septembre 2000,à l’occasion de l’observation de 10 juvé-niles de Stegastes rocasensis dans labaie. À long terme, des programmes desurveillance devraient être mis en œuvredans l’objectif de recueillir des informa-tions sur la manière dont s’opère le re-nouvellement des espèces, sur l’impor-tance de l’arrivée d’espèces nomades etpour savoir si ces dernières établissentdes populations résidentes.

St-Paul apparaît comme la seule îleocéanique tropicale à ne pas posséderde population résidente de poissons chi-rurgiens (Acanthuridae). Ces poissonsprésentent un potentiel de dispersion

lantique sont nécessaires afin de mieuxévaluer les croisements et le statut taxo-nomique de la population de poisson an-ge royal aux Rochers de St-Paul.

cours de H. ciliaris aux Rochers en estpeut-être à déduire. Des comparaisonsgénétiques et morphologiques entre lespopulations de H. ciliaris sur tout l’At-

9a-h. Variations de couleurs observées chez les poissons-anges royaux Holacanthus ciliaris aux Rochers deSt-Paul. a) Forme jaune ; b) Forme bleue ; c) Forme blanche ; d-h) Variations et mélanges entre les bleues,les jaunes, les orange et les blanches. Photos a, d, e et h de B. M. Feitoza ; b, c et g d’O. J. Luiz-Junior ; etf d’E. Fritzche.

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10. Patronmorphologi-que et colorénormal deHolacanthusciliaris dansle Rio Grande doNorte coast, nord-est duBrésil. Photo deB. M. Feitoza.

11. Un spéci-men semi-albinotiqueprésumé deChromis multilineataaux Rochersde St-Paul.Photo de B. M. Feitoza.

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Comportements inter- et intraspécifiques

Les poissons de récif sont connus pourinteragir de manière complexe. Les inter-actions communes englobent des associa-tions alimentaires interspécifiques (telque le nettoyage), le comportement desuiveur, le camouflage et l’affrontementintraspécifique, telle que la défense duterritoire. Ces quatre associations furentobservées, filmées et photographiées auxRochers de St-Paul.

Le nettoyage implique une espèce net-toyeuse qui ôte les ectoparasites et les tis-sus morts ou malades de ses clients. Bienqu’aucun poisson n’ait été vu réalisantune opération de nettoyage aux Rochers,cela fut le cas avec la crevette nettoyeuse

à rayure blanche atlantique, Lysmatagrabhami. Les stations de nettoyageétaient localisées soit sous les rochers,soit dans des crevasses, à des profon-deurs de 6 à 60 m, et abritaient une oudeux crevettes nettoyeuses, toujours ac-compagnées d’une murène vipère, En-chelycore nigricans. Deux poissonsclients, Chromis multilineata et E. nigri-cans furent observés en train de se fairenettoyer par les crevettes. L’opération du-re généralement de 5 à 10 secondes.

Le comportement de suiveur est unestratégie opportuniste qui permet à de pe-tits prédateurs généralisés (les suiveurs)d’exploiter le déplacement ou la décou-verte de proies, lorsque les prédateurs po-tentiels, les brouteurs ou les espèces qui

se nourrissent dans les bancs de sable (lesespèces nucléaires, i.e. qui représentent lenoyau du phénomène) causent des per-turbations dans les milieux.

Le comportement de suiveur qui fut ob-servé aux Rochers de St-Paul impliquaitdeux labridés (le poisson-cochon des îlesBodianus insularis et le poisson patateverte Halichoeres radiatus) et trois sui-veurs carangidés (la carangue gros yeuxCaranx latus, la carangue noire C. lugu-bris et la carangue bonite Carangoidescrysos). Les trois espèces de carangidéssuivaient à la fois B. insularis etH. radia tus. Un comportement de sui-veur impliquant des labridés et des caran-gidés a également été rapporté en Atlan-tique Ouest : Halichoeres radiatus vs.

14. Le grégoire des Rocas Stegastes rocasensis. a) Juvénile nomade originaire de St-Paul ; b) Juvénile originaire de l’Archipel de Fernando de Noronha Archipelago ; et c) adulte en provenance de l’Atoll des Rocas. Photos a et c de B. M. Feitoza, et b de L. A. Rocha.

15. La station de nettoyage de Lysmata grabhami située à environ 60 m de profondeur. Photo de B. M. Feitoza.

12. La murène à

pois blancsMuraena

melanotis.Photo de

B. M. Feitoza.

13. Muraenapavonina.

Photo d’O. J. Luiz-

Junior.

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Carangoides ruber ; et le poisson-cochonespagnol Bodianus rufus, le pourceau dosnoir B. pulchellus et la girelle oreillesnoires Halichoeres poeyi vs. Caranx latus.

Les poissons de récif ont largement re-cours à toute une variété de camouflagesafin de se nourrir. Le poisson-trompetteatlantique Aulostomus strigosus fut ob-servé employant une de ses deux formesde camouflage : solitaire, se faisant « in-visible », se laissant à la fois dériver à laverticale à travers la colonne d’eau et setenant immobile près des prairies deCaulerpa ; ou se dissimulant en s’ali-gnant sur un autre poisson. Lors d’uneobservation précédente, A. strigosus selaissait dériver à travers la colonne d’eauà environ 0,6 m ou moins, au-dessus dusubstrat, près des rochers, ou se tenait

immobile à proximité de prairies de Cau-lerpa, attaquant les petits poissons quiapprochaient d’un soubresaut. A. strigo-sus fut observé à de nombreuses reprisess’alignant sur le poisson-lime à tachesblanches Cantherhines macrocerus, pournager à côté de lui mais sans qu’une at-taque ne soit enregistrée. Il présentaitégalement des motifs colorés variés et onle vit changer de couleur pour s’accorderau fond, devenant jaunâtre, verdâtre ourayé, à l’approche d’un massif de Cauler-pa, ou foncé s’il nageait à côté du pois-son-lime. Un comportement similaire aété décrit chez son congénère, le poisson-trompette A. maculatus Valenciennes,1837. L’affrontement intraspécifique estcommun chez les labridés et les combatssont fréquents. Deux Halichoeres radia-tus portant la livrée de la phase initiale,

furent observés et photographiés en traind’exécuter leur comportement agonis-tique ; ils se positionnèrent bouche contrebouche, avec leurs nageoires anales etdorsales dressées, avant de se désintéres-ser l’un de l’autre, passée une minute. Laplupart des murènes sont connues pourvivre dans les crevasses des récifs, se ca-chant habituellement en solitaire avecseulement la tête qui dépasse pendant lajournée, pour aller fureter la nuit venue.Mais certaines espèces, tels que Gymno-thorax miliaris et Muraena pavonina,partent fureter à l’extérieur le jour. LesMuraenidae représentent la famille laplus riche en espèces aux Rochers et unepopulation importante a été observéeprincipalement dans la baie et les autreszones à pente douce. Un comportement« amical », inter- comme intraspécifiquea pu être remarqué chez quelques espèces(G. miliaris, Muraena melanotis etM. pavonina), se tenant ensemble dans lemême trou ou même s’enlaçant l’unel’autre. Un comportement similaire n’aété observé que quelques fois sur la côtede l’état de Paraíba, au nord-est du Bré-sil, où deux spécimens de Gymnothoraxvicinus occupaient ponctuellement le mê-me trou.

Commentaires taxonomiquesLa raie manta identifiée provisoirement

est selon toute probabilité M. tarapaca-na, étant donné que cette dernière a étéfréquemment observée au voisinage desRochers.

Le poisson-trompette de St-Paul a étéprovisoirement identifié comme Aulosto-mus maculatus, sans doute à cause de sesressemblances morphologiques avec cet-te espèce. Sur le plan génétique, il se rap-proche plus cependant d’A. strigosusd’Atlantique Est et de la côte brésilienne.

La carangue bonite est identifiée au-jourd’hui comme Carangoides crysos. Le chromis brésilien est le chromis brunC. multilineata.

Le poisson-perroquet est le poisson-perroquet à selle S. frondosum, d’après ladescription fournie et les observations deterrain réalisées par notre équipe.

Une analyse génétique récente a dé-montré que l’espèce d’Ophioblenniusdes Rochers de St-Paul est distincte del’espèce antillaise et identique à cellede la côte brésilienne et de l’île de Trindade. Le nom actuel pour cette

espèce est Ophioblennius trinitatis, quisera utilisé ici.

Trois espèces ne disposent pas d’unstatut taxonomique bien défini : Chromis aff. enchrysura, Starksia aff.sluiteri et Malacoctenus aff. triangula-tus. L’aîné des auteurs et les autres ichthyologistes brésiliens tentent actuellement d’y remédier.

Questions de protectionBien qu’ils soient sporadiquement re-

peuplés avec des larves venues d’ailleurs,les Rochers de St-Paul possèdent aussides populations originales, autosuffi-

santes et des espèces endémiques. Il estclair aujourd’hui que les espèces marinesne sont pas épargnées par les effets del’activité humaine et le risque d’extinc-tion. Certaines caractéristiques des Ro-chers de St-Paul pourraient mettre endanger ses populations de poisson réci-faux, par leur : a) Zone géographique li-mitée – le seul cas d’extinction rapportéd’un poisson récifal était précisément ce-lui d’un espèce endémique insulaire etpar conséquent les espèces endémiquesde St-Paul sont estimées à risque en rai-son de leur distribution limitée et de leurspopulations génétiquement distinctes iso-

lées, qui devraient être traitées commedes espèces endémiques sur le plan de laprotection ; b) Le commerce aquariophile– l’isolement des Rochers de St-Pauln’est pas un obstacle à la capture de pois-sons rares et à forte valeur commerciale(tout particulièrement les formes bleueset blanches de H. ciliaris). La capture dequelques spécimens a d’ailleurs été ré-cemment remarquée et c) La pêche com-merciale – la pêche d’ailerons de requinsne pourra être une activité durable dansune zone aussi petite, comme en attestele déclin évident des populations de re-quins sur les deux dernières décennies

qui coïncide avec lapression croissantede la pêche. Lescaptures non-inten-tionnelles dans lapêche du homardreprésente aussi unproblème ; certainspoissons (principa-lement des mu-rènes, M. niger etH. ciliaris) étantcontinuellementtrouvés dans les ca-siers à homard utili-sés par la pêchecommerciale. Nousrecommandons dece fait que les Ro-chers soient recon-nus comme une zo-ne marine protégée,compte tenu de lavulnérabilité de safaune isolée.

16. Comportement de suiveurs entre Halichoeres radiatus (l’espèce nucléaire) et Caranx latus (l’espèce suiveuse). Photo de B. M. Feitoza.

17. Affrontement entre deux Halichoeres radiatus mâles. Photo de B. M. Feitoza.

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18a-c. Comportement« amical » entre murè-nes : a) Muraena pavonina et M. pavonina ; b) M. pavonina etGymnothorax miliaris ;et c) M. pavonina et M. melanotis.Photos a et c de O. Luiz-Junior ; et b de B. M. Feitoza.

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium98 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 99

Famille / Espèce Niveau de profondeur (m)

CARCHARHINIDAECarcharhinus galapagensis (Snodgrass & Heller, 1905) 8 – 36

SPHYRNIDAESphyrna sp. 0 – 40

MOBULIDAEMobula tarapacana (Philippi, 1893) 0 – 30

MURAENIDAEChannomuraena vittata (Richardson, 1845) 15 – 30Enchelycore anatina (Lowe, 1841) 3 – 60 Enchelycore nigricans (Bonnaterre, 1788) 2 – 60Gymnothorax funebris Ranzani, 1840 0 – 50 Gymnothorax miliaris (Kaup, 1856) 2 – 40Muraena melanotis (Kaup, 1859) 3 – 60Muraena pavonina Richardson, 1844 2 – 60

BELONIDAEAblennes hians (Valenciennes, 1846) 0 – 3 Strongylura timucu (Walbaum, 1792) 0 – 3

HOLOCENTRIDAEHolocentrus ascensionis (Osbeck, 1765) 2 – 60 Myripristis jacobus Cuvier, 1829 2 – 30

AULOSTOMIDAEAulostomus aff. strigosus Wheeler, 1955 2 – 30

DACTYLOPTERIDAEDactylopterus volitans (Linnaeus, 1758) 0 – 30

SCORPAENIDAEScorpaena sp. 25 – 30 Scorpaenodes insularis Eschmeyer, 1971 5 – 35

SERRANIDAEAnthias salmopunctatus Lubbock & Edwards, >30 Cephalopholis fulva (Linnaeus, 1758) 2 – 35 Rypticus saponaceus (Bloch & Schneider, 1801) 2 – 62

APOGONIDAEApogon americanus Castelnau, 1855 0 – 40

CARANGIDAECarangoides bartholomaei (Cuvier, 1833) 0 – 40 Carangoides crysos (Mitchill, 1815) 0 – 40 Caranx latus Agassiz, 1829 1 – 30 Caranx lugubris Poey, 1860 0 – 70 Elagatis bipinnulata (Quoy & Gaimard, 1824) 0 – 40

LUTJANIDAELutjanus jocu (Bloch & Schneider, 1801) 2 – 40

CHAETODONTIDAEChaetodon obliquus Lubbock & Edwards, 1980 30 – 70 Chaetodon striatus Linnaeus, 1758 2 – 55

POMACANTHIDAEHolacanthus ciliaris (Linnaeus, 1758) 2 – 60 morph Bleu 2 – 60 morph Blanc 30 – 50 Autres formes de couleur 2 – 60

Famille / Espèce Niveau de profondeur (m)

Pomacanthus paru (Bloch, 1787) 2 – 30

KYPHOSIDAEKyphosus sectatrix (Linnaeus, 1766) 0 – 25

POMACENTRIDAEAbudefduf saxatilis(Linnaeus, 1758) 0 – 20 Chromis aff. enchrysuraJordan & Gilbert, 40 – 70 Chromis multilineata(Guichenot, 1855) 0 – 60 Stegastes rocasensis(Emery, 1972) 2 – 10 Stegastes sanctipauliLubbock & Edwards, 1981 0 – 60

LABRIDAEBodianus insularisGomon & Lubbock, 1980 6 – 60 Clepticus brasiliensisHeiser, Moura & Robertson, 2000 5 – 25 Halichoeres radiatus (Linnaeus, 1758) 2 – 30 Thalassoma noronhanum (Boulenger, 1890) 2 – 10

SCARIDAESparisoma amplum (Ranzani, 1842) 15 – 30 Sparisoma axillare (Steindachner, 1878) 10 – 30 Sparisoma frondosum (Agassiz, 1831) 10 – 30

TRIPTERYGIIDAEEnneanectes smithi Lubbock & Edwards, 1981 2 – 25

LABRISOMIDAEMalacoctenus aff. triangulatus Springer, 1958 0 – 40 Starksia aff. sluiteri (Metzelaar, 1919) 2 – 40

CHAENOPSIDAEEmblemariopsis sp. 2 – 60

BLENNIIDAEEntomacrodus vomerinus (Valenciennes, 1836) 0 – 1 Ophioblennius trinitatis Miranda-Ribeiro, 1919 0 – 50

GOBIIDAEBathygobius soporator (Valenciennes, 1837) 0 – 1 SPHYRAENIDAESphyraena barracuda (Walbaum, 1792) 0 – 60

BALISTIDAECanthidermis sufflamen (Mitchill, 1915) 5 – 60 Melichthys niger (Bloch, 1786) 0 – 70

MONACANTHIDAEAluterus scriptus (Osbeck, 1765) 2 – 40 Cantherhines macrocerus (Hollard, 1854) 2 – 40

DIODONTIDAEDiodon hystrix Linnaeus, 1758 2 – 25

Liste des espèces de poissons aux Rochers de St-Paul

Les photos ci-dessus montrent la manière dont vivent en milieu naturel certains poissons d’anémones fascinants (ici Amphriprion chagoensis du Pacifique). Il conviendrait de reproduire exactement la même chose en aquarium et leur vie en symbiose avec l’anémone (ici Heteractis magnifica – notez comme cette

anémone s’est elle-même installée sur une grande éponge, photo centrale). À partir du moment où ils se sentent « chez eux », ils arborent des couleurs extraordinaires. Remarquez comment leurs bandes virent du bleu marine (photos en haut à droite, à gauche et au milieu à droite), au bleu partiel

(photos du centre droit et en bas à gauche) et jusqu’au blanc pur (photos centrales du dessous et du dessus).

MILIEU MARIN Les Rochers de St-PaulLes Rochers de St-Paul MILIEU MARINLes Rochers de St-PaulLes Rochers de St-Paul

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium100 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 101

INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMRochers de St-PaulRochers de St-PaulIl existe d’excellents livres sur les

aquariums marins, disponibles danstoute bonne bibliothèque ou en

animalerie, et la place manque icipour entrer dans les détails. Unechose cependant, qui est valablepour tous les poissons et tous les

aquariums : le décor et son contenu(poissons et invertébrés) devraient

provenir entièrement d’une zone déterminée – autrement dit d’un

biotope précis – afin que l’ensemblesoit correct et harmonieux.

Sont montrées ici quelques unes desespèces que l’on trouve le long de la

côte atlantique du Brésil, tout particulièrement au nord de Rio de

Janeiro, jusqu’au voisinage de l’embouchure de l’Amazone, qui

conviennent parfaitement pour untel aquarium biotope (avec un

nombre réduit d’invertébrés étantdonné qu’ils n’abondent pas dans

ces zones-là). Ces espèces sont aussi(en grande partie) disponibles en

aquariophilie (exportées du Brésil).1. Acanthurus coelestis. Spécimen

juvénile bleu. 2. A. coelestis. Spécimen juvénile jaune.

3. A. coelestis. Spécimen adulte. 4. Pomacanthus arcuatus,

semi-adulte. 5. P. arcuatus, spécimen juvénile.

6. Stegastes variabilis, spécimenjuvénile.

7. S. variabilis, adulte. 8. S. variabilis, semi-adulte.

Note : Sont représentées ici plusieursespèces dans leurs couleurs

juvéniles, semi-adultes et même souvent adultes, afin de comprendre

comment leurs couleurs changentavec l’âge.

Quelques espèces supplémentaires,idéales pour un aquarium (marin)personnel, toujours inspiré del’Océan atlantique, dans sa régionentre Rio de Janeiro et l’embouchure de l’Amazone – maissans pour autant lui être strictementlimité (car certaines se trouvent également dans la Mer des Caraïbeset plus au nord). 9. Bodianus rufus,poisson adulte.10. Elacatinus figaro, adulte – il negrandit pas beaucoup – jusqu’à 3,5 cm, et n’a été décrit que récem-ment. 11. Gramma brasiliensis, également adulte et également unpetit poisson – jusqu’à 7 cm.12. Malacoctenus cf. triangularis, un beau poisson qui ne dépasse pas les 7,5 cm.13. Holacanthus ciliaris est une autrebeauté qui elle peut atteindre 45 cm.Et deux invertébrés typiques pour ce genre d’aquarium : 14. Meandrina brasiliensis, et 15. Condylactis sp.

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM Rochers de St-PaulRochers de St-Paul

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium102 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 103

BIOTOPE CardinalisCardinalis BIOTOPENéonsNéons

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 105

Ici l’aquarium biotope à cardinalis de 2 m delong que nous avions mis en place pour l’Aqua-Xpo 2001 d’Hasselt, Belgique, la plus grande ex-position mondiale d’aquariums. Il fut aménagéde manière à restituer précisément la manièredont vivent ces poissons dans les affluents duRio Negro central, en respectant le nombre depoissons que l’on peut trouver dans la naturedans un volume d’eau équivalent (480 litres).

AQUARIUM BIOTOPE Néons & cardinalisNéons & cardinalis AQUARIUM BIOTOPENéons & cardinalisNéons & cardinalis

Pour compléter le texte sur lesaquariums biotopes destinés auxnéons et aux cardinalis (à noter aupassage que pour le néon simulant,Paracheirodon simulans, le biotopesera le même que pour le cardinalis,étant donné que tous deux viventdans des habitats identiques dans la nature), voici trois exemples de la manière dont il faut (ou pas) les décorer :Aquarium du haut : Nous voyons iciun décor de biotope pour cardinalis,en partie fidèle, au moins dans sonensemble. L’Aponogeton ulvaceusau fond à gauche, n’y a pas saplace, de même que les Sagittariaplatyphylla du fond. Il est préférablede ménager un espace sableux dégagé et d’ajouter un morceau de bois flotté. On pourrait aussi yajouter d’autres poissons (commementionné dans le texte).

IntroductionNous vivons aujourd’hui dans un monde où

« protection du milieu naturel » et « gestionappropriée des animaux  » sont gravés surpresque tous nos frontons et sujets à législa-tion dans de nombreux pays de l’Union Euro-péenne. Bientôt, nous ne serons plus autorisésà garder des animaux – ou d’ailleurs fairequoi que ce soit – selon nos idées person-nelles. Nous devons ainsi être conscients qu’ildeviendra tôt ou tard obligatoire de conserverles poissons d’ornement selon la «  manièreappropriée  » à chaque espèce concernée.Mais combien de personnes connaissent vrai-ment la manière qui convient à une espèceparticulière  ? D’ailleurs comment laconnaître ? Ni les législateurs, ni la littératureaquariophile ne peuvent fournir une aide à cesujet. Comment cela se fait-il ? Parce que seu-lement une poignée de personnes ont conduitdes recherches sur le terrain et les législateurss’en remettent presque entièrement à leurs in-formations. Dans de rares cas, cette informa-tion n’est disponible qu’auprès d’un seul etunique expert. Pour peu qu’il y en ait un !

C’est pourquoi nous allons vous montrerdans ces pages comment imiter au mieux chezvous le milieu naturel de ces poissons, afinque vous ne les mainteniez pas seulement de« manière appropriée » mais que vous y trou-viez aussi une source infinie de plaisir.

L’aquarium à néons et à cardinalis :Avant toutes choses, nous vous supplionsd’acheter vos tétras SEULEMENT chez un dé-taillant digne de confiance. Quelqu’un chezqui les poissons sont visiblement maintenus etsoignés convenablement (ex.  : sans spéci-mens morts ou agonisants flottant dans les pa-rages) et où tous les achats sont capturés etemballés avec le plus grand soin – souvenez-vous en permanence qu’il s’agit d’êtres vi-vants tout comme vous et qu’ils doivent êtretraités en conséquence. Mais avant mêmed’acheter un seul poisson, votre bac doit êtreétabli, c’est-à-dire installé et avec un filtre ar-rivé à maturité depuis au moins 7 jours.

Installation de l’aquarium  : Première-ment, gardez en tête que ces deux espèces sontdes poissons grégaires et pour cela, la cuve de -vrait avoir une longueur minimale de 80 cm, etsi possible 100-150 cm (ou plus), avec unelargeur et une hauteur d’au moins 40 cm (pluselle sera large, mieux ce sera, que ce soit pourla facilité d’installation ou du point de vue despoissons). Utilisez du sable blanc très fin pourle substrat. Puis placez un ou deux morceauxde racine de tourbière ou de bois flotté soi-gneusement lavés. Remplissez le bac à moitiéd’eau avant d’ajouter les plantes aquatiquessuivantes, si possible : une espèce de Cabom-ba (C. furcata ou C. aquatica), en quantité ap-préciable  ; également quelques lotus tigrés(Nymphaea lotus) de tailles variées ; une desécuelles d’eau (Hydrocotyle leucocephala ouH. ranunculoides) ; plus de la mousse aqua-tique Mayaca fluviatilis ou l’épée d’eau deBleher (Echinodorus bleheri) – même si lesdeux dernières ne sont pas vraiment fidèles aubiotope, elles sont bien adaptées à l’aquariumà cardinalis. Il est également possible d’inclu-re deux autres épées d’eau, E. parviflorus etE. horizontalis, dans l’aquarium à néons. Sa-chez simplement que si on trouve bien cesdeux espèces d’Echinodorus dans le biotopedu néon, il n’y a pas d’épées d’eau en réalitédans celui du cardinalis. Une fois que lesplantes ont été installées, on peut compléter leremplissage avec précaution.

Si votre cuve n’est pas équipée d’un filtreintégré, vous pouvez choisir un filtre extérieurapproprié. Dans tous les cas, il est importantqu’au départ les masses filtrantes soientconstituées de matières de filtrations méca-nique et biologique, associées à du charbonactif. Laissez le filtre mûrir et n’introduisezpas les poissons avant que ne ce soit écoulé ceminimum d’une semaine. (À noter : Une foisque l’équilibre biologique est établi et quel’eau est limpide, vous pouvez supprimer lecharbon actif et le remplacer avec de la tour-be afin que les paramètres de l’eau pour cebiotope particulier soient optimaux).

La population de poissons pour cet aqua-rium  : Comme dit précédemment, il vousfaut trouver un marchand de confiance. Ache-tez un joli banc de néons ou de cardinalis –dont le nombre dépendra de la taille de votrebac : on peut maintenir 50-60 néons de taillemoyenne ou 40-50 cardinalis de taille moyen-ne dans un 120 litres, sans problème. En sup-plément, un aquarium à néons de cette taillepeut accueillir environ 10 cichlidés nains dansle genre Apistogramma (dans l’idéal, A. caca-tuoides ou A. bitaeniata), 6-8 characins arro-seurs (Copella sp.), le même nombre de pois-sons-crayons (Nannostomus marginatus mar-ginatus, N. m. mortenthaleri, ou N. eques – oudeux de ces trois). Vous aurez besoin dequelques poissons-chats suceurs nains (Oto-cinclus arnoldi) et de corydoras (Corydoraselegans ou C. leucomelas) – à raison d’envi-ron 12 individus pour chacun d’eux. La com-position de la population d’un aquarium à car-dinalis peut être voisine dans l’ensemble,mais on y délaissera N. m. mortenthaleri, onne prendra comme espèce de corydoras queC. schwartzi, et en cichlidés nains seulementApistogramma mendezi ou A. steindachneriou A. iniridae, en ajoutant 20-30 nez-rouges(Hemigrammus bleheri). On peut aussi inté-grer aux deux biotopes environ 6 poissons-ha-chettes marbrés (Carnegiella strigata). Deplus gros poissons ne sont pas recommandés,à l’exception des scalaires (Pterophyllum sca-lare) et alors seulement en 3 ou 4 petits spéci-mens. Pour des aquariums plus grands ou pluspetits, la population peut être augmentée oudiminuée proportionnellement.Maintenance : Conservez l’eau à une tem-pérature de 25-27°C et dispensez 10-12heures de bon éclairage. L’eau devrait ne pasêtre trop dure et rester à un pH neutre (autourde 7) – mais un pH plus bas sera le garant depoissons au mieux de leurs couleurs. Chan-gez régulièrement la tourbe et lavez périodi-quement les masses filtrantes à l’eau tiède. Ilne reste plus qu’à vous souhaiter bonnechance.

Aquarium du milieu : Cela pourrait être un bon biotopeà néons pour peu que l’on y ajoutedu sable banc entre les roches etdu bois flotté – réellement nécessaire. On pourrait discuter laprésence de l’Hygrophila difformisdans le coin droit, ainsi que cellede l’H. polisperma dans le fond(toutes deux originaires d’Asie),mais les autres plantes sont biendes espèces sud-américaines,quoiqu’aucune d’entre elles ne serencontre dans un véritable habitat à néons, à l’exceptiond’Echinodorus tenellus à l’avant-plan, que l’on trouve dans la zone de distribution.

Aquarium du bas : Voici un biotope naturel et fidèle(détail de l’aquarium de droite)pour cardinalis. On peut y voir que tous les poissons s’y sententtrès bien, comme « chez eux »,même s’ils viennent d’être introduits dans le bac. Ils ont aussitôt formé des bancs avecHemigrammus bleheri, exactementcomme dans la nature. Même lescorydoras se sont joints à eux (àgauche). Une preuve de plus qu’un véritable aquarium biotope(proche de la nature) est source deplaisir pour ses poissons commepour son propriétaire…

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium104

Cet aquarium contenait 250 cardinalis, 100 nez-rouges

(Hemigrammus bleheri), 25 Corydoras sp., 40 Otocinclus,

30 Nannostomus (N. eques, N. marginatus, N. unifasciatus),

de la Cabomba rouge et verte,Nymphaea et Hydrocotyle.

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BIOTOPE GuppysGuppys BIOTOPEGuppysGuppys

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium108 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 109

AQUARIUM BIOTOPE GuppysGuppys AQUARIUM BIOTOPE GuppysGuppysL’aquarium à guppys

Chaque débutant en aquariophilie devraitcommencer par des guppys – ce qui ne veutpas dire que les aquariophiles chevronnés neprendront pas autant de plaisir avec ces petitsarcs-en-ciel aquatiques. Mais chacun devraitavant tout se demander : « Est-ce que je dési-re un aquarium avec une population de typesauvage ou préfèrerais-je une «  tapisserie  »des formes d’élevages plus grandes – ou enco-re une combinaison des deux ? ». Les formessauvages sont plus actives. Il est plus faciled’observer leur parade nuptiale et elles se re-produisent plus rapidement. D’un autre côté,les types « sophistiqués » donnent plus de cou-leurs à l’aquarium. Une fois que la décision estprise – les conseils ne manquent pas, que cesoit dans la littérature ou sur Internet (faites-ypar exemple une recherche de  : Guppys,«  Poecilia reticulata  ») – vous pouvez vousrendre chez un commerçant dans une animale-rie de grande qualité pour acquérir un cheptelsain – n’achetez jamais de guppys qui nagentavec difficulté, ou venant de bacs où des pois-sons nagent sur le flanc, n’ont plus d’équilibre,quand ils ne sont pas morts. Mais avantd’acheter quoi que ce soit, vous devez au préa-lable installer leur aquarium.

Installation de l’aquarium  : Quand vousachetez un aquarium, rappelez-vous toujoursque plus il sera grand, plus il sera séduisant, etplus les poissons auront de l’espace pour na-ger. Toutefois un 60 cm (de long) X 30-35 cm(en largeur et hauteur – une grande largeurétant appréciable pour la décoration) peut suf-fire dans le cas présent.

Si possible, procurez-vous du sable blanc finou du gravier de quartz clair – une couched’environ 5 cm sera nécessaire, un peu plusépaisse à l’arrière. Dans un premier temps, rin-cez votre nouvelle cuve à l’eau chaude – sanssavon ni détergent ! – et vérifiez si le sable aété bien lavé (sans faire aveuglément confian-ce à ce qui est prétendu sur le sac). Pour le dé-cor, nous vous recommandons quelques joliespièces de racines de tourbière et des pierres,ainsi qu’un bel assortiment de plantes aqua-tiques attrayantes. Une sélection particulière-

ment valable (et fidèle au biotope) inclura desespèces de Cabomba et la feuille de sauleguyanaise, Hygrophila guianensis (la petitefeuille de saule, H. polysperma, pourra conve-nir en remplacement). L’épée d’eau gazon(Echinodorus tenellus) est idéale pour l’avant-plan ; elle formera un tapis au-dessus duquelles poissons seront du meilleur effet. À la pla-ce, vous pouvez employer l’autre espèced’épée d’eau naine, légèrement plus grande,qu’est E. quadricostatus (cf. ci-dessous, bioto-pe de gauche). Et pour finir, un à trois spéci-mens d’une espèce d’épée d’eau plus consé-quente comme E.  horizontalis ou E.  osiris(comme sur la photo de gauche, ci-dessous,dans le coin gauche) qui est extrêmement dé-corative. Vous pouvez aussi planter de nom-breuses Ludwigia repens (cf. ci-dessous, bio-tope de droite) – qui composeront égalementun décor charmant.

Placez le sable, le bois et les roches, puisremplissez l’aquarium à moitié d’eau avant deprocéder à la plantation. Celle-ci réalisée, fi-nissez le remplissage. Songez en permanenceque les guppys se sentiront particulièrementheureux et porteront leurs meilleures couleursen présence d’une dense couverture végétale.Par conséquent, ne lésinez pas sur les plantes.

Si l’aquarium acheté n’est pas équipé d’unfiltre intégré, vous pouvez alors ajouter soit unfiltre extérieur, soit intérieur. Le filtre serachargé de matières destinées à la filtration bio-logique et si vous utilisez un starter biolo-gique, vous pouvez alors introduire les pois-sons un jour plus tard.

La population de poissons pour cet aqua-rium : Comme cela a déjà été dit, choisissezles guppys que vous aimez. En règle générale,vous pouvez compter 1 cm de poisson pour 2litres d’eau, i.e. un aquarium de 60 litres hé-bergera 30 cm de poisson ou 15 guppys mâlesde 2 cm chacun (la taille moyenne du corpsd’un adulte). Notez bien que cette règle est ba-sée sur la longueur du corps (= SL, StandardLength ou longueur standard), i.e. sans inclurela queue. Si vous désirez maintenir d’autrespoissons avec vos guppys, nous vous recom-mandons alors d’autres vivipares de la famille

des Poeciliidae, comme par exemple des por-te-épées verts ou rouges (Xiphophorus helleri)et des platys (Xiphophorus maculatus), quisont disponibles dans toute une variété de cou-leurs auprès de toute bonne animalerie.D’autres bons camarades d’aquarium se trou-veront parmi les poissons-chats Ancistrus ho-plogenys et A. temminckii. Ces «  chats su-ceurs » restent petits et consomment les alguesindésirables. En réalité, ils n’apparaissent pasdans le milieu naturel qui nous intéresse, oc-cupé plutôt par d’autres poissons suceurs dansle genre Hypostomus, mais ces derniers nesont pas recommandés car ils deviennentbeaucoup trop grands et sont susceptibles degrignoter les plantes. Un autre poisson-chatque l’on trouve dans ce biotope est le corydo-ras bronze (Corydoras aeneus), idéal pour lessubstrats sableux. Si vous décidez d’en élever,assurez-vous de disposer d’un petit groupe etde laisser une zone de sable dégagée car ils ai-ment à « fouiner » dans le substrat en quête depetits organismes.

Lors de l’achat, n’oubliez pas que le com-merce offre pratiquement toujours les guppys,porte-épées et platys dans des formes d’éleva-ge qui sont, bien évidemment, introuvablesdans la nature. Par conséquent, si vous souhai-tez être « fidèle au biotope », vous aurez à par-tir en quête de poissons sauvages ou de formessauvages reproduites en captivité. On peutquand même en trouver et vous pourrez alorsfièrement présenter un microcosme aquatiqueinspiré du Venezuela, de Trinidad ou même deMexico sous votre toit. Et vous en apprendrezcertainement bien plus avec eux qu’avec lesformes sélectionnées.

Maintenance  : Conservez une eau à 24-27°C et éclairez l’aquarium 10-12 heures parjour. L’eau devra être légèrement alcaline, desvaleurs pH sous les 7 ne sont pas nécessaires.Laissez le filtre biologique faire son travail etchangez l’eau régulièrement.

La seule autre chose dont ont besoin ces pe-tites taches de couleurs pour une maintenanceréussie et une reproduction régulière, c’est lanourriture. Et vous aurez en miniature une ex-périence pratique de l’Évolution.

Ces deux décors d’aquarium à guppys sont en fait plus fidèles au biotope naturel, mais les guppys qui s’y trouvent sont tous des formes sélectionnées – ce qui est affaire de goût. Ce qui le rend attrayant, c’est cette luxuriance de plantes et la présence exclusive de guppys, sans autres mélanges.

C’est une bonne chose, tout particulièrement pour un petit aquarium.

Ci-dessus trois suggestions pour un aquarium biotope à guppys (avec le pour et le contre) : L’aquarium du dessus est joliment décoré et s’avère une bonnedémonstration d’aquarium à guppy, sans rien de contestable à proprement parler. (Il ne vous reste qu’à choisir quel type de guppy vous préférez ; pour ma

part, ce serait des sauvages, comme sur la page précédente.) Celui du centre est assurément excellent, mais s.v.p. pas d’Aponogeton fenestralis(= Madagascar...). Quant à celui du bas, dénote-t-il un penchant pour Bouddha ? (à cause des élevages asiatiques de guppys ?). Quoi qu’il en soit,

le reste du décor est agréable et si on élève dans ce bac des guppys importés de Singapour, pourquoi pas un Bouddha ?...

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BIOTOPE Poissons-angesPoissons-anges BIOTOPEPoissons-angesPoissons-anges

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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium112 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 113

AQUARIUM BIOTOPE AQUARIUM BIOTOPE Poissons-angesPoissons-angesL’aquarium à poissons-anges

Pratiquement chaque personne qui commen-ce à s’occuper d’un aquarium fait tôt ou tardconnaissance avec les poissons-anges. C’est –et il l’a toujours été – une créature majestueu-se et un ornement (quasiment) indispensable àtout paysage aquatique. Son élégance, seslongues nageoires effilées (chez presquetoutes les formes d’élevage), sa nage sacca-dée, son allure étrange et sa quête incessante (àl’âge adulte) d’une belle grande feuille oud’un coin au calme sur la vitre de l’aquariumoù déposer ses œufs, tout cela alimente une in-tarissable fascination. De même, la manièredont deux individus se font parfois face les na-geoires déployées, comme s’ils se défiaient,est réellement sensationnelle. Ce n’est paspour autant de l’agressivité car ce sont en réa-lité les plus pacifiques des poissons – à l’instardes discus, leurs proches parents, à qui ils tien-nent souvent compagnie en milieu naturel. (Àcette réserve près que P. altumet P. leopoldi ne se trouvent ja-mais pour leur part avec desdiscus dans la nature.) Mainte-nant, si vous souhaitez offrir àcet ancien roi des poissonsd’aquarium un palais idéal etl’apprécier comme il se doit,voici quel ques suggestionssim ples sur le plan du biotope.

Installation de l’aqua-rium  : Comme d’habitude,plus il sera grand, mieux ce se-ra, mais avec ici pour mini-mum 100 cm de long et 35 cmde large (ou davantage) pour40-50 cm de profondeur. (Etpour les poissons-anges Altumau moins 120 cm de long et 60cm de profondeur.) Nous vousrecommandons impérative-ment (et fidèlement au bioto-pe) du sable blanc fin. Celui-ciaura une épaisseur minimalede 5 cm (et 8-10 cm à l’arrière)– et aura été, bien entendu,préalablement bien lavé (véri-fiez toujours que le sable soitvendu «  lavé  »). Un certainnombre de jolies racines detourbière est indispensable –mises au préalable à tremperou exposées aux intempériessur une longue période. Sivous souhaitez ajouter desroches, n’en utilisez surtoutque des arrondies car les pois-sons risquent de se blesser surles formes tranchantes. Il estconseillé de planter le bac ensuivant l’exemple de l’aqua-rium biotope en bas à gauche :le prétendu Altum péruvien estsouvent trouvé parmi lesgrandes feuilles de l’épéed’eau horizontale (Echinodo-rus horizontalis). Scalairecom mun et épée d’eau de Ble-

her (E. bleheri) sont une bonne association.Mais dans tous les cas, garantissez la présencede quelques grandes épées d’eau. Vous pour-riez également souhaiter intégrer – avant touten premier plan et entre les racines de tourbiè-re – les plantes épées naines, aux alluresd’herbes (E. quadricostatus et E. tenellus),toutes deux gazonnantes. Pour les côtés (ou lemilieu) Hydrocotyle leucocephala, avec enplus un groupe d’Hygrophila guyanensis.Vous pouvez, bien entendu, décider par vous-même d’ajouter ou non beaucoup plus d’es-pèces végétales. Celles qui ont été mention-nées sont fidèles au biotope, même s’ilconvient de signaler que la majorité des pois-sons-anges n’occupent pas les zones où pous-sent les plantes aquatiques. Tout comme lesdiscus, ils élisent généralement domicile aumilieu des racines, des branches, des arbrestombés ainsi que des plantes grimpantes (enpériode de crues). L’aquarium aura une allure

différente selon qu’il abrite une populationcomposée uniquement, ou principalement, deformes sauvages ou de formes sélectionnées.Ou, si vous déviez du véritable biotope et quevous mélangez des discus en variétés d’éleva-ge avec des poissons-anges sauvages – et despoissons-anges Altum (ce que nous ne recom-mandons vraiment pas), rien ne vous empêched’ajouter des plantes qui sont étrangères aubiotope. Il est cependant important de toujoursgarantir un grand espace de nage dégagé pourles poissons-anges.

La population de poissons pour cet aqua-rium : Se pose ici la question de savoir si vousdésirez être fidèle au biotope. Dans ce cas-là,vous ne mélangerez que des individus sau-vages ou des formes naturelles reproduites encaptivité (i.e. une, deux ou la totalité des troisespèces suivantes : P. scalare, P. altum, P. leo-poldi). Vient ensuite la question d’une popula-tion faite de petits spécimens ou de poissons

déjà adultes  : dans le cas depetits individus, vous pouvezdémarrer avec un groupe de8-12 dans une cuve de lataille mentionnée. Moins depoissons s’ils sont plus grosou si ce sont des Altums(dans ce dernier cas, n’encomp tez que 4 pour 100litres. Com me compagnonsdans ce genre de bac, vouspou vez introduire un groupede corydoras (ex. : 6-8 Cory -do ras leucomelas, C. atro -per sona tus, C. trilinetaus ouun mélange). Environ 10 Oto -cin clus arnoldi pour man gerles algues. Plus 1-2 groupesde tétras qui feront bon effet.Et environ 10 nez-rou ges(Hemigrammus ble he ri) ainsique 6-8 tétras coeu rs-sai -gnants (Hyphessobrycon ery -thro stigma). Tout cela en res-pectant la règle selon laquellele nombre de poissons seradéterminé par : 1 cm de pois-son pour 2 litres d’eau.

Maintenance : La tempéra-ture de l’eau se situera entre25-29°C (max. 30°C).L’éclairage sera allumé 10-12heures par jour. Le pH seraaux alentours de 7 – mais s’ilmonte jusqu’à 8 cela ne pose-ra pas trop de problèmes(sauf pour les Altums). Lais-sez le filtre biologique faireson travail, changez l’eau detemps en temps. Nourrissezvos jeunes spécimens plu-sieurs fois par jour, lesadultes une seule fois. Etc’est tout. Vous voilà partipour de nombreuses heuresde spectacle éducatif – demeilleure qualité que la plu-part de ceux de la TV.

Voici un bon décor d’aquarium biotope pour poissons-anges. Il est vrai qu’y sont associés spécimens sauvages et d’élevage,mais cela peut passer.

Le décor de cet aqua -rium est très bon, mais pas l’association de poissons. Nous avons icides poissons-angessauvages (Pt. scalare etPt. altum) avec d’éclatants discus d’élevage. C’est une erreur à ne jamais commettre.

Poissons-angesPoissons-angesTrois exemples de décor pour biotopes à poissons-anges (avec le pour et le contre) : Aquarium de gauche : Un très joli biotope d’aspectnaturel, restituant en grande partie le Rio Nanay,d’où les anges sauvages proviennent. Ils s’y sontaussitôt harmonisés. Aquarium du centre : Un authentique biotope àpoissons-anges du Rio Mineruá, dans l’Amazone.Les anges vivent en compagnie des discus verts etse mettent à nager avec eux, sitôt placés dansl’aquarium, formant un banc naturel, comme dansleur habitat. Rappelez-vous qu’il ne faut jamaisplacer des poissons sauvages avec des spécimensd’élevage, car cela peut être (extrêmement sou-vent) la cause de gros problèmes. Les sauvagesavec les sauvages, c’est ce qui convient le mieux. Aquariums du bas : Si vous devez avoir des poissons-anges reproduits en captivité, limitez-vous à ceux-là, s.v.p, comme c’est ici le cas. Le décor est alors laissé à l’appréciation du propriétaire, tant ces variations colorées ont conservé peu de choses des anges sauvages…

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BIOTOPE Poissons rouges Poissons rouges BIOTOPEPoissons rougesPoissons rouges

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AQUARIUM BIOTOPE AQUARIUM BIOTOPEPoissons rougesPoissons rougesL’aquarium à poissons rouges

Tout nouveau venu en aquariophilie devraitcommencer par un aquarium de guppys ou depoissons rouges (mais qui ne sont pas pour au-tant sans charme pour l’amateur expérimenté).Les poissons rouges font partie des poissonsd’ornement les plus robustes et c’est une desraisons pour lesquelles ils ont été domestiquésdepuis plus d’une centaine d’années. Aujour-d’hui, le poisson rouge originel est toujoursprésent dans les eaux chinoises, qui gèlentpendant les mois d’hiver. Il s’y trouve alorssous la glace (parfois au milieu), à des tempé-ratures proches du point de gel, et y survit.Tandis qu’en été, dans le même biotope, latempérature de l’eau dépasse les 30°C – j’aimesuré jusqu’à 41°C.

Il existe quelques points essentiels à prendreen considération lors de l’achat de poissonsrouges (jeunes ou plus âgés), comme celui évi-dent de décider si vous les maintiendrez enbassin, en aquarium, voire en paludarium. Lapratique asiatique traditionnelle, qui a encorecours aujourd’hui et qui consiste à les conser-ver dans des vasques en faïence, des saladiersen porcelaine ou des récipients en jade, n’a ja-mais vraiment passé les frontières. Pour unesérie de raisons, elle est plutôt réservée auxspécialistes et aux formes les plus extrêmes, etpar conséquent, je ne la traiterai pas ici. Il enva de même avec le cas du bocal dit à poissonrouge (ne serait-ce que sur le point d’unemaintenance appropriée). Du point de vue dupoisson rouge (normal), un bassin est l’habitatidéal et constitue généralement le seul envi-ronnement où il se reproduira sans l’interven-tion de son propriétaire. Mais je n’aborderaipas plus ici le sujet de la maintenance en bas-sin, étant donné qu’il existe des publications(presque) innombrables sur la question, afinde me concentrer plutôt sur la maintenancedes poissons rouges en aquarium et fournirquelques suggestions simples de biotope. (Ce-la dit, je recommanderais quand même d’inté-grer des carpes d’ornement dans le bassin etque celui-ci soit peuplé d’une faune et d’uneflore indigènes et naturelles.)

Installation de l’aquarium : Sur le point del’écologie, les principes généraux qui préva-lent pour (presque tous) les autres aquariums,s’appliqueront à l’aquarium à poissons rouges.En d’autres termes, ne tolérez pas que l’onvous affirme qu’un petit aquarium peut suffirepour des poissons rouges. Je recommande unecuve d’au moins 100 cm de long (ils ont be-soin de place pour nager, tout comme les dis-cus, par exemple) et large de 35 cm (plus il se-ra large, mieux ce sera), et au moins aussihaut. Employez un sable de granulométriemoyenne (taille des grains  : 0,2-0,6 mm) àgrossière (0,6-2,0 mm), mais jamais plus de2 mm car les poissons rouges aiment creuser.Garnissez-en le fond de la cuve sur une épais-seur de 5 cm – un peu plus haute à l’arrière –mais seulement après avoir rincé la cuve àl’eau chaude et vous être assuré que le sable aété bien lavé. N’oubliez pas d’inclurequelques (véritables) plantes aquatiques (lesgens croient souvent que les poissons rouges

n’en ont pas besoin ou qu’ils les mangent obli-gatoirement). Elles oxygéneront l’eau, utilise-ront les inévitables déchets métaboliques despoissons et procureront aux micro-organismesdes surfaces à coloniser. De plus, des plantesprospères constituent la réponse la plus effica-ce aux algues. Deux groupes de plantes peu-vent être conseillés (car si les plantes font par-tie du régime naturel des poissons rouges, ilsne grignotent que les plantes à feuillage tendreet aux jeunes pousses facilement consom-mables). Un groupe devrait par conséquentêtre d’un type robuste, dans le genre des val-

lisnéries (Vallisneria sp.), qui sont à la fois re-commandables et fidèles au biotope. Une ex-trémité du bac ou une partie du fond devra êtredensément planté avec des plantes de ce type,car les poissons rouges ont besoin d’endroitsoù se cacher. Les vallisnéries poussent biensous lumière assez puissante (et éventuelle-ment une fertilisation au CO2). D’autres possi-bilités sont un nénuphar (ex. : Nuphar lutea),qui ne sera pas non plus mangé, une espèce deBacopa et de la mousse de Java (Vesiculariadubyana), dans laquelle les poissons rouges ai-ment chercher de petits invertébrés. Un secondgroupe de plantes comprendra des végétauxdestinés au «  casse-croûte  », telles que lespestes d’eau Egeria densa ou Elodea cana-densis, qui poussent rapidement (elles peuventêtre facilement multipliées dans un autre bac ettransférées selon le besoin) ; ou des cornil les(Ceratophyllum demersum), qui généralementcontinuent à pousser en station flottante – sousbonne lumière. Si vous optez pour un bac ou-vert, vous pouvez alors ajouter les laituesd’eau (Pistia stratiotes) ou de la riccia (Ric ciafluitans). Le reste du décor sera composé debasalte, de granit ou de pierres de lave, ainsique de racines de tourbière bien lessivées.

La population de poissons pour cet aqua-rium : C’est avant tout une histoire de goûtpersonnel. Dans l’ensemble, je suggèred’éviter les formes sélectionnées pour êtrevues par le dessus, tels que le lorgnettes duciel, l’uranoscope (Bubble-Eyes) et le Tête-de-buffle. Les télescopes devraient être aussiconsidérés à deux fois, car leurs yeux sont siprotubérants qu’ils peuvent facilement êtreblessés (en particulier lorsqu’ils sont pris àl’épuisette). Les formes recommandées re-groupent les queues de voile – rouge et blanc(appelé aussi sarasa) ou de couleur calico ; letype de queue de voile élevé au début auxUSA, qui a l’arrière du corps moins ramassé ;le queue d’éventail, une forme occidentale ;les comètes, dont les shubunkins dits de Bris-tol et de Londres ; plus les orandas, les têtesde lion ou les poissons-oeufs. (Ces derniersont presque disparu, ce qui est à la réflexionune simple perte culturelle.) Il est importantde ne pas essayer d’exposer, et encore moinsde maintenir, une de ces formes à des tempé-ratures aussi basses que les poissons rougescommuns. Les variétés très sélectionnéessont acclimatées à des températures plusdouces.

Maintenance  : Les poissons rouges de-mandent un bon éclairage et un filtre de puis-sance appropriée qui recyclera au minimumdeux à trois fois le volume d’eau de l’aqua-rium par heure. Un chauffage n’est pas né-cessaire dans la mesure où la température del’eau ne descend pas sous les 18-17°C en hiver. Laissez tourner l’aquarium planté sanspoissons pendant 15 jours et mûrir biologi-quement (cela permettra aussi aux plantes des’enraciner) et ménagez pour vos poissonsrouges un espace de nage suffisant, sans sur-peupler l’aquarium  (selon cette fois-ci larègle d’1  cm de poisson (longueur totale)pour 3 litres d’eau).

Les deux biotopes ci-dessus sont bien plus appro-priés aux poissons rouges. Celui du haut représentele bassin typique, idéal pour cet usage – même en

hiver – avec des Nymphaea dedans. L’aquarium dudessous est en fait un paludarium et un environ-

nement parfait pour ces poissons.

Poissons rougesPoissons rouges

Que peut-on dire ou montrer d’un biotope à poissons rouges ?Pratiquement toutes les variétés de poissons rouges disponiblesaujourd'hui en aquariophilie représentent des poissons modifiéspar l’homme (jusqu’à chez certaines des abstractions extrêmes decouleurs ou de formes). Et je pourrais difficilement conseiller undes trois décors d’aquarium montrés sur cette page. Mais laissez-moi les commenter l’un après l’autre.Aquarium du haut : Voici un aquarium table – étant fermé sur ledessus (construit, je pense, en Russie), les poissons vont beaucoupsouffrir et il ne peut convenir (bien que l’effet soit très décoratif). Aquarium du centre : Ce genre de décor est déjà un peu mieux,mais sans l’Echinodorus uruguayensis – préférez à la place beaucoup de grandes vallisnéries dans le fond et quelquesNymphaea sp. Il devrait avoir aussi un peu de gravier naturel sur le fond et pas de pouzzolane. Sinon, les pierres plus grandes conviennent. Aquarium de gauche : Celui-ci est terrible et mortifère. Mongrand-père condamnait déjà les boules de verre (c’était à la findu XIXe siècle, au moment où les gens commençaient à comprendre que de tels récipients rendaient fous les poissons,condamnés à nager perpétuellement en rond – comme si nousétions nous-mêmes forcés à marcher en rond pendant toute notrevie…). Les plantes et la décoration sont jolies, mais pas le bocal…