1. L’ascension d’un homme nouveau...

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1. L’ascension d’un homme nouveau (Salluste) Vers la même époque, Marius était à Utique et offrit un sacrifice aux dieux. L'haruspice lui annonça que « les entrailles des victimes lui présageaient un destin aussi grand que surprenant; fort de l' appui des dieux, il pouvait accomplir ses projets ; il pouvait tenter la fortune autant qu'il le voudrait ; tout lui réussirait. » Or Marius brûlait depuis longtemps d'obtenir le consulat. Il avait, pour cela, toutes les qualités requises, sauf celle de l'ancienneté de sa famille : énergie, honnêteté, une science éprouvée de l'art militaire, un esprit aussi indomptable dans la guerre que modeste dans la paix, dénué de passion, incorruptible et seulement avide de gloire.Il était né à Arpinum, où il passa toute son enfance. Dès qu'il fut en âge de porter les armes, c'est à la carrière militaire qu'il se voua, plutôt qu'à l'éloquence grecque et aux élégances mondaines. Ainsi, grâce à ces saines occupations, qui l'empêchèrent de se corrompre, son esprit se forma très vite. C'est pourquoi, lorsqu'il se présenta pour la première fois devant le peuple pour solliciter un tribunat militaire, personne ou presque ne connaissait son visage ; mais sa réputation seule lui valut facilement les suffrages de toutes les tribus. À la sortie de cette magistrature, il obtint successivement les autres. Dans toutes les charges qu'il exerçait, il se comportait de telle façon qu'il paraissait digne d'en accomplir une supérieure. Cependant, jusqu'à cette époque — car plus tard, l'ambition le perdit — un homme de ce mérite n'osait briguer le consulat. En effet, c'était encore le temps où, même si la plèbe avait accès aux autres magistratures, la noblesse se réservait celle-là, qu'elle se passait de mains en mains. Aucun homme nouveau, quels que fussent sa gloire et ses exploits, n'était jugé digne d'un tel honneur. Il était comme entaché d'une souillure. Voyant que les présages pris par l'haruspice s'accordaient avec son désir secret, Marius demanda à Metellus un congé pour aller déposer sa candidature. Salluste (fin Ier s. av. J.-C., La Guerre de Jugurtha, LXIII-LXIV.

Transcript of 1. L’ascension d’un homme nouveau...

1. L’ascension d’un homme nouveau (Salluste)Vers la même époque, Marius était à Utique et offrit un sacrifice aux dieux. L'haruspice lui annonça que « les entrailles des victimes lui présageaient un destin aussi grand que surprenant; fort de l' appui des dieux, il pouvait accomplir ses projets ; il pouvait tenter la fortune autant qu'il le voudrait ; tout lui réussirait. » Or Marius brûlait depuis longtemps d'obtenir le consulat. Il avait, pour cela, toutes les qualités requises, sauf celle de l'ancienneté de sa famille : énergie, honnêteté, une science éprouvée de l'art militaire, un esprit aussi indomptable dans la guerre que modeste dans la paix, dénué de passion, incorruptible et seulement avide de gloire.Il était né à Arpinum, où il passa toute son enfance. Dès qu'il fut en âge de porter les armes, c'est à la carrière militaire qu'il se voua, plutôt qu'à l'éloquence grecque et aux élégances mondaines. Ainsi, grâce à ces saines occupations, qui l'empêchèrent de se corrompre, son esprit se forma très vite. C'est pourquoi, lorsqu'il se présenta pour la première fois devant le peuple pour solliciter un tribunat militaire, personne ou presque ne connaissait son visage ; mais sa réputation seule lui valut facilement les suffrages de toutes les tribus. À la sortie de cette magistrature, il obtint successivement les autres. Dans toutes les charges qu'il exerçait, il se comportait de telle façon qu'il paraissait digne d'en accomplir une supérieure. Cependant, jusqu'à cette époque — car plus tard, l'ambition le perdit — un homme de ce mérite n'osait briguer le consulat. En effet, c'était encore le temps où, même si la plèbe avait accès aux autres magistratures, la noblesse se réservait celle-là, qu'elle se passait de mains en mains. Aucun homme nouveau, quels que fussent sa gloire et ses exploits, n'était jugé digne d'un tel honneur. Il était comme entaché d'une souillure. Voyant que les présages pris par l'haruspice s'accordaient avec son désir secret, Marius demanda à Metellus un congé pour aller déposer sa candidature.Salluste (fin Ier s. av. J.-C., La Guerre de Jugurtha, LXIII-LXIV.

2. Marius et l’armée (Plutarque)Il fut élu consul avec une brillante majorité ; aussitôt, au mépris des lois et des coutumes des Romains, dans les nouvelles levées qu'il fit, il enrôla des pauvres et des esclaves. Aucun général, avant lui, n'en avait admis dans ses troupes ; on ne confiait les armes, comme les autres honneurs de la République, qu'à des hommes qui en fussent dignes, et dont la fortune connue répondît de leur fidélité. Ce ne fut pas néanmoins cette nouveauté qui fit le plus de tort à la réputation de Marius ; il offensa bien davantage les aristocrates de Rome par des discours pleins de fierté, de mépris et d'insolence. Il criait partout que son consulat était une dépouille qu'il enlevait à la mollesse des nobles et des riches, et que, pour sa part, il se glorifiait auprès du peuple non de vains monuments et d'images qui n'étaient pas les siennes, mais de ses propres blessures. Tous ces discours ne lui étaient pas inspirés seulement par sa présomption et par sa vanité, par l'envie de s'attirer gratuitement la haine des puissants; il était encore excité par le peuple qui, charmé du mépris que ces propos valaient au Sénat, et mesurant toujours l'élévation de l'âme à la fierté des paroles, portait Marius aux nues, et le poussait à ne pas épargner les nobles, pour faire plaisir à la multitude.Plutarque, Marius VII, VIII.

3. Les proscription de Sylla en – 82 (Plutarque)Dès que Sylla eut commencé à faire couler le sang, il ne mit plus de bornes à sa cruauté, et remplit la Ville de meurtres dont on ne voyait pas la fin. De nombreux citoyens furent les victimes de haines particulières; Sylla, même s'il n'avait pas à s'en plaindre personnellement, les sacrifiait au ressentiment de ses amis... Il commença donc par proscrire quatre-vingts citoyens sans en avoir parlé à aucun des magistrats. Comme il vit que l'indignation était générale, il laissa passer un jour et publia une seconde prescription 220 personnes puis une troisième du même nombre. Ayant ensuite harangué le peuple, il dit qu'il avait proscrit tous ceux dont il s'était souvenu, et que ceux qu'il avait oubliés il les proscrirait à mesure qu'ils se présenteraient à sa mémoire. Il comprit dans ces listes fatales ceux qui avaient sauvé un proscrit, punissant de mort cet acte d'humanité, sans en excepter le frère, le fils ou le père d'une personne en cause. Il alla même jusqu'à payer un homicide deux talents, fût-ce un esclave qui eût tué son maître, ou un fils qui eût été l'assassin de son père. Mais ce qui parut le comble de l'injustice, c'est qu'il nota d'infamie les fils et les petits-fils des proscrits, et qu'il confisqua leurs biens. Les proscriptions ne furent pas limitées à Rome; elles s'étendirent à toutes les villes d'Italie. Il n'y eut ni temple des dieux, ni autel domestique et hospitalier, ni maison paternelle qui ne fût souillée de meurtres. Les maris étaient égorgés entre les bras de leur épouse, les enfants dans le sein de leur mère; et le nombre de victimes sacrifiées à la colère ou à la haine n'égalait pas, de loin, le nombre de ceux que leurs richesses faisaient égorger. (Plutarque, Sylla, XXXI)

4. Sylla « Felix », (Arrien)En ce qui concerne l'organisation interne de l'État, il (Sylla) la régla complètement suivant son bon plaisir. Il ne fut plus question ni de loi, ni d'élection, ni de sort. La terreur glaçant tout le monde, une moitié des gens se cachait, l'autre moitié se taisait. Tout ce que Sylla avait fait en tant que consul ou proconsul fut déclaré permanent... On lui décerna une statue équestre en or, qui fut placée en face des rostres. On y grava cette inscription : A Cornelius Sylla, imperator, heureux. (terme latin Felix) » C'était le surnom que les flatteurs lui avaient donné, en se référant à ses succès contre ses ennemis, et l'adulation dura. J'ai vu des textes grecs qui rapportaient que le sénatus-consulte qui fut rendu à cette occasion l'avait désigné sous les noms de « Sylla Epaphrodite» (protégé d’Aphrodite, terme voisin de Felix); et cela me paraît d'autant plus probable que, dans des textes latins, on lui donne l'épithète de « Faustus », surnom qui se rapproche singulièrement du premier. Appien, Guerres civiles, I, XI.

5. La lutte contre les pirates (Plutarque)La puissance des pirates, qui prit naissance en Cilicie (sud-est de l'Anatolie), eut une origine d'autant plus dangereuse qu'elle fut d'abord à peine connue. Les services qu'ils rendirent à Mithridate pendant sa guerre contre les Romains augmentèrent leurs forces et leur audace. Par la suite, parce qu'ils étaient occupés par leurs guerres civiles, les Romains laissèrent la mer sans armée et sans défense. Attirés insensiblement par cet abandon, les pirates firent de tels progrès que, non contents d'attaquer les vaisseaux, ils ravageaient les îles et les ports... Gabinius, un de ses amis (de Pompée), fit une proposition de loi qui non seulement conférait à Pompée le commandement de toutes les forces maritimes, mais qui lui donnait encore un pouvoir absolu et une autorité sans contrôle sur toutes les personnes; il lui attribuait aussi le commandement sur toute la mer jusqu'aux Colonnes d'Hercule, et sur toutes les côtes sur une distance de quatre cents stades (74 km). Cet espace renfermait la plus grande partie des terres que Rome contrôlait, les peuples les plus importants et les rois les plus puissants. Il était enfin autorisé à choisir quinze légats, qui rempliraient sous ses ordres les fonctions qu'il voudrait lui assigner, à prendre chez les questeurs et les collecteurs d'impôts tout l'argent qu'il voudrait, à équiper une flotte de deux cents navires, à lever tous les soldats, tous les rameurs et tous les marins dont il attrait besoin. Plutarque, Pompée, XXIX.

6. Cicéron défend la loi Manilia : le « bonheur de Pompée »Pour ma part, j'estime qu'un grand imperator doit avoir quatre qualités : la connaissance de l'art militaire, le courage, la réputation et le bonheur (felicitas)Qui a livré plus de batailles aux ennemis de son pays que d'autres n'ont en de luttes à soutenir contre des ennemis particuliers? Qui a fait plus de guerres que les autres n'en ont lu ? Qui a ajouté à l'empire plus de provinces que les autres n'ont souhaité en gouverner? […]Les qualités d'un imperator ne sont pas seulement comme on le croit d'ordinaire, la constance au milieu des fatigues, le courage dans les dangers, l'activité dans les opérations, la promptitude dans l'exécution, la prévoyance dans les mesures à prendre; ces qualités, Pompée les possède à un plus haut degré qu'aucun des imperatores que nous avons vu à l'œuvre ou dont nous avons entendu parler.

7. L’empire romain au milieu du Ier siècle av. J.-C. (carte)

8. Plan du théâtre de PompéeVénus victrix

« maître du monde » (kosmokratôr)

jardin

9. Cicéron juge César ( Sur les provinces consulaires,56-55).Si j'ai voué toute ma haine à ceux qui ont voulu renverser Rome par le fer et la flamme conjuration de Catilina en 63), si mon bras s'est armé contre eux, quoique les uns eussent vécu avec moi dans une intime familiarité, et que ma voix eût fléchi pour les autres la sévérité des tribunaux, pourquoi ce même intérêt public, qui a pu me soulever contre mes amis, ne pourrait-il pas m'apaiser en faveur de mes ennemis?... J'avoue que mes opinions politiques ont été contraires à celles de César, et conformes aux vôtres (les optimates). Aujourd'hui (56-55 ?) je ne suis pas moins d'accord avec vous que je ne l'ai toujours été. Vous-mêmes, en effet,... vous avez décrété en faveur de César des prières publiques pour plus de jours qu'on ne l'a fait dans aucune guerre, et en des termes plus honorables qu'on ne le fit jamais pour aucun autre général. Pourquoi donc attendrais-je qu'on nous réconcilie? L'ordre le plus auguste de l'État (le sénat), cet ordre, à la fois l'oracle de la sagesse publique et la règle de toutes mes opinions, m'a réconcilié avec César. Oui, pères conscrits, c'est votre exemple que j'imite; j'obéis à vos conseils ; je cède à votre autorité... En quoi aujourd'hui ma conduite peut-elle vous étonner et m'attirer des reproches, lorsque moi-même j'ai déjà plusieurs fois appuyé des propositions qui étaient plus honorables pour César que nécessaires pour l'État ?... César, pères conscrits, a porté la guerre chez les Gaulois : jusqu'à lui, nous étions restés sur la défensive. Nos généraux avaient toujours pensé qu'il suffisait de résister aux agressions de ces peuples. Marius lui-même, Marius(1), dont la valeur héroïque rendit l'espoir et la confiance au peuple romain, abattu par la douleur, repoussa des troupes innombrables de Gaulois qui se répandaient dans l'Italie; mais il n'entra pas dans leur pays, il ne pénétra pas jusqu'à leurs villes... César s'est fait un autre plan : il a cru devoir non seulement combattre ceux qu'il voyait armés contre le peuple romain, mais encore réduire la Gaule tout entière sous votre domination. (Cicéron, Sur les provinces consulaires, 10, 11 et 13).1. Chef des populares, il avait épousé la tante de César.

10. La Guerre des Gaules 58-51

11. César harangue ses troupes. César, Guerre civile, 1,7.Informé de ce qui se passe, César harangue ses troupes. Il rappelle les torts que lui ont fait subir ses ennemis, de tout temps, et il se plaint que les efforts d'une malignité envieuse lui aient à ce point aliéné Pompée dont il a toujours favorisé, secondé, l'honneur et la dignité (dignitas). Il se plaint que, par une nouveauté jusqu'alors sans exemple dans l'État, on en soit venu à diffamer, à étouffer par les armes le veto des tribuns, qui avait été rétabli les années précédentes. Sylla, bien qu'il ait dépouillé de toute autorité le pouvoir (potestas) des tribuns, leur avait au moins laissé la liberté de veto (intercessio (1)). Pompée, qui passe pour leur avoir rendu leurs anciens droits, leur a même ôté ceux qu'ils possédaient auparavant. Toutes les fois, ajouta-t-il, que l'on a décrété « Que les magistrats veillent au salut de l'État », sénatus-consulte (ultime) qui appelle aux armes tout le peuple romain, ce décret n'a été rendu qu'à l'occasion de lois désastreuses, de quelque violence de la part des tribuns, d'une sécession du peuple, alors que les temples et les lieux fortifiés étaient occupés. Ces excès des temps passés ont été expiés par la mort de Saturninus et des Gracques. Pour le présent, personne n'a rien pensé, rien fait de semblable. Aucune loi n'a été promulguée, aucune proposition de loi soumise au peuple, aucune sécession effectuée. Eux qui, pendant neuf ans, ont si glorieusement servi l'État, gagné tant de batailles, soumis la Gaule et la Germanie, il les exhorte à défendre, contre ses ennemis, l'honneur (existimatio) et la dignités de leur chef(dignitas).

1. Casser une décision d’un magistrat jugée contraire aux intérêts de la plèbe .

12. Cinq visages de César (bustes célères) + 1

+ 1

13. Un portait de César (Suétone, Pline l’ancien)La débauche : Il n'y a que son commerce intime avec Nicomède (en 81) qui fit tort à sa réputation de chasteté; mais il en rejaillit sur lui un opprobre ineffaçable, éternel, et qui a servi de prétexte à une foule de railleries. je ne rappellerai pas ces vers si connus de Calvus Licinus: , Rome égale en horreur la Bithynie infâme/Et l'impudique roi dont César fut la femme. (Suétone, César, XIX.)Corrompu : Il ne montra aucun désintéressement dans ses gouvernements ni dans ses magistratures. Il est prouvé, par des mémoires contemporains, qu'étant proconsuls en Espagne, il reçut des alliés de fortes sommes mendiées par lui comme un secours pour acquitter ses dettes; et qu'il livra au pillage plusieurs villes de la Lusitanie. Dans la Gaule, il pilla les chapelles particulières et les temples des dieux, tout remplis de riches offrandes. (Suétone, César, LIV).Charismatique : Pour l'éloquence et les talents militaires, il égala, il surpassa même les plus glorieuses renommées. Son accusation contre Dolabella (77) le fit ranger, sans contestation, parmi les premiers orateurs de Rome. Cicéron, dans son traité à Brutus où il énumère les orateurs, dit qu'il n'en voit point à qui César puisse le céder , et il ajoute qu'« il y a dans sa manière de l'élégance et de l'éclat, de la' magnificence et de la grandeur». (Suétone, César, LV)Intelligent : Je pense que l'homme né avec l'esprit le plus vigoureux est le dictateur César : je parle d'une vigueur qui lui était propre. Il avait l'habitude de lire ou décrire, et en même temps de dicter et d'écouter. Il dictait à la fois à ses secrétaires quatre lettres (et des lettres si importantes!) ou même, s'il ne faisait rien d'autre, il en dictait sept. (Pline l'Ancien, Histoire naturelle, VII, 26)

14. César et le diadème (Suétone)Voici ce qui attira sur lui (César) la haine la plus violente et la plus implacable. Les sénateurs étant venus en corps lui présenter les décrets les plus flatteurs, il les reçut assis devant le temple de Vénus Genitrix... Ce dédain parut d'autant plus intolérable que lui-même, dans un de ses triomphes, avait manifesté une vive indignation de ce qu'au moment où son char passait devant les sièges des tribuns, un seul d'entre eux, Pondus Aquila, fût resté assis... A ce cruel outrage fait au Sénat, il ajouta un trait d'orgueil encore plus odieux. Il rentrait dans Rome après le sacrifice accoutumé des Féries latines lorsque, au milieu des acclamations extraordinaires et insensées du peuple, un homme, se détachant de la foule, alla poser sur sa statue une couronne de laurier, nouée d'une bandelette blanche. Les tribuns Epidius Marullus et Cesetius Flavus firent enlever le diadème et conduire cet homme en prison. Mais César, voyant avec douleur que cette tentative de royauté eût si peu de succès ou, comme il le prétendait, qu'on lui eût ravi la gloire du refus, apostropha durement les tribuns et les dépouilla de leur pouvoir. Jamais il ne put se laver du reproche déshonorant d'avoir ambitionné la dignité royale, quoiqu'il eût répondu un jour au peuple qui le saluait du titre de roi : «Je suis César et non pas roi », et qu'aux fêtes des Lupercales (14 février) il eût repoussé et fait porter au Capitole, sur la statue de Jupiter, le diadème que le consul Antoine essaya, à plusieurs reprises, de placer sur sa tête, dans la tribune aux harangues…

15. De la concordia ordinum au princeps. Cicéron, La république, II, - 51 ?)

Je vous ai montré le premier modèle du despote (Tarquin le Superbe, dernier roi de Rome) et je vous ai fait observer l'origine de la tyrannie, introduite dans cet État que Romulus avait fondé sous la protection des dieux, et non dans cette république dépeinte par l'éloquence de Platon, et conçue dans les promenades philosophiques de Socrate ; je voulais opposer à Tarquin portant un coup mortel à l'autorité royale, non par l'usurpation d'une puissance nouvelle, mais par l'injuste emploi de celle qu'il avait, cet autre chef (Junius Brutus, fondateur de la république), bon, sage, éclairé sur les intérêts de l'État, jaloux de sa dignité, en un mot le véritable tuteur et procurateur de la république ; car c'est ainsi que l'on doit nommer celui qui devra devenir le dirigeant et le gouvernant de la cite. Reconnaissez l'homme dont je vous parle; c'est celui dont la sagesse et l'active vigilance sont les garanties de la fortune publique. A peine son nom a-t-il été pro-noncé jusqu'ici, mais plus d'une fois dans la suite nous aurons parler de ses fonctions et de son pouvoir. (Cicéron, La République, II, 29)

16. Cicéron contre Antoine. (Cicéron, XlIIe Philippique, II, III, IV et IX, 20 mars 43)Aujourd'hui (20 mars 43), qu'y a-t-il à espérer? Est-il une paix possible avec des hommes comme Antoine ? Ajoutez les débris des amis de César, les gens comme Barba Cassius, Barbatus, Pollion. Ajoutez les familiers d'Antoine, ses compagnons de jeu et de débauche. Je laisse de côté ses amis, je ne nomme que les chefs. Ajoutez encore à leur troupe les (anciens de la Ve légion gauloise « Alouette » et les autres vétérans, cette pépinière de juges de la troisième décurie qui, après avoir englouti leur patri-moine, dévoré les bienfaits de César, se sont mis à convoiter nos fortunes. Fiez-vous à la main d'Antoine, à cette main qui a égor-gé tant de citoyens! Quelles seront la garantie et la sanction du traité que nous aurons conclu avec des gens comme Antoine ?... Dieux immortels ! Ne vous souvient-il plus des décrets que vous avez lancés contre eux? Vous avez annulé les actes d'Antoine, vous avez aboli ses lois, vous les avez flétries comme portées par la violence et au mépris des auspices. Vous avez provoqué la levée en masse de toute l'Italie... Mais, objectera-t-on, Marcus Lépide, deux fois imperator, grand pontife, qui dans la dernière guerre civile a si bien mérité de la république, Lépide nous exhorte à la paix. Nul, pères conscrits, n'a plus d'autorité sur moi que Lépide, tant par sa propre vertu que par l'illustration de sa race... Lépide veut la paix. Fort bien, s'il peut réussir à celle-ci comme à la dernière qu'il a faite, et qui permet à la république de revoir le fils de Pompée, de lui ouvrir son sein, de le recevoir dans ses bras, et de croire qu'il n'est pas le seul rétabli, mais qu'elle-même a été réintégrée avec lui dans ses droits... César (Octave), dont la vertu divine surpasse l'imagination, a repoussé ce brigand sanguinaire, dont la fougue impétueuse est tombée devant lui. Et ce même César, l'insensé d’Antoine croyait le noircir dans ses édits. Il ignorait que toutes ses calomnies contre un jeune homme si vertueux, si pur, retombaient réellement sur lui-même, sur les souvenirs de sa honteuse enfance (1). (Cicéron, XlIIe Philippique, II, III, IV et IX,)1. Au moment de la conjuration de Catilina où sa famille est impliquée.

17. Les proscriptions de 43 (Appien, Guerres civiles, IV)Aussitôt que les triumvirs se furent emparés du pouvoir, ils se réunirent pour établir des listes de proscrits; ils y écrivirent les noms des citoyens qui leur étaient suspects par leur influence dans les affaires publiques, et contre lesquels ils avaient des motifs d'inimitié personnels. Ils s'abandonnèrent réciproquement leurs propres parents, leurs propres amis, et cela non seulement dans l'instant, mais encore pour la suite ; car ils n'inscrivirent les proscrits qu'à la longue, et les uns après les autres, poussés soit par la haine, soit par un conflit quelconque, soit sous le simple prétexte qu'on était ami d'un ennemi, ou ennemi d'un ami, soit enfin parce qu'on avait une grande fortune. Ils avaient en effet besoin, pour faire la guerre, de beaucoup d'argent... On vit des infortunés figurer sur les listes de la proscription parce qu'ils avaient ou une belle maison dans Rome, ou un belle villa à la campagne. Le nombre total' de ceux qui furent abandonnés au glaive, ou dont les biens furent confisqués, s'éleva à près de trois cents parmi les sénateurs, et à deux mille parmi les chevaliers. Cicéron fut de ce nombre... Il fut décidé que l'assassin de chaque victime n'obtiendrait le salaire promis que s'il se présentait aux triumvirs la tête de sa victime à la main. Le salaire d'un homme libre était de l'argent; celui d'un esclave était la liberté et de l'argent... Voici comment était rédigé le préambule des tables de proscription : « Marcus Lépide, Marc Antoine et Octave César, choisis par le peuple pour rétablir l'harmonie et ramener le bon ordre dans l'État, proclament ce qui suit :... Nous pourrions sans doute faire saisir et égorger ceux dont nous avons résolu la mort, à mesure qu'on les rencontrerait; mais nous préférons inscrire leurs noms sur des tables de proscription, plutôt que de les faire arrêter à l'improviste... »Le centurion Laenas, quoique Cicéron lui eût autrefois fait gagner un procès, lui tira la tête hors de la litière, la lui coupa en trois coups, ou plutôt la lui scia, faute de savoir mieux faire. Il coupa en même temps la main avec laquelle Cicéron avait écrit contre Antoine.

18.L’orientalisation d’Antoine (Plutarque, Antoine, XXV)

Antoine mit le comble à ses maux par l'amour qu'il conçut pour la reine Cléopâtre et qui, rallumant en lui avec fureur des passions encore cachées et endormies, acheva d'éteindre et d'étouffer ce qui pouvait lui rester encore de sentiments honnêtes et vertueux... Aussi elle s'empara tellement de l'esprit d'Antoine que ce dernier en oublia et sa femme Fulvie qui, pour les intérêts de son mari, combattait à Rome contre César, et l'armée des Parthes, dont les généraux du roi avaient donné le commandement à Labienus (1). Celui-ci avait embrassé le parti du roi et, déjà installé en Mésopotamie, à la tête de cette armée, il n'attendait que le moment d'entrer en Syrie. Oubliant, dis-je, toutes ces considérations, Antoine se laissa entraîner par cette femme à Alexandrie, où il gaspilla dans l'oisiveté, dans les amusements et dans les voluptés les plus indignes de son âge la dépense la plus précieuse qu'on puisse faire, celle du temps... 1. Ancien lieutenant de César maintenant à la solde des Parthes.

19. La bataille d’Actium selon Velleius Paterculus (I, 85)

César et Antoine rangèrent leurs vaisseaux en bataille et se disposèrent à combattre, l'un pour le salut, l'autre pour le malheur du monde ; Marcus Lucius commandait l'aile droite de la flotte de César, Arruntius l'aile gauche; Agrippa dirigeait tous les mouvements de la marine de guerre. Se réservant pour le côté où l'appellerait la Fortune, César était partout. Antoine avait confié le commandement de sa flotte à Sosius et à Publicola. Quant aux armées de terre, celle d'Octave était sous les ordres de Taurus, et celle d'Antoine avait pour chef Canidius... Cléopâtre donna la première le signal de la retraite. Antoine aima mieux suivre la reine fugitive que rester avec les siens qui combattaient... L'armée d'Antoine, quoiqu'elle fût privée de son chef, ne s'en défendit pas moins avec acharnement... Après avoir longtemps combattu pour un général déserteur de son armée, ils se résignèrent, non sans efforts et sans regrets, à mettre bas les armes et à céder la victoire.