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Revue du Collectif Accident Numéro Zéro

description

Nous mettons en place un espace consacré à une esthétique de l’erreur, de l’acceptabilité du hasard et du mauvais réglage. Cette voie permet de contourner l’information pour effleurer plastiquement le domaine graphico-artistique.

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Nos idées, préconçues peut-être, mettent l’art

en échos avec la perfection,la pertinence et le sublime.

Le graphisme devrait-il revêtir unintérêt suffisant pour passer le

seuil, pour devenir de l’art ?Il se pourrait, dès qu’il se libère

de sa fonction première d’information ?

-Nous mettons en place et nous

donnons un espace à une esthétiquede l’erreur, de l’acceptabilité du

hasard et du mauvais réglage.Cette voie permet de parasiter,

de contourner l’information pour effleurer le domaine plastique.

Nous proposons une errance, unesituation à faire des erreurs.

Nous sommes disposés à acceuillirles accidents comme autant de

petits miracles.-

«Je ne veux plus me retenir deserreurs de mes doigts, des erreurs

de mes yeux», écrivait Aragon.--

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Sommaire .

^$^$^$.

22De la prétention de savoir vivre

.

44Quand l’image s’allume

.

1100J’écris pour m’occuper les mains

.

1155L’image est à l’image de la commande

.

1177Le graphisme punk

(introduction)...

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De la prétention de savoir vivre.Une île prise d’assaut.

Un petit format de 24 pages en noir et blanc surun papier lisse et froid. La proposition est signéepar le collectif Accident. La conception de cefeuillet est guidé par la nature même de l’espritdu groupe, soit un espace où les choses peuventêtre tenter, des expériences avoir lieu, où lescadres peuvent se reconfigurer en fonction d’unprojet. Cette première expérience essayera derenaître tous les 3 mois. Le statut de gratuit, quenous lui imposons nous permet de le rendreréellement public en évitant le rapport à l’argent,les habitudes face aux rayons des buralistes,les noms et les couleurs de nos magazinespréférés. Diffusé sur le net avant de pouvoir êtreimprimé, la parution de cet objet est espérée telun battement de paupière. Nous ne souhaitonspas réformer les pensées ni donner de nouvellesperspectives (encore moins en appuyer d’autres).Pas de titres, pas de nominations du contenu.Seuls des textes, des positions… mais en aucunefaçon des guerres d’images.

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Collectif Accident,Identité graphique,

2004

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Il est intéressant de constater que le terme“graphisme”, utilisé par le milieu professionnel,ne désigne ni dans l’usage courant, ni dans ledictionnaire, une discipline globale au mieux unemultidisciplinarité spécifique. Vaguementqualifié comme un caractère particulier d’uneécriture. Le graphisme, cette matière qui estenseignée et qui donne fonction lors d’une action,est explicité par l’atomisation de son territoire.Peu de choses sont mises en place afin de créerréellement un lexique précis des codes et inter-faces utilisées. Noyées, de part leur nature, dansle quotidien. La multitude des supports et deslangages éclaircissent sa situation. Un art duquotidien où chaque invention est utilisée,recopiée, falsifiée, pour entretenir et redorerl’image des marques. L’hypnose, la tromperie se montre alors aupremier plan mettant en place la considérationque connaissent en général les objets usuels. N’y a-t’il pas ainsi une réticence à nommer et àreconnaître, en tant que tel, un art visuel présentà chaque instant dans notre quotidien ? Danscette écriture du monde, interprétée comme uneactivité qui associe la typographie, l’illustra-tion, la photographie, l’espace, la mise en pageet l’impression, les subtilités sont nombreuses :comment distinguer une image pertinente entretoutes celles qui nous entourent ? Faut-il êtreélitiste et ne prendre au sérieux que les imagesproduites par les grands ?

texte écrit par Franck Marry,graphiste, Le Havre

mai-juin 2000

Quand l’image s’allume.

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Un des phénomènes les plus intriguants, à monsens aujourd’hui, est la coexistence de différentsrégimes d’images. L’image sous ses formes les plus communes etl’image d’art contemporain, celles-ci sont deuxdomaines qui se partagent et se mèlent autravers des traditions.

Se questionnner sur ce que pourrait être uneimage active, une image qui amorcerait leregard à un ensemble d’idées. Certaines de cesimages existent au quotidien. On peut les aper-cevoir parmi d’autres, dans les espaces quatrepar trois, dans le métro, mais pour la pluspartelles ne sont pas contrôlées. Dues à des erreursou à des accidents qui amènent du sens et unsoupçon de philosophie. Peut-on bânir l’image quin’existe que sur elle-même, en oubliant même sapérénité. Elles sont faites pour être remplacées,tels des objets en série conçus pour transmettreun message. Une image qui en décevera uneautre et un message qui en amènera un autre, lemême qui est d’exister en dépensant.Un procédé pour diversifier le paysage et fairecroire à une constante évolution en espérant querien ne modifiera le comportement des usagers.

Les Hommes communiquent toujours, autour d’uncafé, parlent entre eux, prennent des décisionssans pour autant perdre le rapport sensoriel à lamatérialité, la promenade restant une activitéprivilégiée dans notre société : La comtempla-tion de choses simples développe le regard et lacritique. Alors tentons de verbaliser ce vers quoinous tendons avec l’utilisation du net et du«célèbre multimédia». Ce dernier symbolise la pointe de la technologie,le ludique, le rassemblement de la familleautour d’un même objet ou intérêt, l’hégémonie

de l’outil informatique, etc ; mais certainementplus le sens qu’il dégageait dans les années 70. L’idée du médium, celle du multisupports dediffusion: cinéma, télévision, radio, ainsi quel’affichage et les journaux. Désormais le multimédia est dénué de sonsens, il désigne un objet permettant de faireapparaître des images (ou des bonus que l’onpeut sélectionner à sa guise) du son ou du bruitplus fée-érique que jamais sur des enceintes dedeux watts : c’est devenu (si c’est la peine de lecoucher sur papier) une politique marketing desurpuissance à portée de tous plutôt qu’un atouttechnologique.

Le langage visuel est le moyen de communicationautour duquel toute une culture spécifique s’estconstruite. L’imprimerie a fait le premier pasdans ce mode d’échange en désignant ainsi laprimauté de l’écriture. Notre système scolaired’apprentissage nous conditionne à ce mécanisme.

Maintenant l’échange n’est plus une page delivre mais un écran : celui du téléphone portable,celui de l’agenda informatisé de poche et celuide l’ordinateur personnel. Si l’enseignement denotre culture était construite une représentation72 Dpi, n’aurions nous pas alors un autre ques-tionnement sur l’image et l’art visuel ?

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Internet propose-t’il un espace de dialogue,cette image peut-elle avoir valeur de lieu?L’envie de séduire, de faire du tape à l’oeil, degénéraliser, de populariser ne risque-t-elle pasde nous maintenir dans un univers plat où lamédiocrité serait le mot d’ordre. L’incohérencerègne, rien n’est construit ou organisé, mis à parles moteurs de recherches qui sont une maigreavancée, pour structurer cet espace. Les signes utilisés peuvent créer une grammaireavec un nouveau langage, les îcones deviennentalors un mode de penser : base de données,dossier, infos, précédente, suivante, favoris, allerà, chercher, actualiser, démarrage...

L’art visuel pris en compte dans un modèlevirtuel occulte le temps, le mouvement (encoremaintenant), la matière, la lumière, les couleurs,les dispositif de vision, l’espace de circulation...tout ce qui lui donne une matérialité, une esthé-tique. Mais quelle serait l’oeuvre la plus virtuelle,celle qui onthologiquement ne prendrait encompte que les paramètres humains sommaire-ment décris ci-dessus ? Cela pourrait être... je nesais pas. Aucune idée de l’entité qui ne prendraiten compte que des paramètres informatiquespour exister. Une onde, transmise directementau cerveau qui y “matérialiserait” une image ?

La promenade. La contemplation. La critique. Leregard. Une salle informatique dans une écoled’art. Un lieu sombre où la lumière perce avecparesse. Où l’éclairage artificiel renforce lafroideur du rapport à la machine. Moins declarté pour s’immerger dans cet univers micro.Créer un univers particulièrement isolé pourêtre davantage en phase avec le milieu cotoyé :une simple adaptation à son environnementcomme l’homme le fait depuis des millénairesest ce qui lui assure sa survie.

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«J’ai besoin de mes mains pour me frotter les yeux.

Mais me frotter les yeux c’est un peu comme écrire

pour m’occuper les mains, dans les deux cas il s’agit pour

un temps de supprimer la vision, de se dérober à une certaine

forme de clarté pour ensuite voir autrement

ou essayer de voir mieux.»

extrait du texteJ’écris pour m’occuper les mains

de Tiphaine Samoyault

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L’image est à l’image de la commande.

Par l’élargissement de la culture graphique, unfossé s’est creusé entre le commanditaire et legraphiste. Cet éloignement s’explique par lamultiplication des interlocuteurs qui existent àtravers le cheminement d’une image, entre lanaissance de l’idée et sa formalisation surpapier après le B.A.T. Tous ont des exigencesselon leur status et leur hiérarchie, mais n’onten aucun cas de formation en art visuel leurpermettant de réagir au fur et à mesure del’avancée des propositions. Les commanditairesse forment, le plus souvent avec les graphistesavec lesquels ils travaillent, c’est à dire par leurpropre moyens. Ces lacunes deviennent hélaspréoccupantes dans le contexte de la course auximages.

Passer commande est-il encore une chose sifacile à faire d’une manière contemporaine?Actuellement, les conflits liés à la collaborationfont ressurgir les ambiguïtés d’une culture del’image face à la parole : les images du quotidiensont des choses que l’on s’obstine à ne pas définir,à vaguement classer comme des systèmes dereprésentation... elles ne nous affectent pas oualors peuvent être au contraire trop chargées desens et se confondre avec les signes qu’ellestendent à représenter.

Concepteurs et incubateurs de signes, lesgraphistes, subissent alors les effets de cettefascination de l’image. Avec des demandesclaires et articulées autour d’une démarche,s’accompagnent plus communément des com-mandes vagues et troubles. Dans ces dernières le graphiste est intimementconvié à l’habillage, à la surface et sourtout pasau fond qui par des questions de logique seraitmis en péril.

texte écrit par Franck Marry,graphiste, Le Havre

février 2002

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Tout au long de leur collaboration, commanditaireet graphiste expriment des besoins et descontraintes. Mais au final, qui décide de lavalidation d’une image ou d’un projet quand ilcircule de main en main (ou d’email en email) ? Quand la commande implique un trop grandnombre de décisionnaires ainsi qu’une ultimehiérarchie occulte, la commande rencontre desblocages dévoilant une réticense implicite del’organisation demandeuse. Au fur et à mesurede la noyade du projet, les interlocuteurs semultipleront et la possibilité d’une finalitéreculera. L’opacité de la commande est le prin-cipal obstacle à la résolution d’une solutiongraphique pertinente.

La commande apparaît comme un exercice quiprend en compte des données quantitatives,visibles et invisibles, dans une réalisation quiconcrétise en terme plastique, la solutionadéquate. Cette création nécessite plus qu’unsimple aller-retour de maquette corrigée, elleexige un dialogue constant et sans indiscrétions.Pour contribuer à cette quête de réalisation, uneréférence commune, un bon de commande, uncahier des charges et un contrat sont mis enplace : le commanditaire formule sa demande,son besoin et assume le choix de son graphisteen rapport à ce-dernier. Le réseau hiérarchiquedans lequel le graphiste plonge doit être clairtout comme les interlocuteurs affectés à cettetâche. De plus il est aussi garant de la réalisationfinale. Il doit prendre en compte les audaces etles choix plastiques nécéssaires à la réalisationd’un objet complet.Le graphiste, de son côté, sait appréhender lesenjeux généraux comme les objectifs recherchésde la commande. Il travaille à faire connaître saréalité professionnelle à son interlocuteur afin

de rendre sensible ses propres besoins etcontraintes. En verbalisant son travail, ilassume également la part d’illogisme de toutesses propositions créatives.

L’implication des deux parties, dans un dialogueconstructif, qui prennent en compte de toutesles dimensions de la commande, est un droitautant qu’un devoir. A cette seule condition les malentendus sedissiperont, il faut créer et préserver ce tempsde dialogue qui en milieu professionnel est untemps trop court. Les journées ne sont pasassés longues dans un milieu où les pressionséconomiques sont omniprésentes et lourdes.

Ainsi après des manifestations, des débats, desécrits et des images d’engagement et de désir,le graphisme commence à trouver son lieu, unespace propre à son développement, où lui serareconnu son rôle d’acteur culturel à part entière.

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Né dans l’Amérique contestataire des années1960, le mouvement punk, lorsqu’il débarqua demanière fracassante dans l’Angleterre de la findes années 1970, n’était déjà plus véritablementlui-même. Alors que les groupes américainscommes les Ramones, Suicid ou Television,gardaient une grande distance vis-à-vis del’industrie musicale et des médias, l’arrivée dupunk dans l’Angleterre pré-thatchérienne desannées 1975-1976, bénéficia très tôt d’unsoutien marqué par la presse musicale «officielle»et d’une reconnaissance populaire immédiate. Et bien que reprenant à son compte le message etles principes de production du garage américain(refus de l’aliénation, appel à la rebellion de lajeunesse, désillusion quant au futur, structuresmusicales simples et autonomie de production),qui voulait alors en finir avec la période hippie,le mouvement punk anglais (et ce fut là sa force)érigea la contestation en stratégie marketingbien huilée, où l’habillage graphique avait defait toute son importance.

L’intégralité du texte d’Alexandre Laumonier est visible sur le site internet suivant:www.synesthésie.com

Le graphisme punkou l’impossibilité de la contestation graphique (introduction).

texte écrit par Alexandre Laumonier,paru dans Art Grandeur Nature,

Paris, 2004

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Bad taste,Identité graphique,

2004

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Fin

LLeess aauutteeuurrssAlexandre Laumonier,Raphaël Leboucher (images p11, p12-13),Franck Marry (images p9, p18-19, p20-21)Tiphaine Samoyault.

CCoonncceeppttiioonn ggrraapphhiiqquueeCollectif Accidentcouverture: A.C

DDiirreeccttiioonn aarrttiissttiiqquuee eett rrééddaaccttiioonn::collectif accident(Alban gervais, Xavier Lefevbre,Raphaël Leboucher et Franck Marry)

IImmpprreessssiioonn vviirrttuueelllleewww.accident-collectif.netagenda et carambolages graphiques.

pp

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- Édition -2006