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3 l’Écho du Tarn • n° 4655 • Du jeudi 27 août au mercredi 2 septembre 2009 Le Tarn GRAND ANGLE temps, aujourd’hui, il me semble que les Tarnais veulent aller plus loin et mieux connaître Jaurès. Livres, débats et rencon- tres abondent de plus en plus. Et dans la France d’aujourd’hui ? C’est un peu différent. Il est davantage associé à une culture politique, celle de la gauche et du socialisme en général, celle aussi des luttes ouvrières et du combat pacifiste (voyez les chansons de Brel et de Bachelet). Mais là aussi, cela évolue et se complexifie, avec des tentatives de trans- gression, des oublis et des confusions aussi. Il faut plus d’histoire… Son combat aux côtés des ouvriers grévistes de Carmaux a-t-il eu des retombées au niveau national ? Oui, et il y a interaction. Il est « crédible » en 1892-1893 auprès des mineurs de Carmaux parce qu’il est depuis 1886 un référent majeur au Parlement des syndi- calistes de la mine… et il sera sans cesse un député attentif et persévérant des premières législations sociales (sécurité, durée de la journée de travail…)… Quelles étaient ses relations avec la famille de Solages ? Franchement pas bonnes ! La famille de Solages symbolisait alors pour lui tout ce qu’il combattait : une noblesse catholique et patronale, qui alliait la do- mination d’Ancien Régime à la puissance économique et sociale. C’est un aspect qu’il ne faut pas oublier : Jaurès devient socialiste, mais il reste dans sa circons- cription le candidat des « républicains » contre les Reille-Solages, liés à l’Empire, à la monarchie et à l’Ordre moral de Mac Mahon. Les Solages vont essayer de faire battre Jaurès en s’effaçant personnelle- ment (1910) pour mettre fin à ce clivage, mais cela ne pourra pas fonctionner. Et ils participent aussi à l’évolution fréquente des grandes familles du siècle, avec cer- tainement chez eux un attachement profond à la foi religieuse qui explique une évolution politique et sociale. Pourquoi s’est-il tant battu pour la sépara- tion de l’Église et de l’État ? C’est en effet un de ses combats fondamentaux, un dossier complexe aussi. Républicain, il veut achever la Révolution française, une République de citoyens libres et égaux en droits. Cela passe pour lui par un enseignement et un État libres et indépendants de tout dogme religieux. Il est hostile à la puissance politique d’une Église catholique alors liée à la droite politique et sociale. Mais il pèse en faveur d’une séparation à l’amiable, qui respecte la liberté de religion… Il obtient plutôt satisfaction… à terme (mais ce n’est pas apparent de son temps) et il a même pressenti l’évolution possible de l’Église (discours du 13 novembre 1906)… Quel a été le combat de Jean Jaurès pour les langues régionales, pionner pour leurs enseignements au sein de l’école ? « Prise de position » conviendrait mieux que « combat »… D’abord, le problème ne se pose pas alors comme aujourd’hui. Jaurès parle « notre belle langue du Midi ». Il veut le développement de l’école, de l’instruction, du français bien sûr, lan- gue des échanges, de la communication et du savoir. Il ne voit pas de contradiction et il est un homme de passages, qui veut unir la ville et la campagne, Paris et le Midi, expliquer l’un à l’autre et qui détes- te les enfermements, les cloisonnements, la bêtise localière d’où qu’elle soit… Et il prend en effet conscience de l’intérêt d’un enseignement à l’école des langues régionales dans une perspective d’ouver- ture. Il le fait non en restant à Bessoulet, mais lors de son voyage de 1911 en allant vers l’Amérique latine, c’est symbolique… Local, national et mondial se complètent et se nourrissent l’un l’autre chez lui, au service de l’humanité. Pourquoi Jean Jaurès est-il mort de son combat pour la paix ? Jaurès est conscient des risques de guerre internationale (à mon sens : à partir de 1904), il n’est pas le seul, mais il se distingue des autres parce qu’il pressent lui la catastrophe de civilisation que cela représenterait. Son combat pour l’empê- cher suscite haines et campagnes d’une violence inouïe. Le 31 juillet 1914, alors que la tension internationale est des plus fortes, une tête faible comme celle de Raoul Villain croit servir son pays en assassinant le champion du pacifisme. Propos recueillis par D. Roland 150 ans après sa naissance, Jaurès renvoie l’image d’un homme apprécié de tous. Est-ce la vérité ? Peu de personnages politiques ont été aussi honnis que Jaurès de son temps. Il est de- venu aujourd’hui une référence mais dont on ne sait plus très bien quel est le contenu. Intellectuel et philosophe exceptionnel, Jau- rès a débattu avec des personnalités de très haut niveau comme Péguy ou Bernstein. Élu fidèle et de terrain, il était un politique hors du commun qui non seulement a rassemblé les socialistes – ce qui était aussi compliqué qu’aujourd’hui, si ce n’est un peu plus - mais qui surtout n’avait pas peur de l’impopulari- té. À l’Assemblée, Jaurès avait la dent acérée et n’hésitait pas à dire des choses brutales en prenant à parti des ministres. Ce n’était pas du tout ce gentil barbu sympathique que tout le monde aimait. Jaurès était un personnage très divers, très composite, très complexe, un homme de son temps. Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle et l’extrême-droite aux élections euro- péennes ont repris l’image de Jaurès. Comment l’expliquer ? Ils ont utilisé ce que l’on appelle aux États- Unis la triangulation. Il s’agit d’une technique politique qui consiste à prendre à l’adversaire des idées, des mots, des per- sonnalités, des références pour troubler une partie de l’électorat. Que Sarkozy le fasse, c’est déjà mal- honnête mais que l’ex- trême-droite ose le faire, c’est le sommet. Ils volent l’image de Jaurès, même si ce dernier n’appartient en fait à personne. Aspect méconnu de sa pensée, Jaurès a développé des idées innovantes sur les institutions. Lesquelles ? Il pensait qu’il fallait remplacer le Sénat par une chambre du travail, ce que moi je pro- pose depuis des années et ce qu’a essayé de faire de Gaulle en 1969 avec les conséquen- ces que nous connaissons. Le Sénat n’est qu’une duplication de l’assemblée qui coûte très chère et qui ralentit les projets. Jaurès avait cette vision futuriste sur les institutions. Il pensait que l’Assemblée natio- nale devait posséder davantage de pouvoirs et était favorable à un pouvoir exécutif fort. Il appelait de ses vœux une relation fréquente avec les citoyens via des comptes rendus de mandat et des référendums, ce que l’on appelle aujourd’hui démocratie participative. De Gaulle et Jaurès se seraient bien entendus ? Je pense que Jaurès n’aurait pas été opposé au système proposé par de Gaulle sous la V e République, à un détail près : l’élection du président au suffrage universel. Le Président de la République est devenu la pièce essen- tielle du fonctionnement de la démocratie française, qui est en réalité une monarchie républicaine. Surtout depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir. Je ne suis pas certain que Jaurès aurait apprécié cette mo- narchie républicaine. Un pouvoir exécutif fort certes, mais avec un contrôle fort, c’est la compensation nécessaire. À son époque, Jaurès a travaillé à unir différentes chapelles de la gauche. Les querelles internes au PS ont fait les Unes des journaux cet été. Est-ce que le message de Jaurès peut apporter une piste de solution ? Il ne s’agit pas de copier. Avec d’autres ca- marades, j’ai repris la formule du Nouveau Front Populaire pour la désignation d’un candidat unique à gauche en 2012. L’ob- jectif n’est pas de refaire 70 ans plus tard le Front populaire. Le contexte économique et politique est bien différent. Mais il s’agit de la même démarche : celle d’une gauche qui était ô combien divisée à l’époque et qui a su trouver une unité. Martine Aubry a parlé de « maison com- mune ». Qu’en pensez-vous ? Ce terme n’a pas été toujours bien compris, mais Martine a fait l’effort d’écrire aux autres formations de gauche. Ce n’était peut-être pas le meilleur moment, mais elle a reçu des réponses positives, notam- ment de Buffet et Chevènement. Votre mouvement Gauche Avenir pro- pose la tenue d’États généraux de la Gauche. En quoi consistent-ils ? La gauche doit se réunir, se parler et élaborer ensemble un projet et un programme commun pour 2012. Cela ne se fera pas en un jour. Jaurès à son époque a eu besoin d’une dizaine d’années avant d’aboutir au congrès du Globe de 1905. Entre-temps il a connu des hauts et des bas : les affaires Dreyfus et Millerand, les pressions de l’Internatio- nale socialiste. Mais sa volonté était bien là. Si la gauche ne va pas rassembler à la présidentielle de 2012, compte tenu des institutions, elle est condamnée. Il ne fau- dra pas quatre candidats de gauche au 1er tour, mais un seul. Comme en 1974. Mais aucune personnalité ne semble se détacher, comme un Jaurès ou un Mitterrand. La personnalité ne sortira qu’après cette démarche préalable de rassemblement. La personnalité qui sera capable de porter cette démarche sera elle-même capable de porter le projet commun. Faut-il passer par des primaires ? On parlera des primaires à la fin. Si vous mettez cette étape dès le début, la gau- che se dirige droit vers un nouvel échec. Douze candidats sont déjà en lice - j’en connais douze mais il y en a peut-être qui se cachent - et je sais à quoi ils pensent matin, soir et nuit : monter des stratégies individuelles en faisant croire qu’il s’agit de stratégies collectives. C’est ce que vit le PS en ce moment ? Au PS et pas seulement. Dans les douze, tous ne militent pas au PS. Ces candidatu- res auto proclamés ne correspondent ni au fondement de ce que doit être une vraie démarche politique, ni aux attentes des Français en cette période de crise. Propos recueillis par A. Pasquier Paul Quilès, ancien ministre de la défense > puis de l’intérieur sous les gouvernements Fabius et Bérégovoy, maire de Cordes-sur-Ciel, député de la circonscription d’Albi-Carmaux de 1993 à 2007. Vu par Paul Quilès* « Je ne suis pas certain que Jaurès ait apprécié cette   monarchie républicaine » « Jaurès était un personnage très complexe, un homme de son temps ». honorer Jean Jaurès e ses concitoyens notamment la reconstitution d’une séance du conseil municipal place Jaurès.  nt mieux connaître Jaurès » abandonné sa culture régionale malgré son envergure nationale et internationale. « Il pèse en faveur d’une séparation à l’amiable » d’une bourse scolaire par la ville. « Sans cette bourse, Jaurès n’aurait peut-être jamais été ce qu’il est devenu », sourit le directeur Vial. L’école à l’époque de Jaurès Une autre reconstitution s’ouvrira à 19 h 30 au Centre national, place Pé- lisson : celle d’une école au temps de Jaurès. « Le musée n’allait pas présenter une nouvelle exposition sur la vie de Jaurès, c’est ce qu’il fait toute l’année. L’idée est d’expliquer comment les éco- liers suivaient la classe à la fin du 19 e siècle ». Cette période est d’autant plus intéressante qu’elle est marquée par l’instauration de l’école publique. « le petit Jaurès est un pur produit de cet enseignement gratuit, public et laïque », assure Hugues Vial. Cette école d’autrefois, avec ses pupi- tres, ses encriers, ses manuels scolaires, sera visible jusqu’au 31 décembre et s’adressera surtout à un public scolaire. Le jour de l’inauguration, le premier dis- cours de Jean Jaurès, rédigé à l’âge de 17 ans à l’occasion d’une visite du préfet du Tarn, sera dit par un adolescent du même âge. La journée anniversaire du 3 septembre s’achèvera par la projection à 22 h, tou- jours place Jean Jaurès, du film de Jean- Daniel Verhaeghe « Jaurès, naissance d’un géant ». D’autres manifestations autour de Jaurès se dérouleront dans plusieurs endroits de Castres lors des Journées du patrimoine et du mois d’octobre (voir programme ci-contre), notamment un colloque scientifique les 23 et 24 octobre sur le thème « Jau- rès, enfant de Castres » et la représen- tation au théâtre municipal le vendredi 23 octobre (14 h 30 et 21 h) de la pièce de Jean-Claude Drouot « La valise de Jaurès ». Cette pièce rend hommage, avec humour, au tribun qu’était Jaurès et à ses nombreux débats à l’Assemblée nationale avec Maurice Barrès. Antoine Pasquier « Je suis du Midi, vous êtes du Midi, nous som- mes tous du Midi » Jean Jaurès La maison natale à Castres.

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Dossier publié par l'Echo du tarn du 27 août 2009 sur Jean Jaurès, avec des interviews de Paul Quilès et de Gilles Candar.

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l’Écho du Tarn • n° 4655 • Du jeudi 27 août au mercredi 2 septembre 2009

Le Tarn ■ GRAND ANGLE

temps, aujourd’hui, il me semble que les Tarnais veulent aller plus loin et mieux connaître Jaurès. Livres, débats et rencon-tres abondent de plus en plus.

Et dans la France d’aujourd’hui ?C’est un peu différent. Il est davantage associé à une culture politique, celle de la gauche et du socialisme en général, celle aussi des luttes ouvrières et du combat pacifiste (voyez les chansons de Brel et de Bachelet). Mais là aussi, cela évolue et se complexifie, avec des tentatives de trans-gression, des oublis et des confusions aussi. Il faut plus d’histoire…

Son combat aux côtés des ouvriers grévistes de Carmaux a-t-il eu des retombées au niveau national ?Oui, et il y a interaction. Il est « crédible » en 1892-1893 auprès des mineurs de Carmaux parce qu’il est depuis 1886 un référent majeur au Parlement des syndi-calistes de la mine… et il sera sans cesse un député attentif et persévérant des premières législations sociales (sécurité, durée de la journée de travail…)…

Quelles étaient ses relations avec la famille de Solages ?Franchement pas bonnes ! La famille de Solages symbolisait alors pour lui tout ce qu’il combattait : une noblesse catholique et patronale, qui alliait la do-mination d’Ancien Régime à la puissance économique et sociale. C’est un aspect qu’il ne faut pas oublier : Jaurès devient

socialiste, mais il reste dans sa circons-cription le candidat des « républicains » contre les Reille-Solages, liés à l’Empire, à la monarchie et à l’Ordre moral de Mac Mahon. Les Solages vont essayer de faire battre Jaurès en s’effaçant personnelle-ment (1910) pour mettre fin à ce clivage, mais cela ne pourra pas fonctionner. Et ils participent aussi à l’évolution fréquente des grandes familles du siècle, avec cer-tainement chez eux un attachement profond à la foi religieuse qui explique

une évolution politique et sociale.

Pourquoi s’est-il tant battu pour la sépara-tion de l’Église et de l’État ?C’est en effet un de ses combats fondamentaux,

un dossier complexe aussi. Républicain, il veut achever la Révolution française, une République de citoyens libres et égaux en droits. Cela passe pour lui par un enseignement et un État libres et indépendants de tout dogme religieux. Il est hostile à la puissance politique d’une Église catholique alors liée à la droite politique et sociale. Mais il pèse en faveur d’une séparation à l’amiable, qui respecte la liberté de religion… Il obtient plutôt satisfaction… à terme (mais ce n’est pas apparent de son temps) et il a même pressenti l’évolution possible de l’Église (discours du 13 novembre 1906)…

Quel a été le combat de Jean Jaurès pour les langues régionales, pionner pour leurs enseignements au sein de

l’école ?« Prise de position » conviendrait mieux que « combat »… D’abord, le problème ne se pose pas alors comme aujourd’hui. Jaurès parle « notre belle langue du Midi ». Il veut le développement de l’école, de l’instruction, du français bien sûr, lan-gue des échanges, de la communication et du savoir. Il ne voit pas de contradiction et il est un homme de passages, qui veut unir la ville et la campagne, Paris et le Midi, expliquer l’un à l’autre et qui détes-te les enfermements, les cloisonnements, la bêtise localière d’où qu’elle soit… Et il prend en effet conscience de l’intérêt d’un enseignement à l’école des langues régionales dans une perspective d’ouver-ture. Il le fait non en restant à Bessoulet, mais lors de son voyage de 1911 en allant vers l’Amérique latine, c’est symbolique… Local, national et mondial se complètent et se nourrissent l’un l’autre chez lui, au service de l’humanité.

Pourquoi Jean Jaurès est-il mort de son combat pour la paix ?Jaurès est conscient des risques de guerre internationale (à mon sens : à partir de 1904), il n’est pas le seul, mais il se distingue des autres parce qu’il pressent lui la catastrophe de civilisation que cela représenterait. Son combat pour l’empê-cher suscite haines et campagnes d’une violence inouïe. Le 31 juillet 1914, alors que la tension internationale est des plus fortes, une tête faible comme celle de Raoul Villain croit servir son pays en assassinant le champion du pacifisme.

Propos recueillis par D. Roland

150 ans après sa naissance, Jaurès renvoie l’image d’un homme apprécié de tous. Est-ce la vérité ?Peu de personnages politiques ont été aussi honnis que Jaurès de son temps. Il est de-venu aujourd’hui une référence mais dont on ne sait plus très bien quel est le contenu. Intellectuel et philosophe exceptionnel, Jau-rès a débattu avec des personnalités de très haut niveau comme Péguy ou Bernstein. Élu fidèle et de terrain, il était un politique hors du commun qui non seulement a rassemblé les socialistes – ce qui était aussi compliqué qu’aujourd’hui, si ce n’est un peu plus - mais qui surtout n’avait pas peur de l’impopulari-té. À l’Assemblée, Jaurès avait la dent acérée et n’hésitait pas à dire des choses brutales en prenant à parti des ministres. Ce n’était pas du tout ce gentil barbu sympathique que tout le monde aimait. Jaurès était un personnage très divers, très composite, très complexe, un homme de son temps.

Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle et l’extrême-droite aux élections euro-péennes ont repris l’image de Jaurès. Comment l’expliquer ?Ils ont utilisé ce que l’on appelle aux États-Unis la triangulation. Il s’agit d’une technique politique qui consiste à prendre à l’adversaire des idées, des mots, des per-sonnalités, des références pour troubler une partie de l’électorat. Que Sarkozy le fasse, c’est déjà mal-honnête mais que l’ex-trême-droite ose le faire, c’est le sommet. Ils volent l’image de Jaurès, même si ce dernier n’appartient en fait à personne.

Aspect méconnu de sa pensée, Jaurès a développé des idées innovantes sur les institutions. Lesquelles ?Il pensait qu’il fallait remplacer le Sénat par une chambre du travail, ce que moi je pro-pose depuis des années et ce qu’a essayé de faire de Gaulle en 1969 avec les conséquen-ces que nous connaissons. Le Sénat n’est qu’une duplication de l’assemblée qui coûte très chère et qui ralentit les projets.Jaurès avait cette vision futuriste sur les institutions. Il pensait que l’Assemblée natio-nale devait posséder davantage de pouvoirs et était favorable à un pouvoir exécutif fort. Il appelait de ses vœux une relation fréquente avec les citoyens via des comptes rendus de mandat et des référendums, ce que l’on appelle aujourd’hui démocratie participative.

De Gaulle et Jaurès se seraient bien entendus ?Je pense que Jaurès n’aurait pas été opposé au système proposé par de Gaulle sous la Ve République, à un détail près : l’élection du président au suffrage universel. Le Président de la République est devenu la pièce essen-tielle du fonctionnement de la démocratie française, qui est en réalité une monarchie républicaine. Surtout depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir. Je ne suis pas certain que Jaurès aurait apprécié cette mo-narchie républicaine. Un pouvoir exécutif fort certes, mais avec un contrôle fort, c’est la compensation nécessaire.

À son époque, Jaurès a travaillé à unir différentes chapelles de la gauche. Les

querelles internes au PS ont fait les Unes des journaux cet été. Est-ce que le message de Jaurès peut apporter une piste de solution ?Il ne s’agit pas de copier. Avec d’autres ca-marades, j’ai repris la formule du Nouveau Front Populaire pour la désignation d’un candidat unique à gauche en 2012. L’ob-jectif n’est pas de refaire 70 ans plus tard le Front populaire. Le contexte économique et politique est bien différent. Mais il s’agit de la même démarche : celle d’une gauche qui était ô combien divisée à l’époque et qui a su trouver une unité.

Martine Aubry a parlé de « maison com-mune ». Qu’en pensez-vous ?Ce terme n’a pas été toujours bien compris, mais Martine a fait l’effort d’écrire aux autres formations de gauche. Ce n’était peut-être pas le meilleur moment, mais elle a reçu des réponses positives, notam-ment de Buffet et Chevènement.

Votre mouvement Gauche Avenir pro-pose la tenue d’États généraux de la Gauche. En quoi consistent-ils ?La gauche doit se réunir, se parler et

élaborer ensemble un projet et un programme commun pour 2012. Cela ne se fera pas en un jour. Jaurès à son époque a eu besoin d’une dizaine d’années avant d’aboutir au congrès du Globe de 1905. Entre-temps il a connu des hauts et des bas : les affaires Dreyfus

et Millerand, les pressions de l’Internatio-nale socialiste. Mais sa volonté était bien là. Si la gauche ne va pas rassembler à la présidentielle de 2012, compte tenu des institutions, elle est condamnée. Il ne fau-dra pas quatre candidats de gauche au 1er tour, mais un seul. Comme en 1974.

Mais aucune personnalité ne semble se détacher, comme un Jaurès ou un Mitterrand.La personnalité ne sortira qu’après cette démarche préalable de rassemblement. La personnalité qui sera capable de porter cette démarche sera elle-même capable de porter le projet commun.

Faut-il passer par des primaires ?On parlera des primaires à la fin. Si vous mettez cette étape dès le début, la gau-che se dirige droit vers un nouvel échec. Douze candidats sont déjà en lice - j’en connais douze mais il y en a peut-être qui se cachent - et je sais à quoi ils pensent matin, soir et nuit : monter des stratégies individuelles en faisant croire qu’il s’agit de stratégies collectives.

C’est ce que vit le PS en ce moment ?Au PS et pas seulement. Dans les douze, tous ne militent pas au PS. Ces candidatu-res auto proclamés ne correspondent ni au fondement de ce que doit être une vraie démarche politique, ni aux attentes des Français en cette période de crise.

Propos recueillis par A. PasquierPaul Quilès, ancien ministre de la défense >

puis de l’intérieur sous les gouvernements Fabius et Bérégovoy, maire de Cordes-sur-Ciel, député de la circonscription d’Albi-Carmaux de 1993 à 2007.

Vu parPaul Quilès* « Je ne suis pascertain que Jaurèsait apprécié cette  monarchie républicaine »

« Jaurès était un personnage très complexe, un homme de son temps ».

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Castres se prépare à honorer Jean Jaurès enfant, mal connu d e ses concitoyensLes manifestations anniversaire se concentreront la journée du 3 septembre, avec notamment la reconstitution d’une séance du conseil municipal place Jaurès.

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« Les Tarnais veule nt mieux connaître Jaurès »Pour l’historien Gilles Candar, Jean Jaurès n’a jamais abandonné sa culture régionale malgré son envergure nationale et internationale.

« Il pèse en faveur d’une séparation à l’amiable »

d’une bourse scolaire par la ville. « Sans cette bourse, Jaurès n’aurait peut-être jamais été ce qu’il est devenu », sourit le directeur Vial.

L’école à l’époque de JaurèsUne autre reconstitution s’ouvrira à 19 h 30 au Centre national, place Pé-lisson : celle d’une école au temps de Jaurès. « Le musée n’allait pas présenter une nouvelle exposition sur la vie de Jaurès, c’est ce qu’il fait toute l’année. L’idée est d’expliquer comment les éco-liers suivaient la classe à la fin du 19e siècle ». Cette période est d’autant plus intéressante qu’elle est marquée par l’instauration de l’école publique. « le petit Jaurès est un pur produit de cet enseignement gratuit, public et laïque », assure Hugues Vial.Cette école d’autrefois, avec ses pupi-tres, ses encriers, ses manuels scolaires,

sera visible jusqu’au 31 décembre et s’adressera surtout à un public scolaire. Le jour de l’inauguration, le premier dis-cours de Jean Jaurès, rédigé à l’âge de 17 ans à l’occasion d’une visite du préfet du Tarn, sera dit par un adolescent du même âge.La journée anniversaire du 3 septembre s’achèvera par la projection à 22 h, tou-jours place Jean Jaurès, du film de Jean-Daniel Verhaeghe « Jaurès, naissance d’un géant ». D’autres manifestations autour de Jaurès se dérouleront dans plusieurs endroits de Castres lors des Journées du patrimoine et du mois d’octobre (voir programme ci-contre), notamment un colloque scientifique les 23 et 24 octobre sur le thème « Jau-rès, enfant de Castres » et la représen-tation au théâtre municipal le vendredi 23 octobre (14 h 30 et 21 h) de la pièce de Jean-Claude Drouot « La valise de

Jaurès ». Cette pièce rend hommage, avec humour, au tribun qu’était Jaurès et à ses nombreux débats à l’Assemblée nationale avec Maurice Barrès.

Antoine Pasquier

« Je suis du Midi, vous êtes du Midi, nous som-mes tous du Midi » Jean Jaurès

La maison natale à Castres.