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Guide pratique Sur Liberté d’expression et protection de la vie privée en partenariat avec

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Liberté d’expression et protectionde la vie privée

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Liberté d’expression et protectionde la vie privée

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Liberté d’expression et protection de la vie privée

Guide pratique à l’usage des journalistes au Maroc

Tables des matières 1 Introduction 4 I- Concepts : quelques définitions 7 Liberté d’expression Liberté d’opinion Liberté de presse Liberté d’information Vie privée Déontologie et éthique II- Liberté d’information et liberté d’expression 10 Repères universels 10 Liberté d’expression au Maroc, une exigence démocratique 11 Le cadre constitutionnel de la liberté de la presse 12 La constitution Le code de la presse 13 Nouveautés du code de la presse et de l’édition 2016 13 L’encadrement législatif de la liberté d’expression sur Internet 14 Statut des journalistes professionnels 14 Le conseil national de la presse 15 III- Droit à la protection de la vie privée 17 Droit à la protection de la vie privée : des repères universels 17 La vie privée et le droit en Europe 18 Droit à la protection de la vie privée au Maroc 19 La Constitution 20 La loi sur les études statistiques 20 La loi sur la protection des données personnelles 20 Un nouveau projet de loi qui renforce les pouvoirs de la HACA 20 Code de la presse : les délits de presse et l’atteinte de la vie de la personne 22 IV- Liberté d’expression, vie privée et déontologie 25 Objectifs de la déontologie 25 Déontologie et éthique du journalisme en ligne 25 Chartes presse et protection de la vie privée 26 La charte d’éthique du journalisme élaborée par l’association ADALA 26 La charte d’éthique du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) 26

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Le code de déontologie des journalistes maghrébins 27 La HACA et l’exigence de la déontologie face aux manquements des chaines de télévisions 29 Déontologie : cas de litiges de presse en Europe 31 Annexes 33 Recommandations du conseil des droits de l’Homme (ONU) acceptées par le Maroc 33

Publications de l’association Adala « Pour un procès équitable » 34

Codes de déontologie dans le monde 34

Le code de la presse allemand 35 La déclaration suisse des devoirs et droits des journalistes 36 Guide de déontologie du Québec 37 Les chartes du journaliste- Munich, 1971 33 Extraits du document de la CNDP : traitement des données à caractère personnel 35 Webographie 48

Guide à l’intention des Journalistes et des Avocats, par Abdelaziz Nouaydi-Fondation Friedrich Ebert http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/presse_justice/press_just_fr.pdf

Guide pour la protection du jeune public dans les médias audiovisuels- HACAwww.haca.ma/pdf/guide_protection_jeune_public_vf.pdf

Ministère de la communication www.mincom.gov.ma

Ministère de la justice www.justice.gov.ma

La Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel (CNDP)

www.cndp-maroc.org/fr/

La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle www.haca.ma

Le Conseil National des droits de l’homme www.cndh.ma

Association Adala pour un procès équitable www.justicemaroc.org

Le Syndicat national de la presse marocaine www.snpm.org

La Friedrich Ebert Stiftung (FES)- Bureau Maroc www.fes.org.ma

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L’UNESCO www.unesco.org

La fédération internationale des journalistes www.fij.org

Le Conseil de presse allemand www.presserat.de

Le Conseil de presse du Québec www.conseildepresse.qc.ca

Reporters sans frontières www.rsf.org.uk

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Introduction

Pourquoi un guide sur la liberté d’expression et la protection de la vie privée ?

Les médias peuvent-ils tout se permettre ? La liberté d’expression est- elle un droit absolu ? Que signifie le droit à la vie privée ? Quel est le rôle la déontologie dans la pratique presse ? Autant de questions souvent posées au sein de la profession journaliste.

La liberté d'expression et le droit au respect de la vie privée sont tous deux reconnus comme étant essentiels dans une société démocratique. La liberté d’expression, telle qu’inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’ONU le 10 décembre 1948 (art. 19) a été approuvée par la Constitution marocaine de 2011 (art.25). Le droit à la protection de la vie privée est énoncé (art.17) dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu en 1966 et entré en vigueur en 1976 et confirmé (art.24) dans la constitution de 2011.

Le respect et la garantie du droit à la vie privée, entraîne inévitablement une limitation de la liberté d'expression. Cette limite au droit de publication trouve son expression dans l’ordre juridique international ainsi que dans le droit marocain.

Cinq ans après la ratification de loi suprême marocaine, le champ médiatique est en pleine évolution. La publication du livre blanc « Media et société au Maroc, diagnostic et feuille de route », Le processus d’adoption d’un nouveau Code de la presse et de l’édition est en cours, renforcé le 23 décembre 2015, par l’approbation par le Conseil du gouvernement du projet de loi n° 88-13 relatif à la presse et à l’édition. La Chambre des représentants a adopté, lors d’une séance plénière, le projet de loi n°89-13 relatif au statut du journaliste professionnel et le projet de loi n° 90-13 portant la création du Conseil National de la presse.

L’ensemble du paysage médiatique marocain est dans l’attente des résultats d’une étude exhaustive et indépendante du secteur. L’UNESCO s’est proposé d’élaborer en 2015 une évaluation du secteur des médias au Maroc basée sur ses indicateurs de développement des médias (IDM) en vue de définir un cadre dans lequel les médias peuvent contribuer à la bonne gouvernance, au développement démocratique et la protection de la vie privée des personnes.

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Comment garantir à la fois la liberté d’expression et la protection de la vie privée ? Il ne s’agit pas ici de s’interroger s'il faut ou non limiter la liberté d’expression, mais plutôt de préciser les conditions dans lesquelles cette liberté peut être exercée dans le cas d’atteinte à la protection de la vie privée.

L’association ADALA « Pour un procès équitable » s’est investie depuis sa création sur les questions des droits et des libertés. Plusieurs rencontres et séminaires ont été tenus sur les questions de la liberté d’expression et la liberté de la presse. Des études ont été réalisées, ils ont donné lieu à des publications : « Observation des procès : Guide à l’usage des avocats et défenseurs des droits de l’homme- 2013 » « Déontologie de la presse et la responsabilité professionnelle : Guide à l’usage des journalistes au Maroc- 2013 » « Liberté d’expression et liberté d’information : Etude du cadre juridique et institutionnel au Maroc » « Mémorandum sur la liberté d’expression et la liberté de la presse- 2015 »

Durant 2016-2017 et dans le cadre du projet : « Liberté d’expression et protection de la vie privée » menée par « l’Association ADALA pour le droit à un procès équitable », en partenariat avec la fondation Friedrich Ebert, un chantier est ouvert devant les professionnels des médias. Un programme se met en place en partenariat avec des entreprises de presse, des institutionnels, journalistes, blogueurs, responsables d’édition, secrétaires de rédaction, des spécialistes des médias, des universitaires, des juristes.

Dans ce contexte, la presse et les médias évoluent dans un monde globalisé. Presse écrite, radio, télévision, puis aujourd’hui internet, les NTIC, les réseaux sociaux favorisent de plus en plus la circulation de l’information. Hélas, l'actualité offre de nombreuses illustrations d'atteintes à la vie privée. Le droit marocain consacre le respect de la vie privée d’une personne, de sa famille. Les journalistes et professionnels des médias ont l’obligation de respecter la vie privée des individus. La création du Conseil national de la presse s'inscrit dans le cadre de la réforme du secteur de la presse. L’une des orientations de ce conseil porte sur le respect de la déontologie, le renforcement des garanties de la liberté dans la pratique journalistique et la protection des droits et liberté, des individus et de la vie privée.

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Le guide de ADALA « pour un procès équitable » sur la Liberté d’expression et la protection de la vie privée s’inscrit dans cette dynamique. Il se veut un outil pratique, avec des repères qui donnent une vue d’ensemble sur les droits à la liberté d’expression et la protection de la vie privée. La question déontologique est au cœur de cette problématique. Il s’agit tout d’abord d’essayer de promouvoir une forme de responsabilité dans la pratique des journalistes, car il en va du respect des libertés. Compte tenu de l'essor pris par le traitement automatique de l'information, qui permet de transmettre de vastes quantités de données à travers et au-delà des frontières nationales, il a fallu s’arrêter sur la question de la protection de la vie privée sous l'angle des données à caractère personnel. Le Maroc dispose désormais d’un instrument, La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) Ce guide est conçu comme outil permettant de situer les droits relatifs à la liberté d’expression et la protection de la vie privée dans leur portée universelle. Le Maroc avance sur les principes de la conformité de ses lois par rapport à ses engagements internationaux. Le chemin entrepris exige des engagements forts des professionnels et acteurs de la scène médiatique. L’éthique et la déontologie devront être au cœur de la pratique journalistique pour garantir les libertés et la responsabilité individuelle et collective. Jamila Sayouri Présidente de l’association ADALA « Pour un procès équitable »

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I- Concepts : quelques définitions

Liberté d’opinion

La liberté d’opinion est l’une des premières libertés et elle fait partie des libertés fondamentales de toute personne. La liberté d’opinion a été affirmée solennellement dès la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, (art 11) : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

La liberté d’opinion signifie que tout individu est libre de penser, d’affirmer des opinions contraires à celle de la majorité et de les exprimer. En outre, la liberté d’opinion inclut également le droit de refuser de communiquer ses opinions. « Par liberté d'opinion, nous entendons, ici, la liberté de se faire une opinion sur n'importe quel objet, de la diffuser et de recevoir celle d'autrui. Et, comme il faut bien que les jugements reposent sur des faits, nous incluons, dans la même liberté, celle de rechercher, de diffuser et de recevoir des informations ». In, la liberté d’opinion, Jean François Aubert, RDS- Neuchâtel, 1973

Liberté d’expression

La liberté d’expression couvre un éventail plus large de formes de liberté d’expression : orale, écrite ou audiovisuelle, culturelle, artistique ou politique. La liberté d’expression permet à chacun d’exprimer librement ses idées par tous les moyens qu’il juge appropriés (livre, film, médias écrits et électroniques). Elle implique donc la liberté de la presse, la liberté de la communication audiovisuelle et la liberté d’expression sur le réseau internet. Cependant, cette liberté implique également le respect d’autrui. Ainsi, les propos diffamatoires, racistes, incitant à la haine raciale ou au meurtre sont punis par la loi. La liberté d’expression comporte des limites pour protéger les droits des tiers notamment le respect de la vie privée, du droit à l’image, des droits d’auteur.

La liberté d'expression est au cœur du fonctionnement démocratique. Les grandes questions liées à la liberté d’expression sont celles du choc actuel entre des conceptions opposées de la liberté d'expression, notamment entre la conception américaine très libérale, et les conceptions européennes, In liberté d’expression, Sylvia Preuss-Laussinotte, Ellipses, 2014

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Liberté de presse

La liberté de presse est l'un des principes fondamentaux de la démocratie qui repose sur la liberté d’opinion, de pensée et d’expression. Par « information », on désigne des faits, des données mis à la disposition du public par voie de la presse ou la communication audiovisuelle. Le droit à l'information s'analyse comme l'un des éléments constitutifs de la liberté de la presse. Cependant, dans la collecte, le traitement, la production ainsi que la diffusion de l'information, le journaliste doit accéder aux sources. La liberté d’expression protège tant le droit de l’émetteur que celui du récepteur. La liberté d’expression est un droit qui n’est pas absolu et qui s’accompagne de devoirs, de responsabilités et de restrictions. « En tant que liberté socialement reconnue, elle se trouve, en même temps, juridiquement limitée. Comment donc concilier le devoir d'informer et la recherche de la vérité tout en garantissant le respect du droit et la légitime protection des individus ? » In, les médias et la justice : la liberté de la presse et le respect du droit, H. Leclerc et J.M Théolleyre, CFPJ, 1995

Liberté d’information

La liberté de l'information comprend le droit de rechercher, de communiquer et de recevoir l'information. Le droit à l’information englobe deux droits indissociables : le droit d’informer et le droit d’être informé. Si les citoyens ne sont pas en mesure d’avoir l’information, si leurs dirigeants agissent sous le voile du secret, ils ne sont pas en mesure de participer d'une manière active à la vie de leur société. Par information, on entend les documents détenus par un organisme, sans considération du support (papier, bande magnétique, enregistrement électronique, etc.), et de leur origine (organisme public ou autre). La loi devrait s'appliquer aux documents classés confidentiels et de les soumettre aux mêmes critères que les autres documents. Vie privée

Par vie privée, on distingue les activités d'une personne qui relève de son intimité par opposition à la vie publique. En occident, le concept évoluera peu à peu sous l'impulsion des valeurs issues des révolutions libérales de la fin du XVIIIe siècle et de l’émergence d’idées telles que la liberté individuelle et l'égalité. Ces idées seront reprises dans les textes universels des droits de l’homme, traités internationaux et les constitutions. La protection de la vie privée s’imposa avec l'apparition et l’évolution de la photographie, la presse, le développement des

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réseaux informatiques et des nouvelles techniques de l’information et la communication (NTIC). En droit la notion de vie privée est apparue tardivement en Europe. « Le droit à la vie privée et le droit à l’image sont régulièrement au cœur de nombreuses controverses d’ordre juridique et politique, notamment en France. Un survol du droit français permet de constater qu’il est l’un des plus restrictifs en la matière » In, Droit à la vie privée et droit à l’image, André Bertrand, éd Litec, 1999.

Déontologie et éthique

La déontologie désigne l’ensemble de règles prescrites aux membres d’un ordre, d’une profession ou d’une association professionnelle. En principe, une autorité est chargée de les faire respecter, le cas échéant, les sanctionner. L’éthique, invite le professionnel à réfléchir sur les valeurs qui motivent son action et à choisir, sur cette base, la conduite la plus appropriée. Il existe une nuance qui fait que l'éthique et la déontologie ne signifient pas la même chose, bien qu'ils soient des termes complémentaires.

La déontologie est élaborée par les instances internes à une profession et les litiges sont traités en interne, dans des organes d’autorégulation comme le Conseil de déontologie. La déontologie se différencie de l’éthique. Celle-ci relève de la conscience individuelle et des valeurs personnelles de ceux qui exercent une activité. Elle ne fait dès lors pas, l’objet d’une codification, à la différence de la déontologie. « Qu’entend-on par éthique, en comparaison avec déontologie ? Il arrive souvent qu’on confonde les deux, qu’on utilise l’un à la place de l’autre (pensez qu’en arabe, le mot « akhaliqiat » désigne à la fois la déontologie, morale, et, par extension, éthique pour qui existe pourtant le mot « qiyam » valeurs). Dans la bouche des praticiens, la confusion entre éthique et déontologie ne prête pas de graves conséquences. Mais chez les spécialistes, la mise au point est toujours soulevée, bien que la confusion ne finit pas pour autant d’être totalement écartée au point que les praticiens, justement, utilisent les deux termes aussi correctement que le voudraient les spécialistes » In « Médias et journalistes, précis de déontologie » Jamal Eddine Naji, UNESCO, 2002.

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II- Liberté d’information et liberté d’expression

Repères universels

Le droit à la liberté d’expression est un droit universel. Il est protégé par le droit international et un grand nombre de traités internationaux et régionaux des droits humains. Sa signification est la même dans tous les traités. Le droit international dit que la liberté d'expression doit être la règle. Les restrictions sont une exception et ne sont autorisées que dans le but de protéger les droits ou la réputation d'autrui, la sécurité nationale ou l'ordre public.

La liberté d’information, indissociable à la liberté d’expression, tel qu’elle est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée en 1946, ainsi que, par l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de l’ONU (1948) : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit». Le Pacte international relatif aux droits civils et politique (PDCP) (1996) stipule également dans son article (19) : « 1- Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. 2- Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du (PDCP) du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires : « 1. Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; 2. A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique ».

L’UNESCO, qui a pour objectif stratégique l’amélioration de l’accès universel à l’information et au savoir a installé la liberté d’information au cœur du Sommet mondial sur la société d’information (SMSI). Depuis 2003, l’UNESCO a réaffirmé : « la liberté d’expression et l’accès universel à l’information étaient des piliers des sociétés inclusives du savoir ».

Au cours de ces vingt dernières années, le droit à l’information a été reconnu par un nombre croissant de pays, y compris des pays en voie de développement. En

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1990, ils n’étaient que 13 à s’être dotés de lois nationales relatives à la liberté d’information, alors qu’on compte aujourd’hui plus de 90 législations similaires dans le monde.

La liberté d’expression a été renforcée par la Déclaration de Dakar sur « les médias et la bonne gouvernance » (2005), la déclaration de Maputo « Favoriser la liberté d’expression, l’accès à l’information et l’autonomisation des personnes » (2008) et la Déclaration de Brisbane « Liberté d’information, droit de savoir » (2010)

Liberté d’expression au Maroc, une exigence démocratique La confirmation de la promotion de la liberté de la presse dans le préambule de la Constitution et l’inscription du droit d’accès à l’information publique est une grande avancée institutionnelle. Dès 2002, et après la promulgation de la loi 77.00 du 3 octobre 2002 qui modifie et complète le Code de la presse et de l’édition du 15 novembre 1958, de nombreux professionnels ont émis des critiques aux dispositions relatives aux peines privatives de liberté, la diffamation et le maintien des saisies administratives et ont appelé à une révision profonde du champ médiatique et de la législation régissant la presse. Ces demandes de révision ont trouvé résonnance dans les recommandations des premières assises nationales de la presse écrite, tenues à Skhirat les 11 et 12 mars 2005 et organisées par le Syndicat national de la presse marocaine(SNPM), la Fédération marocaine des éditeurs des journaux(FMEJ) et le ministère de la Communication. Les recommandations de Skhirat ont mis l’accent sur la révision globale de la législation de la presse et de l’édition, le renforcement de l’indépendance de la justice et la création de chambres spécialisées dans les affaires de la presse au sein des tribunaux. En 2007, les échanges entre le SNPM, la FMEJ et le ministère de la Communication ont abouti à un avant-projet de loi du code de la presse et de l’édition qui n’a jamais été soumis à la chambre des représentants. En 2010, à l’initiative de plusieurs groupes parlementaires, un dialogue national « Médias et Société » a été lancé, coordonné par Jamal Eddine Naji, actuel directeur général de la HACA. Ce dialogue a constitué une étape importante dans la réflexion sur les problèmes structurels relatifs à la liberté de la presse, les évolutions de la profession et des médias, des métiers, de l’économie de ce

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secteur. Acteurs publics, organisations professionnelles, associations, élus, institutions ont participé aux débats ; des enquêtes de terrain ont été réalisées, des mémorandums ont été soumis et des auditions organisées. Cet effort a été couronné par la publication d’un rapport contenant plus de 150 recommandations touchant aux aspects politiques, juridiques, économiques, et humains relatifs aux différents secteurs des médias. Le livre blanc défends pour « l’établissement d’une autorégulation, dévolue en priorité, sinon exclusivement, aux professionnels eux-mêmes et qui nécessite l’installation d’une autorité en la matière, soit un « Ordre professionnel » Le cadre constitutionnel de la liberté de la presse La constitution

Les différentes constitutions qu’a connues le Maroc ont proclamé la liberté d’expression et la liberté d’opinion. La Constitution 2011, adoptée par référendum le 1er juillet 2011 a confirmé dans son préambule la promotion de la liberté de la presse, à travers des principes et des engagements relatifs aux droits de l’Homme. En 2011, le Maroc a fait un grand pas en direction du droit d’accès à l’information publique. Alors que la Constitution de 1996 proclamait la liberté d’opinion et d’expression sans évoquer ce droit, la nouvelle Constitution, consacre dans son Titre II « Libertés et droits fondamentaux », pour les citoyennes et les citoyens le droit d’accéder à l’information publique.

L’article 25 : « Sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes leurs formes. Sont garanties les libertés de création, de publication et d’exposition en matière littéraire et artistique et de recherche scientifique et technique ».

L’article 27 : « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public ». En ce qui concerne les limitations de ce droit, la Constitution renvoie à la loi en mentionnant « Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi ».

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L’article 28 : « La liberté de la presse est garantie et ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable. Tous ont le droit d’exprimer et de diffuser librement et dans les seules limites expressément prévues par la loi, les informations, les idées et les opinions. Les pouvoirs publics favorisent l’organisation du secteur de la presse de manière indépendante et sur des bases démocratiques, ainsi que la détermination des règles juridiques et déontologiques le concernant. La loi fixe les règles d’organisation et de contrôle des moyens publics de communication. Elle garantit l’accès à ces moyens en respectant le pluralisme linguistique, culturel et politique de la société marocaine Conformément aux dispositions de l’article 165 de la présente Constitution, la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle veille au respect de ce pluralisme ».

L'article 165 : « La Haute autorité de la communication audiovisuelle « est chargée de veiller au respect de l’expression pluraliste des courants d’opinion et de pensée et du droit à l’information, dans le domaine de l’audiovisuel et ce, dans le respect des valeurs civilisationnelles fondamentales et des lois du Royaume ».

Le code de la presse

La liberté de la presse est régie par la loi du 15 novembre 1958 qui a connu plusieurs modifications (notamment en 1973 et 2002). Dahir n° 1-02-207 du 3 octobre 2002 portant promulgation de la loi n°77-00 modifiant et complétant le Dahir n°1-58-378 du 15 novembre 1958 formant code de la Presse et de l’Édition. La réforme du Code de la Presse de 2002 a inclus un amendement (Article 1), qui stipule que « Les citoyens ont droit à l’information » et que « tous les médias ont le droit d’accéder aux sources d’information et de se procurer les informations de sources diverses, sauf si lesdites informations sont confidentielles en vertu de la loi »

Nouveautés du code de la presse et de l’édition 2016

Le processus d’adoption d’un nouveau Code de la presse et de l’édition s’est renforcé, le 23 décembre 2015, par l’approbation par le Conseil du gouvernement du projet de la loi n° 88-13 relatif à la presse et à l’édition. La Chambre des représentants a adopté, le même jour, la loi n°89-13 relative au statut du journaliste professionnel et la loi n° 90-13 portant la création du Conseil National de la presse.

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Les nouveautés de la loi n° 88-13 relative à la presse et à l’édition sont : la protection judiciaire de la liberté de la presse, l'abrogation des peines d'emprisonnement, la mise en place de mécanismes garantissant la protection des droits des individus.

Cette loi accorde à la justice l'exclusivité de traiter les questions liées à la presse et à la protection de sa liberté. La publication des verdicts condamnant les journalistes se fera désormais à la demande du plaignant et sur décision de la justice. En vue de renforcer les garanties de liberté dans l'exercice du journalisme, il a été procédé à l'abrogation des peines privatives de liberté qui ont été remplacées par des amendes, outre l'interdiction de l'arrestation et la détention préventive en cas de soupçons liés à des délits de presse et d'édition. La loi prévoit aussi la prescription de l'action publique relative aux délits au bout de six mois, permet au journaliste de présenter des preuves à charge durant toute la période du procès, et garantit le droit du journaliste à accéder à l'information.

S'agissant de la protection des droits et libertés de la société et des individus, la loi stipule l'interdiction de l'incitation à la haine, à la discrimination et à la violence et garantit la protection de la vie privée et le droit à l'image. Elle prévoit également l'interdiction de toute publicité portant atteinte à l'image de la femme, des enfants et des personnes à besoins spécifiques ou incitant à la discrimination en raison de la couleur, de la religion ou du sexe. Le texte prévoit le respect de la présomption d'innocence, la garantie de l'accès à l'information judiciaire, la mise en place de mécanismes d'application des règles de déontologie.

L’encadrement législatif de la liberté d’expression sur Internet

Les textes législatifs sur la presse, antérieurs à l’émergence d’Internet, voient certaines de leurs dispositions s’appliquer directement à la liberté d’expression le web. De même, les limites à cette liberté découlent de dispositions préalablement existantes, parmi lesquelles le maintien de l’ordre public, la lutte contre l’incitation à la haine raciale, la protection de l’enfance et de l’adolescence et la vie privée.

Statut des journalistes professionnels

La nouvelle loi n°13.89 portant statut des journalistes professionnels comporte plusieurs nouveautés : l’intégration des journalistes exerçant dans la presse électronique dans ses dispositions, l'octroi de la carte de presse relève désormais de la compétence d'un conseil des journalistes élu et indépendant, l'exigence de

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compétences universitaires ou l'obligation de bénéficier d'une formation continue en tant que prérequis à l'accès à la pratique du journalisme professionnel.

La nouvelle loi préserve le journalisme professionnel contre les personnes impliquées dans les crimes liés au trafic de drogue, à l'escroquerie, au chantage, à la corruption ou à l'abus de pouvoir, de même qu'il confère à la justice la possibilité de retirer la carte de presse à la place de l'administration. Cette loi a mis également sur pied les conditions de protection sociale et professionnelle garantes d'une stabilité professionnelle des journalistes. Elle permet aussi aux journalistes professionnels accrédités, titulaires de la nationalité marocaine, de bénéficier des mêmes droits et prérogatives dont jouissent les journalistes professionnels travaillant dans les institutions nationales.

La loi permet aux journalistes de bénéficier de la protection juridique prévue dans les régimes qui seront mis en place par le Conseil national de la presse et des engagements professionnels prévus dans les conventions internationales afférentes à la presse, ratifiées par le Maroc, en plus de la protection des droits de la propriété intellectuelle

Le conseil national de la presse

La loi n° 90-13 portant sur la création du Conseil national de la presse (parue dans le journal officiel du 7 avril 2016) s'inscrit dans le cadre juridique relatif à la réforme du secteur de la presse. Les grandes orientations de cette nouvelle loi portent sur le respect de la déontologie, le renforcement des garanties de la liberté dans la pratique journalistique, la protection des droits et libertés de la société et des individus, le recours à la justice en tant qu'autorité exclusive dans les affaires de la presse, le renforcement de son rôle dans la protection de la liberté de la presse, la consolidation de la liberté de la presse électronique, la promotion des investissements et des principes de transparence dans le secteur, la définition des droits et des libertés pour le journaliste et le renforcement de l'indépendance du journaliste et de l’entreprise média.

Le Conseil aura pour mission de garantir le droit du citoyen à une presse plurielle, libre et crédible, de renforcer la liberté de la presse et de l'édition, ainsi que d'assurer la promotion du secteur et son auto-gouvernance de manière indépendante et sur des bases démocratiques, la mise en place d'une charte

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d'éthique, l'octroi de la carte de presse professionnelle et l'organisation de l'accès au métier de journaliste, outre la garantie de la représentativité des journalistes femmes et des éditrices.

Cette instance aura aussi un rôle de médiation dans les conflits établis entre professionnels et ceux opposant ces derniers aux tiers, en plus d'une mission d'arbitrage. Elle sera notamment chargée de statuer sur les mesures disciplinaires relatives aux entreprises de presse et aux journalistes professionnels et d'émettre des avis à propos des projets de loi et décrets relatifs au secteur, outre la proposition de mesures pour le développement du secteur et l'élaboration de rapports annuels sur les indicateurs du respect de la pratique journalistique et les différentes violations enregistrées. Le Conseil peut également élaborer des études thématiques sur le secteur de la presse.

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III- Droit à la protection de la vie privée

En droit, il est d'usage de citer la naissance du concept vie privée aux USA en décembre 1890, sous la plume des deux avocats de Boston, Samuel Warren et Louis Brandeis. Ils y définissent vie privée par l'expression, restée célèbre, du « droit d'être laissé tranquille ». Le plaidoyer des deux avocats visait à défendre la capacité des individus à se prémunir des attitudes excessives de reporters. L'atteinte à la vie privée est une expression juridique définissant le fait pour une personne d'être victime d’une violation de son droit au respect de sa vie privée. Sont traditionnellement considérés comme faisant partie des droits à la vie privée le droit à la vie intime et familiale, les secrets relatifs à la santé, au domicile, ou encore le droit à l'image.

Droit à la protection de la vie privée : des repères universels

Presque toutes les déclarations internationales sur les droits de l’homme adoptent des mesures explicites de protection de la vie privée :

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 Art.12 : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP) conclu en 1966 et entré en vigueur en 1976

Art.17 : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)

Art.8 « Le droit de toute personne au respect de sa a vie privée et familiale, de son domicile de sa correspondance ».

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

Art.7 : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications »

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Des termes semblables relatifs à la protection de la vie privée sont exprimés dans l’article 14 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et leur famille (ONU) et dans l’article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant (ONU). Un certain nombre de chartes et conventions régionales sur les droits de la personne reconnaissent la protection de la vie privée : l’article 10 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, l’article 11 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, l’article 4 de la déclaration des principes de la liberté d’expression de l’Union africaine, l’article 5 de la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme, l’article 21 de la Charte arabe des droits de l’homme

La vie privée et le droit en Europe

La plupart des Etats-membres de l'Union européenne ont inscrit le droit au respect de la vie privée dans leur Constitution. La notion de respect de la vie privée apparaît alors comme la source d'une double obligation pour les Etats : non seulement celle de ne pas s'immiscer de façon illégale dans la sphère privée des individus, mais également celle de mettre en œuvre l'ensemble des mesures propres à prévenir les atteintes à la vie privée personnes par des acteurs privés.

En France, l’article 9 du Code civil protège le droit à la vie privée depuis la loi du 17 juillet 1970. Cette protection contre toute intervention arbitraire revêt plusieurs aspects : l’image, le domicile, le secret professionnel, le secret médical, l’intimité familiale.

Les écoutes téléphoniques sont réglementées. Les écoutes judiciaires, réalisées au cours d’une enquête, doivent l’être sous le contrôle d’un juge d’instruction. La loi du 10 juillet 1991 a créé la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), afin de contrôler le nombre et la motivation des écoutes administratives. Pour lutter contre les dangers que le développement de l’informatique peut faire peser sur les libertés et le respect de la vie privée, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a été créée par la loi du 6 janvier 1978.

Le droit à la protection des données est ainsi apparu, dans un premier temps, comme une déclinaison du droit au respect de la vie privée. C'est ce qui ressort également de la lecture de la directive 95/46/CE de la communauté européenne, du 24 octobre 1995, qui rappelle que « l'objet des législations nationales relatives au traitement des données à caractère personnel est d'assurer le respect des droits et libertés fondamentaux, notamment du droit à la vie privée

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reconnu également dans l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans les principes généraux du droit communautaire ». Dans un second temps, on a assisté à une autonomisation du droit à la protection des données personnelles. Ainsi, la Charte européenne des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, a acquis une force juridique contraignante dès l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

De la protection de la vie privée a découlé la reconnaissance au niveau international d'un droit à la protection des données personnelles : ainsi la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981, dite « Convention 108 », adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe et entrée en vigueur le 1er octobre 1985, garantit-elle spécifiquement « à toute personne physique le respect de son droit à la vie privée à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel la concernant ».

Parallèlement, treize Etats-membres de l’UE ont expressément reconnu le droit à la protection des données personnelles comme principe à valeur constitutionnelle. Tel est notamment le cas de la Grèce, dont la Constitution dispose dans son article 9 A que « chaque individu a le droit d'être protégé contre la collecte, le traitement et l'utilisation, en particulier par voie électronique, de ses données personnelles, selon des conditions prévues par la loi. La protection des données personnelles est assurée par une autorité indépendante, qui est constituée et fonctionne selon des conditions prévues par la loi ». En Espagne, l'arrêt 292-2000 de la Cour constitutionnelle, s'inspirant des travaux préparatoires de la Charte européenne des droits fondamentaux, a également reconnu explicitement le droit fondamental à la protection des données à caractère personnel comme un droit autonome.

Droit à la protection de la vie privée au Maroc

La Constitution

Dans la constitution de 2011, la vie privée est énoncée dans l’article 24 : « Toute personne a droit à la protection de sa vie privée. Le domicile est inviolable. Les perquisitions ne peuvent intervenir que dans les conditions et les formes prévues par la loi. Les communications privées, sous quelque forme que ce soit, sont secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les conditions et selon les formes prévues par la loi, l’accès à leur contenu, leur divulgation totale ou partielle ou leur invocation à la charge de quiconque. Est garantie pour tous, la liberté de

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circuler et de s’établir sur le territoire national, d’en sortir et d’y retourner, conformément à la loi »

La loi sur les études statistiques

Dès 1968, la loi sur les études statistiques stipulait dans son Article 8 que « les renseignements individuels figurant sur les questionnaires et qui ont trait à la vie personnelle et familiale et d’une manière générale, aux faits et comportements d’ordre privé ne peuvent être l’objet d’aucune communication de la part du service dépositaire. En outre, les renseignements individuels d’ordre économique et financier obtenus au moyen de questionnaires en aucun cas, ne peuvent être utilisés à des fins de contrôle ou de sanctions fiscales ou économiques » Cette loi prévoit par ailleurs que les agents des services publics amenés à conduire ou à consulter des enquêtes statistiques sont « astreints au secret professionnel sous peine des sanctions prévues à l’article 446 du code pénal ». Toutefois le décret d’application de la loi ne donnait pas à une personne physique le droit d’accéder aux données que l’administration détient sur sa vie personnelle ou familiale pour les vérifier ou les corriger, tout comme elle ne permettait pas à l’individu de savoir comment ces données étaient conservées ou utilisées par l’administration. La loi sur la protection des données personnelles La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) Créée le 30 août 2010 par la loi 09-08 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, la CNDP est chargée de vérifier si les traitements des données personnelles sont licites, légaux et qu’ils ne portent pas atteinte à la vie privée. La CNDP exerce un pouvoir de contrôle, de sanction, de conseil et de sensibilisation. « Concrètement, le texte de loi 09-08 a été promulgué en 2009, dans le cadre de la stratégie Maroc Numeric 2013, visant la garantie de la protection des personnes physiques en matière de données à caractère personnel. Inspiré de la loi française « Informatique et libertés » inMédia & société au Maroc- diagnostic et feuille de route, page 236. Parlement du Royaume du Maroc- Octobre2011 « Dans un contexte marqué par une forte pénétration des outils technologiques auprès du grand public et l’accroissement exponentiel d’applications informatiques de tout genre, cette loi introduit, pour la première fois au Maroc,

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un ensemble de dispositions légales destinées à protéger la vie privée des citoyens » idem

A l’ère des NTIC et de l’économie numérique, cette loi a pour objectif de doter Le cadre juridique marocain d’un instrument juridique de protection des particuliers, contre les abus d’utilisation des données de nature à porter atteinte à leur vie privée, et d’harmoniser le système national de protection des données personnelles à celles de ses partenaires tels que définis par les instances européennes, telles quelles sont encadrées par l’article 24 de la constitution, par l’adhésion du pays à la convention 108 du Conseil de l’Europe.

Le Maroc, via la CNDP, est membre accrédité de la Conférence internationale des Autorités de protection des données personnelles, de l’Association francophone des Autorités de protection des données personnelles, au Global Privacy Enforcement de l’OCDE. La participation de la CNDP au sein de l’organisme de l’UE Improving pratical and helpful cooperation beetween data protection autorities (PHEDRA) consolide sa visibilité au niveau mondial.

La CNDP reçoit de plus en plus de plaintes de la part des citoyens et les instruit. Dans son rapport d’activité 2014, la commission confirme son rôle de protection des données personnelles et de mise œuvre des normes en matière de la protection de la vie privée. Le rapport réserve une place primordiale à la mise en œuvre de la stratégie de communication de la CNDP qui privilégie la formation et l’information avant d’envisager le recours aux sanctions. L’objectif est d’abord d’informer le public le plus large et de le sensibiliser à la nécessaire protection de ses données personnelles. Selon la dernière enquête de l’ANRT, le Maroc compte près de 16 millions et demi d’internautes, parmi lesquels près de 80% ont entre 15 et 24 ans, et le taux de croissance de l’accès à Internet est de près de 50% par an. Ces utilisateurs doivent donc savoir que leurs données personnelles peuvent être collectées à leur insu et que leur utilisation peut leur être préjudiciable ; ils doivent être informés qu’il existe une loi qui protège leurs droits et une institution chargée de la faire applique »

Une nouvelle loi qui renforce les pouvoirs de la HACA

La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) est instituée par le Dahir n°1-02-212- du 31 août 2002. La création de la HACA acte la suppression du monopole de l'Etat en matière de radio et de télévision et la promulgation de la loi relative à la communication audiovisuelle constituent un tournant dans le

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processus visant à moderniser le secteur public audiovisuel, à favoriser la création d'entreprises privées de radio et de télévision.

Une nouvelle loi n°11-15, portant sur la restructuration de la HACA a été présenté le 6 juin 2016 devant la commission de l’Enseignement, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants. Il dotera cette institution de nouveaux outils en vue d'asseoir un paysage audiovisuel diversifié, pluraliste, équilibré, intégré et susceptible de consacrer les valeurs de la dignité humaine et de lutter contre tous les traitements discriminatoires. « La HACA se dotera de mécanismes lui permettant de consacrer la diversité linguistique, culturelle, sociale et spatiale de la société marocaine et d'empêcher tout monopole des médias audiovisuels » Ce texte contribuera à promouvoir la culture de l'égalité homme-femme, à prévenir le jeune public contre les dangers médiatiques et à permettre aux personnes souffrant d'un handicap auditif ou visuel de suivre les programmes télévisés.

La loi portant restructuration de la HACA renforcera également la mission de celle-ci en matière de contrôle du respect des règles d'expression sur la pluralité des courants de pensée et d'opinion, qu'ils soient politiques, économiques ou culturels.

Le texte comprend par ailleurs des dispositions permettant à la HACA de recevoir des plaintes des deux chambres du Parlement, du gouvernement, des organisations politiques et syndicales et des associations de la société civile sur la violation par les opérateurs audiovisuels des lois et des statuts du secteur. Des personnes physiques pourront également soumettre des réclamations à la HACA.

La Haute Autorité s’autosaisit chaque fois qu’un manquement aux dispositions légales et réglementaires est commis par une chaîne de télévision ou par une station de radio. Elle peut également agir après saisine d’un tiers, notamment par plainte. A cet effet, les services de la Haute Autorité assurent le suivi des programmes diffusés par les chaînes de télévision ou les stations radio.

Chaque fois qu’elle constate un manquement, la Haute Autorité n’est habilitée à le traiter que vis-à-vis desdites chaînes et stations. La Haute Autorité n’a pas autorité notamment sur les producteurs de films télévisuels, de spots publicitaires, de documentaires, voire sur les personnes intervenant sur antenne. C’est la chaîne ou la station qui assume la responsabilité éditoriale de tout ce qui est diffusé sur son antenne.

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Code de la presse : les délits de presse et l’atteinte de la vie de la personne Rappel : Le Code de la presse, n°77-00 modifiant et complétant le Dahir n°1-58-378 du 15 novembre 1958, a consacré dans son chapitre IV aux délits de presse. Les articles relatifs à l’atteinte à l’image du Roi et des princes, à la diffamation, l’injure qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne, quel que soit son statut ou son rang. L’article (41) « punit de 3 à 5 ans d’emprisonnement et d'une amende de 10 000 à 100.000 DH : Toute offense, par l'un des moyens prévus à l'article 38, envers Sa Majesté le Roi, les princes et princesses Royaux ; La même peine s’applique à toute publication, dans un journal ou écrit, portant atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l’intégrité territoriale ». Les articles (44 - 51) : Cette section traite des délits contre les personnes à savoir, la diffamation : « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé ». L'injure : "Toute expression outrageante, terme de mépris portant atteinte à la dignité ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait. Et "la publication directe ou par voie de reproduction de cette diffamation ou injure, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes de discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ». L'article 49 a défini les conditions d'établissement de la vérité du fait diffamatoire, mais il a excepté trois cas, où cela ne saurait se faire : 1) Lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ; 2) Lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans ; 3) Lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par réhabilitation ou révision. Les peines privatives de liberté pour délits de diffamation ont été ramenées dans la dernière mouture du Code à 1 mois à 1 an d'emprisonnement (3 mois à 3 ans précédemment) pour la diffamation des institutions publiques (art. 45) et, pour les personnes privées, 1 à 6 mois d'emprisonnement au lieu de 1 mois à 1 an. Les articles (52-53) : traitent des délits contre les chefs d'États et agents diplomatiques. Il s'agit de toute « offense commise publiquement envers la personne des chefs d'Etat et leur dignité, les chefs de gouvernement, les ministres des affaires étrangères des pays étrangers », ainsi que de tout

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« outrage commis publiquement envers la personne et la dignité des agents diplomatiques ou consulaires étrangers officiellement accrédités ou commissionnés auprès de Sa Majesté le Roi ». Les articles (54 - 58) traitent des publications interdites de l’immunité de la défense. Il s’agit de : « l’interdiction de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant débat en audience publique ; de rendre compte d'un procès en diffamation ou injures, ainsi que des débats de procès en déclaration de paternité, en divorce et en séparation de corps. Interdiction qui ne s'applique pas aux jugements, qui pourront toujours être publiés. Dans toute affaire civile, les cours et tribunaux peuvent interdire le compte-rendu du procès. Interdiction de rendre compte, également, des délibérations internes, des jurys, soit des cours et des tribunaux, ainsi que des auditions à huis clos en vertu de la loi ou par décision du tribunal ».

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IV- Liberté d’expression, vie privée et déontologie Un code de déontologie définit les fonctions, les droits et les devoirs des journalistes en leur fournissant des principes concernant la meilleure manière d’exercer leur profession. Un code se défini de diverses façons ; normes déontologiques, charte déontologique, code de déontologie. Tous répondent à des fins identiques, à savoir préserver l’indépendance de la profession et servir l’intérêt public.

La déontologie journalistique se définit par des devoirs comme des obligations morales et non comme des contraintes réglementaires. La référence à la déontologie replace la fonction et le rôle des journalistes dans ses spécificités. En règle générale, « C’est ce que défend la profession à travers le monde, la déontologie doit être le fait des gens des médias, ne doit être invoquée, interprétée et surveillée que par eux. C’est une morale de conduite qu’ils choisissent volontairement pour s’auto contrôler mais aussi pour se défendre, pour préserver la mission qu’ils s’attribuent dans la société, de tout détournement, confiscation ou dévoiement » Médias et journalistes, précis de déontologie, Jamal Eddine Naji, Chaire de l’UNESCO- ORBICOM- Université Mohamed V- Rabat 2002

Objectifs de la déontologie Les journaux, les radios, les chaînes de télévision et les sites Internet sont aussi variés que le contenu du journalisme lui-même. Tout organe d’information peut élaborer son propre code de déontologie. De ce fait l’autorégulation protège à la fois la liberté d’expression et les citoyens contre l’éventuel abus de cette liberté. Un code peut définir la vie privée et l’espace privé et les raisons pour lesquelles toute personne pourra se plaindre d’une atteinte de la presse dans sa vie privée. Les codes de déontologie ont pour objectifs : le respect de la vie privée personnelle et familiale, la dignité de la vie privée, le droit de la personne sur son image, le respect de la présomption d’innocence, la non utilisation des méthodes déloyales, la protection des mineurs, la protection de personnes déficientes majeures l’autorisation préalable des personnes ou des ayant-droit.

Déontologie et éthique du journalisme en ligne

« De tous les enjeux déontologiques du journalisme en ligne, celui qui concerne le respect de la personne est le plus évident. Par son étendue et par la pérennité

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de ses contenus, Internet accroît les dommages provoqués par une publication portant atteinte à la réputation ou à la vie privée des gens » Daniel Cornu, Enjeux éthiques et pratiques déontologiques du 4e pouvoir, vol. 15, n° 1 | 2013.

Internet bouleverse la circulation de l’information et des opinions. Le tournant décisif s’opère avec l’apparition des réseaux sociaux. Désormais tout le monde est impliqué dans cette aventure. Chaque citoyen peut y participer. De nouveaux acteurs apparaissent sur la toile : les blogueurs, les youtubeurs, les moteurs de recherche s’installent définitivement pour atteindre une information en un clic. Cette révolution numérique interpelle la pratique et les valeurs du journalisme.

Aujourd’hui, l’activité presse/média est plus ouverte que jamais. Que faire des questions de la déontologie, de la liberté d’expression, face au développement important de la presse en ligne ? Partout dans le monde, des nouvelles questions juridiques se posent et les législateurs restent souvent impuissants. « La législation doit s’adapter. Ce n’est pas cependant pas si simple. Non seulement, parce que l’évolution technologique est à ce point rapide que la loi semble toujours légèrement à la traîne. Alors que le processus législatif prend du temps, Internet continue d’évoluer quotidiennement, en développant de nouveaux éléments qui nécessiteront à leur tour de nouvelles interrogations juridiques. La doctrine et la jurisprudence doivent alors, au prix e raisonnement parfois audacieux, combler ces lacunes législatives. Mais Internet présente aussi un caractère d’extranéité qui ne permet que difficilement de légiférer indépendamment des autres Etats : l’Union européenne a d’ailleurs pris conscience qu’une législation efficace en la matière doit inclure avec harmonisation- voir uniformisation- des dispositions nationales » Journalisme en ligne, pratiques et recherches, sous la direction de Amandine Degand et Benoît Grevisse.

Chartes presse et protection de la vie privée

La charte d’éthique du journalisme élaborée par l’association ADALA pour un procès équitable

Dans son préambule la charte d’ADALA précise : « Les journalistes marocains considèrent que la liberté de la presse, d'opinion et d'expression et le droit d'accès à l'information honnête sont des droits naturels de tous les groupes et les individus, sans discrimination, à la lumière de la Charte internationale des droits de l'homme et les fondements de l'état de droit et des institutions Ils confirment que leur défense de la liberté et de la démocratie va de pair et avec force égale, de leur appréciation pour la responsabilité professionnelle, qu’ils

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portent, et de l'engagement à l'éthique professionnelle en tant que partie intégrante de leur mission »

Les journalistes s’engagent à respecter l’ensemble des principes de la charte de l’éthique notamment la dignité de la personne et sa protection : « Respecter le droit des individus et des familles, du secret de leurs affaires privées et de leur dignité humaine. Prendre en considération les droits des groupes vulnérables, la protection des enfants et les ayant des besoins spéciaux ». Concernant les informations relatives « aux personnes détenues, inculpés, condamnées ou suspects, les journalistes et leurs supports presse doivent respecter la présomption d’innocence jusqu’à preuve du contraire ou la condamnation. Ils ne doivent pas publier le nom, l’image ou toute information (infraction, crime), relative à la détention d’un suspect avant que soit porté devant un tribunal, sauf s’il a donné son accord ou si cela sert le droit d’information du public.

La charte d’éthique du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) Afin de consolider la place de la profession et la crédibilité des journalistes marocains, le Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM) dispose d’une charte d'éthique applicable à l'ensemble de ses membres qu'ils soient directeurs d’entreprises de presse ou journalistes. L'adhésion au Syndicat implique le respect de cette charte dont les principaux énoncés relatifs à la vie privée stipulent que: « Le journaliste s'engage à rechercher les faits et à en informer l'opinion publique et ce, en respect du droit du citoyen à l'information, à éviter la diffamation envers les personnes, à refuser toute intrusion portant atteinte à la vie privée, à respecter la dignité humaine, ne pas publier des informations touchant la vie privée d'une personne, sauf si elle est pertinente pour l’intérêt du public » En matière de justice, la charte stipule quand : « en cas de traitement des affaires judiciaires, le journaliste droit respecter le principe de présomption d’innocence de l’accusé et prendre en considération les sentiments des proches et la chance de sa réinsertion dans le futur » Protection des victimes : « Les nouvelles et les images de télévision sur les événements tragiques tels que les guerres, les crimes et les catastrophes naturelles doivent respecter la dignité humaine, les sentiments des victimes, de leurs familles et leurs proches »

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La protection des enfants : « Le journaliste agit en respectant et protégeant les droits des enfants. Il aborde les nouvelles les concernent en évitant de publier l’identité et les images des victimes, de leurs proches notamment dans les affaires d’agression sexuelle. Le code de déontologie des journalistes maghrébins Le code de déontologie des journalistes maghrébins fait suite aux travaux du "Forum pour la déontologie maghrébine", tenu en janvier 2013 à Hammamet, organisé à l'initiative de la délégation de l'Union Européenne, en partenariat avec le Forum International de Réalités, la fondation Friedrich Ebert et l'Association des directeurs de journaux de Tunisie (ATDJ). Ce code a été piloté par un comité d’experts avec la participation de journalistes venant des cinq pays du Maghreb. Deux experts indépendants, Patrick Pépin, ancien directeur général de Radio France, ancien directeur de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, et Alain Rollat, ancien directeur adjoint du Monde, tous deux formateurs à l’ESJ Pro de Montpellier. Le code de déontologie des journalistes maghrébins dispose d’une « Boîte à outils » (clé USB), est mis à la disposition de tous les professionnels de la presse et de la communication. Ce code stipule en matière de protection de la vie privée et de la dignité de la personne : « Le journaliste respecte les droits de l’individu à la vie privée et à la dignité. Il respecte la présomption d’innocence et veille à ne pas mettre en cause, sans information crédible, la réputation et l’honneur d’autrui. Il s’interdit la calomnie, la diffamation, l’injure et les accusations sans fondement » et précise : « Le journaliste respecte les droits des mineurs et des personnes vulnérables Il n’abuse pas de l’état de fragilité ou de détresse des personnes vivant des événements dramatiques pour obtenir d’elles des informations et des documents » En ajoutant : « Le journaliste veille à ne pas nourrir les discriminations ou les préjugés à l’égard des personnes, des minorités ou de groupes particuliers. Il ne relaie pas des réactions de lecteurs qui risquent d’alimenter ces mêmes sentiments. Il s’interdit l’apologie du crime et veille à ne faire preuve d’aucune complaisance dans la représentation de la violence et l’exploitation des émotions »

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La HACA et l’exigence de la déontologie face aux manquements des chaines de télévisions

La Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) a rendu public, en août 2014, un rapport sur les émissions des télévisions généralistes nationales traitant des crimes et diffusées courant 2013.

Le rapport de la HACA fait suite à la série de plaintes reçus de la part des citoyens mais également de départements publics, notamment le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), le ministère de la justice et des libertés, le ministère de la communication ainsi que la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion. Il englobe des données d’ordre descriptif et quantitatif agrémentées de recommandations.

La (HACA) a décortiqué trois émissions de reconstitutions de crimes, «Moudawala» d'Al Oula, «Masrahe al jarima» de Médi1TV et «Akhtar al mojrimine» de 2M. Sur un échantillon de douze épisodes des trois émissions, le meurtre arrive en tête avec 79% pour «Akhtar al mojrimine», 50% pour «Moudawala», et 43% pour «Masrahe al jarima».

La HACA a soulevé plusieurs cas de non-respect des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires lors de la préparation et de la diffusion de ces émissions et recommande, dans ce sens, d'adopter une approche qui soit en phase avec ces dispositions. De ce fait, la Haute autorité recommande d’observer les règles déontologiques pour le respect de l'éthique, de traitement des procédures judiciaires, de la dignité humaine, du secret de l’identité des parties concernées, du respect de la vie privée, du droit à l'oubli et de la protection du jeune public.

La majorité des téléspectateurs de ces émissions est composée de jeunes : 18% des enfants âgés de 5 à 14 ans et 20 % des 15-24 ans regardent “Akhtar al mojrimine”. Même constat pour le public de “Moudawala” où la tranche d'âge des 5-14 ans représente 20%. Le meurtre, le viol et l'enlèvement sont au cœur de ces programmes. 62% des téléspectateurs qui suivent ces programmes de reconstitution de crimes ont un niveau d'études bas, voire d'absence de diplômes, 30% sont d'un niveau moyen, alors que 6% seulement ont un diplôme d'études supérieures.

Ces émissions trouvent, un écho assez favorable chez le public, puisque «Modawala » et «Akhtar al mojrimine» atteignent des taux d'audiences frisant les 50%, les plaçant ainsi dans le Top 10 des émissions les plus regardées d'Al

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Oula et 2M. Les chiffres sont parlants : “Moudawala” détient la troisième place après le JT arabe et avant "Comedia Show", alors que “Akhtar al mojrimine” est septième avant “Rachid Show” et derrière “Moukhtafoune”.

Devant ces chiffres alarmants, le rapport de la HACA formule plusieurs recommandations dont :

1- L’adoption d’une approche globale sur le plan légal afin d’éviter toute violation par ces émissions des dispositions relatives aux procédures pénales, la protection de la vie privée et la dignité humaine.

2- L’ouverture d’un débat sur la nature de ces émissions télévisées et leur place dans le service public.

3- La mise en service des commissions déontologiques chargées de visionner et évaluer ce genre de productions télévisuelles avant leur diffusion.

4- La mise en place de mesures nécessaires pour la protection du public jeune ainsi que la diffusion des émissions concernées à des plages horaires adaptées avec le changement des signalétiques d’âge sur l’écran qui passe de -12 ans à -16 ans surtout pour les émissions de reconstitution des homicides ou des viols.

5- La mise en œuvre des dispositions contractuelles contenues dans les cahiers des charges sur l’implication de spécialistes ayant une formation et une expérience adaptées avant le traitement des affaires criminelles.

6- Le respect de toutes les dispositions des cahiers des charges relatives à la vie privée en évitant de traiter des procès se trouvant toujours devant les tribunaux.

In Rapport sur les émissions des télévisions généralistes nationales traitant des crimes- haca.ma/rapport

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Déontologie : cas de litiges de presse en Europe

En matière de protection de la vie privée, voici des exemples de plaintes contre la presse et décisions d’instance d’autorégulation en Europe. Ces exemples montrent l’utilité des instances d’autorégulations (conseils de presse), qui peuvent se substituer aux tribunaux et trouver des solutions aux litiges de presse sans intervention de la justice. In Guide pratique de l’autorégulation des médias (OSCE) 2008 Affaire 1 : Plainte pour atteinte à la vie privée Le père d’une femme portée disparue dans la tragédie du tsunami asiatique s’est plaint au Presserat allemand (conseil de presse) qu’un tabloïde avait publié le nom et la photo de cette femme. Il s’agissait d’une des photos de victimes provenant d’un site Internet créé pour aider à retrouver la trace des personnes disparues. Le père se plaignait que le journal avait attenté au droit à la vie privée de la famille.

Le bien-fondé de la plainte a été reconnu. Le comité des plaintes du Presserat a déclaré que l’intérêt éventuel du public à la publication des photos en pareilles circonstances ne saurait primer sur les droits des personnes en cause. Les victimes d’une catastrophe telles que le tsunami ne devenaient pas automatiquement des figures publiques. Le fait que les informations avaient été publiées sur des sites Web consacrés à la recherche des disparus n’était pas suffisant pour que le journal les republie sans le consentement de la famille. Affaire 2 : Plainte pour atteinte à la vie privée Le Conseil de presse de Bosnie-Herzégovine a examiné un article du quotidien Dnevni Avaz sur un accident de la route. Le plaignant n’objectait pas à l’article lui-même, mais estimait que les photos des victimes constituaient une atteinte à la vie privée et n’auraient pas dû être publiées.

Le bien-fondé de la plainte a été reconnu. Le conseil de presse a déclaré qu’il avait examiné des affaires analogues auparavant et qu’il avait rappelé en plusieurs occasions aux rédacteurs en chef que des lecteurs pourraient objecter à la publication de telles photos. En l’espèce, Dnevni Avaz avait enfreint l’article 9 du code de la presse, aux termes duquel « les relations d’une tragédie personnelle doivent être traitées avec tact, et il faut faire preuve de sympathie

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et de discrétion à l’égard des personnes touchées ». Le Conseil de presse a répété qu’à son avis la publication de photos des lieux d’un accident et celle des noms des victimes mineures de violence ou de harcèlement sexuel n’était pas conforme au professionnalisme journalistique. Affaire 3 : Plainte pour inexactitude Le directeur gérant d’une librairie islamique s’est plaint à la Commission des Plaintes de la presse britannique qu’un article de l’Evening Standard de Londres, intitulé « Terreur et haine en vente à quelques pas de Baker Street », était inexact et trompeur et qu’il enfreignait la clause relative à l’exactitude du code de pratique rédactionnelle de la Commission. Cet article portait sur la littérature extrémiste prétendument vendue dans les librairies islamiques au lendemain des attentats à la bombe de Londres. La librairie du plaignant figurait en bonne place dans une photo accompagnée de reproductions de trois titres, qui, d’après le journal, prônaient le terrorisme et qui, prétendait-il, étaient vendus dans des endroits « comme Dar Al-Taqwa ». Le plaignant a déclaré que la librairie n’avait jamais eu en stock les livres ou les DVD représentés. L’article était trompeur et amenait les gens à penser que la librairie encourageait le terrorisme et y incitait. Le journal avait cité de façon sélective des passages d’un opuscule sur le jihad qui était en vente dans la librairie. Le plaignant a fait valoir que cet opuscule n’incitait pas à la terreur ou à la haine comme le prétendait l’article. À la suite de sa publication, le personnel de la librairie avait été en butte à des insultes et à des menaces de violence et il avait fallu demander une protection policière.

Le bien-fondé de la plainte a été reconnu. La Commission des Plaintes a déclaré qu’en vertu de la clause 1 de son code de pratique, les journaux devaient « veiller à ne publier aucune matière inexacte, trompeuse ou déformée ». En l’occurrence – eu égard à la gravité des allégations et au moment délicat où elles avaient été publiées, à savoir peu après les attentats terroristes – il fallait absolument s’assurer que les informations collectées par le journal étaient présentées de manière exacte. On ne contestait pas que la librairie vendait l’opuscule cité, mais le contenu de ce dernier ne corroborait pas les assertions extrêmement graves figurant dans le titre. Le journal n’avait donc pas veillé avec suffisamment de soin à l’exactitude de l’article. La Commission des Plaintes a déclaré que, dans le climat d’anxiété qui s’était instauré après les attentats, les conséquences d’allégations trompeuses auraient pu être extrêmement graves pour le plaignant – du fait en particulier que les coordonnées de la librairie étaient indiquées bien en évidence.

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Annexes

Recommandations du conseil des droits de l’Homme (ONU) acceptées par le Maroc

Liste des 10 recommandations du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU se rapportant à la liberté d’expression et de la presse proposées par des pays tiers acceptées par le Maroc. Rappelons que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur en 1976, a été ratifié par le Maroc en 1979 ; il fait état dans son article 19 du droit à la liberté d’expression.

Liste des dix recommandations relatives à la liberté de la presse qui ont recueillies le soutien du Maroc (*)

1- Poursuivre son action en vue de promouvoir la liberté d’expression et d’accélérer l’adoption d’une nouvelle loi sur la presse. 2- Prendre des mesures immédiates pour donner effets aux dispositions de la nouvelle Constitution qui prévoit que les normes internationales en matière des droits de l’Homme, notamment la liberté de la presse et le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association, doivent être pleinement respectés.

3- Mettre au point, en collaboration avec les associations de presse et les groupes de défense des droits, un cadre juridique qui garantisse une liberté d’expression totale.

4- Réviser le Code de la presse de manière à le rendre conforme aux normes internationales et prendre les dispositions nécessaires pour appliquer de manière effective les principes de liberté prévus par la Constitution.

5- Dépénaliser les délits de presse et prévenir l’arrestation de personnes pour l’expression de leurs opinions, y compris par le biais des médias sociaux.

6- Faire en sorte que le nouveau projet de loi sur la presse constitue une avancée importante en matière de liberté d’opinion et d’expression. 7- Réviser le Code de la presse de même que d’autres lois connexes de façon à permettre l’exercice de la liberté d’information conformément aux normes internationales. 8- Supprimer les peines privatives de liberté dans le Code de la presse et réviser les dispositions pénales relatives à la liberté d’expression de sorte qu’aucun journaliste ou militant des droits de l’Homme ne soit arrêté pour la seule raison qu’il a exprimé son opinion. 9-Réviser le Code de la presse et abroger les dispositions qui restreignent la liberté d’opinion et d’expression ainsi que la liberté de religion et de conviction et prendre des mesures en faveur des médias libres, neutres et objectifs. 10- Réviser le Code de la presse afin de le rendre conforme aux normes internationales concernant la liberté de la presse.

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Publications de l’association Adala «Pour un procès équitable »

Observation des procès : Guide à l’usage des avocats et défenseurs des droits de l’homme- 2013

Déontologie de la presse et la responsabilité professionnelle : Guide à l’usage des journalistes au Maroc- 2013

Liberté d’expression et liberté d’information : Etude du cadre juridique et institutionnel au Maroc- Mohamed Sassi et Omar Bendourou

Mémorandum sur la liberté d’expression et la liberté de la presse- 2015

Codes de déontologie dans le monde

La déclaration des devoirs et des droits des journalistes, adoptée en 1972, au congrès d’Istanbul, par la Fédération internationale des journalistes (FIJ), également connue sous le nom de Charte de Munich.

Les principes internationaux de l’éthique des journalistes adoptés en 1983, sous l’égide de l’UNESCO, par les organisations internationales et régionales de journalistes.

La déclaration de principe de la FIJ sur la conduite des journalistes, adoptée au congrès d’Helsingor en juin 1986 reprend les termes de la Déclaration d’Istanbul.

La Déclaration finale sur l’indépendance rédactionnelle et le droit de consultation des journalistes adoptée à Milan, le 5 mars 1993, par les représentants des syndicats de journalistes de neuf pays de L’Union européenne.

En France : la charte des devoirs professionnels des journalistes adoptés par le Syndicat national des journalistes en 1918. Elle fut complétée en 1938 et incluse dans la convention collective de travail des journalistes de l’audiovisuel. Les textes de déontologie -La Déclaration de l’association nationale des photographes de presse (1993) ; la Charte de la presse hebdomadaire française (1998)

En grande Bretagne, le Code of practice de la presse britannique. Au Québec, le Guide de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes. Au Portugal, le Code déontologique du journaliste.

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En Irlande, le Code of Conduct des journalistes. En Côte d’Ivoire, au Bénin, au Niger, en Guinée, au Mali, au Sénégal, au Tchad, au Burkina Faso, il existe des codes de déontologie.

Les textes de déontologie : Certains grands journaux se sont dotés d’un règlement déontologique propre. Les plus célèbres : le règlement intérieur du quotidien américain Washington Post, également appelé Doctrine Bradley, le code de déontologie du quotidien français Le Monde, ou les quotidiens belges le Soir ou La Libre Belgique.

Le code de la presse allemand

Le code de la presse allemand a été élaboré par le Conseil de la Presse en collaboration avec les organisations professionnelles d'éditeurs et des journalistes (1973). En rappelant la garantie constitutionnelle de la liberté de l'information, de l'expression des opinions et de la critique, ce code situe les responsabilités sur le plan éthique et non sur le plan juridique. Il prône en matière de la protection de la vie privée : « La presse respecte la vie privée et la sphère intime de la personne humaine. Dans le cas où le comportement privé d'une personne concerne néanmoins l'intérêt public, la presse est autorisée à en faire état. Il est alors nécessaire d'examiner si une publication risque de porter atteinte aux droits de la personnalité de personnes étrangères à l'affaire ». « Les accusations sans fondement sont contraires à un comportement journalistique correct, particulièrement lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte à l'honneur ». « Personne ne doit être discriminé en raison de son sexe, de son appartenance à un groupe ethnique, religieux, social ou national ». « Les publications, par le texte et par l'image, qui sont susceptibles de porter atteinte aux sentiments moraux ou religieux d'un groupe de personnes, par leur forme et par leur contenu, ne sont pas compatibles avec la responsabilité de la presse ». « Mention de noms et photos : « la mention de noms et la publication de photos de victimes et de criminels dans les reportages sur des accidents, actes délictueux, procédures policières ou juridiques ne sont, en règle générale, pas

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justifiées. Les sensations à tout prix ne justifient absolument pas l’intérêt de l’information pour le public » « Le compte rendu d'une instruction et d'une procédure judiciaire pendante doit être exempt de préjugés. C'est pourquoi, au début et pendant la durée de telles procédures, la presse évite toute prise de position partiale ou préjudiciable, dans la présentation et dans le titre. Un suspect ne doit pas être désigné comme coupable avant le jugement du tribunal. Lors d'actes délictueux commis par des mineurs, la presse doit renoncer dans toute la mesure du possible à publier les noms et des photographies permettant l'identification, à moins qu'il ne s'agisse de crimes graves. Elle ne doit pas faire état des décisions des tribunaux avant leur publication officielle sans motifs prépondérants justifiés ». La déclaration suisse des devoirs et droits des journalistes En matière des devoirs des journalistes, la déclaration suisse des devoirs et droits des journalistes énonce dans sa directive n°7, relative à la protection de la vie privée, un certain nombre d’exigences auxquels les professionnels des médias doivent se conformer à la directive n°7 relative à la protection de la vie privée qui stipule :

« Toute personne - y compris les célébrités - a le droit au respect de sa vie privée. Les journalistes ne peuvent enregistrer de sons, d'images ou de vidéos dans son domaine privé sans le consentement de la personne concernée. De même, tout harcèlement des personnes dans leur sphère privée (intrusion dans un domicile, filature, surveillance, harcèlement téléphonique, etc.) est à proscrire ».

« Même dans le domaine public, il n'est admissible de photographier ou de filmer des personnes privées sans leur autorisation que si elles ne sont pas mises en évidence sur l'image. En revanche, il est licite de rendre compte par l'image et le son lors d'apparitions publiques et lorsque l'intérêt public le justifie ».

Enfants : « Les enfants sont dignes d'une protection particulière, y compris les enfants de personnages publics ou de personnalités qui sont l'objet de l'attention des médias. Une retenue extrême est indiquée dans les enquêtes et les comptes rendus portant sur des actes violents et qui touchent des enfants (que ce soit comme victimes, comme auteurs présumés ou comme témoins ».

Comptes rendus judiciaires ; présomption d'innocence et réinsertion sociale : « Lors des comptes rendus judiciaires, les journalistes soupèsent avec une attention particulière la question de l'identification. Ils tiennent compte de la

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présomption d'innocence. Après une condamnation, ils portent attention à la famille et aux proches de la personne condamnée, ainsi qu'aux chances de réinsertion sociale de cette dernière ».

Droit à l'oubli : « Les personnes condamnées ont un droit à l'oubli. Cela est d'autant plus vrai en cas de non-lieu et d'acquittement. Le droit à l'oubli n'est toutefois pas absolu. Tout en respectant le principe de la proportionnalité, les journalistes peuvent relater des procédures antérieures, si un intérêt public prépondérant le justifie. Par exemple, quand il y a un rapport entre le comportement passé et l'activité présente ».

Affaires de mœurs : « Dans les affaires de mœurs, les journalistes tiennent particulièrement compte des intérêts des victimes. Ils ne donnent pas d'indication permettant de les identifier ».

Guide de déontologie du Québec

Vie privée et droit à l’information : « Les journalistes respectent le droit des individus à la vie privée et défendent le droit à l’information, qui est un droit individuel fondamental dans notre société. L’exercice de ce droit enrichit la vie privée de chacun des citoyens en lui permettant d’élargir ses horizons et ses connaissances. Il arrive cependant que ce droit entre en conflit avec le droit d’un individu à la vie privée. Dans un tel cas, lorsque les faits privés présentent un intérêt public plutôt que de relever de la simple curiosité publique, les journalistes privilégieront le droit à l’information notamment : lorsqu’il s’agit d’une personnalité publique ou d’une personne ayant une charge publique, et que certains éléments de sa vie privée sont pertinents pour comprendre l’exercice de ses fonctions ou mettre en perspective sa vie publique et son comportement public; lorsque la personne donne d’elle-même à sa vie privée un caractère public; lorsque les faits privés se déroulent sur la place publique.

Droits de la personne : « Les journalistes doivent accorder un traitement équitable à toutes les personnes de la société. Les journalistes peuvent faire mention de caractéristiques comme la race, la religion, l’orientation sexuelle, le handicap, etc. lorsqu’elles sont pertinentes. Mais ils doivent en même temps être sensibles à la portée de leurs reportages. Ils doivent éviter les généralisations qui accablent des groupes minoritaires, les propos incendiaires, les allusions non pertinentes à des caractéristiques individuelles, les préjugés et les angles de couverture systématiquement défavorables qui pourraient attiser la discrimination. Ils seront particulièrement attentifs à ce qui pourrait provoquer des réactions racistes, sexistes, homophobes, etc. »

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Harcèlement : « Les journalistes doivent faire preuve de compassion et de respect à l’égard des personnes qui viennent de vivre un drame ainsi qu’à l’égard de leurs proches, et éviter de les harceler pour obtenir des informations ». Les chartes du journaliste- Munich, 1971 Le « Préambule » de la « Charte de Munich » adoptée en 1971 par des représentants des fédérations de journalistes de la Communauté européenne, ainsi que de plusieurs organisations internationales de journalistes, s’ouvre sur la proclamation suivante : « Le droit à l’information, à la libre expression et à la libre critique, ainsi qu’à la diversité des opinions est une liberté fondamentale de tout être humain ». Les chartes du journaliste Déclaration des devoirs et des droits des journalistes Munich, 1971 Préambule Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes. La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics. La mission d’information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément. Tel est l’objet de la déclaration des devoirs formulés ici. Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l’exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l’indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées. Tel est l’objet de la déclaration des droits qui suit. Déclaration des devoirs Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont : 1) respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ; 2) défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ;

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3) publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ; 4) ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ; 5) s’obliger à respecter la vie privée des personnes ; 6) rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ; 7) garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ; 8) s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information ; 9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ; 10) refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre. Déclaration des droits 1) Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés. 2) Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale. 3) Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience. 4) L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste.

40

5) En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique. Extraits du document de la CNDP : traitement des données à caractère personnel

Traitement des plaintes : Expérience de la CNDP

M. Said IHRAI

Président Juin 2015

Plan de l’intervention

Institution de la protection des données personnelles au Maroc

L’expérience marocaine en matière de traitement des plaintes

Analyse des données concernant les plaintes

2

41

I-Institution de la protection des données personnelles au Maroc 1-Quelques dates clés

2009

20102011 2012

� Fév. 2012: Structure institutionnelle opérationnelle.� Nov. 2012: Date limite pour se conformer à la loi 09-08.

2014

2015

� Fév. 2009: Loi 09-08 a été promulguée.� Août 2010: Création de la CNDP.� Fin 2010 : Membre de l'AFAPDP.

� Juillet 2011 : la constitutionnalisation de la protection de la vie privée.

� Nov. 2011: la CNDP a été accréditée par l’ICDPPC .

� Jan. 2014 : Premiers contrôles (sites web).

� Sept. 2014: Adhésion du Maroc à laConvention 108 (CoE).

� Nov. 2014 : Lancement des opérations decontrôle sur place.

� 2015 : + grande visibilité internationaleGPEN/ IWGDPT, etc.

Axe II

Axe VI Axe IV

Axe V

Moderniser et améliorer les processus

Développer la coopération

institutionnelle

Axe I Axe III

I-Institution de la protection des données personnelles au Maroc le ent de a trat ie de la P

42

I-Institution de la protection des données personnelles au Maroc tat de lie el e ali ation

Réalisations de la CNDP

1.Tous les services administratifs sont opérationnels.

2.En cours : « Data center » moderne et efficace.

1. Augmentation du nombre de plaintes reçues;

2. Contrôles;

3. Instruction des notifications en hausse;

4.Encadrement de certains traitements par le recours aux délibérations de la CNDP

5.Veille juridique et technologique.

1.Séminaires et ateliers;

2.www.cndp.ma;

3.Dépliants;

4.Spots radio et télévision;

5.Entrevues;

6. émission radio hebdomadaire.

1.Banques, assurances, télécommunication, centres d'appels, organismes publics, etc.;

2.En cours : Santé, Tourisme et Éducation.

¾Structure institutionnelle

¾Respect des droits des individus

¾La sensibilisation ¾Les avancées de la conformité

CNDP (Budget:1.5 Mdh)

(RH: 27)

Délibérations doctrinales

22

Plaintes

364

Déclarations

1312Demandes de

transfert à l’étranger

454

Demandes d’autorisation

1605

Contrôles

211

I-Institution de la protection des données personnelles au Maroc el e i re l

43

¾ La CNDP reçoit les plaintes de toute personne concernée estimant êtrelésée par un traitement de données personnelles (Article 28 de la loi 09-08);

¾ La plainte peut être adressée à la CNDP par:

� Voie Postale

� Voie électronique (+80% des cas)

� Dépôt sur place

� Via Twitter

La CNDP peut également déclencher une procédure par auto-saisine.

II-

-Traitement des plaintes-

II-

1-Dépôt

1- Le plaignant peut adresser la plainte à la CNDP, par :

• Email, en remplissant le formulaire sur le site web www.cndp.ma (disponible en

arabe, français et bientôt en anglais);

• Courrier ;

• Fax ;

• Dépôt sur place.

2- Le Secrétariat Général centralise toutes les plaintes et les transmet au service compétent ;

3- Les services du département de l’Expertise et des Contrôles enregistrent la plainte et

désignent un cadre responsable de son instruction.

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Le responsable de l’instruction de la plainte décide de sa recevabilité. Il s’agit de vérifier s’il s’agit d’une atteinte à la vie privée ou à l’un des droits relatifs à la protection des données.

Le responsable doit accuser réception de la plainte. Cet accusé se fait selon les cas de figure suivant:

Plainte non recevable : le responsable de l’instruction rappelle au plaignant l’objet et la référence de sa plainte et lui signale que sa réclamation n’entre pas dans les attributions de la CNDP. Le plaignant est alors orienté vers l’institution compétente.

● Plainte recevable : au cas où la plainte relève des attributions de la CNDP, le responsable confirme sa réception et informe le plaignant de l’objet, la référence et la procédure de traitement de la plainte.

● Plainte recevable mais incomplète : dans ce cas, un e mail, un courrier ou un appel téléphonique comportant une demande de complément d’information est adressé au plaignant auquel le plaignant doit répondre dans un délai fixé, sous peine de voir la plainte réputée abandonnée.

II-

22-Recevabilité

II-

9 Le plaignant est informé au fur et à mesure des différentes étapes del’instruction de la plainte;

9 Le Département de l’expertise et des contrôles peut, pour certainesplaintes, consulter d’autres Départements pendant l’instruction(Département juridique, Système d’information, etc.) avant leursoumission aux membres de la Commission pour validation.

9 Le suivi pour chaque plainte déposée est assuré à travers un dossierphysique et une application informatique.

9 Un dispositif de veille via Twitter est en place pour recevoir les questionsparticulières des internautes et recueillir éventuellement leurs plaintes.

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III-I

1 7

43

162151

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

2011 2012 2013 2014 2015 (15 juin)

1-Évolution du nombre de plaintes reçues par la CNDP

III- I

SMS50%

SPAM17%

VIDEOSURVEILLANCE9%

DONNÉES SUR INTERNET (1)

11 %

AUTRES (2)13%

2-Répartition par thèmesdes plaintes reçues en 2014

- (1) Données sur internet : Réseaux sociaux, vidéos en ligne, presse électronique …

- (2) Autres : Biométrie, GRH,…

46

III-I

13

10

Mises en demeure Contrôles sur place / de site web

4-Mesures contraignantes prises par la Commission suite à des plaintes

reçues en 2014

Cas N° 1

d cateu s elat s au la tes e ues

• Une étudiante française a remarqué que sa candidature pour des offres d’emploiest restée sans réponse;

• Ayant appris que certains employeurs font des recherches sur Internet à proposdes candidats à l’embauche, elle constate qu’après avoir saisi son nom sur lesmoteurs de recherche, les premiers résultats font remonter des articles qu’elle apubliés dans des journaux marocains dans lesquels elle exprime certaines de sesconvictions idéologiques.

• Estimant que ces publications portent préjudice à sa carrière professionnelle, elledépose une plainte auprès de la CNDP dans laquelle elle demande le retrait deses articles. La CNDP contacte alors les journaux concernés.

• Ces journaux répondent favorablement aux exigences de la CNDP et retirent lesarticles en question de leurs sites Web.

5- Analyse de cas

47

2

Cas N° 2

d cateu s elat s au la tes e ues

• Une multinationale spécialisée dans la fabrication de cosmétiques a misen ligne une vidéo publicitaire qui montre certains de ses vendeurs entrain de promouvoir ses produits auprès de ses clients.

• Une des vendeuses s’est opposée à l’utilisation de son image à des finscommerciales au motif que son consentement n’avait pas été recueilli.

• La CNDP a contacté le responsable du traitement pour lui demander deretirer la vidéo en question. Celui-ci a tout de suite supprimé la vidéo deses supports de communication en ligne, tout en présentant ses excusesà la personne concernée.

ndi ate r relati a lainte re e

2

Le nombre croissant des plaintes atteste de

l’impact des campagnes de

sensibilisation menées par la CNDP

L’accroissement rapide des plaintes implique

la nécessité de renforcer les moyens

de la CNDP

L’intérêt de renforcer la coopération afin de mieux répondre aux attentes des plaignants : • En interne, avec les parties

prenantes concernées (Régulateurs, groupements professionnels, société civile)

• À l’international, avec d’autres APD.

Conclusions et perspectives

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Webographie

Guide à l’intention des Journalistes et des Avocats, par Abdelaziz Nouaydi-Fondation Friedrich Ebert http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/presse_justice/press_just_fr.pdf

Guide pour la protection du jeune public dans les médias audiovisuels- HACA

www.haca.ma/pdf/guide_protection_jeune_public_vf.pdf

Ministère de la communication www.mincom.gov.ma

Ministère de la justice www.justice.gov.ma

La Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel (CNDP)

www.cndp-maroc.org/fr/

La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle www.haca.ma

Le Conseil National des droits de l’homme www.cndh.ma

Association Adala pour un procès équitable www.justicemaroc.org

Le Syndicat national de la presse marocaine www.snpm.org

La Friedrich Ebert Stiftung (FES)- Bureau Maroc www.fes.org.ma

L’UNESCO www.unesco.org

La fédération internationale des journalistes www.fij.org

Le Conseil de presse allemand www.presserat.de

Le Conseil de presse du Québec www.conseildepresse.qc.ca

Reporters sans frontières www.rsf.org.uk

toute utilisation commerciale des publications éditées interdite