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édito

La centralité des systèmes d’information et des technologies associées tout comme l’essordes techniques d’automatisation dans le domaine logistique développent parfois l’illusion,ou le fantasme, d’une activité relativement déshumanisée. Les ressources humainessemblent être la dimension cachée des organisations logistiques et leur visibilité est souventsynonyme de défaillance de ces organisations. Dans l’éditorial du numéro spécial de larevue consacrée aux systèmes d’information, Nathalie Fabbe-Costes rappelait que pour denombreux managers et chercheurs, l’humain constituait bien le maillon faible ou« impensé » des dispositifs logistiques, ce qui la conduisait à suggérer l’approfondissementde ces recherches1. Pourtant, en France, les métiers liés à la logistique et au transportreprésentent 1,7 million d’emplois, soit un emploi sur dix. A l’horizon 2015, la créationnette d’emploi est même estimée à 800 000 postes faisant de ce secteur (au sens large duterme) le deuxième créateur d’emplois derrière les services à la personne. S’intéresser auxproblématiques humaines de la logistique constitue un enjeu managérial majeur.

Les perspectives de recherche sont donc également nombreuses, qu’il s’agisse d’étudier lesresponsables fonctionnels, l’encadrement intermédiaire ou les opérateurs.

A l’inverse de la plupart des autres managers clés de l’entreprise, les logisticiens neconstituent que très rarement des sujets de recherche alors même que la connaissance deleur profil et de leurs compétences est essentielle dans l’optique des questions deformation, de recrutement et de carrière. De la même façon, il convient de s’interroger surleur rôle dans le processus d’émergence, d’affirmation et de maintien d’une fonctionlogistique au sein des entreprises. Si Nathalie Fabbe-Costes et Pierre-Xavier Meschi avaientmis en évidence ce rôle de « champion », de « héro » dans l’émergence de la fonction,nous avions nous-même illustré leur influence dans la structuration, le design de celle-ci2.

L’importance des métiers opérationnels (préparateurs de commandes, caristes...) mériteégalement une attention particulière de la part des chercheurs. L’essor du secteur de laprestation de services logistiques, lié à la fois aux stratégies de recentrage des chargeurs surleurs « core competencies » et aux compétences élargies des prestataires, suscite desinterrogations sur la gestion de cette population particulière. Les questions de socialisationdans le cadre des processus d’externalisation (article L.122-12), d’implication desintérimaires qui représentent souvent la moitié des effectifs sur les sites logistiques, ouencore de déséquilibre du marché du travail dans les grandes zones logistiques sont autantde pistes de recherche qui font échos à de vrais enjeux managériaux.

Ces thèmes de recherche ne sauraient faire oublier que la logistique s’inscrit naturellementdans un contexte de mondialisation, avec pour corollaire les questions de gestioninternationale des ressources humaines (mobilité – expatriation, carrières...) et demanagement interculturel. Celles-ci sont d’autant plus pertinentes que les schémaslogistiques s’affranchissent des frontières nationales et que, simultanément, les opérations

Logistique et gestion des ressources humaines :enjeux managériaux et problématiques de recherche

1 Logistique & Management, vol. 13 – N°2, 2005.2 N. Fabbe-Costes et P.X. Meschi, Logistique & Management, vol. 8 – N°1, p. 101-112, 2000.

L. Livolsi, thèse de doctorat, Université de la Méditerranée, CRETLOG, 2001.

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de fusion / acquisition dans le secteur de la prestation de services logistiques font émergerdes opérateurs multinationaux.

L’importance des besoins en ressources humaines ainsi que le renouvellement desproblématiques appellent aussi une réflexion en termes de formation (initiale et continue).Face à une croissance rapide du nombre de formations en logistique, il convient d’enapprécier le contenu à des fins, certes, d’employabilité immédiate mais surtout de capacitésà comprendre les problèmes transverses et à évoluer dans des environnements complexes.

Sans volonté d’exhaustivité, ces constats montrent la richesse des relations entre logistiqueet gestion des ressources humaines ; relations qui sont au coeur des préoccupationsactuelles des managers logistiques et des DRH au sein des entreprises, et justifient doncpleinement la réalisation d’un numéro spécial de la revue Logistique & Management.

La réalisation du dossier : une volonté d’ouverture

Dès la décision de réaliser ce dossier, nous avons considéré, en accord avec D. Estampe et C.Garrabos, qu’il convenait d’avoir une réelle politique d’ouverture. Ouverture tout d’aborden direction des chercheurs spécialisés en gestion des ressources humaines pour qu’ils «découvrent » le terrain de la logistique et que cela soit l’occasion de collaborations futures.Ouverture ensuite au niveau des thèmes de recherche. L’appel à contribution (cf. encadrésur la liste des thèmes) a donc été élaboré de façon à ouvrir au maximum le champ descontributions possibles. Ouverture enfin, dans la lignée des recherches académiquesprésentées depuis 15 ans dans la revue Logistique & Management (dont nous avons leplaisir de rappeler, au moment où les classements type CNRS se développent, qu’elleconstitue LA revue de référence de la communauté francophone), sur les plansépistémologiques et méthodologiques.

Par rapport aux objectifs fixés, l’appel à contribution a connu un succès relatif. Si lespropositions abordent une grande diversité de thèmes avec des méthodologiesrelativement variées, la relative déception vient de l’absence de contributions de la part dechercheurs spécialisés en gestion des ressources humaines malgré les intentions initialementexprimées. Les questions de calendrier d’appel à communications et, selon nous, les débutsdes logiques d’évaluation qui renforcent déjà la nécessité de s’ancrer dans unecommunauté de recherche peuvent constituer des explications envisageables.

Tous les articles proposés ont été évalués, de façon évidemment anonyme, par deuxrapporteurs (cf. encadré sur la liste des évaluateurs). La constitution des binômesd’évaluateurs a reposé sur la volonté d’avoir simultanément, dans l’esprit de ce dossier, leregard d’un spécialiste en logistique et d’un autre en gestion des ressources humaines.L’ensemble des rapporteurs sollicités ont répondu favorablement à cette demande et c’estdonc avec une réelle satisfaction que nous avons pu procéder à ce type d’évaluation quipermet de croiser véritablement les champs disciplinaires. Les articles publiés dans cedossier ont fait l’objet d’une évaluation en deux temps, c’est-à-dire que les évaluateurs ontréévalué les textes modifiés suscitant encore quelques améliorations. Dans un contexteuniversitaire où les tâches diverses sont très chronophages, nous ne pouvons que remercierles rapporteurs d’avoir, par la qualité de leurs remarques et commentaires, contribué àaméliorer la qualité des articles publiés. La rigueur dans le pilotage, le rappel des datesd’évaluation et les exigences de la revue nous amènent naturellement à remercier ClaudeGarrabos et Dominique Estampe dont le travail garantit la qualité constante de la revue.

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Ce numéro comporte au final sept articles.Les quatre premiers s’inscriventdirectement dans le champ de l’appel àcontribution. Les deux suivants abordent,de façon complémentaire, des questionsde gestion des ressources humaines liées àla supply chain, dépassant ainsi le simplecadre logistique mais ouvrant autant deperspectives de recherches futures. Ledernier est clairement aux frontières de cetappel à contributions, mais nous avonschoisi de l’intégrer dans ce dossier car ilpermet finalement d’appréhender laperception qu’ont les salariés du supplychain management et donc de penser lesformations et axes de communication àdévelopper.

Laurent Bironneau et Bruno Le Royproposent, dans le premier article de ce

dossier, une grille d’analyse structurée des compétences du responsable logistique. Leurgrille distingue des compétences techniques (en logistique et en sciences de gestion engénéral) et des compétences managériales et humaines (sociales ou personnelles).Construite à partir d’une revue de littérature dans ce domaine et d’entretiens avec desresponsables logistiques, la prochaine étape consistera en une validation empirique decette grille dont la finalité praxéologique concerne les questions de formation, derecrutement et de carrière.

Le deuxième article (Laurent Livolsi) s’inscrit dans la même thématique. A partir des offresd’emplois publiées dans la presse, il propose d’améliorer la connaissance des compétencesrecherchées chez les directeurs et les responsables logistiques, postes qui sont distingués àcette occasion. Réalisé à partir d’offres publiées entre 1995 et 2005, l’article attesteégalement de la dynamique de ces compétences, laquelle constitue selon l’auteur uneillustration de l’évolution de la fonction.

Sophie Claye-Puaux, dans la continuité d’une recherche sur les parcs industriels3,s’interroge sur les conséquences en termes d’emplois des créations de zones logistiques. Apartir de l’étude de la zone Clésud à Grans-Miramas, elle illustre les difficultés d’embauchedes prestataires logistiques, qui ne trouvent pas suffisamment de main d’oeuvre disponibleet apparaissent comme contraints par leurs systèmes de gestion, et propose une typologiedes pratiques de gestion des ressources humaines dans les établissements logistiques.

Dans le quatrième article de ce dossier, Christelle Camman et Laurent Livolsi étudientégalement les questions de gestion des ressources humaines chez les prestataires de serviceslogistiques. A partir d’une enquête qualitative, ils montrent que les responsables de sitelogistique ont un rôle stratégique important à exercer mais que celui-ci est entravé par laprégnance de la gestion quotidienne des activités et, en particulier, par les questions demanagement des opérateurs logistiques. Les prestataires développent alors unesegmentation renforcée de leurs pratiques de GRH qui n’est pas sans poser non plus uncertain nombre de questions.

3 S. Claye-Puaux, Logistique & Management, vol. 12 – N°1, p. 23-33, 2004.

Liste des thèmes de l’appel à contribution

• Profils des logisticiens (recrutement, gestion des carrières...)• Le métier de logisticien• Flexibilité logistique et gestion des effectifs opérationnels en

logistique• Externalisation logistique et gestion des emplois (art L.122-12

et autres aspects juridiques)• La responsabilité sociale de l’entreprise dans le domaine

logistique• Emergence et importance du middle management en

logistique• Vendre une prestation logistique : des compétences spécifiques

pour les commerciaux ?• Le marché de l’emploi dans les grands pôles logistiques• Management interculturel dans la chaîne logistique• Contingence culturelle de la chaîne logistique (spécificités

nationales...)• Système d’information logistique et GRH• La formation en logistique (état des lieux, contenu,

évolution...)• Le marché du conseil en logistique (profil des consultants,

prestations...)

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Bruno Durand et Brigitte de Faultrierabordent l’épineuse question de l’évolutiondes métiers de la logistique et des achatsavec l’essor du supply chain management. Apartir d’une étude qualitative menée auprèsde 46 entreprises, ils montrent que ledécloisonnement organisationnel, souventévoqué dans la littérature académique,n’est pas systématique et que c’est lafonction « achat » qui se situe le plussouvent à l’extérieur des démarches desupply chain management car son cadredépasse cette problématique. Sur le planplus spécifique des ressources humaines, side nouveaux métiers peuvent apparaître,c’est surtout une évolution des compétencesqui est constaté avec une demande élevéeen compétences transversales en gestion etmanagement des équipes.

Jean Nollet, Martin Beaulieu et PauleLethiecq-Normand s’inscrivent dans lamême thématique que l’article précédent,tout en recentrant leur analyse sur lafonction « achat », et apportent unéclairage canadien sur la formation et sesenjeux. A partir d’une enquête qualitativeexploratoire réalisée auprès d’unepopulation de 12 responsables « achat » de grands groupes canadiens, ils montrent queces entreprises privilégient souvent une vision tactique de la formation (acquisition decompétences techniques) au détriment d’une considération plus stratégique(développement d’habiletés managériales). Ils appellent alors à une reconsidération desprogrammes de formation et au développement d’une ingénierie fondée sur l’évaluationdes besoins initiaux (avant la formation) et des résultats obtenus (post formation). EnFrance, le vote d’une loi sur la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétencess’inscrit finalement dans une perspective similaire.

Dans le dernier article de ce dossier, Joëlle Morana s’intéresse aux salariés d’unemultinationale du secteur des technologies. L’objet central de son article est de déterminerles dimensions du supply chain management et les axes de progrès liés. A partir d’uneenquête quantitative auprès de 82 salariés, elle met en avant quatre axes : stratégique,socio-organisationnel, technologique et capacité de réponse. Sur le plan des ressourceshumaines, qui a justifié notre choix d’intégrer cet article dans ce dossier, les résultatsmettent en avant le rôle du top management et de l’existence d’un département dédiédans le fait de faire émerger des projets de supply chain, et celui de la formation nonseulement pour accompagner ces projets sur le plan technique mais aussi pour développerune représentation commune au niveau des salariés.

Liste des évaluateursChristelle CammanMaître de Conférences – Université de la Méditerranée (CRETLOG)Jean-Claude CastagnosDirecteur de recherche CNRS – ESA, Université Pierre Mendès France(CERAG Grenoble)Sophie Claye-PuauxMaître de Conférences – Université de la Méditerranée (CRETLOG)Jacques ColinProfesseur des Universités – Université de la Méditerranée (CRETLOG)Dominique EstampeProfesseur – Directeur de l’ISLI, BEM- Bordeaux Management SchoolNathalie Fabbe-CostesProfesseur des Universités – Université de la Méditerranée (CRETLOG)François FulconisMaître de Conférences – Université d’Avignon (PRATIC –CRETLOG)Laurent GrégoireDirecteur Logistique Europe, Georgia PacificMarie KoulikoffProfesseur – Directeur de la recherche - CERAM Sophia-AntipolisAriel MendezProfesseur des Universités – Université de la Méditerranée (LEST – UMR-CNRS)Ewan OiryMaître de Conférences – Université de la Méditerranée (LEST – UMR-CNRS)Gilles PachéProfesseur des Universités – Université de de la Méditerranée (CRETLOG)Alain RogerProfesseur des Universités – IAE de Lyon (UMR-CNRS)Christine RoussatMaître de Conférences – Université de Clermont-Ferrand

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Perspectives de recherche

En guise de conclusion de cet éditorial, et à partir des contributions de ce dossier, noussouhaitons évoquer quelques perspectives de recherches.

Tout d’abord, il s’agit de poursuivre les recherches entamées, lesquelles sont récentescomparativement aux autres métiers de l’entreprise (mais cela est l’apanage des fonctionsjeunes), sur les postes et les profils des logisticiens. La question des compétences liées à cesmétiers, celle de la distinction entre les postes (une même appellation pour un postedifférent ou, au contraire, des appellations différentes pour un même poste sont encoretrès classiques) ou, encore, celle des trajectoires professionnelles au travers de carrièresgérées par les entreprises ou pilotées par les salariés, sont autant de voies de rechercheprometteuses. Elles correspondent à des besoins managériaux immédiats mais prennentencore plus de sens avec le renouvellement (ou pour le moins l’évolution) des compétencesdans le cadre de l’émergence du supply chain management et de la nécessité dedécloisonner les approches traditionnelles en silos (job file).

Ensuite, si les enquêtes nationales gardent toute leur pertinence, il est sans doutenécessaire de promouvoir des recherches internationales qui permettront d’étudier lesspécificités nationales / culturelles, et ainsi de proposer des politiques de gestioninternationale et / ou de management interculturel.

Enfin, il nous semble que l’essor des démarches inter organisationnelles, qu’elles s’inscriventou non dans le cadre du supply chain management, appelle une réflexion sur les modestraditionnels de gestion des ressources humaines. Si ces modèles reposent sur lacoopération et le partage d’intérêts, il nous semble que les stratégies de braconnage desressources humaines sur les marchés en tension ou que les pratiques régressives « imposées» aux prestataires ou aux fournisseurs s’inscrivent en contradiction avec ces modèles et sontla cause (cachée ?) d’une moindre performance. Il conviendrait alors d’initier desprogrammes de recherche sur cette thématique avec comme perspective la promotion depolitiques inter organisationnelles de gestion des ressources humaines.

Ces perspectives ne sont que des pistes et elles ne sauraient être considérées commeexhaustives mais, en revanche, elles illustrent la pertinence de la liaison ressourceshumaines – logistique et attestent des liens étroits entre les problématiques managérialeset de recherches.

Laurent LIVOLSIMaître de Conférences, CRET-LOG

Université de la Méditerranée (Aix – Marseille II),Rédacteur en chef invité

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Laurent BIRONNEAUMaître de Conférences, IGR-IAE de Rennes, CREM-CNRS, UMR [email protected]

Bruno LE ROYMaître de Conférences, IUT de Saint Brieuc, [email protected]

L’objet de ce travail est de proposer une grille d’analyse structurée permettant dedéfinir les compétences clés que doit ou devra maîtriser tout responsable logis-tique. Ces compétences sont réparties en deux catégories principales, selon qu’ils’agit de compétences techniques, ou de compétences managériales et humaines.Les premières sont décomposées en compétences sur les techniques logistiques eten compétences générales en gestion des entreprises, les secondes, en compéten-ces sociales (soi avec les autres) et personnelles (soi avec soi).

Introduction

Depuis le début des années 90, les flux struc-turant la logistique sont déstabilisés tant pardes facteurs environnementaux - change-ments des comportements des marchés, ducadre réglementaire et de la technologie- , quepar l’évolution des stratégies industrielles etde distribution (Dornier et Fender, 2001 ;Christopher, 2004). Les logisticiens doiventfaire face à de nouveaux enjeux et de nouvel-les contraintes qui révolutionnent la manièrede traiter les mouvements physiques desmarchandises et les opérations liées aux fluxd’information qui déclenchent, pilotent etcontrôlent ces mouvements physiques (Bower-sox et al., 2000 ; Favre Bertin, 2004 ; Murphyet Poist, 2006). Parmi ces changementsmajeurs, nous pouvons citer le développe-ment des technologies de l’information et dela communication, l’émergence de contrain-tes environnementales et sécuritaires fortes, ledéveloppement de nouvelles formes de rela-tions clients - fournisseurs dans un soucid’optimisation des délais et des coûts dans leschaînes logistiques globales, l’internationali-

sation accrue des échanges… Ces mutationsont des effets importants sur les besoins encompétences des membres de la fonctionlogistique, et notamment de celles du respon-sable logistique (Gammelgaard et Larson,2001 ; Christopher, 2004 ; Mangan et Christo-pher, 2005 ; Murphy et Poist, 2006). Ainsi,l’étude menée chaque année, depuis 1960, parle groupe de recherche sur le SCM de l’Uni-versité d’Ohio State, montre des évolutionssensibles quant aux demandes de formationssollicitées par les responsables logistiquespour être plus performants dans leur métier.En 2006, les formations les plus demandéesétaient : le SCM, le management stratégique/les prévisions/ la planification, les technolo-gies de l’information, la finance/ comptabilitéet la logistique « allégée » (La Londe 2006) ;10 ans plus tôt, ces disciplines et savoirs n’é-taient pas évoqués.

Au regard de ces mutations, il nous a sembléintéressant de développer un schéma généralde recherche nous permettant de définir quel-les devraient être les compétences d’un res-ponsable logistique (son portrait robot) et

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Définition d’un modèle générique descompétences du responsable logistique

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celles qui seront demandées dans le futur,compte tenu des enjeux actuels en logistique.

Ce thème nous paraît, en effet, pertinent à plusd’un titre :

Il est porteur, tout d’abord, car de nombreusesétudes montrent le rôle clé du responsablelogistique dans le succès d’une chaîne logis-tique (Skjoett-Larsen, 1999 ; Van Hoek et al.,2002 ; Langabeer et Seifert, 2003 ; Kirby,2003). Il est donc crucial de connaître le profild’un bon responsable logistique et de voircomment celui-ci doit évoluer face aux muta-tions actuelles.

Il est porteur, ensuite, dans la mesure où laconnaissance des compétences nécessaires àun responsable logistique peut permettre dedéterminer les adaptations à apporter aux for-mations des logisticiens, qu’il s’agisse de for-mations initiales ou continues (Dadzie, 1998 ;Gammelgaard et Larson, 2001 ; Mangan etChristopher, 2005 par exemple1). L’objectifserait alors de permettre aux responsablesactuels ou futurs de progresser dans leurmétier vers le « profil idéal ». Ceci noussemble d’autant plus important que certainstravaux montrent que les formations en logis-tique sont souvent orientées essentiellementsur les compétences techniques (Gammel-gaard et Larson, 2001 ; Van Hoek et al., 2002),alors même qu’il semble que ce sont les com-pétences managériales qui soient crucialespour le logisticien (Murphy et Poist, 1991,1994, 2006 ; Stank et al., 1998 ; Mangan et al.,2001, Razzaque et Bin Sirat, 2001 ; Myers etal., 2004 ; Mangan et Christopher, 2005). Nospremières analyses des programmes des prin-cipales formations françaises de niveau bac+5en logistique confirment ce constat.

Il est porteur, enfin, si l’on considère le besointrès fort en recrutement et/ou en formation delogisticiens de bon niveau ces prochainesannées, pour permettre aux entreprises defaire face aux conséquences du retournementdes courbes démographiques de leurs person-nels logistiques (AFT-IFTIM 2006).

Le thème proposé nous semble égalementintéressant dans la mesure où, comme leremarquent Gammelgaard et Larson (2001), ily a peu de littérature scientifique consacréedirectement à ce thème. La majorité des tra-vaux traitant de ces questions sont souventréalisés par des associations professionnellesde logisticiens (enquêtes de l’AssociationFrançaise pour la Logistique en France, étudesur les carrières en logistique du Council ofLogistics Management aux Etats-Unis par

exemple) ou des organismes de formation(Enquête AFT-IFTIM, 2006 ; Etude ISLI,2004 ; référentiels métiers de l’ESLI, 2003 ;Enquête annuelle de l’Ohio State University,2006 ; Etude de la Mississipi State University,1999…). Ces travaux sont souvent plus des-criptifs que prospectifs. Pourtant les muta-tions actuelles de la logistique, notammentavec le développement du Supply ChainManagement, impliquent une évolution auniveau des besoins en compétences des logis-ticiens (Gammelgaard et Larson, 2001 ;Christopher, 2004).

D’où l’intérêt pour nous de développer un pro-cessus général de recherche dont l’objectif estde définir les compétences clés dont doit dispo-ser aujourd’hui un responsable logistique, etcelles qui seront importantes dans le futurcompte tenu des évolutions actuelles du métier.Pour parvenir, à terme, à cet objectif, il nousfaut disposer d’une grille d’analyse structuréenous permettant d’identifier les paramètressemblant influencer de manière significativeles performances d’un responsable logistiquedans son travail. L’objectif de cet article est deproposer cette grille d’analyse.

Méthodologie utilisée

Dans le cadre de la réalisation de ce travail,nous avons opté pour une méthode d’investiga-tion alliant l’élaboration théorique, et la con-frontation au regard critique du terrain par lasollicitation de groupes d’experts constitués deresponsables logistiques. Pour ne pas tomberdans le piège du « théoricisme » en proposantune grille d’analyse trop générale ne pouvants’appliquer à la réalité des responsables logisti-ques, cette recherche se devait de comporterune validation du terrain. Cependant, il ne s’a-gissait pas non plus de tomber dans un excèsd’empirisme. En négligeant de se doter d’uncadre d’analyse rigoureux, la complexité duréel pouvait conduire à une impossibilité derésultat, à une grille trop complexe et nonstructurée. Par ailleurs, notre recherche faitintervenir un corpus doctrinal que l’on ne sau-rait ignorer. La littérature de recherche a, eneffet, beaucoup à nous dire sur les compétencesclés nécessaires à un responsable logistique.

Notre méthode d’investigation s’est doncbasée sur les trois étapes suivantes :• une phase d’exploration théorique, débou-

chant sur la définition d’une première grillede référence, synthèse de l’analyse de la lit-térature (managériale et spécialisée en logis-tique) ;

• une phase d’étude empirique, où nousavons analysé la manière dont les respon-

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1 - Cf également le numérospécial sur ce sujet de 1998 du

International Journal of PhysicalDistribution and LogisticsManagement, Vol.28, n°4.

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sables logistiques pensent que leur fonc-tion va évoluer dans les années à venir etles compétences qui leur semblent néces-saires pour faire face à ces évolutions. Ace niveau, nous nous sommes appuyés,d’une part, sur des entretiens individuelsavec des responsables logistiques, et,d’autre part, sur une analyse des com-mentaires de notre grille réalisés par uncomité de pilotage de l’ASLOG (Asso-ciation Française pour la Logistique) etde membres de cette association faisantpartie de la région Bretagne ;

• une phase de propositions inférées à partirdu bouclage opéré entre l’espace théoriqueet l’espace empirique, permettant d’établirune grille d’analyse qui intègre les critiqueset conseils des experts sollicités.

Le diptyque qui organise le développementde nos réflexions sur la problématiqueannoncée découle directement de la métho-dologie qui vient d’être présentée. Dans unepremière partie, il s’agira, tout d’abord, d’a-nalyser la littérature sur le sujet afin d’étu-dier la pertinence des grilles d’analyseexistantes et d’identifier les compétencesqui semblent importantes pour être perfor-mant dans un poste de direction logistique.Puis dans une deuxième partie, il s’agira deconfronter ces éléments à la réalité du ter-rain et de proposer notre propre grille d’ana-lyse.

Il faut, toutefois, remarquer qu’un certainflou existe sur les notions de compétences,d’une part, et sur la différence entre logis-tique et supply chain, d’autre part. Dans cesconditions, il serait illusoire de chercher àapprofondir tel ou tel point particulier, alorsque certaines zones d’ombre entourent lesconcepts étudiés. Un chapitre liminaire apour objet de combler cette lacune en préci-sant notre cadre d’analyse et les termes quenous avons retenus.

Chapitre liminairecadre générale de la recherche

Un éclairage sur les métiers en logistique etune réflexion d’ensemble sur la notion decompétence vont nous permettre de préciserle champ et les limites de notre travail.

Les métiers en logistique et le métier deresponsable logistique

Les activités et métiers en logistique sont mul-tiples et très variés. De nombreux travaux sesont attachés à les lister. Ainsi, la norme FDX

50-602 de l’AFNOR distingue 21 activités debase en logistique et définit 23 profils profes-sionnels logistiques différents. Parmi lesmétiers qui en découlent, il est possible de dis-tinguer les métiers qui permettent une planifi-cation rationnelle de la production et desmouvements physiques, ceux qui assurentpour les produits le transfert dans l’espace,comme le transport ou la manutention, ouencore ceux qui garantissent leur transfertdans le temps, comme le stockage. Il y a égale-ment les métiers relatifs au soutien logistiqueou plus simplement à l’après vente. Parmitous ces métiers, certains concernent desfonctions d’encadrement – responsable trans-port, responsable approvisionnement, direc-teur logistique ou encore responsableplanification… - ; l’association CLM, quiregroupe les logisticiens aux Etats-Unis, endénombre 17 types (CLM, 20062).

Dans le cadre de cet article, nous nous intéres-serons uniquement à ces métiers d’encadre-ment, et plus particulièrement aux métiers dedirection en logistique (senior level logisti-cians), qu’il s’agisse indifféremment du postede responsable ou directeur logistique ouencore du poste de Supply Chain Manager. Denombreux travaux se sont certes attachés àétudier les particularités propres à la logis-tique et au Supply Chain Management, et lesconséquences des différences constatées auniveau des compétences nécessaires (parexemple l’étude de Favre-Bertin et al., 2004).Le débat est loin d’être clos et, comme le pré-cise Masbonçon (2002, 2007), il n’est pas tou-jours évident de distinguer clairementlogistique et Supply Chain, tant la réalité duterrain apparaît polymorphe. Les terminolo-gies et pratiques sont plurielles, comme l’ontbien montré Halldorsson et Larson (2004)dans leur étude théorique et pratique sur lesujet, et même si de nombreux travaux relayésdans les actes des Rencontres Internationalesde la Recherche en Logistique (RIRL) ou dansdes revues comme Logistique & Managementont permis de les clarifier, elles seront encoreprobablement soumises à de nombreusesvariations. Quoi qu’il en soit, à l’image deMangan et Christopher (2005), notre postureest ici de ne pas rentrer dans ce débat, notremodèle se voulant résolument générique, entout cas dans un premier temps3 : ce qui nousintéresse c’est la position d’encadrant (demanager) en logistique au sens large. Il estd’ailleurs à remarquer que les derniers réfé-rentiels métiers de l’APEC4 (2007), enFrance, ne distinguent pas les différents pos-tes : seul le métier de « Directeur de la Supply

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2 - Consultable sur le site duCLM : www.cscmp.org

3 - L’enquête de validation denos travaux permettra à terme,nous l’espérons, d’éclairer lesdistinctions de compétencesentre les différents métiers :Supply Chain Manager,responsable d’entrepôt,directeur logistique....

4 - Les référentiels métiers del’APEC sont consultables surwww. Apec.fr.

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Chain » y est présenté, tout en étant égalementprécisé que les autres intitulés pour ce postesont directeur logistique, directeur de lachaîne logistique ou Supply Chain manager.Pour cette raison, nous utiliserons le terme de« responsable logistique » comme termegénérique dans la suite du texte.

Si l’on se réfère aux référentiels de l’APECqui viennent d’être évoqués, le poste de res-ponsable logistique comporte de multiplesfacettes, avec une évolution importante cesdernières années vers plus de décisions straté-giques, et implique de ce fait des compétencesmultiples et variées.

De la notion de compétence

On ne peut parler de compétence des respon-sables logistiques sans définir le concept decompétence. Selon l’acception que lui ontdonnée bon nombre de théoriciens en gestiondes ressources humaines, la compétence estl’ensemble des savoirs (théoriques ou prati-ques), des savoir-faire (l’expérience) et dessavoir-être (dimension comportementale)mobilisés par une personne dans l’entreprise(Le Boterf 1998).

Cette approche ne fait toutefois pas l’objetd’un consensus pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, à cette typologie traditionnelledes compétences entendues comme lessavoirs, savoir-faire et savoir-être, sont venuss’ajouter de nombreux apports théoriques quiont contribués à l’hétérogénéité du concept.Ainsi Emery (1996) a-t-il complété cette défi-nition en ajoutant un quatrième savoir, lesavoir faire-faire. Le contenu de la compé-tence s’élargit également avec Gilbert etThionville (1990), pour devenir un ensemblede pratiques maîtrisées, de conduites profes-sionnelles et de connaissances acquises parl’expérience et pouvant être mises en œuvresans apprentissages nouveaux dans des situa-tions où elles ont une valeur adaptative. Lecaractère dynamique de la compétence seretrouve également dans les travaux de LeBoterf (1994, 1998), qui la définit comme unsavoir-agir, combinant différentes ressourcesincorporées à la personne (savoirs,savoir-faire, qualités, expériences…) et liées àson environnement (moyens, réseaux rela-tionnels, réseaux informationnelles…). Ainsi,la compétence ne s’inscrit pas dans le respectde la prescription des tâches définies à l’a-vance, mais signifie la capacité d’un individuà s’adapter à des situations de travail différen-tes. Le professionnel construit ses compéten-ces à l’aide de son environnement et pour

s’adapter à celui-ci. Cette notion prend toutson sens en logistique, domaine qui évoluerapidement, et pour lequel les entreprises vontdonc rechercher des cadres ayant des compé-tences leur permettant de faire face à des chan-gements, ou à des évènements imprévisiblesde leurs situations de travail.

Ensuite, la notion de compétence s’appuiefortement sur la notion de « savoir être ».C’est d’ailleurs cela qui la différencie de lanotion de qualification que l’on peut considé-rer comme une typologie des savoirs et dessavoir-faire. A toutes les aptitudes appriseslors d’une formation ou par l’expérience vientdonc s'ajouter la variable « savoir-être », quiva permettre de prendre en compte les qualitéspersonnelles de l’individu : aptitudes relation-nelles, de comportements, d’adaptation… Denombreux travaux mettent en avant la diffi-culté d’appréhender en pratique cette notion,peu objective, et difficilement mesurable apriori.

Enfin, cette typologie en trois classes noussemble perméable. Ainsi la distinction entresavoir et savoir faire dans le cas d’apprentis-sage en cours de carrière, sur des modules trèspratiques, nous semble délicate, savoir etsavoir faire étant dans ce cas quasimentconfondus. Stroobants (1993) voit d’ailleurscette typologie en trois classes comme un cli-ché, le savoir étant désormais combinable àsouhait, tellement combinable qu’au savoir etau savoir-faire est rajouté le savoir être, notionenglobante, censée suppléer les carences desdeux autres.

Dans la suite de notre travail, nous ne retien-drons pas cette approche de la compétence ensavoir, savoir-faire et savoir-être, ce qui estaussi, nous le verrons, le cas d’auteurs de réfé-rence dans le domaine qui nous intéresse.

Analyse de la littérature

Les travaux réalisés sur les compétences desresponsables logistiques montrent des grillesd’analyse relativement disparates, structuréesou non structurées. Les travaux de Murphy etPoist apparaissent comme une synthèse de cestravaux.

Quelles compétences pour le logisticien ?

Quelques articles de recherche ont étépubliés, ces dernières années, sur le thèmedes compétences du responsable logistique.Herron (1985) a ainsi décomposé les compé-tences que doit posséder le responsablelogistique en trois catégories : les compéten-

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ces fonctionnelles, les compétences managé-riales et les compétences d’interface. Gam-melgaard et Larson (2001) retiennentégalement un modèle basé sur trois catégo-ries : les compétences interpersonnelles etmanagériales, les compétences technologi-ques et mathématiques, et les compétencesen Supply Chain Management. Ils soulignentégalement l’importance des compétences encommunication et négociation. Cette distinc-tion entre les compétences générales enmanagement et les compétences spécifiquesaux techniques logistiques et de SCM, d’unepart, l’importance des aspects communica-tion, d’autre part, se retrouvent dans les tra-vaux de Mangan et al. (2001), de Christopher(2004) et de Mangan et Christopher (2005).Christopher (2004) souligne, en outre, queles compétences du responsable logistiquedoivent être variées et complètes (sans douteplus que pour toutes les autres catégories demanagers), avec une importance toute parti-culière pour les compétences en communica-tion et les compétences relationnelles(interpersonal). Cette analyse est confirméepar l’étude triangulaire de Mangan et Chris-topher (2005) sur trois catégories de popula-tion –les entreprises clientes de formation enlogistique, les étudiants en logistique, lesformateurs en logistique- qui montrent que leresponsable logistique doit avoir un profil decompétences en forme de T : une grandeexpertise dans les domaines de la logistique(barre verticale du T) complétée par descompétences/connaissances de base danstous les domaines influençant la logistique(barre horizontale du T). Il peut s’agir decompétences de base en gestion, comme parexemple les méthodes ABC de calcul descoûts, ou de compétences plus managérialesconcernant le leadership et le relationnel. Onretrouve également à ce niveau les conclu-sions des travaux plus anciens de Johnson etal. (1999) qui suggèrent que le responsablelogistique doit être à la fois un expert et ungénéraliste. Leur étude de l’entreprise DowChemical montre, en outre, que le respon-sable logistique doit avoir des compétencesen gestion des relations et en communicationfortes, des connaissances transversales(cross-functionnal awareness) et la capacitéde prendre des décisions rapides et en indé-pendance.

Stank et al (1998) soulignent de leur cotél’importance de ce qu’ils nomment les com-pétences personnelles (personnal skills),comme l’enthousiasme, ou encore la réacti-vité. L’étude quantitative réalisée par Gam-

melgaard et Larson (2001) sur un échantillonde logisticiens confirme d’ailleurs que lescompétences techniques en logistique nesemblent pas être les plus importantes ; lesresponsables logistiques interrogés mettent,en effet, en avant, par ordre d’importance etsur la base de 45 compétences clés qui leuront été présentées, les compétences suivan-tes : la compréhension, le travail en équipe, lacapacité à résoudre des problèmes, la com-munication écrite, la communication orale,la gestion des priorités, la capacité à prendredes décisions, la motivation, et la capacité àêtre performant sous la pression. Myers et al.(2004) tirent des conclusions globalementsimilaires de leur analyse, à l’aide d’équa-tions structurelles, d’un questionnaire remplipar 157 responsables logistiques américains.Ils montrent que l’expérience et le niveaud’étude ne sont pas un facteur significatif duniveau de performance d’un logisticien ; parcontre, leur étude statistique montre que lescompétences sociales –entendues comme lescompétences relationnelles, le leadership, lacapacité à maîtriser le stress, l’efficacité dansla communication orale et dans le manage-ment des hommes, ou encore la capacité às’entourer (team building)– semblent discri-minantes. C’est également le cas des compé-tences à prendre des décisions (decisionmaking skills), les capacités à résoudre desproblèmes (problem management skills) ouencore à gérer son temps (time managementskills). Ces compétences sont évidemmentdes compétences managériales.

La littérature professionnelle confirme cesanalyses. De l’étude que nous avons pu fairedes articles publiés sur le thème des compé-tences dans des revues de vulgarisation fran-çaises et américaines en logistique5, il ressorttout particulièrement que le responsablelogistique doit atteindre un niveau de compé-tences multi facettes, une subtile associationde compétences à la fois techniques, psycho-logiques et managériales et de qualitéshumaines d’animation et de collaboration.Ces dernières sont tout particulièrementmises en exergue.

Les travaux de Murphy et Poist

Les travaux de Murphy et Poist (1991, 1994,2006) nous semblent devoir être isolés, car ilsconstituent une synthèse des différentes ana-lyses présentées dans le point précédent. Lagrille qu’ils proposent est d’ailleurs régulière-ment prise comme base de référence par denombreux chercheurs pour leur étude sur lescompétences (Razzaque et Bin Sirat, 2001 ;

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5 - Nos analyses ontprincipalement porté sur lesrevues suivantes :Stratégie logistique, LogistiqueMagazine, Supply ChainMagazine en France, LogisticsManagement aux Etats-Unis.

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Myers et al., 2004, par exemple). Trois gran-des catégories de compétences et de connais-sances (grille BLM) sont définies : lescompétences de base en gestion (businessskills/knowledges), les compétences en logis-tique (logistics skills/knowledges), et les com-pétences en management (managementskills/knowledges).

Cette grille d’analyse en trois catégories -dontnous pouvons remarquer qu’elle s’affranchiten partie de l’approche des compétencescomme une classification en savoir,savoir-être et savoir faire- apparaît intéres-sante pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, elle met clairement en évidencela nécessité pour le responsable logistique decultiver d’autres dimensions que les aspectstechniques logistiques. Les dimensions « busi-ness » et surtout « managériales » sont mises enavant, notamment les critères de personnalité.L’étude réalisée aux Etats-Unis par Poist etMurphy montre que le responsable logistiqueest d’abord un manager avant d’être un logisti-cien (managers first and logisticians second).La même grille testée en Malaisie et à Singa-pour par Razzaque et Bin Sirat (2001), et, dansune version simplifiée, en Irlande, par Manganet al. (2001), donne des résultats identiques.Murphy et Poist considèrent donc que cettedernière catégorie est la plus importante destrois ; ils lui ont d’ailleurs consacré des travauxspécifiques, notamment en 1998, avec Stank(Stank et al., 1998).

Ensuite, les items étudiés dans les grilles deMurphy et Poist sont nombreux (de 18 à 33compétences/connaissances par catégorie).L’analyse est détaillée, ce qui n’était pas lecas, par exemple, dans les travaux de Manganet al. (2001), avec seulement huit compéten-ces clés analysées, ou encore de Mangan etChristopher (2005), avec treize compétencesprésentées. Les compétences managérialesfont l’objet d’un découpage précis et nova-teur, notamment les compétences liées à l’in-dividu (personnal skill), dont on rappellequ’elles étaient souvent oubliées dans les tra-vaux antérieurs (Stank et al, 1998).

Enfin, les différents items étudiés dans la clas-sification de Murphy et Poist sont classés parordre d’importance, au regard des résultatsd’une étude par questionnaire reconduite dansle temps (1991 et 2006) : cela permet, d’unepart, la mise en évidence des compétencesclés indispensables, d’autre part, de montrerles conséquences des mutations actuelles del’environnement sur les besoins en compéten-ces du responsable logistique. Dans la publi-

cation de 2006 apparaissent ainsi des notionsqui n’étaient pas évoquées en 1991 : les com-pétences en commerce électronique et SupplyChain Management, pour les compétences debase en gestion ; les compétences en gestiondes relations clients, gestion des relationsfournisseurs, créativité et sur le recrutementde nouveaux employés, pour les compétencesmanagériales.

Cette dernière grille nous semble, toutefois,devoir être aménagée et complétée sur quel-ques points.

Premièrement, certaines compétences décri-tes restent très générales (la communication),d’autres peuvent faire l’objet d’une interpré-tation par les personnes interviewées. Cer-tains termes sont notamment difficilementtransposables dans une étude française, carliés à la culture anglo-saxonne, comme parexemple les skills/knowledges « business andsociety » ou « business and government ». Ilsne correspondent pas forcément aux intitulésdes formations et enseignements dispensés enFrance. Au sens large, il manque, à toutes lesgrilles présentées, un glossaire permettant dedéfinir ou de préciser les termes utilisés outout du moins les concepts qui y sont associés.

Deuxièmement, certaines compétences, quinous semblent importantes dans le cadre dumétier de logisticien, ne sont pas abordées,comme la gestion du stress et plus largementdes émotions. Ces derniers critères sont pour-tant évoqués par quasiment tous les logisti-ciens que nous avons pu interroger. Les étudespar questionnaires de Gammelgard et Larson(2001) et de Myers et al. (2004) confirmentd’ailleurs que ce point semble crucial pour leslogisticiens.

Troisièmement, les regroupements proposéspourraient faire l’objet de tris plus fins. Ainsiles « management skills », qui regroupent 32compétences, mélangent des compétencespersonnelles (ex : intégrité, confiance en soi,etc) avec des compétences sociales (ex : capa-cité à négocier, à motiver, etc.). Nous revien-drons sur cette distinction, qui nous sembleimportante.

Proposition d’une grille d’analyseDe tous les travaux étudiés, la grille BLM deMurphy et Poist s’avère, malgré les critiquesémises précédemment, la plus complète. Ellea donc servi de point de départ à notreréflexion. Nous nous sommes attachés à leverles limites évoquées, en confrontant cettegrille aux travaux les plus récents en logis-

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tique (analysés précédemment), mais aussiaux travaux d’autres disciplines de la gestion.Les travaux récents de Labruffe (2005), deGoleman et al. (2005), mais aussi de Retour(2006), sur les compétences humaines nousont, par exemple, été particulièrement utiles.Les recherches de Bescos (2002) sur lesbesoins en compétences des responsables enfinance et en contrôle de gestion également.

Nous avons également analysé directement,sur la base d’entretiens individuels non direc-tifs avec des directeurs logistiques, la manièredont ces derniers pensent que leur fonction vaévoluer dans les années à venir et les compé-tences qui leur semblent importantes pourfaire face à ces évolutions. Il ressort tout parti-culièrement de cette analyse terrain que le res-ponsable logistique « nouvelle génération »doit avoir une grande capacité de synthèse etde coordination : son métier est aux interfacesdes autres, au sein de l’organisation, maisaussi, de plus en plus en dehors d’elle, avec lesdifférents partenaires de la chaîne logistique.Cette position aux interfaces implique égale-ment une bonne maîtrise des outils de com-munication avec les autres, et en particulierune bonne maîtrise des technologies de traite-ment et de diffusion de l’information : systè-mes EDI, système d’identification et delocalisation des produits (traçabilité), systè-mes informatiques collaboratifs. La rapiditéet l’adaptabilité sont également souvent évo-quées, car les contours des organisationslogistiques bougent très rapidement. La maî-trise de langues étrangères apparaît comme unplus, car la tendance est à la mondialisationdes échanges. Un des éléments les plus sou-vent évoqués est également la capacité àprendre de la distance par rapport aux événe-ments, à savoir gérer son stress, plus générale-ment à contrôler ses émotions.

L’intégration de ces dernières notions dans lesgrilles de Murphy et Poist, nous a posé beau-coup de problème. Une dimension crucialecomme la gestion du stress peut, en effet,apparaître dans plusieurs types d’activités duresponsable logistique, comme en manage-ment d’équipe (gestion des conflits), en com-munication (prise de parole en public) ou dansles relations avec les clients et les fournisseurs(gestion des litiges). Nous étions donc con-frontés à une difficulté majeure : intégrer cettecompétence pour enrichir le modèle BLM deMurphy et Poist, tout en constatant que cetteintégration rendait les trois catégories propo-sées par ces auteurs perméables entre elles, cequi n’était pas satisfaisant.

Les travaux de Goleman et al. (2005) sur l’in-telligence émotionnelle nous ont permis uneapproche novatrice de la classification descompétences en logistique. Les compétencesen leadership proposées par ces auteurs pré-sentent, en effet, l’intérêt d’apporter une dis-tinction entre les compétences personnelles(avec deux sous-catégories : la conscience desoi et la gestion de soi), et les compétencessociales (avec deux sous catégories : la cons-cience des autres et la gestion des relations).L’objectif de ces auteurs n’est pas de cernerl’ensemble des compétences dont un cadredoit disposer, mais d’éclairer les compétencesliées à l’exercice du leadership, à partir duconcept d’intelligence émotionnelle. Cetteapproche nous a permis de repenser totale-ment la structure de notre grille qui ne souffreplus de perméabilité. Elle nous a égalementpermis d’intégrer des compétences clés,comme la gestion des émotions et la connais-sance de soi (autre compétence intéressantemise en avant par Goleman et al. (2005), quiétait absente des travaux de Murphy et Poist).Pour repenser notre structure de grille, noussommes partis d’une première grande distinc-tion entre compétences techniques et compé-tences humaines. Dans la première catégorie,dénommée « compétences fonctionnelles ettechniques », nous avons regroupé les compé-tences en logistique (compétences spécifiquesmétier) et les compétences générales en ges-tion. Dans la seconde catégorie, sous l’appel-lation « compétences humaines », nous avonsapporté une distinction entre les compétencespersonnelles et les compétences sociales (ouinterpersonnelles). Cette dernière distinction,empruntée à Goleman et al. (2005), permetnon seulement d’intégrer la gestion des émo-tions, mais aussi de mieux séparer ce quirelève, d’une part, de la personnalité et desvaleurs et, d’autre part, des relations auxautres (management, communication, négo-ciation). Cela n’était pas le cas des Manage-ment Skills / Knowledges proposées parMurphy et Poist.

Une fois la réflexion théorique menée, lasélection des items et leur formulation a étéfaite en étroite collaboration avec nos prati-ciens experts, dans le cadre de la commission« Relations écoles - entreprises » de l’ASLOG- Bretagne (Association Française pour laLogistique) et de membres de cette associa-tion. Certains items ont ainsi été ajoutés, d’au-tres ont été enlevés. La grille proposée alliedonc abstraction de base et complexité du ter-rain, conformément à notre méthodologie derecherche. Elle est structurée en 2 parties, 4

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sous parties, décrites dans la figure ci-dessus(figure 1).

Conclusion

Dans le cadre de ce travail, nous souhaitionsproposer une grille d’analyse robuste et struc-turée, nous permettant d’identifier les para-mètres semblant influencer de manièresignificative les performances d’un respon-

sable logistique dans son travail. La grilleretenue se base sur une classification des com-pétences en deux catégories principales, selonqu’il s’agit de compétences fonctionnelles ettechniques, ou de compétences humaines. Lespremières sont décomposées en compétencesgénérales en gestion des entreprises et encompétences sur les techniques logistiques.Les secondes en compétences sociales (soiavec les autres) et personnelles (soi avec soi).

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CATEGORIE 1 :COMPETENCES TECHNIQUES

EN LOGISTIQUE1) gestion de la production (planification, programmation,ordonnancement, suivi…)2) Supply Chain Management3) achats/approvisionnement4) gestion d’entrepôt5) gestion des stocks6) définition des stratégies logistiques (choix des modes dedistribution des produits, centralisation ou régionalisation desstocks…)7) maîtrise des logiciels de planification : prévisions, planification8) maîtrise des logiciels d’exécution : réception, manutention, mise enstock, préparation de commande, expédition, transport, suivi…9) connaissance des progiciels de gestion intégrés (ERP)10) connaissance des nouvelles technologies (NTIC/EDI/systèmes decommunication/code barre/RFID…)11) normes qualité et outils de la qualité (contrôle qualité…)12) pilotage de coûts tout au long de la chaîne logistique13) tableaux de bord logistique (choix des indicateurs, suivi desindicateurs)14) gestion de projet (outils et démarche de conduite d’un projet)15) législation/réglementation sécurité- environnement (matièresdangereuses)16) législation/réglementation transport/douane17) démarches de sécurité et prévention des risques18) démarches environnementales (recyclage, récupération,emballages réutilisables…)19) méthodes de soutien logistique (maintenance, gestion des piècesde rechange…)20) démarches du SAV (gestion des litiges, gestion des retoursclients)21) démarches de collaboration client / fournisseur22) connaissances produit/métier23) connaissance des termes logistiques en langue anglaise24) connaissance des outils de manutention et de leur impact(économique, environnemental, organisationnel…)25) gestion d’un appel d’offre, d’un cahier des charges logistique

CATEGORIE 2 :COMPETENCES TECHNIQUES

EN GESTION DES ENTREPRISES1) droit du travail (contrat, procédure de mise à pied, droit et devoirpar rapport au personnel…)2) techniques de recrutement (savoir mener un entretien derecrutement…)3) gestion des compétences et des carrières4) gestion des problèmes de sécurité (comportement au travail,accident de travail, lien avec le CHSCT)5) veille stratégique et concurrentielle6) innovation (développement produit/process/ organisation)7) connaissance du marché économique régional, national et/ouinternational8) connaissance des instances décisionnaires (institutions publiques,acteurs) aux niveaux international, national, régional9) comptabilité générale (bilan, compte de résultat)10) comptabilité de gestion (calcul des coûts)11) contrôle de gestion (budgets, tableaux de bord…)12) stratégie (vision stratégique, vision de l’entreprise sur lemoyen/long terme)13) connaissance de l’histoire du management en milieu industriel(courants de pensée)14) investissement (détermination de la rentabilité économique etprévision financière)15) financement (sélection des modes de financement internes etexternes plan de financement), par exemple le leasing16) techniques quantitatives : statistiques17) recherche opérationnelle18) analyse des données19) études de marchés (positionnement des produits, des services parrapport à la concurrence)20) comportement et attentes du consommateur (délai, fréquence…)21) commerce électronique22) informatique de gestion (bases de données, Word, Excel…)23) connaissances juridiques (contrat, assurance)24) méthodes de gestion de crise25) environnement de la production : étude, méthode et process(nomenclature, gamme…)26) anglais27) autres langues étrangères que l’anglais

Figure 1 : Grille d’analyse des compétences des responsables logistiques

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Principaux apports de la grille

Cette grille nous semble intéressante pourplusieurs raisons :

Tout d’abord, elle recouvre les grilles existan-tes, notamment celle de Murphy et Poist(1991, 2006), dont nous avons vu qu’elle fai-sait référence en logistique, tout en mettantparticulièrement en avant les compétencesnon techniques qui apparaissent comme cru-

ciales pour le responsable logistique. Des dis-tinctions non mises en évidence dans la litté-rature sont introduites, qui nous semblentparticulièrement importantes. Ainsi, notregrille différencie les critères intra personnelsdes critères inter personnels. Ces distinctionsnous semblent discriminantes dans l’optiqued’un recrutement. En effet, les compétencesintra personnelles, qui relèvent de la person-nalité de l’individu, comme la réactivité, l’en-

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CATEGORIE 3 :COMPETENCES HUMAINES INTER PERSONNELLES

(SOI AVEC LES AUTRE)1) Aptitude à communiquer efficacement à l’oral. Prendre la parole enpublic.2) Préparer et animer des réunions efficaces3) capacités d’écoute et d’empathie (savoir créer des relationspositives avec les autres, capacité à comprendre les autres)4) communiquer efficacement à l’écrit5) compréhension des modes de fonctionnement de l’entreprise (senspolitique)6) travailler avec les autres décideurs internes des autres fonctions7) Capacité à s’entourer (team building)8) Résoudre les problèmes, les litiges, les conflits9) gérer le temps et les priorités de son équipe10) aptitude à convaincre (vendre ses projets en interne et enexterne)11) savoir faire-faire (aptitude à déléguer et à organiser le travail deson équipe),12) capacité à former ses collaborateurs, à les faire progresserl13) capacité à motiver ses collaborateurs (entraîner, donner dufeed-back, reconnaître la performance…)14) capacités de négociateur en interne (avec ses collaborateurs, lesautres services, et la direction)15) capacité de négociateur en externe (avec clients / fournisseurs)16) savoir adapter son style de management aux différentespersonnes et situations17) capacité à travailler en équipe

CATEGORIE 4 :COMPETENCES HUMAINES INTRA PERSONNELLES

(SOI AVEC SOI)1) Capacité d’analyse et de synthèse2) Confiance en soi3) Connaissance de soi (de ses valeurs, de ses humeurs, de sesforces et faiblesses…)4) contrôle de soi (de ses humeurs)5) contrôle du stress (capacité à être performant sous la pression, àprendre du recul)6) volonté et capacité à progresser (réactualisation continue dessavoirs)7) Implication, disponibilité8) prise d’initiative, créativité, curiosité, à la recherche duchangement9) rapidité et adaptabilité au changement, réactivité, flexibilité10) enthousiasme, état d’esprit positif11) savoir prendre des décisions et les assumer12) Intégrité, éthique13) respect des autres

Remarque : l'ordre de présentation des compétences dans chaque grille ne correspond à aucune hiérarchie.

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thousiasme, l’intégrité, apparaissent plusdifficiles à faire évoluer, notamment par desactions de formation continue, que les compé-tences inter personnelles, comme la capacité àanimer des réunions, la communication écriteou orale. Le recruteur doit donc bien vérifierque le candidat possède ces compétences. Cecommentaire est valable pour le recrutementd’un responsable logistique, mais aussi et sur-tout pour celui d’un jeune logisticien dontl’entreprise souhaite qu’il évolue, à terme,vers des fonctions de responsable logistique.Apporter cette distinction peut permettre aurecruteur d’y voir plus clair sur les perspecti-ves d’évolution de collaborateurs vers desfonctions d’encadrement particulièrementexigeantes sur le plan humain. On trouve à ceniveau la distinction défendue par Retour(2006) entre les compétences requises pour unposte à un moment donné et les compétencesdétenues par un salarié, qui peuvent être pluslarges que celles nécessaires pour le poste àpourvoir dans l’immédiat.

Puis, la grille proposée est structurée et reposesur des distinctions simples et basiques. De cefait, elle peut sans doute être aménagée ettransposée à d’autres métiers de cadre en ges-tion (marketing, GRH, etc.) ; cela sans toucherà la structuration retenue, car certaines dimen-sions de la fonction de management noussemblent a priori communes, quelque soit ledomaine concerné. Il est possible d’imaginer,en effet, que les « compétences humaines » etles « compétences de base en gestion » seretrouveront dans la quasi-totalité des métiersde cadre, à quelques exceptions près. Seule lapartie compétence spécifique du métier (iciles compétences en logistique) devrait êtretotalement repensée, et éventuellement quel-ques critères de personnalité.

Ensuite, la grille proposée intègre les critiquessouvent formulées à l’encontre de la distinc-tion savoir, savoir-faire et savoir être. D’unepart, elle limite les problèmes de perméabilitéde certaines compétences (s’agit il de savoirfaire ou de savoir être ?). D’autre part, elleintègre des notions absentes de ce triptyque,comme le « savoir faire faire » de Emery(1996), ou encore le « savoir agir » de LeBoterf (1994, 1998) : le « savoir faire faire »est intégré dans la catégorie « compétenceinter personnelle », le « savoir agir » dans lacatégorie intra personnelle (capacité à s’adap-ter, à faire face aux changements).

Enfin, la grille proposée nous semble précise,moins interprétative notamment que les gril-les américaines. Afin de limiter les risques

d’interprétation, nous avons en effet opté pourune formulation des items la plus claire pos-sible. Les compétences en management, ennégociation, en communication et en sciencesde gestion ont été tout particulièrement détail-lées. Cette précision peut permettre, dans lecadre d’une enquête, de gagner en transpa-rence et en objectivité : des termes générauxcomme compétences en management oucommunication risqueraient de récolter denombreux suffrages, comme c’est le cas danscertaines des enquêtes analysées. Il noussemble important, même si cela alourdit laprésentation, de préciser ces items générauxpour, à terme, être en mesure de préciser quel-les parties du management, de la gestion ou dela communication mettre en exergue dans lesprogrammes de formation initiale et continuedes responsables logistiques (en devenir oudéjà en poste). De plus, si ces compétencesfont partie du quotidien des SCM, elles nefont pas toujours parties de leur formationd’origine, contrairement aux compétences enlogistique. Ceci plaide en faveur d’une formu-lation explicite détaillant le management, lacommunication et la gestion : il est importantde mettre des mots sur ces pratiques pour enfaciliter la mesure objective.

Perspectives de recherche

Deux axes de recherches complémentairespeuvent notamment être envisagés.

Premièrement, des travaux pourraient êtremenés dans le sens d’une validation quantita-tive de la recherche, sur la base d’un question-naire. Cette approche permettrait de tester lescritères présentés et de faire ressortir ceux quisemblent les plus importants : actuellement,l’ordre de présentation des compétences danschaque grille de l’annexe 1 ne correspond, eneffet, à aucune hiérarchie. Chaque item pour-rait notamment être évalué par les répondantsà un questionnaire sur une échelle de valeur–par exemple de 1 : « pas important ou inu-tile » à 5 : « très important ou indispensable »,pour reprendre une méthodologie proche decelle employée par Murphy et Poist (1991,2006)-, à partir d’une question du type :« Quel est pour vous le degré d’importance dela compétence suivante aujourd’hui ? ». Uneanalyse réalisée à partir de calculs statistiquessimples (comparaison des moyennes devaleurs obtenues par chaque compétence…)permettrait ainsi la valorisation de la grilleproposée en terme de pondération des quatrechamps de compétences, d’une part, et desdifférentes compétences prises une à une,d’autre part. Une segmentation plus fine pour-

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rait être également faîte en fonction, parexemple, de l’environnement de l’entreprise(secteur d’activité, entreprise nationale ouinternationale…), du contenu effectif de lafonction logistique –celui-ci pouvant effecti-vement fortement varié d’une entreprise àl’autre (Livolsi, Camman-Ledi 2005)-, ouencore du type de poste (directeur logistique,responsable d’entrepôt ou Supply ChainManager par exemple). Le questionnairepourrait permettre aussi de mesurer l’impor-tance future (3 à 5 ans) des items de notregrille pour étudier les conséquences des muta-tions actuelles de la logistique sur les besoinsen compétences des logisticiens. Cette étudepourrait être réalisée sur la base de répondantsdifférents : des responsables logistiques, maisaussi des DRH ayant à recruter des logisti-ciens ou encore des chasseurs de tête spéciali-sés dans le recrutement de logisticien de hautniveau. Cette démarche est d’ores et déjà encours. Une première analyse (Bironneau et LeRoy, 2007) sur la base de 51 répondants, tousresponsables logistiques, laisse apparaître desrésultats très intéressants concernant le degréd’importance de chaque compétence et dechaque catégorie de compétences. Les com-pétences humaines apparaissent notammentcomme étant beaucoup plus valorisées que lescompétences techniques.

Deuxièmement, il serait intéressant de réali-ser une étude approfondie des programmes deformation des écoles et des universités fran-çaises et étrangères, pour voir s’ils sont cohé-rents avec les besoins en compétences tels quenous les avons définis dans notre grille et quiont été validés par le terrain. En couplant cetteanalyse avec l’étude des tendances importan-tes en logistique et leurs conséquences sur lesbesoins en compétences des logisticiens(point précédent), cela nous permettrait demettre en évidence les adaptations à apporteraux programmes de formation.

Bibliographie

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Laurent LIVOLSIMaître de Conférences, Université de la Méditerranée - [email protected]

Si les logisticiens intéressent depuis longtemps le monde académique, ils ne fontvéritablement l’objet de recherches que depuis le début des années 1990. Ces re-cherches ont pour objectif de cerner leur profil dans une perspective traditionnellede gestion des ressources humaines, et de comprendre comment ils agissent dans lastructuration de la fonction logistique. Cette recherche s’intéresse aux offres d’em-ploi publiées entre 1995 et 2005 dans la presse française. L’objectif est de participerà l’amélioration de la connaissance de ces logisticiens en étudiant les entreprisesqui recrutent, les fonctions proposées et les profils recherchés. Il s’agit égalementd’initier une démarche prospective en détectant les signaux faibles contenus dansces offres. Les résultats obtenus permettent de constater que les créations de postesont encore importantes et qu’elles concernent surtout les grandes entreprises. Ilspermettent également de distinguer les directeurs et les responsables logistiques. Siles premiers demeurent ancrés dans l’opérationnel, ils connaissent une reconnais-sance stratégique accrue alors que les seconds évoluent, de façon sensible, vers ladimension opérationnelle de la logistique. Loin d’en faire des opérateurs, ils appa-raissent comme caractéristiques des middle managers dont le rôle est renforcé dansl’amélioration des performances de la logistique.

Introduction

Successivement considérés comme « desincompétents à la tête d’une horde sauvage »(Drucker, 1962), « une race de gens tristes etamers très demandés en temps de guerre etdélaissés en temps de paix » (complainte dulogisticien citée par Bowersox, 1978) puis, defaçon plus valorisante, comme « des hommescapables d’évoluer vers des postes de direc-tion générale » (Heskett, 1978), force est deconstater que, depuis longtemps, les logisti-ciens ne laissent pas indifférent le monde aca-démique. La presse professionnelle n’est bienévidemment pas en reste et, entre le « bluesdes logisticiens » et leur considération comme

« chefs d’orchestre », la volonté est régulièred’en établir le profil, de définir cet « Homologisticus ». L’agence française de normalisa-tion (AFNOR) participe de cette démarche endéfinissant le logisticien comme « l’individuresponsable de tout ou partie de la fonctionlogistique » (norme X50-600, février 1991,dernière version en mars 2006). Cet intérêt adeux principales origines. La première est tra-ditionnelle des questions de gestion des res-sources humaines des responsablesfonctionnels comme en attestent les recher-ches sur le contrôleur de gestion (Fornerino etGodener, 2006), l’acheteur (Merminod,2004), le directeur des ressources humaines

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Directeur et Responsable Logistique :différences et évolutions au traversdes offres d’emploi publiées

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(Roger, 1990, 2002) ou les métiers du marke-ting et de la force de vente (Boyer et Scouar-nec, 2005). Il s’agit d’essayer d’appréhenderles compétences, définies simplement commeun « ensemble de savoir, savoir-faire etsavoir-être », nécessaires à l’exercice d’un telmétier mais aussi le profil recherché en termesde gestion des carrières. La seconde est carac-téristique d’une fonction encore jeune ou enévolution. Dans ce cas, c’est le rôle du logisti-cien dans le processus de structuration de lafonction qui est étudié.

L’objet de cet article est donc non seulementde participer à l’amélioration de la connais-sance de ces logisticiens et, plus particulière-ment, des directeurs et responsables dont lesprofils spécifiques ne sont pas souvent diffé-renciés, mais aussi d’investiguer leur péri-mètre d’action respectif. Nous considéronsdonc que les salariés qui exercent chez lesprestataires de services logistiques ne font paspartie de cette recherche qui est exclusive-ment centrée sur la fonction logistique desindustriels et des distributeurs. L’approchechoisie dans le cadre de cette recherche reposesur l’étude des offres d’emploi parues dans lapresse française entre 1995 et 2005. En dépitdu fait qu’une telle approche occulte les autresmoyens de prospection des candidats (pros-pection interne, Agence Nationale Pourl’Emploi, Agence Pour l’Emploi des Cadres,sites internet…) et que, par essence, elleocculte aussi le recrutement interne, elledemeure cependant non seulement très repré-sentative des postes à pourvoir et des profilsrecherchés, mais surtout elle permet unedémarche prospective. En effet, même si nousadhérons à l’idée selon laquelle l’individu faitle poste (Schneider, 1987), l’étude des offresd’emploi reflète, selon l’expression de Berger(1964), « l’avenir tel que nous aurons vouluqu’il fût », ce qui relève d’une démarche deprospective métier définie comme « la détec-tion précoce de signaux faibles des change-ments à venir » (Boyer et Scouarnec, 2002).Dans ce domaine de la logistique où les recru-tements sont traditionnellement importants eninterne (dimension transverse et importancede l’expérience managériale) et en direct(« chasse » chez les fournisseurs, clients, pres-tataires et autres concurrents…), les offresd’emploi apparaissent alors comme des offresnon satisfaites par les canaux traditionnels,car plus atypiques peut-être et donc significa-tives en termes de prospective selon Boyer etScouarnec (2002).

Cet article est structuré en trois parties. Dansune première partie, nous revenons briève-

ment sur les recherches déjà conduites sur lesdirecteurs / responsables logistiques afin demettre en évidence les compétences tradition-nellement présentées ainsi que leur rôle dansla structuration de la fonction logistique. Ladeuxième partie présente, de façon détaillée,la méthodologie de cette recherche, alors quela troisième est consacrée aux résultats et auxcommentaires relatifs aux entreprises quirecrutent, aux postes à pourvoir et aux profilsrecherchés.

Les approches traditionnellesdes logisticiens

En règle générale, les questions de gestion desressources humaines n’occupent pas uneplace centrale dans la recherche en logistique(Boissin et al., 2006 ; Morana, 2004 ; Miya-zaki et al., 1999). Si nous avons évoqué dansl’introduction l’attention ancienne apportéeaux logisticiens par les milieux académiqueset professionnels, il convient cependant deconstater que les recherches portant spécifi-quement sur les logisticiens ne sont pas légionet qu’elles se sont surtout développées à partirdu début des années 90. La raison essentielled’un tel essor est liée à la présence croissanted’une fonction logistique au sein des entrepri-ses. En 1994, une étude de l’AFT-IFTIM(Association pour le développement de laFormation dans le Transport – Institut de For-mation aux Techniques d’Implantation et deManutention) révélait que seulement 56% desentreprises (66% des grandes entreprises)avaient un département logistique, et dansl’industrie agroalimentaire, secteur tradition-nellement considéré comme mature sur leplan logistique, une autre recherche a montréque plus de 70% des fonctions logistiquesavaient une dizaine d’années au maximum(Livolsi, 2001). Nous présentons donc toutd’abord les principaux résultats de ces recher-ches sur le profil du logisticien avant d’évo-quer son rôle dans l’évolution de la fonctionlogistique.

Définition du profil et recherchedes compétences

Avant de définir le profil du logisticien, lesdifférentes recherches s’attachent à cerner leposte occupé au travers des activités gérées.La recherche de l’efficience dans ces activitésnécessite alors la maîtrise d’outils et de com-pétences de la part des logisticiens. Les prin-cipales rubriques identifiées dans cesrecherches sont présentées dans le tableau 1.

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L’une des premières recherches sur le recrute-ment des logisticiens a été réalisée, en Alle-magne, par Pfohl (1993) à partir d’uneanalyse des offres d’emploi et d’une étudeDelphi. Ses résultats permettent d’identifierles principales activités qui entrent dans lechamp de responsabilité des logisticiens, ainsiqu’une liste de vingt cinq outils, compétencesqu’il convient de maîtriser. Si la plupart desoutils sont directement liés aux activités àgérer, les compétences identifiées sont relati-ves au développement personnel et à la capa-cité à manager des équipes.

S’inspirant de la recherche de Pfohl (1993) etde plusieurs autres conduites au sein de l’Uni-versité de Huddersfield, au Royaume-Uni, surla logistique (Horsley, 1993 ; Lennon etZweers, 1994) ou la distribution (O’Connor etDavies, 1989 ; Middleton et Long, 1990),Murray et Whiteing (1995) établissent unesynthèse des compétences professionnellesnécessaires aux logisticiens. La diversité desméthodologies globalement employées dansces recherches (étude des offres d’emploi, desguides professionnels, entretiens avec descabinets de recrutement, questionnaires) per-met d’identifier un nombre plus conséquentde rubriques car, selon les auteurs, aussi bienles outils que les connaissances spécifiquesémergent davantage dans les entretiens.

En France, c’est une recherche sur les besoinsen emploi et en formation dans le domainelogistique, initiée dans le cadre du groupe detravail GT3 de l’AFNOR et réalisée pourl’AFT-IFTIM qui la réitère désormais chaqueannée, qui permet à Leneveu (1995) de mettreen évidence une liste d’activités intégréesdans la fonction. L’objectif poursuivi est dedéfinir les profils de fonction mais aussid’harmoniser les savoirs et les fonctions. Latreizième édition de cette enquête confirmel’importance de l’expérience de terrain etd’une formation professionnelle en logistique(52,5 % des répondants) afin de gérer les acti-vités en développement que sont la formula-tion et la mise en œuvre de la stratégielogistique, la distribution, l’entreposage et lemanagement d’équipe (Lasserre, 2007).

Aux Etats-Unis, dans le cadre de la réalisationd’un guide sur les métiers de la logistiquepour le compte du Council of Logistics Mana-gement, Gibson et al. (1998) identifient, à par-tir d’une revue de la littérature et d’uneenquête auprès de 500 professionnels, sixprincipales activités et autant de compétencesprofessionnelles nécessaires pour exercer lemétier de logisticien (logistics manager). Ilss’intéressent également au passé profession-nel (premier poste et ensemble de la carrière)et à la formation initiale des logisticiens afinde mettre en évidence la diversité des trajec-toires professionnelles possibles.

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Tableau 1 : Synthèse des rubriques de la fonction et du profil du logisticien

Rubriques Activités intégréesdans la fonction

Caractéristiquespersonnelles

Compétencesprofessionnelles

Pfohl (1993)[Allemagne]

Planification de la production, distribution, conseil,système d’information, achats, approvisionnement,entreposage, transport

Murray et Whiteing(1995)[Royaume-Uni]

Entreposage, proposition et mise en place desolutions logistiques, gestion des coûts, gestion desprestataires logistiques, transport

AgeExpérience professionnelleFormation (diplôme)

Management d’ équipe,langues étrangères,informatique

Leneveu (1995)Lasserre (2007)[France]

Achats/ approvisionnements, production,emballage, manutention, transport, entreposage,stocks, distribution, service clients

Formation (diplôme)Expérience professionnelle Management d’ équipe

Gibson et al. (1998)[Etats-Unis]

Entreposage, distribution, planification de laproduction, systèmes logistiques, service clients,achats, qualité, budgets / coûts, négociation

Expérience professionnelleFormation (diplôme)

Management d’ équipe etleadership, informatique,qualité, analytique

Silva et Granemann(2002)[Brésil]

Connaissances liées aux sous-systèmes, autransport, aux systèmes d’information et à uneapproche globale de la logistique

Commander, travail enéquipe, langues étrangères,initiative, éthique

Burcher et al. (2005)[Royaume-Uni etAustralie]

Entreposage, transport, planification logistique,approvisionnement, achats, prévision des ventes,qualité, planification de la production, organisation

Ageexpérience professionnelleFormation (diplôme)

Informatique, languesétrangères, management

Mangan et Christopher(2005)[Royaume-Uni]

Connaissances liées aux sous-systèmes, autransport, approche par les flux, marchésémergents

Analytique, relationnel,leadership, gestion duchangement, projet

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Au Brésil, Silva et Granemann (2002) compa-rent les formations à la logistique (rares etsouvent limitées à des cours, séminaires) et lesbesoins des entreprises grâce à une enquêtequantitative réalisée auprès de vingt troisgrandes entreprises et dix institutions d’ensei-gnement supérieur. Les résultats regroupéesen trois rubriques (gestion, qualités person-nelles, habilités techniques) font apparaîtredes connaissances à la fois générales (« ges-tion » - 8 items) et spécifiques à la logistique(« habilités techniques » – 22 items), et descompétences managériales (« qualités per-sonnelles » - 5 items). En revanche, le faitqu’ils n’étudient pas directement les activitésintégrées dans la fonction, nous a obligé à lesinférer à partir des connaissances jugéesnécessaires.

Une des dernières recherches sur le logisticien(Burcher et al., 2005) compare les résultats dedeux autres précédemment réalisées auRoyaume-Uni (Lee et al., 2003) et en Aus-tralie (Sohal et D’Netto, 2004). Les deux s’ap-puient sur une étude quantitative réaliséerespectivement auprès de 161 logisticiensmajoritairement abonnés à une revue profes-sionnelle anglaise et de 303 logisticiens mem-bres de l’association professionnelle deslogisticiens australiens (Logistics Associationof Australia). Les résultats obtenus permettentde comparer les logisticiens britanniques etaustraliens en termes de formation, d’expé-rience professionnelle, d’activités gérées etd’objectifs assignés. En outre, l’intérêt decette recherche réside dans les réponsesapportées aux questions sur les évolutionssouhaitées au niveau de la fonction et lesbesoins perçus en formation.

Enfin, Mangan et Christopher (2005), dansune recherche dont l’objectif est de détermi-ner les compétences bientôt nécessaires auxsupply chain managers et aux logisticiens,mettent en évidence des domaines de connais-sances généraux et spécifiques à la logistiqueauxquels il convient d’associer des compéten-ces personnelles. Cette démarche prospectivea été réalisée au travers d’une étude qualitativequi a consisté en une série d’entretiens avecdes logisticiens en formation continue, desétudiants, des acheteurs de formation et lesformateurs.

Rôle dans le processus de structuration dela fonction et évolution des compétences

Le paragraphe précédent a permis de prendreconscience de la volonté croissante des cher-cheurs d’essayer de cerner le poste et le profildu logisticien. Si cette démarche s’inscrit pour

la plupart des chercheurs, comme nousl’indiquions dans l’introduction, dans uneperspective de gestion des ressources humai-nes (recrutement, carrière…), d’autres yvoient l’occasion non seulement de définir,dans une volonté de normalisation, un réfé-rentiel des compétences logistiques maisaussi d’homogénéiser les pratiques d’organi-sation logistique (Leneveu, 1995). L’objectifest alors de développer une ingénierie de for-mation initiale et continue pour « coller » auxcompétences actuelles.

Dans un contexte où la logistique connaît desévolutions importantes (émergence du supplychain management, externalisation croissantedes activités, essor des technologies de l’in-formation…), les outils changent de façonsensible (Myers et al., 2004) et posent effecti-vement la question de l’actualisation desconnaissances (Murphy et Poist, 1998). Laformation joue alors un rôle indéniable danscette actualisation (Burcher et al., 2005) maisaussi dans l’implantation de la logistique ausein des entreprises (Pfohl, 1993 ; Silva etGranemann, 2002). Cependant, comme lesouligne Fabbe-Costes (1997), « le dévelop-pement d’une fonction logistique, son affir-mation – développement – maintien, s’esttoujours fait sous l’impulsion, le leadershipd’un charisme qui a su convaincre et mobili-ser » et devient de ce fait un héros de situationréelle. Un héros qui, en rupture avec le modèleattraction – sélection – attrition (Schneider,1987) ou la notion de filtre des carrières (VanMaanen et Barley, 1985), peut agir selon sapropre logique d’acteur et ainsi influencer lastructuration de la fonction qu’il dirige, con-tribuant à générer cette diversité observée desfonctions logistiques (Germain et al., 1994 ;Livolsi, 2001). Les offres d’emploi sont alorsl’occasion d’observer le futur souhaité decette fonction mais aussi les enjeux d’un telrecrutement.

Méthodologie de la recherche

Après une rapide description de la démarchegénérale (supports de presse sélectionnés,périodes...), les analyses qualitative et quanti-tative, dont les objectifs respectifs sont l’iden-tification des grandes dimensions de lafonction et du profil et la mesure de leursoccurrences, sont présentées. Ce design derecherche s’inspire largement des recherchesconduites par Roger (1990, 2002) sur la fonc-tion ressources humaines. Le contenu desoffres d’emploi a évidemment conditionné lechoix des variables étudiées et limité, de facto,

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certaines analyses. A titre d’exemple, il estimpossible de distinguer dans le contenu desannonces, les entreprises qui ont externaliséleur logistique alors même que le pilotaged’un processus logistique géré en propren’appelle sans doute pas les mêmes compé-tences que dans le cas d’un processus dont lesactivités sont partiellement ou totalementexternalisées. De la même façon, si nousavons considéré que la reconnaissance straté-gique de la logistique pouvait être inférée àpartir du rattachement hiérarchique et de l’é-ventail de subordination, c’est-à-dire lenombre de salariés qui dépendent plus oumoins directement du logisticien recruté, ledegré réel d’implication dans la conception etla mise en acte des manœuvres stratégiques nepeut être abordé. Malgré ces limites liées aumatériau empirique, les résultats obtenus, àpartir de la méthodologie développée ci-des-sous, ont été validés auprès de DRH, deconseils en recrutement et de directeurs logis-tiques.

La collecte des données

Durant la période de l’étude, la part desannonces portant sur les métiers de la fonctionlogistique (dans son ensemble) est apparue encroissance régulière au sein des journaux /revues qui publient des pages emplois hebdo-madaires confirmant ainsi le fait que la logis-tique soit le deuxième secteur créateurd’emploi (Rapport sur les métiers en 2015,disponible sur www.travail.gouv.fr). La dimi-nution du nombre d’annonces (tableau 2) tra-duit donc seulement la baisse de la partrelative représentée par les directeurs et res-ponsables logistiques. Pendant longtemps, lesoffres d’emploi en logistique étaient en effettrès peu nombreuses dans ces publications, etil fallait les chercher essentiellement dans lapresse spécialisée. Dans le cas de cetterecherche, les supports sélectionnés sont doncde trois types : les grands quotidiens françaisqui publient des offres d’emploi une fois parsemaine (Les Echos, Le Figaro, Le Monde),des hebdomadaires d’actualités généralistes(L’Express, Le Point) et la presse profession-nelle spécialisée (Logistiques Magazine –avec sa lettre d’information supplémentaire -,Stratégie Logistique, L’Usine Nouvelle). Lesoffres d’emploi ont été collectées sur onzeannées (1996 à 2005) et réparties en deux

périodes distinctes (1995-2000 et2001-2005), ce qui permet à la fois d’avoirune base de données plus importante surchaque période et de détecter des évolutionsentre les périodes. L’émergence des postes desupply chain manager (en charge des relationsavec les fournisseurs, les clients et des activi-tés de transformation et de logistique selon ladéfinition de Colin - 2002) rend d’ailleurscette période critique avec la question du(re)positionnement d’un certain nombre dedirecteurs logistiques. Une fois collectées, cesoffres d’emploi ont été épurées afin d’élimi-ner tout d’abord les nombreuses répétitions(multi parutions dans un même support oudans plusieurs supports simultanément) et,ensuite, de ne garder que les offres dont lesintitulés correspondaient expressément à laproblématique de cette recherche (« Directeurlogistique » et « Responsable logistique »). Letableau 2 indique le nombre d’annonces fina-lement collectées.

L’analyse qualitative

Les offres d’emploi sont traditionnellementstructurées autour de trois grandes rubriques :l’entreprise, la fonction proposée et le profilrecherché. Avant de présenter le contenu deces rubriques (tableau 3), il est intéressantd’en étudier la répartition qui, comme nous leverrons dans la quatrième partie, est riche desens pour la fonction logistique. En effet, lapart relative de ces rubriques au sein des offresd’emploi permet d’identifier quatre modèlesqui constituent une indication sur le style demanagement et la culture de l’entreprise(Roger, 2002). Le premier modèle accordeune place prépondérante à l’image de l’entre-prise et peut traduire soit la volonté d’uneidentification culturelle à celle-ci soit la valo-risation des résultats et l’octroi d’une margede liberté importante pour le responsable.Dans le deuxième modèle, c’est la fonctionqui est mise en avant, traduisant une approchetechnocratique d’un poste cadré dans uneorganisation formalisée. Le corollaire estdonc, pour le candidat, sa capacité à maîtriserchacune des activités mentionnées. Le profildu candidat est au centre du troisième modèle.Il s’agit de faire confiance à l’homme pouradapter sa fonction et évoluer avec elle, ce quigarantie à l’organisation une certaine sou-plesse. Enfin, le dernier modèle est équilibré

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Tableau 2 : Nombre d’annonces collectées

Postes 1995-2000 2001-2005 TotalDirecteur logistique 30 21 51

Responsable logistique 119 79 198

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et correspond très souvent aux offres rédigéespar des cabinets de recrutement.

Au niveau des caractéristiques de l’entreprise,outre la taille, nous nous sommes intéressés ausecteur d’activité et au fait qu’il s’agissait ounon d’une création de poste. Les différencesde maturité logistique entre les secteurs d’ac-tivités (Colin, 2002) et les besoins sectorielsspécifiques (Lasserre, 2007), tout comme lefait qu’il s’agisse ou non d’une création deposte, peuvent potentiellement expliquer laplus ou moins grande formalisation des posteset le spectre des activités gérées. En ce quiconcerne la fonction, elle est généralementdécrite par quatre critères. Le rattachementhiérarchique permet de mesurer la reconnais-sance stratégique de la logistique au sein del’entreprise, et la localisation du poste (siège,site logistique…) apporte un éclairage inté-ressant en la matière. L’éventail de subordina-tion renseigne à la fois sur la taille de lafonction mais aussi sur l’ancrage du logisti-cien dans l’opérationnel. Les activités géréesillustrent la réalité de la fonction au sein del’organisation, de la gestion des sous-systè-mes logistiques traditionnels (approvisionne-ment, production, entreposage et distribution,transport) aux activités moins traditionnelles(achats, prévision des ventes, budgets, systè-mes d’information…). Enfin, le profil recher-ché est cerné au travers des caractéristiquespersonnelles et des compétences profession-nelles, ce qui permet de faire des comparai-sons avec les études présentées page 20.

L’analyse quantitative

L’objectif de cette analyse quantitative est depermettre l’établissement du profil moyen desdirecteurs et des responsables logistiques afinde faire apparaître les différences significati-ves entre les deux métiers, et leurs évolutionsentre les deux périodes étudiées. Les variables

sont pour l’essentiel binaires, c’est-à-dire quenous avons mesuré l’occurrence des activitésdans la description de la fonction, et celle descompétences professionnelles dans le profil.Au niveau de ces compétences, la diversitédes termes employés dans les annonces anécessité une démarche de codage (avec vali-dation externe) afin de les regrouper de façonpertinente. Le tableau 4 indique la liste destermes pour chacune des compétences. Uneanalyse de variance a ensuite été réalisée afinde distinguer les directeurs des responsablesdans un premier temps, puis de percevoir lesévolutions intra groupe dans les deux pério-des. Un test de Khi-deux a permis de tester lasignificativité de ces différences. Seuls lesrésultats significatifs seront donc commentés.

Résultats

Comme nous l’avons indiqué, la structure desoffres d’emploi est révélatrice du style demanagement et de la culture de l’entreprise.L’observation des offres d’emploi publiéesatteste que les plus nombreuses sont lesannonces équilibrées (environ 55 % pour lesresponsables et 40 % pour les directeurs) quisont très souvent l’apanage des cabinets derecrutement suivant une grille quasi systéma-tique. En revanche, il est particulièrementintéressant d’observer que la catégorie quisuit (27 % et 23 % respectivement pour lesresponsables et les directeurs) est constituéed’offres d’emploi qui contiennent essentielle-ment un descriptif de la fonction et du profilrecherché dans une perspective, qualifiée parBateson et l’école de Palo Alto, de paradoxecommunicationnel. En effet, ces entreprisesmettent en avant les qualités de créativité,d’innovation des candidats tout en affichantl’importance du respect des règles, des procé-dures, de la discipline…, ce qu’une annoncerésumait fort bien avec l’idée suivante :

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Tableau 3 : Liste des indicateurs et variables étudiés

Rubriques Contenu

Entreprise Secteur d’activité, taille (CA et effectif)

Fonction Rattachement hiérarchique, localisation du poste

Eventail de subordination

Activités (approvisionnement, planning-ordonnancement-fabrication, achats,entreposage – distribution, prévisions des ventes, qualité-budgets-organisation,transports, systèmes d’information)

Profil Caractéristiques personnelles (âge, formation, expérience, poste précédent)

Compétences professionnelles (management, organisation, créativité, dynamisme) etconnaissances en langues, informatique

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« Insuffler des idées novatrices, être curieux etprudent ». Le rôle des logisticiens dans lastructuration de la fonction logistique appa-raît comme connu et souhaité par les recru-teurs, mais il est en même temps craint par cesmême recruteurs en termes d’autonomie (etdonc de pouvoir) accordée.

Les entreprises qui recrutent (tableau 5)

La littérature académique et la presse profes-sionnelle donnent souvent la sensation que lafonction logistique est désormais bienimplantée au sein des entreprises françaises.L’étude des offres d’emploi montre, au con-traire, qu’il y a encore de nombreuses créa-tions de poste de logisticien (entre 15 et 20 %des offres). L’industrie et la distribution figu-rent ainsi parmi les principaux secteurs d’acti-vités qui recrutent, avec un certain tassementpour les industriels qui ont beaucoup recrutéjusqu’à la fin des années 1990 et, au contraire,un retour des distributeurs aussi bien dans lespostes de directeurs que de responsables dontla définition est particulière comme nous leverrons dans le paragraphe suivant. Les sec-

teurs du textile (biens de consommation), dela santé ou de l’agroalimentaire et de l’auto-mobile sont également à la recherche de logis-ticiens mais dans une moindre mesure. Entermes d’effectifs, les postes de logisticien(particulièrement les directeurs) se trouventsurtout dans les grandes entreprises, mêmes’il est remarquable de constater une progres-sion sensible des offres dans les moyennesentreprises sur la période 2001-2005. La fonc-tion logistique semble donc relativement pré-sente au sein des grandes entreprises mais esten plein développement dans les moyennesentreprises. La très faible part des petitesentreprises s’explique à la fois par des recrute-ments très faibles (peu ou pas de fonctionlogistique) mais aussi par le coût de parutiondes annonces dans la presse nationale.

La description des fonctions (tableau 6)

Avant de présenter les activités respective-ment gérées par les directeurs et les responsa-bles logistiques, nous détaillons les résultatsliés à la localisation des postes et au rattache-ment hiérarchique symptomatiques d’une

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Tableau 4 : Analyse de contenu des compétences professionnelles

Compétencesprofessionnelles Liste des termes

ManagementAnimer, dialoguer, écouter, motiver, relationnel, fédérateur, souplesse,commandement, autorité naturelle, négociateur, charisme, leadership, personnalitéaffirmée, sang froid, force de caractère, fort tempérament

OrganisationMise en place et respect des procédures, méthodique, rigueur, homme de réflexion etde bon sens, pragmatique, recherche des niches de marge, optimisation, maîtrise desprocess, gestion pointue du personnel

CréativitéVisionnaire, esprit d’initiatives, force de proposition, créatif, nouveaux process,anticipation des besoins de l’entreprise, innovation, imagination, projet, autonomie,proactif, liberté d’action et d’expression, discipliné, intègre et discret

DynamismeHomme d’action, homme de terrain, homme de challenge, réactivité, adaptabilité,forte motivation, équipier impliqué, flexible, disponibilité, esprit d’équipe, goût pourl’opérationnel

Tableau 5 : Caractéristiques des entreprises

RubriquesDirecteur logistique Responsable logistique

1995-2000 2001-2005 1995-2000 2001-2005

Créationde poste

16 % 14 % 20 % 15 %

SecteursIndustrie 40 %Consommation 13 %Santé 13 %

Distribution 27 %Industrie 19 %

Industrie 30 %Agroalimentaire 22 %Distribution 20 %

Distribution 26 %Agroalimentaire 16 %Automobile 15 %

Effectifs500 ≤50 à 499

84 %16 %

62 %38 %

54 %37 %

57 %38 %

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reconnaissance stratégique de la logistique.En la matière, les résultats permettent claire-ment de dissocier les directeurs des responsa-bles. Les premiers sont en effet désormaisclairement localisés au siège social (passagede 43 % à 82 % en 2001-2005) alors que lesseconds se trouvent davantage dans les siteslogistiques (37 %) ou industriels (30 %). Cettesituation géographique des postes se retrouvedans le rattachement hiérarchique puisque82 % des directeurs sont directement rattachésà la Direction Générale alors que ce n’est lecas que de 14 % des responsables logistiques.Deux éléments sont également remarquables.Tout d’abord, la quasi disparition des direc-tions industrielles dans les offres d’emploi etl’émergence d’un rattachement à une fonctionsupply chain qui semble effectivement sestructurer. L’évolution des activités géréespermettra de renforcer cette observation.Ensuite, le rattachement des directeurs à ladirection des achats atteste d’un processuscroissant d’externalisation de la logistique etde la maîtrise des acheteurs en la matière.Notons enfin la forte montée en puissance desresponsables logistiques rattachés aux direc-teurs des sites logistiques dans le secteur de ladistribution. Les responsables sont, dans cecas, en charge de l’exploitation des sites dansune démarche d’intégration du processus deréception-gestion des volumes-préparation decommandes-expédition des marchandises.

En termes d’activités gérées, les directeurslogistiques connaissent un recentrage surleurs compétences traditionnelles (approvi-sionnement, entreposage, distribution) qu’ilssupervisent plus qu’ils ne gèrent en direct, cequi explique la diminution des chiffres en lamatière. L’élément remarquable est la quasidisparition des activités de “planification de laproduction” et de “prévisions des ventes”. Sices activités demeurent essentielles au pilo-tage logistique, elles apparaissent aujourd’huicomme davantage de la compétence des fonc-tions de supply chain. En revanche, le renfor-cement des activités de gestion budgétaire /maîtrise des coûts illustre la volonté d’êtreplus efficient dans le pilotage des activitéslogistiques et donc de renforcer le contrôle degestion. Un contrôle de gestion centré sur lesactivités (démarche ABC / ABM) qui respon-sabilise davantage les directeurs. L’analyseest différente pour les responsables logisti-ques. Ils apparaissent comme très ancrés dansla conduite opérationnelle du processus logis-tique (approvisionnement, entreposage, dis-tribution, transports) avec des scores trèsélevés sur l’entreposage et la distributioncompte tenu de spécificités sectorielles déjàévoquées en ce qui concerne la place de cesresponsables dans les entreprises de distribu-tion (rattachement hiérarchique au respon-sable de site logistique). Le score sur l’activitéde “planification de la production” doit être

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Tableau 6 : Caractéristiques des postes à pourvoir

RubriquesDirecteur logistique Responsable logistique

1995-2000 2001-2005 1995-2000 2001-2005

LocalisationSiège socialSiège logistiqueSite industriel

43%36%21%

82%6%6%

32%32%34%

23%37%30%

Rattachement hiérarchiqueDirection GénéraleDirection industrielleDirection logistiqueDirection d’usineDirection de site logistique

70%18%

82%6%

Achats : 6 %SCM : 6 %

34%10%15%14%

Dir. Comm. : 6%

14%-

17%11%

20 % (distribution)

Nb. moyen de subordonnés 50 72 29 43

ActivitésAchatsApprovisionnementPlanification productionEntreposageDistributionPrévisions ventesTransportsBudgets / coûtsSystème d’information

13%46%43%96%91%20%26%46%13%

15%46%4%73%68%4%38%65%11%

9%39%9%88%83%1%67%30%11%

3%44%24%86%81%7%76%73%9%

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interprété de la même façon, c’est-à-dire qu’ilest l’apanage de responsables logistiques rat-tachés à un directeur d’usine et qui gèrentdonc essentiellement les flux relatifs au site deproduction. En revanche, le même constat estétabli en ce qui concerne l’importance crois-sante du contrôle de gestion.

La description des fonctions fait apparaîtreune scission croissante entre les deux postesmême si certaines pratiques sectorielles atté-nuent cette différence (outre le secteur de ladistribution, l’agroalimentaire – caractérisépar une proportion importante de PME -recrute surtout des responsables logistiquesdont les caractéristiques sont parfois prochesde celles des directeurs). Les directeurs sontde plus en plus des tops managers rattachés àla Direction Générale alors que les responsa-bles illustrent tout à fait la montée en puis-sance de middle managers aux compétencesopérationnelles accrues mais considérés éga-lement comme de véritables “patrons” deleurs activités. L’étude des profils doit per-mettre de confirmer cette évolution.

Profils comparés des directeurset responsables logistiques (tableau 7)

Les profils des directeurs et responsables sontrelativement proches et connaissent globale-ment les mêmes évolutions avec, cependant,des caractéristiques plus exacerbées chez lesdirecteurs (plus agés, formés, expérimentés).Le premier constat est relatif au nombreimportant d’absence de renseignements

concernant l’âge et, dans une moindremesure, la formation au sein des offres d’em-ploi. Une annonce résume parfaitement l’es-prit de ce recrutement : « plus que laformation, c’est l’expérience et la personna-lité qui priment, à ce titre les profils autodidac-tes seront étudiés au cas par cas ». Néanmoins,au-delà de cette personnalité et dans la lignéede l’évolution des fonctions (top et middlemanagers), plusieurs évolutions sont remar-quables. Le profil type du directeur corres-pond aux caractéristiques suivantes : un peumoins de 40 ans, de formation supérieure(type Master aujourd’hui) et une expériencecomprise entre 5 et 10 ans. L’évolution résidedans un certain rajeunissement des directeursrecrutés, symptomatique de l’évolution duposte (« ancré dans l’opérationnel mais straté-gique ») et des compétences recherchées(« compréhension globale des enjeux stratégi-ques de la logistique », « maîtrise des nouvel-les technologies ») avec comme corollairel’adaptation des seniors (Murphy et Poist,1998). En ce qui concerne les responsableslogistiques, le profil type est le suivant : entre30 et 35 ans, de formation supérieure (typeLicence aujourd’hui) avec suffisammentd’expérience pour être un « patron » de sonactivité et encadrer des équipes importantes(cf. tableau 6). L’évolution est donc dans larecherche de profils légèrement plus âgésavec au moins 5 ans d’expérience et une for-mation plus opérationnelle (diminution desbac +5 au profit des bac +2/3).

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Tableau 7 : Les profils recherchés

RubriquesDirecteur logistique Responsable logistique

1995-2000 2001-2005 1995-2000 2001-2005

AgeMoins de 30 ans30 - 40 ans40 - 50 ans

-30 %23 %

-30 %

-

-30 %23 %

4 %37%

-

FormationBac +2/+3Bac +5

13 %60 %

7 %60 %

25 %55 %

30 %45 %

ExpérienceMoins de 5 ans5 - 10 ansPlus de 10 ans

13 %53 %26 %

-81 %19 %

26 %57 %10 %

20 %66 %6 %

CompétencesManagementOrganisationCréativitéDynamisme

63 %66 %16 %13 %

77 %61 %11 %19 %

56 %61 %13 %14 %

78 %66 %30 %25 %

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Au niveau des compétences, si le profil tradi-tionnellement recherché (« organisation »,« management » et « dynamisme » aveccomme corollaires « importante disponibi-lité » et « résistance au stress ») tend à se ren-forcer, l’évolution en termes de « créativité »est différente. Les compétences liées à la« créativité » sont moins recherchées pour lesdirecteurs et, au contraire, mises en avant pourles responsables. Pour les premiers, cette évo-lution peut soit traduire la volonté de stabilisa-tion provisoire du périmètre et del’organisation de la fonction ou le fait que cesoit désormais la fonction supply chain quisoit en charge des réflexions organisationnel-les. A ce stade de développement de cettefonction supply chain, nous pensons surtout àla volonté de rendre plus efficiente la fonctionlogistique telle qu’elle est aujourd’hui struc-turée. Pour les responsables, cette évolutionconfirme le rôle désormais dévolu de middlemanagers en charge de l’optimisation localedes activités avec une plus grande autonomiesur les schémas d’exploitation choisis.

Conclusion

L’objectif de cette recherche était d’améliorerla connaissance des logisticiens et d’initierune démarche de prospective des métiers de lalogistique. Les résultats obtenus, à partir del’étude des offres d’emploi en France sur unepériode de onze années, permettent de consta-ter des évolutions sensibles et de distinguer lesdirecteurs (rôle stratégique accru au sein de laDirection Générale) des responsables (véri-table middle managers désormais). Ils per-mettent également de percevoir une évolutiondes mentalités des logisticiens qui tendentdavantage à piloter des processus (stratégi-ques ou opérationnels selon le poste) et ainsi àdéléguer davantage. Le modèle traditionneld’un logisticien sans cesse disponible pourgérer les inévitables aléas tend donc à s’es-tomper progressivement ce qui doit entraînerdes politiques de GRH différentes non seule-ment en termes de recrutement (cf. les offresd’emploi étudiées), mais aussi en termes degestion des carrières. De la même façon, uneréflexion doit être conduite sur la formationde ces logisticiens, et cela d’autant plus quel’on assiste à une augmentation très consé-quente du nombre de diplôme ces dernièresannées (plus de 345 formations post-Bac enFrance ; pour une présentation des diplômes,voir Camman et al., 2007). Si les compéten-ces traditionnelles des logisticiens demeurent,il convient de développer une vision transver-sale de l’organisation et donc une culture plus

importante qu’avant dans les sciences de ges-tion. Pour autant, ces résultats ne constituentcependant qu’une première étape dans l’ana-lyse et il convient de développer plusieurs pis-tes de recherches. Tout d’abord, il seraitintéressant d’établir une typologie de ceslogisticiens et de la comparer avec les autresrecherches conduites au niveau international.Ensuite, une comparaison avec les posteseffectivement occupés dans les entreprisespermettrait d’étudier l’appropriation de cespostes par les individus en place.

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Sophie CLAYE-PUAUXMaître de Conférences, Université Aix Marseille 2, [email protected]

Les zones logistiques sont porteuses d’une difficulté fondamentale sur le plan de lagestion sociale des établissements qui y sont implantés : elles génèrent en effet unbesoin quantitativement important en opérateurs logistiques, alors que ce métier,perçu pénible et peu valorisant, est peu attractif. La concurrence sur le marché del’emploi d’opérateurs que se livrent dès lors les établissements logistiques concen-trés sur ces zones les conduit-elle à une adaptation de leurs pratiques de GRH ?L’étude du cas de la zone Clésud à Grans-Miramas révèle que ces adaptations sontlimitées, et que les établissements logistiques subissent plus une situation socialedifficile qu’ils ne lui trouvent de réponse. Les pratiques de GRH des établissementslogistiques paraissent finalement contraintes à la fois par l’environnement socialdans lequel ils se trouvent, mais aussi par leur démarche logistique, ce qui nousamène à proposer une typologie des pratiques de GRH des établissements logisti-ques structurée autour de deux axes : la pression de l’environnement social et latension des flux physiques.

Introduction

L’activité logistique en France connaît unetendance durable à la polarisation dans lesaires métropolitaines. Des zones logistiquesont émergé au sein de ces aires métropolitai-nes pour y accueillir dans des conditions d’é-quipement voulues optimales les opérateursde la logistique, qu’il s’agisse d’industriels oude distributeurs effectuant les opérationslogistiques pour leur compte propre, ou deprestataires logistiques. On assiste ainsi auregroupement, sur des zones circonscrites àquelques centaines d’hectares, d’établisse-ments logistiques dont les besoins en res-source humaine concernent essentiellementdes emplois d’opérateurs logistiques. Besoinsen RH a priori similaires, concentration sur unmême bassin d’emploi : la problématique de

la gestion sociale des établissements implan-tés dans les zones logistiques se pose de façonassez évidente. Elle peut s’exprimer en termesde concurrence entre établissements pour cap-ter et conserver la main d’œuvre nécessairedans les entrepôts. Cette concurrence est-ellesimplement subie ? Conduit-elle au contraireà des stratégies d’adaptation des pratiques degestion des ressources humaines au sein desétablissements logistiques ? Autrement dit,la concentration des établissements logisti-ques au sein de zones logistiquesimpacte-elle leurs pratiques de gestion desressources humaines (PGRH) ?

Ce questionnement nous semble revêtir unréel intérêt pour les gestionnaires d’établisse-ments dans les zones logistiques, confrontés àdes difficultés croissantes en matière de recru-

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La gestion des ressources humaines souscontraintes dans les zones logistiques

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tement et de fidélisation de leurs opérateurs –en attestent les nombreux témoignages en cesens des responsables de sites logistiques dansles salons ou revues professionnelles. L’enjeuici est de savoir si et dans quelle mesure lesgestionnaires développent des stratégies leurpermettant de surmonter ces difficultés, afinde leur permettre de réfléchir sur leurs prati-ques. D’un point de vue académique, ce ques-tionnement est en outre novateur, puisqu’iln’existe à notre connaissance aucunerecherche portant sur les implications socialesdes zones logistiques. Le lien entre pratiquessociales et concentration géographique estcependant régulièrement abordé par desrecherches portant sur les districts, clusters ousites industriels, mais ces recherches prennentrarement un point de vue gestionnaire. Quiplus est, la zone logistique est à notre sens uneagglomération d’entreprises singulière,notamment de par la faible variété d’activitéset de métiers qui s’y réalisent, et qui mérite àce titre un éclairage spécifique. D’autre part,des recherches en logistique se sont penchéessur les PGRH dans les établissements logisti-ques (Murphy et Poist, 1993 ; Min, 2007),mais elles négligent le contexte environnantles établissements alors que nous souhaitonsprécisément le placer au cœur de l’analyse.

Afin de répondre à notre question derecherche, nous avons réalisé une étude de cassur la zone logistique Clésud, implantée surles communes de Grans et Miramas dans lesBouches-du-Rhône. Avant d’en présenter laméthodologie, les enseignements et perspec-tives, nous reviendrons tout d’abord sur lephénomène d’émergence des zones logisti-ques et nous spécifierons l’activité logistiquequi s’y déploie et l’emploi associé.

L’émergence des zones logistiquesen France

L’étude des territoires nationaux des paysdéveloppés, celui de la France par exemple,conduit généralement à constater un phéno-mène de métropolisation des territoires, sousl’effet cumulé (Savy et Veltz, 1993) :

• du passage de l’économie de masse à l’éco-nomie de variété et de services, nécessitantde multiples intermédiations et différencia-tions ;

• du passage d’une innovation résultantde processus linéaires, sectoriels et princi-palement intra-organisationnels, à uneinnovation multisectorielle et inter-organi-sationnelle ;

• de l’émergence d’un paradigme d’organi-sation dépassant le modèle de la firme tra-ditionnelle, où la valeur ajoutée est réaliséedans le cadre d’un processus d’affairesmettant en relation de grandes et petites en-treprises, des professionnels indépendants,des réseaux d’activités très variés ;

• d’une incertitude croissante appelant plusde souplesse et de réversibilité (par opposi-tion à la rigidité taylorienne), impliquantl’accessibilité à des ressources et compé-tences spécialisées et souvent incompatibleavec l’engagement social lié aux implanta-tions dans de petites ou moyennes agglo-mérations.

Sous l’effet de ces quatre facteurs concomi-tants, les métropoles se sont développées, nonplus comme « centres de commandementd’arrière-pays, mais comme foyers de crois-sance autonomes, reliés en réseau avec d’au-tres grands pôles urbains. » (Savy et Veltz,1993, p.184)

L’activité logistique s’est elle-même logique-ment développée dans ces aires métropolitai-nes. A cela nous voyons deux raisonsmajeures. D’une part, comme le souligneSavy (2006), l’activité logistique n’est pasdélocalisable : la logistique liée à des activitésde production et de consommation locales estnécessairement produite localement. D’autrepart les métropoles constituent des nœudsd’échange, des hubs, au croisement des corri-dors de circulation entre les territoires régio-naux et nationaux, voire continentaux ; ellessont ainsi favorisées dans leur développementlogistique parce qu’elle constituent un leviercentral de la maîtrise du facteur temps par lesentreprises. (Veltz, 1993 ; Dornier et Fender,2001) Ainsi, si l’on fait référence à la notionde proximité dont Houé (2006) propose unesynthèse, on dira que l’activité logistiquelocalisée dans une aire métropolitaine est à lafois garante d’une proximité spatiale avec lesmarchés de production et de consommationlocaux, et garante d’une proximité circula-toire avec les marchés éloignés.

Au-delà de ce développement naturel de lalogistique autour des métropoles, on constatel’impact des acteurs politiques, collectivitésterritoriales notamment, dans l’organisationspatiale de la logistique. L’activité logistiqueest en effet une activité labour intensivepérenne, peu sensible aux délocalisations et àla concurrence internationale à large échelle :elle revêt donc un enjeu territorial important,d’autant que la logistique est un facteur d’im-plantation industrielle ou commerciale (si les

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activités de transport et de logistique accom-pagnent, en termes de localisation, les activi-tés industrielles et agricoles, la réciproque sevérifie aussi : l’offre de services logistiquesagit comme facteur d’attraction d’un terri-toire). (Dornier et Fender 2001 ; Savy, 2006)C’est depuis les années 1980 que les collecti-vités territoriales ont pris pleinement cons-cience du rôle joué par la logistique dans ledéveloppement économique local (Paché etSauvage, 2000). Celles-ci ont dès lors cherchéà développer l’activité logistique, pilotantpour cela sur leur territoire la création dezones logistiques, c’est-à-dire de zones indus-trielles spécialisées dans l’activité logistique.L’excès d’enthousiasme politique autour dudéveloppement de ces zones logistiques ad’ailleurs parfois conduit à en créer trop, ou àles créer maladroitement en termes deconception et d’implantation géographique.(Savy, 2006) Ces créations ont visé tantôt unrenforcement ou une meilleure répartition del’activité logistique déjà développée sur uneaire métropolitaine ou une grande aggloméra-tion, tantôt la stimulation et l’attractivité d’unterritoire de plus faible intensité économique.

Ainsi la France abrite aujourd’hui de nom-breuses zones logistiques, qui ont pour unepart émergé de fait dans le phénomène depolarisation de l’activité logistique et qui ontpour une autre part été développées délibéré-ment par des aménageurs qui les ont alorsdénommées plates-formes ou parcs. On peutplus précisément identifier différents niveaux« d’espaces » logistiques emboîtés (Savy,2006), du plus gros contenant (l’aire logis-tique) au plus petit contenu (l’établissementlogistique). Si l’aire logistique est au moinsune aire métropolitaine, elle peut s’étendreau-delà à l’échelle d’une ou de plusieursrégions ; c’est le cas par exemple en France ducouloir du Rhône. Les aires logistiquescontiennent des pôles logistiques, cette der-nière notion désignant le regroupement dediverses zones logistiques dans un périmètrelocal. Les établissements logistiques présentsdans les zones logistiques sont des entrepôtsou des plates-formes1, gérés en propre par desindustriels ou des distributeurs ou confiés àdes prestataires logistiques.

En toute logique suite au constat de polarisa-tion de l’activité logistique qui vient d’êtredressé, il apparaît que les emplois logistiquessont très concentrés. Ainsi, d’après les chif-fres 2006 du SESP, 13 zones géographiquesen France regroupent 40% de l’emploi logis-tique. Certains départements, plus fortementspécialisés dans l’activité logistique, connais-

sent une proportion d’emplois logistiquesdans l’emploi total deux fois plus importanteque la proportion nationale ; c’est le casnotamment des Bouches-du-Rhône où l’étudede cas est conduite. Précisons à présent lanature de l’activité logistique et des emploisassociés.

Spécificité de l’activité et del’emploi dans les zones logistiquesSi l’on se réfère à la définition proposée parl’ASLOG, « la logistique est l’ensemble desactivités ayant pour but la mise en place aumoindre coût d’une quantité de produits àl’endroit et au moment où la demande existe.Elle concerne toutes les opérations détermi-nant le mouvement des produits telles que lalocalisation des usines, des entrepôts, l’ap-provisionnement, la gestion physique desen-cours de fabrication, l’emballage, le stoc-kage, la gestion des stocks, la manutention etla préparation des commandes, le transport etles tournées de livraison. » Si la logistiquerevêt aujourd’hui pour la majorité des entre-prises une dimension stratégique, son ancrageopérationnel, illustré par cette définition,demeure très prégnant.

Aussi l’emploi logistique tous secteurs d’acti-vité confondus concerne principalementl’emploi d’opérateurs logistiques : de fait enEurope, 80% des emplois logistiques sont desemplois d’opérateurs logistiques. (Novalog,2004) La proportion est encore plus impor-tante dans les établissements logistiques, quiconnaissent des taux d’encadrement très fai-bles. Qui plus est, le registre des opérationslogistiques recèle une très faible variété demétiers, comme l’illustre la figure 1.

Agent de manipulation et de déplacement descharges, agent de stockage et de répartitiondes marchandises, conducteur d’engins delevage ou de traction : ces libellés du Réper-

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Figure 1 : Les activités et métiers de la logistique opérationnelle ausein des établissements logistiques (d’après Prévot et Sirjean, 2003)

1 - Nous éviterons l’emploi duterme plate-forme dans cetarticle, afin de prévenir touteconfusion entre la désignationd’un établissement logistique oud’une zone logistique formelle

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toire Opérationnel des Métiers et desEmplois se traduisent dans les établisse-ments logistiques par quelques dénomina-tions courantes : réceptionnaire,manutentionnaire, préparateur de comman-des, cariste. Autant d’emplois dont lesniveaux moyens de qualification et de rému-nération sont faibles et qui, hormis en ce quiconcerne les caristes, sont peu différenciés.Ainsi selon une enquête réalisé en 2006 parl’AFT-IFTIM, le profil de qualification desopérateurs logistiques reposait en 2005pour 75,3% d’entre eux uniquement sur uneexpérience de terrain ; 8,2% d’entre euxn’avaient aucune qualification, 7,6% béné-ficiaient d’une formation professionnelle enlogistique et 4,7% d’une formation généraleautre que logistique. L’activité logistiqueest en outre très utilisatrice de maind’œuvre ; il s’agit, sauf dans le cas d’établis-sements très automatisés, d’une activitéconsidérée comme labour intensive (Savy,2006).

Responsables d’un ensemble d’activitéspeu variées et peu qualifiées, les établisse-ments logistiques sont néanmoins garantsde la performance opérationnelle des chaî-nes logistiques dans lesquels ils intervien-nent, que l’on peut définir en termes decontinuité et de fluidité des flux (Colin etPaché 1988). Leurs donneurs d’ordres ontd’ailleurs un niveau élevé d’exigence enmatière de qualité de service, de délai et decoût. Ainsi, l’exigence de flexibilité et deréactivité opérationnelles conduit les éta-blissements logistiques à un recours massifà l’emploi intérimaire. Quelques chiffres duSESP 2006 illustrent ce constat : les presta-taires logistiques emploient en effet enFrance 134 000 salariés dans les métiersspécifiques de la logistique, dont 40 000intérimaires, ce qui situe la moyenne à envi-ron 30% d’intérimaires (ainsi la logistiquereprésente 14% des emplois de l’intérim,alors même qu’elle ne représente que 4,2%de l’économie marchande). Par ailleurs, lapression logistique au respect des délais etau dépassement des aléas génère un stressqui affecte le climat social et détériore laperception des conditions de travail dans lesentrepôts. (Camman et Livolsi, 2004) Aurythme de travail très contraint s’adjoignentsouvent des horaires de travail décalés quipermettent de respecter les contraintes delivraison. On relève qui plus est une fortedivision du travail liée à une volontémarquée de contrôle du travail des opéra-teurs. Enfin, si les salaires des opérateurs

logistiques sont peu attrayants, fixés sur leminimum conventionnel, ils sont de plus enplus souvent compensés par une partievariable prenant la forme de primes de pro-ductivité pouvant représenter jusqu’à 25%du salaire fixe.

Se dessinent ainsi au sein des établisse-ments logistiques des termes de l’emploi,des conditions de travail, une organisationdu travail et du temps de travail marqués parles objectifs de rapidité et de flexibilité etpar « l’incessance des marchés » qui fontfigure, pour Ciscel et Smith (2005) de nou-veau modèle, dominant de manière diffusele système de production capitaliste. Cemodèle n’est pas sans créer de problèmeschez les prestataires logistiques, qui fontface à d’importants taux d’absentéisme etde turnover (Camman et Livolsi, 2004).

Finalement, la principale singularité socialedes établissements logistiques réside dansla contradiction entre un besoin en opéra-teurs quantitativement élevé mais consti-tuant une offre d’emplois faiblementattractifs, eu égard à la pénibilité du travailet aux niveaux de rémunération moyensproposés. Cette contradiction trouve sonparoxysme dans les zones logistiques oùune multitude d’établissements manifestesimultanément ces mêmes besoins, ce quinous invite à nous interroger sur les difficul-tés vécues par les gestionnaires de ces éta-blissements pour obtenir une adéquationentre main d’œuvre requise et main d’œuvredisponible, et sur les réponses en termes dePGRH qu’ils développent.

Camman et Livolsi (2004) proposent en lamatière des pistes de réflexion : constatant dessituations de relative pénurie de main d’œuvredans les grands pôles logistiques (régionlyonnaise, lilloise), ils évoquent notammentdes stratégies de « braconnage » des intéri-maires développées par les responsables desite. Ils relatent également des tentatives pourtransformer des contrats précaires en contrat àdurée déterminée et ainsi stabiliser une plusgrande part de la main d’œuvre, mais ces ten-tatives constituent souvent des échecs, parceque les propositions salariales faites aux inté-rimaires sont en dessous des gains habituelle-ment perçus par ceux-ci, comprenant uneprime de précarité. L’étude du cas de la zoneClésud à Grans-Miramas permettra de creuserces éléments. Mais présentons tout d’abord lecas étudié.

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Le cas de la zone Clésud àGrans-Miramas : méthodologie etprésentation de la zone logistique

La méthode d’étude de cas déployée

L’étude du cas de la zone logistique Clésudrepose sur l’exploitation de deux sourcesprincipales d’information : la documentationet l’entretien avec les acteurs de la zone. Larecherche documentaire nous a permis derecueillir divers éléments descriptifs de lazone et de la population de travailleurs qu’elleabrite ; notamment, la Direction Régionale del’Equipement PACA réalise actuellement,avec le concours opérationnel du Centred’Etudes Techniques de l’Equipement Médi-terranée, une étude sur l’impact environne-mental de la zone de Clésud qui comprend unimportant volet sur l’emploi. Nous avons éga-lement collecté les différents documents d’in-formation publiés sur la zone Clésud, par laChambre de Commerce et d’Industrie Mar-seille-Provence ou par le Syndicatd’Agglomération Nouvelle Ouest Provencenotamment.

Parallèlement, une série d’entretienssemi-directifs a été menée au cours des moisd’avril et mai 2007 avec les acteurs de la zone :acteurs de la sphère territoriale (représentantsdes instances d’aménagement et d’animationde la zone dont les missions concernent l’em-ploi) et responsables d’établissements logisti-ques (prestataires et établissements gérés enpropre). Ces entretiens nous ont permis dediscuter notre problématique avec quelquesobservateurs privilégiés de la zone (acteursterritoriaux) mais surtout avec les praticienseux-mêmes, en prise directe avec les ques-tions RH qui nous intéressent. Au total, 11

entretiens semi-directifs ont été menés, dont 5avec des acteurs territoriaux et 6 avec des res-ponsables de sites logistiques. Le guide d’en-tretien des responsables d’établissementscomportait trois phases :

– une phase de présentation du site :date d’implantation sur la zone, mo-tifs d’implantation sur la zone, na-ture des marchandises gérées,caractéristiques de la prestation lo-gistique ;

– une phase de description des prati-ques de gestion des ressources hu-maines (emploi, recrutement,formation, rémunération, organisa-tion du travail et conditions de tra-vail) et de leurs résultats (tauxd’absentéisme, turnover, taux d’inté-rim) ;

– une phase d’interrogation directe surles phénomènes de concurrenceentre établissements sur le marché del’emploi, leurs impacts et les solu-tions mises en place ou envisagées.

Le guide d’entretien des acteurs territoriauxétait centré sur l’impact de la concentrationgéographique des établissements logistiquessur leur situation de gestion sociale, et sur lessolutions mises en place ou envisagées.

Les entretiens n’ont pas été enregistrés maisretranscrits le plus fidèlement possible pen-dant l’échange. Les informations ainsi collec-tées ont été ensuite exploitées par une analysede contenu par thèmes. Plus précisément,nous avons réalisé une analyse de contenugénérale incluant les entretiens avec lesacteurs territoriaux et les entretiens avec lesresponsables d’établissements, puis nousavons effectué une analyse comparative entre

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Tableau 1 : Présentation synthétique des établissements interrogés

Etablissements A B C D E F

Type de client Grande distributiongénéraliste

Grande distributiongénéraliste

Distributionspécialisée

Distributionspécialisée

Distributionspécialisée

Distributionspécialisée

Nature des produitsgérés Alimentation Alimentation dont

produits frais Alimentation Matériel électrique Ameublement Matériel jardinageet divers

Conditions de travail

Exigence deproductivitéélevéeContrôle par agentde maîtrise

TempératuredirigéeExigence deproductivité élevéeContrôle par AM

Exigence deproductivitémoyenneContrôle par agentde maîtrise

Allègement de lacharge de travail(convoyeurs)Auto-contrôle

Exigence deproductivitémoyenne

Exigence deproductivitémoyenne

Rémunération desopérateurs en CDI

2 Fixe et primes Fixe et primes Fixe et primes Fixe > et primes Fixe et primes Fixe > et primes

Taux d’intérim desopérateurs de 30 à 60% de 30 à 60% De 20 à 40% 25% 20% de 0 à 40%

Taux de turnover desopérateurs

3 + + = - - -

2 - Le symbole > indique unniveau de salaire fixe supérieurà la moyenne des salaires àl’embauche déclarés par lesétablissements interrogés.

3 - Les symboles +, = ou –indiquent un taux de turnoversupérieur (+), égal (=) ouinférieur (-) à la moyenne destaux de turnover déclarés parles établissements interrogés.

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les six établissements impliqués dans l’étude.Ce dispositif combiné nous a permis de mettreen évidence les régularités mais aussi d’inter-préter les divergences dans les propos recueil-lis. (Miles et Huberman, 1994). Nousprésentons dans le tableau 1 les caractéristi-ques des établissements logistiques impliquésdans l’étude.

Présentation de la zone Clésud

La zone retenue pour l’étude, Clésud, se situedans la région marseillaise qui est l’une desquatre aires logistiques majeures en France,avec la région parisienne, la région du Nord etla région lyonnaise (Savy, 2006). La régionmarseillaise s’inscrit dans des réseaux de fluxinternationaux, et est assez vaste pour héber-ger plusieurs zones logistiques. La figure 2présente les principales infrastructures etzones logistiques présentes autour de lamétropole marseillaise.

Projet amorcé en 1992, la zone Clésud est enfonctionnement depuis janvier 2001, date àlaquelle fut mis en service le premier établis-sement. La zone s’étend sur un site de 280hectares. Elle accueille une vingtaine d’entre-pôts, essentiellement gérés par des prestatai-res (plus de 85% du trafic de poids lourds estgénéré par les sites des prestataires), pour unesurface hors œuvre nette d’entrepôts de460 000 m². Une deuxième tranche de com-mercialisation portera cette surface à600 000 m². La zone Clésud sert principale-ment de point de desserte du bassin deconsommation que sont les Bou-

ches-du-Rhône et plus largement la régionPACA ; les marchandises ainsi éclatées à par-tir de la zone proviennent de la région mêmemais aussi des bassins de production et desnœuds d’échange que sont le couloir duRhône, la région du Nord et la région pari-sienne. Au total, près de 82% du trafic despoids lourds sur la zone est généré par l’acti-vité de sites dédiés aux flux de la grandedistribution généraliste ou spécialisée.

Le nombre de salariés sur Clésud varie de1200 à 1600 dans l’année. Selon l’enquêteDRE PACA / CETE Méditerranée 2007 baséesur 744 questionnaires administrés auprès dessalariés de Clésud, les salariés sont des hom-mes à 79%, avec une faible ancienneté (plusde 40% des travailleurs sur Clésud ont moinsd’un an d’ancienneté sur la zone). Si cettefaible ancienneté peut s’expliquer en grandepartie par des implantations récentes sur lazone, on constate néanmoins une différenceimportante entre les opérateurs, les profes-sions intermédiaires et les cadres (ainsi seule-ment 25% d’opérateurs, contre 38% deprofessions intermédiaires et 42% de cadrestravaillent sur la zone depuis plus de troisans), ce qui réaffirme la spécificité du pro-blème de la gestion des opérateurs. Les sala-riés de la zone sont des intérimaires dans 34%des cas, ce qui est en phase avec la moyennenationale évoquée plus haut. Le niveau d’étu-des des opérateurs sur Clésud est égalementreprésentatif du faible niveau de qualificationévoqué précédemment pour les emplois logis-tiques : ainsi 31% des opérateurs ont unniveau d’étude primaire, 49% ont un niveaud’étude secondaire et 20% un niveau d’étudesupérieur.

Analyse thématique des donnéescollectées

Nous présentons les enseignements de l’étudede cas en articulant quatre thèmes principaux,qui permettent de dresser un bilan du phéno-mène de concurrence perçu sur le marché del’emploi des opérateurs logistiques (thème 1),des impacts en termes de PGRH pour les opé-rateurs en CDI (contrat à durée indéterminée)et pour les opérateurs intérimaires (thèmes 2et 3), et des solutions futures envisagées pourpallier les difficultés d’attraction et de fidéli-sation des opérateurs ressenties (thème 4).

• Thème 1 – La concurrence sur le marchéde l’emploi d’opérateurs logistiques : unphénomène progressif à dissocier entreCDI et marché de l’intérim

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Figure 2 : Les zones logistiques dans l’aire marseillaise

Source : DRE PACA / CETE Méditerranée

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Au moment de l’implantation sur une zonelogistique neuve, la perspective d’un bassind’emploi « vierge » agit plutôt comme unfacteur d’attraction des établissements,d’autant qu’il existe une profonde implica-tion des acteurs territoriaux à préparer lamain d’œuvre par le biais de formations etd’évaluations des capacités et par l’organi-sation de la mise en relation avec les de-mandeurs d’emploi. Même si elle n’arrivequ’en dixième position, la disponibilité dela main d’œuvre sur le bassin d’emploi fi-gure bien parmi les motifs d’implantationdes prestataires logistiques identifiés par lerapport Becker en 2003. Ainsi sur Clésud,les établissements interrogés estiment queles recrutements au moment de leur instal-lation n’ont pas posé de grande difficulté.Les problèmes se posent lors de la montéeen puissance de la zone. Les gestionnairesdes établissements logistiques perçoiventalors en effet une difficulté croissante à re-cruter des salariés et à les fidéliser. Ilconvient cependant de distinguer les phé-nomènes entre CDI et intérimaires.Ainsi les établissements logistiques inter-rogés bénéficient d’un noyau stable desalariés en CDI. Autour de ce noyau stablegravitent des CDI mais surtout des intéri-maires moins fidèles à l’entreprise ; aussi àchaque création d’un nouvel entrepôt sur lazone, une perturbation dans l’effectif estressentie avec un turnover ponctuel, qui dé-bouche plus ou moins rapidement sur un re-tour à l’équilibre.

• Thème 2 – Des efforts d’adaptation despratiques de GRH pour fidéliser les opé-rateurs en CDILa volonté de constituer un noyau de sala-riés stables et de retrouver rapidementl’équilibre après une phase de turnoverconduit les gestionnaires d’établissementsà une certaine réflexion sur leurs pratiquesde gestion des ressources humaines.Ainsi en matière de rémunération, les éta-blissements ont tendance à segmenter deplus en plus la rémunération globale avecl’octroi de primes de productivité, de quali-té, d’assiduité. Cependant l’impact sur lemontant global de la rémunération n’estpas forcément très significatif à ce jour, eton peut voir dans cette segmentation unmoyen de contrôle plutôt qu’un levier desatisfaction et de fidélisation.La perception de conditions de travailmoins pénibles joue à notre sens plus surl’attractivité des établissements ; les sala-riés se dirigent de manière privilégiée vers

les entrepôts tempérés, où les charges sontmoins lourdes (ou principalement suppor-tées par des convoyeurs) et les déplace-ments à pied limités, où l’outil de travail estrécent et performant, ou encore où les ho-raires de travail sont moins décalés. La ré-flexion sur l’organisation de l’entrepôt, ledegré de mécanisation souhaitable, généra-lement l’amélioration des conditions de tra-vail est donc primordiale pour lesétablissements logistiques. Mais les margesde manœuvre des établissements logisti-ques au regard de ces conditions de travailsont perçues comme faibles par les respon-sables, puisqu’il faut bien traiter le flux lo-gistique confié par les clients : la nature desproduits et les contraintes de livraison dé-terminent une grande part des conditions detravail évoquées.Plus largement enfin, le maintien d’une am-biance de travail agréable peut influencer lafidélité des salariés ; celle-ci peut simple-ment passer par une plus grande conviviali-té et des échanges plus fréquents entreopérateurs et managers de proximité. Ceconstat dressé par les gestionnaires d’éta-blissements interrogés évoque directementles résultats de l’étude récente de Min(2007) qui identifie « l’attention portée auxpersonnes » comme un facteur clé de fidéli-sation des opérateurs dans les entrepôts.

• Thème 3 – Les difficultés de fidélisationdes intérimairesEn ce qui concerne la population d’intéri-maires, la stabilité est évidemment moinsde mise que pour les CDI, même si les éta-blissements cherchent à maintenir dansleurs effectifs un groupe d’intérimaires« permanents » pour faire face aux varia-tions d’activité à la baisse. On peut souli-gner le caractère paradoxal de la demandefaite à ces salariés, qui consiste à accepterd’être des précaires aisément substituablesmais de rester néanmoins fidèles à l’entre-prise. Pour accompagner cette demande, onobserve là aussi que l’adaptation des prati-ques de gestion des ressources humainesest limitée.Comme nous venons de l’évoquer pour lapopulation des CDI, la perception de condi-tions de travail moins pénibles et d’une am-biance de travail plus agréable influe sur leschoix de missions des intérimaires, mais lespossibilités d’action à ce niveau sont rédui-tes pour les établissements. La rémunéra-tion joue quant à elle un rôle important surl’attraction des intérimaires qui se dirigentnettement vers les missions les plus lucrati-

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ves. Soulignons cependant ici que le carac-tère plus ou moins lucratif d’une missionn’est pas lié aux pratiques salariales de l’é-tablissement, puisqu’il n’est pas l’em-ployeur de l’intérimaire. Les intérimairessont payés sur la base d’un tarif horaire, leSMIC augmenté des primes de précarité,par l’agence d’intérim qui les emploie.Aussi le montant de la rémunération varieuniquement en fonction du nombre d’heu-res de travail que l’intérimaire aura réali-sées pendant la durée de sa mission.Paradoxalement, ce sont alors parfois lesentrepôts les moins performants en termesd’organisation qui attirent les intérimaires,si ces difficultés d’organisation sont com-pensées par un recours accru aux heuressupplémentaires.Les efforts limités sur les plans de la rému-nération et des conditions de travail expli-quent que le nombre de travailleursintérimaires dépasse souvent l’optimum del’établissement ; sur les 6 établissementsinterrogés, 4 ont déclaré qu’ils faisaient tra-vailler « trop » d’intérimaires par rapport àleurs besoins réels en flexibilité. La diffi-culté à embaucher en CDI est bien réelle,aussi l’offre de travail intérimaire des éta-blissements est constamment élevée ; elleatteint des niveaux records lors des picsd’activité saisonniers et peut alors entraînerdes situations de pénurie au niveau desagences d’intérim qui gèrent un même vi-vier d’intérimaires pour tous. Comme lesoulignaient Camman et Livolsi (2004), lesrémunérations proposées en CDI ne sontpas suffisamment attrayantes et les condi-tions de travail demeurent assez difficilespour convaincre les intérimaires d’accepterun contrat durable, mais on peut égalementconsidérer la faible implication des intéri-maires comme l’expression de logiquesd’acteurs propres. Ce constat invite à ne passurestimer les « faits d’organisation » nisous-estimer les « faits de socialisation »dans le fonctionnement et les transforma-tions du marché du travail. (Marsden,2001 ; Lamanthe, 2004) Il convient notam-ment de comprendre le comportement dessalariés, acteurs sur le marché du travail, àtravers les faits de socialisation ayant mar-qué leur existence : socialisation familiale,éducative, mais aussi « socialisation pro-fessionnelle à travers les expériences detravail et la mobilité, les expériences dumarché du travail, où se construisent denouveaux rapports au travail et à l’activitéet où sont déployées des stratégies d’adap-tation et d’appropriation par les indivi-

dus. » (Lamanthe, 2004, p.5) Ainsi, en s’a-daptant à la nouvelle donne du marché dutravail, certains individus montrent unepréférence pour les emplois temporaires4.

• Thème 4 – Peu de solutions envisagéesFace aux difficultés ressenties dans l’at-traction et la fidélisation d’opérateurs, lesgestionnaires d’établissement évoquentpeu de pistes porteuses d’amélioration si-gnificative à leur sens.L’élargissement du bassin d’emploi par lamise en place de navettes permettant d’allerchercher des salariés sur une zone géogra-phique étendue est la première solutionévoquée par les gestionnaires. Mais c’estbien ici une action sur une variable externeà l’entreprise qui est envisagée, et non uneaction sur les pratiques de GRH.La création d’un groupement d’em-ployeurs a ensuite été évoquée, mais si lesacteurs territoriaux interrogés se montrentplutôt convaincus du bien-fondé de la dé-marche (qui doit voir le jour dans les mois àvenir avec la mise en place d’un GIE), lesresponsables d’établissements sont quant àeux plus sceptiques sur les bénéfices proba-bles d’un tel dispositif. A cela, deux expli-cations : d’une part, la plupart desétablissements présents sur la zoneconnaissent la même saisonnalité, ils ris-quent donc se livrer au niveau du groupe-ment d’employeurs la concurrence qu’ilsse livrent déjà auprès des agences d’inté-rim. D’autre part, les possibilités de planifi-cation des besoins en opérateurs sontlimitées ; la réactivité est au contraire demise avec un repérage des besoins au jour lejour, ce qui risque de poser des problèmesdans le fonctionnement opérationnel dugroupement d’employeur.Enfin, nous constatons une faible réflexiondes établissements en matière d’évolutionde leurs PGRH. Ainsi, si des chantiers d’a-mélioration des conditions de travail, prin-cipalement axés sur l’automatisation desopérations, sont évoqués, la logique d’en-semble des politiques RH n’est pas réelle-ment remise en cause. Il n’est pas question« d’innovation sociale » (Savall et Zardet,2003), c’est-à-dire d’investissement proac-tif en développement des ressources etcompétences, que ce soit dans les domainesde la formation et du développement decompétences, de la responsabilisation, oude la rémunération.

En guise de synthèse des différents thèmesdéveloppés dans cette partie, rappelons que

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4 - Dans une perspective derecherche future, il pourra êtreintéressant d’analyser, au seindes zones logistiques et entre

zones logistiques, les parcourseffectués par ces intérimaires

« convaincus » entre lesdifférents établissements. Plus

précisément, la théorie desréseaux sociaux nous semblepropice à un décryptage des

mouvements des intérimaires. Al’instar de Granovetter (1988),

il s’agirait de mettre en évidencele rôle des réseaux

d’interactions sociales desintérimaires dans leur

comportement sur le marché dutravail que représentent les

zones logistiques. Nousimaginons que les agences

d’intérim tiennent une placecentrale dans ces réseaux

sociaux. Il semble en effet quel’agence d’intérim agisse

comme pivot de rencontres etcomme broker d’information

permettant aux intérimaires de« coter » les établissements enfonction de leurs conditions detravail ou de la perspective d’y

effectuer des heuressupplémentaires.

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deux groupes sociaux sont finalement pré-sents dans les établissements logistiques :celui des salariés permanents mus par unerecherche de stabilité, impliqués au sens clas-sique dans l’entreprise (on notera à cet effetque 11% des salariés de Clésud ont changé dedomicile pour venir travailler sur la zone) ;celui des intérimaires « convaincus » menantune vie professionnelle de nomades. Des pra-tiques proactives de gestion des ressourceshumaines font aujourd’hui défaut dans lesétablissements logistiques pour influencerréellement l’implication de ces deux groupessociaux. Les établissements logistiques sontplutôt tributaires de l’environnement socialpropre aux zones logistiques, où les travail-leurs acteurs du marché de l’emploi arbitrentles multiples offres qui leur sont faites enfonction de leurs intérêts et aspirations. Nousproposons dans la partie suivante un élargis-sement de cette réflexion débouchant sur laproposition d’une typologie des PGRH dansles établissements logistiques.

Elargissement : Proposition d’unetypologie des PGRH dans lesétablissements logistiques

Le cas étudié met en évidence des contrastesentre établissements logistiques (tableau 1)qui sont à notre sens intimement liés à lanature de l’activité. Comme nous l’avonsesquissé plus haut, et comme le montrentCamman et Livolsi (2004), le processus logis-tique revêt un caractère éminemment structu-rant sur les conditions de travail. Lesdémarches de tension des flux notamment, deplus en plus développées au sein de la grandedistribution, dictent des horaires de travail degrande amplitude et souvent décalés (pourpouvoir livrer juste-à-temps les magasins defaçon à leur permettre une mise en rayon desmarchandises avant l’ouverture des portes aupublic), et s’accompagnent de modalités decontrôle des opérations pour limiter le risqued’erreur et donc de rupture en magasin quiimprègnent fortement les conditions de tra-vail. La situation dans les entrepôts en fluxtendus est alors délicate, parce qu’elle conduità la fois à dépendre plus fortement des opéra-teurs logistiques qui doivent assurer rapide-ment des préparations de qualité et dans lemême temps à mettre en place les conditionsde travail qui seront les moins propices à atti-rer et conserver cette main d’œuvre. C’estbien, au final, dans les entrepôts prestés de lagrande distribution que l’on trouve lesniveaux de recours à l’intérim les plus élevés,

s’accompagnant des taux de turnover des inté-rimaires les plus importants.

Les éléments développés jusqu’ici nous amè-nent finalement à plaider pour une approchecontextuelle de la gestion des ressourceshumaines dans les établissements des zoneslogistiques, au sens de Pichault et Nizet(2000). Le postulat théorique retenu est que laGRH est déterminée par le contexte interne etexterne de l’organisation. Or nous avons pré-cisément mis en évidence deux facteurs déter-minant fortement les pratiques sociales dansles établissements des zones logistiques :• la concentration des établissements dans

les zones logistiques, qui conduit à des dif-ficultés croissantes pour satisfaire les be-soins en opérateurs logistiques liées à lasaturation progressive du marché de l’em-ploi et à l’émergence de logiques d’acteurspropres chez les opérateurs ; nous en dédui-sons qu’il existe une pression sociale d’in-tensité très variable dans les entrepôts,selon qu’ils soient ou non implantés dansune zone logistique, et le cas échéant, selonl’ancienneté, la taille de la zone et les carac-téristiques démographiques et économi-ques de l’aire dans laquelle cette zone sesitue. Nous considérerons donc l’environ-nement social comme une dimension ducontexte externe des établissements logisti-ques influençant particulièrement leurspratiques de gestion des ressources humai-nes ;

• la nature de l’activité gérée, et plus spécifi-quement la démarche logistique sous-ja-cente se traduisant par une plus ou moinsgrande tension des flux et donc par desconditions de travail plus ou moins con-traintes et difficiles. Nous considéreronsque la démarche logistique est une dimen-sion du contexte interne des établissementslogistiques influençant particulièrementleurs pratiques de gestion des ressourceshumaines.

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Figure 3 : Proposition d’une typologie dePGRH dans les établissements logistiques

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La mise en exergue de ces deux axes d’in-fluence majeure nous permet de proposer unetypologie de pratiques de GRH dans les éta-blissements logistiques, qu’illustre la figure 3.

Nous distinguons deux types extrêmes : laGRH que nous considérons en « impasse » estfortement contrainte, à la fois par une fortepression de leur environnement social et parune démarche logistique structurante ; elle setrouve dans une situation de complexité degestion sociale qui pourrait trouver uneréponse dans l’innovation sociale, qu’appel-lent par exemple de leurs vœux Camman etLivolsi (2004). Mais les établissements qui setrouvent dans cette position semblent avoir dumal à proposer pour l’instant de vraies innova-tions, ils demeurent dans des postures trèsréactives face à leurs problèmes RH qu’ilsgèrent au jour le jour. Le risque, si des répon-ses innovantes ne sont pas trouvées locale-ment, est que ces établissements en situationd’impasse – en tout cas ceux d’entre eux quisont locataires des entrepôts, c’est-à-dire lamajorité – adoptent des comportements mer-cenaires, épuisant le vivier d’une zone puispartant sur une autre zone au gré des incita-tions fiscales et des opportunités liées à ladisponibilité de la main d’œuvre.

A l’opposé, certains établissements peuventse trouver en situation de moindre tension, à lafois sur le plan de l’environnement social (ilssont par exemple implantés dans une régionde faible intensité logistique) et sur le plan dela contrainte logistique. Nous considéronsqu’il y a ici la possibilité de développer uneGRH autonome. Mais si la marge de man-œuvre en termes de pratiques de GRH est defait plus importante pour ces établissements,nous pouvons craindre qu’elle ne soit pasexploitée et que ces établissements répliquentnotamment les conditions de travail consta-tées au sein des premiers établissements.L’autonomie des organisations est en effet,dans une perspective néo-institutionnelle(Scott et Meyer, 1992), réduite par les règlesinstitutionnelles qu’elles suivent. Paché(1995) dénonçait d’ailleurs déjà l’institution-nalisation de pratiques de GRH régressiveschez les prestataires logistiques.

Entre ces deux extrêmes, on peut imaginer dessituations intermédiaires, de seule pressionsociale d’une part, de seule tension logistiqued’autre part. Ici encore il s’agira de déceler siet comment les établissements exploitent lesmarges de manœuvre dont ils disposent enmatière de PGRH.

Conclusion

Notre objectif de recherche était de savoir siles établissements logistiques implantés dansles zones logistiques adaptaient leurs prati-ques de gestion des ressources humaines afind’attirer et de retenir les opérateurs logisti-ques nécessaires à la réalisation de leur acti-vité. L’étude du cas de la zone logistiqueClésud montre que les adaptations sont trèslimitées et que les établissements subissentplus une situation sociale difficile qu’ils ne luitrouvent de réponse. Les contraintes, de l’en-vironnement social des zones d’une part et desdémarches logistiques d’autre part laissent eneffet peu de marge de manœuvre apparente àces établissements.

Partant, nous proposons une typologie desPGRH des établissements logistiques struc-turée autour de deux axes : la pression de l’en-vironnement social et la tension des flux.Quatre types en émergent : la GRH enimpasse, la GRH autonome, la GRHsociale-contingente et la GRH logis-tique-contingente. Il s’agira par la suited’approfondir puis de valider cette typologiepar une méthodologie de rechercheconfirmatoire.

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Christelle CAMMAN et Laurent LIVOLSIMaîtres de Conférences, Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II) (CRET- LOG)[email protected]@univmed.fr

Garants de la mise en acte de la stratégie, les responsables de site jouent un rôle es-sentiel dans les transformations que connaissent les prestataires de services logisti-ques depuis une décennie. La reconnaissance progressive de ces middle-managersconduit à une segmentation des politiques RH favorisant, par le biais d’actions dedéveloppement managérial, l’acquisition des compétences nécessaires à l’exer-cice de leur rôle stratégique. Cependant, en l’absence d’une réflexion globale surles politiques de GRH, qui se traduit par la persistance de pratiques régressives pourles opérateurs, les solutions envisagées ne sont que partiellement satisfaisantes,tant pour les responsables de site que pour l’ensemble de l’organisation.

Introduction

Le marché de la prestation logistique a connuces dernières années d’importantes évolu-tions. Outre l’élargissement et la sophistica-tion de leur gamme de services (VanLaarhoven, 2000), les prestataires de serviceslogistiques (PSL) se trouvent désormais aucœur du développement des démarchesinter-organisationnelles (Efficient ConsumerResponse, Supply Chain Management…)conduites par les industriels et les distribu-teurs. Subissant les pressions de ces deuxacteurs, ils soutiennent la réalisation de leursobjectifs respectifs en devenant, au niveauopérationnel, les garants de la flexibilité et dela réactivité de la chaîne logistique. Ces con-traintes de délais, de qualité de service et decoûts ont un impact immédiat sur leur rentabi-lité.

La recherche de cette « flexibilité opération-nelle » (Tarondeau, 1999) s’est longtemps tra-duite, chez les PSL, par des pratiques

régressives en gestion des ressources humai-nes (GRH) encouragées par la situation sur lemarché du travail permettant de trouver, à basprix, des opérateurs rapidement disponibles(Paché, 1995). Si ces pratiques ont permis auxprestataires de réaliser des gains de producti-vité importants, elles ont également conduit àune augmentation des coûts de non-qualité(erreurs, casses, accidents du travail…)dégradant leur rentabilité sans pour autantaffecter le niveau de service fourni aux clients.En outre, au delà de leur « capacité d’organi-sation » (programmation, standardisation etcoordination des opérations), leur compétiti-vité passe aussi par le développement d’une« capacité d’innovation » (élaboration de nou-velles combinaisons de ressources) pour réa-gir à de nouvelles contraintes ou opportunités(Alter, 1996). Cette aptitude au changementrenvoie à une « flexibilité stratégique et dyna-mique » (Tarondeau, 1999) qui nous conduit ànous interroger, dans le cadre de cet article,sur l’évolution des rôles de l’encadrement

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Enjeux et difficultés de la gestiondes cadres intermédiaires chez lesprestataires de services logistiques

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intermédiaire, à savoir les responsables desite. Ces derniers sont en effet, compte tenu dela multi-localisation des unités de productionde services, les garants de la mise en acte de lastratégie et donc des acteurs clés dans lestransformations organisationnelles queconnaissent les PSL depuis une dizaine d’an-nées. Si leur influence sur la performance del’entreprise est progressivement reconnue,force est de constater que les pratiques deGRH développées par les PSL en France nefacilitent pas la réalisation du double objectifqui leur est fixé : assurer la réalisation quoti-dienne du service client demandé dans lesmeilleures conditions de coûts, et développerl’adaptabilité de l’organisation pour amélio-rer sa performance. Ces pratiques génèrentalors une insatisfaction qui pourrait êtreaccentuée par les actions de développementmanagérial pour cette catégorie de personnel,en amplifiant les conflits ou les ambiguïtés derôle liés au décalage entre les attentes del’organisation et les attentes individuelles.

A partir d’une revue de la littérature, la pre-mière partie de cet article présente la place etle rôle du responsable de site et son influencesur la performance de l’entreprise. Elle met enexergue les contraintes et difficultés auxquel-les ce dernier est confronté dans la réalisationde ses missions, en soulignant l’intérêt d’uneplus grande reconnaissance de son rôle au seinde l’organisation. La seconde partie s’inté-resse plus particulièrement aux pratiques deGRH développées par les PSL. La reconnais-sance progressive du rôle de l’encadrementintermédiaire conduit aujourd’hui à une seg-mentation des politiques de GRH favorisant,par le biais d’actions de développementmanagérial, l’acquisition des compétencesnécessaires à l’exercice de leur rôle straté-gique. Pour autant, en l’absence d’uneréflexion globale sur les politiques de GRH,qui se traduit par la persistance de pratiquesrégressives pour les opérateurs, les solutionsenvisagées ne sont que partiellement satisfai-santes, tant pour les responsables de site quepour l’ensemble de l’organisation.

Cette analyse s’appuie sur une série d’entre-tiens réalisés auprès de responsables de site(plus d’une trentaine) et de responsables desressources humaines de PSL (4 entretiens) quiconstituent avec les nombreuses observationssur site (plus de trente sites visités) et une ana-lyse de la documentation interne (bilanssociaux, rapports internes, fiches de poste), laprincipale source d’évidence de cetterecherche (Yin, 2002). Les entretiens, sansêtre formalisés au travers d’un guide rigide,

étaient structurés autour de grands thèmes(climat social, recrutement, évaluation, rému-nération, carrières…) qui ont fait l’objetd’une analyse comparée.

Reconnaître le rôle des cadresintermédiaires, un facteurcritique de la performance desPSL.

Même si la GRH est considérée comme unfacteur clé de succès des démarches de SupplyChain Management (Quinn, 2004), lesrecherches conduites concernent essentielle-ment le top-management (directeurs logisti-ques ou Supply Chain Manager) ens’intéressant notamment à leurs compétenceset/ou leur formation (CLM, 1999 ; Van Hoeket al., 2002 ; LaLonde et Ginter, 2004 ; Man-gan et Christopher, 2005) plus qu’en définis-sant de façon précise leur rôle au sein et auxfrontières de l’organisation (Fabbe-Costes etMeschi, 2000 ; Livolsi, 2006). Par ailleurs, cesrecherches ont généralement été conduitesdans l’industrie ou la grande distribution audétriment d’une réflexion sur les pratiques deGRH des PSL. Pour autant, l’implication del’encadrement intermédiaire chez les PSL estessentielle dans l’atteinte des objectifs straté-giques et le développement de l’entreprise.Ainsi, le premier paragraphe présente les évo-lutions actuelles du secteur de la prestation deservices logistiques et les transformationsorganisationnelles que connaissent les PSLavec le rôle croissant des responsables de sitequi apparaissent comme de véritablesmiddle-managers. Le rôle des middle-mana-gers est évoqué dans le paragraphe suivant entermes d’implication dans le processus straté-gique de façon générale avant qu’une contex-tualisation soit proposée dans le cadre desresponsables de site chez les PSL.

Evolution du secteur de la prestationde service logistique et impactssur les responsables de site.

L’essor des démarches de SCM et des straté-gies d’externalisation sont à l’origine d’uneforte concentration du secteur de la prestationde services logistiques. Les opérations decroissance conduites par les PSL ont pour ori-gine la volonté d’accompagner le développe-ment international de leurs clients et depromouvoir une offre diversifiée couvrantl’ensemble des activités de la Supply Chainpour satisfaire les chargeurs dont les straté-gies d’achat consistent actuellement à réduirele nombre de fournisseurs, y compris dans les

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domaines de la logistique et du transport. Si lamaîtrise des coûts, via la variabilisation descharges, reste un facteur important dans lechoix de l’externalisation, la recherche decompétences externes est devenue un motifessentiel dans le choix du prestataire. Ainsi,les PSL se sont vu progressivement confier unnombre croissant d’activités à caractère plusstratégique (co-packing, pré et post-manufac-turing, achat transport, pilotage desstocks…). Certains ont aussi évolué, pourreprendre la terminologie anglo-saxonne, de3PL vers 4PL (assembleurs ou brokers) ou5PL (ingénierie logistique) afin d’offrir à leurclient, non seulement la réalisation des activi-tés (en partie ou totalement sous-traitées àd’autres prestataires dans le cas des brokers),mais encore la conception de chaîne logis-tique et /ou de systèmes d’information asso-ciés. Pour autant, malgré le développement deleurs compétences, les PSL restent encore lar-gement sélectionnés sur leur capacité à mettreen œuvre les solutions développées par lesindustriels et les distributeurs c’est-à-dire surleur capacité à conduire les opérations.

Par ailleurs, cette recherche de maîtrise du coûtlogistique global et d’amélioration de la qualitéde service a conduit les chargeurs à renforcer lecontrôle exercé sur le prestataire. Si la contrac-tualisation est nécessaire au cadrage des rela-tions entre le PSL et son donneur-d’ordres(Barthélémy, 1999), l’incertitude sur la réalisa-tion des objectifs de la délégation (Roques,2003), tant en termes de flexibilité opération-nelle que stratégique (Quinn et Hilmer, 1994),a alors conduit à une standardisation croissantedes processus de travail. Les cahiers des char-ges de plus en plus détaillés contiennent, outreles objectifs à réaliser (coûts, qualité, délais), ladéfinition précise des processus et procéduresà mettre en œuvre pour y parvenir (structura-tion du travail dans les différentes activités,procédures de coordination, systèmes d’infor-mation et technologies à développer, procédu-res et taux de contrôle, indicateurs deperformance à mesurer…). Ces cahiers descharges structurent les systèmes de contrôle (etde pénalisation) mis en place par le don-neur-d’ordres pour suivre la performance duPSL et réagir rapidement en cas de dérives. Dela même façon, ils constituent la pierre angu-laire des systèmes de contrôle des PSL : lesindicateurs d’évaluation et de contrôle déve-loppés par les donneur-d’ordres deviennent lesindicateurs de résultats du PSL, et les indica-teurs de pilotage des activités sont fixés enpartie dans le cahier des charges (par exemple,les taux de contrôle par activité). Cette logique

de contrôle en cascade a nécessairement unimpact sur l’organisation du travail des PSL etsur les missions de l’encadrement intermé-diaire.

La place de l’encadrement intermédiaire dansl’organisation est fortement contingente de sesstructures et de ses activités. Pour Huy (2001),l’encadrement intermédiaire se situe « deuxniveaux au dessous du directeur général et unniveau au dessus des travailleurs et opération-nels du terrain ». La marge de manœuvre etl’autonomie dans la gestion des activités doi-vent être suffisamment importantes pour qu’ilsoit considéré comme responsable de ses res-sources et du travail effectué par ses subordon-nés. A ce titre, le directeur de site d’un PSLpeut effectivement être considéré comme fai-sant partie de l’encadrement intermédiaire. Il apour mission la réalisation du (ou des) con-trat(s) de prestation dont il a la charge en assu-rant la coordination des activités quotidiennespilotées par les cadres opérationnels (responsa-bles d’exploitation) qui font le lien avec lesopérateurs logistiques dans les meilleuresconditions de coûts. Sachant que la rentabilitémoyenne d’un contrat de prestation logistiqueest de l’ordre de 3%, les décisions en matièred’allocation de ressources sont essentielles à larentabilité du site, et plus globalement, à cellede l’entreprise. Il dispose alors d’une relativeautonomie concernant les méthodes, systèmesde gestion ou nouveaux modes d’organisationà promouvoir pour réaliser des gains de pro-ductivité.

L’évolution du rôle des middle-managers

L’encadrement au sein d’une entreprise estgénéralement divisé en trois catégories : lescadres dirigeants (top management) dont lerôle principal est de prendre des décisions stra-tégiques, l’encadrement intermédiaire qui meten acte la stratégie en optimisant l’utilisationdes ressources et l’encadrement opérationnelchargé d’appliquer les programmes en veillantau respect des normes. Il n’existe cependantpas de frontières opaques, s’agissant de lanature des décisions, entre ces différentsniveaux d’encadrement. Tous sont impliqués,en fonction de leurs responsabilités dans desréflexions et décisions d’ordre opérationnel,tactique et stratégique (Floyd et Lane, 2000,tableau 1).

Les cadres intermédiaires jouent un rôle instru-mental en exécutant avec efficacité et effi-cience les stratégies formulées par la directionet en transmettant l’information nécessaire àl’évaluation de leur mise en acte. Au-delà dureporting, les middle-managers sont cependant

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suffisamment proches de la réalité organisa-tionnelle pour capter des informations qualita-tives nécessaires au processus de décisionstratégique. En ce sens, ils peuvent aussiinfluencer les décisions et/ou la planificationstratégique. Ils sont ainsi impliqués, en lesinfluençant à des degrés divers, dans les diffé-rentes phases du processus de formulation de lastratégie (Mintzberg et Quinn, 1996). Cetteinfluence a été mise en évidence par Floyd etWooldridge (1992) qui ont identifié quatrerôles de l’encadrement intermédiaire(tableau 2).

L’encadrement intermédiaire joue un rôle inté-grateur dans la mesure où, en synthétisant l’in-formation et les points de vue issus des deuxextrémités de la ligne hiérarchique, il produitun cadre de référence pour ses subordonnés.En contexte de changement organisationnel,Nonaka (1988) indique que les cadres intermé-diaires traduisent, par ce processus d’intégra-tion, les objectifs de l’organisation. Ilsconçoivent et diffusent, vers les opérationnels,un cadre conceptuel permettant de donner dusens à leurs actions et expériences. Ce faisant,ils créent aussi de nouveaux savoirs pour l’or-ganisation. Lors des changements organisa-tionnels, « ils synthétisent le savoir tacite issu àla fois des employés de la base et des top-mana-gers, afin de le rendre explicite et l’incorporerau sein des nouvelles technologies et des nou-veaux produits. Ils sont les véritables ingé-nieurs du savoir pour la création de savoirsorganisationnels » (Nonaka, 1994).

Ce rôle de traducteur et d’intégrateur dépasse lesfrontières de l’organisation. Au travers de leursactivités quotidiennes, les cadres intermédiairessont en situation de « vendre » le changementstratégique à l’interface de l’organisation (Rou-leau, 2005). En intégrant les informationsconcernant les partenaires de l’entreprise aveclesquels ils sont quotidiennement en relationdans des situations diverses, ils adaptent leur

discours pour expliquer, notamment aux clientsdont ils sont plus proches que le top-manage-ment, pourquoi l’entreprise a décidé de changersa stratégie et quelle est sa nouvelle stratégie(Dutton et al., 1997). Pour certains, les cadresintermédiaires situés aux frontières de l’organi-sation (boundary-spanning managers) sontmême en situation d’exercer une plus grandeinfluence sur la stratégie (Floyd et Wooldridge,1997). Ils jouent alors un rôle crucial en transfé-rant des informations externes utiles à la déci-sion stratégique et en construisant, dansl’interaction avec leurs partenaires, de nouvellesconnaissances. Cette compétence leur confèreun pouvoir relatif vis-à-vis de l’organisation,qui renvoie à la notion de marginal sécantreprise par Crozier et Friedberg (1977).

Dans le cadre d’une approche renouvelée dela stratégie, combinaison de délibéré et d’é-mergent (Minzberg et Waters, 1991), lescadres intermédiaires sont considérés commedes auteurs du processus de formulation de lastratégie. Ils développent localement de nou-velles idées en rupture avec la stratégie déli-bérée et assurent leur diffusion par le biais desréseaux sociaux auxquels ils appartiennent ausein de l’organisation (Pappas et Wooldridge,2007). Ces « entrepreneurs » (Huy, 2001) par-ticipent à l’évolution des compétences de l’or-ganisation. Ces comportements stratégiques,qualifiés d’autonomes par Burgelman (1983),doivent cependant être encadrés pour limiterles dérives stratégiques et organisationnelles.En tout état de cause, la reconnaissance durôle central de l’encadrement intermédiairedans le développement de nouvelles idées etde nouvelles compétences organisationnellespose la question de leurs capacités créatriceset de leur potentiel d’innovation permettantd’assurer la survie et le développement del’organisation. Ce rôle d’acteur-auteur de lastratégie, d’ingénieur du savoir ou encored’entrepreneur, relevant de l’exploration pourreprendre la terminologie de March, souligne

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Tableau 1 : Le rôle des niveaux d’encadrement (Floyd et Lane, 2000)

Comportement dans le processus stratégique

Cadres dirigeantsSoutenir, surveiller, articuler la vision et les plans stratégiquesDécouvrir le potentiel stratégique, élaborer la vision stratégique, déléguerPlanifier, déployer les ressources, commander.

Cadresintermédiaires

Proposer des alternatives stratégiques innovantesSynthétiser les informations internes et externesAméliorer l’adaptabilité et guider l’adaptation de l’organisationMotiver, réviser et ajuster les actions lors de la mise en œuvre

Cadres opérationnelsRelier les besoins techniques et les compétences, apprendre, prendre les initiativesFaire face au changement émanent du terrainSuivre les recommandations, être un « bon soldat »

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avec plus d’acuité que dans l’approche clas-sique de la stratégie, la problématique de l’im-plication des cadres intermédiaires et de leurappropriation du projet stratégique.

Les responsables de site,middle managers des PSL

En s’appuyant sur la typologie de Floyd etWooldridge (1992), les directeurs de site exé-cutent la stratégie formulée par la direction etmettent en oeuvre les changements initiés parle top-management ou par le client. Ils partici-pent à l’élaboration des appels d’offre dans lecadre de dossiers dont ils vont avoir la charge(site dédié ou site multi-clients), mais ont peu,voire pas, d’influence sur le choix des domai-nes d’activités stratégiques ou des clients del’entreprise. Ils assurent ensuite une remontéed’information vers la direction par le biais dureporting et via les directeurs régionaux, oudirecteurs des opérations, qui synthétisent l’in-formation (plus qualitative) sur le fonctionne-ment du site et les projets en cours dedéveloppement. Ainsi, au regard des activitésqu’ils réalisent, leur rôle peut être considérécomme essentiellement instrumental. Cela nesignifie pas pour autant qu’ils n’exercent pasune influence dans le processus de formationde la stratégie en recherchant, afin d’améliorerla rentabilité de leur site, de nouvelles combi-naisons de ressources, de nouveaux modesd’organisation ou de pilotage plus performantsou pertinents. Ils contribuent ainsi effective-ment à améliorer le degré d’adaptabilité del’organisation. Cette contribution impliquenéanmoins une prise de recul par rapport àl’exploitation et le développement d’une capa-cité réflexive sur l’organisation et le fonction-nement de leur site. A ce titre, dans un contexteen mutation permanente caractérisé par uneforte concurrence, le rôle des responsables desite tend à évoluer. Le développement d’uncomportement d’explorateur ou d’entrepre-neur fait aujourd’hui partie des attentes de ladirection vis-à-vis des responsables de site.

Dans son rôle « instrumental », le responsablede site applique la stratégie définie par l’entre-

prise en respectant les engagements contrac-tuels que celle-ci a passés avec le client. Dansce cadre, il est fortement contraint en termesd’allocation de ressources par sa Direction et,par son client également, puisqu’il doit respec-ter le contenu du cahier des charges.

Dans son rôle d’entrepreneur, il est incité par saDirection comme par son client, à rechercherde nouvelles combinaisons de ressources,modes d’organisation et/ou de pilotage desprocessus et des activités améliorant la perfor-mance du site. Il est par ailleurs garant de lamise en œuvre des changements organisation-nels définis par (ou avec) la Direction ou leclient. Cette capacité à conduire le changementest essentielle car elle supporte la flexibilitéstratégique du donneur-d’ordres.

A ces changements dans les processus de tra-vail s’ajoutent les transformations organisa-tionnelles liées aux stratégies de concentrationdes PSL. Ainsi, les processus d’achat et/ou defusion ont un impact direct sur les responsablesde site. Sans développer cette question dans lecadre de cet article, il est cependant importantde mentionner les impacts de ces processus surl’encadrement intermédiaire, notamment entermes de perte de repères et d’identité. L’inté-gration dans un groupe de taille mondiale,comme ce fût le cas, ces dernières années, pourun certain nombre de PSL de taille nationale oueuropéenne, ne va pas sans difficultés. Preuveen est, la crainte évoquée par certains char-geurs, qui voient dans ces opérations de crois-sance externe un facteur d’instabilité socialecroissante, et qui pourraient avoir la tentationde réintégrer certaines activités logistiques.Dans un tel contexte, le rôle de « médiateur »du responsable de site devient essentiel. Cedernier va traduire la stratégie auprès de sessubordonnées et favoriser ainsi l’intégrationdes nouvelles et des anciennes valeurs, logi-ques, normes… Son adhésion à la stratégie, quirésulte d’une évaluation de ses impacts auniveau individuel (par rapport à son propreprojet de carrière par exemple) et au niveaucollectif (avenir et développement de son sitedans la nouvelle entité organisationnelle),

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Tableau 2 : Les rôles stratégiques des middle-managers (Floyd and Wooldridge, 1992).

Capacité cognitive

Influence

Intégrateur(Réponses en relation avec la

stratégie « officielle »)

Divergent(Réponses divergentes par rapport

à la stratégie « officielle »)

Ascendante Synthétise l’information Développe et défend de nouvellesalternatives stratégiques

Descendante Implémente la stratégiedélibérée

Facilite l’adaptabilitéde l’organisation

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devient alors un élément déterminant pourmaintenir la cohésion et la cohérence desactions conduites localement. Si elle l’est eninterne, cette adhésion est d’autant plusimportante au niveau des responsables de sitequ’ils sont situés aux frontières de l’organisa-tion et qu’ils vont, de ce fait, traduire et« vendre » la stratégie et ses impacts auprèsdes partenaires de l’entreprise, notamment sesclients (Rouleau, 2005).

L’évolution du secteur de la prestation de ser-vices logistiques comme l’aplatissementcroissant des organisations confèrent auxdirecteurs de site un rôle crucial caractéris-tique des middle-managers évoqués dans leprécédemment. Cependant, leur implicationdans le processus stratégique est influencéepar les ressources et le temps dont ils dispo-sent. Torset et Tixier (2002) montrent que leniveau de ressources influence leur choix dedéploiement. Ils constatent qu’en contexte deressources limitées, les cadres intermédiairesvont privilégier le déploiement des orienta-tions stratégiques directement utiles à courtterme à la réalisation de leur activité. Par ail-leurs, Balogun (2003) souligne le fait quel’implication de l’encadrement intermédiaire,pris dans le flot quotidien des problèmes liés àl’exploitation, est limitée par manque detemps. Il ne dispose pas toujours du tempsnécessaire pour analyser et améliorer son site,concevoir des modes de fonctionnement oud’organisation plus performants et a fortiori,identifier de nouvelles opportunités ou réflé-chir au développement de nouvelles compé-tences. Dans le cadre d’organisation aplatiecomme chez les PSL, tout l’enjeu d’une priseen compte des directeurs de site comme devéritables middle-managers réside dans cettecapacité à s’affranchir suffisamment des con-traintes d’exploitation pour disposer des res-sources nécessaires à une réflexionstratégique. L’un des objectifs des politiquesde GRH est donc de reconnaître et faciliterl’exercice de ces rôles.

Les politiques de GRH des PSL :un frein à la réalisation desmissions de l’encadrementintermédiaire.

Les PSL fournissent essentiellement une pres-tation de main d’œuvre. La structure de leurseffectifs est caractérisée par une proportiontrès faible de cadres (moins de 10 %) alors queles employés, techniciens, agents de maîtriseet autres manutentionnaires représentent l’es-

sentiel de cet effectif. Ainsi, l’externalisationdes opérations logistiques et le retour de lacroissance économique entraînent logique-ment une forte augmentation des effectifs ausein de ces entreprises. Après les services à lapersonne, le secteur de la logistique et dutransport est celui dont le potentiel de créationd’emplois est le plus important pour les dixans à venir (Enquête Dares, 2006). L’essentieldes recrutements concerne les opérateurs,caristes et manutentionnaires, avec des con-trats souvent précaires (contrats à durée déter-minée ou intérimaires). Ce mode traditionnelde recrutement dans ce secteur induit des dif-ficultés, tant au niveau des opérateurs que del’encadrement intermédiaire. Les solutionsenvisagées reposent sur une segmentation despolitiques de GRH des PSL qui présenteaujourd’hui de nombreuses limites.

Une logique de maîtrise des effectifs pourassurer l’adaptabilité des PSL

Le rôle dévolu aux PSL dans les démarchesinter-organisationnelles est essentiellementde garantir la flexibilité opérationnelle au seinde la supply chain. Compte tenu des variationsdu niveau d’activité et de la pression commer-ciale exercée par les clients, les ressourceshumaines et particulièrement les opérateursjouent généralement le rôle de variable d’é-quilibration. Comme le soulignent Colin etGuilhon (1996), « la prise en compte des opé-rateurs logistiques s’est généralement faitesur la base d’un raisonnement en termes desubstituabilité et de modalités quantitatives degestion ».

Les principes traditionnels de la gestion desopérateurs

L’essor des démarches inter organisationnel-les visant une accélération des flux et uneréduction des stocks entraîne une vulnérabi-lité plus importante de la chaîne logistique quidoit à la fois faire preuve de réactivité et deflexibilité. Cette vulnérabilité est d’autantplus critique au niveau des entrepôts situés enaval de la chaîne car elle peut être synonymede ruptures dans les linéaires. Il existe doncune pression réelle sur les opérateurs afin quele « chantier » de préparation soit correcte-ment effectué. La survenue des aléas logisti-ques est alors un facteur de stress importantqui a des répercussions sur le climat socialdans l’entrepôt, ce qui contribue à une percep-tion négative des conditions de travail. Lesrécentes études en la matière (médecine dutravail, …) montrent qu’il y a une augmenta-tion des salariés qui déclarent porter des char-ges (trop) lourdes, travailler dans une posture

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pénible et avoir un rythme de travail fortementcontraint. A ces éléments s’ajoutent égale-ment les contraintes de livraison en magasinqui justifient que les activités d’un entrepôts’effectuent très souvent en horaires décalésdont la pénibilité et les effets, à plus ou moinslong terme, sur la santé sont désormaisreconnus.

Les variations du niveau d’activité et lemanque relatif de visibilité en la matière pourles PSL impliquent, compte tenu de l’impé-rieuse maîtrise des coûts, d’avoir du person-nel intérimaire qui représente de 20 à parfois60 % des effectifs dans les entrepôts observés.Ce recours traditionnellement important àl’intérim a été amplifié par la mise en place dela loi sur les 35 heures. En effet, le renforce-ment des contraintes réglementaires enmatière d’heures supplémentaires et de reposcompensateurs a conduit à une utilisationencore plus systématique de l’intérim. L’in-tensification du recours à ce type de contrat ades répercussions immédiates sur la rentabi-lité des dossiers gérés et la division du travail.Les activités logistiques sont décomposées entâches ou séquences de travail qui permettentde spécialiser les opérateurs et ainsi de réduireles coûts de formation et d’entériner lecaractère substituable de cette main d’œuvre.

La spécialisation issue de cette division du tra-vail autorise également le recours à une maind’œuvre peu ou pas qualifiée et, de ce fait, peucoûteuse. Les salaires des opérateurs logisti-ques sont peu attrayants (salaire minimumconventionnel) mais compensés, depuis quel-ques années, par une partie variable beaucoupplus incitative (des primes de 20-25 % dusalaire fixe) fondée sur des standards de pro-ductivité. Si l’opérateur satisfait à ces stan-dards, il obtient cette prime amputée le caséchéant par l’insuffisance de sa qualité de pré-paration.

Les difficultés engendrées

Les modes de gestion traditionnels des opéra-teurs sont à l’origine de difficultés qui concer-nent non seulement cette population précairemais aussi l’encadrement de proximité et lesresponsables de site.

Lorsque l’on établit une synthèse de la situa-tion de travail dans laquelle se trouvent lesopérateurs logistiques, l’analogie avec le tay-lorisme est patente. En effet, ils travaillentavec une pression liée aux objectifs de prépa-ration relativement élevée, exercent des acti-vités très clairement définies et sont doncfortement spécialisés sans réelles perspecti-

ves de carrière. Ils subissent a priori égale-ment une grande précarité. Beaucoup de cespréparateurs manifestent dès lors un certaindésintérêt pour ce travail hétéronome (travailque l’on fait sous l’emprise de la nécessité,sans maîtriser ni ses fins ni ses moyens) qui seconcrétise à la fois par un manque d’implica-tion dans l’activité professionnelle mais aussipar un manque d’adhésion à l’entreprisesynonyme d’une intégration négative.

La plupart des sites doivent, dès lors, faire faceà un fort taux d’absentéisme qui traduit certes,parfois, une incapacité à travailler (maladies,accidents du travail…) mais aussi et surtout« une non-volonté résultant d’une évaluationsuccessive des gains et pertes de la présence etde l’absence » (Thévenet et Vachette, 1992).Au-delà de l’absentéisme, l’importance duturn-over augmente également sensiblementles coûts de recrutement et de formation. Ceturn-over est imputable à une certaine désaf-fection pour ce travail mais aussi aux straté-gies individuelles développées par lesopérateurs logistiques. En effet, la croissancedes besoins en effectifs entraîne une relativepénurie de main d’œuvre dans les grandspôles logistiques qui se sont structurés cesdernières années (région lyonnaise, lil-loise…). Les opérateurs logistiques sont dansune situation dominante où ils peuvent arbi-trer, au jour le jour, entre les nombreuses mis-sions proposées par les prestataires. Ainsi, ildevient très difficile, pour les responsables desite, de planifier la main d’œuvre nécessairequand les opérateurs intérimaires sont capa-bles de quitter leur poste à la mi-journée,informés de missions plus « lucratives » offer-tes par un autre prestataire. Des stratégies debraconnage des salariés sont dès lors dévelop-pées par les responsables de site en liaisonétroite avec des agences d’intérim qui s’im-plantent au plus près de leurs clients voirechez eux. Puaux (2002) a observé les mêmesphénomènes dans l’industrie automobile,entre le groupe PSA et ses équipementiers, etévoqué, parmi d’autres pistes de réflexion, laremise en cause possible des parcs industriels.Dans le cas précis de la logistique, une telleperspective s’inscrit en contradiction avec lavolonté politique d’aménagement du terri-toire et de facilitation de l’émergence de telleszones. Les exemples de la plaine de l’Ain oude la zone de Grans-Miramas attestent de cettevolonté politique et des difficultés de forma-tion et de stabilisation d’une main d’œuvrecompétente (Prévot et Sirjean-Soler, 2003).La démarche logistique, dans son acceptationla plus traditionnelle, est alors appliquée aux

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ressources humaines : il s’agit de se procurerle nombre nécessaire d’opérateurs, au bonmoment, au bon endroit, et au moindre coût.

D’autres prestataires ont cherché à résoudreces difficultés en développant une politique deréduction de la précarité des opérateurs quiconsiste à leur proposer des contrats à duréeindéterminée. Cependant, la nécessaire maî-trise des coûts imposée par les donneurs d’or-dres entraîne des propositions salariales quis’avèrent insuffisantes au regard de ce qu’unpréparateur peut gagner lorsqu’il cumulesalaire et prime de précarité. L’échec régulierde ces opérations de recrutement est égalementrévélateur du manque d’adhésion à l’entreprisede la part des opérateurs. Très longtemps géréede façon précaire, aux frontières de l’organisa-tion, cette population n’a pas été socialiséedans l’entreprise. Au contraire, les multiplesexpériences chez des prestataires différents ontconstitué un processus de socialisation pointil-liste qui contribue à faire émerger un vraigroupe social avec des logiques d’acteurs pro-pres. Le succès relatif de ces logiques d’ac-teurs, définies comme une notion intégrantcelles d’identité et de pouvoir (Livolsi, 2001),permet de comprendre la satisfaction au travailque présente désormais ce groupe. En effet,leur faible implication n’est plus forcémentsynonyme d’une insatisfaction mais bien d’unesatisfaction liée à des attentes (très faibles)vis-à-vis de l’entreprise qui sont comblées.

Dans ce contexte, le rôle dévolu aux responsa-bles de site s’éloigne de ce qu’il devrait êtredans la lignée de ce que nous avons présentédans la première partie. Ils sont, dans les faits,très ancrés dans l’opérationnel. En effet, laquestion récurrente du recrutement d’opéra-teurs logistiques occupe, compte tenu du coûtreprésenté par cette main d’œuvre, une partimportante de leur temps. En outre, la faibleimplication (ou parfois le manque de compé-tences) de certains intérimaires a des répercus-sions sur la qualité de réalisation desopérations. Dans ce cas, soit les responsablesarrivent à maintenir le niveau de service au prixd’une dégradation des coûts liée à la non qua-lité (pertes, casses…) ou à la baisse de produc-tivité, soit le niveau de service est affecté etpeut ne plus correspondre aux exigences duclient, ce qui entraîne des pénalités financièreset des risques de non renouvellement du con-trat. La pression exercée par les clients maisaussi par les supérieurs hiérarchiques qui éva-luent ces responsables de site les incite dès lorsà s’investir davantage dans le pilotage de l’acti-vité, le contrôle des opérations. Ils sont doncprésents sur le terrain à la fois pour faire face

aux aléas de l’activité, mais aussi, comme indi-qué par un DRH, pour garantir un managementde proximité source de motivation et de « sur-veillance syndicale » dans une activité de maind’œuvre. Comme l’indique Coutrot (2003),« le déficit de sens du travail hétéronome rendstructurellement fragile et aléatoire l’engage-ment productif des travailleurs, et oblige lesmanagers à remettre sans cesse sur le métier lavieille question de la division et du contrôle dutravail ». Loin de pouvoir développer une quel-conque capacité d’innovation, l’encadrementde proximité est donc fortement ancré dansl’exploitation et leur durée moyenne de travailhebdomadaire en atteste : 48,5 heures avec desamplitudes allant de 35 heures à 80 heures parsemaine dans un pays où la législation dutemps de travail prône les 35 heures hebdoma-daires.

Face à ce double constat lié aux difficultés degestion du groupe social formé par certainsopérateurs et à l’ancrage des cadres dans l’ex-ploitation, les PSL semblent s’engager versune segmentation plus marquée des pratiquesde GRH qui appelle également un certainnombre de commentaires.

Vers une segmentation renforcée despratiques de GRH

Si les politiques de GRH conduites chez lesprestataires ont toujours été très segmentées,opposant un noyau central d’individus et ungroupe de précaires situés aux frontières del’organisation, la tendance est de renouer avecl’adaptabilité et la capacité d’innovation quigarantissent leur compétitivité. Pour cela, unelogique de contrôle renforcé est développée,plus ou moins consciemment, au niveau desopérateurs alors que la formation et le dévelop-pement personnel des cadres sont formalisés.

Une logique de contrôle pour les opérateurs

Face à l’échec des tentatives développées pouraméliorer la gestion des opérateurs, l’encadre-ment intermédiaire reste confiné dans une acti-vité de contrôle au détriment d’une vision plusstratégique de l’activité. De façon complémen-taire, les donneurs d’ordres sont de plus en plusméfiants par rapport à ces questions et tendentvers un contrôle plus important au niveau desprestataires qui a des répercussions sur lesorganisations mises en place.

Une des premières tendances observablesdepuis quelques années est l’essor de l’auto-matisation. Si celle-ci concerne parfois desentrepôts dans leur totalité, les exemples lesplus courants concernent la préparation decommandes. Ainsi, après les systèmes de

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lecture optique parfois contournés par lesopérateurs (Camman et Livolsi, 2004), lessystèmes de préparation vocale sont enplein développement. Ces systèmes amélio-rent simultanément la qualité et la producti-vité de la préparation de commandes. Lesapplications montrent que les résultats sontcertes meilleurs qu’avant, mais que de telssystèmes présentent surtout l’avantage depouvoir totalement individualiser l’évalua-tion de la performance en autorisant uneplus grande traçabilité des préparateurs. Lefait qu’un certain nombre de clients impo-sent d’ailleurs un tel mode de préparationdans leur cahier des charges est révélateurde la confiance vis-à-vis de la qualité de ser-vice produite par les prestataires. L’exempledu groupe Carrefour était, à ce titre, sympto-matique. Lorsque la préparation vocale étaitimposée, elle ne se substituait pas aux équi-pes de contrôle chargées de contrôler jus-qu’à 10 % des préparations. Ainsi, lespréparateurs avaient un système qui devaitréduire les erreurs mais 10 % de leur prépa-ration étaient toujours contrôlés par descontrôleurs eux-mêmes contrôlés car leconstat avait été fait que ces derniers véri-fiaient fréquemment les palettes les plusfaciles…

Cette division du travail qui entraîne unespécialisation encore croissante ne peuts’interpréter uniquement comme le résultatde contraintes techniques. Elle correspond àune vision éminemment politique de renfor-cement du contrôle. Ce contrôle ne prendplus uniquement la forme d’une prescrip-tion des tâches à réaliser a priori (liste depréparation) mais aussi celle d’une obliga-tion du respect des règles produites qu’ellessoient issues des contraintes techniques(système d’information) ou le résultat desdémarches qualité. Cette « autonomie con-trôlée » permet tout à la fois de légitimerl’obligation de résultat et de maîtriser lessyndicats via la production et la communi-cation des règles, et s’inscrit dans un mou-vement caractérisé de « neo-taylorisation ».

Si la logique qui prévaut à ce renforcementdu contrôle est tout à fait compréhensible euégard aux difficultés actuelles, elle soulèvenéanmoins la question de la réelle perfor-mance de ces politiques. Le risque est grandd’assister à une forte baisse de l’implicationse traduisant par un absentéisme plusimportant encore des opérateurs et unedégradation générale de la qualité du tra-vail. Ainsi cette logique du contrôle n’ap-porte pas une réponse globale au problème.

En particulier, les coûts cachés de la GRH nesont pas pris en compte. Ces coûts apparais-sent quand il y a des dysfonctionnementsentre les comportements et les structures.Savall et Zardet (2003) préconisent alorsdes stratégies innovantes (proactives) deGRH en matière de recrutement, de forma-tion, de rémunération, d’évolutions descompétences, et considèrent que de tellesstratégies sont rentables au regard des coûtsactuellement cachés. Force est de constaterque de telles stratégies sont quasi-inexistan-tes au niveau des opérateurs et qu’elles com-mencent seulement à être développées pourles cadres.

Formation et développement personnel pourles cadres

Certains PSL développent, depuis peu, desprogrammes de formation destinés auxcadres, à l’instar de celui de Kuehne+Nagelprimé lors de la SITL 2007. Reconnaissantles difficultés rencontrées au quotidien parl’encadrement intermédiaire, les program-mes définis ont pour principal objectif la dif-fusion de méthodes en managementpermettant de mieux appréhender le fonc-tionnement de l’activité dans son contexte(environnemental, social, législatif, finan-cier…) et de définir les réponses adéquatesaux situations rencontrées. Il s’agit de conso-lider les compétences acquises sur le terrainpar des connaissances plus globales et trans-versales de l’organisation garantes de l’amé-lioration continue des processus et dudéveloppement d’une intelligence organisa-tionnelle et stratégique. Ainsi, ces program-mes de formation reflètent la prise deconscience de la part de la Direction Géné-rale de la nécessité de promouvoir, y comprisau niveau opérationnel, une vision plus stra-tégique de l’activité, pour soutenir la diffu-sion et/ou l’émergence de nouvellespratiques. Si le rôle instrumental de l’enca-drement intermédiaire est pris en compte, cesprogrammes de formation mettent surtoutl’accent sur leur rôle de traducteur – intégra-teur (Nonaka, 1988) et d’entrepreneur (Huy,2001) ou d’ingénieur du savoir (Nonaka,1994). Pour les directeurs de site, ces pro-grammes de formation représentent uneoccasion rare de confronter et d’enrichir,entre pairs et/ou avec des responsables deniveau hiérarchique supérieur, leur vision del’organisation et de son projet stratégique. Ilspeuvent ainsi participer au développementde réseaux sociaux qui favorisent l’émer-gence d’un comportement stratégique créatifet innovant (Pappas et Wooldridge, 2002).

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Un des objectifs de ces formations résideaussi dans le développement d’un sentimentd’appartenance à l’organisation, et à la« socialisation » du personnel d’encadre-ment, notamment ceux qui seront amenés àoccuper des postes de direction plus impor-tants dans les années à venir.

De tels programmes de formation apparais-sent donc a priori comme éminemmentbénéfiques pour les PSL qui les développentpuisqu’ils permettent de reconnaître l’inves-tissement personnel (depuis de nombreusesannées) des directeurs de site, de renforcerl’adhésion à l’organisation, et aussi, fonda-mentalement, d’améliorer les compétencesdisponibles. Cependant, ces programmes deformation ne sont pas non plus sans dangerspour les PSL. En effet, compte tenu de l’apla-tissement de la ligne hiérarchique et de laprégnance de l’exploitation, les opportunitésd’évolution en termes de carrières restentlimitées. Les cadres ainsi formés, qui nebénéficieront pas d’évolution de carrière eninterne, risquent de ne pas se satisfaire d’unesimple reconnaissance de leur potentiel, et ilspourraient même ressentir une certaine frus-tration à demeurer au niveau de l’exploita-tion sans pouvoir réellement mettre à profitles compétences nouvelles acquises comptetenu d’une logique de contrôle renforcée. Lerisque est alors grand de constater desdéparts volontaires importants. De façonplus pragmatique, les connaissances acqui-ses lors de ces formations sont finalementdifficilement applicables si les responsablesrestent cantonnés, au niveau de l’exploita-tion, dans des problématiques de gestionquotidienne de variation d’effectif et de con-trôle. Pour l’entreprise, les investissementsréalisés dans ce type de formation peuvent nejamais être rentables sans une appréhensionplus globale et plus stratégique de la GRH.L’élévation conséquente du taux d’absen-téisme des cadres intermédiaires, toutcomme celle du turn over, apparaît alorscomme l’illustration du décalage perçu entreles attentes (personnelles et de la Direction)et la réalité quotidienne. La mise en placerécente (2006 par exemple chezKuehne+Nagel) de comités « carrière » estégalement une illustration de la reconnais-sance des enjeux liés.

Conclusion

Compte tenu du rôle stratégique de la logis-tique, les PSL sont devenus des acteurs à partentière des démarches conduites par les

industriels et les distributeurs. La réalisationdes activités logistiques est un facteur clé desuccès de ces démarches qui met en exerguele rôle essentiel de l’encadrement intermé-diaire, notamment celui des directeurs desite. Si le rôle stratégique de ces derniers estprogressivement reconnu, force est de cons-tater que son exercice reste limité comptetenu du contexte organisationnel dans lequelils agissent. Les politiques de GRH condui-tes par les PSL génèrent notamment de nom-breux problèmes qui ont des répercussionsimportantes tant au niveau opérationnel,qu’organisationnel et stratégique. Les solu-tions envisagées restent encore insatisfaisan-tes et sont même susceptibles de générer oud’accroître certains dysfonctionnements. Eneffet, le renforcement des logiques de con-trôle pour les opérateurs peut conduire à denouvelles dérives en termes d’absentéisme etde turn over. Les politiques de formationdéveloppées pour l’encadrement intermé-diaire, bien que bénéfiques en soi, risquentde creuser l’écart entre les attentes des indi-vidus vis-à-vis de l’entreprise et les opportu-nités que cette dernière peut offrir. Laprégnance de l’exploitation liée à larecherche d’une flexibilité et réactivité tou-jours plus importantes pour répondre auxattentes des chargeurs limite le développe-ment d’une réflexion sur le rôle stratégiquedes ressources humaines. Si le partage de lafonction « ressources humaines » avec lesdirecteurs de site est logique compte tenu dela localisation multi-sites, il convient ausside permettre à ces directeurs de s’extraired’une gestion administrative du personnel,volontiers délaissée par les DRH. Ce n’estqu’à ce titre que les directeurs de site pour-ront exercer un réel rôle de middle managerchez les PSL.

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Bruno DURAND et Brigitte de FAULTRIERProfesseurs, Chaire « Logistique et Stratégie marchande », [email protected], [email protected]

Cet article analyse l’impact d’une démarche supply chain sur les métiers de lalogistique et des achats. Il aborde le cheminement qui a conduit les entreprises àdécloisonner les fonctions, les questions que cela soulève et les conséquences surles ressources humaines.Une étude qualitative menée auprès de 46 entreprises de secteurs variés montreque la majorité des entreprises a adopté ou est en train d’adopter le supply chainmanagement. Il apparaît que la logistique et les achats sont des composantes clefsde la supply chain mais que le décloisonnement des fonctions n’est pas exhaustif,les achats se situant à l’extérieur de la supply chain et dépassant cetteproblématique. En revanche, il semble qu’il y ait un intérêt réel à conjuguer lacompétence logistique et la compétence achats pour gérer la supply chain. Cetélargissement demande de développer des compétences liées au leadership pourl’animation d’équipes « trans-fonctionnelles ». La compréhension de la visionstratégique des affaires et des habilités en termes de communication sontégalement nécessaires.

Introduction

Le secteur logistique a connu de profondesmutations au cours de la dernière décennie. Lalogistique a évolué vers la notion de supplychain dont l’esprit est de coordonner l’en-semble des flux de produits, services et infor-mations en intégrant les différentsdépartements de l’entreprise et tous lesacteurs de la chaîne, du fabricant jusqu’auconsommateur final. Ce nouvel esprit cons-titue une rupture dans l’organisation logis-tique. D’une part les silos fonctionnels sontréorganisés en domaines de responsabilitésplus larges et d’autre part la dimensionintra-organisationnelle cède la place à uneapproche multi-acteurs (Paché et Spalanzani,2007).

L’intérêt de l’approche a engendré une effer-vescence dans différents champs qui rend peuclair le périmètre du supply chain manage-ment (SCM). L’intervention de Dooley lors dela conférence IPSERA de 2005 illustre ceflou. Arguant qu’on ne peut manager que ceque l’on peut contrôler et qu’il est impossiblede contrôler la partie externe de la supplychain, Dooley s’interroge sur la réalité mana-gériale du SCM. Le manque de clarté vient dufait que, en raison de la transversalité du SCM,s’en réclament toutes les fonctions qui sontconcernées par une partie de la supply chain(Kauffman, 2002) : les systèmes d’informa-tion, la qualité, la production, les achats, etc.

Les achats apparaissent comme une compo-sante clef de la supply chain avec la logistique

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L’impact de la supply chain sur les métiersde la logistique et des achats

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et les approvisionnements. Ils jouent un rôlemajeur dans la chaîne logistique globale, ledéveloppement de relations de partenariatavec les fournisseurs contribuant à l’intégra-tion de la supply chain en amont. En rendant larecherche de fournisseurs plus stratégique, leprincipe du SCM modifie les pratiques desourcing : celui-ci peut se trouver confié à unsourceur, fonction émergente orientée pourpartie vers la logistique, notamment dans lecadre de l’offshoring.

Il apparaît donc clairement que le SCMengendre des incidences sur les professionsassociées parce que de nouveaux métiersapparaissent et parce que le décloisonnementdes fonctions se traduit par de nouvellestâches à réaliser (Andersen et Rask, 2003 ;Large, 2005). Trois questions se posent alors :quel SCM est mis en place dans les entrepri-ses ? Les fonctions logistique et achatssont-elles vraiment intégrées dans la supplychain ? Faut-il une double compétence logis-tique et achats pour gérer la supply chain ?

Afin de participer à la compréhension desmutations de la logistique sur les fonctionsassociées, cette recherche tente de répondre àla question : si les fonctions de la supply chainsont décloisonnées, quel est l’impact de cedécloisonnement sur les métiers de la logis-tique et des achats ? Pour cela, nous allonsdans un premier temps analyser au regard desenjeux du SCM les travaux présentant les pro-blématiques actuelles des fonctions logistiqueet achats. Nous aborderons dans un deuxièmetemps les implications des changements orga-nisationnels occasionnés par le SCM sur lescompétences des acteurs de ces fonctions.Nous présenterons alors les résultats d’uneenquête terrain menée dans le but d’évaluer lasituation des entreprises en matière de supplychain, mais aussi les conséquences perçuesdes mutations de la chaîne logistique sur l’é-volution des métiers ainsi que la façon d’yfaire face.

Le supply chain management,décloisonnement des fonctionslogistique et achats

Il existe de multiples définitions de la supplychain et du SCM (Pimor, 2005). Il sembledonc difficile de s’intéresser aux métiers de lasupply chain sans commencer par com-prendre ce que le concept recouvre et parquelle démarche la logistique et les achats ontévolué vers la supply chain. Aussi, nous nousproposons d’examiner globalement les

enjeux du SCM pour l’analyser ensuite auregard des fonctions logistique et achats.

Le SCM et ses enjeux

Le SCM, définition

Selon Cooper et Ellram (1993), le SCM estune philosophie intégrative pour gérer le fluxcomplet du canal de distribution depuis lesfournisseurs jusqu’à l’utilisateur ultime. Entant qu’approche système, le SCM aborde lecanal comme un tout et non comme unensemble fragmenté de parties. L’intégrationde la chaîne se décline le long de cinq axes :(1) la logistique et la distribution ; (2) le mar-ché / client ; (3) l’information ; (4) les fournis-seurs et (5) l’achat (Narasimhan et Das,2001). Il s’agit d’une extension des conceptslogistiques antérieurs qui englobe égalementles achats, la fonction étant concernée au plande son intégration et de celle des fournisseurs.Le SCM repose ainsi sur la formation de parte-nariats stratégiques avec les partenaires com-merciaux tout au long de la supply chain, unegestion des coûts d’un bout à l’autre requérantune relation fournisseur efficace et fondée surla coopération.

Le SCM, enjeux

Le concept de SCM génère des problémati-ques nouvelles tout au long de la chaîne :

1 – Faire co-exister avec la dimension opéra-tionnelle « historique » une dimension plusstratégique en vue de concevoir et piloter lesystème : majoritairement dédiées à l’exécu-tion des opérations, les organisations peinentà s’adapter aux changements permanents dic-tés par la vision globale et la durée de vielimitée des solutions (Dornier, 2006).

2 – Déployer un management transversal tanten interne qu’avec les entreprises extérieuresde la supply chain (Christopher, 2005) : lamaîtrise complexe de l’ensemble de la chaînese heurte souvent aux structures hiérarchiquestraditionnelles, aux origines culturelles et à laméconnaissance des métiers.

3 – Gagner en agilité malgré l’inertie induitepar l’intensité capitalistique et l’intensité demain d’œuvre (Vidal, 2006).

Ces enjeux globaux nécessitent d’être décli-nés au regard des fonctions de l’entreprisepour en appréhender l’impact. Une des pre-mières difficultés de cette démarche d’ana-lyse reste la définition opérationnelle du SCMcar, comme le signalent Leenders et alii(2002), « Il n’existe pas de définition de cha-cun des termes et les dirigeants des institu-

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tions publiques et privées peuvent avoir desresponsabilités identiques mais des titressubstantiellement différents ». Des diversesacceptions du concept de supply chain auregard de son management il résulte des écartsdans les fonctions que les firmes y incluent ;de même, le degré et la façon dont ces diffé-rentes fonctions sont affectées par la supplychain varient. En conséquence, afin de mieuxcerner les problématiques actuelles nous pro-posons une approche historique de l’évolu-tion des fonctions logistique et achats.

Evolution des fonctions logistique etachats : missions et problématiquesactuelles

Fonction logistique : d’une approchefragmentée à une approcheinter-organisationnelle, évolution et causes.

Comme le soulignent Camman et alii (2007),la logistique est longtemps demeurée peu for-malisée : ce n’est qu’au lendemain de laSeconde Guerre Mondiale que les premièresréflexions sur la logistique des entreprises ontvu le jour. Aujourd’hui, les chercheurs s’ac-cordent pour parler d’une « lente maturationdu concept » et pour distinguer quatre phasesmajeures (Bowersox et alii, 2005 ; Livolsi etCamman-Lédi, 2005) :

1 - La fragmentation des activités logistiques

Il y a 50 ans, les entreprises industrielles seconcentraient avant tout sur leur production,se préoccupant peu de la dimension logis-tique. La distribution était alors principale-ment locale, tout au plus nationale, dans unenvironnement très cloisonné. La logistiqueoccupait un statut de fonction secondaire,limitée à quelques activités élémentaires etfragmentées : le transport, la manutention et lestockage. C’est dans ce contexte de stabilité etde coordination des opérations logistiquesquasiment inexistante, que le développementdes échanges internationaux va susciter lespremières interrogations en matièred’optimisation.

2 - L’intégration réfléchie des activités logisti-ques amont ou aval

La logistique va alors s’affirmer comme unevéritable démarche de gestion (Tixier etMathe, 1981), anticipant et accompagnantl’action via un flux d’informations régulateurdu flux physique (Paché et Sauvage, 2004).Au cours des années 70, la logistique retientl’attention du monde académique d’autantque les managers, convaincus de l’existencede gisements de productivité, cherchent à en

optimiser les activités amont et aval. Cettephase correspond au début de la structurationde la fonction logistique, à un moment où lamaîtrise du canal de distribution donne lieu àbien des convoitises. Les distributeurs vontfinir par s’y imposer et par organiser l’appro-visionnement de leurs magasins à partir d’en-trepôts ou de plates-formes, dont la livraisonest laissée dans un premier temps aux indus-triels.

3 - La logistique vue comme un processus glo-bal

Les résultats positifs de l’intégration des acti-vités logistiques aval ont incité les profession-nels à « remonter » le plus possible en amont,l’optimisation ne devant pas se limiter à la dis-tribution mais s’étendre à l’ensemble de l’or-ganisation (approche systémique). Plusqu’une succession d’opérations indépendan-tes, la logistique constitue un processus globalinterne, transverse aux fonctions de l’entre-prise, allant des approvisionnements à la dis-tribution et reposant sur la planification et lacoordination des activités (Samii, 2004).Depuis 1980, l’accent est mis sur l’améliora-tion du niveau de service et sur la réductiondes coûts logistiques, deux missions incom-bant à la fonction logistique : la continuité(« 0-rupture ») et la fluidité (Colin et Paché,1988).

4 - La logistique : une approche inter-organi-sationnelle

Depuis dix ans, la mondialisation impose auxentreprises plus de flexibilité et plus d’agilité.Le processus logistique ne s’arrête donc plus« aux frontières de l’organisation » (Cammanet alii, 2007) : la réflexion concerne tous lespartenaires, des fournisseurs aux clients enpassant par les prestataires de services logisti-ques (PSL). Il s’agit de rechercher des solu-tions conjointes : (1) processus collaboratifsentre industriels et distributeurs (GPA, ECR,CPFR) ; (2) recours plus important aux PSL.Cette nouvelle attitude constitue le chemine-ment vers le SCM, concept qui intègre pourFabbe-Costes et Colin (1999) l’ensemble dela chaîne, de la conception au retrait du pro-duit en fin de vie.

Force est de constater par ailleurs que le déve-loppement des technologies de l’informationfavorise la mutation de logiques de stocks(flux poussés) en des logiques de flux tirés.Des chercheurs (Fabbe-Costes, 2002 ; Perro-tin et Soulet de Brugière, 2007) s’interrogentmême sur la pertinence de l’appellation « sup-

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ply chain » : on pourrait tout autant parler de« demand chain ».

Ajoutons que concernant les approvisionne-ments, les entreprises s’interrogent sur laplace du sourcing et sur l’intégration des four-nisseurs au sein de la supply chain. Parallèle-ment, Camman et alii (2007) émettent desréserves sur l’évolution actuelle, soulignant lerisque d’une nouvelle fragmentation des opé-rations logistiques lors du pilotage de projetstransverses, en particulier du fait du caractère« prédateur » de la fonction achats.

Enfin, comment ne pas s’interroger sur ledevenir de la fonction logistique ? En effet,dans le cadre de l’externalisation des activitéslogistiques, que dire de l’avenir d’une fonc-tion dont le responsable pilote désormais unprocessus délégué ? Que dire également deson évolution au regard du développement duSCM ? Si la fonction logistique semble plustournée vers l’opérationnel (Livolsi, 2006), lafonction « supply chain » serait a prioridavantage orientée vers une dimension straté-gique (« chaîne de valeur étendue » au sens dePorter [1986]).

Fonction achats : de la réponse à la demanded’achat au SCM (voire value chain orienta-tion), évolution et causes

La contribution de la fonction achats à l’entre-prise a fortement évolué au cours des quatredernières décennies. Les auteurs ont ainsiidentifié cinq étapes dans le développementde la fonction (Keough, 1993 ; Weele [van],2005) :• Il y a une quarantaine d’années, les achats

avaient un rôle passif qui se résumait à ré-pondre aux demandes d’achat des clientsinternes. Leur contribution principale étaitd’assurer la disponibilité des « bonnes »matières nécessaires au fonctionnement del’entreprise car l’essentiel de la valeurajoutée des entreprises se trouvait dans laproduction (étape « transactions au servicede la production »).

• L’attitude des dirigeants envers la positiondes achats dans la stratégie de l’entreprise a

changé après la première crise pétrolière de73-74. Sous la pression d’une concurrencecroissante, les efforts des acheteurs se sontconcentrés dans un premier temps à trouverle prix unitaire le plus bas (étape « orienta-tion commerciale »). De purement admi-nistratifs, les achats ont commencé àcontribuer aux profits de l’entreprise et ontacquis ainsi leur indépendance vis-à-visdes autres fonctions. Dans un second temps(étape « achats coordonnés »), la fonction acherché à tirer partie de la ressource four-nisseurs grâce à leur management, à l’ana-lyse du portefeuille, etc. Stratégie achat,processus et procédures formalisés, lafonction achats est devenue un soutien à lastratégie de l’entreprise.

• La place des achats en tant que contributeurpotentiel à la stratégie de l’entreprise acommencé à s’imposer dans les années 90sous l’influence de deux facteurs : le recen-trage des entreprises sur leur métier de baseet la globalisation. Les efforts trans-fonc-tionnels pour la recherche du meilleur coûtglobal total incluent les fournisseurs-clefsnécessitant un sourcing partenarial et nonplus conflictuel. Les actions sont conduitesdans le but d’intégrer les processus achatsaux différentes divisions de l’entreprise(étape « intégration interne : achatstrans-fonctionnels »). Les systèmes d’in-formations, d’abord intégrés avec ceux desautres fonctions, sont ensuite étendus auxfournisseurs les plus importants permettantde passer du management des fournisseursau SCM (étape « intégration externe :SCM »).

Au cours de son évolution, la fonction achatsest passée du stade de consommatrice de res-sources à celui de créatrice de valeur pourl’entreprise, améliorant ainsi la chaîne devaleur globale au profit du consommateurfinal selon la philosophie du SCM. La fonc-tion est impliquée dans le SCM tant au planinterne par son intégration dans l’entreprisequ’au plan externe par l’intégration des four-nisseurs.

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Tableau 1 : Synthèse des caractéristiques et facteurs explicatifs des évolutions logistiques

Phases Années 60 Années 70 Années 80 Années 90

Caractéristiques Cloisonnement des activitéslogistiques (opérationnel)

Intégration des activitéslogistiques amont ou aval

Intégration des activitéslogistiques internes

Processus transverse

Démarche deProcessus

inter-organisationnel

Facteurs explicatifs Pas de structuration de lafonction logistique

Structurer la fonctionlogistique afin

d’optimiser localement

Coordonner les fluxintra-organisationnels

Optimiser globalementet coopérer avec les acteurs

de la chaîne

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Au plan externe, les auteurs s’accordent surle fait que nouer et préserver de véritablesrelations fortes avec les fournisseurs et lesintégrer de façon opérationnelle sont des qua-lités distinctives du principe de SCM. La pres-sion concurrentielle (et celle des actionnaires)encourage les entreprises à se concentrer surleur cœur de métier, c’est-à-dire les activitéspour lesquelles elles ont un avantage compéti-tif. Les autres activités sont alors externalisées(outsourcing) et confiées à des fournisseursqui présentent un avantage spécifique dansces domaines. Les parcs de fournisseurs sontréduits et ils englobent des partenariats avecdes fournisseurs moins nombreux mais plusimportants.

L’objectif du partenariat est que l’entrepriseacheteuse et l’entreprise vendeuse partagentdes ressources pour en réduire la duplicationet maximiser leurs contributions à la valeurajoutée. Le partenariat intègre les fournis-seurs qui peuvent ainsi être impliqués enamont dans le développement de nouveauxproduits ce qui permet de répondre au déve-loppement rapide de la technologie, au coûtde développement des produits et à la pressionde la demande du consommateur à l’affût denouveautés. L’intégration est aussi renduenécessaire par la globalisation du sourcing carla gouvernance du marché devenant moinsefficace au fur et à mesure que les distancesaugmentent, un autre mode de gouvernancedes relations s’impose (Andersen et Rask,2003). Le SCM fait donc évoluer le processustransactionnel entre l’entreprise acheteuse etl’entreprise vendeuse vers un processus rela-tionnel (Sheth et Sharma, 1999), soutenu parl’échange électronique d’informations.

Les achats sont aussi impliqués dans le SCMau plan interne par l’intégration de la fonc-tion que Narasimhan et Das (2001) définis-sent comme « l’intégration et l’alignementdes pratiques d’achats stratégiques et de leurbut avec ceux de l’entreprise », c’est-à-direavec les priorités concurrentielles de l’entre-prise. L’intégration requiert que les achatsjouent un rôle significatif à la fois dans ledéveloppement des produits et dans les straté-gies de la firme en rapport avec la technologie.Elle suggère un changement organisationnelcar elle implique le développement de liensinternes étroits, le partage de l’information, laprésence des achats dans les équipestrans-fonctionnelles pour qu’ils participentdès l’origine à la conception des produits etdes processus. Outre le développement deproduits, la collaboration intensifiée entre lesdépartements due au SCM conduit ainsi les

achats à participer aux décisions relatives à laproduction et au management de la qualité(Andersen et Rask, 2003).

On constate que le principe du SCM est uneopportunité pour le positionnement de lafonction achats dans l’entreprise car les tâchesrequises ont une valeur ajoutée pour l’entre-prise plus importante que les activités de rou-tine traditionnelles (commande ouexpédition). La fonction achats, d’opération-nelle, acquiert le statut de fonction stratégiqueque Carr et Smeltzer (1997) définissent ainsi :« l’achat stratégique est le processus de plani-fier, déployer, contrôler et évaluer les déci-sions d’achat de haute importance dans uneffort d’adéquation avec les buts de l’entre-prise ».

La mise en parallèle de l’évolution de la fonc-tion logistique et celle de la fonction achatsnous conduit à constater que leurs problémati-ques actuelles sont directement liées au SCM,avec, du côté des achats, le supplier manage-ment et les relations trans-fonctionnelles et,du côté de la logistique, la coordination desflux inter-organisationnels. Chacune des deuxfonctions se réclamant du SCM, se pose alorsla question de leur territoire réciproque.

SCM, conflits de territoire potentiels entrelogistique et achats

Bien que les auteurs s’accordent sur la défini-tion du SCM, une ambiguïté perdure quand ils’agit de le mettre en œuvre, créant ainsi desconflits de territoire potentiels entre les fonc-tions logistique et achats. Ainsi, interrogeantdes personnes dont les mots supply chain sontdans l’intitulé de la fonction, Gammelgaard etLarson (2001) trouvent des différences dansles descriptions de ce que fait un supply chainmanager. Ils mettent ainsi en évidence troiscatégories de manager : ceux qui sont plutôtdirecteur logistique, ceux qui se rapprochentdu directeur des achats et enfin ceux qui ontune responsabilité plus large. On peut sedemander si les différences de mise en œuvredu SCM ne sont pas le reflet de la difficultéque rencontrent les entreprises à trouver la« bonne » personne à qui confier le pilotage dela supply chain. En effet, ce pilotage nécessitede traiter des domaines variés tels que focali-sation client, mouvement de produit et d’in-formation, articulation des activités internesavec à la fois les fournisseurs et les clients,focalisation sur l’amélioration des perfor-mances (durée du cycle, coût et service) et uneétroite connexion avec la logistique (Gam-melgaard et Larson, 2001). Une étude del’ERPS (2002) consacrée au « profil de la

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fonction d’acheteur et les défis du futur »mentionne de son côté au sujet des tâches del’acheteur, devenu supply chain manager,qu’il « est responsable de la chaîne de valeurajoutée qui englobe la planification, l’achat etla logistique de même que toutes les activitésse rapportant au but de la société ». Les acti-vités nécessaires sont très larges et les compé-tences requises diffèrent d’une facette duSCM à l’autre.

Les territoires respectifs de la logistique et desachats dans le SCM, mal délimités, sont sus-ceptibles d’entrer en conflit. Mais y a-t-il unsens à vouloir lier la logistique et les achatsdans le SCM ? Ou doit-on retenir à l’instar deMichel Stuckens, Directeur Achats Europe dusemencier américain Monsanto que « Dans savision initiale, la supply chain, synonymed’intégration des flux, devait englober lesachats. Mais aujourd’hui que cette intégra-tion a été réalisée grâce à l’informatique, onvoit que les achats se situent à l’extérieur de

cette fonction et dépassent cette probléma-tique » (Lettre des Achats, février 2004) ?Toujours est-il que le changement organisa-tionnel impliqué par le SCM joue en faveurdes achats qui conservent la partie à plus fortevaleur ajoutée de leur fonction, tandis que lasupply chain, sous le couvert de la logistique,en récupère la partie opérationnelle,c’est-à-dire les approvisionnements. On peutalors concevoir que le pont entre la logistiqueet les achats soit l’approvisionnement.

Des interrogations sur les territoires récipro-ques des fonctions logistique et achats persis-tent au regard du SCM en raison du manqued’uniformisation dont souffre le concept danssa mise en œuvre. En revanche, fondé sur ledécloisonnement des fonctions, il induit sansdoute possible un changement organisation-nel qui a un impact important sur les métiers etles compétences des acteurs de chacune desfonctions.

Le supply chain management,évolution du métier des acheteurset des logisticiensDéfini comme « un ensemble théorique depostes de travail aux activités et compétencesidentiques et proches » (Merminod, 2004), lemétier a pour composante essentielle les com-pétences sur lesquelles nous avons porté notreattention parce qu’elles l’ancrent dans lecontexte dans lequel il est exercé, permettantainsi de prendre en compte les changementsenvironnementaux dont est issu le SCM.

Le terme « compétences » désigne par la suiteindifféremment ce que les auteurs nommentskills ou competencies.

Compétences des acheteurs nécessaires àune démarche de SCM

De nouvelles compétences…

Dans une étude sur le futur des achats, Carteret alii (2000) indiquent l’importance de pro-poser une formation plus approfondie en

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Encadré 1 : Territoire des fonctions vis-à-vis du SCM, l’exemple desachats

Larson et Halldorson (2002) ont relevé quatre perspectives conceptuellesdes achats par rapport au SCM .

Les « traditionnalistes » conçoivent le SCM comme un aspect stratégiquedes achats qui met l’accent sur le développement des fournisseurs et le par-tenariat avec les fournisseurs de rang un et deux. Les « renommants » (rela-belling) remplacent simplement le mot « achat » par SCM. En pratique, lesdirecteurs achats ont été intitulés supply chain managers sans que leur fonc-tion change, ce qui offre une vision très réductrice du SCM. Les « unionis-tes » voient les achats comme une partie du SCM. Pour eux, le SCM inclut lesachats au même titre que d’autres fonctions. Notons que les auteurs ne s’ac-cordent pas sur les fonctions englobées [voir pour exemple Tan et alii (1998)versus Stock et Lambert (2001)]. Enfin, les « intersectionnistes » considè-rent que le SCM n’est pas l’union de la logistique, des opérations et desachats mais inclut des éléments de chacune des fonctions. Le SCM coor-donne les efforts trans-fonctionnels des différentes entreprises de la chaîneglobale.

Encadré 2 : Définition de lacompétence

Compétence (Roegiers, 2001; Jonnaert,2002) :

Capacité de mobiliser et de coordonner dif-férents types de ressources pour faire faceefficacement à une situation profession-nelle donnée.

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management général (interdisciplinaire) auxacheteurs qui doivent développer des compé-tences en management de projets et en mana-gement d’équipe. Ceci est confirmé parGiunipero et Pearcy (2000) qui, dans leurinvestigation des compétences « idéales »requises par les professionnels, concluent quele management de processus et faire équipe(teaming) font partie des catégories de com-pétences clefs1. Ces catégories sont analoguesà celles mises en avant en 1995 par Killen etKamauff à l’exception de deux, les compéten-ces stratégiques et le travail d’équipe. Cettedifférence est particulièrement significativede l’élargissement de la fonction et de sonévolution vers un rôle plus stratégique. Lescompétences attendues aujourd’hui des ache-teurs sont d’un niveau plus élevé puisqu’ellesont un impact sur l’efficacité organisation-nelle de la firme.

Parmi les compétences nouvelles demandéesaux acheteurs, Andersen et Rask (2003) met-tent en avant la maîtrise des langues étrangè-res, le besoin en compétences approfondiesdans l’utilisation des technologies de la com-munication et de l’information et la capacité àtravailler en équipe trans-fonctionnelles.Impliqués dans le management stratégiquedes relations avec les vendeurs, les acheteursdevront avoir une compréhension du systèmeglobal. Ils devront aussi développer des liensavec le top management. Ces résultats ont ététrès récemment corroborés au plan managé-rial par une enquête réalisée auprès de 1 200professionnels par le magazine Purchasing.Cette enquête met en avant que la « communi-cation / élaboration de relations » est, avec unscore 15,3%, la compétence que les acheteursconsidèrent la plus importante à développerdans l’environnement d’aujourd’hui, immé-diatement suivie de la « planification / élabo-ration d’une stratégie ».

…vers de nouveaux métiers ?

Nous constatons au regard des études précé-dentes que de nouvelles compétences sontnécessaires pour exercer le métier d’acheteurdans une démarche de SCM. Les auteurs men-tionnent l’importance de former les acheteursmais on peut se demander si un même indi-vidu peut posséder l’ensemble des compéten-ces requises dans ce contexte. La nécessitéd’obtenir le support des fournisseurs, notam-ment, suggère une focalisation sur larecherche des « bons » fournisseurs et le sup-plier management.

Il est probable que de nouveaux métiers sedessinent au côté de celui d’acheteur, prenant

en charge une part spécifique de la fonction.Ainsi, Missirilian et Calvi (2005) suggèrentl’apparition du métier de Key Supplier Mana-ger chargé du management des fournisseursstratégiques sur le modèle du Key AccountManager pour la fonction commerciale(Homburg et alii, 2002). De même dans uncontexte d’internationalisation des marchés àl’achat, le métier de sourceur chargé du choixet de la gestion de l’origine des produits etsitué à proximité des fabricants est susceptiblede se profiler dans certaines organisations.

Compétences des logisticiens nécessaires àune démarche de SCM

Au plan de la logistique, une étude réaliséeauprès de professionnels dont l’intitulé de lafonction comprend les mots « supply chain » amis en évidence trois domaines principaux decompétences logistiques pour le SCM (Gam-melgaard et Larson, 2001). Le travail d’é-quipe, la résolution de problème, laconscience de la supply chain, la capacité àavoir une vue d’ensemble sont par ordredécroissant les compétences que les logisti-ciens estiment les plus importantes (cf.tableau 3).

Alors que la révolution récente des outils detélécommunication et l’internationalisationdes échanges ont mis au premier plan la réacti-vité comme élément clef de la performance, lelogisticien des années 2007 ne vaut plus seule-ment par ses compétences techniques maispar son aptitude au management. Beaurain(2006), notant que les métiers de la logistiquese sont complexifiés, segmentés, précise que,s’il est parfois difficile de trouver des élé-ments communs aux logisticiens de la supplychain, humilité devant les faits, pragmatisme,agilité d’esprit, fiabilité, aptitude à communi-quer et résistance au stress sont indispensa-bles.

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Tableau 2 : Acheteurs : compétences les plus importantesà développer

Compétences Total %

Communication / élaboration de relations / relations interpersonnelles 15,3

Planification / élaboration de stratégie 14,7

Management et développement des fournisseurs 13,5

Sourcing / Sélection des fournisseurs 12,3

Négociation 11,3

Source : Purchasing, 1er mars 2007

1- Compétences-clés (1)stratégiques, (2) de managementde processus, (3) d’équipe, (4)de prises de décision, (5)comportementales, (6) denégociation, (7) quantitatives –spécifications, programmation.

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Le SCM au regard des métiers, quelquesinterrogations

On constate donc que le SCM a des consé-quences sur les deux fonctions logistique etachats qui, l’une comme l’autre, doiventmaintenant avoir une vision globale et unesensibilité trans-fonctionnelle. Savoir travail-ler en équipe et gérer des projets sont égale-ment des compétences à développer que l’onsoit logisticien ou acheteur. En revanche, si lacommunication est importante pour les deuxfonctions, elle se situe au niveau de la prise deparole pour la logistique tandis que les achatsdoivent développer des relations interperson-nelles, y compris avec le top management. Onconstate enfin qu’il revient aux achats d’éla-borer des stratégies, ce qui n’apparaît pas ducôté de la logistique.

Faut-il en déduire que la logistique est moinsstratégique, même lorsque le SCM est en place? D’un côté, ceci semble corroboré par le faitque les approvisionnements, partie opération-nelle des achats, seraient récupérés par leslogisticiens. Mais d’un autre côté, la positionstratégique des achats est contestée (Ramsay,

2001) : les achats semblent toujours peuimpliqués dans la création ou le développe-ment de produit ou lors de l’acquisition ou del’investissement dans un nouveau métier ouune nouvelle technologie (Lettre des Achats,novembre 2006).

Il apparaît donc que l’étude du métier deslogisticiens et des acheteurs au regard du SCMlaisse en suspens différents points :

• Les relations entre les fonctions achats etlogistique dans une démarche de SCM etleur caractère stratégique,

• L’évolution des fonctions et les métiersnouveaux induits par le SCM,

• La façon dont les entreprises font face auxévolutions en termes de métier.

De façon à apporter un éclairage sur ces pointsen suspens, nous avons mené une enquête ter-rain dont les résultats sont présentés et discu-tés dans la partie suivante. Nous espéronsainsi participer à une meilleure compréhen-sion de l’impact du SCM sur les métiers de lalogistique et des achats.

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Tableau 3 : SCM : les domaines de compétences et leur importance

Compétences interpersonnelles /managériales de base

Rang d’importance

Compétences quantitatives /technologiques

Rang d’importance

Compétences cœur du SCM

Rang d’importance

Ambition Habileté pour les bases de données Habilité à avoir une vue d’ensemble 4

Raisonnement critique 12 Développement des systèmesd’information Gestion du changement 17

Prise de décision 11 Programmation sur ordinateur Confiance en soi 15

Conscience éthique Méthodes quantitatives Gestion des conflits

Ecoute 5 Connaissance des logiciels Conscience cross-fonctionnelle 9

Motivation 8 Habilité pour les feuilles de calcul Langues étrangères

Faculté d’organiser Analyse statistique Connaissance du secteur d’activité(industry)

Presentation skills (démonstration oureprésentation) Leadership 10

Faculté de prioriser 7 Négociation

Résolution de problème 2 Conscience de la cultureorganisationnelle

Apprentissage auto-dirigé Gestion de projet

Auto-discipline 16 Vente

Prise de parole /Communication orale 6 Conscience de la supply chain 3

Management du temps 14 Travail d’équipe 1

Formation Connaissance des dernièrestechnologies

Ecriture / communication écrite 13 Connaissance des techniques les plusrécentes

Source : Gammelgaard et Larson ( 2001)

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Démarche SCM et fonctionslogistique & achats : où en sontles entreprises ?

Nous avons effectué courant avril 2007 uneenquête auprès de 160 entreprises dont cettetroisième partie présente et discute les princi-paux résultats.

Le SCM dans les entreprises étudiées

Définissant ce que représente pour eux unedémarche de type « supply chain », les répon-dants insistent très souvent sur la notion d’in-tégration de tous les maillons (dont les achatspour quelques uns) et de démarche globale(« du fournisseur au client final »), qu’ils assi-milent à un processus complexe. 62% décla-rent que leur entreprise a adopté à ce jour unetelle démarche. Les industriels et les distribu-teurs adoptent davantage une démarche glo-bale, c’est-à-dire qui inclut à la fois lesfournisseurs et les clients ; cette tendance estplus marquée chez les industriels (36%) quechez les distributeurs (33%). Quant aux pres-tataires, ils privilégient la démarche supplychain avec leur client (33%).

Pour 24% des répondants, la démarche est encours. Elle demande du temps, notammentquand on commence à parler de partage desinformations, et nécessite alors une certainematurité. Une telle démarche induit bien sûrdes évolutions du fait des incessantes muta-tions (en particulier dans le cadre du com-merce international) et elle dépend encore dupoids respectif des clients et des fournisseurs :la priorité n’est pas la même avec tous. Tout lemonde ne se sent pas forcément concerné (ilsseraient a priori 14% à ne pas y songer), enparticulier certains prestataires de servicesqui « se laissent » insérer dans la chaîne logis-tique de leurs donneurs d’ordres en fonctiondes besoins.

Concernant les actions conduites dans lecadre du SCM, les répondants mettent en prio-rité l’accent sur les démarches d’optimisationet d’amélioration de la performance visant àréduire les coûts logistiques et/ou à augmen-ter le niveau de service (en particulier la réac-tivité). Dans ce cadre, le recours àl’externalisation logistique est régulièrementcité. Au niveau inter-organisationnel plus par-ticulièrement, la mise en œuvre de processuscollaboratifs (GPA, ECR, etc.) fait figured’action privilégiée. On note ainsi que la pro-portion d’entreprises ayant développé despartenariats avec des fournisseurs dans lecadre d’une gestion des approvisionnementss’élève à 67%. On constate toutefois que ce

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Encadré 3 : Méthodologie, description des entreprises et traitementdes données

Méthodologie :Nous avons réalisé une étude qualitative à partir d’une quarantaine de ques-tions, pour moitié fermées et pour moitié complètement ouvertes, diffuséespar courrier électronique.

Les questions sont organisées en 3 grands thèmes :

Thème 1 – Logistique, achat et SCM : l’objectif de ce thème est de com-prendre si les répondants font des différences entre les 3 concepts et si cesdifférences existent dans leurs entreprises ;

Thème 2 – Intégration stratégique de la logistique et des achats : le but est decomprendre si une démarche de logistique globale existe et comment cela setraduit en termes de rattachement hiérarchique des fonctions ;

Thème 3 – Mutations de la chaîne logistique et évolution des métiers : il s’a-git de comprendre si la chaîne globale entraîne de nouveaux métiers etbesoin en compétences nouvelles et de savoir comment ce besoin est géré enélargissant le périmètre d’action des acteurs, en formant ou en recrutant.

Les mêmes questions ont été posées à chaque catégorie de répondants.

Echantillon :160 envois ont ainsi été adressés à des entreprises des secteurs de l’industrie,de la distribution et de la prestation de services, certaines adhérentes del’ASLOG (Association française pour la logistique). Avec 49 retours, letaux de réponse s’élève à près de 31%, taux nettement supérieur aux 5%généralement constatés pour ce mode d’administration. Il semble montrerl’intérêt des répondants pour cette étude centrée sur la logistique, les achatset le SCM. Nous avons exclu 3 répondants que leurs prestations éloignaienttrop de nos préoccupations.

Les répondants proviennent pour 52% du secteur de l’industrie, 22% du sec-teur de la distribution et 26% du secteur de la prestation de services. Nousavons souhaité inclure les prestataires à forte valeur ajoutée dans notreéchantillon car intervenant sur les stratégies ils sont concernés par les muta-tions de la chaîne logistique. Concernant les entreprises industrielles, lacatégorie des IAA (industries agro-alimentaires) vient largement en têteavec 42% de l’effectif de ce secteur. Au plan de la distribution, les grandsdistributeurs sont également très bien représentés (60% du secteur), que cesoit au niveau des GSA/GSS ou bien de la VAD. Concernant les prestatairesde services, les PSL (prestataires de services logistiques) en représentent58%, pour moitié issus du monde du transport et pour moitié du monde del’entreposage à valeur ajoutée. Enfin, 98% des personnes répondantes ontclairement précisé leur fonction : près de la moitié sont directement concer-nés par la logistique ou la supply chain et plus de 20% sont en prise directeavec les achats. Cette répartition garantit une bonne connaissance des fonc-tions logistique et achats de la part des répondants.

Traitement des données :Les discours recueillis auprès des répondants ont été analysés par un traite-ment manuel des sous thèmes et de leurs occurrences. Les pourcentages uti-lisés dans les résultats font référence à ces occurrences. L’utilisation depourcentages est uniquement guidée par des raisons de lisibilité. Nous pré-cisons qu’ils n’ont pas de signification statistique, notre objectif étant dedégager des tendances.

Aucune autre source d’informations n’a été utilisée pour compléter lesréponses obtenues.

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taux est supérieur de 5% à la proportion desentreprises ayant adopté une démarche desupply chain (67% versus 62%) et qu’il ne s’a-git pas des mêmes firmes. Ainsi, 17% disentavoir adopté une démarche supply chain sansavoir pour autant mis en place de partenariatsfournisseurs. Ceci pose alors question sur ceque signifient vraiment pour les répondantsune « démarche de supply chain » et des « par-tenariats ». En termes d’organisation, onconstate que les entreprises industrielles sontplus nombreuses à posséder une directionsupply chain que les distributeurs (29% versus10%) mais globalement la démarche n’est pasmatérialisée par une organisation spécifique.

Rattachement de la logistique au SCM

La logistique, une des composantes du SCM

73% des répondants font une différence entrela logistique et le SCM et ils sont nombreux àpréciser que la logistique constitue une partiedu SCM, certains ajoutant « au même titre queles approvisionnements, la planification, laprévision des ventes, le SAV ou encore lesachats ». La logistique apparaît plus commeopérationnelle (transport, stockage, prépara-tion des commandes) et locale (liée à un siteprécis), alors que le SCM comporte unedimension plus globale (allant des fournis-seurs aux clients), plus transverse et donc plusstratégique.

Concernant l’utilisation des termes « logis-tique » et « SCM », 56% des répondants disentque, dans leur entreprise, on parle plutôt delogistique (« terme plus clair »), 24% que l’onparle plutôt de SCM (« champ de compétencesbeaucoup plus large ») et 20% que les deux

sont utilisés. Dans ce dernier cas, lesrépondants font bien la différence entre lesdeux termes, ce qui signifie qu’il n’y a pas, apriori, de confusion de vocabulaire. Enrevanche, pour les entreprises qui n’utilisentque l’un des deux termes, la distinctionsemble beaucoup moins nette : un tiers n’enfait pas et pourrait donc bien utiliser l’un pourl’autre.

Enfin, concernant la différence entre un direc-teur logistique et un supply chain manager,seulement 63% des répondants en font une :« un directeur logistique est sous la responsa-bilité d’un supply chain manager », « undirecteur logistique occupe une fonction plusopérationnelle, plus statique alors qu’un sup-ply chain manager assure un pilotage plustransversal et se trouve en position straté-gique ». Précisons que pour certains répon-dants, le supply chain manager pilote lesachats (ils sont peu nombreux cependant à enfaire état, mais ils occupent en revanche desfonctions très différentes : responsable achats,responsable supply chain ou même respon-sable logistique).

Implication de la logistique dans le SCM : lalogistique, un rôle stratégique ?

Concernant le rattachement de la logistique àune direction donnée de l’entreprise, lesréponses sont plutôt variées comme l’attestele tableau (tableau 5). Deux directions sedégagent cependant : la Direction générale etla Direction de la supply chain. Seul un répon-dant affirme que la logistique est rattachée à laDirection des achats : il s’agit d’une entrepriseindustrielle, dont la fonction du répondant est« Directeur des achats et de la logistique ».Enfin, parmi les autres directions citées par lesrépondants, celle des opérations revient plu-sieurs fois (cf. tableau 5).

La principale raison de rattachement de lalogistique à la Direction supply chain tient,chez les industriels et les distributeurs, dansl’existence d’une démarche établie et, chez lesprestataires, dans l’existence d’une démarchesupply chain établie ou en cours. En revanche,quand la démarche supply chain est établie, lalogistique est prioritairement rattachée à lasupply chain chez les industriels et à la Direc-tion générale pour les autres types d’entrepri-ses.

A la question « la logistique constitue-t-elleun enjeu stratégique pour votre entreprise ? »,89% des répondants choisissent l’affirmative.Ils soulignent le fait que « c’est le pouvoir defaire en matière de logistique (précieux élé-

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Tableau 4 : Etat d’avancement de la démarche supply chain dans lesentreprises

Démarche établie Démarche en cours Pas de démarche

Industrie 61 % 26 % 13 %

Distribution 67 % 22 % 11 %

Prestataire 60 % 24 % 20 %

Total 62 % 24 % 14 %

Tableau 5 : Le rattachement de la logistique

La logistique est rattachée à la %

Direction générale 40 %

Direction de la supply chain 18 %

Direction industrielle 7 %

Autres (Direction commerciale, Direction des achats, DAF,Direction des opérations, plusieurs directions…) 35 %

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ment de différenciation) qui renforce le pou-voir de vendre », et s’accordentmajoritairement pour dire que la réductiondes coûts logistiques, l’amélioration du tauxde service (par exemple la pratique de la« 0-rupture »), mais aussi la réactivité et la fia-bilité en termes de délais constituent desenjeux majeurs. La maîtrise des flux leurparaît essentielle et l’optimisation des opéra-tions logistiques leur semble constituer un axefondamental d’amélioration de la perfor-mance. En revanche, concernant l’implicationdu responsable logistique de l’entreprise surle plan stratégique, la réponse est nettementplus mesurée : seulement 67% des répondantsdéclarent que ce dernier est membre de lachaîne de décision stratégique, ce qui cons-titue un décalage sensible. D’ailleurs, letableau 5 semble également démentir le rôlestratégique que l’on veut faire jouer à la logis-tique : elle ne serait en fait rattachée à la Direc-tion générale que dans 40% des casseulement.

Rattachement des achats à la Directionsupply chain

Un rattachement minoritaire

A la question « dans votre entreprise, lesapprovisionnements sont-ils séparés desachats ? », 83% des répondants apportent uneréponse claire et pour 58% d’entre eux il y aformellement séparation des fonctions. L’en-quête permet également de déduire que lesachats semblent plutôt rattachés à la Directiondes achats (28% des cas) alors que les appro-visionnements sont eux rattachés à la Direc-tion logistique dans une proportion trèsproche. En revanche, le rattachement desachats à la Direction supply chain apparaîttrès minoritaire ; il est un peu plus importantpour les approvisionnements

Implication des achats dans le SCM

Pour plus de 90% des répondants, les achatsconstituent une composante clef de la supplychain. Les principaux éléments avancés tien-nent dans la nécessité de « travailler en com-mun avec les fournisseurs afin de créer despartenariats ou des collaborations et dessynergies ». Plusieurs répondants rappellentque les achats constituent « le premier maillonde la chaîne » et qu’il s’agit « d’une compo-sante clef du processus global de supplychain ». D’autres insistent, de leur côté, sur« les conséquences logistiques des décisionsdes acheteurs » : ces incidences, qui sont per-ceptibles au niveau des approvisionnements,le sont également au niveau de la production

et de la distribution. En définitive, les achatsconstituent un acteur incontournable de lasupply chain dans la maîtrise du triptyquecoûts-qualité-délais. D’ailleurs 75% desrépondants précisent que, dans leur entre-prise, les achats sont aujourd’hui moinsconcernés par des activités quotidiennes d’ap-provisionnement et davantage par une orien-tation plus globale (13% n’ont pas répondu).

Evolution des fonctions achats et logistiqueliée (ou non) au SCM

Concernant les mutations actuelles et futuresdes fonctions, il semble que les répondantsmanquent à ce jour de visibilité pour apprécierun certain nombre d’éléments. Ainsi, à proposdes effectifs logistiques, seuls 61% des répon-dants ont donné leur vision de l’avenir : 84%pronostiquent une hausse (48%) ou un main-tien (36%) des effectifs alors que seuls 16%imaginent plutôt une baisse du fait notammentd’opérations de mutualisation (11% ne seprononçant pas clairement).

Concernant d’éventuels « glissements » defonctions, le taux de réponse demeure élevé(70%) et si 56% des répondants perçoiventeffectivement un élargissement du champ decompétences, en revanche les causes sem-blent assez floues. Un sur deux précise lamutation constatée. Il semblerait, a priori,qu’il faille chercher ces causes dans des chan-gements touchant plus largement l’organisa-

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Tableau 6 : Rattachement de la logistique lors d’une démarche supplychain établie

Type d’entreprises Situation de démarche SC établie :direction de rattachement de la logistique

Industriels

- Direction Supply Chain : 43 %- Direction générale : 36 %- Direction des Opérations : 14 %- Plusieurs rattachements : 7 %

Distributeurs - Direction générale : 50 %

Prestataires - Direction générale : 33 %

Tableau 7 : Le rattachement des achats et des approvisionnements

Directions Les achats Lesapprovisionnements

Direction des achats 28,0 % 14,0 %

Direction logistique ou des opérations 11,0 % 30,5 %

Direction supply chain 5,5 % 16,5 %

Direction des achats et de la logistique 3,0 % 3,0 %

Direction générale 19,5 % 3,0 %

Autres directions (Dir. industrielle / DAF /Dir. commerciale…) 33,0 % 33,0 %

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tion (et pas seulement la logistique), etqu’elles soient en fait la conséquence d’uneapproche décloisonnée.

Les nouveaux métiers

Concernant l’émergence actuelle de nou-veaux métiers, les avis semblent partagés.Ainsi à la question « constatez-vous l’émer-gence de nouveaux métiers dans le domainedes achats et de la logistique ? », 74% desrépondants se sont prononcés, mais seulement29% affirment avoir réellement constatéquelque chose de tangible. Certains répon-dants mettent l’accent sur la « percée » desprévisionnistes, des auditeurs ou encore desdemand chain managers. D’autres soulignentla mutation du rôle des acheteurs : 50% desrépondants précisent ainsi que « le métier desourceur existe désormais dans leur entre-prise ». Si 65% d’entre eux situent ce nouveaumétier « à côté » de celui d’acheteur (« le sour-ceur recherche et évalue les fournisseurs,alors que l’acheteur négocie et achète avecdes fournisseurs déjà connus »), 35% pensentau contraire que le sourceur a remplacé l’a-cheteur. Certains répondants affirment ainsique « tous les acheteurs sont des sourceurs »(plutôt dans les PME), que « le métier n’estpas différent de celui d’acheteur, mais com-plémentaire », qu’il « se concentre sur desfamilles de produits spécifiques » et que « lesourcing constitue en fait une activité deveille ». D’autres encore précisent que « lessourceurs sont des acheteurs à l’import ». Sil’évolution des achats ne fait pas de doute, lesrépondants n’ont en revanche rien laissé trans-paraître quant à la gestion des fournisseursstratégiques. Aucune mention n’a été faite,par exemple, de l’apparition de postes de KeySupplier Managers.

Faire face aux évolutions en termes de métier

Concernant la formation actuelle du person-nel logistique, le taux de réponse est de 72% etil apparaît nettement que, si la formation tech-nique est indispensable, l’accent est égale-ment mis sur des formations plus globales, cequi semble logique dans le cadre d’unedémarche supply chain.

Enfin, 63% des répondants précisent l’atti-tude adoptée par leur entreprise pour faireface à l’évolution des métiers dans le cadre dela gestion des ressources humaines : 83% deces derniers affirment que cela se fait naturel-lement par capitalisation des savoir-faire(acquisition progressive et en interne de nou-velles compétences garantissant une certainepolyvalence), mais seulement 57% font appa-raître la nécessité de formations plus ciblées(notamment à la gestion de projets, au supplychain management ou au demand manage-ment) et/ou l’intégration de nouveaux colla-borateurs déjà rompus à ces démarches (enparticulier des spécialistes du marché chinoiset/ou de l’overseas).

Discussion

Nos résultats confirment que la logistique estune composante essentielle de la supplychain. Faute de Direction supply chain dansles entreprises, la logistique n’en dépend auplan organisationnel que dans 18% des cas,son rattachement étant plus généralementdirectement la Direction générale. Au plandes achats, l’enquête montre que, comme lalogistique, ils constituent une composanteclef de la supply chain, mais on constateconjointement que la fonction n’est pratique-ment jamais rattachée à la Direction supplychain quand celle-ci existe dans l’entreprise.Ce résultat, paradoxal, est significatif de laplace qu’occupent les achats dans la supplychain : ils semblent ne pas en faire partie.

Cela pose la question du caractère « straté-gique » du rôle des achats. Le rattachement decette fonction à la Direction générale (19,5%)ou sa qualité de Direction à part entière (28%)lui confère bien une dimension stratégiquepuisqu’elle est indépendante et réfère au plushaut niveau hiérarchique dans presque la moi-tié des cas. Il semble toutefois que cette posi-tion dépasse le cadre de la supply chain,révélant ainsi l’importance accordée auxachats dans la compétitivité de l’entreprise. Sila place des achats au sein de la supply chainest incertaine, soulignons en revanche le rôlefondamental joué par les approvisionne-ments. Plutôt rattachés à la Direction logis-tique ou à la Direction supply chain, comme lemontre le tableau 7, les approvisionnementsconstituent bien le lien « naturel » entre lalogistique (inclue dans la supply chain) et lesachats (hors de la supply chain). Mais cette« interface » est-elle toujours optimisée ?Nous ne pouvons en effet ignorer certainsdysfonctionnements qui révèlent le manque

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Tableau 8 : La formation du personnel logistique

Quelle formation votre personnel logistique reçoit-il ? %

1 - Aucune formation spécifique n’est dispensée (déjà bien formé) 6,5 %

2 - Formé aux seules techniques nécessaires à ses missions 42,0 %

3 - Formé plus globalement afin de mieux se situer dans la chaîne 45,0 %

Autres (1 & 2 ou bien 2 & 3 ou bien encore 1 & 2 &3…) 6,5 %

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d’échanges entre les deux fonctions (parexemple, les achats sont satisfaits d’unebonne négociation alors que la logistique setrouvera confrontée à des problèmes capaci-taires lorsque les livraisons arriveront).

Dans quelle mesure alors, le rapprochemententre les achats et la logistique, fondamentaldans le cadre du SCM, ne peut-il pas être amé-lioré ? Cela pose plus généralement la ques-tion des nouveaux métiers qu’imposent leschangements organisationnels occasionnéspar le SCM, métiers tournés vers le pilotage etla maîtrise des flux. Ils concernent aussi bienl’aval (demand manager), le cœur de la chaîne(logisticien des approvisionnements, logisti-cien de production, logisticien de distribution,etc.) ou l’amont (acheteur). Il semble que lesentreprises font face à ces mutations par capi-talisation des savoir-faire dans la grandemajorité des cas et investissent encore peudans les formations bien qu’elles soient cons-cientes de l’élargissement du champ des com-pétences lié au SCM.

Conclusion

Nous nous sommes efforcés à travers cetarticle consacré à l’impact d’une démarche

supply chain sur les métiers de la logistique etdes achats de montrer le cheminement qui aconduit les entreprises à décloisonner lesfonctions, les questions que cela soulève et lesconséquences sur les ressources humaines.

Pour comprendre la position des entreprisesvis-à-vis du SCM et de ses répercussions,nous avons mené une étude qualitative auprèsdes responsables logistiques et achats de 46entreprises de secteurs variés. Il ressort que lalogistique n’est pas confondue avec le SCM

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Encadré 4 : Synthèse des résultats

En résumé, quatre enseignements majeurs se dégagent de cette enquête :

1 – Les entreprises font bien une réelle différence entre la logistique et leSCM.

2 – La majorité des entreprises a adopté (ou est en train de le faire) unedémarche de type « supply chain ».

3 – Les entreprises affirment que la logistique et les achats (auxquels le sour-cing est rattaché) constituent des composantes clefs de la supply chain maisque l’implication des achats reste externe.

4 – Les entreprises soulignent l’importance de formations plus globales (paropposition à techniques ou spécifiques) dans le cadre du SCM, managementqui demande un élargissement du champ de compétences et fait apparaîtrede nouveaux métiers.

Tableau 9 : Tableau de synthèse des principaux résultats

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mais qu’elle en est une composante dont lerôle, toutefois, n’apparaît pas hautement stra-tégique. Le constat de cet ancrage de la supplychain dans la logistique correspond à l’évolu-tion de la fonction largement discutée au planthéorique. En revanche, les achats, bien queconsidérés comme une composante-clef de lasupply chain, n’y sont pas rattachés. On cons-tate donc qu’il persiste une ambiguïté dans lamise en œuvre du SCM quant à la placeattribuée aux achats, alors que les auteurss’accordent pour définir le rôle des achatsdans la supply chain par l’intégration desfournisseurs et l’intégration stratégique de lafonction (c’est-à-dire son alignement sur lespriorités concurrentielles de la firme). Qu’ilssoient ou non intégrés à la supply chain, (1) onattribue aux achats une portée plus stratégiqueque celle de la logistique et (2) leur connexionà la supply chain est assurée par l’intermé-diaire des approvisionnements.

Nous avons constaté qu’il est rare que ledécloisonnement des fonctions soit exhaustifet que ce n’est d’ailleurs pas forcément unobjectif pour les entreprises, notamment en cequi concerne les achats. En revanche, il appa-raît au regard de la théorie et de notre terrainqu’il y ait un intérêt réel à conjuguer la compé-tence logistique et la compétence achat quandil s’agit de gérer la supply chain. La contribu-tion managériale de cet article suggère que leslogisticiens et acheteurs, impliqués de faitdans la supply chain, devront développer descompétences liées au leadership pour l’ani-mation d’équipes « trans-fonctionnelles ». Lacompréhension de la vision stratégique desaffaires et des habilités en termes de commu-nication sont également nécessaires.

Pour ne pas engendrer de confusion sur ce quiest réellement attendu des hommes, il faudraégalement que le SCM soit défini de façonprécise au sein de l’entreprise. En effet, nousavons constaté que différentes acceptionssemblent cohabiter or, l’acception retenueinfluencera les compétences requises pourexercer les métiers de la supply chain. Infor-mer les entreprises sur le processus global deSCM leur permettra de prendre consciencedes marges de progrès possibles en termes depilotage des flux. En effet, si près de 90% desgrandes entreprises mondiales jugent que lasupply chain est fondamentale dans leur réus-site (Lee et Wassenhove [2003] pour Accen-ture), il reste des gisements de profitabilité àexploiter dans les autres firmes. Ces connais-sances pourront, entre autres, être acquises enrecrutant de jeunes diplômés rompus aux nou-veaux concepts dans leurs masters et/ou en

formant les collaborateurs en place. Il revientaux formateurs d’élaborer des programmesqui, prenant en compte les mutations de l’en-vironnement (c’est-à-dire les besoins nou-veaux en matière de supply chain),permettront d’assurer au mieux la compétiti-vité des entreprises. L’acte d’achat toutcomme les processus logistiques se veulentaujourd’hui toujours plus complexes. Les exi-gences concernant les acheteurs et les logisti-ciens en sont donc renforcées, et notammenten termes de compétences croisées.

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Jean NOLLETProfesseur titulaire, HEC Montréal, Titulaire de la Chaire de gestion des [email protected]

Martin BEAULIEUProfessionnel de recherche, Groupe de recherche CHAÎNE, HEC Montré[email protected]

Paule LETHIECQ-NORMANDSupply Chain Readiness Leader, Pratt & Whitney Canada

La gestion de la chaîne logistique requiert une contribution renouvelée desdifférentes fonctions associées au flux des matières provenant des fournisseurs etutilisées pour satisfaire le client final. Il est évident qu’une contribution accrue deces fonctions exigera des pratiques novatrices et des habiletés nouvelles pour lepersonnel. Dans ce contexte, la formation peut être un outil permettant soit decombler des lacunes courantes (côté tactique), soit de développer de nouvelleshabiletés afin de mieux répondre aux orientations à plus long terme (côtéstratégique). Pour chacune des fonctions, on retrouve des enquêtes qui ont étudiédifférentes dimensions de la formation ou des habiletés du personnel.La présente étude se distingue des autres en adoptant une perspective holistique deces questions. Nos résultats démontrent que, malgré les discours, la majorité desmoyens de formation déployés par les gestionnaires rencontrés ont été faits dansune perspective plutôt de court terme que de long terme. Pourtant, plusieurs d’entreeux ont clairement exprimé leur conviction quant au déploiement de moyens deformation permettant l’atteinte d’objectifs stratégiques. Nos résultats peuventamener les gestionnaires des différentes fonctions associées à la chaîne logistique àréfléchir à la valeur réelle accordée à la formation.

Introduction

Au cours des 30 dernières années, des analy-ses ont démontré les bénéfices d’une intégra-tion de la chaîne logistique (Cooper et al.,1996 ; Christopher, 1998 ; Lapide, 2006),cette dernière s’articulant autour des fonc-tions de distribution, de production, de logis-tique et de l’achat (Tracey et Smith-Doerflein,2001). Plusieurs de ces fonctions ont d’ail-leurs recherché un renouvellement de leur

contribution par le déploiement de meilleurespratiques. Gowan et Tallon (2003) ont recenséde nombreuses études qui concluent que lagestion des ressources humaines est un vec-teur crucial à la mise en oeuvre de ces meilleu-res pratiques. Pour Tracey et Smith-Doerflein(2001), cette dernière constatation serait uneévidence puisque les habiletés du personnel(brainpower) sont la clé d’une chaîne logis-tique performante.

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Formation des acheteurs canadiens :d’une volonté stratégiqueà une action opérationnelle

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Par la mise en œuvre d’une stratégie de recru-tement appropriée, il est possible de sélection-ner du personnel présentant le profilrecherché pour un emploi et ainsi réduire lescoûts de formation lors de l’embauche(Lyons, 2004). Cependant, comme lesemployés sont parfois invités à changer deposte ou à gravir les échelons et que l’environ-nement concurrentiel est en mutation, il seraitillusoire de croire que les habiletés initialesdemeureront valables dans tous les contextesde travail. La formation devient donc néces-saire afin d’accompagner le développementdes individus et d’accroître la performanced’une fonction. Elle peut aussi être un moyenafin de retenir les employés de talent (Ellingeret al., 2005). Cependant, Olian et al. (1998)ainsi que Stetar (2005) constatent que peud’organisations déploient une véritableréflexion stratégique quant à la formation,plusieurs n’y voyant là qu’une activité de sou-tien afin de combler les déficiences desemployés dans leur travail actuel.

Ainsi, deux tendances contradictoires pren-nent forme : une volonté des organisations àaccroître la contribution des fonctions de lachaîne logistique et, parallèlement, unemésestimation de l’apport des activités de for-mation. Dans ce contexte, il semble pertinentde se questionner sur la façon dont les organi-sations soutiennent les efforts de formationdes employés oeuvrant à l’une ou l’autre desfonctions de la chaîne logistique.

Pour étudier ce phénomène, nous avons ciblél’une des fonctions de la chaîne logistique,soit l’achat. Deux raisons principales moti-vent ce choix. D’abord, plusieurs des prati-ques de gestion de la chaîne logistiques’articulent autour des activités d’achat et degestion des fournisseurs (Larson et Halldors-son, 2002 ; Li et al., 2006). Aussi, depuis denombreuses années, plusieurs analystes plai-dent en faveur d’une gestion des achats plusstratégique (McIvor et al., 1997 ; Spekman,1985). Puisque cette fonction évolue passa-blement, elle devrait recourir à des efforts deformation. Cette impression est d’ailleursconfirmée par une enquête européenne auprèsde gestionnaires des achats, précisant que lamise à niveau des habiletés du personnel estleur seconde priorité, précédée par la réten-tion du talent (IBM Business Consulting Ser-vices, 2005).

Cet article s’amorce par un examen des écritstraitant de l’évolution des habiletés pour lesdifférentes fonctions de la chaîne logistique etprésentant les principaux constats associés

aux efforts de formation dans ce domaine.Puis, suit une brève description de la métho-dologie utilisée et du profil des répondants.Cette section-là est suivie de la présentationdes résultats. L’article enchaînera par leuranalyse. Finalement, la conclusion offriraentre autres des pistes de réflexion à l’inten-tion des gestionnaires.

Recension des écrits

Certains auteurs évoquent l’émergence d’uneprofession de supply chain manager qui ver-rait à offrir une vision unifiée des fonctionsd’achat, de production et de logistique (Dis-chinger et al., 2006). Cependant, la réalitéprésente est autre, chacune de ces fonctionsétant vue comme une composante de la ges-tion de la chaîne logistique, ce qui a tout demême conduit à une remise en question desfinalités de chacune de celles-ci. Par exemple,l’étude de Murphy et Poist (2007) fait étatd’un changement dans la nature et l’étenduedes responsabilités des logisticiens au coursdes 15 dernières années, ce qui a mené à unemutation des habiletés nécessaires pour rem-plir leurs mandats. Murphy et Poist (2007)soulignent aussi que les cadres supérieurs dela logistique des années 2000 doivent maîtri-ser davantage des habiletés managériales quetechniques. Myers et al. (2004) avaient définiles habiletés managériales selon quatrevolets : habiletés sociales, habiletés de prisede décision, habiletés de résolution de problè-mes et habiletés de gestion du temps. Quant àMangan et al. (2001), ils avaient identifié queles habiletés suivantes seraient requises dansun proche avenir : communications/négocia-tions; informatique et technologie de l’infor-mation, logistique et gestion de la chaînelogistique, ainsi que gestion du personnel.

Cette dualité des habiletés techniques etmanagériales est présente dans le cas de lafonction achat (Viargues, 2001) et cette der-nière a également connu une évolution dubagage d’habiletés requis. À partir des tra-vaux de Giunipero et Pearcy (2000), ainsi quede Giunipero et Handfield (2004), nous avonsconstruit le tableau 1 qui présente les habiletéstraditionnelles et émergentes en achat. Leshabiletés dites « traditionnelles » sont cellesqui reviennent constamment à l’intérieur desdifférents classements depuis 1993, alors queles habiletés « émergentes » ne sont apparuespour la première fois à la tête de ces mêmesclassements que plus récemment. Les habile-tés émergentes ne viennent pas se substitueraux habiletés traditionnelles, mais elles s’y

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ajoutent plutôt, ceci se traduisant par unbesoin d’individus avec des profils plus diver-sifiés. Ce tableau montre aussi l’apport plusconsidérable des habiletés managériales com-parativement à celles plus techniques.

Pour un emploi donné, les organisations pour-raient toujours recruter des individus possé-dant déjà le profil recherché. Cependant, cetteperspective comporte des limites, car la ges-tion de la chaîne logistique est en constanteévolution suite aux transformations de l’envi-ronnement : internationalisation des marchés,transfert de responsabilités vers les fournis-seurs, etc. Cette évolution exige une mise àniveau des habiletés professionnelles. Parallè-lement, il ne faut pas négliger le fait que la for-mule du recrutement comporte aussi seslimites, dans la mesure où le personnel quali-fié dans le domaine se fait ou se fera de plus enplus rare et que nous assisterons à des phéno-mènes de pénurie de main-d’œuvre en achat(Viargues, 2001) ou en logistique (Roy et al.,2002). Ceci rejoint les propos de Trent etMonczka (1998) qui ont constaté qu’unefonction en évolution suscite inévitablementun besoin de formation accrue.

Une recension réalisée principalement à partird’écrits scientifiques a permis de retracer desenquêtes ayant analysé les enjeux de forma-tion pour l’une ou l’autre des grandes fonc-tions associées à la chaîne logistique. Pour lesactivités de production, l’étude de Kok (2002)met surtout en lumière l’effet de la taille del’entreprise sur les ressources consenties à laformation. Il réitère le lien positif entre les res-sources allouées à la formation et l’impact surla productivité des employés. Pour leur part,Barcala et al. (2000) ont étudié le contenu deprogrammes de formation dans le domaine dela distribution dans le secteur du commerce dedétail. Ils constatent une faiblesse dans lesprogrammes de formation quant au dosagedes contenus théoriques et pratiques.

Pour la fonction logistique, nous avons retracéquelques travaux, dont certains précisent lanature du corpus de connaissances que devraitdétenir un professionnel de la logistique (voirDadzie, 1982; Tracey et Smith-Doerflein,2001; Wu, 2006). Ellinger et al. (2005) ontconstaté que les organisations en charge decentres de distribution ont accordé peu d’im-portance aux activités de formation et dedéveloppement du personnel. Une autreétude, celle de Arlbjorn et al. (2006), analyseune démarche de formation en entreprise pourdes professionnels de la logistique. Les tra-vaux de Mangan et al. (2001), menés auprèsde professionnels de la logistique en Irlande,offrent une perspective plus complète, car ilsintègrent tant les méthodes de formation et lanature des cours suivis, que les retombéespour les individus. Les méthodes de formationsuivantes sont jugées les plus efficaces par lesrépondants de l’étude : séminaires et ateliers,formation en entreprise, formation en entre-prise avec un formateur externe, formationexterne et formation en action (on the job).

Pour la fonction achat, l’étude de Giunipero etHandfield (2004) conclut que les programmesde formation ont peu évolué au cours des 10dernières années. Leurs résultats démontrentque d’ici l’année 2010 la formation en milieude travail serait en partie remplacée par l’ac-compagnement et de la formation par Inter-net, ainsi que par la rotation de postes. Pour cequi est des thèmes de formation, le tableau 2en trace l’évolution à trois moments du passéet mentionne l’évolution anticipée par les ges-tionnaires pour l’an 2010. Il en ressort quecertains thèmes ont connu une hausse appré-ciable de popularité. Ainsi, les thèmes commela conduite éthique, la gestion de la chaînelogistique, la gestion des stocks et la gestionde la fonction achat sont passés d’inexistantdans les études de 1993, à « présent dans le top10 » de l’année 2003. En soi, ces résultatssemblent cohérents avec ceux présentant les

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Tableau 1 : Les habiletés recherchées en achat

Habiletés traditionnelles Habiletés émergentes

Communication interpersonnelle Éthique

Capacité à prendre des décisions Leadership

Capacité de négociation Réflexion stratégique

Capacité d’influence et de persuasion Rédaction de contrats

Résolution de conflits Gestion du changement

Capacité d’analyse Gestion des fournisseurs

Résolution de problèmes Gestion de risques

Préoccupation client

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habiletés émergentes en gestion des achats.Mais en plus, il en ressort une volonté d’avoirune perspective plus large des enjeux dudomaine des achats et de jeter les bases d’unegestion de la chaîne logistique.

Bien qu’offrant des portraits fort intéressantssur les habiletés à détenir, les thèmes de for-mation demandés et les méthodes de forma-tion privilégiées, ces études ne réconcilientpas vraiment ces aspects entre eux. Parexemple, Tracey et Smith-Doerflein (2001)ont déjà évoqué que les méthodes de forma-tion plus interactives seraient mieux adaptéespour des adultes déjà sur le marché du travail.Aussi, de Boisfleury (2004) précise que lesformations inter ou intra entreprise répondentà des objectifs pédagogiques distincts. Dansce contexte, il semble pertinent de se ques-tionner sur la façon dont les organisations sou-tiennent les efforts de formation des employésoeuvrant dans l’une ou l’autre des fonctionsde la chaîne logistique. Ceci permettrait d’étu-dier le déploiement des efforts de formation, àsavoir l’adéquation entre les objectifs et lesmoyens. Il permettrait de valider jusqu’à quelpoint la formation est un outil retenu pouraccroître la contribution d’une fonction.

Méthodologie et profildes répondants

Pour analyser cette thématique de recherche,nous avons réalisé une étude auprès d’ache-teurs de grandes entreprises canadiennes(plus de 500 employés). Le choix de cettepopulation se justifie par plusieurs motifs.D’abord, nous voulions réduire la complexitéde l’environnement étudié en ne retenantqu’une seule fonction. Nous avons sélec-tionné la fonction achat, car cette dernièrejoue un rôle clé dans la gestion de la chaîne

logistique. En sélectionnant des acheteursprovenant de grandes entreprises, nous veil-lons de cette façon à avoir un milieu où existeun service professionnel de gestion du per-sonnel et où il y a des ressources à consacrer àla formation. Enfin, le choix d’entreprisescanadiennes nous permettait de composeravec les ressources de temps et d’argentdisponibles.

Nous avons étudié 12 entreprises. Ce nombrede répondants nous semble suffisant, puisquel’enquête est de type exploratoire, entre autresparce que notre recension des écrits ne nous apas permis de retracer des études similaires.Outre la taille de l’entreprise, le choix desrépondants s’effectuait sur la base que le ges-tionnaire était responsable d’une équipe d’a-cheteurs, d’où le fait de retenir de grandesentreprises, ce qui rendait plus plausible laprésence d’un service des achats d’une cer-taine envergure. Au tableau 3, nous fournis-sons quelques caractéristiques des répondantset de l’entreprise qui les emploie ; l’échantil-lon présente une diversité quant à la taille duservice et à la nature de l’organisation.

Les données ont été collectées au cours del’année 2005. Nous avons procédé par voied’entrevues semi-structurées, une approcheappropriée compte tenu du caractère explora-toire de l’étude (Selltiz et al., 1976). L’outil decollecte comportait principalement cinq sec-tions : l’identification des besoins de forma-tion, la stratégie de formation adoptée,l’opinion des répondants quant à la formationen achat, le suivi de la formation et la visiongénérale du répondant sur la formation. Lesentrevues ont été retranscrites et, par la suite,elles ont été codées selon le système de matri-ces suggéré par Huberman et Miles (1991).Une matrice a été conçue pour chaque caté-gorie de répondants. Sur ces matrices, on

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Tableau 2 : Les thèmes de formation les plus en demande

Thèmes 1993 2000 2003 2010

Négociation 85 % 84 % 63 % 69 %

Droits et contrats 67 % 70 % 48 % 63 %

Conduite éthique N.D. N.D. 56 % 57 %

Gestion de la chaîne logistique N.D. N.D. 31 % 56 %

Gestion de la qualité totale / Six-Sigma 70 % 81 % 43 % 54 %

Fondements en achat 77 % 77 % 41 % 44 %

Gestion de la fonction achat N.D. N.D. 33 % 43 %

Gestion des stocks N.D. N.D. 28 % 41 %

Certification professionnelle (C.P.M./CPIM) 43 % 56 % 30 % 37 %

Source : Giunipero et Handfield (2004)

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retrouve horizontalement une lettre pour dési-gner un répondant, alors que les points traitéslors de l’entrevue sont inscrits dans les colon-nes. Cette approche permet de comparer rapi-dement les réponses offertes pour une mêmequestion et d’identifier des tendances. Pournuancer les tendances dégagées ou pour offrirdes exemples corroborant nos propos, nousretournions aux retranscriptions d’entrevues.Cette stratégie a été appliquée avec succèsentre autres par Nollet et Beaulieu (2002)pour une autre enquête menée auprès d’ache-teurs.

Présentation des résultats

Le tableau 4 présente les investissements enformation des 12 entreprises répondantes.Précisons qu’il y avait une restructurationdans l’entreprise D, et la direction avait décidéde suspendre pour cette année-là tous lesefforts de formation, ce qui explique le résul-tat au tableau 4 (ceci ne vient que supporternotre conclusion subséquente quant à l’im-portance parfois secondaire de la formation).Globalement, lorsque l’on compare les effec-tifs ayant suivi de la formation avec le nombretotal d’employés (tableaux 3 et 4), c’est plusde 60 % des employés en achat qui ont suivi

une formation moyenne annuelle de troisjours. En recourant à un test de corrélation deSpearman pour des données non paramétri-ques (Siegel, 1956), nous n’obtenons pas decorrélation significative entre la taille(exprimée en volume d’achats – tableau 3) etle nombre de jours de formation par employé(tableau 4). Ainsi, sur la base de notre échan-tillon, contrairement aux prétentions de Kok(2002), nos résultats ne nous permettent pasde dégager une relation entre la taille et lesinvestissements en formation.

Les entretiens menés auprès des gestionnairesen achat ont révélé que, dans la majorité descas, l’identification des besoins en formationse fait conjointement entre l’employeur etl’employé, en tenant compte du plan d’éva-luation annuelle de l’employé. Ainsi, lors del’étape de définition des objectifs personnelsannuels, un employé doit également détermi-ner certains moyens – dont la formation – luipermettant d’atteindre les objectifs établis.Par ailleurs, les gestionnaires ont répondu quel’expérience de travail et la formation passéede l’employé influencera non pas le type deformation, mais plutôt si un acheteur en béné-ficiera ou non. Par ailleurs, les cours suivissont indéniablement liés au profil desemployés en poste.

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Tableau 3 : Profil des répondants

Répondant Poste du répondant ServiceNombre

d’employésaux achats

Valeurannuelle

des achatsNature des achats

A Gestionnaire, achats Achats, centre de distribution 4 310 millions Produits finis pour la revente

B Vice-président ventes et achats Ventes et achats 5 55 millions Matières premières

C Directeur, achats stratégiques Achats corporatifs 60 450 millions Matières premières, biens etservices, immobilisations

D Directeur achats Achat 40 1,4 milliard Produits finis pour la revente

E Vice-président achatscorporatifs Achats contractuels 8 950 millions Produits finis pour la revente

F Directeur, achats indirects Chaîne logistique 15 300 millions Matières premières, biens etservices, MRO

G Directeur principal achats etgestion du matériel Achats 75 200 millions Matières premières, biens et

services, MRO

H Directeur, achats stratégiques Achats 180 1 milliard Matières premières, biens etservices, MRO

I Responsable, achats Achats 7 138 millions Matières premières, biens etservices, MRO

J Premier directeur achats Achats 45 2 milliards Matières premières, biens etservices, MRO

K Vice-président principal, achats Achats 50 2 milliards Matières premières, biens etservices, immobilisations

L Directeur, achats, biens etservices 11 80 millions Produits finis, pièces, biens et

services, immobilisations

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Le tableau 5 présente les cours les plus fré-quemment suivis en achat au cours des 12mois précédant notre enquête. Plus de la moi-tié des répondants ont identifié les cours denégociation parmi les cours les plus impor-tants. Pour justifier ce choix, plusieurs ges-tionnaires, reconnaissant que les pratiques denégociation avaient changé d’une logique de« bras de fer » à une recherche de collabora-tion, soulignaient que cette dernière approchedemandait des pratiques différentes de cellesutilisées antérieurement.

Pour alimenter la formation, les sources inter-nes les plus fréquemment mentionnées par les

répondants étaient le service des achats etcelui des ressources humaines. Seulement uneentreprise a signalé avoir recours à d’autressources internes, soit le service des technolo-gies de l’information et le service du trans-port. Par contre, deux répondants ont soulignén’utiliser aucune source de formation interne.En revanche, tous les répondants ont indiquéqu’ils utilisaient des sources externes pour laformation en achat. Généralement, les sour-ces qui semblent les plus importantes sont, enordre décroissant, les établissements d’ensei-gnement, les firmes de consultants, les asso-ciations professionnelles et les spécialistes enachat. Les entretiens démontrent que les outilsde formation autres que les cours sont moinspopulaires. Les plus populaires sont lescahiers d’exercices ou manuels (9 entreprises)et l’apprentissage en ligne (6 entreprises). Enfait, trois répondants ont indiqué qu’ils n’enutilisaient aucun et quatre, qu’ils n’en utili-saient qu’un ou deux. De plus, lorsqu’ondemande aux répondants de préciser lenombre d’heures de formation par employéutilisant ces outils, ils affirment que cenombre est peu élevé, en moyenne entre 5 et10 heures par an. Il semble donc que les entre-prises privilégient la formation « face à face »,car celle-ci permettrait d’interagir avec d’au-tres individus, de poser des questions et denouer des relations interpersonnelles. Cerésultat rejoint les propos de Tracey etSmith-Doerflein (2001).

Finalement, ces mêmes entretiens ont permisde cerner que cinq répondants perçoivent laformation comme ayant un rôle plutôt tac-tique, c’est-à-dire que les objectifs de cetteactivité visent le développement d’habiletésassociées aux tâches à accomplir à court et àmoyen terme. Dans ce contexte, la formationsert alors à développer de nouvelles habiletésou à mettre à jour celles déjà acquises. Ceshabiletés sont généralement clairement déter-minées; celles mentionnées lors des entrevuessont : la négociation, la compréhension duproduit ou du marché et la gestion des stocks.Ces répondants ont d’ailleurs indiqué qu’ilsne faisaient face à aucune restriction budgé-taire ou autre pour leurs besoins de formationde ce type.

Par conséquent, sept répondants perçoiventleurs activités de formation de manière davan-tage stratégique, soit comme un moyen d’at-teindre les objectifs stratégiques del’organisation, comme par exemple, être unchef de file de leur industrie, déployer descapacités d’innovation ou maximiser la renta-bilité de l’entreprise. Plus concrètement, ces

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Tableau 4 : Investissement en formation

Répondant Montant investi en formation Nombre de jours de travailpassés en formation

Total* Par employé Total Par employé

A 2 000 $ 2 000 $ 3 3

B n.d. n.d. 15 4

C 30 000 $ 500 $ 60 1

D 0 0 0 0

E 5 000 $ 5 000 $ 3 3

F 11 000 $ 1 000 $ 44 4

G 150 000 $ 2000 $ 375 5

H n.d. n.d. 1440 8

I 5 585 $ 798 $ 28 4

J n.d. n.d. 250 5

K 65 000 $ 1 300 $ 100 2

L n.d. n.d. 22 2

* 1 Cdn $ = 0,65 Euro

Tableau 5 : Liste des principaux cours suivis

Rang Cours Fréquence

1 Négociation 8

2 Gestion 5

3

Aspects juridiques 3

Gestion de projets 3

Informatique 3

Technique 3

4

Importation/douanes 2

Gestion des stocks 2

Analyse de coût et rendement 2

5

Leadership 1

Lean manufacturing 1

Chaîne logistique 1

Commerce international 1

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répondants souhaitent que l’acheteur puisserépondre aux nouveaux défis de sa fonction.Par ailleurs, ils ont admis que les moyens(gens, temps et argent) mis à leur dispositionsuffisaient à peine à atteindre ces objectifsplus ambitieux.

Discussion

D’abord, la plupart des répondants adoptentune perspective relativement simpliste pourdéfinir les besoins de formation. Cet exerciceprend principalement la forme d’entretiensentre l’employeur et l’employé. Stetar (2005)a dénoncé ce type d’approche, car elle négli-gerait les objectifs à atteindre à court, moyenet à long terme dans le développement del’employé et elle ne permettrait pas d’identi-fier les meilleures méthodes de formationpour transmettre des connaissances.

Ensuite, à la lecture du tableau 5 on constateque les répondants ont retenu des cours ayantun caractère plutôt technique (négociation,gestion de projets, gestion des stocks, dédoua-nement, etc.) au détriment des habiletésmanagériales. Il y a bien une ouverture versune perspective de la gestion de la chaînelogistique (par exemple, cours en chaînelogistique, lean manufacturing), mais il s’agitd’un effort marginal.

Aussi, les répondants retiennent principale-ment des sources externes pour la formation.Ce type de résultat a été confirmé par le résul-tats d’une récente enquête menée auprès de lamême population (Blueprint Public Rela-tions, 2007). Cependant, compte tenu desexercices de définition des cours de forma-tion, on peut émettre un doute quant aux choixdes méthodes de formation. Les travaux deMangan et al. (2001) auprès de gestionnairesde logistique arrivent à une conclusion simi-laire, alors que les stratégies de formation lesplus utilisées ne sont pas nécessairement cel-les jugées les plus adéquates par les employés.Les gestionnaires tendent ainsi à sous-estimerl’éventail de techniques qui peuvent êtredéployées (Thamhain, 1992) (voir l’annexe 1)et par conséquent les différents facteurs pou-vant influencer le choix de la meilleureméthode de transmission des connaissances.

En soi, ces résultats renforcent le constat prin-cipal de notre étude à l’effet que les organisa-tions adoptent principalement une perspectivetactique dans leurs stratégies de formation.Sur la base de notre échantillon, il est plusfacile pour un gestionnaire d’allouer des res-sources en formation lorsque ces dernières

contribuent à des retombées immédiatesplutôt qu’à long terme. À partir de cette obser-vation, nous avons construit la figure 1, enséparant le type de stratégie de formation :d’un côté, une perspective plus tactique,centrée sur le court terme et, de l’autre côté,une approche plus stratégique misant sur lelong terme. Tout en reconnaissant qu’il existeun éventail de perspectives sous lesquelles laformation peut être perçue, nous avons optépour caractériser les pôles d’« indispensable »et de « souhaitable ». Nous attribuons à la for-mation le premier qualificatif lorsque les ges-tionnaires la considèrent comme un outil depremier plan afin d’atteindre certains objec-tifs. Nous la qualifions de « souhaitable » dansles cas où les gestionnaires reconnaissent plusou moins l’apport de la formation et que desefforts de formation, souvent plutôt restreints,sont mis en œuvre. Nos observations indi-quent que la formation à court terme estdavantage considérée comme étantindispensable que celle à long terme et plusstratégique.

La figure 1 illustre aussi que lorsque les ges-tionnaires adoptent une approche tactique, laformation semble être considérée comme« indispensable » afin de développer des habi-letés spécifiques. Pour ce faire, les gestionnai-res ont accès aux ressources nécessaires,puisque visiblement la formation est impéra-tive à l’exécution des tâches quotidiennes. Enrevanche, lorsque les gestionnaires désirentutiliser la formation comme moyen straté-gique, leur perception quant à l’apport de laformation est que cette dernière ne devientque « souhaitable ». Comme il n’y a pas devéritable sentiment d’urgence, il s’avère êtreplus difficile de justifier le déploiement d’ef-forts financiers en formation.

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Figure 1 : Deux visions sur la formation en gestion des achats

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Conclusion

La gestion de la chaîne logistique requiert uneadéquation entre la contribution des différen-tes fonctions associées au flux des matièresprovenant des fournisseurs et ce que souhaitele client final. L’évolution du contexte d’affai-res implique une contribution accrue de cesfonctions. Le tout devra se concrétiser par despratiques de travail et des habiletés parfois dif-férentes de celles déployées antérieurement.Dans un tel contexte, la formation peut certess’avérer un moyen important pour favoriserune meilleure contribution de chacune desfonctions à la satisfaction du client final. Cetype de constatation va dans le sens des proposde Farmer (1981), un pionnier anglais dudomaine des achats, qui avait mis en évidencele facteur humain comme l’un des motifspouvant expliquer la faible contribution d’unefonction.

Notre enquête cherchait d’ailleurs à com-prendre quelles sont les stratégies en matièrede formation des professionnels de la chaînelogistique. Pour des raisons d’efficience, nousavons eu recours à la fonction achat commebase d’étude pour tirer des leçons pouvantaussi s’avérer appropriées aux autres fonc-tions associées à la gestion de la chaîne logis-tique. Évidemment, pour déterminer si c’estbien le cas, des études semblables devraientêtre réalisées pour chacune de ces fonctions.Aussi, le fait que tous les cas aient été menésdans des firmes localisées au Canada pourraitrestreindre la généralisation des conclusions.Nous ne doutons pas que des enquêtes similai-res menées dans d’autres contextes nationauxpourraient offrir des comparatifs intéressantsou confirmer les résultats actuels.

Malgré le caractère exploratoire de notreétude, il ressort que, au-delà des discours, lesstratégies de formation déployées par les ges-tionnaires rencontrés ont souvent été faitesdans une perspective plutôt de court terme quede long terme. Pourtant, plusieurs répondantsont clairement exprimé leur conviction quantà la pertinence de développer des moyens deformation permettant l’atteinte d’objectifsstratégiques. Notre échantillon était pourtantcomposé de grandes entreprises qui devraientavoir les moyens de mener une réflexion plusélaborée pour les questions de formation.

Cette perspective plus tactique est renforcéepar d’autres résultats. En effet, notre enquêtetend à démontrer que la formation est vuedans une perspective unidimensionnelle,alors que la principale méthode de formation

retenue prend la forme de cours offerts par desagents externes à l’organisation. Aussi, con-trairement à ce que beaucoup de nos répon-dants font, la stratégie de formation devraitdépasser la simple rencontre entre l’employéet ses supérieurs, pour s’inscrire à l’intérieurd’un programme de développement axé éga-lement sur le moyen et le long terme.

Un tel programme implique un questionne-ment sérieux quant à la contribution attenduede toute fonction. Voici certaines des ques-tions que devraient se poser les gestionnairesdans un tel contexte : quelle performance doitatteindre l’employé ? Quelles connaissancesdoivent être maîtrisées par l’employé pouratteindre les objectifs établis ? Quel est l’étatde ses connaissances actuelles ? Quelle est lameilleure méthode de transmission desconnaissances additionnelles requises ? Cesquestions vont dans le sens des recommanda-tions de Olian et al. (1998) ainsi que de Stetar(2005), qui affirment que tout exercice de for-mation devrait démarrer par une définition dela performance attendue ; la réponse à cettequestion ne peut être offerte que par l’em-ployeur.

Un tel programme doit aussi être relativementpersonnalisé, car les besoins de formation dif-fèrent significativement entre les postes desubordonné et ceux de cadre. Il faudrait donctenir compte tant du parcours passé de l’indi-vidu, que de son plan de carrière. Cependant,une telle approche vient en contradiction avecla tendance naturelle des organisations à pri-vilégier nettement les résultats à court terme.Justement, Hamel et Prahalad (1995) rappel-lent qu’une suite de perspectives à court termene crée pas une stratégie à long terme, car ellene fait que préserver une perspective orientéesur l’immédiat. Les gestionnaires doiventdonc être capables d’anticiper les habiletés dupersonnel qui seraient requises à plus longterme. Pour ce faire, Gordon (2006) suggèreaux entreprises de développer des indicateursde performance associés aux activités de for-mation, afin de pouvoir mesurer les impactsde celles-ci. Par ailleurs, mieux vaut débuterla mise en place des décisions visant le longterme aujourd’hui, tant au niveau de la forma-tion que pour tout autre volet des affaires.Sinon, le temps pour faire les changementsrequis manquera…

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Logistique & Management

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Annexe 1

Définition et description des méthodes de formation

Nom Définition

Formation en milieu de travail Formation formelle qui se donne au poste de travail d’un employé ou sur le terrain à l’occasion del’exécution d’opérations ou de tâches normales de production.

Rotation de poste Stage temporaire à différents postes afin d’acquérir les habiletés nécessaires à chacun des postes(par ex. contrôle des stocks, contrôle de la qualité, réception de la marchandise).

Formation formelle en classe Mode de formation déterminé par la présence d’un formateur ou d’un professeur dans la salle declasse auprès des apprenants.

Formation mixte Recours à plus d’une méthode de formation afin de développer les habiletés requises.

Formation informelle en milieu detravail

Formation informelle qui se donne au poste de travail d’un employé ou sur le terrain à l’occasion del’exécution d’opérations ou de tâches normales de production. Elle peut également se faire enobservant un employé d’expérience accomplir son travail.

Formation par Internet (ou pard’autres supports électroniques)

Formation à distance dans un domaine déterminée, qui est diffusé par l’intermédiaire du réseauInternet ou grâce à un support électronique comme un DVD ou un CD-Rom interactif.

Accompagnement (coaching)

Ensemble de conseils personnalisés et de mesures de suivi apporté à court et à moyen terme, à uneou à plusieurs personnes, pour répondre à des besoins d’ordres personnel, familial et professionnel,qui facilitent des prises de conscience, qui aident les personnes à développer leurs habiletés et àles mettre en œuvre, à trouver leurs propres solutions et à les appliquer.

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Joëlle MORANAMaître de Conférences, Université de Lyon II, LET, [email protected]

Déterminer et évaluer les axes de progrès du Supply Chain Management (SCM) estprimordial. Cet article s’intéresse à cette problématique par une étude effectuéeauprès d’employés d’une multinationale du secteur de la haute technologie. Pourcela, un questionnaire est proposé, qui décrit neuf thèmes qui définissent lesfacteurs clés de succès du SCM. Les résultats – par une analyse univariée et uneanalyse en composantes principales – permettent de classifier les thèmes et lesitems jugés importants par les répondants. Quatre axes de progrès sont considérés :un axe stratégique, un axe socio-organisationnel, un axe technologique et un axe‘capacité de réponse’. Les réponses obtenues permettent également de situer laperception de la pratique de ce type de démarche, et d’ajuster – si besoin – desactions correctives pour une diffusion plus fine.

Introduction

Le présent article part du constat selon lequelle Supply Chain Management (SCM) – en tantque démarche stratégique de gestion – faitl’objet de questionnements de plus en pluspoussés sur sa mesure. Idéalement, pour assu-rer la réussite de tout projet (tel que peut-êtreconsidéré le SCM), il convient d’énoncer clai-rement la problématique et de réfléchir sur lesimpacts technologiques, humains et organisa-tionnels dudit projet. Autrement dit, pour cha-cun de ces éléments, l’identification desdifférents besoins, suivi de leur maîtrise doiten assurer sa mise en œuvre, sa mise en place,sa pérennisation. Or, dans le cadre du SCM,une des premières difficultés à sa mesure estl’absence d’une définition normalisée1. Cefaisant, la littérature maintenant abondantesur le thème du SCM permet d’entériner un

certain nombre de dimensions, elles-mêmesdécomposées en items aptes à être utiliséscomme mode opératoire. L’objet auquel l’ar-ticle tente d’apporter des éléments de réponseest : peut-on concevoir un questionnaire apte àfaciliter la mesure du SCM, à travers l’énumé-ration de dimensions et items clés ?

La grille de lecture qui est proposée s’appuiesur une analyse de travaux de la MichiganState University, de l’Ohio State University etd’un regroupement d’auteurs mené par JohnT. Mentzer. L’optique est de repérer les idéesphares mises en exergue et les composants s’yréférant. L’ensemble montre des réflexionsapprofondies mais pour autant peu de tests invivo. De là, le choix fait par l’auteur de s’ap-puyer sur une étude menée auprès d’entrepri-ses portant sur le Total Quality Managementdans une perspective de chaîne d’approvi-

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La démarche Supply ChainManagement vue par les salariésd’une multinationale de la hautetechnologie

1 - Parmi les dernièresdéfinitions proposées, il estpossible de retenir la définitiondu Council of SCMProfessionals qui précise que le« SCM comprend laplanification et la gestion detoutes les activités relevant dela recherche de fournisseurs, del’approvisionnement, de latransformation et toutes lesactivités relevant dumanagement logistique. Celainclut tout particulièrement lacoordination et la collaborationentre les partenaires du canal,qui peuvent être desfournisseurs, desintermédiaires, des prestatairesde services et des clients. Ensoi, le SCM intègre donc lemanagement de l’offre et de lademande, au sein et entre lesentreprises » (Gibson et al.,2005).

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sionnement (Forker et al., 1997) : question-naire jugé finalisé et utilisable dans le cadre del’étude ici menée – sous couvert, il va de soi,d’amendements pour rejoindre une philo-sophie SCM.

Vers une détermination desdimensions et items clés du SCM

Plusieurs écoles et plusieurs auteurs ont définiles processus2 du SCM. Dans le cadre de cetarticle, nous poserons un regard sur trois tra-vaux jugés représentatifs des réflexionsactuelles sur le SCM : ceux de la MichiganState University qui présente la ‘supply chainstructure 2000’ (GRLT, 1995 ; Bowersox etal., 1999), ceux de l’Ohio State University(Cooper et al., 1997 ; Lambert et al., 1998) etceux du groupe de travail de Mentzer et al.(2001) suivis par l’étude de Min et Mentzer(2004).

Dans la perspective de la Michigan State Uni-versity (GRLT, 1995 ; Bowersox et al., 1999),le SCM associe trois “contextes”. En premierlieu, le contexte ‘opérationnel’ recommandel’intégration des parties prenantes dans unprojet conjoint. A travers ce contexte, l’objec-tif recherché est de maximiser les efforts destandardisation entre acteurs amont, interne etaval de la chaîne d’approvisionnement. Endeuxième lieu, le contexte ‘planification etcontrôle’ recherche la compatibilité des tech-nologies de l’information et de la communica-tion. Son orientation est - via une technologieoptimale, une planification et un contrôle - depermettre aux différentes parties prenantesd’avoir connaissance de l’état des systèmes etde mettre en cohérence les différentes res-sources en présence. Enfin, en troisième lieu,le contexte ‘comportemental’ souligne lacoordination des acteurs avec une définitiondes rôles de chacun et un partage des profits etrisques. De l’analyse de ces travaux, il est pos-sible de retenir deux préconisations centrales,à savoir (1) l’importance de l’étude, modélisa-tion et évaluation des connexions au sein desprocessus ceci afin d’assurer une réelle effica-cité du SCM et (2) la recherche d’une mêmefinalité, d’une même standardisation dans laconception d’un produit et d’un service.

Dans les travaux de l’Ohio State University(Cooper et al., 1997 ; Lambert et al., 1998),trois éléments premiers composent le SCM :la structure relationnelle du réseau de lachaîne d’approvisionnement, les processusmanagériaux de la chaîne d’approvisionne-ment et la gestion des composants. L’objet

principal de la structure relationnelle duréseau de la chaîne d’approvisionnement estd’identifier le nombre et le positionnementcritique des acteurs dans la chaîne. Pour lesprocessus managériaux, l’optique est ici dedésigner et d’analyser les processus dechaque activité. Divisé en une composantephysique et technique et une composantemanagériale et comportementale, le troisièmeélément considère que « si les composantesmanagériales et comportementales ne sontpas alignés pour conduire et renforcer uncomportement organisationnel en supportdes objectifs et des opérations de la supplychain, la supply chain sera probablementmoins compétitive » (Lambert et al., 1998).En regard de ces différents éléments, deuxpoints importants apparaissent, à savoir que leSCM (1) s’apprécie au-delà d’une chaîned’approvisionnement ‘classique’ : fournis-seur-entreprise-distributeur-client mais aucontraire ramifie plusieurs fournisseurs, plu-sieurs entreprises et plusieurs distributeurs envue de délivrer un bien et un service à un clientfinal et (2) se présente comme une philo-sophie qui touche la culture même de chaqueorganisation.

Mentzer et al. (2001) proposent deux cons-truits afin de structurer le SCM : une “SupplyChain Orientation” (“la mise en place par uneorganisation d’implications systémiques etstratégiques concernant les activités tacti-ques impliquées dans la gestion des différentsflux de la chaîne d’approvisionnement”) et un“Supply Chain Management” (“la coordina-tion systémique, stratégique et la gestion tac-tique des actions au sein des départementsd’une organisation particulière, ainsi que desaffaires menées à l’intérieur de la chaîned’approvisionnement. Il a pour but d’amélio-rer la performance long terme de chaqueorganisation et de la chaîne d’approvisionne-ment des organisations dans leur ensemble”)(p. 18). S’appuyant sur cette configuration,Min et Mentzer développent en 2004 un ques-tionnaire en vue de mesurer ces deux cons-truits. Cependant, une troisième échelle demesure [PERF] relative à la performance de lafirme est développée dans le but de tester lavalidité nomologique des deux échelles SCOet SCM. Pour récapituler, l’objet de ce travailest de proposer une liste d’items apte à évaluerle SCM dans les différentes dimensions qui lecomposeraient. Ainsi, la première échelleSCO comprend 6 facteurs et un total de 20items, la deuxième échelle SCM comprend 7facteurs et un total de 29 items et enfin, la troi-sième échelle PERF comprend 5 facteurs et

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2 - Parfois, les auteursutiliseront les termes dedimensions, domaines,catégories, construits,

contextes, etc.

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15 items. L’idée principale à retenir ici, selonnous, est la volonté manifeste à la détermina-tion d’une ‘mesure pragmatique’du SCM. Cefaisant, comme nous le verrons dans le para-graphe suivant et bien que ce travail acadé-mique soit conséquent, nous avons fait lechoix d’utilisation d’un autre questionnaire :questionnaire jugé plus « intéressant » cartesté empiriquement auprès d’entreprises.

Le tableau 1 tente de rapprocher ces troisréflexions. Cette mise à plat constitue une pre-mière grille d’analyse dont l’optique est dedégager des lignes de conduites communes.

A l’issue de cette structuration, nous propo-sons « d’extraire » les mots clés que nous rap-procherons – autant que faire se peut – àl’objet et mots clés du questionnaire utilisé deForker et al. (1997). Le découpage s’établit telque suit : s’appuyant sur l’idée d’un décou-page en impacts technologiques, humains et

organisationnels d’un projet, le tableau 2 pré-sente une liste de codifications par mots/idéesclés tels qu’apparus dans le tableau 1.

Vers une mise en application ausein d’une multinationale : leconstruit du questionnaire utilisé

Au sein de l’organisation étudiée, dénomméeAlpha pour des raisons de confidentialité, ladémarche SCM a consisté à l’origine en uneréorganisation des schémas logistiques ausein des unités d’assemblage, conduisant à larefonte des systèmes informatiques par lamise en place de progiciels ERP et de techno-logies MRP. Désormais, la démarche s’étenden amont aux usines fabricant les produits eten aval vers les clients du groupe qui ont enligne une totale visibilité des commandes pas-sées (traçabilité des mises en production puis

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Tableau 1 : Structuration de la littérature sur le SCM

GRLT (1995) Bowersox et al. (1999) Cooper et al. (1997) Lambert et al. (1998) Mentzer et al. (2001) Min et Mentzer (2004)

➨ Contexte opérationnel

1. Intégration du client- Segmentation des clients- Pertinence de chaque demande- Réponse à chaque demande- Flexibilité aux circonstances non planifiées2. Intégration interne- Union des fonctions départementales- Procédures standards, simples, conformes- Adaptation structurelle3. Intégration du fournisseur de matières

et de services- Sur un plan stratégique, financier, opérationnelet de management

➨ Composantes de management de la supply chain….> physiques et techniques (planning et méthodes

de contrôle, rythmes de travail/structure del’activité, structure de l’organisation,communication et flux d’information de lastructure technique, flux du produit de la structuretechnique)

….> managériales et comportementales (méthodes demanagement, structure de pouvoir et deleadership, structure des risques etrécompenses, culture et attitude)

➨ Performance (PERF).…> Disponibilité : stocks, stocks de sécurité….> Offre des produits et services : variété, qualité par

rapport aux concurrents….> Caractère d’actualité : livraison et information

en JAT….> Profitabilité : retour financier….> Croissance : CA, parts de marché

➨ Contexte de planning et de contrôle

1. Technologie et Planification- Gestion de l’information et de la communication

interne- Connexion entre acteurs- Collaboration prévisionnel/planning2. Mesure- Evaluation fonctionnelle- Méthodologies d’évaluation- Métriques- Impact financier

➨ Processus managériaux de la supply chain….> Accroissement de l’efficacité et diminution

des frictions….> identification et analyse des processus de chaque

activité

➨ Supply chain orientation (SCO)….> Crédibilité : notions de fiabilité, reconnaissance de

l’entreprise, pas de fausse réclamations ;….> Bienveillance : ‘santé’ de l’entreprise, réponses

aux questions, partage des risques etrécompenses ;

….> Engagement : coopération, aide technique ;….> Top Management Support : diffusion des

objectifs, contrats à long terme, formation….> Compatibilité : stratégie et culture communes….> Normes : coopération, création de valeur

➨ Contexte comportemental1. Intégration relationnelle- Clarté des rôles de chaque intervenant- Lignes de conduite communes- Partage de l’information- Partage des gains et risques

➨ Structure relationnelle….> Nombre de tiers le long de la chaîne.…> Nombre de fournisseurs et de clients à l’intérieur

de chacun des tiers….> Identification des membres de 1er ordre et de

support….> Positionnement de la société sur la supply chain

➨ Supply chain management (SCM)….> Vision et buts communs : standardisation des

pratiques, définition des rôles….> Partage de l’information : EDI, échange des

prévisions, du planning….> Partage des risques et récompenses :

aide financière, R&D commune….> Coopération, intégration des processus :

compte-rendu, indicateurs, qualité, boite à idées,communication nouveaux produits, gestionde stocks

….> Relations à long terme : réduction complexité,audits

….> Leadership de la supply chain convenu : audit,benchmarking

Légende : les mots en gras sont associés à l’humain, les mots soulignés à la technologie, les mots en italique à l’organisationnel

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des acheminements). Ajoutons qu’Alpha pro-pose diverses formations internes en matièrede SCM.

Dans le cadre du construit du questionnaireutilisé, l’approche que nous avons retenueconsiste à « superposer » une étude de terrain(quantitative) portant sur la performance duTotal Quality Management (TQM) dans laperspective d’une supply chain et les élémentsclés ressortant du tableau 2. Selon nous, lerapprochement TQM/SCM peut être probanten ce sens que le lien qualité/logistique estl’objet de plusieurs publications dans la litté-rature académique. Ainsi, très tôt, la relationentre ces deux champs de gestion fut montrée(Wagoner, 1989). De même entre le TQM et leSCM (Forker et al., 1997), soulignant pources deux approches leur volonté à “aller maindans la main” (Flynn et Flynn, 2005, p. 3434).

Dans le cadre de notre étude, le choix a doncété de s’appuyer sur le questionnaire déve-loppé par Forker et al. (1997). Ce choix fut faitsur l’idée selon laquelle le test réel du ques-tionnaire auprès d’entreprises augurait d’unevalidité empirique pouvant servir de socle ànotre propre analyse portant sur le SCM. Letableau 3 met ainsi en exergue les liens entreles huit dimensions décrites pour mesurer laperformance du TQM, les points clés propresau SCM tels qu’énoncés dans le paragrapheprécédent (Cf. Tableau 2) et le ‘construit’finaldu questionnaire SCM utilisé.

En l’état, l’étude de Forker et al. apparaîtcomme particulièrement intéressante carchaque thème fait l’objet d’une liste d’itemsadaptable à une mesure du SCM. Nous pou-

vons ainsi retrouver presque tous les pointssoulignés dans le tableau 2. Peut-être cepen-dant convient-il de mieux mettre en exerguela relation avec le client final et celle avec lesautres parties prenantes (tiers) qui sem-blent manquer. Aussi, un certain nombre demodifications a été fait sur les thèmes et itemsproposés, tels que :

• La substitution du concept de qualité pourle concept de supply chain ou SCM,

• L’introduction à une référence inter-orga-nisationnel lorsque celle-ci s’avérait néces-saire, ceci afin de souligner le caractèresystémique et étendu du SCM,

• La séparation du thème “la gestion de laqualité du fournisseur” en deux thèmes, seréférant respectivement à (1) l’implicationdes parties prenantes au SCM (# clients fi-naux non inclus) et (2) les clients finaux etle SCM,

• Le remplacement de certains termes an-glo-saxons considérés comme trop littérai-res après un pré-test qualitatif duquestionnaire (les répondants sont de diffé-rentes nationalités).

Synthèse des principauxrésultats : Une structure enquatre axes de progrès du SCM

Le tri à plats ainsi que l’analyse factorielleexpriment les souhaits des répondants dans lerôle attendu au SCM. Le tableau 4 souligne leséléments de synthèse issus des calculs effec-tués dont le détail se trouve dans les AnnexesA et B.

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Tableau 2 : Essai de rapprochement entre impacts technologiques, humains et organisationnels et la « structurationde la littérature sur le SCM : Tableau 1 »

Impacts Mots Auteurs code

Technologiques - Contexte de planning et de contrôle- Performance- Partage de l’information- Coopération, intégration des processus

Bowersox et al. (1999), Lambert et al. (1998)Min et Mentzer (2004)Min et Mentzer (2004)Min et Mentzer (2004)

T1T2T3T4

Humains - Clients, Fournisseurs- Départements- Contexte comportemental dans son ensemble, à rapprocher

aux composantes managériales et comportementales + culturecommune/ définition des rôles/partage des risques et récompenses

- Rythmes de travail- Diminution des frictions- Nombre de tiers- Top management- Formation- Boite à idées

Bowersox et al. (1999), Lambert et al. (1998)Bowersox et al. (1999)Bowersox et al. (1999), Lambert et al. (1998), Min et Mentzer(2004)

Lambert et al. (1998)Lambert et al. (1998)Lambert et al. (1998)Min et Mentzer (2004)Min et Mentzer (2004)Min et Mentzer (2004)

H1H2H3

H4H5H6H

H8H9

Organisationnels - Standardisation des procédures/pratiques- Adaptation structurelle/analyse des processus/positionnement de la Ste- SCO dans sa grande majorité- SCM dans sa grande majorité

Bowersox et al. (1999), Min et M. (04)Bowersox et al. (1999), Lambert et al. (’98)Min et Mentzer (2004)Min et Mentzer (2004)

O1O2O3O4

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De ces résultats, nous suggérons d’apprécierle SCM selon quatre axes de progrès, compre-nant deux thèmes centraux chacun.

1. l’Axe Stratégique : La mise en place et lesuivi

Au-delà de l’idée selon laquelle il convient depratiquer le SCM, la question de son appro-priation est centrale. Le SCM requiert unchangement profond de l’organisation et desorganisations impliquées dans un réseau d’af-faires. Un réseau entre fonctions et entreprises

est subordonné à l’intention du Top Manage-ment de mettre en place les moyens humains,financiers et structurels pour conclure ce pro-jet. L’adoption du SCM par chacun peut êtreaidée par la constitution d’une cellule dédiéepour son suivi et son appréciation. Ceci prendpart à la durabilité d’un tel projet dont il n’estpas toujours aisé de dessiner l’architecture. Cepremier point trouve toute sa justificationdans les idées clés telles que soulignées dansla rubrique « impacts organisationnels » dutableau 2.

Logistique & Management

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Tableau 3 : Questionnaire de Forker et al. (1997) - liens avec le tableau 2 et construitdu questionnaire final

1. Thèmes du questionnaire de Forker et al. (1997)

2. Relation Qualité (Cf. Codes Tableau 2) / SCM

3. Thèmes finaux du questionnaire SCM

1. Thème 1 Forker et al. (1997) : Le rôle du Top Management dans la politique de qualité (13 items)Objet : Mise en place d’une politique de qualité au plus haut niveau de la structure organisationnelle.Mots-clés : adoption, long terme, coûts, calendriers, réunions de suivi, plan.

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : H7, O3, O4, T1

3. Thème 1 questionnaire SCM : Le rôle du Top Management et de la politique SCM (13 items)

1. Thème 2 Forker et al. (1997) : Le design du produit et services (6 items)Objet : Recherche d’une qualité constante tout au long de la chaîne intra organisationnelle.Mots-clés : contrôle, coordination, spécifications, procédures, mise en œuvre, productivité, ser vices internes.

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : T1, T2, T3, T4, H2

3. Thème 2 questionnaire SCM : Le design du produit et ser vices (6 items)

1. Thème 3 Forker et al. (1997) : La gestion de la qualité du fournisseur (8 items)Objet : Recherche d’une qualité suffisante dès le départ du cycle de réalisation du produit et du ser vice.Mots-clés : sélection, qualification, formation, assistance technique, implication, long terme, clarté des spécifications.

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : H1, O3, O4 ⇒ Rappel : Thème séparé en 2

3. Thème 3 quest. SCM : Implication des parties prenantes dans le SCM (hors clients finaux) (8 items)

4. Thème 4 questionnaire SCM : Le SCM et les clients finaux (5 items)

1. Thème 4 Forker et al. (1997) : Le rôle du département qualité (5 items)Objet : Reconnaissance du département dédié à la qualité.Mots-clés : visibilité, reconnaissance, prise de décision, coordination intra organisationnelle

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : H2, H7

3. Thème 5 quest. SCM : Rôle de la cellule qui est en charge avec le déploiement du SCM (5 items)

1. Thème 5 Forker et al. (1997) : Les procédures de gestion de process et opérationnelles (6 items)Objet : Correcte appréhension et sans retour sur les processus de biens et ser vices.Mots-clés : visibilité, reconnaissance, prise de décision, coordination intra organisationnelle

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : O1, O2, O3, O4

3. Thème 6 questionnaire SCM : Management des procédures – processus (6 items)

1. Thème 6 Forker et al. (1997) : La qualité des données et des reportings (8 items)Objet : Pertinence et visibilité des métriques. Mots-clés : visualisation, indicateurs, pertinence,communication/information

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : T1, T2, T3, T4

3. Thème 7 questionnaire SCM : Qualité des données et des reportings (16 items : Nb. : ajout d’items sur la définition dela forme des reportings)

1. Thème 7 Forker et al. (1997) : Les relations avec les employés et la formation (8 items)Objet : Reconnaissance du travail fourni par les salariés.Mots-clés : réciprocité des échanges, implication, responsabilisation

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : H1 à H9, O3

3. Thème 8 questionnaire SCM : Relations avec les employés (8 items)

1. Thème 8 Forker et al. (1997) : La formation (8 items)Objet : Explication aux employés des enjeux de la qualité et aide à l ’utilisation d’outils statistiques.Mots-clés : Moyens et information

2. Lien(s) avec le SCM (Tab. 2) : T1, O3, O4

3. Thème 9 questionnaire SCM : Formation (8 items)

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Au sein de ce premier axe, nous suggéronsd’intégrer deux thèmes :• Un premier thème qui combine le thème

« rôle du Top Management et de la politiqueSCM » et le thème « rôle de la cellule encharge du déploiement du SCM ». Cettecombinaison part du constat de la place re-lativement éloignée (6ème position : tri àplats) du thème ‘rôle de la cellule en chargede déploiement du SCM’qui suggérerait dele rattacher au même thème que le ‘rôle duTop Management dans la politique SCM’.Ce thème traiterait alors de l’“installation

du SCM par le Top Management et le Dé-partement Dédié”,

• Un deuxième thème : “qualité des donnéeset des reportings” qui présente l’évolutiondu SCM. Ce thème considère qu’une infor-mation synthétique (au travers, parexemple, d’indicateurs clés) rend possibleune réponse aux diverses requêtes dechaque client3 dans les délais les plus courtspossibles. Sa place dans l’axe stratégique :mise en place et suivi tendrait à légitimerles métriques associées au SCM et qui – se-lon les résultats obtenus (7ème position : tri à

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Méthodologie de recherche

Quoique le questionnement se fonde sur une analyse des dimensions du Supply Chain Management qui en l’état présupposel’interaction de plusieurs parties prenantes d’une chaîne d’approvisionnement, la présente étude se focalise sur la présenta-tion d’une seule entreprise : l’entreprise Alpha. Les raisons de ce choix sont multiples. Alpha est une multinationale du secteurde la haute technologie. Dans ce secteur d’activité, l’analyse de sa politique SCM est intéressante compte-tenu des contraintessubies telles qu’une forte concurrence et une durée de vie du produit relativement courte (en moyenne 2 ans). En outre, l’inté-rêt de cette firme pour une mise en œuvre d’une approche SCM est relativement ancienne (plus de 10 ans) et conforte égale-ment le choix d’une analyse de ladite firme. De même, à noter une place « pivot » de la structure étudiée dans sa chaîned’approvisionnement. Un bémol cependant doit dès à présent être souligné : l’interrogation de la seule firme (et de ses filiales).Nous aurions aimé questionner d’autres acteurs de cette supply chain mais ce secteur relativement confidentiel a rendu cettetâche non réalisable.

La collecte des données a été réalisée par l’envoi de questionnaires auto-administrés (en langue anglaise) auprès des différen-tes filiales françaises et étrangères d’Alpha, soit un envoi sur 14 pays. Compte tenu du caractère géographiquement très éclatédes filiales d’Alpha, le choix a été de transmettre ce dernier par voie électronique, ce qui permet un envoi sur des distancesimportantes à un coût très faible. Un total de 515 questionnaires a été envoyé.

Après deux relances, 82 personnes ont répondu. La répartition par continent/pays s’établit telle que suit : 1 répondantd’Afrique (Maroc) ; 17 d’Asie (1 Chine, 3 Japon, 1 Corée, 7 Malaisie, 5 Singapour) ; 60 d’Europe (2 Allemagne, 2 Finlande, 22France, 27 Italie, 1 Pays Bas, 1 Suède) ; 4 Amérique du Nord (Etats-Unis). Différents services de la structure sont représentés.On note ainsi 28 personnes issues de différents services planning (en fonction de la division produit), 8 personnes des serviceslogistiques et supply chain, 5 du contrôle production, 1 de la gestion des comptes, 11 de services d’encadrement et 29 servicesnon renseignés. Les statuts professionnels mettent en exergue les réponses de 35 employés, 4 superviseurs, 27 managers, 4Top Managers et12 réponses non fournies. Enfin, à la question du nombre d’années de carrière, elle est de 1 an minimum et 32ans maximum au sein d’Alpha et de 2 ans minimum et 45 ans sur la carrière globale.

Concernant l’échelle appliquée à la liste des items proposés, elle se présente par une échelle de mesure en cinq points de typeLikert de ‘non important’ à ‘très important’. Cependant, une sixième colonne a été ajoutée. Elle est intitulée “non applicable”afin de donner la possibilité de « rejeter » une proposition pour une action. Le questionnaire comprend en tout 75 items.

La structure « originale » du questionnaire se présente telle que :

Thème 1 : Rôle du Top Management et de la politique SCMThème 2 : Le design du produit et servicesThème 3 : Implication des parties prenantes dans le SCM (hors clients finaux)Thème 4 : Le SCM et les clients finauxThème 5 : Rôle de la cellule qui est en charge avec le déploiement du SCMThème 6 : Management des procédures – processusThème 7 : Qualité des données et des reportingsThème 8 : Relations avec les employésThème 9 : Formation

Le nombre de réponses obtenues a permis d’utiliser deux types de traitement sous SPSS : un tri à plats et une ACP. La premièreétape, qui consiste à présenter les résultats sous forme de fréquences (par comptage des réponses), permet de réfléchir sur leprofil des items et des thèmes phares à retenir. La seconde étape fait ressortir une hiérarchie des items au sein de chaque thèmeselon l’importance qui leur est accordée.

3 - Selon nous, nous devonsconsidérer chaque employé

comme un client.

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plats) – doivent faire l’objet d’une attentiondans son mode de diffusion (qui diffuse ?,quoi diffuser ?, comment calculer ?).

2. l’Axe Socio-Organisationnel

Pour assurer la mise en œuvre et la continuitédu SCM, les employés doivent en comprendreses objectifs. Ils doivent détenir des compé-tences transversales, aptes à les aider à articu-ler les différentes sphères d’activités du SCM.Donc, la philosophie du SCM ne doit pas uni-quement toucher la traçabilité du produit,mais requiert de penser à toutes les interfacestransactionnelles induites par lui : compéten-ces informatiques, financières, commerciales,en gestion de stocks, etc. Ce deuxième pointtrouve toute sa justification dans les idées cléstelles que soulignées dans la rubrique« impacts humains au sens intra-organisa-tionnel » du tableau 2.

Au sein de ce deuxième axe orientésocio-organisationnel, nous suggérons d’inté-grer deux thèmes, à savoir le thème « forma-tion » et le thème « relations avec lesemployés ».

3. l’Axe Technologique

La planification, l’ajustement et le suivi desflux de matières et d’informations associéessont les éléments de base d’une chaîne d’ap-provisionnement. Plus précisément, la ges-tion des processus logistiques impose descontrôles des flux de produits et de servicesassociés, ceci afin de détenir un avantage

compétitif sur le court et le long terme. Rappe-lons à ce titre que le thème ‘Assemblage duproduit et service fourni’est considéré commeunidimensionnel et donc souligne l’impor-tance d’un contrôle complet du process pro-ductif. Dans un même sens, le contrôle del’assemblage du produit passe nécessaire-ment par une qualité des équipements et desprocédures. Le résultat obtenu montre ainsique le flux de produit s’établit principalementpar une maintenance préventive des équipe-ments (67.6% de variance). Ce troisièmepoint trouve toute sa justification dans lesidées clés telles que soulignées dans larubrique « impacts technologiques » dutableau 2.

Ce troisième axe orienté technologique com-prendrait les thèmes « le design du produit etservices » et « management des procédures –processus ».

4. l’Axe Capacité de réponse

Concernant le dernier mais non le moindreaxe !, une question se pose : pourquoi les deuxthèmes qui le composent semblent-ils moinsimportants aux répondants ? En effet, pour-quoi les individus considèrent-ils principale-ment ces thèmes comme ‘moyennementimportant’. Selon nous, on peut y voir troiséléments. Premièrement, pour les employés,il est plus important de clarifier les processuset d’évaluer les compétences au sein dechaque firme, ceci avant d’envisager des liensavec des acteurs externes. Deuxièmement, il

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Tableau 4 : Tableau récapitulatif sur les résultats obtenus à travers le tri à plats et l’Analyseen Composantes Principales

Liste des thèmes proposéeApport du tri à plats(Cf. détail des calculsAnnexe A. Tableau A1)

Apport de l’ACP(Cf. détail des calculs Annexe A. Tableau A2 & Annexe B)

Thème 1 : rôle du Top Management dans la politiqueSCM

Jugé comme important 3 facteurs : (1) Enjeu stratégique reconnu au SCM ; (2) Processus de déploiementdu SCM ; (3) Engagement et implication dans le SCM

Thème 2 : Le design du produit et services Jugé comme important Unidimensionnel

Thème 3 : implication des parties prenantes au SCM(hors clients finaux)

Jugé moins importantThème à reconstruire

2 facteurs : (1) Justesse des informations transmises ;(2) Sélection des parties prenantes

Thème 4 : clients finaux et SCM Jugé moins important 2 facteurs : (1) Circuit technique Amont ⇔ Aval ;(2) Circuit informationnel / financier Amont ⇔ Aval

Thème 5 : rôle de la cellule en chargede déploiement du SCM

Jugé comme important Unidimensionnel

Thème 6 : management des procédures – processus Jugé comme important 2 facteurs : (1) Qualité des équipements ;(2) Qualité des procédures

Thème 7 : qualité des données et des reportings Jugé comme moyennementimportant

3 facteurs : (1) Suivi / Gestion des données ; (2) Pertinence des données ;(3) Présentation des données

Thème 8 : relations avec les employés Jugé comme important 2 facteurs : (1) Reconnaissance et responsabilisation dans la per formance duSCM ; (2) Programmes d’implication dans la performance du SCM

Thème 9 : formation Jugé comme important 3 facteurs : (1) Formation à la démarche SCM ; (2) Formation à des techniquesstatistiques ; (3) Environnement dédié (volonté, ressources)

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peut être considéré que la satisfaction desacteurs externes (tout particulièrement leclient final) passe initialement par une coordi-nation des départements internes à la firme.Dernièrement, et en s’appuyant sur certainscommentaires, la notion de parties prenantespeut être très large et, de fait, est-il difficile de‘personnaliser’ une réponse pour un grouped’acteurs trop conséquent. Ce quatrième pointtrouve toute sa justification dans les idées cléstelles que soulignées dans la rubrique« impacts humains au sens inter-organisation-nel » du tableau 2.

Ce quatrième axe dont l’orientation se situe-rait sur la capacité de réponse comprendrait lethème relatif aux « clients finaux » et celuirelatif aux « autres parties prenantes », remar-quant que pour ce dernier thème, une refor-mulation voire une refonte totale seraitnécessaire.

A cet égard, nous proposons le schéma ‘final’(Cf. figure 1).

Conclusion

Dans ce papier, nous avons identifié plusieursapproches pour décrire les dimensions duSupply Chain Management (SCM). De cetteanalyse, nous avons pu extraire une matricemettant en exergue des éléments fondamen-taux à une analyse quantitative. Dans notreréflexion, nous avons utilisé comme base denotre étude un questionnaire testé empirique-ment auprès de 292 entreprises (Forker et al.,1997). Celui-ci décrit la performance du TotalQuality Management dans un contexte dechaîne d’approvisionnement. Après plusieursmodifications, telles que décrites dans notreméthodologie, afin de le rendre plus ‘proche’d’une approche SCM, nous pensons que cedocument fournit des données utiles au TopManagement de chaque firme qui adopte un

SCM, de même qu’une base de réflexion pourles chercheurs en gestion.

Selon nous, cette étude a des implications tantsur le plan académique que managérial. Pourles gestionnaires, le questionnaire permet uneconceptualisation par thème du SCM, maissurtout d’avoir connaissance des perceptionsd’employés d’une organisation multinatio-nale – pivot de sa chaîne d’approvisionne-ment. Il devrait faciliter la mise en œuvre duSCM au sein et hors de la firme. La classifica-tion de chaque thème par importance et l’ana-lyse factorielle sont des supports pertinentspour la concrétisation du SCM. Avec notrearchitecture, les chercheurs en gestion peu-vent conceptualiser plus facilement lesdomaines du SCM. Sur ce point, les commen-taires par quelques interviewés donnent desinformations complémentaires intéressantes.Par exemple, la notion de ‘parties prenantes’n’est pas suffisamment détaillée. En effet,pour chaque personne, la signification peutêtre différente : cela peut être une autre fonc-tion, une filiale ou un distributeur, etc. Unedéfinition claire du terme ‘partie prenante’ ausein de chaque item apparaît comme néces-saire (sur ce point, il serait possible de prendrela ‘classification’ donnée par la définition duCSCMP donnée dans l’introduction :“….fournisseurs, intermédiaires, prestatairesde service et clients ….”. En outre, et demanière plus générale, il pourrait être intéres-sant d’inclure un ou plusieurs items sur lalogistique des retours.

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Logistique & Management

Vol. 15 – N°2, 2007 89

Annexe ATableau A1 : La classification par fréquence de chaque thème

Liste des thèmes proposée Nb It. NA MV 1+2 % 3 % 4 % Rang 5 % RangThème 1: rôle du Top Management dans la

politique SCM13 32 6 70 5.4 210 16.2 299 23 499 34.5 1

Thème 2: le design du produit et services 6 17 2 77 12.8 116 19.3 125 20.8 155 25.8 3

Thème 3: implication des parties prenantes auSCM (hors clients finaux)

8 48 6 109 13.6 214 26.8 168 21 111 13.9 9

Thème 4: clients finaux et SCM 5 13 5 49 9.8 94 18.8 135 27 114 22.8 8

Thème 5: rôle de la cellule en charge dedéploiement du SCM

5 18 2 32 6.4 99 19.8 144 28.8 115 23 6

Thème 6: management des procédures –processus

6 24 2 50 8.3 109 18.2 160 26.7 5 147 24.5 4

Thème 7: qualité des données et desreportings

16 43 9 133 8.3 336 21 424 26.5 367 22.9 7

Thème 8: relations avec les employés 8 2 1 103 12.9 108 13.5 246 30.8 4 196 24.5 4’=>5

Thème 9: formation 8 4 2 96 12 140 17.5 202 25.3 212 26.5 2

Légende: MV: valeur manquante; N.A.: non applicable; 1: non important ; 2: peu important ; 3: moyennement important ;4: assez important ; 5: très important

Tableau A2 : La classification par l’analyse factorielle

Liste des thèmes présentée Nombre de facteurs Variance de

Cronbach

Thème 1: Rôle du top management dans la politique SCM - Enjeu stratégique reconnu au SCM- Processus de déploiement du SCM- Engagement et implication dans le SCM

54.2%10.2%7.0%

.8895

.8360

.8536

Thème 2: Le design du produit et services Unidimensionnel .8379

Thème 3: Implication des parties prenantes au SCM(hors clients finaux)

- Justesse des informations transmises- Sélection des parties prenantes

57.6%12.0%

.8648

.8234

Thème 4: Les clients finaux et le SCM - Circuit technique Amont ó Aval- Circuit informationnel / financier Amont ó Aval

55.0%17.3%

.7887

.6594

Thème 5: Rôle de la cellule en charge du déploiement du SCM Unidimensionnel .9037

Thème 6: Management des processus - procédures - Qualité des équipements- Qualité des procédures

67.6%10.8%

.8672

.8468

Thème 7: Qualité des données et reportings - Suivi / Gestion des données- Pertinence des données- Présentation des données

55.5%10.3%7.2%

.9160

.9316

.8750

Thème 8: Relations avec les employés - Reconnaissance et responsabilisation dans la per formance du SCM- Programmes d’implication dans la performance du SCM

71.8%7.8%

.9273

.8802

Thème 9: Formation - Formation à la démarche SCM- Formation à des techniques statistiques- Environnement dédié (volonté, ressources)

63.6%3.2%7.7%

.9307

.8308

.8223

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Une nouvelle rubriquedans logistique & Management

La production doctorale est un indicateur pertinent de la vitalité d’unecommunauté scientifique. Parce que la connaissance des thèses soutenuesintéresse logiquement l’ensemble de la communauté et que cela constitue unsupport de communication important pour les jeunes docteurs désireux de faireconnaître leurs travaux, la revue Logistique & Management propose une rubriquedédiée ce sujet.

L’objet est de présenter non seulement des thèses qui s’inscrivent totalement dansla discipline de la logistique et du supply chain management mais aussi, dans unsouci d’ouverture, des recherches dont le sujet concerne cette discipline sans pourautant en faire l’objet central. Toutes les thèses en sciences de gestion respectantces critères sont donc susceptibles d’être présentées.

Dans un souci d’harmonisation des présentations, nous proposons aux jeunesdocteurs de respecter les rubriques suivantes (1 page maximum) :

&Actualité des thèses en logistiquesupply chain management

■ Nom, prénom

■ Université et laboratoire de recherche

■ Titre de la thèse

■ Directeur de thèse

■ Composition du jury

■ Résumé (problématique, enjeux, méthodologie, principauxrésultats, intérêts managériaux, théoriques et méthodologiques)

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