0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

106
Hors série 1 - Juin 2021 - 20 - ISSN 0016.7916 Géosciences et Société Géosciences et Société GEODAYS 2021 : Le Québec à l’honneur GEODAYS 2021 : Le Québec à l’honneur Dossier Une coédition

Transcript of 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Page 1: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géo

logues

hor

s sé

rie

1(J

uin

2021

)RE

VU

E O

FFIC

IELL

E D

E LA

SO

CIÉ

TÉ G

ÉOLO

GIQ

UE

DE

FRA

NC

E

Hors série 1 - Juin 2021 - 20 € - ISSN 0016.7916

Géosciences et SociétéGéosciences et Société

GEODAYS 2021 :Le Québec à l’honneurGEODAYS 2021 :Le Québec à l’honneurD

oss

ier

Une coédition

Page 2: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA
Page 3: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Éd

ito

ria

l

1

directeur de publication :François BAUDINrédacteur en chef :Marc BRISEBARREconseiller publications :François LEPARMENTIERcomité de rédaction :• section géologie de l’ingénieur

Marianne CHAHINEDenis FABRE

• section eauJean-Pierre FAILLATAnthony LE BEUXLahcen ZOUHRI

• section géophysiqueAntoine BOUVIERChristian HERISSONJean-Marc MIEHE

• section substances minéralesPatrice CAUMARTINMichel JÉBRAKChristian POLAKVéronique TOURNIS

• section énergieMarc BLAIZOTEléonore DALMAISJean-Marc FLEURYJean-Jacques JARRIGE

• section enseignement et rechercheChristian BECKRoselyne FRIEDENBERGCyril SCHAMPER

• section affaires professionnellesEric MARCOUX

• section jeunesEdith KUBIK

secrétariat de rédaction :[email protected]

Géologues est la revue officielle de laSociété Géologique de France.Géosciences et Société.Association loi de 1901, fondée en 1830et reconnue d’utilité publique parOrdonnance du Roi du 3 avril 1832.siège social :77, rue Claude Bernard - 75005 PARIS01 43 31 77 35 - [email protected] Internet : www.geosoc.frrégie publicitaire :FFE - 15 rue des Sablons - 75116 PARIS• directeur de la publicité :

Patrick SARFATI• responsable partenariats publicitaires :

Bruno ROUSSET - 06 66 44 32 [email protected]

• assistante de fabrication :Aurélie VUILLEMIN - 01 53 36 20 [email protected]

mise en page et couverture :Jean-Claude MANCHON - ORLÉANSimprimé en france parCHEVILLON IMPRIMEUR26, boulevard Kennedy - 89100 SENSCommission paritaireCPPAP n°0125G82626Dépôt légal à parution

Géologues

Les Geodays 2021 : le Québec à l’honneurLe Comité de Rédaction de “Géologues” a le plaisir devous proposer ce numéro hors-série de la revue à l’occasion de l’édition 2021 des Geodays du pôle de compétitivité AVENIA mettant le Québec à l’honneur.Celui-ci reprend, en l’actualisant et en la complétantpar de nouvelles rubriques, une précédente parution,dont le dossier lui était consacré. L’initiative s’inscritdans le cadre de l’accord de coédition récemment signéentre la Société Géologique de France et AVENIA.

Le Québec, la plus grande province du Canada et la deuxième la plus peuplée,possède un système énergétique caractérisé par une part importante d’appro-visionnement domestique en énergies renouvelables, représentant 46% dutotal, la source prédominante étant de très loin l’hydroélectricité, suivie par l’éolien. Le pétrole et le gaz sont les principales sources d’énergie primaireimportée, le Québec ne produisant pas d’hydrocarbures en quantités significa-tives. Le nucléaire est par ailleurs absent du mix énergétique québécois.Le potentiel minier du Québec est considérable et il existe aujourd’hui une trentaine de mines en activité, avec une remarquable diversité des ressourcesproduites. La gestion des impacts environnementaux et sociétaux, pendant etaprès l’exploitation, y est une priorité depuis plusieurs décennies.Les géologues sont très présents au Québec et leurs domaines d’interventionsont essentiellement liées à l’énergie, aux ressources minérales et l’aménage-ment du territoire. Ils sont regroupés au sein d’un ordre de plus d’un millier deprofessionnels et le poids de la géologie appliquée est plus important qu’enFrance. Le domaine académique des géosciences est également bien dévelop-pé, avec des départements de sciences de la Terre à Montréal et à Québec,ainsi que des unités d’ingénierie et de sciences appliquées œuvrant dans ledomaine des ressources en région. La recherche est active et attire chaqueannée plusieurs dizaines d’étudiants français.Deux axes stratégiques ont été récemment définis en réponse à la nécessairetransformation de l’économie québécoise vers les énergies bas carbone et tracentla voie des orientations et investissements dans le domaine des géosciences,à lafois pour les applications de surface et pour l’utilisation du sous-sol :

Le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques2020-2025 (PQVMCS) s’appuie sur les ressources minérales pour nourrir unerelance économique verte, en valorisant les substances indispensables à la transition énergétique, afin de faire de la province un acteur majeur dans cedomaine, en particulier à l’international.2021 est l’année du déploiement de la nouvelle gouvernance climatique quivise, via le Plan pour une économie verte (PEV), à définir les grandes orienta-tions du Québec en matière de lutte contre le dérèglement climatique etd’électrification de l’économie afin de limiter le recours aux énergies fossiles.

Les différents aspects de la géologie au Québec sont présentés dans les pagesqui suivent et fournissent le cadre des nombreuses opportunités géosciences,en liaison avec l’énergie et les ressources minérales, mais également l’hydro-géologie et la géotechnique. Il s’organise autour de cinq thèmes : les ressourcesminières et énergétiques, les ressources en eau et l’environnement, les grandsaménagements, les géologues au Québec et enfin la formation. Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Marc Brisebarre François LeparmentierRédacteur en chef de Géologues Conseiller Publications

Page 4: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

2

So

mm

air

e

Photo de première de couverture :Escalier du Lac Daniel : Projet d’exploration Rae Nord pour uranium et métaux rares (Exploration Azimut).La zone se trouve à 20 km du village côtier nordique deKangiqsualujjuaq, proche du plus haut sommet du Québec, le mont d’Hiberville (1652 m), dans la chaîne desTorngat.

Créd

itph

oto

:Mich

el Jé

brak

Actualités 11

Air Liquide inaugure au Québec la plus importante unité de production d’hydrogène décarboné au monde ......................... 11

Richard Bourret

UMR INRS-UQTR sur les matériaux etles technologies pour la transition énergétique .... 13

François Leparmentier

Jeune entreprise 14

GoldSpot Discoveries : L’intelligence artificielle au service du secteur minier ................................... 14

Ludovic Bigot

Geolearn : L’intelligence artificielle sur mesure pour la géoscience ................................ 16

Jean-Sébastien Marcil

Dossier 24GEODAYS 2021 :Le Québec à l’honneur

INTRODUCTION ................................... 24La diversité géologique du Québec ........................ 24

Michel Malo

Si la géologie du Québec « s’étend » sur plus de 4 milliardsd’années, du glaciaire récent à l’Archéen avec ses roches lesplus vieilles du monde (4,3 Ga), ce sont surtout les affleu-rements de ce dernier qui constituent le bouclier canadiencar ils sont largement majoritaires depuis la Baie d’Hudsonau nord-ouest jusqu’au fleuve Saint Laurent au sud. Cebouclier canadien, au potentiel métallogénique diversifié,résulte de l’assemblage de roches sédimentaires et pluto-niques très métamorphisées, accrêtées lors d’orogènes successifs. Le Paléozoïque, injecté de dykes plutoniquesmésozoïques, repose en discordance, au Sud, sur ce bouclier.

LES RESSOURCES MINIÈRES ET ÉNERGÉTIQUES ................................ 27Récentes avancées en métallogénie au Québec .... 27

Georges Beaudoin

Au Québec, la métallogénie a récemment bénéficié, à lafois de l’étude fine des grands gisements et de la mise en place d’ateliers multidisciplinaires, regroupant industrielset universités, permettant de préciser les relations entregisements et environnements géologiques. Les gisementsclassiques de type sulfures massifs volcanogènes ou de typeenveloppes métamorphiques péri-plutoniques, rejoints pardes gisements nouveaux, en particulier ceux situés dansdes turbidites métamorphisées, ainsi que l’étude de leursencaissants respectifs ont permis d’étendre les zones prospectives, en particulier dans l’Archéen ancien, mêmesi les processus géologiques sont encore en débat.

Décryptage 18

La stratégie de valorisation des minéraux critiqueset stratégiques du Québec ...................................... 18

Victor A. Béliveau

Éditorial 1

Le pôle AVENIA 6

Les Géodays 2021 : Le Québec à l’honneur ................ 1

Le pôle AVENIA est heureux de promouvoir son événement annuel : les Géodays ....................... 6

Pôle AVENIA

AVENIA, le pôle de compétitivité français des filières dusous-sol, revient sur son activité et son événement les GEO-DAYS. Un événement international, mettant à l’honneurcette année le Québec, qui regroupe les acteurs industrielset académiques du sous-sol : une convention d’affairesannuelle permettant d’étoffer son réseau, de gagner envisibilité et d’apprendre sur les technologies innovantesrelatives à la connaissance et la valorisation des géo-res-sources.

Page 5: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

3

So

mm

air

e

Éléonore et Canadian Malartic,exemples de découvertes et défis en exploration minérale au Québec ......... 30

Stéphane de Souza et Lucie Mathieu

Ces deux gisements correspondent aux deux découvertesles plus significatives du XXIe siècle au Québec, non seule-ment par leur richesse mais aussi en raison de leurs consé-quences sur l’exploration, l’exploitation et les modèlesmétallogéniques associés, car elles appartiennent à la grande province de roches sédimentaires métamorphiséesdu Supérieur. Elles présentent une géométrie et un habitatrarement rencontrés auparavant et ouvrent de nouvellesperspectives au nord du Québec. Par ailleurs, située sous laville de Malartic, la mine Canadian Malartic, souligne l’importance de la cohabitation préparée entre populationet projet industriel.

Les minéraux critiques et stratégiques au Québec ...................................... 36

Serge Perreault

La tension sur les approvisionnements nécessaires à leuréconomie a conduit un certain nombre de pays à établir laliste des substances (minéraux et métaux) considérées com-me critiques et stratégiques (MCS). Le Québec a ainsi mis enplace un plan pour la valorisation de ces MCS afin de créerune filière industrielle supportée par les pouvoirs publics eten ligne avec les trajectoires de la transition énergétique.

L’exploration pétrolière au Québec :histoire et potentiel ................................................ 39

Michel Malo, Jean-Sébastien Marcil et Stephan Séjourné

L’exploration pétrolière et gazière qui commence dès 1860à partir d’indices de surface, se focalise sur les 10 % du Suddu Québec, tant offshore qu’onshore, dans le Paléozoïqueet le Quaternaire. Quatre thèmes classiques majeurs sont recensés, les clastiques du Cambrien, les dolomieshydrothermales de l’Ordovicien/Silurien, les récifs du Silu-rien/Dévonien et les clastiques du Dévonien/Carbonifère,associés à deux thèmes non conventionnels, le gaz de schis-te de l’Ordovicien/Silurien, équivalent de la formation Uti-ca des Appalaches aux USA, et celui du gaz biogénique duQuaternaire. Les schistes de l’Utica pourrait contenir plus de180 Tcf de gaz et les grès et calcaires du Dévono-carbonifèreplus de 100 millions de barils d’huile d’après les récentspuits d’exploration. Cependant le gouvernement du Qué-bec n’a plus donné d’autorisations d’exploitation d’hydro-carbures depuis plus de 10 ans et a même décidé d’un mora-toire sur l’exploration du gaz de schiste en 2013.

L’énergie géothermique au Québec ....................... 44 Michel Malo, Félix-Antoine Comeau,Karine Bédard et Jasmin Raymond

Les ressources géothermiques de moyenne et haute tem-pérature ne sont pas exploitées au Québec, mais pourraientêtre mises à profit par les communautés isolées (îles etGrand Nord) ou les exploitations minières. Seules les res-sources de basse température sont exploitées à partir depompes à chaleur en particulier entre Montréal et Qué-bec, mais ne représentent que 0,4 % de toute l’énergieconsommée. Cependant, le bassin cambro-ordovicien desBasses Terres présente des anomalies thermiques hautestempératures significatives qui mériteraient un nouveauregard.

La géophysique au Québec ..................................... 48 Erwan Gloaguen, Christian J. Dupuis et Bernard Giroux

Ce sont bien sûr les recherches minières et l’implantationde grands barrages hydroélectriques qui ont permis auQuébec de disposer d’une très solide expertise en géophy-sique tant aéroportée qu’au sol. Plus récemment, la carac-térisation des ressources en eau et des sites pollués ainsi queles impacts du changement climatique et du vieillissementdes ouvrages ont été le nouveau moteur d’acquisitions etd’interprétations en imagerie proche surface de grandeampleur et à grande échelle.

LES RESSOURCES EN EAU ET L’ENVIRONNEMENT ........................ 52La richesse de la ressource en eau du Québec ....... 52

Guillaume Meyzonnat, Florent Barbecot,Marina Alazard et Renald McCormack

La richesse en eau du Québec est mondialement connue eta permis la mise en place d’une très puissante hydroélec-tricité qui représente 95 % de toute l’électricité produitedans la province avec un acteur de taille mondiale, Hydro-Québec. Ceci est le résultat des aménagements réalisés surles baies James et d’Hudson qui totalisent 14,5 GW de puis-sance installée. Au-delà, le Saint Laurent, les millions dekilomètres de rivières et la multitude de lacs complètent cetunivers hydraulique qui s’étend sur 22 % de la surface du ter-ritoire. Des précipitations très abondantes, une évapo-transpiration mesurée et une faible conductivité hydrauliquedes terrains affleurants caractérisent un bilan hydriqueexcédentaire qui permet une très forte disponibilité eneaux de surface, ce qui n’a pas entrainé jusqu’à présent ungrand développement des recherches en hydrogéologie.

Page 6: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

4

So

mm

air

e

Enjeux environnementaux liés à l’exploitation de ressources minérales : la question de l’eau en Abitibi-Témiscamingue ...................................... 59

Eric Rosa et Carmen Mihaela Neculita

Les grands développements miniers et carriers en Abitibiimpactent directement ou indirectement, pendant ou aprèsl’exploitation, les ressources hydriques avoisinantes. Lamigration de contaminants vers les eaux de surface ousouterraines est certainement le point de vigilance majeur.En effet, la région de l’Abitibi est caractérisée par l’existen-ce de recouvrements de dépôts meubles glaciaires qui consti-tuent de superbes sources d’approvisionnement en eaupotable, et qui sont directement déposés sur des terrains desocle qui sont aussi des aquifères intéressants. Dans cecontexte, la présence de sulfures miniers et leurs altéra-tions sont les sources de nombreuses problématiques etcontaminations, même si leur quantification par rapportaux valeurs naturelles est très difficile à caractériser et pasassez étudiée en particulier autour des sites miniers aban-donnés.

LES GRANDS AMÉNAGEMENTS .......... 66Montréal : considérations géologiques pour les projets d’infrastructures .......................... 66

Eric Chartier et Jocelyn Lavoie

L’accroissement de la population de Montréal nécessite desinvestissements et des projets de grande ampleur dans lestransports, l’habitat, la gestion des eaux potables et usées,ce qui entraine des excavations toujours plus importanteset profondes. Celles-ci ne peuvent être réalisées sans inves-tigations géotechniques et géophysiques. En effet, la villede Montréal est assise sur des séries paléozoïques trèsvariées, donc très contrastées géo-techniquement et injec-tées de dykes magmatiques très abrasifs associés à desfailles majeures. Les zones d’érosion et de dépôts glaciaires,les zones faillées ou injectées de volcanites sont particu-lièrement problématiques car elles génèrent des cavernes,des écailles de roches et des circulations d’eau imprévues.

Géologue de première ligne au complexe hydroélectrique de La Romaine .............................. 70

Georges Touma

Hydro-Québec construit un complexe hydroélectrique de 4 centrales totalisant 1550 MW sur la rivière La Romaine, aunord du Havre-St Pierre dans l’est de la province géologiquede Grenville, composée de roches métamorphiques et intru-sives. Ces ouvrages sont encastrés en flanc de montagne avecd’immenses excavations à ciel ouvert ou en souterrain. Lacaractérisation géologique et géotechnique des parois etleurs stabilisations pendant les travaux sont les rôlesmajeurs du géologue qui encadre une équipe pluridiscipli-naire de géomètres, foreurs, géotechniciens, surveillantsHSE.

La géotechnique au Québec – Évolution historique des cinq dernières décennies .................................. 73

Marc Durand

C’est à partir des années 1960 et en particulier grâce à laconstruction des immenses barrages d’Hydro-Québec, quela géotechnique a pris son essor au Québec avec le déve-loppement de grands bureaux d’études, d’entreprises detravaux publics et des spécialisations en génie civil à l’uni-versité. Bien des géologues se sont aussi « reconvertis » dela mine à la géotechnique. C’est ensuite le développementde la métropole de Montréal qui a nécessité de forer desdizaines de kilomètres de galeries (métros, eaux, tunnels),créant ainsi une véritable expertise en géologie urbaine.C’est maintenant vers l’environnement et les eaux que setourne la géotechnique au Québec.

LES GÉOLOGUES AU QUÉBEC .............. 75Les géologues dans l’exploration ............................ 75

Réal Daigneault

Naturellement favorisé par sa géologie et l’immensité deson territoire, le Québec a su remarquablement développerun écosystème d’exploration minière complet : ordres pro-fessionnels, syndicats d’entreprises minières et para-minières,grandes formations universitaires et structures originalesfavorisant l’innovation, les transferts technologiques etl’expertise, et stimulant l’investissement public et privé.En conséquence, la profession de géologues attire toujourset plus de 2000 géologues œuvrent dans les ressourcesminérales au Québec.

Les géologues dans la remédiation minière .......... 78 Bruno Bussière et Patrick Charron

Pour poursuivre et amplifier son développement minier,les géologues du Québec doivent aussi prendre en comptel’après-mine. C’est ce qu’ont bien compris l’université UQATet l’école polytechnique de Montréal qui, en partenariatavec des grandes entreprises minières, ont mis en placel’Institut de Recherche en Mines et Environnement pourformer des géologues capables de relever les défis de lagestion des rejets miniers, du traitement des eaux et de larestauration des sites.

Importance de la filière minière au Québec etcontribution des géologues à son financement ... 80

Laurent Eustache et Éric Lemieux

L’industrie minière est un acteur économique importantpour plusieurs régions du Québec, en particulier celles lesplus éloignées. L’ensemble de la chaine de valeur de l’ex-traction minière y est règlementé depuis l’exploration jus-qu’à la réhabilitation des sites. Elle nécessite l’implicationd’une main d’œuvre hautement qualifiée et le géologueest un acteur clé en tant que spécialiste impliqué dans lesdécisions techniques, mais également dans les processusde financement.

Page 7: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

L’évolution du rôle de l’État dans la gestion de la connaissance géologique du territoire québécois ........................................... 84

Robert Marquis et Andrea Amortegui

La première loi sur les mines en 1880, permit à l’état qué-bécois d’accorder des licences minières, de réaliser des étudesgéologiques et de nommer des inspecteurs, tant dans ledomaine public que privé. Puis dans les années 1960,l’intervention de l’État devint plus opérationnelle etdynamique avec la création de la Société Québécoise d’Exploration Minière (SOQUEM) qui avait pour stratégiede s’associer aux sociétés privées. En parallèle, la banque dedonnées géologiques se mit en place sous la tutelle duMinistère des Ressources naturelles ; elle se transforma etdonna naissance à SIGEOM, outil géomatique puissantd’exploration minière, utilisé désormais par tous.

LA FORMATION ................................... 88La formation des géologues et les investissementsminiers au Québec .................................................. 88

Alexandre Nana, Robert Marquis et Jeffrey Vaillancourt

Le Québec est une destination prioritaire pour l’industrieminière, donc pour l’emploi des géologues, et est devenu laréférence pour les formations associées. Les différentesétapes de la formation en géologie sont décrites, depuis lecollège jusqu’à l’université. Les collaborations avec la Francesont également passées en revue. Dès la fin du premiercycle, il est possible de passer l’examen spécifique de l’ordreprofessionnel des géologues du Québec (OGC), étape indis-pensable pour pratiquer la géologie. Enfin, les relationsentre l’attrait pour les études en géologie et la cyclicité del’industrie minière sont esquissées.

ÉCOLE ABITIBI : 11 années de partenariatQuébec-France-Maroc dans la formation à l’exploration minière ............................................ 93

Anne-Sylvie André-Mayer, Denis Bois, Alain Cheilletz,Robert Marquis, Li-Zhen Cheng et Patrice Roy

Pour répondre à la forte demande de géologues miniersquébécois, le ministère de l’Energie et des Ressources Natu-relles du Québec, l’Université UQAT et l’ENSG-Nancy ontmis en place en 2008 une école d’été en géologie de terrainau Québec formant des étudiants francophones, plus spécifiquement marocains et français. Les étudiants

5

So

mm

air

e

inscrits en 2ème ou 3ème cycle dans ces deux pays peuventsoumettre leur candidature. En parallèle, les besoins en stagiaires et les descriptions des stages sont définis par l’industrie minière québécoise. Les stagiaires sontsélectionnés sur la base de leurs résultats académiques et recommandations de leurs professeurs. Tous les stagessont effectués en entreprise avec des cours théoriques associés avant et pendant le stage. L’encadrement est réa-lisé par les géologues des entreprises ou de l’université.

Master Exploration et Gestion des Ressources Minérales (EGERM) de l’Université d’Orléans :un essai de bilan après 18 ans d’existence et 200 géologues formés ....................................... 99

Eric Marcoux et Stanislas Sizaret

EGERM (Exploration et GEomatique des Ressources Minérales) est un DESS d’un an, créé en 2001, commun àl’Université d’Orléans et à l’UQAM de Montréal, qui sedécompose en 3 mois de cours passés dans chacune desuniversités et 6 mois de stage final en entreprise. Les effectifs sont de 10 à 15 étudiants par promotion et les compétences ciblées sont celles de l’exploration minière ausens large,de l’exploitation raisonnée et de la réhabilitation.Cinq modules, ciblés exploration et économie minières,cartographie et communication, sont réalisés à Montréalet des modules complémentaires (caractérisation des mine-rais et matériaux, gestion environnementale et informa-tique) sont proposés à Orléans. Les stages sont réalisés le plus souvent auprès de grandes entreprises françaises etcanadiennes et débouchent très souvent sur un premieremploi.

Portrait des grandes collections géologiques universitaires du Québec ....................................... 103

Olivier Rabeau

Du fait de sa variété géologique et de l’ampleur de ses sitesminéralogiques surtout,mais aussi paléontologiques, les col-lections muséales du Québec sont nombreuses et se concen-trent dans les régions minières et les universités. Ces col-lections ont comme rôle principal d’appuyer l’enseignementen premier et deuxième cycle universitaire, en second lieude maintenir un patrimoine géologique et enfin d’introduireles sciences de la Terre auprès du grand public, surtout lesjeunes. Ces collections sont indispensables car on ne pour-rait plus les recréer vu l’impossible compétition financièreactuelle avec les collectionneurs privés, même si, le problè-me de l’espace disponible et des conditions de stockagesont de plus en plus prégnantes.

Page 8: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

Le pôle AVENIA est heureux de promouvoir son événement annuel : les GEODAYS

Pôle AVENIA1.

Le pôle AVENIA

Qu’est-ce que le pôle AVENIA ?AVENIA est le seul pôle de compétitivité en France dédié aux industries du sous-sol. Il couvre les activités du sous-

sol liées au pétrole & gaz, à la géothermie, au stockage géologique, aux mines & carrières, à l’hydrogéologie et à la géo-technique. Basé à Pau en Nouvelle-Aquitaine, avec depuis 2020 un bureau à Paris au siège de la Société Géologique de Fran-ce, AVENIA rassemble environ 200 adhérents et a pour mission de contribuer à :

renforcer la compétitivité de la filière française des industries du sous-sol au travers de l’innovation et du business col-laboratif ;et à la promouvoir en France, en Europe et à l’international.

L’équipe du pôleTout cela ne serait possible sans l’équipe du pôle AVENIA, qui défend des valeurs communes de partage, profes-

sionnalisme et d’excellence. Forte de ses compétences diverses et complémentaires, l’équipe répond le plus justement auxbesoins de ses adhérents.

Sans oublier le Bureau, qui définit la stratégie de l’association et veille à sa bonne gestion ; ainsi que le comité d’experts qui met à disposition des adhérents son expertise pour la labellisation de projets, produits et services innovants.

Les principales missions d’AVENIAAVENIA a pour principales missions de :

Promouvoir l’émergence de projets collaboratifs innovantsContribuer à la structuration & à l’intégration des filières du sous-sol

6

Le

le A

VE

NIA

Page 9: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

Accompagner ses membres dans la mutation de leurs métiers, nécessaire pour la transition énergétique et numériqueen coursAccompagner ses membres à l’Europe & InternationalFavoriser le développement économique & l’accompagnement de la croissance des PME.

L’innovation et l’accompagnementL’innovation, comme dans tout pôle de compétitivité, est le pilier central d’AVENIA. À cet égard, le pôle travaille sur

trois objectifs :Générer de l’innovation par l’organisation des Clubs Innovation regroupant une vingtaine d’experts pour discuter d’uneproblématique donnéeLabelliser les projets de ses adhérents pour faciliter l’accès aux différents guichets de financement (Région, ADEME, ANR,etc.) et augmenter leur visibilité, en s’appuyant sur son comité d’experts aux compétences variéesLabelliser un produit ou un service innovant pour offrir de la visibilité à ses adhérents et aider au développement et àla commercialisation de l’innovation

Pour les jeunes sociétés en quête de croissance, les missions d’accompagnement représentent un réel tremplin enpermettant par exemple :

Un accès facilité aux grands comptes De bénéficier d’un mentoring régulier pour tester une offre D’affiner rapidement une proposition de valeur et de lancer des « Proof of Concept » grâce à un accès direct à l’écosys-tème du pôle, à Geostart by Helioparc (l’unique incubateur en France dédié aux géosciences).De participer à des stands collectifs sur les salons professionnels (i.e. SIM2020 à Angers)

L’organisation d’évènementsAfin de répondre au plus près des attentes et besoins de ses adhérents, le pôle organise des événements tels que :Le « RDV des Régions » qui répond à une demande de proximité de la part de ses membres. Imaginé en 2020, il a

pour but l’animation des filières du sous-sol d’un territoire donné, pour faciliter les rencontres de son réseau, mais aussisensibiliser les décideurs locaux sur le potentiel des activités du sous-sol pour répondre aux besoins de la transition éner-gétique et aux enjeux sociétaux sur la gestion et l’utilisation des géo-ressources.

Les « 24H de l’innovation au centre de la Terre » qui permettent la rencontre entre étudiants et entreprises. C’estun événement autour de la créativité des étudiants sur des sujets d’entreprises. Cela peut aboutir sur des opportunitésprofessionnelles pour les étudiants, et de nouvelles idées sur des problématiques pour les entreprises, ainsi qu’un repé-rage de nouveaux talents.

Les « Rencontres adhérents » qui sont des rencontres professionnelles autour d’un déjeuner, d’un afterwork, d’unevisite thématique ou d’un speed speech et qui ont pour but de créer du lien entre les adhérents.

Les initiativesAVENIA contribue à la structuration des filières industrielles du sous-sol et à améliorer leur acceptabilité dans les

territoires par le lancement de plusieurs initiatives/projets :PYCASSO est un programme visant la création d’un hub de capture, valorisation, transport et séquestration du CO2basé sur les capacités de stockage des champs de gaz déplétés du Piémont pyrénéen pour répondre aux besoins de réduc-tion des émissions de CO2 des industriels du sud-ouest de la France et du nord de l’Espagne.EartH2 a pour objectif de ressembler les acteurs français de l’hydrogène sous-sol dans le but de promouvoir l’apport dusous-sol au sein de la filière hydrogène, encore trop méconnue aujourd’hui.Filière Lithium dont l’objectif consiste à bâtir un consortium pour industrialiser un ou des procédés qui permettrontde traiter des minéraux de lithium. Si les opportunités le permettent, ce consortium pourra s’ouvrir à certains payseuropéens ou à l’international, qui présentent des gisements similaires en géologie et minéralogie, mais aussi à lavalorisation d’autres métaux. 7

Le

le A

VE

NIA

Page 10: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

GEFISS, projet de recherche dont AVENIA est un des coordonnateurs, s’imprègne de l’expérience et des compétences deses 15 partenaires pour étudier les dispositifs actuels de dialogue, associant les parties prenantes d’un territoire oud’une filière sur les sujets qui ont trait à l’exploitation du sous-sol dans la perspective de la transition énergétique. Unedes finalités du projet est de proposer un ensemble de méthodes visant à favoriser l’engagement des parties prenantes,notamment les populations, dans un dialogue constructif autour de la réalisation de projets portés par ces filières.

Les projets européens et l’aide à l’exportLe pôle AVENIA offre également l’opportunité d’étendre les activités innovantes de ses membres à l’échelle euro-

péenne, d’échanger et d’entretenir des collaborations avec des clusters internationaux et de donner de la visibilité à desprojets auprès des institutions européennes.

Comme au niveau national, le pôle AVENIA s’engage à développer des projets R&D collaboratifs sur la scène européenne. L’équipe Europe et Internationale du pôle guide ses adhérents dans l’identification des programmes definancement européens adaptés à leurs projets et leurs besoins. L’accès aux financements européens est une opportunitémajeure pour chaque organisme voulant construire un projet innovant. L’Union Européenne met à disposition de nombreux outils de financement consacrés à l’innovation et aux PME tels que : Horizon Europe, Eurostars, LIFE, EIC Accelerator (ex instrument PME), EIT Raw Materials, Erasmus+ et bien d’autres.

Le pôle AVENIA met à disposition de ses adhérents son réseau et son implication dans les clusters européens et inter-nationaux pour faciliter la collaboration avec les différents acteurs d’une thématique donnée. En tant qu’intermédiaire,le pôle permet la mise en contact avec les clusters, par exemple dans le cadre du projet GEO-ENERGIE EUROPE mais aussi avec les institutions européennes et leurs acteurs. Les adhérents d’AVENIA ont également l’opportunité de partici-per à des événements pour élargir leur réseau de partenaires auprès de ces institutions et des clusters. De plus, AVENIAorganise ses propres événements de réseautage, comme notamment les GEODAYS, grâce auxquels les adhérents peuventparticiper et bénéficier du réseau du pôle. De ce fait, créer un réseau européen et/ou international, trouver des partenairesdeviennent des actions plus accessibles grâce aux services que propose le pôle.

Le réseau européen a été largement étoffé par l’implication du pôle AVENIA dans plusieurs projets Européens,comme GEO-ENERGY EUROPE ou PIXIL. Le projet GEO-ENERGY EUROPE vise à l’internationalisation des offres des PME duméta cluster européen, dans le but de partager leur savoir-faire, leurs technologies et leurs expériences en matière de géo-énergie, avec un focus initial sur la thématique de la géothermie profonde. Quant au projet européen PIXIL, c’est unprojet collaboratif transfrontalier et multidisciplinaire dont l’objectif est de faire de la région transpyrénéenne une référence en technologie de caractérisation du sous-sol, et tout particulièrement de promouvoir l’énergie géothermiquedans la région.

En plus des projets européens, AVENIA s’engage à promouvoir le savoir-faire français à l’international et à favori-ser l’accompagnement et le développement des entreprises et structures membres à l’export, améliorant ainsi leur visi-bilité et les aidant à générer du business – grâce à des partenariats avec la Team France Export ou encore Total Dévelop-pement Régional (TDR).

L’événement organisé chaque année par le pôle : les GEODAYS, est également l’occasion de se propulser sur la scè-ne internationale et d’augmenter sa visibilité. En effet, lors de chaque édition de l’événement, le pôle AVENIA accueille desdélégations étrangères et donne l’occasion pour un pays de promouvoir ses activités et de créer des opportunités avec denouveaux partenaires.

LES GEODAYS

Qu’est-ce que « les GEODAYS » ? L’événement GEODAYS, est une convention d’affaires internationale qui rassemble les acteurs des industries du sous-

sol. En 2019, plus de 500 participants des quatre coins du monde étaient présents, pour échanger autour de l’innovationen Géosciences. Il représente une opportunité de développer sa structure, de rencontrer de nouveaux partenaires et delancer de nouveaux projets. Cet événement est organisé autour de conférences, d’ateliers, de rendez-vous d’affaires, destands et de parcours de visites thématiques et touristiques. C’est également une occasion unique de rencontrer une délé-8

Le

le A

VE

NIA

Page 11: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

gation étrangère afin d’échanger sur de futurs projets et collaborations. Crise sanitaire oblige, l’édition 2021 se dérouleraen digital mais avec des parties live et des moments interactifs pour ne changer en rien le but premier de cet événement :le partage.

L’édition 2021 rimera avec Québec. Pourquoi le Québec ? À l’heure, où l’approvisionnement en minéraux critiqueset stratégiques devient un enjeu mondial, les ressources minérales diversifiées du Québec en font une terre de promesses,reconnue à la fois pour la qualité de son expertise en exploration et en exploitation minière et pour sa pratique environ-nementale solide. Avec le Plan québécois de mise en valeur des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025, le Québeca tout ce dont il a besoin pour créer une richesse durable et se positionner sur la scène économique mondiale. Sur le planénergétique, le Québec a jeté les bases d’un avenir plus responsable. La production électrique du Québec est déjà signi-ficativement décarbonée en raison de ses importantes ressources hydroélectriques et la politique énergétique qu’elle s’estfixée pour 2030 vise également à promouvoir l’utilisation responsable des hydrocarbures, à améliorer l’efficacité énergétiqueet à stimuler la chaîne d’innovation technologique et sociale.

C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’AVENIA a voulu placer le Québec sur le devant de la scène et souhaiteouvrir la voie d’un partenariat à long terme avec le pôle et ses membres, travaillant ensemble vers des objectifs de développement durable.

Pourquoi y participer ?En trois jours, les GEODAYS permettent de développer son réseau et d’identifier de nouveaux projets et partena-

riats, notamment lors des rencontres B2B et de l’Open Innovation.L’Open Innovation, ou une chance pour tous. En effet, pour les PME et les startups, il s’agit d’une opportunité de pré-

senter des projets innovants en rencontrant des leaders de l’innovation lors de sessions confidentielles de 30 minutes :une occasion d’augmenter la visibilité et de générer du business mais surtout de gagner du temps. En effet pour un seuldépôt de projet, plusieurs rencontres avec des donneurs d’ordre sont possibles. Pour les grands groupes, l’Open Innova-tion permet de développer leur réseau de startups et PME innovantes en élargissant leur domaine de prospection : uneoccasion de communiquer sur l’ouverture de leurs métiers et activités en s’affirmant comme acteur majeur de l’innova-tion et une occasion de multiplier les opportunités de collaboration.

Les rencontres B2B sont quant à elles une chance d’étendre le réseau des participants en profitant du public présent, de créer de nouvelles opportunités, mais aussi de rencontrer des dirigeant-es d’entreprises innovantes. Jusqu’à 24 rencontres B2B programmées en deux jours pour chaque participant : un moyen de partager transversalement un savoir-faire et de nouvelles technologies.

Les retombéesL’événement confère de la crédibilité pour les start-ups en jouant le rôle de levier dans la création de nouveaux par-

tenariats et/ou de projets collaboratifs. Il offre également la possibilité de profiter de l’expérience des participants pourse développer et s’améliorer, pour s’inspirer et se tenir au courant des dernières idées et technologies. Lors de l’édition 2019,50 projets avaient été déposés à l’open innovation, 500 personnes étaient présentes, regardez par vous-mêmes l’aftermoviede l’édition 2019. Malheureusement l’édition 2020 n’a pu avoir lieu, mais celle de 2021, digitale, permettra une approchedifférente et innovante, de cet événement majeur en attendant de pouvoir se retrouver en présentiel pour l’édition 2022 !

9

Le

le A

VE

NIA

Page 12: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA
Page 13: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Ingénieur de projet ; Air Liquide Canada - 1250, boulevard René Levesque - West Suite 1700 - Montréal, Québec.

Géologues n°HS1

Air Liquide inaugure au Québec la plus importante unité de production d’hydrogène décarboné au monde

Richard Bourret1.

L’hydrogène provoque un fort engouement à l’échelle mondiale et cet intérêt ne date pas d’hier. En 1874, le célèbreécrivain Jules Vernes décrivait dans L’Île mystérieuse, les balises de l’économie de l’hydrogène. En effet, l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur d’énergie a fait rêver des générations de scientifiques. Au fil du temps, et grâce aux investis-sements massifs et à l’innovation de nombreuses industries, les technologies se sont considérablement développées.L’abondance des énergies vertes et la prise de conscience des défis énergétiques et climatiques agissent aujourd’hui comme un catalyseur pour le domaine de l’hydrogène.

Air Liquide a finalisé la construction du plus grand électrolyseur PEM (Membrane Échangeuse de Protons) au monde. Alimentée par de l’énergie renouvelable, cette unité produit désormais jusqu’à 8,2 tonnes par jour d’hydrogènebas carbone à Bécancour, au Québec. Le groupe Air Liquide confirme avec ce nouvel investissement à grande échelle sonengagement de long terme dans les marchés de l’hydrogène énergie et son ambition d’être un acteur majeur dans la fourniture d’hydrogène bas carbone.

D’une capacité de 20 MW, ce nouvel électrolyseur PEM doté de la technologie canadienne de Cummins est la plusgrande usine de ce type à être actuellement en opération au monde et va permettre de répondre à la demande croissanteen hydrogène bas carbone en Amérique du Nord.

L’hydrogène est un vecteur d’énergie important. Lorsqu’utilisé comme combustible, il génère quatre fois plusd’énergie que le gaz naturel ou le pétrole. Il peut donc être utilisé pour réduire l’utilisation des combustibles fossiles. Unautre attrait de l’hydrogène est qu’il permet de « stocker » l’énergie produite en surplus. Lorsque les points de productionstels que les centrales hydroélectriques, les parcs d’éoliennes, les fermes solaires, etc. produisent plus d’énergie que la

11

Ac

tua

lité

s

Air Liquide inaugure au Québec la plus grande unité du monde de production d’hydrogène décarboné par électrolyse à membrane (source : Air Liquide).

Page 14: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

demande, il devient possible de convertir l’énergie excédentaire en hydrogène grâce à la technologie d’électrolyse – processus appelé « Power-to-gas ». L’accumulation de l’hydrogène peut ensuite se faire grâce à des réservoirs ou descavernes. On peut par la suite utiliser l’hydrogène pour combler une période de pointe de consommation énergétique ou une baisse de la production (absence de vent ou d’énergie solaire la nuit) en transformant le gaz en électricité via despiles à combustibles, par exemple.

L’utilisation en différé de cette énergie est intéressante au niveau de la mobilité (transport lourd, autobus,ferroviaire, portuaire, automobile,etc.) où de nombreux acteurs se mobilisent. Pour ce secteur,on peut alimenter l’hydrogènesous forme gazeuse (comprimée) ou sous forme liquide, ce qui a l’avantage de permettre de déplacer des quantités beaucoup plus importantes de molécules. Il est donc possible de produire l’hydrogène dans des zones où il y a abondanced’énergies renouvelables, puis de le transporter dans les emplacements qui n’ont pas ces capacités.

On observe une effervescence dans plusieurs autres domaines,dont le secteur minier. En effet, le projet d’introductionde l’hydrogène dans les mines est en cours au Canada pour établir les balises au niveau de la sécurité de telles initiatives.L’un des avantages de l’hydrogène est qu’on peut l’utiliser sans rejeter de CO2 dans l’atmosphère, ce qui est un fort attraitpour le secteur minier, mais également sur le plan industriel et environnemental.

Susan Ellerbusch, Directeur Général d’Air Liquide pour l’Amérique du Nord et membre du Comité Exécutif du groupeAir Liquide, a déclaré : « La lutte contre le changement climatique est au cœur de notre stratégie. L’inauguration récente dela plus grande unité au monde d’électrolyse à membrane déjà en opération, pour la production d’hydrogène renouvelableà Bécancour, au Canada, marque une étape importante dans la mise en œuvre de cette stratégie. Avec cette première mon-diale, Air Liquide confirme son engagement en faveur de la production d’hydrogène bas carbone à échelle industrielle et sacapacité à déployer dès à présent les solutions technologiques correspondantes. L’hydrogène jouera un rôle clé dans la tran-sition énergétique et l’émergence d’une société bas carbone. »

Référencewww.fr.media.airliquide.com

12

Ac

tua

lité

s

Page 15: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

UMR INRS-UQTR sur les matériaux et les technologies pour la transition énergétique

François Leparmentier

L’Institut national de la recherche scientifique (INRS) annonce la création de cinq unités mixtes de recherche (UMR)en partenariat avec cinq universités du réseau de l’Université du Québec (UQ) : l’Université du Québec à Chicoutimi(UQAC), l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), l’Universitédu Québec en Outaouais (UQO), l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ces nouveaux regroupements inter-universitaires porteront sur des thématiques prioritaires et stratégiques pour le Québec, soit les matériaux et les technologies pour la transition énergétique, la cybersécurité, la transformation numérique en appui au développementrégional, la santé durable et en études autochtones.

Dans ce cadre, l’INRS et l’UQTR ont entrepris de mettre en place une UMR sur la thématique du développementde matériaux et de technologies avancés au service d’une économie décarbonée. L’UQTR est déjà très engagée dans le Pland’électrification et de changements climatiques (PECC) et possède une réputation internationale et des infrastructuresmajeures facilitant la transition énergétique. Les travaux effectués en ce sens à l’Institut de recherche en hydrogène (IRH)et à l’Institut d’innovations en écoproduits, éco-matériaux et éco-énergie (I2E3) en sont un bon exemple. Du côté del’INRS, le Centre Énergie Matériaux Télécommunications, à Varennes, et le Centre Eau Terre Environnement, à Québec, regrou-pent l’une des plus grandes masses critiques de scientifiques spécialisés dans le développement de matériaux avancéset de technologies vertes, ainsi que des infrastructures de classe mondiale, uniques au pays. Forte d’une telle collabora-tion autour d’expertises pleinement complémentaires, cette UMR renforcera les régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec en tant que pôles d’excellence dans le domaine de la transition énergétique, notamment en s’attaquant auxenjeux du stockage et de la conversion d’énergie et à la valorisation des gaz à effet de serre.

RéférencesService des communications INRS (www.inrs.ca) et UQTR (www.uquebec.ca)

13

Ac

tua

lité

s

Page 16: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Courriel : [email protected] / www.goldspot.ca

Géologues n°HS1

GoldSpot Discoveries :L’intelligence artificielle au service du secteur minier

Ludovic Bigot1.

GoldSpot Discoveries est une société de technologie et de services géoscientifiques. Elle a été fondée en 2016 à lasuite de succès aux concours géoscientifiques internationaux Integra GoldRush Challenge et Disrupt Mining où l’on avaitutilisé les outils d’intelligence artificielle (I.A.) tels que l’apprentissage machine (machine learning) et l’apprentissage profond(deep learning) pour augmenter les succès en exploration minérale.GoldSpot combine l’expertise géoscientifique traditionnelleavec des outils technologiques et des pratiques issues des sciences des données afin d’offrir des solutions innovantes etprécises à ses partenaires d’affaires.

Au cours des dernières années, lesaccès à de volumineuses bases de don-nées géoscientifiques de sources diverses(e.g., forage, géophysique, géologique,etc…) et le développement d’outils tech-nologiques innovants pour traiter cesdonnées ont entrainé un changementde paradigme majeur en ce qui a traitaux possibilités d’amélioration de laconnaissance géologique d’un territoireet à l’évaluation de son potentiel minéral.Les outils d’I.A. permettent en particu-lier d’intégrer un maximum de donnéesgéoscientifiques avec une capacité inéga-

14

Jeu

ne

en

tre

pri

se

Fig. 1. Schéma d’ensemble de la procédure analytique pour la détermination de la cible d’explorationà partir de l’exploitation des données brutes. Source : GoldSpot Technologies.

Fig. 2. Un exemple de service proposé par GoldSpot, la mise à jour d’une carte géologique par une approche de « machine learning ». Source : GoldSpotTechnologies.

L’écosystème des jeunes pousses innovantes est particulièrement dynamique au Québec et les articles qui suivent présentent deux start-ups qui mettent au cœur de leur modèle économique l’intelligence artificielle auservice des géosciences.

Page 17: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

lée et de révéler des informations non conventionnelles ou « cachées » (Fig. 1). GoldSpot se positionne comme un pion-nier et un acteur international majeur dans l’utilisation de l’I.A. appliqué au domaine minier. GoldSpot met l’accent surl’intégration de données sous-utilisées pour identifier des cibles minérales de fortes probabilités (Smart-Targets), le touten minimisant le risque des intervenants du secteur minier, en coût et en temps, et en optimisant des procédures d’ex-ploration conventionnelles.

GoldSpot offre un guichet unique de solutions couvrant un large spectre du domaine minier : la compilation et lenettoyage de bases de données, l’analyse d’imagerie des carottes de forage (LithoLens), l’analyse de données géophy-siques et géochimiques, la modélisation 3D et les estimations des ressources, les études structurales et les services géo-logiques de terrain (Fig. 2).

L’équipe de GoldSpot est constituée de près de 40 experts géoscientifiques et scientifiques des données hautementqualifiés, incluant géologues, géophysiciens, géochimistes, et programmeurs répartis à travers le Canada et l’Europe.Les activités de GoldSpot se déploient dans le monde entier, en particulier dans les Amériques, en Scandinavie et dans laceinture ibérique.

GoldSpot travaille avec des sociétés d’exploitation minière et des sociétés d’exploration minérale dans diverses com-modités, incluant les métaux précieux, de base et stratégiques. La qualité des cibles d’exploration générées par GoldSpots’est rapidement concrétisée par des découvertes, et ce pour des projets à différents stade d’exploration : La société Qué-bec Precious Metals a découvert un toutnouvel indice polymétallique en explora-tion régionale à la Baie-James, au Québec (Fig. 3) ; la société NewFound Gold Corp. aintercepté une zone aurifère lors de son pre-mier forage d’exploration à Terre-Neuve ; lasociété Monarques Gold a mis en évidenceune nouvelle zone aurifère dans son gise-ment de Beaufor, au Québec.

GoldSpot est activement impliquédans des projets de recherche académiquesavec des universités canadiennes, notam-ment le projet Metal Earth au Canada, etparticipe à la formation des étudiants.GoldSpot améliore constamment ses pro-cessus analytiques grâce à son équipe derecherche et développement qui a, depuis2016, travaillé sur plus de 40 projets, tant surles thématiques de télédétection, de géo-physique ou encore de gestion de bases dedonnées et de systèmes d’information géo-graphique.

15

Jeu

ne

en

tre

pri

seFig. 3. Découverte de l’indice Lloyd à or-argent-zinc-plomb par les équipes de Quebec PreciousMetals -GoldSpot en juillet 2020. Source : GoldSpot Technologies.

Page 18: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Jean-Sébastien Marcil, Directeur Développement de produits. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

Geolearn : L’intelligence artificielle sur mesure pour la géoscience

Jean-Sébastien Marcil1.

Geolearn est une compagnie basée dans la ville de Qué-bec développant des solutions personnalisées et innovantes,utilisant l’intelligence artificielle (IA), et spécifiquement orien-tée pour le domaine des géosciences. Depuis 2015, l’entrepri-se fondée par Martin Blouin et Lorenzo Perozzi (Fig. 1) développedes applications et offre des services qui s’articulent autour detrois thèmes principaux : l’intégration, la prédiction et la visua-lisation des données. L’accompagnement de Geolearn permetà ses clients de tirer le maximum des données chèrementacquises au cours des années.

Geolearn est née de l’expertise que ses fondateurs ontdéveloppée à l’Institut national de recherche scientifique (INRS-ETE) lorsqu’ils y étaient étudiants en doctorat ou chercheurspostdoctoraux dans le Laboratoire d’Interprétation et Acquisi-tion des Mesures en Géosciences du professeur Erwan Gloa-guen. Se sont ajoutés depuis à l’équipe des personnes toutaussi passionnées avec des connaissances scientifiques com-plémentaires soutenues par une forte expertise technologique. Les approches utilisées par Geolearn ont été validées parla communauté scientifique et sont basées sur plus de 10 ans de travaux pour l’industrie. Depuis son lancement, Geolearna travaillé avec des entreprises canadiennes et internationales de tailles diverses liés à des secteurs variés de la géoscience,en plus de se classer parmi les fournisseurs officiels de services spécialisés aux divers gouvernements.

Créer des outils mettant en valeur les savoirs humains autant que les données numériquesL’IA gagne en intérêt dans tous les domaines, et la géoscience n’y échappe pas. Pour les industries œuvrant dans

les sciences de la Terre, l’arrivée de l’IA signifie que des tâches répétitives et simples peuvent être accomplies par un ordinateur pour conserver la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée et permettre aux employés de se concentrer surdes tâches complexes et pertinentes.

L’adage de Clive Humby disant que “Data is the new oil” a incité des entreprises à utiliser les algorithmes d’IA afinde mettre en valeur l’immense quantité d’information souvent endormie profondément dans les archives des compagnies :l’IA pourrait permettre de trouver un trésor en découvrant des modèles cachés derrière ces masses de données. PourGeolearn, la flexibilité et l’agilité de l’IA par rapport aux méthodes traditionnelles la rendent attrayante pour améliorerl’utilisation des données géoscientifiques.

Le champ d’expertise de Geolearn couvre l’analyse et le traitement de données par l’IA, l’intégration et l’interpré-tation de données géophysiques et l’évaluation de corps géologiques, tel que les réservoirs souterrains ou les gîtes

16

Jeu

ne

en

tre

pri

se

Figure 1. Les fondateurs de Geolearn, Lorenzo Perozzi et Martin Blouin,lors d’un congrès du PDAC à Toronto.

Figure 2. Séquence de travail des applications UnBOX et Predikor.

Page 19: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

minéraux. Les premiers produits développés par Geolearn sont UnBOX et Predikor, deux applications utilisant des algorithmes d’IA pour traiter des données photographiques, principalement utilisées en exploration minière (Fig. 2).UnBOX permet d’aligner et raccorder en quelques secondes plusieurs dizaines de mètres de photographies de boîtesd’échantillons de carottage. Predikor utilise l’IA pour décrire les carottes à partir de ces mêmes fichiers photographiques.Un outil similaire nommé BEARD a été développé pour décrire automatiquement des échantillons de roches broyés(déblais). Plus récemment, Gwire a été développé comme logiciel d’analyse de diagraphies minières personnalisées.

Dans le domaine du traitement de données géoscientifiques, Geolearn fournit des services de traitement avancéde données géophysiques, d’amélioration de résolution de cartes géophysiques, de détermination de cibles de forage àpartir de données multi-sources et de prédiction de zones prospectives.

L’ensemble des services et applications offerts et développés par Geolearn gravitent autour de l’Augmented Intel-ligent Mining (AIM) qui permet une intégration des connaissances et un niveau d’automatisation inégalés, améliorant laplanification de l’exploration et de l’exploitation. La plateforme AIM permet l’intégration en temps réel des données deforage, géologiques et géotechniques, en y combinant la visualisation par réalité augmentée sur les appareils portables.

Démocratiser l’utilisation de l’IA pour une meilleure gestion des ressourcesGeolearn considère que les technologies émergentes comme l’IA et la réalité augmentée ont le pouvoir d’être un

vecteur positif de changement dans le monde géoscientifique. Pour y arriver, les acteurs du domaine doivent faire partiede ce mouvement novateur. Geolearn est engagée dans la promotion de ces technologies et participe activement à lesrendre plus accessible. La plupart des compagnies sont sous la fausse impression que l’IA nécessite le déploiement de ressources informatiques ou infonuagiques (cloud) d’envergure. Pourtant, peu ou pas de modification des procédures detravail sont nécessaires, les outils d’IA pouvant être exécutés sur des postes de travail utilisés par les professionnels dansleur travail de tous les jours. La plupart des améliorations apportées par l’IA utilisent des données déjà disponibles en quan-tités massives, par exemple, les photos et les descriptions géologiques associées. L’accompagnement des compagnies aucours de leur transition technologique, en les aidant à comprendre le pouvoir de l’IA et à préciser leurs besoins, est unedes clefs du succès. Geolearn offre divers cours sur mesure orientés pour les géosciences. Ces formations touchent entreautres, la géostatistique, l’IA et la programmation Python.

Avec plus de 10 ans d’expérience en assimilation de données et en apprentissage automatique, le maintien de liensavec les meilleurs professionnels et chercheurs pour développer des outils et des logiciels adaptés et ses ententes avecdes sociétés de services, d’exploration et d’exploitation au Canada et ailleurs dans le monde, Geolearn est une leader del’utilisation de l’IA en géosciences. Son expertise multidisciplinaire lui permet de cibler adéquatement les besoins etainsi de maximiser la valeur des données existantes en faisant une analyse poussée de leur qualité, de leur implicationdans les phénomènes clés (causalité) et de leur pouvoir prédictif, minimisant ainsi le coût des projets.

Pour en savoir plushttps://www.geolearn.aihttps://www.linkedin.com/company/geolearn.cahttps://www.facebook.com/GeolearnAIhttps://twitter.com/_geolearn

Quelques référencesVoir le sol autrement (Carrier, C.É., 2019) – Le Devoir – Série « Intelligence artificielle » https://www.ledevoir.com/societe/environnement/550314/voir-le-sol-autrementBlouin M., Caté A., Perozzi L. et Gloaguen E., 2017. Automated facies prediction in drillholes using machine learning.Conference Proceedings, 79th EAGE Conference and Exhibition 2017 – Workshops.Caté A.,Perozzi L.,Gloaguen E.et Blouin M.,2017. Machine learning as a tool for geologists.The Leading Edge. 36(3) 194-280.Perozzi L., Giroux B., Schmitt DR et Gloaguen E., 2017. Sensitivity of seismic response for monitoring CO2 storage in a lowporosity reservoir of the St Lawrence Lowlands, Québec, Canada: Part 2 – Synthetic modeling. Greenhouse Gas Sci Technol. 7(4) 613?623.Perozzi L., Guglielmetti L. et Moscariello A., 2020. Geothermal Reservoir Characterization Using Seismic and Machine Learning-A Case Study from the Geneva Basin. Proceedings of the World Geothermal Congress 2020. 8 p. 17

Jeu

ne

en

tre

pri

se

Page 20: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Conseiller en affaires internationales - Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles) ; courriel : [email protected]. WORLD BANK GROUP, CLIMATE SMART MINING FACILITY, Minerals for climate action: the Mineral Intensity of the Clean Energy Transition [http://pub-docs.worldbank.org/en/961711588875536384/Minerals-for-Climate-Action-TheMineral-Intensity-of-the-Clean-Energy-Transition.pdf]

Géologues n°HS1

La stratégie de valorisation des minéraux critiques et stratégiques du Québec

Victor A. Béliveau1.

ContexteL’évolution rapide des technolo-

gies entraîne une augmentation mar-quée de la demande de minéraux cri-tiques et stratégiques (MCS),notammentdans les télécommunications, le domai-ne médical, la production d’énergiesrenouvelables et l’électrification destransports. Dans le contexte actuel debouleversements économiques exacer-bés par les changements climatiques etla pandémie de COVID-19, plusieurs payscherchent à sécuriser leurs approvision-nements en MCS.

Selon un rapport de la Banquemondiale publié en 2020, la transitionénergétique vers une économie faible en carbone occasionnera une forte haussede la demande des minéraux tels le nic-kel, le vanadium, l’indium, le cobalt, lelithium et le graphite2. La figure 1 présente la croissance anticipée, de 2018 à 2050, de la demande de certains de ces miné-raux requis pour l’utilisation des technologies à faibles émissions de gaz à effet de serre (GES).

Comme bien d’autres États, le Québec a amorcé sa transition vers une économie plus verte. Afin de répondre à sesbesoins, il a choisi de miser sur les énergies renouvelables et les nouvelles technologies qui permettent d’allier créationde richesse, qualité de vie et réduction des émissions de GES. Cette volonté se manifeste dans les différents plans et poli-tiques gouvernementales, notamment la Politique de mobilité durable, la Politique énergétique 2030, le Plan pour uneéconomie verte, la Vision internationale du Québec, le Plan d’action nordique 2020 - 2023 et la Stratégie québécoise dedéveloppement de la filière batterie.

Le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025 (PQVMCS) s’inscrit dansce virage. Il a été élaboré à la suite de la tournée de réflexion sur la place du Québec dans la mise en valeur des minérauxcritiques et stratégiques réalisée à l’automne 2019 et à l’hiver 2020, ainsi qu’avec l’apport de plusieurs ministères et orga-nismes.

Nos atouts et nos forcesL’environnement d’affaires du Québec pour l’investissement minier se classe parmi les meilleurs au monde. Le

Québec offre différentes formes de soutien aux projets miniers, telles qu’un régime d’impôt minier compétitif et desmesures fiscales créées spécialement pour les producteurs et les explorateurs de minéraux et de métaux. Ce climatd’affaires concurrentiel et prévisible est également soutenu par l’action des investisseurs institutionnels, par un cadre légalfacilitant le développement minier et par le projet de Bureau de coordination des droits (BCD), qui vise à réduire les délaisadministratifs pour l’obtention de droits et permis sans en diminuer les exigences réglementaires et environnementales.Enfin, l’accès à l’électricité propre, produite à partir des forces hydrauliques, à prix avantageux, pour les entreprises raccordées au réseau d’Hydro-Québec, représente un atout de taille.

Au Québec comme ailleurs dans le monde, l’acceptabilité sociale s’impose comme l’un des enjeux les plus impor-tants pour le développement et la concrétisation de projets de mise en valeur des ressources naturelles. Les promoteurs18

cry

pta

ge

Figure 1. Évolution de la demande pour les minéraux nécessaires à la transition énergétique sur la période 2018-2050.

Page 21: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

qui le souhaitent bénéficient maintenant d’un accompagnement accru du gouvernement pour développer les filières deMCS avec la collaboration des communautés locales et autochtones. D’ailleurs, le gouvernement du Québec est signatairede deux traités modernes et de plusieurs ententes avec les Premières Nations et les Inuits du Québec, dont la Grande Alliance signée en 2020 avec la nation crie.

En tant que producteur minier majeur au Canada, le Québec dispose de ressources minérales très diversifiées,particulièrement en territoire nordique. Parmi ces ressources, le nickel, le lithium, le graphite, le cobalt, les éléments dugroupe du platine, les éléments des terres rares, le niobium, le titane, le vanadium et le zinc donnent déjà lieu à des sitesen exploitation, des projets de mise en valeur ou constituent des gîtes, comme le montre la carte des projets miniers (figure 2). Bien que le Québec ne domine pas la production mondiale, il offre une solution complémentaire d’intérêt pourl’approvisionnement en MCS de certains pays. Enfin, l’exploitation minière au Québec s’appuie sur l’optimisation et le déve-loppement de nouveaux procédés métallurgiques ainsi que sur l’expertise de plusieurs centres de recherche appliquéeet de réseaux de recherche regroupant des experts chevronnés.

Le planLe PQVMCS a été lancé le 29 octobre 2020 par le gouvernement du Québec. Il a pour objectif de favoriser le déve-

loppement et la pérennité de chaînes de valeur de MCS en tirant profit des avantages concurrentiels et du savoir-faire québécois, tout en contribuant aux orientations gouvernementales de transition énergétique et technologique, et ce, dansune perspective de développement durable, d’acceptabilité sociale et de création de richesses pour les régions, y comprisles communautés locales et autochtones.

Dans sa vision, le Québec veut être reconnu comme un partenaire fiable, éthique et durable qui contribue active-ment aux transitions énergétiques et technologiques mondiales ainsi qu’à la création de richesse dans une économie plusverte par la production, la transformation et le recyclage de MCS de qualité.

Comme il a été annoncé dans le discours sur le budget de mars 2020, le gouvernement investira 90 M$ d’ici 5 anspour la mise en œuvre du plan. Les 4 orientations, 11 objectifs et 22 actions du plan visent à assurer la mise en valeur à court,

19

cry

pta

ge

Figure 2. Carte des ressources en minéraux critiques et stratégiques (MCS) au Québec.

Page 22: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

moyen et long termes des gisements et le développement des chaînes de valeur structurantes axées sur les marchés deMCS émergents et en croissance, notamment celles liées à l’électrification des transports et aux énergies renouvelables.Dans son plus récent budget de 2021-2022, le gouvernement du Québec a également ajouté un crédit de droit rembour-sable pour perte, pouvant aller jusqu’à 5 M$ par entreprise admissible, pour des dépenses en travaux nécessaires à la prise de décision d’exploitation d’un gisement de MCS. Voyons maintenant un aperçu des principales orientations duPQVMCS.

Orientation 1 : accroître les connaissances et l’expertise sur les MCSLe besoin de connaissances et d’expertise à plusieurs étapes du développement des chaînes de valeur ressort

comme un incontournable pour le développement des filières de MCS au Québec.La figure 3 fait état des connaissances géoscientifiques actuelles sur le territoire québécois. Force est de constater

que ce niveau de connaissances sur l’ensemble du territoire (zones en bleu sur la carte) doit être renforcé pour mieux mettreen valeur les MCS. C’est pourquoi nous allons réaliser des levés géoscientifiques pour cartographier le potentiel en MCS et accélérer les investissements en ce sens. De plus, les plus récentes innovations numériques et technologiques,notamment en intelligence artificielle, seront intégrées dans le traitement des données pour mettre en valeur le potentiel minéral.

Nous allons aussi améliorer les connaissances sur les MCS en favorisant les synergies en recherche et développe-ment et en innovation. La cartographie de la recherche scientifique actuelle sur les MCS, réalisée par la firme PRIMA Québec, a permis de mieux comprendre où se situe le Québec par rapport aux juridictions canadiennes et étrangères etquelles sont ses forces et ses spécialités. Fort de ces résultats, le Québec pourra créer un réseau scientifique afin de dynamiser la recherche et de la faire rayonner à l’international.

Par ailleurs, l’acquisition de connaissances et d’une expertise environnementale et sociale sur les MCS permettrad’élaborer des outils de gestion pour encadrer les projets de MCS.

Orientation 2 : mettre en place ou optimiser des filières de façon intégrée en partenariatavec les régions productrices de MCS

Une chaîne de valeur minérale typique est complexe. Elle comprend plusieurs étapes, depuis l’exploration jusqu’au recyclage de la ressource en passant par son exploitation, sa transformation et son utilisation. L’implantation dece type de filières au Québec, comme celle de la batterie au lithium-ion, est possible quand les conditions gagnantes sontréunies, c’est-à-dire lorsqu’il y a disponibilité de la ressource, proximité du marché, coûts d’exploitation compétitifs,présence d’entreprises innovantes, marché mondial en croissance et encadrement stimulant. L’orientation 2 s’attaqueaux différents enjeux de développement économique afin de réunir ces conditions gagnantes.

Le premier objectif est de favoriser l’exploration et la mise en valeur des MCS de façon durable, notamment en protégeant ces ressources qui sont d’intérêt pour le Québec, en bonifiant le soutien à l’exploration de base pour mettreen valeur des projets de MCS de qualité et en analysant les tendances du marché pour anticiper et saisir les occasions d’affaires.

Le deuxième objectif permettra de soutenir la transformation et la création de produits à valeur ajoutée associésaux filières de MCS. Pour ce faire, plusieurs actions sont proposées :

Réaliser un portrait des chaînes de valeur québécoises actuelles et futures pour cibler celles qui sont les plus structu-rantes pour le Québec.Appuyer la recherche et développement sur l’extraction, la transformation et le recyclage pour soutenir le développe-ment de nouveaux procédés.Financer la recherche sur les batteries à électrolyte solide, permettant d’atteindre une plus grande autonomie et un tempsde charge plus rapide.Promouvoir et adapter les instruments de soutien au développement des chaînes de valeur de MCS à proximité de laressource.

Le troisième objectif est d’améliorer les infrastructures multiusagers et les corridors d’accès aux ressources enMCS. Le territoire québécois étant vaste, faisant trois fois la taille de la France, les sites miniers sont souvent isolés des infra-20

cry

pta

ge

Page 23: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

21

cry

pta

ge

Figure 3. Carte des connaissances géoscientifiques actuelles sur le territoire québécois.

Page 24: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

3. CIRCLE ECONOMY, Circularity Gap Report 2020 [https://assets.website-files.com/5e185aa4d27bcf348400ed82/5e26ead616b6d1d157ff4293_20200120%20-%20CGR%20Global%20-%20Report%20web%20single%20page%20-%20210x297mm%20-%20compressed.pdf] (Consulté le 15 juin 2020).4. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA LUTTE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES, Responsabilité élargie des producteurs (REP), [https://www.envi-ronnement.gouv.qc.ca/matieres/reglement/recup-valor-entrepr/faq.htm] (Consulté le 21 mai 2021).

Géologues n°HS1

structures actuelles et nécessitent la planification et le développement de nouvelles infrastructures. Comme il est impor-tant de prendre en compte les besoins des autres utilisateurs du territoire, l’élaboration d’une vision intégrée pour l’im-plantation d’un réseau de transport, d’énergie renouvelable et de télécommunications en territoire nordique devientincontournable.

Le quatrième et dernier objectif est de stimuler l’implantation dans les sociétés minières d’initiatives structu-rantes en intelligence artificielle et la transition vers la mine 4.0, notamment par l’autonomisation des opérations.

Orientation 3 : contribuer à la transition vers une économie durableÀ l’échelle mondiale, moins de 9 % des ressources extraites sont remises en circulation dans l’économie3 une fois

utilisées, alors que la disponibilité de plusieurs de ces ressources, dont les MCS, est de plus en plus limitée. Pour pallier l’éven-tuelle rareté de certaines ressources et en assurer l’approvisionnement, l’économie circulaire fait partie des solutions. Cesystème qui vise la conservation des ressources dans le cycle de consommation constitue aussi une stratégie de diversi-fication des activités des acteurs de la chaîne de valeur des MCS et peut présenter un atout supplémentaire pour attirerdes investissements étrangers.

C’est pourquoi il est proposé de favoriser l’intégration de l’économie circulaire aux chaînes de valeur de MCS (fig. 4), notamment en appuyant les projets d’économie circulaire appliqués aux filières de MCS, en encourageant la miseen place d’un environnement d’affaires favorable aux projets d’économie circulaire et en innovant pour valoriser les résidus miniers.

La mise en place d’une industrie du recyclage des MCS sera aussi encouragée. La valorisation des sous-produits minierset industriels et le recyclage des métaux, qui constituent des avenues complémentaires à l’extraction traditionnelle desminerais, seront notamment soutenus. La portée de la responsabilité élargie des producteurs (REP), une approche qui viseà transférer la responsabilité de la gestion des matières résiduelles engendrées par la consommation de divers produitsaux entreprises4, pourrait aussi être étendue à de nouveaux produits pour en assurer le recyclage.

Enfin, l’implantation d’initiatives visant la réduction des impacts environnementaux des projets d’exploitation etde valorisation des MCS sera stimulée, notamment en soutenant l’efficacité énergétique et l’approvisionnement en éner-gie renouvelable pour les projets d’exploitation et de valorisation des MCS.

Orientation 4 : sensibiliser, accompagner et promouvoirLe développement de filières de MCS étant un phénomène émergent dans l’économie mondiale, il nécessite la

mise en œuvre d’actions de sensibilisation, d’accompagnement et de promotion tant auprès de la population que des entrepreneurs et des acteurs internationaux du secteur.

22

cry

pta

ge

Figure 4. Chaîne de valeur type de MCS dans un contexte d’économie circulaire.

Page 25: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

Afin de sensibiliser la population ainsi que les acteurs locaux et autochtones aux enjeux, aux impacts et auxretombées liés à la valorisation des MCS pour le Québec et ses régions, une stratégie de communication sera élaborée etmise en œuvre.

De plus, pour promouvoir les filières de MCS, une stratégie de promotion, de prospection et d’attraction d’inves-tissements sera réalisée selon une approche gouvernementale concertée. Elle aura pour but d’évaluer les possibilités etles moyens d’appuyer les entreprises québécoises dans la concrétisation de leurs projets d’exploration, de mise en valeur,d’exploitation, de transformation ou de recyclage de MCS.

Enfin, pour attirer plus d’investissements en démontrant le respect des normes, des principes d’éthique, de gou-vernance et de responsabilité sociale et environnementale en vigueur au Québec, un projet pilote sous la responsabilitéde Propulsion Québec sera réalisé. Ce projet se traduira par la mise en place d’un système de traçabilité pour les minérauxnécessaires à la fabrication des batteries. Cette initiative s’insère dans la volonté du Québec d’assurer la transparence deschaînes d’approvisionnement, en contribuant notamment aux objectifs de la Global Battery Alliance (GBA), une initiati-ve du World Economic Forum, qui vise à établir une plateforme digitale pour faciliter la traçabilité des chaînes de valeurpour les véhicules électriques et les batteries.

Un plan d’excellence pour une économie verte et prospèreLe Québec est un allié fiable, solide, prospère et vert dans plusieurs domaines. Sa grande diversité minéralogique

fait en sorte que son sous-sol regorge de matériaux critiques et stratégiques liés au développement de nouvelles tech-nologies qui sont essentiels à la transition énergétique, mais également à la relance économique post-COVID de plusieurspays. Au-delà de son potentiel minéral, le Québec a su mettre en place des outils d’accompagnement, des politiques etrèglementations de même que des expertises technologiques et scientifiques qui le positionnent devant plusieurs autresjuridictions minières pour ce qui est du respect des collectivités et de l’environnement dans ses activités minières.Avec le PQVMCS, le Québec vient ajouter un outil supplémentaire de taille dans ses ambitions de développer les matériaux critiques.Tous ces avantages font du Québec un partenaire de choix dans le développement de chaînes de valeurde matériaux critiques résilientes, solides et vertes.

23

cry

pta

ge

Définitions L’économie circulaire est un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’uti-

lisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, tout en réduisant l’empreinteenvironnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités.

Les minéraux critiques sont des substances minérales qui revêtent aujourd’hui une importance écono-mique pour des secteurs clés de notre économie, qui présentent un risque élevé en matière d’approvisionnementet qui n’ont pas de substituts disponibles commercialement.

Les minéraux stratégiques sont des substances nécessaires à la mise en œuvre de nos politiques, par exemplele plan pour une économie verte à venir.

La responsabilité élargie des producteurs (REP) est une approche qui vise à transférer la responsabilité de larécupération et de la valorisation des matières résiduelles engendrées par la consommation de divers produits auxentreprises qui sont à l’origine de leur mise en marché.

Page 26: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Professeur, INRS, 490 rue de la Couronne, Québec, Canada, G1K 9A9, [email protected]

Géologues n°HS1

IntroductionL’histoire géologique de la province de Québec

s’étend sur plus de quatre milliards d’années, de l’Archéenau Quaternaire. Le Nord du Québec contient des rochesparmi les plus vielles du monde datées à 4,3 Ga (O’Neil etal., 2008 ; David et al., 2008) et les glaciations du Quater-naire ont remodelé le paysage de l’ensemble du territoire.C’est près de 90% du territoire qui est occupé par lesroches précambriennes du Bouclier canadien au nord dufleuve Saint-Laurent (Fig. 1). Les roches plus jeunes, paléo-zoïques et mésozoïques, se retrouvent dans les Basses-Terres du Saint-Laurent, le long du fleuve du même nom,et le plateau appalachien plus au sud (voir figure 1). Le Bouclier canadien est un ancien craton précambrien quiforme le cœur du Canada et une partie du nord-est desÉtats-Unis. Le plateau appalachien appartient à la chaînede montagnes des Appalaches qui borde le continentnord-américain de la province canadienne de Terre-Neuve, au nord-est (voir figure 1), jusque dans le sud-estdes États-Unis. On retrouve au Québec, cinq principales provinces géologiques de roches précambriennes etpaléozoïques, les provinces du Supérieur, de Churchill, deGrenville, de la Plate-forme du Saint-Laurent et des Appalaches, tandis que des roches de l’ère Mésozoïquesont présentes sous forme d’intrusions dans le sud duQuébec (voir figure 1).

Province du Supérieur La Province du Supérieur qui constitue le cœur du

Bouclier canadien est formée principalement de rochesarchéennes dont l’âge varie entre 4,3 et 2,57 Ga. Elle est sub-divisée en plusieurs sous-provinces géologiques qui ont étéassemblées par diverses orogenèses dont l’orogenèsekénoréenne autour de 2,6 Ga. On distingue des sous-pro-vinces métasédimentaires (voir figure 1 ; sous-provinces dePontiac et d’Opinaca), volcano-plutoniques (sous-pro-vinces d’Abitibi, d’Opatica et de La Grande), et gneissique-plutoniques (sous-province d’Ashuanipi). Cette provincegéologique est réputée mondialement pour ses mines d’or,de cuivre, de zinc, de nickel, de fer et d’argent.

Province de ChurchillLa Province de Churchill est constituée de roches

archéennes et protérozoïques variant de 2,9 à 1.1 Ga. Ellese divise en quatre sous-provinces géologiques dont uneau nord de la Province du Supérieur, l’Orogène de l’Unga-va (ou Fosse de l’Ungava), et trois autres à l’est, la Fosse duLabrador, la Zone Noyau et l’Orogène des Torngat (voirfigure 1). À l’est de l’Orogène des Torngat, on retrouve auQuébec une très petite partie de la Province de Nain quiest située principalement au Labrador (voir figure 1). Cet-te province précambrienne comprend des roches méta-morphiques dont l’âge varie de 3,8 à 2,7 Ga.

L’Orogène de l’Ungava est une ceinture de rochesvolcano-sédimentaires du Paléoprotérozoïque compre-nant de nombreux plutons dont l’âge varie de 1,74 à 2,04Ga. Les roches supracrustales sont métamorphisées dufaciès des schistes verts à celui des amphibolites moyen,et recoupées par des nombreuses failles associées à l’oro-genèse trans-hudsonienne (1,8 Ga). La Fosse de l’Ungavarenferme des gîtes importants de Cu-Ni et d’éléments dugroupe du platine.

La Fosse du Labrador est constituée de roches supra-crustales métasédimentaires et volcaniques dont le facièsmétamorphique varie des schistes verts aux amphibolites.Ces roches d’âge Paléoprotérozoïque (2,17 à 1,81 Ga) ont étédéformées par l’orogenèse trans-hudsonienne (1,87 Ga). Lesplis et les failles rendent la géométrie des bassins sédi-mentaires de la fosse du Labrador très complexe. La Fosse du Labrador est reconnue pour ses grands gisementsde minerai de fer.

La Zone Noyau contient des roches archéennes etpaléoprotérozoïques dont l’âge s’étend de 2,9 à 1,1 Ga. Cesont des roches plutoniques de haut grade métamor-phique. À l’est, l’Orogène Torngat est constitué de rochessupracrustales éruptives d’âge paléoprotérozoïque quisont métamorphisées jusqu’au faciès des granulites etrecoupées par des kimberlites.

Province de Grenville La Province de Grenville est constituée de roches

précambriennes dont l’âge varie de 2,7 Ga à 600 Ma. La

Introduction

La diversité géologique du QuébecMichel Malo1.

24

Do

ssie

r

Page 27: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

Province de Grenville est caractérisée par un degré demétamorphisme général élevé (faciès des amphibolitesjusqu’au faciès des granulites) et par une importantequantité de roches magmatiques qui ont cristallisé à hau-te température. La phase orogénique classique attribuéeà la formation de la province de Grenville est l’orogenèse

grenvillienne (1,080 à 0,985 Ga), mais les études récentesmontrent que l’histoire tectonique de cette province estbeaucoup plus complexe.

La Province de Grenville est reconnue pour sesmines de fer et d’ilménite, ses syénites à néphéline, sesminéraux industriels et ses pierres de taille (granite, anor-

Introduction

25

Do

ssie

r

Figure 1. Les provinces géologiques québécoises. Gracieuseté du Ministère de l’Énergie et des Ressources Naturelles du Québec (MERN).

Page 28: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

thosite, mangérite). Le territoire fait l’objet actuellementde recherches pour des minéraux de terres rares. La minede niobium de Saint-Honoré est située dans le Grenville,au nord du lac Saint-Jean. Le Québec est le deuxième producteur mondial de ce métal rare.

Province de la Plate-forme du Saint-Laurent

La Plate-forme du Saint-Laurent, située directe-ment au sud de la Province de Grenville (voir figure 1),comprend des roches paléozoïques variant de 570 à 430 Ma.Les roches de la Plate-forme du Saint-Laurent reposenten discordance sur le socle grenvillien en bordure orien-tale de Laurentia (coordonnées actuelles) et en marge del’océan Iapetus. La Plate-forme du Saint-Laurent, qui a étéle lieu d’exploration pétrolière et gazière depuis la fin duXIXe siècle (voir l’article de M. Malo et al. dans ce numéro),contient des gisements de gaz de schiste et a produit du gaznaturel de réservoirs conventionnels. La principale res-source minière exploitée est le calcaire. L’intrusion de car-bonatites d’Oka au sein de la Plate-forme des Basses-Terres du Saint-Laurent, une des Collines montérégiennesà l’ouest de Montréal,contient un gisement de niobium quin’est toutefois plus en exploitation.

Notons la présence de roches sédimentaires paléo-zoïques au sud de la Baie James (voir figure 1). C’est la Pla-te-forme de la Baie d’Hudson constituée de roches sédi-mentaires ordoviciennes, siluriennes et dévoniennes decomposition semblable à celles trouvées sur la Plate-for-me du Saint-Laurent.

Province des Appalaches La Province des Appalaches comprend des roches

sédimentaires et volcaniques dont l’âge varie de la fin duNéoprotérozoïque jusqu’au Permien (de 600 à 300 Ma).Les Appalaches représentent les vestiges d’une grandechaîne de montagnes qui s’est développée suite à plu-sieurs phases orogéniques de l’Ordovicien au Permien.Les Appalaches canadiennes ont été divisées 1) en zonesde roches cambro-ordoviciennes déformées principale-ment par l’orogenèse taconienne (Ordovicien), 2) en cein-

tures siluro-dévoniennes ayant subi les orogenèses sali-nienne (Silurien) et acadienne (Dévonien), et 3) en bas-sins permo-carbonifères ayant subi l’orogenèse allégha-nienne (Carbonifère) (Williams, 1995). Les gisements decuivre de Mines Gaspé et ceux d’amiante d’Asbestos et deThetford Mines sont situés dans la province géologiquedes Appalaches.

Le MésozoïqueDans l’ensemble du Québec,ce sont les roches pré-

cambriennes qui dominent dans le Bouclier canadien etles roches paléozoïques dans la Plate-forme du Saint-Laurent et les Appalaches. Des roches plus jeunes, duMésozoïque, sont présentes sous forme d’intrusions quirecoupent ces deux dernières provinces. Ce sont des dykeset des plutons crétacés dans le sud du Québec, les Col-lines montérégiennes (voir figure 1), et deux dykes juras-siques sur l’île d’Anticosti. La suite d’intrusions alcalines des Collines montérégiennes se serait mise en place dansla marge orientale du continent nord-américain proba-blement en réponse au passage de la plaque continenta-le au-dessus d’un point chaud et/ou à l’ouverture del’Océan Atlantique (Eby, 1984 ; Bédard, 1992). Les roches duCénozoïque sont absentes au Québec.

BibliographieBédard J.H., 1992. Jurassic quartz-normative tholeiite dikesfrom Anticosti Island, Quebec. Geological Society of AmericaSpecial Paper 268, 161-167.David J., Godin L., Stevenson R., O’Neil J. et Francis D., 2008.U-Pb ages (3.8–2.7 Ga) and Nd isotope data from the newlyidentified Eoarchean Nuvvuagittuq supracrustal belt, Super-ior Craton, Canada. Geological Society of America Bulletin,121, 150-163.Eby, G.N., 1984. Geochronology of the Monteregian Hills alka-line igneous province, Quebec. Geology, 12, 468-470.O’Neil J., Carlson R.W., Francis D. et Stevenson R. K. 2008.Neodymium-142 evidence for Hadean mafic crust. Science321, 1828-1831.Williams H., 1995. Introduction. Geological Survey of Canada,Geology of Canada, no. 6 (aussi Geological Society of America,The Geology of North America, vol. F-1), p.3-19.

Introduction

26

Do

ssie

r

Page 29: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Chaire de recherche industrielle CRSNG-Agnico Eagle en exploration minérale. Centre de recherche sur la géologie et l’ingénierie des ressources minérales. Département de géologie et de génie géologique. Université Laval, Québec G1R 0A6 Canada. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

Au Québec, la compréhension de la formation desgites minéraux a été fortement améliorée par des étudesdétaillées de grands gisements de métaux communs etprécieux (gisements de La Ronde, de Canadian Malartic etd’Eléonore) qui documentent des caractéristiques nou-velles et ouvrent des voies prometteuses pour l’explora-tion dans les terrains vierges du nord du Canada et d’ailleurs.En parallèle, les géologues québécois ont participé à degrandes études multidisciplinaires canadiennes qui visent àdéfinir l’empreinte de grands gisements, la fertilité des ter-ranes,par l’intégration massive des données et l’applicationdes méthodes de l’intelligence artificielle.

Études des grands gisementsLe potentiel géologique du Québec est immense,

et cela s’est reflété par la découverte et la mise en pro-duction de gisements de classe mondiale.

Le gisement de Au-Cu-Zn-Pb-Ag de sulfures mas-sifs volcanogènes aurifères de La Ronde contient plus de59 millions de tonnes de sulfures massifs à 4,3 g/t Au,0,3% Cu et 2,2% Zn, (Mercier-Langevin et al., 2011). Il estconstitué d’une série de lentilles sur plusieurs niveauxstratigraphiques, le long desquels se trouvent plusieursautres amas de sulfures sur près de 10 km d’extensionlatérale. Cette découverte des années 1980, en affleure-ment, se poursuit en profondeur, explorée au-delà de 3 km de profondeur. L’intérêt pour ce type de sulfures mas-sifs aurifères réside dans leur cortège métallique dont lavaleur est dominée par l’or, ce qui leur donne un avanta-ge économique. La sous-province de l’Abitibi du Supérieurau Québec est particulièrement bien dotée en ce type desulfures massifs volcanogènes aurifères. Ils se trouventaussi dans d’autres provinces volcaniques felsiques, d’af-finité transitionnelle à calco-alcaline, où les gisementssont associés à une altération argileuse acide, riche enaluminium, formée à basse température (Beaudoin et al.,2014), et montrent un assemblage métallique àAu–Ag–As–Sb ± Bi–Hg–Te qui suggère une contributionmagmatique (Mercier-Langevin et al., 2011).

Le gisement Canadian Malartic est un dépôt d’or àfaible teneur (1,02 g/t Au) et grand tonnage (plus de 380 mil-lions de tonnes), encaissé principalement par les rochesmétasédimentaires du Groupe de Pontiac. Cet ensembleminéralisé avait été exploité,au début du XXe siècle, le long

de zones de plus hautes teneurs, associées à des filons etdes zones de cisaillement. Le gisement Canadian Malarticrésulte de la découverte d’enveloppes minéralisées à bas-se teneur,périphériques aux zones plus riches,qui a permisde reconfigurer le concept d’exploitation vers une fosse àciel ouvert. La minéralisation consiste en des veinules etdes stockwerks à quartz-carbonates.La signature métalliqueà Au-Te-W-S-Bi-Ag ± Pb ± Mo, une altération potassique etune association avec des intrusions porphyriques datéesà 2678 Ma, suggèrent un épisode aurifère précoce, proba-blement magmatique hydrothermal. Cependant, la majo-rité de la minéralisation est contrôlée par la déformation D2(De Souza et al.,2017),associée à des fluides d’origine méta-morphiques (Beaudoin et Raskevicius, 2014).

Enfin, la mine Éléonore est une découverte enrégion vierge, rendue accessible par le développementhydro-électrique de la Baie James. En 2002, Mines d’orVirginia découvre un bloc erratique minéralisé en or quimènera, en 2004, à la découverte de la zone affleuranteRoberto, et au gisement Éléonore de plus de 39 millionsde tonnes à 6 g/t Au. Le gisement se trouve à proximitédu contact entre les sous-provinces d’Opinaca et de LaGrande, dans des roches turbiditiques métamorphisées aufaciès des amphibolites (Fontaine et al., 2015). La minéra-lisation aurifère comprend principalement des stockwerksà quartz-tourmaline associés à des zones de remplace-ment à microcline, phlogopite, pyrrhotite, arsénopyriteet löllingite. Les zones minéralisées sont foliées, plissées,et métamorphisées, attestant d’une minéralisation auri-fère pré-métamorphique (Fontaine et al., 2015). La miné-ralisation à Éléonore représente un style nouveau de gise-ment, ce qui ouvre des opportunités d’exploration dans lesvastes territoires du nord du Québec et du Canada.

Grandes études multi-disciplinairesLe Conseil canadien pour l’innovation minière

(CCIM) a été constitué, entre autres, pour fédérer larecherche appliquée à l’industrie minière. Il regroupe lesgrands acteurs publics et privés du domaine. Au niveau del’exploration minérale, plusieurs ateliers ont permis auxreprésentants de l’industrie et aux chercheurs universi-taires d’identifier différentes priorités. La première a étéde définir l’empreinte des grands gisements dans leur milieugéologique, ce qui a donné naissance au grand projet derecherche et développement CCIM-CRSNG intitulé

les ressources minières et énergétiques

27

Do

ssie

r

Récentes avancées en métallogénie au QuébecGeorges Beaudoin1.

Page 30: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

« Empreinte multi-paramètres intégrée des systèmesminéralisés : la prochaine génération de modèles de typede gites », ou « Footprints ». Le projet a impliqué 42 cher-cheurs universitaires issus de 24 universités canadiennes,et 45 collaborateurs issus de 27 partenaires industriels.Le projet (2012-2017) s’est focalisé sur trois études de cas,soit la mine Canadian Malartic au Québec pour les sys-

tèmes aurifères, le gisement Millenium au Saskatchewanpour les systèmes uranifères, et le gisement Highland Valley, en Colombie Britannique pour les systèmes cuprifères.

La figure 1 montre les résultats de l’empreinte dugisement Canadian Malartic pour une série de paramètres

les ressources minières et énergétiques

28

Do

ssie

r

Figure 1. Sommaire de l’empreinte du gisement Canadian Malartic. Source : tirée de Lesher et al., 2017.

Page 31: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

géologiques, géochimiques et géophysiques. Ces para-mètres permettent de détecter l’empreinte d’un grand sys-tème aurifère sur une distance de plusieurs kilomètres,offrant ainsi une cible d’exploration beaucoup plus large(Lesher et al., 2017).

La deuxième priorité identifiée par les ateliers orga-nisés par le CCIM concerne la détermination de la fertili-té des terranes pour porter des gisements. Cette prioritéest complémentaire au premier projet car son objectif estd’identifier les caractéristiques des terranes où l’on vou-dra chercher l’empreinte d’un gisement. Le programmeMetal Earth (2017-2024) s’intéresse directement à cetaspect pour les roches archéennes du bouclier canadien.Metal Earth cherchera à répondre à deux questions prin-cipales :

la nature des processus géodynamiques archéens quidemeure controversée; et pourtant ces roches contien-nent la moitié des ressources minérales du Canada. Siles processus géodynamiques archéens diffèrent deceux du Phanérozoïque, comment ont-ils conduit auxriches ressources minérales de l’Archéen, et comment lesreconnaître ? Existe-t-il des différences subtiles entre le manteau, lalithosphère sub-continentale,et la croûte continentale desterranes riches en ressources minérales par rapport àceux des terranes moins bien pourvus ?

Tant les projets « Footprints » que « Metal Earth »cherchent de nouvelles méthodes pour intégrer unensemble de données complexes, irrégulièrement distri-buées et avec des densités spatiales très hétérogènes. L’in-terrogation des bases de données complexes a donné nais-sances à des outils novateurs, tel Geoscience Integratorde Mira Géosciences, et l’application de méthodes statis-tiques multivariées de classification des paramètres enrelation avec la présence de minéralisation, et l’applica-tion de méthodes d’apprentissage-machine et d’intelli-gence artificielle. L’application de ces méthodes a montréson potentiel dans les concours internationaux d’explo-ration, ouvert chacun à des milliers de géologues dans lemonde, organisés par les entreprises Goldcorp à Red Lake(2000), et par Integra Gold à Val d’Or (2016).

ConclusionLes avancées en métallogénie au Québec sont asso-

ciées en partie, à l’étude de grands gisements nouvelle-ment découverts qui montrent des caractéristiques par-fois rares ou inusitées, mais dont la signification permetd’élaborer de nouvelles stratégies d’exploration. En paral-lèle, l’intégration des données de l’échelle du gisement àcelle du terrane permet d’identifier des critères distinctifsapplicables en exploration minérale. Le Québec resteradonc, sans aucun doute, une terre pour les métallogé-nistes dans les années prochaines.

RéférencesBeaudoin G., Mercier-Langevin P., Dubé B. et Taylor B.E., 2014.Low-Temperature Alteration at the World-Class LaRonde Pen-na Archean Au-Rich Volcanogenic Massive Sulfide Deposit,Abitibi Subprovince, Quebec, Canada: Evidence from Whole-Rock Oxygen Isotopes. Econ. Geol. 109, 167-182.Beaudoin G. et Raskevicius T., 2014. Constraints on the gene-sis of the Archean oxidized, intrusion-related Canadian Malar-tic gold deposit, Quebec, Canada-A discussion. Econ. Geol. 109,2067-2068.De Souza S., Dubé B., McNicoll V., Dupuis C., Mercier-LangevinP., Creaser R. et Kjarsgaard I.M., 2017. Geology and Hydrother-mal Alteration of the World-Class Canadian Malartic GoldDeposit: Genesis of an Archean Stockwork-Disseminated GoldDeposit in the Abitibi Greenstone Belt, in: Monecke,T., Mercier-Langevin, P., Dubé, B. (Eds.), Archean Base and Precious MetalDeposits, Southern Abitibi Greenstone Belt, Canada. Society ofEconomic Geologists, pp. 263-291.Fontaine A., Dubé B., Malo M., McNicoll V.J., Brisson T., DoucetD. et Goutier J., 2015. Geology of the metamorphosed Rober-to gold deposit (Éléonore Mine), James Bay region, Quebec:diversity of mineralization styles in a polyphase tectonome-tamorphic setting, In:Targeted Geoscience Initiative 4: Contri-butions to the Understanding of Precambrian Lode Gold Depo-sits and Implications for Exploration, (ed.) B. Dubé and P.Mercier-Langevin; Geological Survey of Canada, Open File7852, p. 209-225.Lesher, M., et al., 2017. Integrated Multi-Parameter Explora-tion Footprints of the Canadian Malartic Disseminated Au,McArthur River-Millennium Unconformity U, and HighlandValley Porphyry Cu Deposits: Preliminary Results from theNSERC-CMIC Footprints Research Network. In “Proceedingsof Exploration 17: Sixth Decennial International Conferenceon Mineral Exploration” edited by V.Tschirhart and M.D.Tho-mas, 2017, p. 325–347 Mercier-Langevin P., Hannington M., Dubé B. et Bécu V., 2011.The gold content of volcanogenic massive sulfide deposits.Mineralium Deposita 46, 509-539.

les ressources minières et énergétiques

29

Do

ssie

r

Page 32: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Éléonore et Canadian Malartic, exemples de découvertes et défis en exploration minérale au QuébecStéphane de Souza1 et Lucie Mathieu2.

1. Université du Québec à Montréal, 201, avenue du Président-Kennedy, Montréal, Canada, H2X 3Y7. Courriel : [email protected]. CERM (Centre d’Étude des Ressources Minérales), DSA (Département des Sciences Appliquées), UQAC (Université du Québec à Chicoutimi),555 Boul. de l’Université, Chicoutimi, Canada, G7H 2B1. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

Les découvertes québécoises… Quand je pense à FernandeJe bande, je bandeQuand j’pense à FélicieJe bande aussiQuand j’pense à LéonorMon dieu je bande encore …D’après la légende, ce sont ces vers de Brassens

qui, à l’été 2001 ont inspiré les prospecteurs Jean-François Ouellet et Michel Gauthier lors de leurs décou-vertes aurifères prometteuses sur les berges du réservoirOpinaca, dans la région de la Baie James. Ils ont ainsi nom-mé le site sur lequel sera éventuellement développée lamine « Éléonore ». Ces premiers indices découverts parprospection de surface ont mené à une véritable ruée versl’or dans une région isolée du Nord québécois (Fig. 1), vier-ge de tous travaux miniers et qui attire depuis ce jour l’at-tention des prospecteurs les plus chevronnés. Dans uncontexte fort différent, une autre découverte a mené à lamise en production,en 2011 et en pleine ville,d’une des plusimportantes mines d’or au Canada ; celle de CanadianMalartic, dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, oùdes mines y sont développées depuis plus de 100 ans etoù la plupart des affleurements ont déjà fait rebondir lemarteau de plusieurs générations de géologues (Fig. 1).

Encore aujourd’hui, malgré la diversification desbesoins en ressources minérales, notamment liée à l’essordes technologies numériques, le métal jaune demeureen tête de file des cibles d’exploration au Québec. Parexemple, selon l’Institut de la statistique du Québec(http://www.stat.gouv.qc.ca), 72,9 % de l’investissementen exploration et mise en valeur se fait dans le secteur desmétaux précieux,10,6 % dans celui des métaux usuels,8,4%dans le lithium, 8,4% dans le fer-titane-vanadium et 1,7 %dans le graphite. En ce qui concerne la distribution géogra-phique, les deux principales régions qui suscitent le plusd’intérêt pour l’exploration et la mise en valeur de projetsaurifères sont respectivement l’Abitibi-Témiscamingue etle Nord-du-Québec (région de la Baie James incluse), avec298,5 M $ et 238,8 M $ d’investissement en 2017.

Ainsi, les découvertes du gisement Éléonore à laBaie James et celui de Canadian Malartic en Abitibi-

Témiscamingue, sont représentatives de l’effort qui estvoué au développement des projets aurifères au Québec.Ces exploitations ont dû faire face à plusieurs enjeux etdéfis liés à l’exploration minérale au Québec, et qui tou-chent notamment l’exploration de vastes étendues nor-diques souvent difficiles d’accès et dont la géologie estméconnue, ou le développement de projets miniers dansdes régions rurales ou urbanisées riches d’une histoireminière s’échelonnant sur plus d’un siècle.

De l’exploration et des modèlesDans une province comme celle du Québec, le

temps où les pépites d’or étaient polies par les mocas-sins des coureurs des bois est révolue. Une partie impor-tante des gisements, situés à proximité de la surface oudans des régions facilement accessibles et qui peuventêtre détectés par méthodes directes, a été découverte. Le

les ressources minières et énergétiques

30

Do

ssie

r

Figure 1. A) Provinces géologiques du Québec. B) Sous-provinces du cratondu Supérieur et localisation des mines Canadian Malartic et Éléonore.Source : Cartes A) et B) créées à partir de la base de données SIGÉOM ;graphisme par Viorel Horoi, UQAM.

Page 33: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

géologue d’exploration doit donc redoubler d’ingéniosi-té pour mettre au jour les minéralisations enfouies à plusgrande profondeur, ou situées dans des régions peuconnues et isolées. Nombre de ces stratégies reposent surun élément des modèles métallogéniques, qui sont sanscesse augmentés par notre compréhension, en constanteamélioration, des processus minéralisateurs.

Les gisements d’or emblématiques, au Québec,sont principalement situés dans des ceintures de rochesvertes archéennes et correspondent à des veines de quartzou des disséminations aurifères pauvres en métaux debase et associées à de grands couloirs de déformation,ainsi qu’à des sulfures massifs volcanogènes aurifères(SMV) souvent riches en Cu, Zn et Pb (Robert et al., 2005).Pour les gisements d’or orogénique, les fluides sont prin-cipalement d’origine métamorphique ; ils proviennent dela déshydratation des roches qui subissent une augmen-tation de pression et de température (P-T) pendant leurenfouissement (Phillips and Powell, 2010). Les roches lesplus à-même de relâcher une grande quantité de fluides(c’est-à-dire les roches supra-crustales, comme les basaltesou les roches sédimentaires), ainsi que les conditions P-Tles plus favorables à la production de ces fluides peuventainsi être identifiées et ciblées. Les mécanismes par les-quels les fluides relâchent leur or sont également de mieuxen mieux compris, ce qui permet de cibler les secteursstructuralement (intrusion felsique) et chimiquement(unité riche en fer) favorables au développement d’uneminéralisation (Goldfarb et al., 2005).

Enfin,pour un nombre croissant de gisements auri-fères, une contribution de métaux par des fluides mag-matiques ou un héritage magmatique, sont égalementenvisagés (Robert 2001,Helt et al.2014,De Souza et al.,2017 ;Fayol et Jébrak,2017).Ce nouveau paradigme porte ainsi l’at-tention du prospecteur vers les intrusions magmatiques etl’amène à se demander si l’âge et la chimie de ces intrusionsne pourraient pas être utiles au ciblage des minéralisa-tions aurifères. Citons encore un autre type de processus :le multi-stage, ou « métallogénie constructiviste » pourciter M. Jébrak, professeur à l’UQAM. Selon ce modèle, lesgisements se formeraient sur de longues périodes de temps,par remobilisation, superposition ou enrichissements suc-cessifs, si bien que le géologue académicien et le prospec-teur devront prendre en considération les facteurs ayantfavorisé la concentration précoce de l’or dans la croûte(formation d’un SMV ou d’un porphyre à or).

Histoires de découvertesLes gisements présentés ici correspondent proba-

blement aux deux découvertes aurifères les plus signifi-

catives réalisées au Québec depuis le début du siècle,notamment pour l’impact qu’ils ont eu sur l’exploration,la mise en valeur et les modèles géologiques et métallo-géniques. Ils sont principalement situés dans des rochessédimentaires métamorphisées appartenant à la Provin-ce du Supérieur (voir figure 1) et montrent une associationspatiale avec des intrusions intermédiaires à felsiques.

Exploitation en chantier déjà miné !En date de sa dernière mise en production en mai

2011, le gisement Canadian Malartic totalisait 16,34 Mozd’or en réserves et production passée, et produit aujour-d’hui plus de 600 000 oz d’or par an en exploitation parfosse. Ceci en fait la mine avec la production aurifère la plusimportante actuellement au Canada. Cette productionprovient essentiellement de grandes enveloppes aurifèresà basse teneur (~1 g/t Au) contenant de la pyrite dissé-minée et des stockwerks à quartz-carbonate-pyrite (Heltet al., 2014 ; De Souza et al., 2017). Ce style de minéralisa-tion contraste avec celui des gisements traditionnels de laceinture de roches vertes de l’Abitibi qui étaient généra-lement minés à des teneurs excédant 5 g/t Au. La singu-larité du gisement Canadian Malartic est entre autres,liée à son histoire de découvertes et de développements,d’abord dans les années 20-30, puis ensuite dans lesannées 2000, mais aussi au rôle qu’il a pu jouer dans ledéveloppement des concepts et des idées sur la valorisa-tion des gisements miniers au Québec. C’est en 1923 quedes zones aurifères y furent identifiées par des prospec-teurs qui ont suivi un grand linéament aurifère, la zone defaille de Cadillac, depuis l’Ontario vers le Québec. Le gise-ment est mis en production en 1935 et on y produisit del’or jusqu’en 1981. C’est après le second choc pétrolier et unehausse fulgurante du prix de l’or (~700% entre 1972 et1982), que différents projets d’exploration identifient deszones aurifères à basse teneur, mais inexploitables selonles méthodes de l’époque.

En 2004, la compagnie Osisko fait l’acquisition desclaims qui couvraient alors le site de l’ancienne mine Cana-dian Malartic, suite à une faillite et pour la modique som-me de 80 000 $ (Wares et Prud’homme, 2013). La straté-gie d’exploration se devait d’être différente des campagnespassées, puisque la propriété acquise était considérée parla plupart des géologues de l’époque comme ayant étéexploitée, explorée et nécessitant un investissement non-négligeable en réhabilitation. Le coup de génie des artisansd’Osisko, Robert Wares, John Burzynski et Sean Roosen, aété de cibler des zones aurifères à basse teneur (~1 g/tAu) mais à fort tonnage situées près de la surface. Lemodèle géologique préconisé était celui des porphyres

les ressources minières et énergétiques

31

Do

ssie

r

Page 34: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

ou des systèmes magmatiques-hydrothermaux aurifères,un modèle qui avait d’ailleurs été proposé dans la littéra-ture de l’époque et qui permettait d’expliquer la présen-ce de disséminations et de stockwerks aurifères (Wares etBurzynski, 2011). L’acquisition du site de l’ancienne mineCanadian Malartic cachait aussi un avantage stratégique,une banque de données considérable comptant plusieursmilliers de mètres de forage, des interprétations géolo-giques, des évaluations de ressources basées sur des tra-vaux récents (années 80-90) et aussi une quantité impor-tante d’informations disponibles auprès du Ministère del’Énergie et des Ressources naturelles du Québec sur labase de données SIGÉOM.

Un autre défi considérable : le gisement se trouvaitdirectement sous la ville de Malartic (Fig. 2A, B) ! Malgré lesrisques inhérents au projet, par exemple la nécessité dedéménager une partie du quartier sud de la ville, c’est lavision et la stratégie d’Osisko, ainsi que l’ascension duprix de l’or (qui quintupla entre 2000 et 2010), qui ontpermis de sécuriser un financement et d’initier une cam-pagne d’exploration ambitieuse en 2005. Dès le débutdes travaux de forage, plusieurs enveloppes aurifèressignificatives sont identifiées ; les 20 premiers foragesont tous recoupé des zones minéralisées, avec des inter-sections variant de 51,3 à 269,5 m à des teneurs homo-gènes entre 0,7 et 2,5 g/t, contribuant ainsi à définir, en2008, un premier calcul de ressources (mesurées et indi-quées) à 7,69 Moz d’or (c.f.Wares et Burzinsky, 2011). Ce cal-cul, ainsi que les premières études d’impact environne-mental et d’évaluation économique préliminaires étantcomplétées, la relocalisation du quartier sud de la ville apu débuter à l’automne 2008 et durera environ deux ans.Plus de 200 résidences ont été déménagées et plusieursbâtiments institutionnels ont été construits (Wares etBurzynski, 2011). La production commerciale débuta en2011, alors qu’Osisko publiait un calcul de réserves prou-vées et probables de 10,7 Moz d’or à une teneur moyennede 0,97 g/t. En juin 2014,Yamana Gold Inc. et Mines Agni-co Eagle Limitée ont fait l’acquisition de la compagnieOsisko, menant ainsi à la création du « Partenariat Cana-dian Malartic », qui opère à présent la mine. Depuis l’ini-tiation du Partenariat, de nouvelles zones aurifères ontété découvertes en profondeur et pourraient éventuelle-ment représenter un nouveau chapitre des mines sou-terraines de Malartic.

Pour faire suite à ce succès, les minéralisationsaurifères à faible teneur et fort tonnage représententmaintenant une des cibles principales des programmesd’exploration au Québec. L’origine de ce type de minéra-lisation fait également l’objet de plusieurs études. Le gise-

ment Canadian Malartic est encaissé dans des rochessédimentaires métamorphisées (environ 70-75% du mine-rai) et est associé à des roches intrusives porphyriquessituées à moins de 2 km au sud de la zone de faille deCadillac (Helt et al., 2014 ; De Souza et al., 2017). La plupartdes gisements aurifères de la région sont toutefois déve-loppés au nord de cette même faille, dans des roches vol-caniques et/ou intrusives. Les modèles géologiques pro-posés pour la formation du gisement Canadian Malartic

les ressources minières et énergétiques

32

Do

ssie

r

Figure 2. A) Vue aérienne sur la ville de Malartic et de la mine à ciel ouverten arrière-plan. Crédit photo : Hugo Lacroix. B) Vue vers l’ouest depuis le« mur vert », séparant la ville de Malartic des opérations minières. Créditphoto : Hugo Lacroix. C) vue aérienne de la mine Éléonore et du réservoirOpinaca. Crédit photo : Mathieu Dupuis.

Page 35: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

mettent en avant le rôle principalement passif (De Souzaet al., 2017) ou actif (Helt et al., 2014 ; Fayol et Jébrak, 2017)des intrusions ; les intrusions sont soit des pièges chi-miques et rhéologiques pour les fluides minéralisateurs,soit des sources de fluides et de métaux. Aussi, plusieursindices empiriques peuvent être recherchés et différentsoutils ont récemment été développés afin de les détecter,notamment la minéralogie des altérations proximales etdistales, leur signature spectrale, géochimique et géo-physique (De Souza et al., 2017 ; Lesher et al., 2017).

Tous au Nord !Le gisement de Roberto (mine Éléonore), 3,8 mil-

lions d’onces d’or, est situé dans la région de la Baie Jamesà plusieurs centaines de kilomètres au nord de la derniè-re ville d’importance de la belle province (voir figures 1 et2C). Roberto est situé dans des turbidites (< 2 675 Ma) dela Sous-province de La Grande, à quelques kilomètres de

son contact avec la Sous-province de l’Opinaca, qui estdominée par des roches sédimentaires métamorphiséesà haut grade (paragneiss et migmatite) (Fig. 3). Le gisementest situé à la charnière d’un pli, dans des roches méta-morphisées fortement déformées et situées à proximitéd’intrusions (Ravenelle, 2013). La proximité entre le gise-ment et le contact entre deux sous-provinces géologiquessignifie qu’il est situé dans une zone à fort gradient méta-morphique où une grande quantité de fluides a pu êtrerelâchée pendant le métamorphisme (Gauthier et al.,2007 ; Ravenelle, 2013 ; Fontaine et al., 2015). La présencede roches supra-crustales, d’intrusions et de déforma-tions qui indiquent une histoire métamorphique et mag-matique intense et prolongée, et la proximité du contact,font partie des principaux guides d’exploration dans cet-te région.

Cette découverte de 2004 a été effectuée par Vir-ginia Gold Mines, suite à un programme d’exploration

les ressources minières et énergétiques

33

Do

ssie

r

Figure 3. Géologie simplifiée des propriétés de Éléonore et de Cheechoo, en coordonnées NAD83, UTM, zone 18 N ; tiré de la p.7 du rapport OF-8403 Source : Fontaine et al. 2018.

Page 36: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

régionale débuté en 2001 autour d’un indice de cuivreconnu depuis 1964 (Beausoleil et al., 2014). Dès 2001, plu-sieurs indices, dont des blocs erratiques riches en Cu-Au-Ag, étaient mis à jour. Aidé par des levés géophysiques, deslevés d’environnement secondaire, ainsi que par la décou-verte d’un bloc erratique sédimentaire minéralisé et parla remontée des trainées glaciaires, les travaux d’explo-ration mènent au ramassage d’un échantillon contenant> 10 g/t d’or à la fin de la campagne de 2003. La poursui-te de l’exploration dans ce secteur mène à la découvertedu gisement en 2004. Roberto est ensuite rapidementforé puis racheté en 2006 par Goldcorp, qui y développeune mine souterraine. La première coulée a eu lieu en2014, ce qui représente un développement rapide.

Cette découverte est le fruit du travail d’une com-pagnie d’exploration (Virginia) qui a développé une gran-de expertise du territoire de la Baie James. Par la suite, ledéveloppement du projet a mené à une documentationdétaillée du gisement (Ravenelle 2013, Fontaine et al. 2015).Roberto est situé dans des roches méta-sédimentaires(wacke, pélites) (voir figure 3). La minéralisation aurifèreest située dans plusieurs zones subparallèles orientéesNNW qui s’étendent sur au moins 1,4 km et est associéeà une altération à calcium, potassium, et bore. Les miné-raux économiques (lollingite, arsénopyrite, pyrrhotite)constituent un assemblage typique des gisements d’ormétamorphisés après leurs mises en place et le gisementcomprend des veines de quartz (stockwork) et des zonesminéralisées déformées, ce qui lui confère une géométrieet une minéralogie complexe (Ravenelle 2013). L’assem-blage métallique dénote la participation de fluides mag-matiques (Fontaine et al. 2015). Il est situé dans une zonequi a subi une longue histoire métamorphique et mag-matique, ce qui semble être particulièrement favorablepour ce type de minéralisation.

Pendant le développement du projet, une atten-tion particulière a été portée à la documentation de lagéométrie du gisement. Ceci a été possible grâce, parexemple, au décapage d’une surface importante deroches (dégagement d’un affleurement de 100 par 400 m)et à des travaux scientifiques. Les efforts effectués pourcomprendre le gisement ont surement contribué au suc-cès des opérations de minage. Signalons également quela mine se situe en secteur éloigné, ce qui engendre denombreux défis. Son succès tient aussi aux ententesconclues avec les Premières Nations (Nation Crie), à uneffort pour employer les Cris (1/4 des travailleurs), et àune automatisation d’une partie des systèmes de la minequi permet, entre autres, une réduction de l’impact envi-ronnemental.

ConclusionsToute accumulation d’or dans la croûte terrestre

constitue une anomalie,mais Canadian Malartic et Robertosont des anomalies parmi les anomalies.L’un est un gisementà basse teneur et fort tonnage, alors que le Québec esthabitué aux minéralisations fortement concentrées, etl’autre est un gisement situé dans un territoire beaucoupmoins documenté et bien plus fortement métamorphiséque celui de la Sous-province de l’Abitibi. Chacun à leurfaçon,ces gisements bouleversent les modèles utilisés par lescompagnies minières puisqu’ils présentent une géométrie,et possiblement, un mode de formation, inusités.

La mine Canadian Malartic met aussi en évidencel’importance de la cohabitation harmonieuse entre pro-jets miniers et population, pour le bon développementdes ressources. La particularité de ce projet est d’êtreimplanté au milieu d’une ville, mais de nombreux autresprojets et mines situés à quelques kilomètres des agglo-mérations font face à des problématiques similaires d’ac-ceptabilité sociale. Cette mine est un exemple remar-quable des mesures qui peuvent être mises en place parune compagnie minière pour dialoguer avec la popula-tion et pour atténuer les impacts d’un projet, notammentdes normes strictes en matière de prévention, de gestionet d’atténuation des impacts. Le Partenariat CanadianMalartic montre qu’il est possible de développer des pro-jets aurifères de classe mondiale en régions habitées et demaintenir une bonne cohabitation entre les activitésminières et résidentielles. L’exploitation d’une mine decette envergure peut également bénéficier de la proxi-mité d’une main d’œuvre qualifiée et d’infrastructures.

Roberto est emblématique du succès que peutconnaître une compagnie d’exploration qui s’aventure enterritoire isolé et peu exploré, et y prend le temps de ledécrire et de le comprendre. Il est aussi un exemple degisements inhabituels au Québec car il a été modifié parun métamorphisme de haut grade. Ce type de gisementest cependant bien documenté dans d’autres régions dumonde, comme en Australie. La mise en exploitation degisements situés en région isolée s’accompagne de défisparticuliers, comme la nécessité de conclure des ententesavec les Premières Nations et de limiter l’impact envi-ronnemental dans ces territoires fragiles. Cependant, ceprojet bénéficie de nombreux avantages : secteur non-urbanisé mais cependant accessible par la route, et proxi-mité des infrastructures d’hydroélectricité. Roberto arepoussé la limite nord de l’exploration aurifère au Québec et depuis 2004 nous assistons à une multiplica-tion des acteurs et des projets à la Baie James (Fontaineet al., 2018).

les ressources minières et énergétiques

34

Do

ssie

r

Page 37: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

L’exploitation minérale, au Québec, fait cependantface à de nombreux défis. Si elle est principalement axéesur l’or, elle pourrait bénéficier d’une diversification dutype de substances recherchées : mines actuelles de Ni, Cu,Zn, Nb, et autres, et projets en développement de phos-phates. Dans le domaine de l’or, la découverte de nou-veaux gisements est de plus en plus difficile et réclame denouveaux modèles métallogéniques et des méthodes deciblage pour des substances situées à des profondeurs deplus en plus importantes. Aussi, cette industrie doit conti-nuer à regarder vers l’avenir, en s’intéressant à des sub-stances comme le lithium ou le cobalt, qui sont indispen-sables aux batteries des voitures électriques, et en setenant prête à s’adapter aux substances du futur, lorsquetel ou tel usage industriel nouveau donnera de l’impor-tance à une substance non-rentable aujourd’hui.

RéférencesBeausoleil C., Fleury D., Fortin A., Brisson T. et Joncas L., 2014.Éléonore Gold Project Québec, Canada NI 43-101 TechnicalReport. Goldcorp, NI 43-1001 report.De Souza S., Dubé B., McNicoll V.J., Dupuis C., Mercier-Lange-vin P., Creaser A. et Kjarsgaard I.M., 2017. Geology and hydro-thermal alteration of the world-class Canadian Malartic golddeposit: genesis of an Archean stockwork-disseminated golddeposit in the Abitibi Greenstone Belt, Québec. Reviews inEconomic Geology 19, p. 263-291.Fayol N. et Jébrak M., 2017. Archean sanukitoid gold porphyrydeposits: a new understanding and genetic model from theLac Bachelor gold deposit, Abitibi, Canada. Economic Geology,v. 112, p. 1913-1936.Fontaine A., Dubé B., Malo M., McNicoll V.J., Brisson T., DoucetD. et Goutier J., 2015. Geology of the metamorphosed Rober-to gold deposit (Éléonore Mine), James Bay region, Quebec:diversity of mineralization styles in a polyphase tectonome-tamorphic setting. Dans Targeted Geoscience Initiative 4:Contributions to the Understanding of Precambrian Lode GoldDeposits and Implications for Exploration. Edité par B. Dubé etP. Mercier-Langevin. Geological Survey of Canada Open File7852. p. 209–227.Fontaine A.,Dubé B.,Malo M.,Turcotte J. et Doucet D.,2018.Geo-logy of the Cheechoo gold property, Eeyou Istchee Baie-James,Superior Province, northern Quebec. Geological Survey ofCanada Open File 8403.

Gauthier M., Trépanier S. et Gardoll S., 2007. MetamorphicGradient: A Regional-Scale Area Selection Criterion for Gold inthe Northeastern Superior Province, Eastern Canadian Shield.Society of Economic Geologists Newsletter, April 2007, numé-ro 69.Goldfarb R.J., Baker T., Dubé B., Groves D.I., Hart C.J.R. et Gos-selin P., 2005. Distribution, character, and genesis of gold depo-sits in metamorphic terranes. Economic Geology 100th Anni-versary Volume, p. 407-450.Helt K.M.,Williams-Jones A.E., Clark J.R.,Wing B.A. et Wares R.P.,2014. Constraints on the genesis of the Archean oxidized,intrusion-related Canadian Malartic gold deposit, Quebec,Canada. Economic Geology, v. 109, p. 713–735.Lesher M., Hannington M et Galley A. et al., 2017. IntegratedMulti-Parameter Exploration Footprints of the Canadian Malar-tic Disseminated Au,McArthur River-Millennium UnconformityU, and Highland Valley Porphyry Cu Deposits: PreliminaryResults from the NSERC-CMIC Mineral Exploration FootprintsResearch Network. Proceedings of Exploration 17: Sixth Decen-nial International Conference on Mineral Exploration, p. 325-347.Phillips G.N. et Powell R. 2010. Formation of gold deposits: ametamorphic devolatilization model. Journal of Metamor-phic Geology, v. 28, p. 689-718.Ravenelle J.-F., 2013. Amphibolite facies gold mineralization: anexemple from the Roberto deposit, Eleonore property, JamesBay, Quebec.Thèse de doctorat, Université du Québec, Institutnational de la recherche scientifique, Canada, 325 p.Robert F,. 2001. Syenite-associated disseminated gold depositsin the Abitibi greenstone belt, Canada. Mineralium Deposita,v. 36, p. 503-516.Robert F., Poulsen K.H., Cassidy K.F. et Hodgson C.J., 2005. Goldmetallogeny of the Superior and Yilgarn Cratons: EconomicGeology 100th Anniversary Volume, p. 1001-1033.Wares R. et Burzynski J., 2011. The Canadian Malartic mine,southern Abitibi belt, Quebec, Canada: Discovery and deve-lopment of an Archean bulk-tonnage gold deposit. NewGen-Gold, Abstracts, p. 41.Wares R. et Prud’homme, 2013, La mine Canadian Malartic,partie sud de la Ceinture de l’Abitibi, Québec, Canada : décou-verte et mise en valeur d’un gisement aurifère archéen à forttonnage. Bulletin Québec-Mines 2013; https://mern.gouv.qc.ca/mines/quebec-mines/2013-06/malartic.asp

les ressources minières et énergétiques

35

Do

ssie

r

Page 38: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

Au cours des deux dernières décennies, les grandspays industrialisés de l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE) sont devenusdépendants de la Chine quant à leur approvisionnementen métaux comme les terres rares, le magnésium, le tung-stène, l’antimoine, le bismuth, le gallium et plusieursautres minéraux tels la fluorite et le graphite naturel. Cet-te dominance de la Chine a forcé certains pays (Canadaincluant le Québec, États-Unis, Union européenne, Japon)à établir des listes de minéraux (y compris les métaux)dits critiques et stratégiques (MCS) essentiels au déve-loppement de leurs industries de hautes technologies etdes énergies vertes, ainsi qu’à leurs politiques énergé-tiques et économiques.

Les minéraux critiques et stratégiques revêtentaujourd’hui une importance économique pour des secteurs clés de l’économie occidentale, qui présententun risque élevé en matière d’approvisionnement ou qui

n’ont pas de substituts offerts commercialement. L’accèset la disponibilité de ces ressources minérales influen-cent les relations politiques,commerciales et économiquesentre les membres de l’OCDE. Plusieurs pays comme lesÉtats-Unis, l’Allemagne, la France et le Japon considèrentcertaines substances métalliques comme stratégiquespour leur développement économique, technologique et militaire, et leurs actions sont dirigées vers la sécuri-sation et la diversification de leurs approvisionnements enMCS. En mai 2018, le département de l’Intérieur des États-Unis publiait une liste de 35 minéraux et métauxconsidérés comme critiques et stratégiques pour l’économie américaine en raison des carences de la pro-duction minière nationale et de leur totale dépendanceface à la Chine. L’Union européenne faisait paraître enseptembre 2020 une liste actualisée de 30 minéraux etmétaux critiques et stratégiques pour l’économie de sesmembres. Des pays tels que l’Australie, la Suède, la

les ressources minières et énergétiques

Les minéraux critiques et stratégiques au QuébecPar Serge Perreault1.

36

Do

ssie

r

Figure 1. Carte des ressources en minéraux critiques et stratégiques (MCS) au Québec. Source : MERN.

Page 39: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

Finlande et le Canada (incluant le Québec) ont dressé aucours des dernières années des listes de MCS en misantsur leur potentiel minéral et sur la sécurité en approvi-sionnement en tant que juridictions minières politique-ment sûres. Bien qu’elles se ressemblent, ces listes diffèrent cependant d’un pays à l’autre du fait des besoinsspécifiques des industries nationales.

Le plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025

Réalisant l’important potentiel minéral pour cesdifférentes substances et l’importance stratégique d’usinesde transformation de ces métaux sur son territoire, leQuébec publiait en novembre 2020 son plan québécoispour la valorisation des métaux critiques et stratégiques(MCS) 2020-2025. L’objectif est de faire du Québec un chefde file de la production, de la transformation et du recy-clage des minéraux critiques et stratégiques en partena-riat avec les milieux régionaux et autochtones. Le Québecentend réaliser cet objectif à l’aide de quatre grandesorientations :

Accroître les connaissances et l’expertise sur les MCSpar la mise en valeur du potentiel et par l’améliorationdes connaissances sur les MCS en favorisant les syner-gies en recherche, développement et innovation ;Mettre en place ou optimiser des filières de façon inté-grée en partenariat avec les régions productrices deMCS en misant sur l’exploration et leur mise en valeurde façon durable, en favorisant les initiatives structu-rantes en intelligence artificielle dans les sociétésminières du Québec, en soutenant la transformationet la création de produits à valeur ajoutée associés aux filières de MCS, et favoriser la mise en place d’infrastructures multiusagers et l’accès aux ressourcesen MCS.Contribuer à la transition vers une économie durablepar l’intégration de l’économie circulaire aux chaînesde valeur des MCS, par la mise en place d’une industriedu recyclage des MCS au Québec, et l’implantation d’initiatives qui visent à réduire les impacts environne-mentaux des projets d’exploitation et de valorisation des MCS.Sensibiliser et promouvoir les filières de MCS auprès dela population, y compris les acteurs locaux et autoch-tones, aux enjeux, aux impacts et aux retombées liés àla valorisation des MCS pour le Québec.

Le Plan québécois pour la valorisation des minéraux

critiques et stratégiques vise à favoriser l’émergence defilières industrielles pour l’économie du Québec. La filiè-re des batteries Li-ion est la première à être développée ausein de la Stratégie québécoise du fait de l’avancement desprojets miniers de lithium et de graphite et d’un savoir-faire reconnu dans la construction de batteries. Ainsi, unepartie des batteries des Autolib’développée par Bolloré àParis entre 2011 et 2018 était construite à Trois-Rivièresau Québec.

La liste québécoise des minéraux critiques et stratégiques

En novembre 2020, le gouvernement du Québec apublié sa liste préliminaire des 22 minéraux critiques oustratégiques pour le Québec. Cette liste a été subdiviséeen trois sous-listes. Les MCS sont présentés en fonction deces sous-listes et des environnements métallogéniquesdans lesquels nous les retrouvons.

Les minéraux critiques nécessaires à l’approvisionnement d’usines québécoises de transformation de métaux

Cette sous-liste correspond aux minéraux cri-tiques qui sont nécessaires à l’approvisionnementd’usines québécoises de transformation de métaux telsque la fonderie de cuivre Horne en Abitibi, l’affinerie dezinc et le producteur de métaux de spécialité 5N+ dansla région de Montréal. Ces métaux sont le cuivre, l’étainet le zinc ainsi que les métaux généralement récupé-rés comme sous-produits : l’antimoine, le bismuth, lecadmium, le césium, le gallium, l’indium et le tellure.À l’exception de l’étain et du césium, le Québec est unproducteur primaire de zinc et de cuivre comme sous-produit des exploitations de nickel localisés dans leGrand Nord québécois. L’antimoine, le bismuth, le cadmium, le gallium, l’indium et le tellure sont récupé-rés des opérations de la transformation de la bauxite enalumine par l’industrie de l’aluminium (gallium), de fonderie du cuivre et de l’affinage du zinc du Québec.Le zinc et certains métaux récupérés comme sous-produits sont extraits des gisements de sulfures massifsvolcanogènes (SMV) archéens de la région de Mata-gami en Abitibi. Le cuivre est récupéré comme sous-produit du gisement SMV aurifère de LaRonde localiséentre Val-d’Or et Rouyn-Noranda en Abitibi et des gise-ments magmatiques de nickel, cuivre et éléments dugroupe du platine (ÉGP) exploités dans la péninsule de

les ressources minières et énergétiques

37

Do

ssie

r

Page 40: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

l’Ungava dans le Grand Nord québécois. Le Québec possède un excellent potentiel pour les gîtes de typesSMV et SEDEX cuprifères et zincifères.

Les minéraux stratégiques liés aux politiques publiques du Québecet aux énergies renouvelables

Cette sous-liste comprend les minéraux liés auxpolitiques publiques du Québec et aux énergies renou-velables. On y retrouve le nickel, le cobalt, les élémentsdu groupe du platine (ÉGP), le lithium, le graphite naturelet les éléments de terres rares. Le Québec est un produc-teur de Ni-Cu-ÉGP avec deux mines en activité situéesdans la péninsule de l’Ungava dans le Grand Nord qué-bécois. Ces métaux sont extraits de gisements associés àdes coulées et filons-couches ultramafiques paléoproté-rozoïques. Le Québec possède également un excellentpotentiel lié au magmatisme ultramafique à mafique à Ni-Cu±Co±ÉGP de l’Archéen au Néoprotérozoïque. La pro-vince archéenne du Supérieur est l’hôte de la très grandemajorité des gîtes de lithium au Québec. Ces gîtes sontassociés à des pegmatites à spodumène associées à cer-tains batholites granitiques de la sous-province de l’Abi-tibi, comme la Mine de Lacorne, de Lithium Amérique duNord, ou à des essaims de dykes de pegmatites grani-tiques à spodumène recoupant des ceintures volcanosé-dimentaires archéennes métamorphisées aux faciès desschistes verts supérieurs et des amphibolites inférieures(par exemple, Waboushi et Moblan sur le territoire de laBaie-James). Le Québec est un producteur de graphite (lamine Lac-des-Îles opérée par Timcal Canada, une filialedu groupe Imerys).Tous les gîtes de graphite mis en valeursont situés dans des séquences métasédimentaires détri-tiques et carbonatées métamorphisées au faciès supé-rieur des amphibolites et des granulites de la provincegéologique de Grenville. Finalement, cinq projets de terresrares font l’objet de travaux de mises en valeur. Ces gîtessont associés à des carbonatites (Montviel/Archéen etAshram/Paléoprotérozoïque), à des complexes intrusifsalcalins (Strange Lake et Kipawa au Mésoprotérozoïque)et à un gîte d’oxydes de fer-cuivre-or (IOCG) enrichis enterres rares (Kwyjibo au Mésoprotérozoïque).

Minéraux stratégiques produits et ayant un bon potentiel de miseen valeur au Québec

Cette sous-liste inclut les minéraux stratégiques quisont produits au Québec, comme le titane et le niobium,et ceux avec un bon potentiel de mise en valeur. Outre letitane et le niobium, on y retrouve le magnésium, le scan-dium, le tantale et le vanadium. Le Québec est un impor-tant producteur mondial de dioxyde de titane avec l’ex-ploitation du gisement massif d’hémo-ilménite de lac Tioqui est associée à un complexe anorthositique à andési-ne localisé dans la partie nord-est du Québec. Le Québecest aussi le troisième producteur mondial de niobium. Leniobium est extrait d’une carbonatite éocambrienne situéeprès de la ville de Saguenay. Au cours de la dernière année,Rio Tinto Fer et Titane (qui exploite la mine Tio) a réussi àmettre au point un procédé hydrométallurgique qui per-met la récupération du scandium des résidus finaux de latransformation de la scorie de titane produite à son com-plexe métallurgique de Sorel dans le centre du Québec.Finalement, le Québec possède d’importantes ressourcesen vanadium lié à des complexes lités mafiques à Fe-Ti-Vdans les provinces géologiques du Supérieur (complexe litédu lac Doré) et de Grenville (associés aux suites anortho-sitiques à labradorite).

Du fait de sa géologie variée, s’étalant de l’Archéenau Quaternaire, le Québec possède donc un fort potentielminéral diversifié en métaux critiques et stratégiques. Leprésent plan québécois pour la valorisation des métaux cri-tiques et stratégiques (MCS) 2020-2025 vise à positionnerle Québec comme un partenaire de choix auprès desmembres de l’Union européenne et des États-Unis d’Amé-rique pour assurer le développement de filières et unapprovisionnement sûr en MCS.

RéférencesPlan québécois pour la valorisation des minéraux critiques etstratégiques 2020-2025. Gouvernement du Québec, 2020.ISBN 978-2-550-87714-1. www.québec.ca/minéraux-critiques-stratégiques.Jébrak, M. et Marcoux, É., 2008. Géologie des ressources miné-rales. Ministère des ressources naturelles et de la Faune, MM2008-01, 667 pages.

les ressources minières et énergétiques

38

Do

ssie

r

Note : ce texte est un sommaire du plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques etstratégiques 2020-2025 et une synthèse de différentes présentations de conférences de l’auteur sur le potentiel en MCSdu Québec.

Page 41: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Professeur, INRS, 490 rue de la Couronne, Québec, Canada, G1K 9A9. Courriel : [email protected]. Directeur de l’exploration, Junex, 2795, boul. Laurier, bureau 200, Québec, Canada, G1V 4M7. Courriel : [email protected]. Géologue consultant, Enki Géosolutions Inc, 5725 rue Jeanne-Mance, Montréal, Canada, H2V 4K7. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

39

Do

ssie

r

IntroductionPrès de 87 % de la province de Québec est consti-

tuée de roches métamorphiques et magmatiques d’âgeprécambrien appartenant au Bouclier canadien au norddu fleuve Saint-Laurent (Fig. 1). C’est le long de la vallée duSaint-Laurent, et principalement au sud du fleuve, quel’on retrouve les roches sédimentaires d’âge paléozoïquequi ont fait l’objet d’exploration pétrolière. Ces rochesfont partie de la chaîne de montagnes des Appalaches etde la plate-forme du Saint-Laurent (voir figure 1).

La plate-forme du Saint-Laurent renferme deuxbassins : le bassin cambrien-ordovicien des Basses-Terresdu Saint-Laurent et le bassin ordovicien-silurien d’Anti-costi, tandis que les Appalaches regroupent trois bassinsdistincts : le bassin cambrien-ordovicien des Appalaches,le bassin silurien-dévonien de la Gaspésie et le bassin

carbonifère-permien de Madeleine (voir figure 1).Il n’y a eu que peu d’exploitation de gaz et de pétro-

le au Québec et nous avons plutôt choisi de raconter l’his-toire de l’exploration pétrolière et gazière dans les bassinssédimentaires du sud du Québec. Nous allons d’abordprésenter les différents types de thèmes pétroliers (ausens anglo-saxon de petroleum plays), puis l’histoire de l’exploration en se référant à ces thèmes pétroliers.Nous terminerons en discutant du potentiel futur pour l’exploitation des hydrocarbures au Québec.

Thèmes pétroliers au QuébecOn reconnaît quatre thèmes pétroliers conven-

tionnels dans les bassins des Basses-Terres du Saint-Lau-rent et d’Anticosti (Lavoie et al., 2009 ; Fig. 2). Il s’agit dessédiments clastiques de rift du Cambrien (thème CO.1),

L’exploration pétrolière au Québec : histoire et potentielMichel Malo1, Jean-Sébastien Marcil2 et Stephan Séjourné3.

Figure 1. Les bassins sédimentaires du sud du Québec et localisation des puits pétroliers. Bé : région de Bécancour et du puits Junex Bécancour #8, C-P :Carbonifère-Permien, C-O : Cambrien-Ordovicien, EUA : États-Unis d’Amérique, Ga : Galt, Ha : Haldimand, I.P.E : Île-du-Prince-Édouard, Lac SP : Lac St-Pierre,MA : Massé, NY : État de New-York, OH : Old Harry, ON : Ontario, PdL : Pointe-du-Lac, O-S : Ordovicien-Silurien, SF : Saint-Flavien, S-D : Silurien-Dévonien,SÉ : région de Saint-Édouard et du puits Talisman Energy Saint-Édouard #1, TN : Terre-Neuve.

Page 42: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

des dolomies hydrothermales de l’Ordovicien inférieur(thème CO.2), des dolomies hydrothermales de l’Ordovi-cien moyen à supérieur (thème CO.3), de même qu’un thè-me pétrolier non-conventionnel, celui du gaz de schiste del’Ordovicien supérieur (thème CO.4). Lavoie et al. (2009)reconnaissent aussi deux autres thèmes pétroliers dansle bassin cambrien-ordovicien des Appalaches (voir figure 2), soit les écailles de carbonates de l’Ordovicien(thème CO.5) soit les sédiments clastiques du Cambrien-Ordovicien (thème CO.6). Enfin, les sédiments du Quater-naire qui reposent en discordance sur les roches paléo-zoïques de la plate-forme du Saint-Laurent, au nord dufleuve (voir figure 1), constituent le thème pétrolier CO.7(voir figure 2). La couverture de ce réservoir atypique estassurée par des lits d’argiles imperméables. La source deshydrocarbures pour tous les thèmes conventionnels estassurée par le shale de l’Ordovicien supérieur (thème CO.3)et correspond essentiellement à du gaz naturel thermo-génique. Dans le cas du thème CO.7, une composante degaz biogénique est également présente.

Dans le bassin silurien-dévonien de la Gaspésie,on reconnaît six thèmes pétroliers (Lavoie et al., 2009;Fig. 3). Il s’agit des grès du Silurien inférieur (thème SD.1),des dolomies hydrothermales du Silurien inférieur (thèmeSD.2), des récifs du Silurien supérieur (thème SD.3) et duDévonien inférieur (thème SD.4), des brèches à carbo-

nates dolomitisés du Dévonien inférieur (thème SD.5) etdes grès fluviatiles du Dévonien inférieur (thème SD.6).

Enfin, Lavoie et al. (2009) identifient deux typesde thèmes pétroliers dans le bassin carbonifère-permiende Madeleine : les grès (thème CP.1) et les carbonates duCarbonifère (thème CP.2).

HistoireL’industrie pétrolière moderne a vu le jour en août

1859, suite à la mise en production d’une découverte depétrole dans l’ouest de la Pennsylvanie aux États-Unis. À lamême époque, des prospecteurs avaient déjà observé dessuintements naturels de pétrole s’échappant de formationsgréseuses dans l’est de la Gaspésie. Surprenant, mais c’estdans cette région que les premiers puits pétroliers cana-diens ont été forés en 1860.Le premier forage d’explorationréalisé dans la vallée du Saint-Laurent date de 1873. Quatrepériodes caractérisées chacune par ses régions d’intérêt,ses objectifs d’exploration,ses leaders et leurs résultats ryth-ment l’histoire pétrolière québécoise (Fig. 4).

La première période se déroule entre 1860 et 1910,principalement en Gaspésie et ciblait les grès dévoniens(SD.6).L’effortd’exploration le plus spectaculaire pendantcettepériode revient à la compagnie londonienne Petroleum OilTrust qui creusa 53 puits dans le secteur nord-est de la pénin-sule. Encouragée par quelques bons résultats et dans le butde développer une exploitation commerciale de ces hydro-carbures, la compagnie obtiendra les autorisations pourconstruire des pipelines et un terminal pétrolier dans le comté de Gaspé. Petroleum Oil Trust construira une petiteraffinerie près de Gaspé en 1900,mais celle-ci cessera cepen-dant de fonctionner en 1904.Un peu moins de 2000 barils depétrole ont été récoltés au cours de cette période.

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

40

Do

ssie

r

Figure 2. Les thèmes pétroliers de la Plate-forme du Saint-Laurent et desAppalaches. Les chiffres réfèrent aux thèmes pétroliers CO dans le texte.CO.5 et CO.6 appartiennent au domaine faillé et plissé des Appalaches.Source : figure modifiée de Lavoie et al., 2009.

Figure 3. Les thèmes pétroliers du bassin silurien-dévonien de la Gaspésie.Les chiffres réfèrent aux thèmes pétroliers SD dans le texte. Figure modi-fiée de Lavoie et al., 2009.

Figure 4. Les phases historiques de l’exploration pétrolière au Québec et lesdécouvertes importantes. Il s’agit essentiellement des puits pétroliers etgaziers de plus de 200 m de profondeur recensés dans la base de donnéesdu ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec.Découvertes de gaz : 1) Pointe-du-Lac ; 2) Saint-Flavien ; 3) Galt ; 4) Gaz deschiste de l’Utica. Découvertes de pétrole : 5) Haldimand ; 6) Galt.

Page 43: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

41

Do

ssie

rLa deuxième période s’étend jusqu’en 1960 avecdes travaux d’exploration plus ou moins continus en Gas-pésie et la recherche de gaz naturel dans la vallée du Saint-Laurent entre Montréal et Québec. Alors que l’explora-tion et l’exploitation pétrolière battait son plein dans le sudde l’Ontario, largement menée par la compagnie ImperialOil, il était logique que des entreprises s’intéressent aupotentiel du sud du Québec. La vallée du Saint-Laurentnotamment, présentait les mêmes formations géolo-giques que celles productrices dans la région des GrandsLacs. À partir des années 1930, plusieurs compagnies ontmené des campagnes d’exploration d’envergure et plus de100 puits ont été forés, mais ces forages, comme c’était lecas pour la première période, ont souvent été localiséssur la base d’indices de gaz ou de suintements de pétro-le en surface et non sur des concepts d’exploration ou dethèmes pétroliers particuliers, faute de structures anti-clinales observables dans la vallée du Saint-Laurent (cer-tains anticlinaux ont toutefois été investigués en Gaspé-sie). Dans la vallée du Saint-Laurent des cultivateurs ontaussi trouvé du gaz naturel en creusant des puits pours’approvisionner en eau potable et plusieurs fermes ethabitations utilisent alors le gaz naturel comme source dechauffage. La découverte de gaz naturel à Pointe-du-Lacen 1955 (voir figure 1), au contact des shales ordoviciens et des sables quaternaires (thème CO.7), fait figure d’exception. Le gisement a été exploité de façon com-merciale de 1965 à 1976, puis converti en stockage sou-terrain de gaz naturel. Son volume utile est de 22 millionsde mètres cubes.

La troisième période débute avec l’arrivée de ShellCanada au début des années 1960 et marque un tour-nant important dans l’histoire de l’exploration pétrolièreau Québec. À partir de 1963, la compagnie Shell a entre-pris un vaste programme d’exploration et d’acquisitionde données de sismique réflexion sur l’ensemble du suddu Québec. La création de la Société Québécoise d’Initia-tive Pétrolière (SOQUIP) en 1969 constitue un autre jalonhistorique très important. Cette société d’État a réalisébon nombre de nouveaux levés géophysiques et foré plusde soixante puits d’exploration dans la vallée du Saint-Laurent et en Gaspésie. Dans les années 1970 à 2000, lescibles d’exploration vont se diversifier avec le développe-ment de nouveaux concepts d’exploration et la rechercheciblée de thèmes pétroliers comme les écailles de carbo-nates de l’avant-pays appalachien,selon les modèles déve-loppés avec succès dans les Foothills de l’Alberta (thèmeCO.5). Ce concept d’exploration a conduit à la découvertepar Shell du réservoir de Saint-Flavien, mis en productionen 1975 par la SOQUIP, et converti en réservoir de stocka-ge souterrain en 1998 (voir figure 1). Son volume utile est

de 120 millions de mètres cubes. Le concept de dolomiti-sation hydrothermale apparaît également à la fin de cet-te période (thèmes CO.2 et CO.3). Des découvertes impor-tantes de gaz naturel dans des contextes géologiqueséquivalents dans l’État de New York ont amené ce conceptd’exploration dans la vallée du Saint-Laurent. Les cam-pagnes d’exploration de cette troisième période vont per-mettre d’identifier certains réservoirs dans les dolomieshydrothermales de l’Ordovicien (thèmes CO.2 et CO.3) etaussi dans la plate-forme profonde, notamment dans lesgrès du Cambrien (thème CO.1), mais aucun réservoir éco-nomique n’y a été toutefois découvert. Pendant cettepériode, les efforts d’exploration en Gaspésie ont ciblédes structures anticlinales simples dans lesquelles desindices de gaz avaient été documentés.

C’est pendant cette troisième période que les pre-miers forages ont été réalisés sur l’île d’Anticosti avec sixforages effectués entre 1962 et 1965, supportés par descampagnes de levés sismiques. Le modèle d’explorationreposait sur des corrélations stratigraphiques établiesavec le bassin des Basses-Terres du Saint-Laurent et lescibles consistaient principalement dans les formationscarbonatées de l’Ordovicien. Des indices de pétrole et degaz ont presque toujours été observés dans ces puits, quiont en outre permis de confirmer la présence d’une rochemère dans ce bassin : la Formation de Macasty qui n’af-fleure pas à la surface de l’île. Une période de quiescencea succédé à cette première phase d’exploration, au coursde laquelle seulement trois puits ont été forés et une cen-taine de kilomètres de lignes sismiques ont été enregis-trés entre 1970 et 1987. Le développement du conceptd’exploration des carbonates dolomitisés par la circulationde fluides hydrothermaux le long des failles de socle acontribué au renouveau de l’exploration sur l’île dans lesannées 1990. Douze puits ont ainsi été forés entre 1998 et2010, avec pour cible les calcaires de l’Ordovicien (thèmesCO.2 et CO.3). Cependant les réservoirs découverts conte-naient essentiellement de l’eau salée.

La quatrième période a débuté dans les années2000 avec l’avènement de la technologie du forage hori-zontal et de la fracturation hydraulique qui permettentmaintenant de produire du pétrole ou du gaz naturel à par-tir de réservoirs qui autrefois n’étaient pas rentables du faitde leur faible perméabilité, d’où l’origine du qualificatif « non-conventionnel ». À partir de 2004, plusieurs entre-prises ont lancé des projets tirant profit des nouvellestechnologies pour développer les ressources contenuesdans les shales ordoviciens (thème CO.4). Les premiersrésultats positifs pour le gaz du Shale d’Utica dans le bas-sin des Basses-Terres du Saint-Laurent ont été annoncésen 2008 suite aux essais réalisés dans le puits Junex Bécan-

Page 44: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

cour #8 (voir figure 1) indiquant des débits initiaux dépas-sant 1 million de pied-cube par jour. Plus d’une vingtained’autres forages ont donné des résultats tangibles et lesentreprises ont été grandement encouragées par ces résul-tats positifs. Les résultats les plus significatifs ont étépubliés en 2010 pour la région de Lotbinière où le puitshorizontal Talisman Energy Saint-Édouard #1 a enregistréun débit initial de gaz naturel de l’ordre de 12 millions depied-cube par jour (Thériault, 2012). Les réservoirs non-conventionnels ont été considérés avec attention égale-ment pour le shale de la Formation de Macasty dans le bas-sin d’Anticosti. Cette phase d’exploration a été effectuéepar Corridor, Pétrolia et Junex, qui ont reconnu le shalede Macasty comme une ressource potentielle de pétroleléger et de condensats. Malgré la prospectivité du bas-sin, l’exploration pour des cibles conventionnelles autantque non conventionnelles a toutefois cessé depuis 2010dans la vallée du Saint-Laurent et depuis 2017 sur l’îled’Anticosti. Dans le cas d’Anticosti, le gouvernement duQuébec a exproprié les détenteurs de permis d’explorationmenant à l’arrêt complet de tout projet d’exploration surcette île de 8000 km2. Au sud, dans les Basses-Terres duSaint-Laurent, les travaux restent légalement possibles,mais pour des raisons politiques liées à des enjeux d’ac-ceptabilité sociale, le gouvernement du Québec n’a pasémis d’autorisation pour réaliser les travaux. Pendant laquatrième période, notons la découverte de pétrole dansle nord-est de la Gaspésie (voir figure 1) par la compagnieJunex pour le gisement de Galt (thème SD.5) et par lacompagnie Pétrolia pour les prospects d’Haldimand (thè-me SD.6) et de Bourque (thème SD.5). La découverte parla compagnie Ressources et Énergie Squatex d’un réservoirde gaz naturel dans les calcaires siluriens dolomitisés dela structure de Massé en 2013, suivie en 2014 de la décou-verte d’indices de pétrole lourd, a permis de démontrer laviabilité de ce thème pétrolier (SD.2) dans l’ouest de laGaspésie (voir figure 1).

L’exploration dans le bassin de Madeleine du Golfe du Saint-Laurent est un cas particulier. Ce sont lesgrès du Carbonifère supérieur qui ont retenu l’attentiondans les années 1970 et au début des années 1980 avec desforages en mer (voir figure 1). Ces forages sont peu nom-breux, mais ont confirmé le potentiel en gaz des grès.Deux forages profonds implantés sur terre dans l’archipeldes Îles-de-la-Madeleine visaient des pièges associés auxdômes de sel. Ce sont ces dômes qui retiennent encore l’at-tention, en particulier avec la découverte du prospect OldHarry qui s’étend de part et d’autre de la frontière mari-ne entre le Québec et Terre-Neuve, au nord-est des Îles-de-la-Madeleine (voir figure 1). Ces efforts d’exploration dansle Golfe se sont traduits par l’acquisition d’environ 40 000

kilomètres linéaires de données de sismique réflexion etpar le forage de 10 puits d’exploration.

Perspectives d’explorationLes travaux d’exploration réalisés depuis les qua-

rante dernières années ont permis de démontrer l’exis-tence de roches mères de grande qualité. Les shales ordo-viciens qui ont couvert jadis l’ensemble du territoirequébécois ont toutes les qualités requises pour avoir géné-ré des milliards de tonnes d’hydrocarbures au Québec.Ces roches mères n’ayant pas expulsé l’entièreté de leursressources pétrolifères, elles sont maintenant exploréescomme des réservoirs non-conventionnels. Technique-ment, la question de la qualité des réservoirs pétroliersdemeure importante. Les recherches conduites dans lesdivers bassins québécois démontrent qu’il existe des réser-voirs conventionnels avec un potentiel important. Il y ena bien sûr dans le domaine marin du Golfe Saint-Laurent(grès carbonifères, thème CP.1) mais également sur l’îled’Anticosti (carbonates ordoviciens, thèmes CO.2 et 3) eten Gaspésie (calcaires et grès dévoniens, thèmes S.D.5 et6). Dans la mesure où les ressources non-conventionnellesdémontrées comme le gaz des shales d’Utica ou le pétro-le des shales de Macasty venaient à se développer, celapourrait permettre de trouver d’autres indices et éven-tuellement des gisements conventionnels.

La plus importante découverte d’hydrocarbure réalisée au Québec est le gisement de gaz de schiste del’Utica annoncée en avril 2008. Ce gisement ordovicien degaz non-conventionnel situé dans le bassin des Basses-Terres du Saint-Laurent contiendrait plus de 180 trillions depieds cubes de gaz naturel selon les évaluations récentespubliées par Chen et al. (2014).En Gaspésie, les unités mon-trant le plus grand potentiel sont les calcaires et les grèsdévoniens.Selon plusieurs rapports publiés depuis 2010, lesressources pétrolières potentielles de la Gaspésie attein-draient près de 1 milliard de barils incluant un peu plus de10% classés comme découverts et potentiellement récu-pérables. L’opérateur du projet sur le gisement de Galt,dont la ressource pétrolière originalement en place a étéestimée à 560 millions de barils, finalise présentement lesdernières étapes légales pour amorcer une productioncommerciale (Junex, 2017). Le puits de découverte Junex etal., Galt #4HZ a permis de récupérer plus de 17 000 barilsde pétrole léger avec un débit journalier ayant atteint jus-qu’à 400 barils par jour lors des séries d’essais de produc-tion autorisés par le ministère en 2015 et 2016.

Représentant plus de la moitié du territoire pro-pice à l’exploration pétrolière et gazière, le Golfe du Saint-Laurent demeure une région à très fort potentiel. La décou-verte significative d’East Point, dans les grès carbonifères,

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

42

Do

ssie

r

Page 45: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

43

Do

ssie

ra démontré la présence d’accumulations de gaz naturel(Dietrich, 2004) dans le bassin extracôtier de Madeleine.Dans son étude du potentiel en hydrocarbures du bassindes Maritimes, la Commission géologique du Canada aestimé le potentiel en place à 39 000 Bcf de gaz naturelet 1 500 millions de barils de pétrole (Lavoie et al. 2009).Toutefois, les grandes découvertes extracôtières réaliséesau large du Brésil et dans le Golfe du Mexique en pro-fondeur, sous les dômes de sel, ouvrent de nouvelles pers-pectives pour l’exploration du bassin de Madeleine. Lesriches unités pétrolifères du Dévonien-Carbonifèreenfouies sous les dômes de sel pourraient devenir descibles d’exploration majeures.

Dans la partie nord du Golfe Saint-Laurent, le pro-jet d’exploration du shale ordovicien de Macasty, un équi-valent stratigraphique des shales d’Utica des Basses-Terresdu Saint-Laurent et des shales riches en pétrole d’Utica/PointPleasant présents en Ohio a démontré la présence d’unenjeu très actuel dans la mise en valeur des ressourcesnaturelles.

Beaucoup moins technique que la caractérisationdes réservoirs, mais tout aussi délicate à mener, l’obliga-tion d’obtenir l’acceptabilité sociale avant d’amorcer tou-te forme de travaux de terrain est un obstacle bien réel quilimitera dans le futur l’accès à certaines portions des bas-sins sédimentaires. De ce point de vue, le gouvernementdu Québec a depuis quelques années entamé un proces-

sus de modernisation de la réglementation pétrolière etgazière qui privilégie justement l’acceptabilité sociale.Une Loi sur les hydrocarbures distincte des autres res-sources naturelles a été adoptée en décembre 2016 etplusieurs projets de règlements visant à mieux encadrerles activités pétrolières et gazières ont été proposés aucours des deux dernières années.

BibliographieChen Z., Lavoie D. et Malo M., 2014. Caractéristiques géolo-giques et évaluation des ressources pétrolières du Shale d’Uti-ca, Québec, Canada. Commission géologique du Canada, Dos-sier public 7 625.Dietrich J., 2004. Natural gas resource potential of the carbo-niferous Magdalen Basin, Gulf of St. Lawrence, Eastern Cana-da. GSA Northeastern Section Annual Meeting.Junex, 2017. Junex conclut un partenariat de 14 000 000 $pour le développement de Galt. Communiqué de presse du 4 août 2017.Lavoie D., Pinet N., Dietrich J., Hannigan P., Castonguay S., Ham-blin T. et Giles P., 2009. Petroleum resource assessment, Paleo-zoic succession of the St. Lawrence Platform and Appalachiansof eastern Canada. Geological Survey of Canada, Open File 6 174.Thériault R., 2012. Caractérisation du Shale d’Utica et du Grou-pe de Lorraine, Basses-Terres du Saint-Laurent - Partie 2 : Inter-prétation géologique. Ministère des Ressources naturelles etde la Faune, SIGEOM, DV 2012-04, 80 p.

Page 46: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

L’énergie géothermique au QuébecMichel Malo1, Félix-Antoine Comeau2, Karine Bédard3 et Jasmin Raymond4.

IntroductionL’énergie géothermique provient de la chaleur

emmagasinée au cœur de la Terre et dégagée de la désin-tégration des éléments radioactifs. Le volume des res-sources géothermiques d’une région ou d’un site est fonc-tion du flux de chaleur terrestre, lequel est proportionnelau gradient géothermique, pouvant être mesuré dans despuits profonds. On retrouve des ressources géothermiquesà différentes profondeurs dans le sous-sol. Les technolo-gies géothermiques superficielles permettent d’exploi-ter des ressources de très basse enthalpie à une profon-deur variant de 5 à 500 m et dont la température varie demoins de 10 °C à plus de 30 °C. Ces technologies sont uti-lisées pour le chauffage et la climatisation de bâtimentsà l’aide de pompes à chaleur. Les ressources géothermiquesprofondes peuvent être de basse à haute enthalpie. Les res-sources de basse température, caractérisées par un fluided’une température inférieure à 120 °C, sont utilisées defaçon directe pour le chauffage urbainet industriel ainsi que pour des procédésindustriels,dont la transformation agroa-limentaire. Les ressources de moyenneet haute enthalpie d’une températuresupérieures à 120 °C permettent, quant àelles, de générer de l’électricité.

Utilisation actuelle del’énergie géothermiqueau Canada et au Québec

Les ressources géothermiques demoyenne et haute température ne sontpas exploitées au Québec ni ailleurs auCanada (Raymond et al., 2015). Les res-sources géothermiques de très bassetempérature sont toutefois exploitéesdans l’ensemble du Canada avec despompes à chaleur, ayant une forteconcentration le long de la vallée duSaint-Laurent entre les villes de Mont-réal et de Québec. Les systèmes depompes à chaleur géothermique sontutilisés pour le chauffage en hiver et laclimatisation en été et offrent des éco-nomies d’énergie de l’ordre de 40 à 70

%. Toutefois, l’énergie totale produite par ces systèmesreprésente moins de 0,4 % de l’énergie consommée dansles secteurs résidentiels et commerciaux au Canada. Laconsommation d’énergie au Québec est dominée par lepétrole, l’électricité et le gaz naturel (ISQ 2017). L’électrici-té y est produite à 97 % avec des ressources hydriques etest distribuée par Hydro-Québec.

Dans l’Ouest canadien, des compagnies privéesmènent des projets d’exploration pour évaluer l’ampleurdes ressources géothermiques profondes de moyenne ethaute température pour éventuellement produire de l’élec-tricité. Il existe également des initiatives de recherche à travers le Canada, et au Québec en particulier, pour éva-luer le potentiel des ressources géothermiques profondeshors des zones de flux de chaleur élevé. L’utilisation des ressources géothermiques profondes pour la productiond’électricité pourrait être envisagée au Québec pour les communautés hors réseau, telles que les villages

1. Professeur, INRS. Courriel : [email protected]. Agent de recherche, INRS. Courriel : [email protected]. Agente de recherche, INRS. Courriel : [email protected]. Professeur, INRS. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

44

Do

ssie

r

Figure 1. Carte géologique générale de la Province de Québec et localisation des villages nordiques etsites miniers. Source : modifiée de Comeau et al. 2017.

Page 47: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

45

Do

ssie

rnordiques ou les installations minières (Fig. 1), puisqu’el-le permettrait de réduire la consommation de combus-tibles fossiles qui sont utilisés dans des centrales ther-miques. Des ressources géothermiques profondes de basse àmoyenne température pourraient aussi fournir de l’éner-gie thermique pour le chauffage. L’impact sur la réductiondes émissions de GES serait important car l’énergie géo-thermique diminuerait l’utilisation de combustibles fos-siles. D’autres régions du Québec qui ne sont pas reliées auréseau de distribution d’électricité,comme l’île d’Anticosti etles Îles-de-la-Madeleine (voir figure 1), font également l’ob-jet d’études pour en déterminer leur potentiel géothermique.

Développements potentiels del’énergie géothermique au Québec

Géothermie profonde dans les bassins sédimentaires du sud du Québec

Des études récentes suggèrent que des ressourcesgéothermiques hydrothermales ou conventionnelles sontprésentes dans les bassins sédimentaires du sud du Qué-bec, alors que des ressources non-conventionnelles, récu-pérables à l’aide de systèmes géothermiques ouvragés(enhanced geothermal system, EGS) dont le réservoir estdéveloppé par la stimulation hydraulique (Majorowicz etMinea, 2015 ; Bédard et al., 2017 ; Nasr et al., 2018), seraientsituées dans le socle rocheux. Le bassin sédimentaire cam-bro-ordovicien des Basses-Terres du Saint-Laurent (BTSL)est le mieux connu (voir figure 1). Le travail de Bédard etal. (2017) a permis de séparer la succession stratigraphiqueen huit unités thermiques ayant une conductivité

thermique et une constante de génération de chaleur dis-tinctes. À partir de 81 données de température de fondde puits pétroliers et gaziers, un gradient géothermiquemoyen de 24,3 ± 4,9 °C/km a été calculé, en tenant comp-te de l’effet des opérations de forage, ainsi que des varia-tions paléoclimatiques.

Le développement d’un modèle géologique 3D dubassin des BTSL (Bédard et al., 2013) a permis de détermi-ner la distribution en profondeur des paramètres géothermiques en fonction de la géométrie du bassinsédimentaire, de même que la profondeur du socle pré-cambrien associé au Bouclier canadien. Le modèle 3D a servi à extrapoler la température à différentes profon-deurs, mais également à déterminer la profondeur néces-saire pour atteindre une température d’intérêt (Fig. 2).Trois anomalies de température ont été identifiées etpourraient représenter un plus grand potentiel géother-mique, soit (1) Rive-Sud de Montréal, (2) Sud du Lac Saint-Pierre et (3) Arthabaska-Érable (voir figure 2).

La quantification des ressources géothermiquesprofondes du bassin des BTSL et du Bouclier canadiensous-jacent a été réalisée par Bédard et al. (2016) pourévaluer le potentiel de génération d’électricité. La métho-de volumétrique a été utilisée pour calculer la quantité dechaleur en place à plus de 120 °C et jusqu’à 10 km de pro-fondeur, puis convertie en énergie récupérable à l’aide desystèmes géothermiques ouvragés. La puissance élec-trique disponible au sein du bassin des BTSL et du Boucliercanadien s’élève ainsi à environ 4 500 MW, pour un facteurde récupération de 2 %, ce qui représente environ 10 % de la demande en électricité au Québec. Environ 96 % de la puissance électrique est contenue dans le Bouclier

Figure 2. Températures à 5 km (A) et profondeurs (B) pour atteindre 120 °C. Les traits pointillés noirs montrent les anomalies de températures plus élevées.1 : Anomalie de la Rive-Sud de Montréal. 2 : Anomalie du Sud du Lac Saint-Pierre. 3 : Anomalie d’Arthabaska-Érable. Source : modifiée de Bédard et al. 2016.

Page 48: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

canadien, car la profondeur du bassin sédimentaire desBTSL n’excède pratiquement pas 7 km de profondeur.

Communautés et mines du NordLe territoire du Nord québécois renferme de nom-

breux gisements miniers (voir figure 1), dont 11 minesactives et 16 projets miniers, et assure la totalité de la pro-duction québécoise de plusieurs minéraux. Ainsi, l’indus-trie minière est une source importante d’emplois et deretombées économiques pour le Québec (Institut de lastatistique du Québec,en ligne).Une partie importante desmines actives et des projets miniers du nord du Québec està l’extérieur du réseau intégré d’Hydro-Québec. En consé-quence, plusieurs sites miniers sont entièrement dépen-dants des combustibles fossiles. De plus, certains sitesminiers ayant l’opportunité d’être connectés au réseaude distribution électrique utilisent malgré tout du car-burant, comme le propane ou le gaz naturel, pour chauf-fer les galeries souterraines tout en minimisant leur appelde puissance électrique. L’énergie géothermique est uneressource renouvelable dont l’exploitation permettrait àl’industrie minière de relever les défis environnementauxet techniques posés par le contexte géologique du Nordquébécois. L’étude de cas à la mine Éléonore de Goldcorppar Alvarado et al. (2018) vise à évaluer la capacité dechauffer les galeries souterraines à l’aide d’un systèmede pompe à chaleur géothermique approvisionné parl’eau souterraine issue du dénoyage des galeries. Ces der-nières sont actuellement chauffées à l’aide de bruleur aupropane. Une conception préliminaire d’un système depompe à chaleur a été effectuée et permettrait des éco-nomies d’énergie d’environ 32 % sur une facture annuel-le de propane de plus de 2,6 M$.

Couvrant tout le territoire québécois au nord du 55eparallèle, le Nunavik compte 14 villages nordiques situésle long des côtes de la Baie d’Ungava et de la Baie d’Hud-son (voir figure 1). Ces villages sont situés entre 1 500 et 2500 kilomètres de Montréal et comptent de 200 à 2 750habitants, dont environ 90 % sont d’origine inuite. Aucunlien routier ne relie le Nunavik au reste du Québec, nientre les communautés elles-mêmes. En raison de l’éloi-gnement et de la rigueur du climat, il est impossible de dis-tribuer l’électricité produite au sud par le réseau provin-cial au sein de ces collectivités éloignées. Belzile et al.(2017a) présentent une revue technologique sur l’efficacitéénergétique et les énergies renouvelables du Nunavik.Un large éventail de sources d’énergie et de technologiespour chauffer les bâtiments y est abordé afin d’en éva-luer leur potentiel d’implémentation dans l’optique d’of-frir des pistes de solution pour réduire la consommation

de diesel des communautés nordiques. L’étude régionaledu potentiel géothermique du Nunavik par Comeau etal. (2017) montre un faible gradient géothermique de 5,3-12,8,5,8-13,9 et 10,0-11,6 °C/km respectivement pour les pro-vinces géologiques du Grenville, du Supérieur et de Chur-chill (voir figure 1). Les régions à forte conductivitéthermique du sous-sol seraient favorables aux systèmesde pompes à chaleur géothermique, tandis que celles àfaible conductivité thermique pourraient convenir auxsystèmes de stockage d’énergie thermique et aux puits àusage direct de la chaleur afin d’exploiter les aquifèresprofonds. Des simulations de l’opération de systèmes depompes à chaleur géothermique avec des échangeurs dechaleur horizontaux installés dans des tranchées au-des-sus du pergélisol ont été réalisées par Belzile et al. (2017b)sur un bâtiment d’un village nordique. L’étude vise àdémontrer comment adapter la conception d’un systèmegéothermique en climat arctique et évaluer le potentield’économie d’énergie. Les simulations démontrent unpotentiel d’économie d’environ 40 % avec l’opération d’unepompe à chaleur géothermique à absorption, lorsquecomparée à un système de chauffage au diésel conven-tionnel. Il s’agit de résultats inédits démontrant que deséchangeurs de chaleur installés dans le mollisol6 et opé-rés sous le point de congélation de l’eau peuvent contri-buer à réduire la consommation de diesel pour le chauf-fage d’infrastructures.

Perspectives d’utilisation et conclusionLes ressources géothermiques avec les pompes à

chaleur géothermique sont bien utilisées dans le sud de la province de Québec comme ailleurs au Canada. Lesrecherches en cours portent sur l’adaptation de ces tech-nologies pour les régions qui ne sont pas reliées au réseaude distribution d’électricité d’Hydro-Québec. Les nouvellestechnologies pourraient être utilisées pour les mines aunord du Québec (voir figure 1) et dans les communautés duNunavik le long des côtes à l’extrême nord du Québec (voirfigure 1). L’utilisation des ressources géothermiques pro-fondes de basse et moyenne température pourrait êtreenvisagée pour produire de l’énergie thermique pour lechauffage. Le potentiel de génération d’électricité à partirdes ressources géothermiques se trouve à des profondeurstrop importantes pour penser à une utilisation prochainede cette source d’énergie. Même si elle n’est pas bienconnue des Québécois, l’utilisation de la géothermie pro-fonde pour produire de l’électricité recueille la faveur de lapopulation (Malo et al. 2018). Les Québécois reconnaissentl’intérêt de cette source d’énergie renouvelable et 67% deceux-ci appuieraient son utilisation (Malo et al. 2018).

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

46

Do

ssie

r

Page 49: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

47

Do

ssie

rBibliographieAlvarado E., Raymond J.,Therrien R., Comeau F.-A. et LabrecqueD., 2018. Geothermal energy potential of active mines in nor-thern regions: The Éléonore Mine case study. Ressources forFuture Generations Premier International Conference, 16-21juin 2018, Vancouver, BC, Canada. http://rfg2018.gibson-group.ca/pdf/rfg2111.pdfBédard K., Malo M. et Comeau F.-A., 2013. CO2 Geological Sto-rage in the Province of Québec, Canada Capacity Evaluation ofthe St. Lawrence Lowlands basin. Energy Procedia, 37: 5093-5100. http://dx.doi.org/10.1016/j.egypro.2013.06.422Bédard K., Comeau F.-A., Millet E., Raymond J., Malo M. et Gloa-guen E., 2016. Évaluation des ressources géothermiques dubassin des Basses-Terres du Saint-Laurent. Institut nationalde la recherche scientifique. Québec. R1659, 100 pages.http://espace.inrs.ca/4845/Bédard K., Comeau F.-A., Raymond J., Malo M. et Nasr M., 2017.Geothermal Characterization of the St. Lawrence LowlandsSedimentary Basin,Québec,Canada. Natural Resources Resear-ch. https://doi.org/10.1007/s11053-017-9363-2Belzile P., Comeau F.-A.,Raymond J. et Lamarche L., 2017a. Revuetechnologique : efficacité énergétique et énergies renouve-lables au nord du Québec. Institut national de la recherchescientifique, Québec. R1716, 38 pages. http://espace.inrs.ca/5308/Belzile P., Comeau F.-A., Raymond J., Lamarche L. et CarreauM.,2017b. Arctic climate horizontal ground-coupled heat pump.GRC Transactions 41: 1958-1978.

Comeau F.-A., Raymond J., Malo M., Dezayes C. et Carreau M.,2017. Geothermal potential of Northern Québec: A regionalassessment. GRC Transactions 41: 1076-1094.ISQ (Institut de la statistique du Québec) [en ligne]. Recense-ment annuel des mines, des carrières et des sablières. Dispo-nible sur: http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/mines/pro-duction-minerale/mine_exp_sub.htm (Page consultée le 27janvier 2016).ISQ (Institut de la statistique du Québec), 2017. Le Québecchiffres en main,Édition 2017. http://www.stat.gouv.qc.ca/que-bec-chiffre-main/pdf/qcm2017_fr.pdf. Accessed 15 Dec 2017.Majorowicz J. et Minea V., 2015. Geothermal Energy Potentialin Low Enthalpy Areas as a Future Energy Resource: Identi-fying Feasible Targets, Quebec, Canada, Study Case. Resources,4(3): 524-547. https://doi.org/10.3390/resources4030524Nasr M., Raymond J., Malo M. et Gloaguen E., 2018. Geother-mal potential of the St. Lawrence Lowlands sedimentary basin from well log analysis. Geothermics, 75: 68-80.https://doi.org/10.1016/j.geothermics.2018.04.004Malo M., Malo F., Bédard K. et Raymond J., 2018. Public per-ception regarding deep geothermal energy and social acceptability in the province of Québec, Canada. GeothermalEnergy and Society, Springer Nature, sous presse.Raymond J., Malo M., Tanguay D., Grasby S. et Bakhteyar F.,2015. Direct utilization of geothermal energy from coastto coast: a review of current applications and research in Canada. Proceedings of the World Geothermal Congress,Melbourne, Australia.

Page 50: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

La géophysique au QuébecErwan Gloaguen1, Christian J. Dupuis2 et Bernard Giroux1.

IntroductionLes méthodes géophysiques occupent une place

de choix dans plusieurs champs d’activités au Québec.C’est d’abord, dans le secteur des ressources natu-

relles que ces méthodes se démarquent. Les ressourcesminérales du Québec sont classées au 6ème rang mondialpar l’Institut Fraser selon les indices d’investissementsminier mondiaux (S. Fraser Institute, 2017). L’abondance de

ces ressources minérales a donc permis de développerune expertise solide en géophysique d’exploration miné-rale, tant au niveau des méthodes aéroportées qu’au sol.Même s’il est moins développé, le potentiel énergétiquede la province a lui aussi suscité de l’intérêt et a entraînéle développement d’une expertise unique en lien avecl’exploration en milieux non conventionnels, comme lesgaz de schiste, le gaz naturel et les réservoirs carbonatéstectonisés.

Les importants barrages hydro-électriques qui ont été construits depuisles années 1960,ont pour leur part,contri-bué au développement d’une expertisespécifique dans l’auscultation desouvrages ainsi que dans la caractérisa-tion des roches à des fins d’excavations etde construction des fondations desouvrages. Avec le vieillissement des infra-structures, l’auscultation par méthodesgéophysiques connaît un nouvel essor.Les impacts de ce vieillissement doiventêtre caractérisés, quantifiés et gérés effi-cacement afin d’assurer la sécurité dupublic,des travailleurs et la pérennité desouvrages qui alimentent la majorité de lasociété québécoise en énergie électrique,propre et renouvelable.

La caractérisation de la ressourceen eau du territoire québécois et celle des sites contaminés ont été des moteursdans le développement des méthodesd’imagerie de la proche surface, mais àgrande échelle. En effet,à lui seul, le sous-bassin versant de Montérégie, situé à l’est de Montréal (Fig.1),a une superficie de9 000 km2 ! La géophysique a donc été unoutil de prédilection pour la caractérisa-tion des aquifères régionaux.

Finalement, la géophysique faitaussi figure de proue pour comprendre etpallier les impacts des changements cli-matiques. En effet, en plus des infra-structures construites sur le pergélisolqui se retrouvent dans un état précaire auNord de la province, les périodes de séche-

1. Institut National de la Recherche Scientifique. Courriels : [email protected] et [email protected]. Université Laval, département de géologie et génie géologique. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

48

Do

ssie

r

Figure 1. Carte du Québec (tirée du MERN).

Page 51: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

49

Do

ssie

rresses et de pluies intenses demandent une adaptationpour la gestion de l’eau souterraine autant pour les agri-culteurs et que les municipalités au sud.

Dans chacun de ces domaines, les groupes derecherche universitaires occupent une place importantedans le développement des idées et des méthodes quisont utilisées dans les industries au Québec, alors que lesdifférents ministères des ressources naturelles du Qué-bec et du Canada ont été des moteurs pour la caractéri-sation et la valorisation des ressources naturelles. Le courthistorique présenté dans cet article illustre les apportsdes universités et des gouvernements tant au niveau dufinancement que de l’acquisition des connaissances ainsique de la formation de personnel hautement qualifié quiœuvre au Québec. L’apport singulier des groupes derecherche a dynamisé les offres de services et proposédes solutions innovantes qui ont été et sont mises enœuvre par les entreprises du Québec. Il est important denoter que le portrait, brossé dans cet article, ne repré-sente, bien entendu, que le point de vue des auteurs etn’entend pas dépeindre une vision exhaustive de tous lesprojets qui se font en géophysique au Québec.

Géophysique d’exploration minièreLe premier « boum minier » du début du XXe siècle

correspond à la découverte de gisements en surface par desprospecteurs qui utilisent des méthodes d’exploration tra-ditionnelles. Elles consistent essentiellement à repérer desindices minéralisés à partir de la cartographie géologiqueet des traverses exploratoires sur le territoire. Les gise-ments de sulfures massifs situés dans les roches du bouclier canadien représentent une cible de choix pourles méthodes électromagnétiques aéroportées. Le prix desmétaux à la hausse et l’avènement de systèmes qui per-mettent d’identifier des cibles d’exploration relancent alorsune nouvelle vague d’exploration et de développementdes ressources minérales au Québec. C’est ainsi que lesgisements de sulfures massifs de zinc et de cuivre dansles régions de Matagami et de Joutel furent caractérisés etmis en production (voir figure 1). Cette période se distingueaussi par le développement du secteur de Chapais-Chibougamau. Les gîtes d’or de type orogénique, de larégion de Val-d’Or, sont cependant moins propices auxméthodes aéroportées ; par conséquent cette région a surtout bénéficié des développements des méthodes derésistivité et de polarisation provoquée.

Un exemple concret de l’essor de la géophysique estla création de la Société Québécoise en Exploration Minérale(SOQUEM). En 1965, le ministre des ressources naturellesde l’époque, René Lévesque, qui deviendra par la

suite premier ministre, dépose le projet de loi créant laSOQUEM.Cette société d’état est née principalement pourpermettre aux canadiens français de prendre part au déve-loppement des ressources minérales sur leur territoire.Durant les deux premières décennies de son existence,SOQUEM contribuera à la découverte et à la mise en production des mines Doyon, Niobec, Mouska, Pascalis,Louvem, Montauban ainsi que la mine de sel des Iles de laMadeleine (ICM, 2002). C’est d’ailleurs cette dernière quiviendra fragiliser les états financiers de la société d’étatlorsque les coûts de développement seront le double de cequi était prévu (ICM, 2002). En 1986, SOQUEM verra sesactifs privatisés. Les mines qui sont en opération serontalors agglomérées afin de donner naissance à CAMBIOR.Les mines découvertes par SOQUEM et CAMBIOR demeu-rent encore aujourd’hui des importants producteurs d’or etde niobium au Québec.Dix ans plus tard,SOQUEM lance laSODEMEX,société de capital de risque qui finance les socié-tés juniors d’exploration.SOQUEM déplacera son siège socialdans les années 2000,afin de s’installer à Val d’Or,au cœurd’une des régions minières les plus actives du Québec (voirfigure 1).Parmi les succès d’exploration récents de SOQUEM,nous comptons la première mine de diamant au Québec,Renard, la mine de phosphates Arnaud et le projet Moblan.

Un autre succès est la création de la société SAGAX.En 1983, quatre jeunes diplômés de l’Université de Mont-réal, Pierre Bérubé, Jean David, Robert Bazinet et JeanLegault, fondent SAGAX Géophysique Inc. Cette entrepri-se est un exemple typique qui illustre bien l’émergence dela géophysique à partir des universités québécoises. SAGAXpropose alors à l’industrie minière une technique géo-physique particulièrement bien adaptée à la prospectiondes gisements métalliques : la polarisation provoquée.Depuis, plusieurs compagnies de service ont vu le jour etoffrent des services aux compagnies qui font de l’explo-ration minérale au Québec (e.g. Abitibi Géophysique,GEOSIG et Géophysique Sigma).

Le ministère des ressources naturelles du Québec(MERN) et la Commission géologique du Canada (CGC)sont des donneurs d’ordre importants en géophysiquedepuis les années 1950. À titre d’exemple, le premier levéélectromagnétique a été réalisé dans la fosse du Labradordès 1954 suivi de levés gravimétriques en 1959 et 1965.Au fil des ans, la majeure partie du territoire québécois aété couverte par des levés magnétiques et électroma-gnétiques. Il existe aussi quelques levés radiométriquesfinancés par le MERN et la CGC. Certains secteurs d’inté-rêt particulier pour l’exploration ont aussi été survolés àplus haute résolution. Ces travaux ont permis de mieuxcomprendre les structures régionales et ont grandementinfluencé l’exploration et les travaux de cartographie géo-

Page 52: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

logique effectués par le MERN. Les données sont mises àla disposition des compagnies minières et des compa-gnies d’exploration minérale par l’entremise du systèmed’information géominière du Québec (SIGÉOM). Ce sys-tème en ligne(http://sigeom.mines.gouv.qc.ca/signet/classes/I1108_afchCarteIntr) permet d’accéder aux don-nées géoscientifiques recueillies depuis 150 ans par leMERN, les compagnies minières et les universités québé-coises (SIGÉOM, 2018). Quant à l’institut national desmines (http://www.inmq.gouv.qc.ca/), il a pour mission desoutenir le gouvernement dans l’exercice de sa respon-sabilité en matière d’éducation dans le secteur minier.Il agit comme conseiller auprès du gouvernement en s’appuyant sur des projets de recherche qu’il réalise et sur les suggestions proposées par les acteurs du milieude l’éducation et du secteur minier afin de faire la promo-tion de la formation minière au Québec, au Canada etdans le monde.

Enfin, il faut aussi noter les efforts importants duprojet LITHOPROBE (1984-2002), une initiative canadien-ne qui a effectué des transects géophysiques au Québec.Les levés de sismique réflexion régionaux ont permisd’identifier une zone de subduction préservée à l’Archéenet les structures crustales du front de Grenville (LITHO-PROBE, A-G). Depuis peu, le project Metal Earth a repris leflambeau en effectuant des lignes de sismique réflexiondans la région de Chibougameau et de l’Abitibi (voir figu-re 1) afin de mieux comprendre les contextes géologiquesqui ont favorisé l’enrichissement en métaux des terrainsquébécois à la différence de l’Ontario.

Géophysique d’exploration pétrolière et gazière

Depuis plus de 140 ans, les compagnies d’explora-tion pétrolière et gazière cherchent à mettre en valeurles ressources en hydrocarbures du territoire des régionsdu Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. En effet, des suin-tements de pétrole à la surface dans la péninsule de Gas-pé sont connus depuis avant même l’arrivée des premierseuropéens ! C’est donc logiquement dans ces zones queles premiers forages d’exploration ont été réalisés en 1860.Plus d’une centaine d’années plus tard, le service des minesde Québec (Géologie Québec) a recommandé que le poten-tiel gazier et pétrolier de la Gaspésie, tombé dans l’oubli,soit étudié. Suite aux premiers résultats, plusieurs com-pagnies pétrolières ont décidé de faire des forages d’exploration pour confirmer le potentiel de la Gaspésie(voir figure 1), malheureusement sans succès. Par la suite,l’utilisation intensive de la sismique réflexion apermis de mieux cibler les forages d’exploration et de faire

quelques découvertes de réservoirs conventionnels etnon-conventionnels (Haldimand, Bourque, Galt, Anti-costi…). Plusieurs projets de recherche ont été financéspar les entreprises québécoises (Junex, Pétrolia, …) et lesdifférents paliers de gouvernements afin de mieux com-prendre et quantifier les ressources dans le contexte géo-logique particulier de la Gaspésie. Cependant, à ce jour,aucun de ces réservoirs n’a franchi l’étape du calcul derentabilité. À partir des années 2000, plusieurs levés sismiques et opérations sur puits dans la vallée du Saint-Laurent ont confirmé le potentiel en gaz de schiste de cette région, mais, en 2013, un moratoire provincial en a bloqué le développement.

Géophysique pour le génie civilLes premiers travaux en géophysique appliquée au

génie civil ont été réalisés lors du développement de lafilière hydroélectrique. La sismique réfraction était alorsemployée pour cartographier la profondeur du socle quidevait servir de fondation aux barrages. La compagnie Géophysique GPR International a d’ailleurs vu le jour dansce contexte pendant le développement des grands barrageshydroélectriques de la Baie James dans les années 1970.

Plus récemment, c’est le ministère des transportsdu Québec qui joue un rôle important en commandant desétudes de caractérisation de son réseau routier. La résisti-vité électrique est utilisée afin d’identifier les argiles sen-sibles qui sont un vestige de l’ancienne mer de Champlainle long de la vallée du Saint-Laurent.La sismique passive faitaussi partie des instruments préconisés pour tenter d’iden-tifier le contact entre le socle et les sédiments glaciaires.Plu-sieurs de ces méthodes sont aussi utilisées au Québec nor-dique en conjonction avec des pénétromètres, afin decomprendre les zones de dégel des buttes de pergélisol,l’impact sur les infrastructures ainsi que le nouveau poten-tiel en eau souterraine qui s’ouvre aux communautés inuitespar la fonte de pergélisol (Fortier et al., 2011).

La géophysique sert aussi à la surveillance desstructures, en particulier pour le diagnostic de la corro-sion des armatures des tabliers des ponts. L’introductiondes sels de déglaçage dans les années 1960 a accéléré cette dégradation de l’armature. Le radar géologique est alors l’outil de prédilection pour ces travaux. Il per-met de cartographier la position des armatures ainsi quela présence d’eau et de saumures qui risquent d’accélérerla dégradation de l’armature.

Ce sont les Universités de Sherbrooke et l’ÉcolePolytechnique de Montréal qui ont été les maîtres d’œuvredans ce domaine jusqu’à présent, mais l’ÉTS et l’UniversitéConcordia ont également entrepris des travaux. Hydro-

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

50

Do

ssie

r

Page 53: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources minières et énergétiques

51

Do

ssie

rQuébec et l’IREQ constituent une source importante dufinancement de cette recherche.

Géophysique environnementale et gestion de l’eau souterraine

La géophysique pour la caractérisation environne-mentale est modérément développée au Québec, mais asubi un essor grâce à une initiative du ministère du déve-loppement durable et de la lutte contre les changementsclimatiques (MDDELCC) du Québec depuis 2009. En effet,le gouvernement du Québec a lancé un programme d’ac-quisition de connaissances sur les eaux souterraines duQuébec en-dessous du 60ème parallèle. Ce mandat a étédonné à 5 universités du Québec. Cette initiative a permisde renforcer la place de la géophysique dans la caractéri-sation environnementale.Notamment,la sismique réflexionavec des flûtes terrestres tractées a été largement utiliséeafin de définir la stratigraphie des dépôts meubles. Cettetechnologie,développée à la CGC,est maintenant une tech-nologie commerciale grâce à la compagnie MBMS solu-tion. Dans le cadre de ces projets de caractérisation deseaux souterraines, les pénétromètres avec capteurs deconductivité, de permittivité, de pression des pores et despropriétés mécaniques ont permis d’établir les liens com-plexes entres les variables hydrogéologiques et les pro-priétés physiques.Cette technologie connaît un essor impor-tant au Québec et de nombreux projets de recherche ontcours en ce moment sur le sujet.

Les méthodes géophysiques viennent aussiappuyer les projets de gestion de l’eau souterraine et lesconflits d’usage qui peuvent survenir entre des utilisa-teurs agricoles, industriels et municipaux. Les méthodesélectromagnétiques sont utilisées à plus grande échelleafin de caractériser les aquifères de surface, qui sont sou-vent les plus sollicités à cause des faibles coûts des puitsde pompage. Fait intéressant, certains producteurs decanneberges et de pommes de terre du Québec font appelau radar géologique afin de mieux comprendre l’écoule-ment de l’eau dans les champs et identifier des problèmesde drainage afin d’apporter des correctifs.

ConclusionLes méthodes géophysiques au Québec se retrou-

vent au service de plusieurs industries, entreprises etsociétés publiques ; celles-ci offrent des informations qui permettent de réduire l’incertitude des méthodes d’échan-tillonnage et offrent un support régionalisé de ces dernières. Des richesses naturelles en passant par l’eausouterraine et nos infrastructures nordiques, la géophy-sique permet d’assurer le développement durable de notresociété tout en assurant la sécurité de l’environnement,des travailleurs et du public. Une des caractéristiques par-ticulières de la géophysique au Québec est son lien étroitavec les universités et le financement au niveau nationaldes initiatives visant la caractérisation des ressources souterraines. Cette relation étroite a permis de maintenirun dynamisme continu dans l’industrie géophysique au Québec, et continuera à porter ses fruits ; l’exemple de la jeune compagnie Geolearn (http://geolearn.ca) quiintègre l’intelligence artificielle à l’interprétation desmesures physiques sur carottes l’illustre bien.

BibliographieICM 2002 :voir :https://www.mern.gouv.qc.ca/mines/quebec-mines/2002-11/hydrocarbures.jsphttps://www.fraserinstitute.org/fr/%C3%A9tudes/annual-survey-of-mining-companies-2016-frhttp://www.canadianminingjournal.com/features/soquem-the-soquem-shuffle-continues/ftp://ftp.mern.gouv.qc.ca/Public/Dc/Conferences_Quebec-Mines-2016/24_11_2016%20AM/10h05_Perreault.pdfhttp://www.eps.mcgill.ca/%7Elitho/aghome.htmlhttp://sigeom.mines.gouv.qc.ca/signet/classes/I1102_indexAccueil?l=fhttps://merc.laurentian.ca/metalearthFortier R., Le Blanc A.M. et W. Yu, 2011. Impacts of permafrostdegradation on a road embankment at Umiujaq in Nunavik(Quebec), Canada. Revue canadienne de géotechnique, Vol.48, pp. 720-740.

Page 54: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

La richesse de la ressource en eau du QuébecGuillaume Meyzonnat1, Florent Barbecot2, Marina Alazard3 et Renald McCormack4.

IntroductionLa province canadienne du Québec peut se tar-

guer de nombreux superlatifs géographiques. Ceux-ciconcernent ses grands espaces, ses forts contrastes climatiques saisonniers, et bien sûr sa grande richesse en eau douce. La superficie de la province de Québec estde 1 667 712 km2 (2,6 fois la superficie de la France), avecune population de 8,3 millions d’habitants, soit une den-sité de moyenne de 6,4 hab./km2.La population québécoiseest surtout concentrée dans les centres urbains localisésdans la vallée du fleuve Saint-Laurent, à l’extrême sud dela province. En s’éloignant du fleuve, et à part les régionsenclavées d’Abitibi et du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la densité de population chu-te jusqu’à 0,1 hab./km2 dans la région duNord-du-Québec. Ce sont donc de grandsespaces dont il s’agit, dès que l’ons’éloigne des centres urbains de Mont-réal, Québec et Trois-Rivières (Fig. 1), où seconcentrent les plus fortes demandes eneau. D’un point de vue climatique, lesrudesses de l’hiver québécois sont bienconnues et les accumulations de neigecomptent parmi les plus importantes aumonde. La ville de Québec reçoit parexemple en moyenne un peu plus de 3 mde neige chaque année. Ce qui est moinsconnu par contre, ce sont les épisodes decanicule pendant les mois les pluschauds. L’impact de l’humidité sur lestempératures ressenties est majeur enété, puisqu’elle accentue l’impression dechaleur sur la peau. Le record « d’humi-dex » appartient à la ville de Québec(températures ressenties de 49,3°C le 1er août 1975). Ainsi, l’amplitude des tem-pératures entre l’hiver et l’été peut dépas-ser les 50°C sur Montréal.

La richesse de la ressource en eaudu Québec est mondialement connue.La province est notamment alimentée àen énergie à 96 % par l’hydroélectricitéproduite par le géant Hydro-Québec. Lesinfrastructures installées dans le Nord-du-Québec sur les bassins versants de la

Baie-James et de la Baie d’Hudson, telles que les centralesinstallées sur la Grande Rivière (LG1 à LG4), totalisent unepuissance de quelques 14 335 MW. Un autre emblème duQuébec est le gigantisme du Fleuve Saint-Laurent bor-dant le sud de l’île de Montréal. Quoique possédant lamajorité de son bassin versant à l’extérieur de la provin-ce de Québec, le débit moyen annuel du fleuve à Montréal(station de Lassalle) est de 10 000 m3/s [1], soit à titre decomparaison, 20 fois le débit de la Seine à Paris. Les guidestouristiques décrivent parfois le Québec comme « la pro-vince aux millions de lacs ». Il n’y a qu’à regarder une pho-tographie satellite pour s’apercevoir que la superficie nord

1. Geotop-UQAM, Département des Sciences de la Terre et de l’atmosphère, Québec, Canada. Courriel : [email protected]. Geotop-UQAM, Département des Sciences de la Terre et de l’atmosphère, Québec, Canada. Courriel : [email protected]. Geotop-UQAM, Département des Sciences de la Terre et de l’atmosphère, Québec, Canada. Courriel : [email protected]. Envir’Eau-Puits Inc., Canada. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

52

Do

ssie

r

Figure 1. Carte du milieu physique et toponymie.

Page 55: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

53

Do

ssie

rquébécoise comporte effectivement d’innombrables lacs.En chiffre,c’est vingt-deux pour cent de la superficie du ter-ritoire du Québec qui est ainsi recouvert d’eau douce (Fig. 1). Avec ses dizaines de milliers de rivières et plus detrois millions de plans d’eau, le Québec possède 3 % desréserves en eau douce renouvelables de la planète ; prèsde 40 % de toute cette eau se concentre dans le bassinhydrographique du Saint-Laurent [2]. Au-delà de cesemblèmes, la richesse en eau du Québec s’explique par laconjonction de facteurs climatiques, géographiques etgéologiques qui sont décrits ci-après.

Conditions climatiques : le facteursine qua non pour la disponibilité de l’eau douce

La grande disponibilité de laressource en eau québécoise s’ex-plique premièrement par ses condi-tions climatiques. Le Québec reçoitainsi les plus fortes précipitationsannuelles à l’échelle canadienne,tout en étant accompagnées de tem-pératures annuelles relativementfraîches qui limitent considérable-ment le potentiel d’évapotranspi-ration. La température annuellemoyenne est de -1°C, et les précipi-tations totalisent près de 1 000mm/an [3]. Mais, à l’intérieur mêmede cet immense territoire, se distin-guent plusieurs régions climatiques.Pour le Sud du Québec, de la frontiè-re avec les États-Unis jusqu’à l’extré-mité sud de la Baie-James (au sud du51e degré de latitude), le climat estcontinental froid et humide. Pour cet-te région climatique, la températuremoyenne annuelle est de 2°C, maisvarie grandement, avec en moyenne7°C à Montréal, 4°C à Québec et 3°Cà Gaspé. Les précipitations sont d’unpeu plus de 1 000 mm/an, dont prèsde 25 % sous forme de neige, avecune accumulation annuelle abon-dante de 2,75 m/an en moyenne. Plusau nord, du 51e au 58e degré de lati-tude, le climat continental subpolai-re est plus froid, avec une tempéra-ture moyenne annuelle de -3°C, soitjuste au-dessus du point de congé-

lation des eaux saumâtres du Golfe-du-Saint-Laurent, etde près de -6°C à Kuujjuaq. Les précipitations sont moinsimportantes, avec 775 mm/an en moyenne, dont plus dutiers sous forme de neige avec une accumulation moyen-ne de 2,7 m/an. La portion restante du territoire québécoisau nord du 58e degré de latitude Nord est un climat polai-re caractérisé par un hiver très froid et sec et par une cour-te saison de dégel, et une température moyenne annuel-le de -6°C. Les précipitations demeurent les moins élevéesdu Québec avec près de 500 mm/an, dont 50 % sous for-me de neige. Le potentiel d’évapotranspiration, qui repré-sente l’évaporation potentielle directe des précipitationsvers l’atmosphère ainsi que la transpiration par les plantes,reste faible dans de tels climats. Quand on compare les pré-cipitations annuelles avec l’évapotranspiration potentiellepour la province de Québec (Fig. 2), on constate que plus

Figure 2. Carte des précipitations et potentiels d’évapotranspiration. Source : modifié de Rivera, 2013.

Page 56: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

de la moitié de l’eau des précipitationsn’est pas reprise par évapotranspiration,et reste ainsi disponible pour alimenterle réseau d’eau douce de surface ainsique la recharge des aquifères. Dans detelles conditions climatiques, la rechargedes aquifères est bimodale et se produitpréférentiellement au printemps à la fonte des neiges, et à l’automne avantque les températures hivernales negèlent l’eau des sols [4].

Des millions de lacs québécois

Le Québec possède sur son terri-toire près de 3,6 millions de plans d’eaudouce (voir figure 1) couvrant une super-ficie de près de 207 500 km2 [2]. Quatre-vingt-dix-sept pourcent des plans d’eauidentifiés par le Ministère du Dévelop-pement Durable, de l’Environnement etde la lutte contre les Changements Cli-matiques [2] sont de très petite taille(Tableau 1). Ainsi, 3 490 000 plans d’eausont très petits (moins de 25 ha), alorsqu’une soixantaine seulement sontimmenses. Le plus grand plan d’eau natu-rel est le lac Mistassini, situé dans larégion de la Jamésie, juste au nord-estde Chibougamau. Sa superficie atteint2 336 km2 soit près de 4,5 fois la superfi-cie l’île de Montréal. Les lacs « immenses» du Québec occupent environ 33 500 km2, soit 16% de lasuperficie totale des plans d’eau douce.

Des millions de kilomètres de rivièresLes cours d’eau forment au Québec un réseau de

plusieurs millions de kilomètres et se comptent pardizaines de milliers (Fig. 3). Parmi les grandes rivières, unedouzaine draine des territoires d’une superficie de plus

de 40 000 km2. À elle seule, la Grande Rivière, véritablefleuve de la région du Nord-du-Québec, recueille les eauxd’un dixième de la superficie du territoire québécois. Sonbassin versant, de près de 175 000 km2, équivaudrait autiers de la superficie de la France. Au Québec, le débitmoyen annuel est fort variable d’une rivière à l’autre. Dif-férentes stations hydrométriques réparties sur des coursd’eau dont les débits sont dits « naturels »,c’est-à-dire trèspeu ou non influencés par des activités de régulation,révèlent des débits moyens variant entre 2,2 et 1 162 m3/s,calculés entre 1970 et 2010 par le Centre d’ExpertiseHydrique du Québec (CEHQ). En général, plus le bassinversant d’une rivière est grand, plus son débit est élevé,mais des différences demeurent selon l’abondance desprécipitations sur une région donnée. Ainsi, le CEHQ utilise des débits normalisés, appelées débits spécifiques,qui sont établis selon l’aire du bassin versant (voir figure 3).

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

54

Do

ssie

r

Figure 3. Carte des bassins versants et rivières. Source : Tiré et modifié de MDDELCC, 2018.

Taille NombreTrès petit (de 0 à 25 ha) 3 490 851Petit (de 25 à 125 ha) 71 728Moyen (de 125 à 625 ha) 15 842Grand (de 625 à 3 125 ha) 2 693Très grand (de 3 125 à 15 625 ha) 343Immense (de 15 625 à 390 625 ha) 63

Tableau 1. Nombre de plans d’eau du Québec selon leur taille [2].

Page 57: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

55

Do

ssie

rDes milieux humides à profusionCompte tenu du climat, du contexte géomorpho-

logique glaciaire et du substratum rocheux propices àleur émergence, plus de 10 % de la superficie du Québecest couverte par des milieux humides. Ceux-ci sont dis-tribués de façon hétérogène sur le territoire, mais ils sontparticulièrement abondants dans la région du Centre-du-Québec, en Abitibi-Témiscamingue, ou dans le Nord qué-bécois, là où des dépôts meubles quaternaires relative-ment imperméables, ont permis leur développement. Lesmilieux humides jouent un rôle significatif pour la régu-lation des crues,soutiennent la biodiversité,et peuvent per-mettre de stocker du carbone à long terme sous formede matière organique.

Les provinces hydrogéologiquesLa partition de cette eau disponible entre le réseau

de surface et les aquifères est régie par la nature des pro-vinces hydrogéologiques québécoises (Fig. 4). Ces dernièressont fonction de la géologie en place (sédiments gla-ciaires non consolidés et substratum rocheux), de la topo-graphie, de la présence éventuelle de pergélisol. Ces carac-téristiques définissent les conditions de ruissellement del’eau en surface, la répartition de l’emmagasinement del’eau vers le réseau de surface ou les aquifères,ainsi que lesdynamiques spatio-temporelles associées entres ces réser-voirs. Quatre régions hydrogéologiques principales se dis-tinguent ainsi au Québec [5]. La grande majorité du terri-toire est constituée par la région hydrogéologique dubouclier canadien; les régions des Basses-Terres du Saint-Laurent et celle des Appalaches à l’extrême sud,et la régiondu pergélisol située au-dessus du 59e degré de latitudeNord. Pour toutes ces régions hydrogéologiques, l’organi-sation des dépôts meubles a été intégralement modeléeau cours du Quaternaire par des glaciations, et ces sédi-ments reposent en discordance marquée avec le substra-tum rocheux. L’épaisseur et la nature des dépôts meublesvarient considérablement selon les régions hydrogéolo-giques.

La région du Bouclier canadien est la plus grande,environ un million de km2, et elle est la moins peuplée. Ladensité de population est par exemple de 2,5 hab./km2

pour la région d’Abitibi-Témiscamingue et chute à 0,1 hab./km2 pour la région Nord-du-Québec [6]. La topo-graphie du Bouclier est caractérisée par un relief ondulémodérément accidenté avec des altitudes comprises entre200 et quelques 1 200 m. Dans cette région, la couvertureen dépôts meubles quaternaires reste souvent mince,majoritairement constituée de tills, mais on peut trouver

la présence éparse mais significative de dépôts fluvio-gla-ciaires (i.e. eskers, moraines) constituant d’excellents aqui-fères productifs, ou de dépôts argilo-silteux souvent plusépais. Le Bouclier canadien est constitué de roches pré-cambriennes d’origine ignée, métamorphique et méta-sédimentaire formées durant plusieurs phases orogé-niques, volcaniques et événements tectoniques[7],comportant plusieurs provinces. D’un point de vue hydro-géologique, les roches cristallines du Bouclier canadienprésentent généralement une porosité primaire et uneproductivité associée pouvant être qualifiée de faible àtrès faible.Les différences d’élévation peu marquées engen-drent des gradients hydrauliques faibles, qui associés àdes faibles conductivités hydrauliques n’induisent que peude mélanges avec les eaux souterraines profondes. Lamajorité des écoulements reste très superficielle et rejointrapidement le réseau de surface au profit des rivières et lacs.Dans ces régions éloignées, l’aquifère cristallin superficiel(i.e. 50 premiers mètres) reste cependant suffisammentproductif pour des habitations unifamiliales et reste lasource d’alimentation en eau potable majoritaire (80%)pour la population à l’aide de puits individuels. L’eau sou-terraine du Bouclier canadien est généralement de bonnequalité et peu minéralisée du fait de la matrice granitiquepeu soluble.

La région hydrogéologique des Basses-Terres duSaint-Laurent a une superficie de 29 000 km2 [8] etconcentre la plus forte densité de population et d’activitésagricoles, avec par exemple une densité de population de129 hab./km2 pour la région de la Montérégie. La topogra-phie des basses terres est extrêmement plane. Cette zonea subi l’invasion marine de la mer de Champlain qui adéposé des argiles marines pouvant atteindre 30 m d’épais-seur en bordure du Saint-Laurent [9]. La zone comporteégalement des vallées enfouies comblées par des dépôtsquaternaires anciens pouvant être potentiellement debons aquifères captifs. En s’éloignant des bas topogra-phiques du Fleuve Saint-Laurent, l’épaisseur des dépôtsquaternaires décroît généralement avec prédominancede dépôts de till affleurant. Les roches paléozoïques consti-tuant la plate-forme des Basses-Terres du Saint-Laurent[10] sont peu déformées et suivent la séquence sédimen-taire correspondant à l’ouverture du paléo-océan Iapetus(i.e. grès, dolomie, calcaire, shales, mudstone). Dans cetterégion, la productivité de l’aquifère rocheux reste relati-vement faible,mais très hétérogène en fonction des degrésde fracturation. Les puits très productifs installés dans leroc ne sont pas rares,particulièrement pour la portion sud-ouest de cette province où plusieurs réseaux d’aqueducsmunicipaux profitent de grandes productivités hydrau-liques des formations de grès et de dolomies. Comme pour

Page 58: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

les autres provinces, les aquifères granulaires productifssont essentiellement d’origine fluvioglaciaires, mais ontrouve cependant plusieurs de ces aquifères granulaires enconditions captives dans les Basses-Terres, du fait de laprésence de dépôts argileux massifs qui les surmontent.La qualité de l’eau dans cette région reste bonne avec deseaux généralement peu à moyennement minéralisées dufait de la présence de matrices calcaires solubles,sauf pourcertains aquifères fortement captifs et peu productifs aucentre des Basses-Terres où l’eau peut être saline et char-gée en soufre.

La région hydrogéologique des Appalaches repré-sente une superficie de 69 000 km2 [8]. Elle est moyen-nement peuplée,de l’ordre du 30 hab./km2 pour les régionsadministratives de Chaudière-Appalaches et de l’Estrie [6],et est celle qui est la plus humide du Québec. À titred’exemple, la ville de Sherbrooke reçoit près de 1 150 mmde précipitations par an. Cette province géologique cor-respond à la mise en place de la Chaînedes Appalaches lors de l’orogénie Taco-nienne [11], dont la mise en place s’estéchelonnée sur plus de 150 millions d’an-nées (de 450 à 290 millions d’années), endeux épisodes successifs majeurs au Qué-bec [8].La région présente ainsi des reliefsmodérés et passe d’une altitude d’environ50 m au niveau des Basses-Terres à unpeu plus de 1 200 m pour les plus hautssommets (i.e. 1 268 m au sommet dumont Jacques-Cartier en Gaspésie). Lesdépôts glaciaires sont majoritairementconstitués de tills,mais on peut retrouverdes agencements complexes et souventtrès épais à l’emplacement de valléesenfouies,où ils peuvent être associés loca-lement à des dépôts fins d’origine lacustreou à des dépôts fluvioglaciaires consti-tuant d’excellents aquifères. Les rochesdes Appalaches proviennent de rochessédimentaires du Paléozoïque de la pla-teforme des Basses-Terres du Saint-Laurent ; elles ont été plissées,déforméeset métamorphisées lors de la mise en place de la chaîne appalachienne. Lesconditions de recharge peuvent varierconsidérablement dans cette région enfonction de la nature des dépôts quater-naires présents. Les plus forts taux derecharge sont associés à la présence dedépôts fluvioglaciaires affleurants, et lesplus faibles associés aux endroits où les

dépôts fins sont majoritaires. La productivité de l’aquifè-re dans le roc reste faible à moyenne, bien qu’on puisseretrouver localement des puits avec une productivité éle-vée. Pour les régions où le relief est plus prononcé, les écou-lements souterrains locaux sont plus rapides du fait d’ungradient plus élevé, ce qui produit des résurgences dans lefond des vallées. La qualité de l’eau dans cette région estbonne, et comme pour la province des Basses-Terres, elleest généralement peu à moyennement minéralisée enfonction des matrices calcaires plus solubles.

La région hydrogéologique du pergélisol correspondsommairement à la péninsule d’Ungava (250 000 km2) et reste la moins étudiée du fait de son éloignement géo-graphique avec le Québec méridional plus peuplé.La régiondu pergélisol correspond aux hautes latitudes là où lestempératures dans le roc ou dans les dépôts meublesdemeurent inférieures au point de congélation, en été.Cette caractéristique implique que la dynamique de l’eau

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

56

Do

ssie

r

Figure 4. Carte des provinces hydrogéologiques et climats. Source : modifié de Rivera, 2013.

Page 59: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

57

Do

ssie

rdans cette dernière région est essentiellement dominée,pour le réseau hydrographique de surface,par les conditionsde gel/dégel saisonnier.

Disponibilité eaux de surface/eauxsouterraines : lien avec les provinceshydrogéologiques québécoises

Bien qu’il puisse exister localement des zones àforte recharge compte tenu de la présence locale de sédi-ments meubles très perméables et /ou d’aquifère trans-missifs spécifiquement dans les régions des Appalacheset des Basses-Terres du Saint-Laurent, la conductivitéhydraulique des aquifères reste généralement faible dansla province de Québec. C’est cette caractéristique, associéeà un excès de bilan hydrique (précipitations abondantes etfaible potentiel d’évapotranspiration), qui créée une forte disponibilité de l’eau douce au niveau du réseau de surface, expliquant les nombreux lacs, rivières et zoneshumides décrits précédemment.

Pour les eaux souterraines, cette configuration,avec forte disponibilité de l’eau en surface et faiblesconductivités hydrauliques des aquifères fracturés, génè-re des flux d’écoulements souterrains qui sont majoritai-rement superficiels.Le niveau des nappes d’eau souterraineau Québec se situe donc à faible profondeur, soit généra-lement à moins de 5 mètres sous la surface du sol. Cetteconfiguration hydrogéologique s’apparente donc à desniveaux de nappes contrôlés par la topographie [12], c’est-à-dire une piézométrie qui suit globalement la topogra-phie puisque la recharge est élevée et que c’est la conduc-tivité hydraulique du roc, généralement faible, qui estfinalement le facteur limitant pour les écoulements. Cesniveaux de nappes élevés induisent également que cesont presque systématiquement les rivières, constituantdes points bas topographiques, qui drainent les aquifères.Ceci assure la pérennité des cours d’eau même en pério-de d’étiage. Les niveaux de nappes élevés garantissentencore un accès facile à la ressource en eau souterrainepour des puits individuels dans toutes les régions ruralesdu Québec.Tout compte fait,la production faible à moyennedes aquifères n’est pas un problème dans le cas de puitsalimentant des maisons unifamiliales, compte tenu de lafaible densité de population correspondante en régionrurale, alimentée à 80 % par les ressources souterraines.Ceci dit, il existe toute de même, bon nombre d’approvi-sionnements municipaux en eau souterraine dans larégion des Basses-Terres et des Appalaches. Ils sont implan-tés dans le roc par des hydrogéologues professionnelslors des travaux de recherche en eau, pour le compte des

municipalités, et capables de desservir des villes de 10 000 habitants. On exploite naturellementaussi les aquifères granulaires locaux très productifs, com-me par exemple l’exploitation des eskers d’Abitibi par laville d’Amos [13], le paléo-delta de la rivière Saint-Mauriceen Mauricie [14] par la ville de Trois-Rivières, ou encore lesbuttes de Hudson et de Saint-Lazare dans la municipali-té régionale de comté de Vaudreuil-Soulanges [9]. Pourles grands centres urbains dépassant 10 000 habitants, l’ali-mentation en eau potable est assurée très majoritaire-ment par des prélèvements en rivières compte tenu dunombre, de la capacité et de la pérennité de ces dernières.Depuis 2009, le MDDELCC5 subventionne les ambitieuxprogrammes d’acquisition de connaissances sur les eauxsouterraines (PACES) sur des dizaines de milliers de kilo-mètres carrés. Ces projets visent à dresser un portrait desressources en eaux souterraines sur les territoires muni-cipalisés du Québec méridional afin de les protéger etd’en assurer la pérennité [15].

Cet article sur la richesse de la ressource en eauau Québec reprend bon nombre d’informations concernantl’eau et les écosystèmes, ainsi que les provinces naturellesquébécoises en provenance des ressources mises en lignepar le MDDELCC ainsi que d’informations compilées dansla publication d’Alfonso Rivera [5] concernant les res-sources en eau souterraine à l’échelle canadienne.

Références1. MDDELCC (Ministère du Développement durable, de l’Envi-

ronnement et de la Lutte contre les changements clima-tiques), 2018. Expertise hydrique du Québec. Suivi hydrolo-gique de différentes stations hydrométriques. https://www.cehq.gouv.qc.ca/suivihydro/

2. MDDELCC (Ministère du Développement durable, de l’Envi-ronnement et de la Lutte contre les changements clima-tiques), 2018. Rapport sur l’état de l’eau et des écosystèmesaquatiques au Québec. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/rapportsurleau/portrait-Qc-aquatique-eau-nord-sud-est-ouest.htm

3. MDDELCC (Ministère du Développement durable, de l’Envi-ronnement et de la Lutte contre les changements clima-tiques), 2018. Climat du Québec. Normales climatiques 1981-2010.http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/climat/normales/climat-qc.htm

4. Rivard C. et al., 2014. A watershed-scale study of climate change impacts on groundwater recharge (Annapolis Valley,Nova Scotia, Canada). Hydrological Sciences Journal. 59(8):p. 1437-1456.

5. Rivera A., 2013. Canada’s Groundwater Resources. Fitzhenry& Whiteside ISBN-10: 1554552923, 308 p.

6. ISQ (Institut de la statistique du Québec), 2016. Portrait du québec en Bref. http://www.gouv.qc.ca/FR/LeQuebec/Pages/Accueil.aspx

Page 60: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

7. Davidson A., 1998. Geological map of the Grenville Province,Canada and adjacent parts of the United States of America.Geological Survey of Canada, Map 1947A, scale 1/2 000 000.

8. MDDELCC (Ministère du Développement durable, de l’Envi-ronnement et de la Lutte contre les changements clima-tiques), 2018. Aires protégées au Québec. Description des provinces naturelles. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/biodiversite/aires_protegees/provinces/index.htm

9. Larocque M. et Meyzonnat G.,2015. Projet de connaissance deseaux souterraines de la zone de Vaudreuil-Soulanges - Rap-port scientifique. Rapport déposé au ministère du Dévelop-pement durable, de l’Environnement et de la Lutte contreles changements climatiques. 202 p. https://rqes.ca/paces-vaudreuil-soulanges/

10. Globensky Y., 1987. Géologie des Basses-Terres du Saint-Laurent. Rapport MM85-02, Direction générale de l’exploi-tation géologique et minérale, Québec, 70 p.

11. Slivitzky A. et St-Julien P., 1987. Compilation géologique de larégion de l’Estrie-Beauce. Ministère des Ressources natu-relles du Québec, MM 85-04, 40 p.

12. Gleeson T. et al., 2011. Classifying the water table at regionalto continental scales. Geophysical Research Letters. 38(5):p. n/a-n/a.

13. Cloutier V. et al., 2013. Projet d’acquisition de connaissancessur les eaux souterraines de l’Abitibi-Témiscamingue (partie 1).Rapport final déposé au Ministère du Développement durable,de l’Environnement, de la Faune et des Parcs dans le cadre duProgramme d’acquisition de connaissances sur les eaux sou-terraines du Québec. Rapport de recherche P001. Groupe derecherche sur l’eau souterraine, Institut de recherche en mineset en environnement, Université du Québec en Abitibi-Témis-camingue, 135 p.

14. Leblanc Y. et al., 2013. Caractérisation hydrogéologique dusud-ouest de la Mauricie. Rapport déposé au ministère duDéveloppement durable, de l’Environnement, de la Faune etdes Parcs dans le cadre du Programme d’acquisition deconnaissances sur les eaux souterraines du Québec. Dépar-tement des sciences de l’environnement, Université du Qué-bec à Trois-Rivières, 134 p.

15. MDDELCC (Ministère du Développement durable, de l’Envi-ronnement et de la Lutte contre les changements clima-tiques), 2018. Projets d’acquisition de connaissances sur leseaux souterraines. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/souterraines/programmes/acquisition-connaissance.htm

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

58

Do

ssie

r

Page 61: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Institut de Recherche en Mines et en Environnement et Groupe de Recherche sur l’Eau Souterraine, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Amos,Québec, Canada. Courriel : [email protected]. Institut de Recherche en Mines et en Environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda, Québec, Canada.Courriel : [email protected]. Formation fluvioglaciaire se présentant sous forme de crête allongée et sinueuse pouvant s’étendre sur plusieurs kilomètres et parfois atteindre plusieurs mètres d’épaisseur.

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

59

Do

ssie

r

Enjeux environnementaux liés à l’exploitation de ressources minérales :la question de l’eau en Abitibi-TémiscamingueEric Rosa1 et Carmen Mihaela Neculita2.

Introduction et mise en contexte Situé dans l’ouest du Québec, le secteur munici-

palisé de l’Abitibi-Témiscamingue (Fig. 1) couvre une super-ficie de 19 549 km2 et compte une population d’environ 145 000 habitants (Cloutier et al., 2016). Les richesses miné-rales du territoire furent au cœur du développementsocioéconomique de la région depuis le début du XXe

siècle. Or, le développement minier de la région compor-te aussi son lot d’enjeux environnementaux, parmi les-quels la question de la protection des ressources hydriquesreprésente une priorité. D’une part, le dénoyage et le ré-ennoiement des ouvertures minières peuvent engen-drer un impact sur le bilan hydrique et géochimique desaquifères et des eaux de surface lors du cycle de vie d’unemine. D’autre part, le drainage minier peut engendrer lamigration de contaminants vers les eaux souterraines etde surface, durant la phase d’opération d’une mine, etmême parfois sur de longues périodes après la cessationdes activités d’extraction. L’extraction des substancesminérales de surface peut aussi engendrer des impacts surla ressource en eau souterraine,principalement lorsque cesactivités ont lieu dans la portion non saturée d’aquifèresgranulaires peu profonds. La mitigation de tels impactss’avère prioritaire, spécialement dans les secteurs muni-cipalisés où la protection de la quantité et de la qualité dessources d’approvisionnement en eau potable est critique.

Nous dresserons un portrait des ressourceshydriques du secteur municipalisé de l’Abitibi-Témisca-mingue et des enjeux associés à l’exploitation des ressources minérales. Le portrait proposé s’appuiera largement sur les données issues des Projets d’Acquisi-tion de Connaissances sur les Eaux Souterraines de l’Abitibi-Témiscamingue (PACES-AT ; Cloutier et al., 2016). Un survoldes conditions hydrogéologiques et hydrogéochimiquesprévalant sur le territoire sera d’abord présenté, en supportà une discussion portant sur les impacts potentiels del’extraction des ressources minérales et sur les défis asso-ciés à la protection des ressources hydriques. L’accent seramis sur l’eau souterraine étant donné que cette ressourceapprovisionne plus de 70% de la population de l’Abitibi-Témiscamingue ; de même les problématiques associéesaux sites miniers abandonnés et aux sites d’extractionde sables et de graviers feront l’objet d’une attention particulière.

Portrait des richesses hydriques del’Abitibi-Témiscamingue

Les dépôts de surface Le socle rocheux de l’Abitibi-Témiscamingue est en

grande partie recouvert de dépôts meubles issus du der-nier cycle de glaciation-déglaciation associé à l’inlandsislaurentidien, lequel a atteint son extension maximale ily a environ 18 000 ans. La plus ancienne unité de dépôtsmeubles de la région est un till principalement forméde fragments rocheux se trouvant au sein d’une matri-ce compacte de sable et de silt. Au moment du retrait desglaces, de vastes formations fluvioglaciaires (eskers3 etmoraines) furent déposées. Ces dépôts résultent du trans-port de débris par les eaux de fonte circulant au sein devastes tubulures glaciaires et de leur accumulation ausein d’un environnement glaciolacustre, à la marge glaciaire (Cloutier et al., 2016). Les plus imposantes formations fluvioglaciaires de la région constituent descrêtes sinueuses composées de blocs hétérométriquesinclus dans une matrice de sable et de gravier. L’orienta-tion de ces dernières suit généralement un axe sud-nord,témoignant du retrait progressif des glaces vers le nord.Les conditions prévalant au moment de la déglaciationont mené à la formation du lac proglaciaire Barlow-Ojibway (région de La Sarre ; voir figure 1), au sein duquelfurent déposés les sédiments glaciolacustres d’eau pro-fonde recouvrant une vaste proportion de la région, jus-qu’à une altitude maximale d’environ 320 m. Ces dépôtsconstituent des varves résultant de la saisonnalité ayantcaractérisé le lac Barlow-Ojibway. Le retrait de la calotteglaciaire, associé à une réduction des apports en eaux defonte et au rebond isostatique, engendra les conditionsfavorables au drainage du lac Barlow-Ojibway vers lesbaies de James et d’Hudson (au nord) et le fleuve Saint-Laurent (au sud), il y a environ 7 500 ans. Suite au retraitdes eaux du lac proglaciaire, de vastes complexes detourbières se sont développés dans la région, notam-ment sur le flanc des principales formations fluvio-glaciaires. Le bloc diagramme présenté figure 2 illustre,de façon conceptuelle, l’environnement hydrogéologiquerégional.

Page 62: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

60

Do

ssie

r

Figure 1. Géologie du socle rocheux au sein du territoire municipalisé de l’Abitibi-Témiscamingue (secteur identifié par l’appellation Zone PACES-AT).Source : Cloutier et al. (2016).

Page 63: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

61

Do

ssie

r

Cadre hydrogéologique et ressources en eauLa région est traversée par la ligne de partage des

eaux continentales marquant la limite entre les bassins duSaint-Laurent et des baies de James etd’Hudson (Fig. 3). On y dénombre près de500 lacs,dont les principaux,en termes desuperficie, sont les lacs Abitibi (878 km2)et Témiscamingue (306 km2) (Cloutier etal., 2016). Du point de vue hydrogéolo-gique, la colonne stratigraphique régio-nale peut être simplifiée en quatre principaux types d’aquifères selon lesconditions d’écoulement (aquifères à nap-pe libre et à nappe captive) et la nature dumilieu d’écoulement (socle rocheux frac-turé et dépôts granulaires).La délimitationdes zones d’aquifères à nappe libre et ànappe captive est fonction de la géomé-trie de la couche de sédiments glaciola-custres d’eau profonde, laquelle est consi-dérée comme un aquitard. Les principauxaquifères à nappe libre de la région sontassociés aux formations fluvioglaciaires(eskers), ces dernières constituent géné-ralement les meilleures sources d’appro-visionnement en eau potable, autant entermes de volume que de qualité.Plusieursmunicipalités possèdent des captagesd’eau souterraine installés au sein de cesformations afin d’assurer l’approvision-nement en eau potable. Néanmoins, il estestimé qu’environ 25-30% de la popula-tion de la région s’approvisionne en eaugrâce à des puits privés (Cloutier et al.,2016). La vaste majorité du secteur rurals’approvisionne en eau par des puits pri-vés, lesquels sont généralement installésau sein de l’aquifère de roc fracturé.

Géochimie de l’eau souterraine : sources géogéniques de métauxet métalloïdes

Les données issues des PACES réa-lisés en Abitibi-Témiscamingue (Cloutieret al., 2016) permettent de dresser unportrait de la qualité de la ressource eneau au sein de la région. Bien qu’il ne soitpas exclu que les échantillons d’eau sou-terraine et de surface prélevés dans le

cadre de ces études soient affectés par la pollution anthro-pique diffuse, les sites d’échantillonnage retenus sontgénéralement situés à l’extérieur des propriétés associéesà des activités minières présentes ou passées. En ce sens,

Figure 2. Schéma de l’environnement hydrogéologique de surface de l’Abitibi-Témiscamingue (secteuridentifié par l’appellation Zone PACES-AT). Source : Adapté de Cloutier et al. (2016).

Figure 3. Localisation des captages d’eau souterraine, des mines actives et des sites miniers abandonnésdu secteur municipalisé de l’Abitibi-Témiscamingue (secteur identifié par l’appellation Zone PACES-AT).

Page 64: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

les données disponibles permettent d’évaluer le bruit defond géochimique de la région. Elles suggèrent que l’eausouterraine y subit une évolution géochimique cohéren-te avec le système d’écoulement régional, comme entémoigne l’augmentation graduelle de la conductivitéélectrique spécifique de l’eau (qui reflète surtout la teneuren ions majeurs dissous) depuis les aquifères granulairesà nappe libre, jusqu’aux aquifères de roc fracturé à nappe captive (Tabl. 1). Cette tendance résulte selon tou-te vraisemblance de l’effet combiné (1) de la distance de transport de l’eau souterraine et (2) de la durée de l’in-teraction eau-roche. L’eau issue des précipitations, faible-ment chargée en ions dissous, s’infiltre préférentielle-ment au sein de secteurs d’aquifères à nappe libre,pour ensuite migrer au sein du système hydrogéologiquerégional, jusqu’à atteindre les zones plus profondes desaquifères de roc fracturé à nappe captive.

Si la tendance observée pour la conductivité électrique de l’eau semble pouvoir s’expliquer par uneinterprétation simple appuyée sur la compréhension dumodèle d’écoulement régional, la question s’avère davan-tage complexe pour ce qui est des métaux et métalloïdesprésents sous formes de traces dans l’eau souterraine(voir tableau 1). Les teneurs naturelles des éléments métal-liques tels l’arsenic (As), le cadmium (Cd),le cobalt (Co), le cuivre (Cu), le mercure(Hg), le fluor (F), le manganèse (Mn), lenickel (Ni), le plomb (Pb), l’uranium (U)et le zinc (Zn) ont été identifiées dansl’eau souterraine de l’Abitibi-Témisca-mingue comme des indicateurs géochi-miques potentiellement associés à desminéralisations du socle rocheux. Les tra-vaux très récents réalisés par Bondu etal. (2017) ont amélioré les connaissancessur les sources naturelles d’arsenic danscertains aquifères de socle fracturé del’Abitibi-Témiscamingue. Les résultats ontmis en évidence des teneurs en arsenicdissous allant de <0,2 à 326,4 μg/L ausein de puits privés destinés à l’approvi-sionnement en eau potable, la normeprovinciale pour la consommationhumaine étant fixée à 10 μg/L. La pré-sence de sulfures et d’oxyhydroxydescomportant de l’arsenic ainsi que lesconditions faiblement alcalines et réduc-trices prévalant au sein des aquifères desocle fracturé associés à des roches vol-caniques et sédimentaires ont été iden-tifiées comme les principales causes expli-

quant les teneurs élevées en arsenic dans l’eau souterrai-ne. L’évolution géochimique de l’eau souterraine ainsi queles conditions d’oxydo-réduction et de pH prévalant ausein de l’aquifère y ont été identifiées comme les para-mètres déterminants dans la mobilisation de l’arsenic ; laminéralogie des phases comportant de l’arsenic a uneinfluence indirecte sur les concentrations mesurées dansl’eau souterraine. Un tel constat illustre la complexité inhé-rente à l’interprétation des concentrations de métaux etmétalloïdes présents à l’état de traces dans les aquifèresde socle fracturé. Cette complexité limite l’utilisation de lagéochimie de l’eau souterraine comme approche de pros-pection minière, mais complexifie également la différen-ciation entre sources naturelles et sources anthropiques demétaux et métalloïdes dans l’eau souterraine.

L’enjeu du drainage minier etla question des sites abandonnés

Le drainage minier résulte de la circulation deseaux à travers les composantes d’un site minier. On distingue notamment le drainage minier acide (DMA ;pH<6), le drainage neutre contaminé (DNC; pH 6-9) et le

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

62

Do

ssie

r

Paramètres Aquifères Aquifères Aquifères Aquifères granulaires à de roc granulaires de roc nappe libre fracturé à à nappe fracturé à

nappe libre captive nappe captivepH 7,29 7,44 7,64 7,56Conductivité élec-trique (μS/cm) 0,149 0,328 0,245 0,420Alcalinité totale (CaCO3) 56 130 110 190SO4 7,1 12 7,7 7,9Al 0,005 0,005 0,005 0,004As 0,0005 0,0005 0,0005 0,0005Cd 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001Cr 0,0006 0,0003 0,0003 0,0003Cu 0,0005 0,002 0,0005 0,0003Fe 0,05 0,1 0,05 0,2Mn 0,005 0,083 0,026 0,140Mo 0,0005 0,0008 0,0009 0,0013Ni 0,0005 0,0005 0,0005 0,0005Pb 0,00014 0,00014 0,00011 0,00010Sb 0,0005 0,0005 0,0005 0,0005Zn 0,005 0,011 0,006 0,0089

Tableau 1. Sommaire des teneurs médianes en métaux et métalloïdes sélectionnés au sein des différents types d’aquifères du territoire municipalisé de l’Abitibi-Témiscamingue. Les valeurs deconcentrations sont rapportées en mg/L, pour la fraction dissoute (après filtration à 0,45 μm). Pourle calcul des statistiques, les valeurs sous la limite de détection (LD) ont été estimées à 0,5 LD.Source : travaux associés aux PACES-AT1 et PACES-AT2 (Cloutier et al., 2016).

Page 65: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

63

Do

ssie

rdrainage alcalin (DA ; pH>9). Dans les principales zonesminéralisées de l’Abitibi-Témiscamingue, les sulfures telsla pyrite (FeS2), la chalcopyrite (CuFeS2), la sphalérite (ZnS)et l’arsénopyrite (FeAsS) sont communs. La sensibilité deces minéraux face aux processus d’altération chimique etla réduction de pH susceptible de résulter de leur altérationsont la source de nombreuses problématiques associéesau drainage minier. Le tableau 2 présente une séquencede réactions susceptibles d’intervenir dans la productionet la neutralisation du DMA. De façon générale, la pro-duction du DMA résulte de l’altération des sulfures, alorsque la dissolution des carbonates et l’altération des silicates peuvent contribuer à la neutralisation du DMA.Ces processus génèrent souvent des eaux de drainage àfaible pH, avec des concentrations en métaux dissousexcédant largement les teneurs du bruit de fond naturel.Dans le cas de mines actives de l’Abitibi-Témiscamingue,le problème peut être partiellement contrôlé notamment

grâce à la gestion des rejets miniers et au traitement deseaux de drainage. Les suivis environnementaux réalisés auniveau de ces sites permettent de quantifier les impactsen temps réel, et donc d’ajuster les opérations dans laperspective d’amoindrir les effets néfastes sur l’environ-nement. Certaines composantes de l’hydrosphère sontaussi sensibles face à des contaminants provenant desources atmosphériques. Ainsi, Telmer et al. (2006) etBorgmann et al. (2004) ont documenté des contaminationsen métaux dans plusieurs lacs situés en périphérie deRouyn-Noranda. Ils ont indiqué que les sédiments de fonddes lacs échantillonnés reflètent des apports en métauxet métalloïdes (As, Cd, Cu, Pb, Zn) issus de l’historique desopérations minières de la région. La complexité relative àla mobilité des éléments ciblés empêche toutefois unequantification précise des flux de contaminants issus desactivités minières.

Tableau 2. Processus associés à la génération et à la neutralisation du drainage minier acide. Les effets des processus biologiques ne sont pas considérés ici,bien que ces derniers puissent avoir un effet significatif sur la production du DMA. Source : Tiré de Cloutier et al., 2013, initialement construit à partir d’informations adaptées d’Aubertin et al., 2002 et de Bussière et al., 2005.

Page 66: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Si la question des sites actifs peut faire l’objetd’un suivi documenté, les enjeux environnementauxs’avèrent davantage complexes pour les sites rétrocé-dés à l’État et ceux pour lesquels aucun propriétairesolvable ne peut être identifié, ces derniers étant dési-gnés sous l’appellation de sites miniers abandonnés(Bussière et al., 2005). Du point de vue hydrogéologiqueet hydrogéochimique, le manque de données quanti-tatives sur la qualité de l’eau en périphérie de ces sitescomplique la quantification des impacts leur étant asso-ciés. Au Québec, le Ministère de l’Énergie et des Res-sources Naturelles (MERN) recense 229 sites miniersabandonnés, dont 105 en Abitibi-Témiscamingue (voirfigure 3). Le tableau 3 présente un sommaire de la com-position du drainage minier issu de quatre sites miniersabandonnés de l’Abitibi-Témiscamingue. On y consta-te des pH faibles et des concentrations en métaux excé-dant de plusieurs ordres de grandeur le bruit de fondgéochimique régional. Toujours selon le MERN, des 105sites abandonnés recensés en Abitibi-Témiscamingue,70 sont considérés comme restaurés, 14 sont actuelle-ment en cours de restauration et 21 sont toujoursexempts de travaux de restauration. Plusieurs de cessites sont localisés au sein de zones habitées, comme entémoigne la répartition des puits d’approvisionnementen eau potable de la région (voir figure 3). Parmi les casdocumentés d’impacts sur les eaux souterraines, notonsles problématiques de contamination de l’eau souter-raine par l’arsenic (1) à proximité de Granada et (2) àproximité du site Beattie, à Duparquet (Marcotte etGrenier, 1994). Néanmoins, aujourd’hui, l’absence demesures de suivi systématique de la qualité des eauxsouterraines empêche une évaluation quantitative etexhaustive des impacts de ces sites sur les aquifèresde la région.

La question des eskers en Abitibi-Témiscamingue

Les eskers jouent un rôle central dans le systèmed’écoulement de l’eau souterraine de l’Abitibi-Témisca-mingue. Ces formations constituent les meilleurs aquifèresde la région, tant en termes de quantité que de qualité del’eau (Cloutier et al., 2016). Il s’agit également des secteursoù l’eau souterraine est la plus vulnérable face à des conta-minations provenant de la surface, notamment en raisondes forts taux de recharge y prévalant et de la faible pro-fondeur de la nappe d’eau souterraine. Les principaux éco-systèmes dépendants de l’eau souterraine, soient lessources, les lacs de kettle4 et les complexes de milieuxhumides, sont également spatialement associés à ces for-mations (Rosa et al., 2018). De tels écosystèmes dépen-dent généralement d’un apport en eau de qualité et detempérature stable au fil des saisons. Il en résulte que laprotection des eskers s’avère critique tant pour l’approvi-sionnement en eau potable que pour le maintien des écosystèmes. Or, les pressions résultant de l’exploitationdes ressources naturelles engendrent un risque croissantsur les aquifères associés aux eskers. L’extraction de sableet gravier représente certainement l’une des probléma-tiques les plus importantes en région. On dénombre aujour-d’hui 541 sites d’extraction de sable et de gravier sur leseskers de l’Abitibi-Témiscamingue, ce qui représente uneempreinte cumulée couvrant l’équivalent de 2% de la surface totale des eskers de la région. Les principaux problèmes associés à ces sites concernent notamment (1)la réduction de l’épaisseur de la zone non saturée agissantcomme couche de protection au-dessus de la nappe d’eausouterraine, (2) les risques de déversements d’hydrocar-bures en provenance des installations et (3) la modifica-tion du régime thermique de l’eau souterraine sous et enpériphérie des sites d’excavation. Bien que certainesapproches visant la protection des aquifères dans le cadre

4. Lac occupant une dépression résultant de la fonte d’un bloc de glace ayant été piégé au sein des dépôts meubles lors de la dernière déglaciation.

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

64

Do

ssie

r

Paramètres Site minier Site minier Site minier Site minier abandonné Manitou abandonné Aldermac abandonné Lorraine abandonné Doyon

pH 2 - 3 2 - 3 2 -3 2 -3Conductivité électrique (μS/cm) 5 000-15 000 2 000 – 6 000 ND NDSO4 30 000 – 40 000 Jusqu’à 100 000 Jusqu’à 118 000 7 600 – 92 500Al ND 70 Jusqu’à 400 600 – 5 700 Cu 100 – 1 000 4 100 0,002 – 0,08 10 - 63Fe 10 000 – 12 000 16,4 % 800 – 35 000 3 500 – 20 000Pb ND 200 0,002 – 0,085 0,05 – 4,3Zn 600 – 1 000 1 200 Jusqu’à 2,2 5 – 27

Tableau 3. Sommaire des teneurs en métaux et métalloïdes mesurés au sein des eaux de drainage associées à différents sites miniers abandonnés du territoire. Les concentrations sont rapportées en mg/L. ND : non disponible. Source : adapté de Cloutier et al. (2016).

Page 67: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les ressources en eau et l’environnement

65

Do

ssie

rde l’exploitation de sable et gravier aient été proposées,l’enjeu demeure significatif, spécialement dans les secteurs où des sablières-gravières sont en exploitation àproximité de captages municipaux. La question des opé-rations minières à proximité des eskers soulève aussi despréoccupations,comme en témoigne l’opposition publiqueface au développement d’un projet de mine à ciel ouvertau sud de l’esker Saint-Mathieu-Berry, lequel constituel’aquifère approvisionnant en eau potable de la ville d’Amoset de la compagnie d’embouteillage Eska. De telles situa-tions révèlent l’importance de considérer la protectiondes richesses en eau souterraine dans l’établissement deprojets miniers. Finalement, la question des passifs miniersà proximité des eskers demeure une problématique peuétudiée. Les travaux de Cloutier et al. (2016) ont révéléque 16 sites miniers abandonnés de la région sont situésà moins de 1 km de distance d’un esker, bien que les don-nées actuelles ne permettent pas de quantifier l’impactde ces sites sur l’eau souterraine.

Conclusions et perspectives La région de l’Abitibi-Témiscamingue se caractéri-

se par l’abondance de ses richesses minérales et hydriques.La protection des aquifères s’est avérée une tâche com-plexe,notamment en raison du manque de données quan-titatives permettant de caractériser la ressource en eausouterraine. L’historique d’exploitation des ressourcesminérales de la région a laissé, en héritage, de nombreuxsites, souvent abandonnés,dont la gestion représente main-tenant un enjeu critique. Les engagements financiersrécents du gouvernement du Québec (620 M$ sur la pério-de 2016-2022) afin de restaurer les sites miniers aban-donnés représentent certainement une initiative positi-ve, mais pour les eaux souterraines, beaucoup reste à faire. La solution devra inévitablement passer par unaccroissement des infrastructures permettant le monito-ring de la qualité de l’eau souterraine en périphérie dessites abandonnés. Un tel suivi permettra à la fois de docu-menter les impacts des sites abandonnés, mais aussi demieux comprendre les paramètres qui régissent la migra-tion des contaminants au sein des aquifères de roc frac-turé. Aujourd’hui, dans un contexte où le Québec s’estdoté du Programme d’Acquisition sur les Eaux Souterraines,la prise en compte des enjeux de protection des eaux souterraines doit être considérée comme une priorité pour

tout projet minier. Dans un tel contexte, l’industrie miniè-re devra relever d’importants défis pour éviter de répéterles erreurs du passé, tout en développant des approchesnovatrices pour contrôler le rejet de contaminants émer-gents et limiter les effets du dénoyage sur la dynamiquehydrogéologique et hydrogéochimique des aquifères péri-phériques aux ouvertures minières. L’atteinte de tels objec-tifs semble prioritaire dans la perspective du développe-ment durable des ressources minérales.

RéférencesBondu R., Cloutier V., Rosa E. et Benzaazoua M., 2017. Mobilityand speciation of geogenic arsenic in bedrock groundwaterfrom the Canadian Shield in western Quebec, Canada. Scien-ce of the Total Environment 574: 509-519.Borgmann U., Nowierski M., Grapentine L.C. et Dixon D.G.,2004.Assessing the cause of impacts on benthic organisms nearRouyn-Noranda, Quebec. Environmental Pollution 129: 39-48.Bussière B., Aubertin M., Zagury G. J., Potvin R. et BenzaazouaM., 2005. Principaux défis et pistes de solution pour la res-tauration des aires d’entreposage de rejets miniers aban-donnés. Symposium sur l’environnement et les mines, Rouyn-Noranda, 29 p.Cloutier V., Rosa E., Roy M., Nadeau S., Blanchette D., DallaireP.L., Derrien G. et Veillette J., 2016. Atlas hydrogéologique del’Abitibi-Témiscamingue. Les Presses de l’Université du Québec,77 p.Gouvernement du Canada., S.D. Normales Climatiques duCanada, station 7085106. Disponible en ligne : http://climat.meteo.gc.ca/climate_normals/results_1981_2010_f.html?stnID=5988&autofwd=1Marcotte R. et Grenier S., 1994. Contamination des eaux sou-terraines de l’Abitibi par les résidus miniers : théorie et pratique.Ministère de l’énergie et des ressources, 28 p.MERN., 2016. Ministère de l’Énergie et des Ressources Natu-relles. Plan de Travail - Restauration des sites miniers aban-donnés. Disponible en ligne : https://mern.gouv.qc.ca/2016-11-22-restauration-sites-miniers/ MERN., 2017. Liste des sites miniers abandonnés en date du 31mars 2017.Disponible en ligne : https://mern.gouv.qc.ca/mines/restauration-miniere/liste-des-sites-miniers-abandonnes/ Rosa E., Dallaire P.L., Nadeau S., Cloutier V.,Veillette J., van Bel-len S. et Larocque M., 2018. A graphical approach for docu-menting peatland hydrodiversity and orienting land mana-gement strategies. Hydrological Processes 32: 873-890.Telmer K.H., Daneshfar B.D., Sanborn M.S., Kliza-Petelle D. etRancourt D., 2006. Geochemistry: Exploration, Environment,Analysis (6): 187-202.

Page 68: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Montréal : considérations géologiques pour les projets d’infrastructuresEric Chartier et Jocelyn Lavoie1.

IntroductionDepuis quelques années, Montréal réinvestit dans

les projets d’infrastructures d’envergure. À titre d’exemple,la gestion des eaux pluviales nécessite des investisse-ments majeurs pour la construction de bassins de réten-tion et de conduites à grand diamètre. Par ailleurs, la ville cherche également à diminuer les déficits d’entre-tien de son réseau d’eau et d’égout par la réhabilitation oula reconstruction de conduites primaires. Enfin, l’accrois-sement de population et le manque d’espace requièrentdes investissements majeurs en transports en commun.

Ces projets se réalisent généralement par des exca-vations profondes et requièrent en amont des investiga-tions géotechniques visant à identifier et prévoir les condi-tions géologiques influençant la conception et la réalisationdes travaux d’infrastructures. Le présent article s’attardesur les particularités géologiques retrouvées au niveaudu roc (ou bedrock en… français !) à Montréal et expose briè-vement les difficultés rencontrées en cours de construction.

Contexte géologique régionalBordée par le fleuve Saint-Laurent et la Rivière-

des-Prairies, l’île de Montréal mesure près de 50 km delong et 16 km à son point le plus large. Son relief est géné-ralement plat et est dominé par une colline culminant à230 m, nommée le mont Royal.

Les roches sédimentaires qui composent le sub-stratum de la région de Montréal se sont déposées dansl’océan (Iapetus) formé par la dislocation de l’ancien conti-nent Rodinia à la fin du Protérozoique. Ces dépôts de

sédiments forment ce que l’on appelle la plate-forme duSaint-Laurent caractérisée par un relief plat. Elle est bor-dée au nord-ouest par les roches précambriennes de l’an-cien continent (bouclier canadien) et au sud-est par lesroches métamorphisées de la chaîne Appalachienne. Laséquence sédimentaire repose en discordance sur lesroches précambriennes affaissées à près de 2 km de pro-fondeur sous Montréal par un système de failles normalesassocié à un graben (Fig. 1).

La géologie de Montréal décrite par Clark (1972)fait état de la séquence sédimentaire ordovicienne issuede cycles de transgression et régression marines. La figu-re 2 illustre un extrait de la carte géologique de Mont-réal. Dans la tranche du sous-sol où se situent les travauxd’excavation en tranchée ou en tunnel (à moins de 50 mde profondeur), plus de 70% de la roche est un calcaireformé en milieu marin appartenant au Groupe de Trenton.Ce dernier est subdivisé en plusieurs formations (Des-chambault, Montréal et Tétreauville) présentant une varié-té de lithologies où l’on observe une succession de litscristallins et d’interlits de shale. Le Groupe de Chazy carac-térisé par des grès continentaux à la base et des calcairesmarins vers le sommet, est surtout présent dans la portioncentre-nord de l’île. Le Groupe de Beekmantown constituénotamment de dolomie se retrouve dans l’extrémité ouest,alors que le Groupe d’Utica formé de shales apparaît lelong du fleuve Saint-Laurent.

La séquence sédimentaire est recoupée par unemontée de magma datant du Crétacé. Cette activité mag-matique provoqua la mise en place d’un stock représen-té par le mont Royal, de cheminées d’évacuation des gaz

1. Chargés de projet,Ville de Montréal, Division expertise et soutien technique. Courriels : [email protected] et [email protected]

Géologues n°HS1

les grands aménagements

66

Do

ssie

r

Figure 1. Esquisse de la géologie de Montréal. Source : adaptée de Pierre Bédard, 2008-2014.

Page 69: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les grands aménagements

67

Do

ssie

r

(ex. diatrème de l’île Sainte-Hélène) et d’intrusions satel-lites formant des filons-couches et dykes. Il s’agit ici deroches ignées principalement composées de gabbro,diorite et monzonite. Le mont Royal est le résultat d’uneérosion plus rapide des roches sédimentaires encaissantesplus tendres que celles qui le constituent, mettant enrelief ce massif rocheux formé originellement en profondeur.

Une des particularités de la géologie de Montréaltient au fait qu’il y eut plusieurs cycles de dépôt-érosionqui ne laissèrent que peu d’indices sur la nature même dusubstratum rocheux après l’Ordovicien. Par ailleurs, lesglaciations du Quaternaire ont contribué à cette érosionet laissé en place les dépôts meubles glaciaires (till, flu-vioglaciaire) que l’on observe aujourd’hui. Le retrait duglacier continental a permis une invasion marine à l’Ho-locène se superposant à des argiles marines (Mer de Cham-plain), suivie d’une régression issue d’un rééquilibre iso-statique qui a permis le dépôt de sable fluviatile et lacréation de dépôts de tourbe. L’épaisseur généralementfaible des dépôts meubles, environ de 3 à 15 m sur unepartie du territoire, facilite la construction en tunnel pourles projets d’infrastructures majeures.

Incidences de la géologie sur laconstruction

Géologie structuraleDans la région de Montréal, les formations sédi-

mentaires furent soumises à des plissements à grandrayon de courbure lors de la formation des Appalachespar les collisions orogéniques taconienne à l’Ordovicienet acadienne au Dévonien. L’île de Montréal se trouve surle flanc ouest du synclinal Chambly-Fortierville dont l’axese situe à mi-chemin entre le fleuve et les Appalaches. Ceci

donne un pendage régional d’en-viron 2 degrés vers l’Est à toutes lesstrates sédimentaires. Des plismineurs tels l’anticlinal Villeray etle synclinal Ahuntsic viennentaffecter les couches sur l’île, maisavec des pendages rarement supé-rieurs à 5 degrés. Seuls les plisse-ments locaux, les failles et lesintrusions bouleversent locale-ment les strates.

Depuis l’ouverture del’océan Iapetus, les Basses-terresont subi maints événements d’ex-tension et de compression. Plu-sieurs systèmes de failles com-

plexes se sont développés dans la région de Montréal quise trouve à la jonction du graben du Saint-Laurent et decelui d’Ottawa-Bonnechère. Le système principal sur l’îleserait associé aux intrusions montérégiennes qui ont per-cé les couches sédimentaires des Basses-terres selon unaxe est-ouest. Les failles de ce système se présentent sousforme de horst dans la partie nord de l’île, et de grabendans la partie sud. Les failles sont généralement normaleset à pendage subvertical. Les zones de roc perturbé peu-vent s’étendre sur plusieurs mètres de chaque côté duplan de faille en fonction des formations qu’elles traversentet de l’ampleur des rejets. Les rejets mesurés par corréla-tions stratigraphiques peuvent atteindre plus de 150 m.

Les zones de failles peuvent engendrer des pro-blèmes de stabilité des parois d’excavation, une augmentation significative d’éléments de soutènementà installer, des venues d’eau et un ralentissement des tra-vaux. Les failles déjà répertoriées sur les cartes sont sou-vent accompagnées d’un réseau de failles secondaires.De telles zones de failles, ayant provoqué des difficultés et du soutènement intensif, ont été rencontrées dansnombreux projets dont celui des lignes orange et verte dumétro (Grice et Durand, 1979). La présence de sillons pro-voqués par l’érosion prononcée de zones de failles broyéesa également engendré des difficultés lors de travaux entunnel dont celui de la ligne bleue du métro tel que rap-porté par Chayer et Campeau (1985).

GlaciotectonismeEn plus d’engendrer des cycles d’érosion et de

dépôt, les glaciations du Quaternaire ont provoqué en cer-tains endroits des variations brusques du substratumrocheux. Selon Durand et Ballivy (1974), de fortes pres-sions interstitielles existaient à la base des glaciers conti-

Figure 2. Géologie de Montréal d’après Clark (1972).

Page 70: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

nentaux et ont pu être transmises aux interlits à faiblecohésion contenus dans certaines unités lithostratigra-phiques. Cette pression combinée au pendage sub-horizontal des interlits argileux et à l’orientation de dia-clases parallèle à la poussée horizontale engendrée parles glaciers sont des facteurs favorisant l’arrachementd’écailles de roc (Fig. 3). Les strates charriées ou écaillesglaciaires peuvent être de grande dimension et les décro-chements verticaux observés ont atteint jusqu’à près de12 m de hauteur. Les calcaires avec interlits de shale du Groupe de Trenton sont favorables à la création de cephénomène en créant de brusques dénivellations dusubstratum rocheux.

En certains endroits où les strates sont compé-tentes et plus massives, l’arrachement d’écailles de rocpar une calotte glaciaire continentale a engendré la pré-sence de cavités mécaniques, et non karstiques, de dimen-sions variables. Shroeder et Beaupré (1985) rapportent laprésence d’une caverne d’environ 300 m de longueur.

Difficiles à identifier par forage du fait de la verti-calité des diaclases qui les découpent, les écailles peu-vent être sources de difficultés pour les projets d’infra-structures. La variation soudaine du socle rocheux peutdevenir source de réclamation lors de la mise en place defondations, de travaux d’excavation et de soutènement.Lors de projets de tunnel, la réduction inattendue del’épaisseur du couvert rocheux au-dessus de la voûte peutavoir de graves répercussions telles que des effondre-ments ou fontis. La présence de cavités peut égalementengendrer des difficultés pour la conception et la construc-tion de fondations ainsi que l’apport de grandes quanti-tés d’eau.

Le site du parc olympique de Montréal a présentéune écaille s’étendant sur toute sa longueur soit sur plusde 900 m. Selon Ballivy et al. (1977), cette condition géo-logique causa des problèmes pour la conception des fon-dations du vélodrome,des appuis principaux du mât et despiscines du stade. L’identification par forage de la topo-graphie probable du plan de glissement aurait permis dedélimiter les profondeurs d’ancrage requises des tirantsafin que leur zone de scellement y soit à une profondeursupérieure.

Un autre exemple à proximité du secteur ci-dessusmentionné est celui des travaux de prolongement de laligne verte du métro réalisés par creusage de tranchéesur un tronçon. Il a permis de mettre en évidence uneécaille de roc d’une épaisseur de l’ordre de 6 m, qui a étédécollée et charriée sur une distance de 30 m (Durand etBallivy, 1974). La base du décollement observé est repré-sentée dans ce cas-ci par un lit argileux de 5 cm d’épaisseur.

IntrusifsL’intrusif du Mont-Royal est caractérisé par des

roches ignées résistantes et très abrasives. La montée demagma ayant généré un transfert de chaleur dans la rocheencaissante a produit une auréole métamorphique allantjusqu’à plus de 100 m du contact (Woussen, 1970). Les cal-caires argileux se sont ainsi transformés en cornéennes,roches dures et cassantes, alors que d’autres calcaires ontété marmorisés à différents degrés. Les propriétés méca-niques de la roche elle-même sont modifiées, notammentla résistance en compression uniaxiale qui peut aug-menter considérablement.

Les dykes et filons-couches associés à l’intrusionsont très abondants en périphérie immédiate du montRoyal, mais on en retrouve aussi à plusieurs kilomètresde distance. Ces intrusifs durs peuvent évidemment pré-senter des problèmes pour les tunneliers, modifiant entreautres les taux d’avancement journalier et l’usure desoutils de coupe. Ils occasionnent également des difficul-tés pour les travaux d’excavations en tranchée dans leroc, particulièrement lorsqu’ils sont situés en zone urbai-ne interdite au dynamitage. La fragmentation du rocdevant se réaliser au marteau piqueur, des délais de réa-lisation se manifestent assez rapidement et requièrentparfois un pré-clivage du roc par forage pour y remédier.

Géologues n°HS1

les grands aménagements

68

Do

ssie

r

Figure 3. Écaille glaciaire présentant une diaclase ouverte. Source :Ballivy, 1977.

Page 71: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les grands aménagements

69

Do

ssie

rAltération hydrothermaleL’activité hydrothermale associée à la mise en pla-

ce d’intrusions magmatiques peut amener à des effetsd’altération importants des filons couches et de la rocheencaissante. La circulation d’une grande quantité fluidedans le milieu rocheux est favorisée dans les zones defractures. L’altération par ces fluides transportant desconstituants chimiques occasionne une modification dela minéralogie et des propriétés de la roche originale. Lestextures et structures originelles peuvent être partielle-ment ou même totalement détruites.

Ces altérations ont posé des problèmes aux fondations et à la stabilité de certaines excavations. Lafigure 4 illustre une paroi berlinoise recoupant un filon-couche de plus de 2 m de puissance, fortement altéré.

D’autres travaux ont fait état de rocs analogues,que ce soit dans les excavations du prolongement de laligne verte du métro vers l’est où un intrusif fortementaltéré a été observé tous les 300 m (Durand et Ballivy,1974) ou lors des travaux de construction de l’intercep-teur sud, conduite en tunnel de grand diamètre canali-sant les eaux usées (Brierley et al., 1987). Ces couchesdites molles occasionnent une faible capacité portanteet de résistance pour la mise en place de pieux ou d’ancrages.

ConclusionLa connaissance et la compréhension de la géolo-

gie en milieu urbain demeurent essentielles à la concep-tion et à la préparation des projets de construction. Ceux-ci doivent se réaliser malgré les incertitudes techniquesliées aux caractéristiques lithologiques et structuralesvariables et difficiles à prévoir. Si la connaissance desconditions géologiques apparaît coûteuse par la réalisa-tion des campagnes de forage (et de géophysique) qu’ellesengendrent, imaginez ce que la méconnaissance génèrequand les problèmes surgissent en cours de chantier…

C’est dans ce contexte que l’équipe géotechniquede la Division expertise et soutien technique de Montréalrassemble l’ensemble des conditions géologiques sur sonterritoire. Une base de données répertoriant plus de 70 000 sondages permet d’assurer la pérennité de la donnée et son accès instantané sur une plate-forme SIG.Elle permet d’orienter les investigations géotechniquesà réaliser afin d’offrir une qualité d’information visant àlimiter les impondérables associés au milieu souterrain etd’optimiser la conception et la réalisation des projets d’infrastructures municipales.

RéférencesBallivy G., Loiselle A., Durand M. et Poirier M., 1977. Caracté-ristiques géotechniques du secteur du Parc Olympique, Mont-réal, Canadian Geotechnical Journal, Vol. 14, n° 2, pp 193-205.Bédard P., 2008-2014. Source : www.pierrebedard.uqam.ca/mont-RoyalBrierley G., Mongrain J. et Barbeau S., 1987. Construction ofthe south interceptor, Montreal, Quebec, Canada, Proc. RapidExcavation and Tunnelling Conference, New Orleans. Publ Litt-leton: Society of Mining Engineers, V2, pp 1150-1174.Chayer M. et Campeau A., 1985. Méthodes d’excavation enregard des conditions géologiques particulières dans le métrode Montréal, Association canadienne des tunnels, 5ème confé-rence canadienne des tunnels, « La productivité sécuritaire ».Clark T.H., 1972. Région de Montréal, Rapport géologique-152,Ministère des Richesses naturelles du Québec, Service de l'exploration géologique, 244 p.Durand M. et Ballivy G., 1974. Particularités rencontrées dansla région de Montréal résultant de l'arrachement d'écaillesde roc par la glaciation. Canadian Geotechnical Journal, 11(2),pp 302-306.Grice R.H. et Durand M., 1979. Geology and Tunneling Econo-mics in Montreal, Transportation Research Record, No. 733,pp 51-56.Shroeder J. et Beaupré M., 1985. Impacts des cavités glacio-tectoniques sur l’aménagement urbain de Montréal,Canada, Annales de la Société Géologique de Belgique,T. 108,pp 69-75.Woussen G., 1970. La géologie du complexe du mont Royal,TheCanadian Mineralogist, vol. 10, n° 3, pp 432-451.

Figure 4. Pieu interceptant un filon couche altéré.

Page 72: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologue de première ligne au complexe hydroélectrique de La RomaineGeorges Touma1.

Domaines d’activité d’Hydro-QuébecHydro-Québec privilégie l’hydro-électricité com-

me source d’énergie renouvelable. Hydro-Québec répondaux besoins du présent tout en s'assurant de préserverle patrimoine environnemental et l'avenir énergétiquedes générations futures. L'entreprise s'inscrit ainsi dans l'es-prit du développement durable, qui vise une intégrationharmonieuse des dimensions économiques, sociales etenvironnementales du développement.

Description du projet La RomaineHydro-Québec construit présentement un com-

plexe hydro-électrique de 1 550 MW sur la rivière Romai-ne, au nord de la municipalité de Havre-Saint-Pierre, surla Côte-Nord. Les aménagements sont situés dans la pro-vince géologique de Grenville, qui constitue la borduresud-est du bouclier Laurentien. Les roches sont principa-lement d’origine métamorphique ou intrusive et sontd’âge précambrien. Les aménagements se trouvent dansune zone de sismicité faible à modérée.

Composé de quatre centrales alimentées par desréservoirs, le complexe de la Romaine offrira une productionannuelle moyenne de 8 TWh. La réalisation de ce projets’étale de 2009 à 2022 et permettra à Hydro-Québec d’as-surer l’avenir énergétique du Québec. La construction del’aménagement du complexe a débuté en 2009.La mise enservice a été réalisée en 2014 pour la Romaine-2,en 2015 pourla Romaine-1 et en 2017 pour la Romaine-3 (Photos 1 et 2).L’aménagement de la Romaine-4 sera en opération en 2020.

Chaque aménagement comprend principalementun barrage en enrochement,une centrale équipée de deuxgroupes turbines-alternateurs,un évacuateur de crues,uncanal ou une galerie d’amenée et une prise d’eau. Laconstruction de ces ouvrages nécessite plusieurs ouvragestemporaires,dont une galerie de dérivation,des batardeauxen amont et en aval du barrage et des routes d’accès.

Les ouvrages sont encastrés dans les flancs de mon-tagne et creusés dans le massif rocheux en plusieurs bancsde 10 m chacun. Les galeries ont en général 12,5 m de large et une hauteur variant entre 10 m pour les galeriesd’accès et 12 m pour les galeries d’amenée. Les galeriessont excavées majoritairement en percée frontale depleines sections. Des volées d’avancement de 5,8 m delong sont réalisées selon la méthode de forage et dynamitage.

Les principales caractéristiques des aménagementstelles que la hauteur, la superficie du réservoir et la puis-sance installée sont illustrées figure 1.

Il est important de mentionner qu’Hydro-Québecréalise ces aménagements dans le respect des plus hautsstandards de santé et de sécurité. Hydro-Québec accordeune grande importance à la santé et à la sécurité de ses tra-vailleurs et personnels œuvrant sur ses chantiers.À titre demaître d’œuvre, elle assure des soins de santé de premièreligne aux travailleurs sur les grands chantiers éloignés.

Cycle d’excavationLe cycle d’excavation à ciel ouvert ou en souter-

rain au complexe La Romaine comprend le forage, le tir,le marinage, l’écaillage mécanique, l’écaillage manuel,l’inspection et la caractérisation des parois rocheuses etla stabilisation/consolidation au moyen des boulons àancrages mécaniques : ces deux dernières opérationsétant plus particulièrement réalisées par le géologue.

1. Géologue, M.Sc, Hydro-Québec. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les grands aménagements

70

Do

ssie

r

Photo 2. Vue de l’aval du barrage principale du projet La Romaine 3.Crédit Photo : Hydro-Québec.

Photo 1. Vue de face du portail de la prise d’eau de la galerie d’amenée enconstruction du projet La Romaine 3. Crédit Photo : Hydro-Québec.

Page 73: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les grands aménagements

71

Do

ssie

r

Les géologues dans le projetL’équipe de géologie du chantier est composée

normalement d’ingénieurs et de géologues seniors pos-sédant plusieurs années d’expérience dans le domainede l’excavation à ciel ouvert et en souterrain et égalementd’ingénieurs ou géologues juniors. L’équipe est sous lasupervision immédiate d’un chef d’équipe en charge de lagestion et des tâches administratives. L’équipe relève d’uningénieur résident qui se trouve en charge de tous lesaspects techniques du chantier. Un organigramme sim-plifié se trouve figure 2.

Rôle des géologues/ingénieurs en géologieau chantier

Au cours des phases de construction d’une cen-trale à ciel ouvert, le géologue /ingénieur en géologie

intervient à toutes les étapes de l’excavation et de la sta-bilité des parois rocheuses (Photos 3 et 4). Du début destravaux de forage à la consolidation des parois rocheuses,il joue un rôle essentiel auprès d’une équipe multidisci-plinaire composée de foreurs, contremaîtres, surveillants,arpenteurs, agents de sécurité, administrateurs et autres.

Les rôles incontournables des géologues du chan-tier sont les suivants :

exécuter les travaux et directives techniques recom-mandés dans les contrats ;participer à la formulation des nouvelles directives tech-niques aux entrepreneurs ;réalisation de la cartographie géologique des paroisrocheuses finales d’excavation ;évaluation des caractéristiques géomécaniques du mas-sif rocheux en se basant sur les observations visuellesdes structures géologiques et sur les propriétés phy-siques mesurables. Par la suite, ces caractéristiques sontcomparées régulièrement à celles établies dans les documents contractuels ;mise à jour du modèle géologique au fur et à mesure dela progression de l’excavation et de l’impact des struc-tures géologiques sur la stabilité de l’excavation ;suivi des instruments d’auscultation installés lors del’excavation ;approbation des plans de tirs soumis quotidiennementpar les entrepreneurs ;réalisation du suivi sismique et le contrôle des vibra-tions issues des tirs à proximité des surfaces rocheusesfinales ;réalisation des traitements des fondations des barragespar le remodelage et l’injection d’étanchéité ;participer à l’approbation de la conformité des fonda-tions et des parois d’excavation ;participer à la rédaction des rapports conformes à l’exé-cution.

Niveau d’éducation des géologues/ingénieurs en géologie

L’équipe de géologie du chantier est composée nor-malement d’ingénieurs et de géologues ayant au moinsun diplôme universitaire reconnu de premier cycle dans ledomaine de la géologie ou du génie géologique.

Méthode de recrutement desgéologues/ingénieurs en géologie

Les géologues de chantier sont recrutés par ledépartement des ressources humaines de Montréal. Les

Figure 1. Profil de la rivière Romaine. Source : Hydro-Québec.

Figure 2. Organigramme simplifié. Source : Hydro-Québec.

Page 74: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

candidats sont invités à soumettre leur candidature sur lesite Web, où on trouve l’ensemble des offres d’emploi etdes stages offerts, les conditions d’embauche, et une des-cription détaillée des postes ainsi que du processus derecrutement. Si aucun emploi ou stage n’est offert en géo-logie ou ne correspond au profil du postulant, la candi-dature peut être soumise quand même et la demandesera alors conservée dans une base de données pendantsix mois. Selon le dernier palmarès du magazine Forbes,Hydro-Québec occupe le 3ème rang des meilleursemployeurs du Canada.

Défis des géologues/ingénieurs engéologie

Le travail d’un géologue sur nos chantiers est essen-tiel et exige une bonne condition physique pour exercer

le métier. Le géologue doit assurer une présence quasiconstante sur le chantier afin d’être en mesure de répondredans un court délai, aux nombreuses demandes/ques-tions des entrepreneurs. En plus des tâches quotidiennestelles que la cartographie géologique, l’optimisation desséquences et des cycles d’excavation et la caractérisationdu massif rocheux au fur et à mesure de la progression del’excavation à ciel ouvert et en souterrain, le géologue estappelé plusieurs fois pendant la journée à se déplacer surle chantier afin de constater une condition géologiqueparticulière, évaluer les résultats d’un tir sur une paroifinale afin d’ajuster les paramètres des prochains tirs etréaliser des essais de conformité sur des boulons de conso-lidation, entre autres.

Lorsque des conditions géologiques imprévisibleset défavorables sont rencontrées sur le chantier, les géo-logues doivent collaborer avec tous les intervenants afin detrouver une solution qui sera satisfaisante à la fois pour leconcepteur en ingénierie de l’ouvrage et pour les gestion-naires des projets qui visent tous deux, la sécurité des tra-vailleurs et la conformité des ouvrages,sans compromettrele respect du budget et de l’échéancier. Ils ont la respon-sabilité d’identifier rapidement après le dégagement d’uneparoi de roc, les blocs rocheux potentiellement instables etd’élaborer les mesures de stabilisation pour chaque cas,dans un souci de stabilisation à long terme et non pas àcourt terme, incluant les parois à usage temporaire.

Techniques et outils de travail (modèle 3D,logiciels Rocscience, scan Lidar, drone, etc.)

Les géologues/ingénieurs en géologie sont outillésde logiciels leur permettant de réaliser des analyses de sta-bilité à partir des paramètres géotechniques obtenus in-situ ainsi que de réaliser des modèles géologiques desparois inaccessibles en utilisant des logiciels conçus eninterne permettant à partir des photos numériques decréer des modèles 3D.

Rôle social des géologues/ingénieurs en géologieLe géologue/ingénieur en géologie en charge de

l’excavation et de la consolidation au chantier ou le chefd’équipe en géologie sont appelés parfois à expliquer auxtravailleurs la méthode d’excavation et de consolidationenvisagée pour une paroi rocheuse présentant un poten-tiel de risque. Cette façon de faire vise à expliquer lesétapes et séquences des travaux de stabilisation et à ras-surer les travailleurs quant aux mesures de sécurité àmettre en place.

Géologues n°HS1

les grands aménagements

72

Do

ssie

r

Photo 3. Vue de la paroi amont de la centrale du projet de La Romaine 1.Crédit Photo : Hydro-Québec.

Photo 4. Essai de mise en tension d’un tirant. Crédit Photo : Hydro-Québec.

Page 75: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. docteur-ingénieur ENSG, Nancy. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les grands aménagements

73

Do

ssie

r

La géotechnique au Québec – Évolution historique des cinq dernières décenniesMarc Durand1.

La géotechnique a connu au Québec une évolutioncomparable à ce qui a été son évolution ailleurs dans lemonde, mais avec des particularités propres au dévelop-pement de son immense territoire.

Jusqu'aux années soixante, les géologues sont for-més au Québec essentiellement pour les besoins de l'ex-ploration géologique et de la prospection minérale. L'ac-tivité minière est localement le moteur du développementéconomique de vastes régions éloignées des centresurbains: les gisements de métaux précieux, de cuivre, nic-kel et zinc en Abitibi, et les grands gisements de fer ettitane de la Côte Nord pour n'en nommer que deux prin-cipaux districts.

Au tournant de ce qui s'est appelé « la révolutiontranquille » au Québec dans les années soixante, la socié-té a nationalisé la production et la distribution de l'élec-tricité. La société d'État Hydro-Québec a alors lancé laconstruction de grands projets d'aménagements hydro-électriques dans les rivières Manicouagan et Outardes,puis une décennie plus tard, la construction de grandsbarrages dans le bassin de la Baie James. Contrairementà ce qui s'était fait précédemment, la société d'État amoins fait appel à des firmes étrangères; elle a favoriséle développement de firmes locales pour l'ingénierie de cesnouveaux grands projets.

Les géologues et les ingénieurs-géologues formésau Québec ont alors pu trouver un nouveau champ depratique auprès de ces firmes de génie civil. L'École Poly-technique a initié en 1964 une option géologie du géniecivil, parfois appelée aussi géologie des grands travauxpublics. Polytechnique, et les autres départements de géo-logie des autres universités ont continué à former desgéologues et ingénieurs-géologues pour l'exploration etl'exploitation des ressources minérales. La nouvelle spé-cialité orientée vers la géologie appliquée aux ouvrages degénie civil est demeurée un peu marginale en nombre dediplômés.

L'intensité de l'activité locale en exploration miné-rale et celle de l'activité en géologie reliée aux grands tra-vaux publics ont connu des cycles au cours des dernièresdécennies. Les besoins décalés en ressources humaines del'un et l'autre secteur ont fait que bien des géologues sontpassés d'un secteur professionnel à l'autre. Il a fallu unecertaine polyvalence dans la carrière des géologues du

Québec pour demeurer sur le marché de l'emploi, au coursde ces divers cycles.

La grande ampleur des travaux à la Baie James, lanécessité d'explorer, de créer les routes d'accès en territoi-re vierge,la planification et la construction des barrages,desgrandes centrales souterraines ont permis l'émergence degrands bureaux d'études québécois. Ces firmes ont ensuitecontinué de prospérer à l'échelle mondiale. Les départe-ments de géotechnique, de géophysique, d'hydrogéologieont de plus diversifié leur offre de service ;en plus du domai-ne du développement minier et du domaine des grandsouvrages de génie civil, les préoccupations environne-mentales à partir des années quatre-vingt ont ajouté dessecteurs d'activité en géologie de l'environnement.

Dans les villes mêmes, les gouvernements ontaccordé d'importants contrats d'infrastructures pour lecaptage et le traitement des eaux usées. Il y a eu une cen-taine de kilomètres de grandes galeries forées dans larégion de Montréal. Ces galeries de section circulaire ontété forées par tunnelier ; les études géotechniques destracés prévus pour ces tunnels furent réalisées avec unniveau d'étude géologique plus sophistiqué que celui desétudes précédemment réalisées pour les tunnels de métro.Les études et le suivi géotechnique requis pour ce typed’ouvrages ont ouvert pour les géologues un nouveauchamp de pratique ; la géologie urbaine.

En Europe, au milieu du siècle dernier, la géoméca-nique est née des commissions d’enquête mises sur piedsuite à deux catastrophe majeures : la rupture du barragede Fréjus (France 1959) et le glissement rocheux de Vaiont(Italie du Nord, 1963). On s’est vite rendu compte que lesingénieurs avaient trop peu d’outils pour évaluer le com-portement mécanique des formations rocheuses. Les géo-logues et ingénieurs-géologues étaient souvent absentsdes étapes de conception et de réalisation de plusieursouvrages de génie civil. Des laboratoires de recherche enmécanique des roches ont développé de l’instrumentationet des méthodes nouvelles pour ausculter,évaluer et prédirele comportement du roc lorsqu’il est soumis à des forcesexternes et à des grandes pressions d’eau.Le premier congrèsinternational de géologie de l’ingénieur s’est tenu à Paris en1970.Cette époque marque le début de la géotechnique entant que discipline encadrée par des associations interna-tionales et des échanges scientifiques systématiques.

Page 76: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

La géographie et la géologie du Québec ne com-portent pas de reliefs aussi accentués que ceux des Alpes ;les grands aménagements de barrages ont été implantésdans les roches précambriennes de très grande résistan-ce. Plusieurs de ces ouvrages sont de type barrages com-posites en enrochement. La tâche première des géologuesa surtout été de localiser et d’évaluer les bancs d’empruntspour les millions de mètres cubes des divers types dematériaux requis: till, dépôts granulaires, carrières pour lesblocs d’enrochement. Aucune catastrophe majeure n’estjamais survenue dans ces aménagements. Par contre,dans les très grandes retenues d’eau à Manic 3 et LG-2, ona mesuré de la séismicité induite.

Plusieurs secteurs où il y a une forte concentra-tion de la population (vallée du St-Laurent, bassin du Lac-St-Jean) présentent, au Québec, un risque de glissementsde terrain d’un type bien particulier : les glissements fortement rétrogressifs dans les argiles marines. Onconnaissait encore mal ce type de glissement quand ils’est manifesté au village de Nicolet en 1955 en faisanttrois victimes. Les journaux ont décrit l’évènement avec leterme « éboulis ».D’autres évènements de ce type sont sur-venus avant et après Nicolet, mais aucun n’a véritable-ment servi de déclencheur pour amorcer de la recherchesur les argiles marines avant les années soixante-dix. C’estquand, survient, en mai 1971, le grand glissement de Saint-Jean-Vianney (31 victimes) que le gouvernement met surpied un département d’études géotechniques au sein deson Ministère. La recherche universitaire en mécaniquedes sols et les travaux des équipes du gouvernement surle terrain amorcent alors un vaste programme de carto-graphie de risque de stabilité des sols en milieux habités.

En 2018, les grands projets d'aménagements hydro-électriques sont encore présents, mais avec une intensi-té moindre que lors des grands travaux à la baie James.L'activité en géotechnique et dans tous les champs disci-plinaires qu'on regroupe sous ce vocable (géomécanique,hydrogéologie, géologie urbaine, géologie de l'environ-nement) continue d'offrir aux géologues des opportuni-tés d'emploi chez plusieurs bureaux d'étude privés. Legouvernement a par contre défait l'équipe géotechniquequi s'occupait des études géotechniques des glissementsde terrain.

Le Québec est connu pour ses très abondantesréserves d’eau douce. Le réseau hydrographique gardel’empreinte de la morphologie héritée des dernières gla-ciations, ce qui se traduit par une grande abondance delacs et de cours d’eau (tableau 1). Ces grandes réservesd’eau douce ont été prises pour acquis ; on a longtempscru qu'on ne devait pas se soucier de la ressource en eaude surface comme de celle en eau souterraine. Ailleursdans le monde, les hydrogéologues ont travaillé depuislongtemps à cartographier, ausculter et analyser lesnappes. C’est un champ de pratique encore très négligé auQuébec. La législation est déficiente, l’inventaire et la car-tographie des nappes phréatiques ne sont pas encorecomplets. C’est tout récemment, lors d’une commissiond’enquête sur un sujet totalement externe (BAPE 2014),l’éventualité d’ouvrir le territoire de la vallée du St-Laurentà la fracturation hydraulique, que les commissaires ontconstaté des très sérieuses lacunes dans les connaissanceshydrogéologiques de base des territoires convoités pourl’exploitation pétrolière et gazière.

Il est certain qu’à l’avenir, dans les champs de pra-tique des géologues, en plus des secteurs usuels de l’ex-ploration minérale, de la cartographie géologique desrégions éloignées, du secteur de la géotechnique et de lagéologie reliée aux grands travaux de génie civil, il y aurade plus en plus de géologues qui devront œuvrer dans lagéologie de l’environnement, celle proche des milieuxurbanisés notamment. Les préoccupations environne-mentales reliées aux ressources en eau souterraine ont beaucoup d’impacts reliés à l’occupation des territoires, aux implantations industrielles, aux sites d’enfouissement des déchets, aux axes de transport, etc.On constate qu’au Québec, bien des nappes d’eau ont étécontaminées par des rejets miniers, industriels, des sels dedéglaçages du réseau routier, par des fuites de réservoirsde produits dangereux, etc. L’abondance de l’eau doucedu réseau hydrographique a fait oublier presque com-plètement que dans les milieux ruraux, ce sont encoredes puits domestiques qui assurent l’alimentation en eau.

Les géologues vont réaliser que l’hydrogéologieconstitue un champ d’étude d’importance capitale. La ressource en eau reste la première ressource tirée du sub-stratum ; les législations, qu'on doit revoir, vont obligerun plus grand nombre de géologues à participer auxétudes devenues obligatoires.

RéférencesBAPE 2014. Les enjeux liés à l’exploration et l’exploitation dugaz de schiste dans le shale d’Utica des Basses-Terres du Saint-Laurent, rapport d’enquête et d’audience publique, 524 p.

Géologues n°HS1

les grands aménagements

74

Do

ssie

r

Taille des plans d'eau NombrePetit (de 25 à 125 ha) 71 728Moyen (de 125 à 625 ha) 15 842Grand (de 625 à 3 125 ha) 2 693

Tableau 1. Nombre de plans d’eau du Québec selon leur taille.

Page 77: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Directeur du Centre d’études sur les ressources minérales (CERM) de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), et coordonnateur du Consortium derecherche en exploration minérale (CONSOREM), 555 Boulevard de l’Université, Chicoutimi, Qc., G7H 2B1. Courriel : [email protected]. www.ogq.qc.ca3. www.oiq.qc.ca4. www.aemq.org5. www.amq-inc.com6. Spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif.7. Spectrométrie de fluorescence des rayons X. Géologues n°HS1

les géologues au québec

75

Do

ssie

r

Les géologues dans l’explorationRéal Daigneault1.

IntroductionLe Québec est un territoire favorable à l’exploration

minérale avec sa superficie de 1,7 million de km2, un poten-tiel minéral diversifié et des actifs en production et envalorisation de plus de 15 métaux et de 18 minéraux dif-férents (MERN, 2017). Il offre également une fiscalité etun cadre réglementaire compétitifs pour l’exploration. Ony retrouve tous les intervenants et les expertises faisantpartie de la chaîne de production avec la présence de nom-breuses entreprises d’exploration juniors et confirmées,d’entreprises de services (forage, géophysique, géologie,restauration minière, environnement) actives au Québecet ailleurs dans le monde, plusieurs universités offrantles formations de géologues, d’ingénieurs géologues et d’ingénieurs miniers et une pratique dans un cadreréglementé par des ordres professionnels (Ordre des géologues du Québec2 et Ordre des ingénieurs du Qué-bec3). De plus, les entreprises sont regroupées au sein dedeux associations : l’Association de l’exploration minière duQuébec (AEMQ4) et l’Association minière du Québec (AMQ5),cette dernière réunissant les producteurs miniers. Quelques2000 géologues et ingénieurs géologues œuvrent dans ledomaine des ressources minérales au Québec.

L’évolution de la professionLa profession de géologue d’exploration a beau-

coup évolué au Québec comme partout sur la planète.Les travaux de géologues pionniers, de la CommissionGéologique du Canada et du Bureau des Mines du Qué-bec, permettent de tracer les cartes géologiques prélimi-naires et de définir certaines occurrences minérales com-me le fer dans la Fosse du Labrador et l’or et le cuivre àChibougamau. Des prospecteurs explorateurs, parfoiscommandités,parcourent les territoires vierges en utilisantlacs et rivières comme moyens d’accès. Le développementdes méthodes électromagnétiques dans les années 1950est un fait marquant qui permet d’orienter les travauxd’exploration.

Si plusieurs géologues d’exploration venus d’outre-mer travaillent au Québec avant les années 70, les uni-versités québécoises commencent à produire nombre degéologues et d’ingénieurs géologues de façon régulière(entre 50 et 100 par année) qui alimentent l’industrie del’exploration à partir de cette période.

Dans la période 1970-2000, plusieurs entreprisesmajeures se concentrent particulièrement dans le nord-ouest québécois comme les territoires de la Sous-provin-ce de l’Abitibi, une ceinture de roches vertes archéennesriches en métaux de base (Zn et Cu) et en or. Ces entre-prises possèdent leurs propres équipes d’exploration (géo-logues et prospecteurs) qui accumulent la connaissanceet l’expertise de certains territoires et de contextes deminéralisation spécifiques.

Les géologues les plus anciens de l’entreprise assu-rent le mentorat, un mode efficace de formation et detransfert générationnel. Bien sûr, la géophysique d’explo-ration demeure l’outil d’exploration par excellence, maisles méthodes géochimiques commencent à se développeret on reconnaît de plus en plus, les empreintes des altérations hydrothermales associées aux gisements desulfures massifs volcanogènes par exemple. Les géologuesutilisent des modèles d’exploration plus sophistiqués,reflétant une meilleure compréhension globale des processus de mise en place et des contrôles géologiquesexercés sur les corps minéralisés.

Les systèmes de géolocalisation GPS (global posi-tioning system) et la fin du brouillage des signaux satel-lites par les États-Unis au début des années 2000 amènentune véritable révolution dans le travail du géologue d’ex-ploration permettant de localiser précisément les obser-vations de terrain, les forages et les échantillons dans l’es-pace. Les forages sont de plus en plus précis avec ledéveloppement de techniques plus sophistiquées decontrôle, d’orientation des carottes, de diagraphie struc-turale et de mesure de propriétés physiques. L’améliora-tion fulgurante des techniques analytiques par ICP-MS6

permet de générer de vastes banques de données litho-géochimiques comprenant la presque totalité du tableaupériodique !

Il s’ensuit une période ou le traitement et l’inté-gration de vastes jeux de données numériques ne peut sefaire qu’à l’aide de systèmes d’informations géographiquesqui deviennent de plus en plus accessibles et performantsavec le temps. Le traitement de données devient plussophistiqué avec la modélisation 3D et les algorithmesd’inversion géophysique. Cette révolution numérique s’accompagne du développement d’outils d’acquisitionde données (XRF7 portable, spectromètre infrarouge, etc.)

Page 78: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

8. www.consorem.ca9. www.legroupemisa.com10. www.sidex.ca

Géologues n°HS1

les géologues au québec

76

Do

ssie

r permettant la prise de décision en temps réel et de dronesfacilitant la cartographie détaillée des affleurementsrocheux.

Mais le contexte de l’exploration a changé. Leséquipes d’exploration des sociétés majeures d’hier ontfait place aux équipes plus réduites et mobiles des socié-tés juniors. Les vastes campagnes d’exploration straté-gique de type « grassroot » ne sont plus la norme et lesmajeurs travaillent davantage à l’acquisition ou la réac-tivation de projets existants. Il en résulte moins d’exper-tise terrain acquise par les jeunes géologues d’explorationet une rupture dans la chaîne de transmission de connais-sance. En contrepartie, le géologue d’exploration moder-ne a à sa disposition,de vastes banques de données numé-riques historiques et un éventail d’outils, de techniques etde méthodes de traitement et de représentation de cesdonnées.

Le Québec, un vaste territoire etdifférents contextes d’exploration

Les différentes provinces géologiques du Québecconditionnent les types de substances recherchées ainsique les stratégies d’exploration. Une bonne partie desprincipes et des concepts utilisés en exploration provien-nent de l’expertise acquise au sein de la Sous-province del’Abitibi. Les géologues d’exploration ont bien appris àreconnaître les deux principaux types de contextes miné-ralisés représentés dans la distribution et la typologie desgisements historiques et encore aujourd’hui en production.Ainsi les sulfures massifs volcanogènes (SMV) et les gise-ments aurifères orogéniques ont été des cas types pourlesquels plusieurs paradigmes d’exploration ont étéconstruits. On a appris à reconnaître les lithologies favo-rables, les réponses géophysiques et les altérations associéesaux environnements de SMV et à cibler les grandes failleset leur altération carbonatée qui contrôlent la minérali-sation aurifère.

Le défi des nouveaux territoiresBien que l’Abitibi soit encore un territoire de grand

intérêt, l’exploration s’est déplacée vers des territoires ditsnon traditionnels comme dans le Nord de la Province deSupérieur où les ceintures de roches volcano-sédimen-taires sont encore présentes, mais avec un degré de méta-morphisme nettement plus élevé. Les lithologies typesde l’Abitibi au faciès des schistes verts laissent place à deséquivalents métamorphiques de faciès élevé (amphibo-lite, granulite), rendant l’application des concepts d’exploration abitibiens plus difficile. Ainsi les minéraux

d’altération typiques des schistes verts (chlorite, séricite)sont transformés en assemblages métamorphiques decordiérite, grenat, sillimanite, et les failles crustales perdent leurs contrastes dans des niveaux crustaux où ledegré élevé de déformation est la règle. D’autres terri-toires,comme ceux de la Province de Grenville représententégalement des niveaux crustaux profonds et sont domi-nés par des suites d’anorthosite-mangérite-charnockite-granite (AMCG). Ces territoires ne sont pas explorés pourles métaux usuels,mais plutôt pour les minéraux et maté-riaux industriels comme l’apatite, la calcite, le quartz et lapierre de taille. Les stratégies d’exploration y sont parconséquent complètement différentes.

Des structures favorisant l’innovationen exploration au Québec :CONSOREM-MISA-SIDEX

Le Québec s’est doté, il y plus de 20 ans, de struc-tures favorisant le développement minéral.

Le CONSOREM8, le consortium de recherche enexploration minérale, est un partenariat entreprises-gou-vernements-universités, visant l’élaboration d’outils inno-vants pour optimiser le processus d’exploration.Le CONSO-REM réalise des programmations de recherche annuelles surdes sujets de pointe définis et suivis par les entreprises,puis s’occupe du transfert technologique des outils déve-loppés vers ses membres et vers l’ensemble de l’industrie.

Le Groupe MISA9 est un réseau d’expertise en inno-vation minière qui vise à assurer la vitalité et la pérenni-té de l’industrie minière par le développement de tech-nologies et de méthodologies dans les domaines del’exploration, de l’extraction, du traitement de minerai,de l’optimisation énergétique et de la restauration environnementale.

SIDEX10 (société d’investissement dans la diversi-fication de l’exploration) est une société en commandité quiinvestit dans les entreprises d’exploration minière activesau Québec via principalement une participation dans lecapital-actions de ces entreprises. Commanditée par leGouvernement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ,SIDEX veut diversifier l’inventaire minéral du Québec,encourager l’utilisation de nouveaux modèles d’explora-tion, stimuler les investissements pour l’exploration denouvelles substances et ouvrir de nouveaux territoires àfort potentiel de découvertes.

Ces différents organismes sont des actifs essen-tiels pour le territoire québécois et permettent d’entrevoirde fructueuses perspectives de développement minéralpour le futur.

Page 79: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les géologues au québec

77

Do

ssie

rConclusionSi le territoire québécois possède tous les ingré-

dients pour assurer son développement minéral, l’accès auxterritoires pour l’exploration et l’acceptabilité sociale desprojets miniers représentent des défis de plus en plusimportants. Les projets miniers doivent aujourd’hui être suffisamment robustes pour répondre pleinementaux normes environnementales et pour satisfaire lesdemandes et les exigences des milieux d’accueil et despartenaires du territoire que sont les nations premières.Ces dernières sont des joueurs de plus en plus actifs dans

le secteur minéral et deviendront les partenaires, les pro-moteurs et les gestionnaires des projets du futur minierquébécois.

BibliographieMinistère de l’Énergie et des Ressources naturelles

du Québec (MERN), 2017. Le secteur minier au Québec. Node catalogue : M01-02-1709?; ISBN : 978-2-550-794165, 40p. https://mern.gouv.qc.ca/publications/mines/secteur-minier.pdf

Page 80: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

L’industrie minière génère d’importantes retom-bées économiques dans plusieurs régions du Canada,mais produit également de grandes quantités de rejetsdont elle doit se préoccuper. Les différentes méthodes degestion des rejets sur les sites miniers doivent prendreen compte leurs caractéristiques spécifiques puisqu’ilspeuvent contenir des minéraux réactifs pouvant générerdu drainage minier acide (DMA),du drainage neutre conta-miné (DNC) ou d’autres types de contamination. Les exi-gences réglementaires ainsi que les pressions provenantdes communautés font que l’industrie doit développerdes approches innovantes pour poursuivre l’exploitationdes ressources minérales tout en protégeant l’environne-ment. Ces enjeux et ces défis ont motivé l’Université duQuébec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et l’École dePolytechnique Montréal. Les travaux de recherche por-tant sur l’environnement minier et la gestion des rejets ontainsi débuté dans les années 1990 et sont menés en collaboration entre les deux universités.

Sous le leadership des professeurs Bruno Bussière(UQAT) et Michel Aubertin (Polytechnique), cette colla-boration entre les deux institutions a culminé en 2013quand, en partenariat avec cinq entreprises minières, ellesont mis sur pied l’Institut de recherche en mines et envi-ronnement (IRME) UQAT-Polytechnique. Il a pour missionde mettre en œuvre une programmation de rechercheunique au Canada qui vise, d’une part, le développementde solutions pratiques et économiques pour remédier àune variété de défis environnementaux reliés à la gestiondes rejets miniers et à la restauration des sites et, d’autrepart, la formation d’experts de demain qui mettront enpratique les solutions développées par la recherche.

Grâce à un support financier de 10 millions de dol-lars canadiens des partenaires industriels2 répartis surune période de sept ans (2013-2019) et de l’obtention de sub-ventions totalisant jusqu’à maintenant près de 15 millionsde dollars canadiens, l’IRME présente un impressionnantprogramme de recherche. Ce dernier regroupe trois chairesde recherche et plus d’une vingtaine de projets d’envergu-re nationale et internationale qui ont mené à plus de 600publications scientifiques. L’équipe de l’IRME comporte18 professeurs, 26 professionnels et techniciens et plusde 80 étudiants actifs dans les cycles supérieurs (maîtri-se et doctorat). Depuis sa création en 2013, l’IRME comp-te une cinquantaine de diplômés originaires du Canada,

mais également d’un peu partout sur la planète, majori-tairement de la francophonie.

La recherche de l’IRME comprend principalement lesthèmes suivants :

la restauration des sites miniers ;la valorisation et la gestion intégrée des rejets miniers,sous terre et en surface ;le développement de méthodes de conception des aires d’entreposages des rejets (parc à résidus et haldeà stériles) ;la prédiction de la qualité des eaux de drainage ;le traitement des eaux minières ;l’influence des conditions climatiques sur la restauration,tels les conditions nordiques et les changements climatiques.

La programmation de l’IRME couvre l’ensemble ducycle de vie des mines. Les thèmes qui y sont développés,sont tous interreliés à différents niveaux et s’arrimentaux différentes étapes des projets miniers, à savoir :

l’exploration du gisement et l’évaluation de la faisabi-lité de son exploitation ;l’exploitation du gisement incluant tous les tris pertinentsentre minerais/stériles et stériles problématiques/nonproblématiques au niveau environnemental ;le traitement des minerais et la gestion intégrée desrejets de concentration qui en découlent ;enfin, la réhabilitation des sites miniers avec un suivienvironnemental à long terme.

1. IRME UQAT-Polytechnique. Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), 445 boul. de l’Université-Rouyn-Noranda (Québec), Canada, J9X 5E4.Courriels : [email protected] ; [email protected]. Les partenaires industriels de l’IRME sont : Mines Agnico Eagle, Corporation Iamgold, Partenariat Canadian Malartic, Rio Tinto Fer et Titane, MineRaglan de la compagnie Glencore et plus récemment Goldcorp.

Géologues n°HS1

les géologues au québec

78

Do

ssie

r

Les géologues dans la remédiation minièreBruno Bussière et Patrick Charron1.

Photo 1. Photo illustrant des travaux de terrain testant une gestion envi-ronnementale saine de rejets miniers : stabilisation de rejets densifiés ausite Laronde Agnico-Eagle.

Page 81: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les géologues au québec

79

Do

ssie

r

La géologie et notamment la minéralogie appli-quée deviennent des disciplines primordiales (Fig.1) pour :

les évaluations environnementales à l’étape de l’étudede faisabilité des projets miniers ;l’exploitation de la mine en vue d’une gestion la plusintégrée de ses différents flux et enfin ;lorsqu’il faut concevoir et mettre en place une réhabi-litation des sites miniers à la fermeture de la mine.

Les données géologiques dans un projet minierdoivent dorénavant inclure les problématiques environ-nementales en plus de la quantification des ressourcesminérales. C’est ainsi que, les modèles géométallurgiquessont, de nos jours, complétés par la composante écoenvi-ronnementale permettant ainsi de maximiser les rende-ments d’un gisement tout en prévoyant le plus précoce-ment possible les risques d’ordre environnemental etéconomique qui incombent à son exploitation. Cetteapproche est largement utilisée dans les travaux derecherche actuels de l’IRME portant sur la gestion intégréedes rejets, la prédiction de la qualité des eaux de draina-ge minier et la restauration des sites miniers.

En effet, les coûts reliés à la restauration d’un siteminier sont en grande partie fonction de la qualité des

eaux de drainage. La prédiction de la qualité de ces eauxest donc essentielle puisqu’elle permettra de sélection-ner les solutions les plus efficaces vis-à-vis de l’environ-nement et les moins coûteuses d’un point de vue écono-mique, permettant ainsi de renforcer la vigueur et lacompétitivité de l’industrie minière canadienne. Lesmeilleures pratiques disponibles se subdivisent ainsi en :

l’application de méthodes de gestion des différentsrejets (les stériles d’exploitation et les résidus de concen-trateur en particulier), à l’aide d’une bonne caractéri-sation des rejets incluant les textures et les spéciationsdes contaminants, leur tri, leur éventuel retraitementet/ou leur valorisation.la sélection des méthodes de restauration les plus appro-priées en fonction des caractéristiques des rejets entre-posés en surface.

C’est ainsi que la caractérisation minéralogiqueest de plus en plus utilisée, notamment pour le dévelop-pement d’outils de prédiction précis du comportementenvironnemental des rejets miniers.

Pour plus d’information sur la programmation derecherche de l’IRME, ces travaux et son équipe de cher-cheurs, visitez le www.irme.ca

Figure 1. Pertinence de la minéralogie appliquée tout au long du cycle minier. Source : IRME.

Page 82: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Contribution économique de la filière minière au Québec

Au Québec, l’industrie minière contribue depuisl’origine, au développement économique et social desrégions ressources. La création de plusieurs villes au cœurde différents camps miniers d’exception, en sont lestémoins les plus évidents. C’est le cas par exemple desprincipales villes situées dans les terrains archéens del’Abitibi tel que Rouyn Noranda,Val-d’Or,Malartic,et autresvilles du secteur qui maintiennent, encore aujourd’hui,une activité de production minière dynamique. Les troisprincipales régions concernées par l’activité minière sontl’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Nord du Qué-bec. Elles représentent environ 80% de la superficie duQuébec, mais ont les plus faibles densités de population.

En 2015, le poids de l’industrie minière dans l’éco-nomie globale du Québec était d’environ 1 à 1,5% du PIBmais constituait, tel que mentionné plus haut, une loco-motive économique pour les régions éloignées où l’in-dustrie extractive représente environ 22% du PIB. Cetteactivité apporte notamment une source significative decréation d’emplois et de développement d’infrastructures.Avec le temps, et au-delà de la contribution économiquedirecte, il en découle aussi une spécialisation de la maind’œuvre hautement qualifiée qui s’exporte aujourd’huià travers le monde pour son excellence opérationnelle.Par la force des choses, ces régions sont aussi devenues lescentres d’innovation du secteur minier québécois, profi-tant de l’expertise et des infrastructures à proximité. Denombreux groupes miniers, entreprises de services et socié-tés d’exploration, aujourd’hui d’envergure internationale,sont nés au cœur de ces régions ressources.

À court terme, la création de valeur générée parl’industrie minière passe par la valorisation des territoiresà l’étape d’exploration. Sur le moyen terme, cette valeur seréalise par le développement économique et social asso-cié à l’exploitation du minerai. Enfin, les infrastructureshéritées des activités minières, bâtiments, routes, devien-nent disponibles pour d’autres fins et représentent lavaleur long terme léguée par l’industrie. Aujourd’hui,la Société du Plan Nord est l’entité gouvernementale provinciale qui assure la bonne coordination de ces déve-

loppements, conciliant les enjeux des différentes partiesprenantes tout en encourageant les opportunités quel’industrie minière peut offrir au développement de sonterritoire.

Ce rapide portrait de la contribution de la filièreminière au Québec vise à montrer qu’à l’échelle québécoise,la création de valeur générée par cette industrie peut êtreprofitable tant sur le court que le long terme et que leretour sur investissement dans le financement et le déve-loppement de projets de cette filière est, de ce fait, hau-tement stratégique.

Les ingrédients nécessaires au développement minier

Un territoire fertile au développement minier Un certain nombre de caractéristiques sont incon-

tournables pour permettre le développement minier surun territoire. Aux premiers rangs de celles-ci, figure lanécessité d’avoir un territoire au potentiel minéral excep-tionnel, un cadre règlementaire de droit encadrant l’acti-vité sur l’ensemble de la chaîne minière, de l’explorationà la réhabilitation des sites, et enfin, un dialogue ouvertavec les différentes parties prenantes, fondamental pourdévelopper un contexte d’acceptabilité sociétale des projets. Au regard de ces critères, en 2017, l’institut Fraserclassait le Québec à la sixième place mondiale des territoiresles plus attractifs à l’investissement minier.

Un capital humain et un savoir-faireAu-delà d’un territoire riche en minerais, un savoir-

faire hautement qualifié avec des entrepreneurs et unemain d’œuvre technique ultra-compétente sont requispour avoir une industrie dynamique. Il s’agit avant tout dudéveloppement de nouvelles idées, concepts, technolo-gies qui permettent à l’industrie de se réinventer et d’êtreen mesure de relever des défis en constante évolution.Tout cela ne serait pas possible sans une forte compé-tence tant au niveau de la formation académique, quede la formation professionnelle au sein des groupesminiers actifs au Québec.

1. Analyste minier, SIDEX sec. Courriel : [email protected]. Analyste minier et CEO de Mining et Exploration Analytics, EBL Consultants. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les géologues au québec

80

Do

ssie

r

Importance de la filière minière au Québec et contribution des géologues à son financementLaurent Eustache1 et Éric Lemieux2.

Page 83: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

3. TSX = Toronto Stock eXchange, bourse de Toronto. www.tsx.com4. TSX-V = Toronto Stock eXchange – Venture (Vancouver), bourse de croissance de Vancouver, dépendant de la bourse de Toronto et spécialisée dans lescompagnies juniors. www.tsx.com5. CSE = Canadian Security Exchange, bourse nationale canadienne. www.thecse.com6. Sidex sec= Société d’investissement dans la diversification de l’exploration, société en commandite, une initiative en 2001, du gouvernement du Québec et du Fonds de solidarité de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. www.sidex.ca

Géologues n°HS1

les géologues au québec

81

Do

ssie

rDu financementLes besoins en capitaux de l’in-

dustrie sont importants et représententle dernier ingrédient fondamental à sondéveloppement. Sans capitaux, les entre-preneurs n’auraient plus les moyens d’ex-plorer le territoire pour in fine, construi-re des mines. Ces capitaux, qualifiés àjuste titre de très risqués, proviennentde différentes sources. Ces sources varienten fonction du type de compagnies,socié-tés publiques ou privées, majeures oujuniors, qui n’offrent pas de ce fait, lesmêmes propositions de création de valeuret donc, finalement pas la même expo-sition au risque en termes d’investisse-ment. Le marché des sociétés actives dans le secteur estsegmenté grâce à deux principaux types de sociétés : lessociétés majeures productrices et les sociétés juniors explo-ratrices. Cette segmentation s’explique par le retrait pro-gressif des sociétés majeures de la phase d’exploration àfaible taux de succès. Cette activité d’exploration est délé-guée aux juniors. De cette façon, les majeures se préser-vent du risque de l’exploration et achèteront les projets auxjuniors en cas de succès. Le risque a été ainsi redistribué.

À titre d’exemple, au Québec en 2017, les dépensesd’exploration auront été d’environ 540 millions de dol-lars canadiens (Fig. 1) au total dont 370 M$ engagés par lespetites sociétés. Il devient alors fondamental pour un ter-ritoire donné de s’assurer d’une bonne cohérence et conti-nuité de la chaîne de financement, des étapes les pluspréliminaires aux plus avancées, pour assurer le renou-vellement des projets et en particulier, la découverte denouveaux gisements.

Les plates-formes de financementet les avantages du Québec dans lachaîne de financement de la filièreminière

Les sociétés actives dans le secteur minier sontmajoritairement inscrites en bourse et au Canada : TSX3,TSX-V4,ou encore du CSE5. Il s’agit des plates-formes les plususuelles utilisées par les compagnies pour lever des capi-taux. Jusqu’en 2007, le Québec avait sa propre bourse,située à Montréal et était la référence pour les différentessociétés actives au Québec. Suite à la fusion des boursescanadiennes, la tendance au regroupement s’est accen-tuée avec une inscription des sociétés majeures à Toronto

et une inscription des sociétés juniors à Vancouver, entraî-nant pour cette raison, une plus grande proportion desièges sociaux dans ces deux villes et affectant, peu à peu,le dynamisme de l’investissement au Québec.

Pour stimuler l’investissement en capital dans l’industrie, le Québec a développé deux stratégies com-plémentaires avec le développement des actions accrédi-tives spécifiques au Québec et la création de différentsfonds d’investissements gouvernementaux ou paragou-vernementaux investissant directement dans les projetsou compagnies minières.

Les actions accréditives sont un outil de finance-ment utilisé à la discrétion d’une compagnie minière etselon un cadre réglementaire bien établi qui permet detransférer les crédits d’impôts alloués aux dépenses d’ex-ploration (équivalent à de la R&D dans d’autres domaines)aux investisseurs. Ce mécanisme offre donc aux investis-seurs un incitatif fiscal qui vient partiellement dé-risquerl’investissement et a pour effet direct d’encourager lesinvestissements dans ce secteur.

Progressivement aussi, le Québec a mis en place, depuis les années 2000, de nombreux fonds d’in-vestissements spécialisés dans le minier qui participentactivement aux financements des projets et des socié-tés minières (Sidex sec6 par exemple). La participa-tion de ces institutions a pour effet d’assurer une sti-mulation et un financement de base à l’avancementdes projets tout au long de la chaîne de développe-ment des projets miniers de l’exploration préliminai-re au développement minier. Cette contribution serévèle d’autant plus fondamentale en période de basde cycle, quand la disponibilité des capitaux se faitrare sur le marché. La présence d’institutionnels québécois dans le financement permet donc de miti-

Figure 1. Dépenses en exploration minière au Canada et au Québec. Source : Statistiques Canada.

Page 84: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

ger les effets de la cyclicité du marché et d’assurerune continuité dans le temps de la chaîne de déve-loppement économique de la filière. Ces institutionssont aussi un des moyens de l’État de prendre part auprocessus de création de valeur de l’industrie dans laglobalité de son territoire.

Coopération des différents acteurset rôles du géologue dans le finance-ment des activités minières

Le géologue contribue, en tant que spécialiste, audéveloppement de l’industrie minière au même titre queses homologues ingénieurs minier (« mineur ») et métal-lurgistes. Ce sont les échanges entre ces différents pro-fessionnels qui permettent ultimement le développe-ment et la mise en production d’un gisement avec succès :le géologue pour la compréhension du gîte, le mineurpour l’exploitation et le métallurgiste pour la récupération.Il va sans dire que les comptables et avocats sont aussi desrouages importants. L’expertise de chacun vient influen-cer l’économie du projet et chaque spécialité a son impor-tance. Malgré tout, contrairement aux autres spécialités,la composante géologique fait partie des premiers et prin-

cipaux enjeux du processus de création de valeur. En fonc-tion de l’étape de développement des projets et des miné-raux en question, le contrôle de l’aspect géologique estfondamental et par moment même critique. Pour cetteraison, la compétence géologique, et finalement le géo-logue, joue un rôle fondamental à l’évaluation du risquemenant à la décision de financement.

Appelé à intervenir sur l’ensemble du spectre desactivités du développement minier de l’exploration à laréhabilitation en passant par l’exploitation, le géologueaura, comme principaux rôles, l’étude initiale du territoi-re, la conception des cibles exploratoires, l’établissementdes méthodes d’exploration, la sécurisation des titresminiers, la gestion des phases exploratoires (levés de géo-physique, géochimie, cartographie, prospection), le suivides travaux avancés tels que les forages, l’estimation desressources minérales ainsi qu’une contribution aux phasesd’études économiques et de faisabilité, l’établissementdu plan minier, la production (géologue de mine) et enfinla réhabilitation des sites miniers. Dans ce cadre, le géo-logue devra être en mesure de définir les besoins en capi-taux nécessaires à la mise en œuvre de ces différents déve-loppements en budgétisant les coûts et le temps nécessairesà la réalisation de ces développements. Ne s’apprenant pas

Géologues n°HS1

les géologues au québec

82

Do

ssie

r

Figure 2. Visions de 4 projets actifs au Québec. Crédit-photo : les auteurs.

Page 85: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les géologues au québec

83

Do

ssie

rsur les bancs de l’école, cette expertise fondamentale s’ac-quière par le fruit d’expérience (sur le terrain) au contactdes techniciens et géologues professionnels. La présencede sociétés d’envergure au Québec, aux équipes nom-breuses et pluridisciplinaires, telles que Mines Agnico-Eagle, Goldcorp, Hecla Mining, Glencore, Osisko Mining,SOQUEM, etc…, représente un maillon fondamental quicontribue grandement à bonifier la formation profes-sionnelle des géologues en permettant la transmissiond’expérience et de savoir-faire aux nouvelles générations.

Une fois les besoins en capitaux nécessaires auxdéveloppements visés clairement définis, les compagniesdoivent rechercher un financement. Dans le cas des socié-tés minières majeures, elles feront appel, si possible, àleur trésorerie interne; dans le cas des juniors, n’ayant pasde revenus, elles devront lever ces fonds sur le marchédes capitaux boursiers. Pour ce faire, les principaux inter-locuteurs seront bien souvent des fonds d’investissement,des banques d’investissement et des firmes de courtage(représentant les plus petits investisseurs) qui auront dansleurs rangs, eux aussi, des spécialistes du secteur. Ces spé-cialistes, analystes miniers ou encore gestionnaires deportefeuilles d’actifs miniers, auront, quant à eux, la tâched’évaluer la fiabilité des projections financières des com-pagnies demandeuses de capitaux (pertinence de l’emploidu produit, du financement, détails des budgets etc.). Au-delà même des projections financières et des considéra-

tions techniques, ils devront aussi porter un jugementsur les chances de succès de la mise en œuvre de la stra-tégie des compagnies. La décision de financement étantune fonction du risque sur le rendement espéré et le risqueétant l’élément le plus tangible de l’équation, la décisionde financement reposera donc notamment sur une éva-luation aiguisée de ce dernier. De ce fait, l’expertise requi-se pour recommander une telle décision, nécessite unecompréhension poussée des enjeux auxquels une com-pagnie doit faire face pour créer de la valeur et offrir unrendement à ses investisseurs.Cette analyse en profondeurdépassera bien souvent le simple projet en question etprendra en considération une multitude de variables tantsur la compagnie elle-même que sur le marché visé par cet-te dernière. Il en résulte donc la nécessité pour les ges-tionnaires ou les analystes miniers d’avoir non seulementune solide expérience technique (locale, régionale et natio-nale) mais aussi, une compétence financière complé-mentaire, afin d’avoir un regard avisé sur la pertinencede cette étape majeure. Cela implique notamment uneconnaissance du marché, du prix des commodités et de lavaleur de projets similaires.

Au final, l’existence d’une industrie minière perfor-mante au Québec découle du succès de découvertes sur sonterritoire (Fig. 2) et d’une tradition d’entreprenariat minierdynamique. À plusieurs niveaux, le géologue a joué etjouera un rôle clef dans cette chaîne de projets et de valeur.

Page 86: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

L’évolution du rôle de l’État dans la gestion de la connaissance géologique du territoire québécoisRobert Marquis1 et Andrea Amortegui2.

IntroductionLe rôle prépondérant joué par l’État québécois dans

la gestion de la connaissance géologique du territoire estrelativement récent. Cet article présente rapidement sonévolution en insistant sur les éléments marquants quiont façonné l’élaboration de la politique minière. Il s’ins-pire abondamment de l’ouvrage « Des mines et deshommes » (Vallières, 2012).

L’accès aux ressources du sous-sol L’acquisition de la connaissance géologique

remonte aux premiers temps de la colonisation françai-se, alors que le potentiel minier de tout un continentdemeurait méconnu. C’est en 1752 que Philippe Buacheétablit la première carte minéralogique du Canada et dela Louisiane sur la base de données recueillies depuis l’implantation européenne en Amérique du Nord (Fig. 1).À cette époque, la couronne de France détenait un privi-lège exclusif sur toutes les substances minérales, maisles concessions de mines étaient inexistantes.

À compter de 1760, la propriété du sous-sol futrégie « en franc et commun soccage », la couronne bri-tannique se réservant uniquement la propriété des décou-vertes d’or et d’argent.Toutefois, les gouvernements colo-niaux successifs démontrèrent peu d’intérêt à implanterune politique minière, avant la première découverte auri-fère significative.

Sous le régime britannique, les prospecteurs quiarpentaient le territoire québécois étaient le plus sou-vent des militaires ayant une formation scientifique. En1842, la somme de leurs récits devant la Literary and His-torical Society de Québec et la Natural History Society deMontréal, rassemblait déjà plusieurs observations géolo-giques remarquables. Cette nouvelle connaissance géologique fut déterminante pour convaincre le gouver-nement de la Province de Canada de financer une com-mission chargée de la description scientifique des roches,des sols et des minéraux, la Commission géologique duCanada. Sous la direction de Sir William Edmund Logan(1798-1875), géologue né à Montréal, formé en Angleter-re et membre de la London Geological Society, la Com-mission géologique du Canada rassembla l’équipe qui

publia en 1863 la première synthèse géologiquedu pays. Le mont Logan, plus haut sommet desRocheuses canadiennes, perpétue la mémoiredu premier directeur de la Commission géolo-gique du Canada.

Une politique minière qui évolue et s’adapte aux nouvelles réalités

Des débuts anarchiquesAu Québec, la première découverte auri-

fère remonte à 1840. Jusqu’à cette date, la contri-bution de l’industrie minière à l’économiedemeura marginale et restreinte à la vallée duSaint-Laurent. Dans la région de Trois-Rivières, laproduction de fer des marais alimentait lesforges du Saint-Maurice tandis que l’exploita-tion de quelques carrières de pierre près de Québec, Trois-Rivières et Montréal fournissaitl’industrie de la construction.

1. PDG, Institut national des mines du Québec. Courriel : [email protected]. Directrice, Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

les géologues au québec

84

Do

ssie

r

Figure 1. Carte minéralogique de la Louisiane et du Canada (auteur : Philippe Buache, 1752).

Page 87: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les géologues au québec

85

Do

ssie

rÀ partir de 1847, la situation évolua rapidementavec la production intermittente d’or alluvionnaire trou-vé dans la vallée de la rivière Chaudière. La ruée vers l’orque généra cette découverte débuta dans la confusiongénérale, au profit de spéculateurs de tout acabit. Puis, àcompter de 1860, la découverte de cuivre en Estrie menaà la construction des premières mines souterraines et àl’édification de nouveaux villages miniers régis directe-ment par les compagnies minières. Pendant la guerre desécession américaine, ce minerai fut exporté vers les Étatsdu Vermont et du New Hampshire, en profitant des premiers chemins de fer construits au Québec et d’unmarché du cuivre, florissant.

La production de l’or blanc des Appalaches,l’amiante,débuta à la même époque à Thetford Mines et à Asbestos.L’Outaouais se mit également à produire du phosphate etde la chaux. Dans ce contexte de développement minieren expansion, il devenait de plus en plus pressant de disposer d’une législation cohérente pour baliser cettenouvelle activité économique.

L’implantation d’un ministère des mines au Québec

En réaction à la grande variété des nouvelles sub-stances minérales exploitées à compter de la secondemoitié du XIXe siècle dans plusieurs régions, le gouverne-ment du Québec adopta sa première loi concernantspécifiquement les mines, le 19 juillet 1880.

Soucieux d’encadrer le développement d’une indus-trie minière émergeante, alimentée par les travaux anté-rieurs de prospection géologique, le gouvernement duQuébec adopta une loi qui prévoyait la réalisation de travaux d’exploration additionnels afin de répertorier lesgisements économiques. Cette première loi sur les minesoctroyait aussi, à l’état québécois, l’autorité d’accorder deslicences pour l’exploitation des gisements miniers sur lesterres publiques et sur les terres privées, ce qui représen-tait un changement majeur et provoqua un tollé de protestations.

L’application de la loi sur les mines de 1880 impli-quait aussi une capacité d’intervention étatique structu-rée. Au moment de son adoption, la structure adminis-trative capable de réaliser des travaux géologiques, denommer des inspecteurs, d’émettre des permis et de révo-quer des licences restait encore à construire. L’applicationde la loi de 1880 exigeait de toute urgence l’embauched’un spécialiste.

Fraîchement diplômé de l’École nationale des mines de Paris, Joseph Obalski (1852-1915), fut le premierinspecteur des mines du Québec. Il fut recruté par

Joseph-Adolphe Chapleau, alors premier ministre du Qué-bec, en voyage en Europe en 1881, dans le contexte d’uneintensification des relations économiques et politiquesentre le Québec et la France.

Joseph Obalski dirigea le Service des mines pendantplus de 20 ans. Son administration se consacra spécifi-quement à l’évaluation du potentiel minier, une infor-mation complémentaire aux données géologiquesrecueillies par la Commission géologique du Canada. Sousla gouverne de Joseph Obalski, le Service des mines déve-loppa aussi une expertise dans l’analyse chimique deséchantillons minéralisés, ce qui permit d’établir une étroi-te collaboration avec les ingénieurs miniers de l’École polytechnique de Montréal. L’ouverture d’un premier laboratoire privé d’analyse à Montréal en 1901 découledirectement du développement de cette expertise.

À l’époque d’Obalski, la géologie du Québec nor-dique demeurait méconnue. Albert Peter Low, géologue àla Commission géologique du Canada, était pratiquementle seul à l’avoir exploré, entre 1884 et 1894, dans des condi-tions très difficiles. Ses observations se limitaient le plussouvent aux berges des rivières navigables (Fig. 2). L’in-ventaire des ressources minérales de ce territoire immen-se, rude et isolé, était donc inexistant. Pourtant, JosephObalski pressentit l’intérêt économique de mieux évaluerle potentiel minier des territoires nordiques. Ses efforts per-sonnels menèrent à terme, à l’ouverture d’une nouvellerégion minière riche en cuivre, à Chibougamau, où uncanton porte le nom d’Obalski.

Figure 2. Carte géologique du Nouveau Québec. Source : Ministère de la Voirie et des Mines, 1929.

Page 88: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Jusqu’en 1960, les interventions de l’État dans l’in-dustrie minière se limitaient aux activités réglementaires,à la surveillance des exploitations, à l’acquisition de don-nées géologiques et à l’appui technique aux prospecteurset aux exploitants.

Une politique minière appuyée par des sociétés d’état

De 1962 à 1965, le Québec connut une période fasteen réformes destinées à encourager l’esprit d’entreprise,le développement régional et les innovations techniques.Pendant cette révolution tranquille, la création de la Sociétéquébécoise d’exploration minière (SOQUEM) représentela pierre angulaire des mesures prises pour renforcer etdynamiser les activités minières encore trop lourdementcontrôlées par des entreprises étrangères, peu intéres-sées à investir au-delà de leurs besoins immédiats. L’ins-piration pour la création de la SOQUEM découle d’unesynthèse de l’expérience du BRGM et des sociétés d’étatsuédoises, finlandaises et japonaises. Une importanceparticulière a été apportée aux stratégies d’associationavec l’entreprise privée pour mobiliser des capitaux dédiésà l’exploration. Dirigée par Côme Carbonneau, présidentdirecteur-général de SOQUEM et professeur de géologieà l’Université de Montréal, la SOQUEM découvrit rapide-ment un important gisement de cuivre en Abitibi-Témis-camingue, la mine Louvem, en 1969. L’objectif de diversi-fication minérale de la SOQUEM mena ensuite, à la miseen production de la mine Niobec en 1974, une exploitationd’oxyde de niobium située au Saguenay-Lac-Saint-Jean.L’exploitation de vastes gisements de sel aux Îles de laMadeleine depuis 1982 représente également un succèsdes efforts de diversification minérale réalisés par laSOQUEM. La SOQUEM est également à l’origine de ladécouverte de la mine d’or de Doyon en Abitibi-Témisca-mingue. Plus récemment, la mise en production de lamine Renard, première mine de diamant exploitée auQuébec par la compagnie Stornoway, découle égalementdes travaux d’exploration de la SOQUEM (Dumas, 2015).

La Direction générale de Géologie QuébecPendant les années 1920, la marche vers le nord

permit de découvrir le potentiel minéral de l’Abitibi-Témis-camingue. Située dans le nord-ouest québécois, prolon-gement naturel d’un contexte géologique favorable déjàconnu dans la région adjacente du nord-est ontarien,l’Abitibi-Témiscamingue livra alors la découverte de grandsgisements d’or, de cuivre et de zinc. Cette région disposedésormais d’une expertise minière reconnue etl’exploitation aurifère s’y poursuit avec des moyens considérables.

À compter des années 1960, forte du succès descamps miniers de l’Abitibi-Témiscamingue et de Chibou-gamau, la prospection s’intensifia plus loin au nord, à larecherche de substances minérales de plus en plus variées,incluant le nickel, le platine, le cobalt et les diamants. Enconséquence, la banque de données géologiques publiquesgérée par le ministère des Ressources naturelles prit desproportions considérables.

À partir de 1966, l’indexation de l’information géo-logique publique, accumulée au fil des ans par les géo-logues gouvernementaux, les prospecteurs et les entre-prises minières, mena au développement d’un systèmede codification. Pour des raisons d’économie et d’espace,le ministère des Ressources naturelles commença aussi àreproduire les cartes et les rapports géologiques sur desmicrofilms et des microfiches mises à la disposition desprospecteurs et des géologues dans plusieurs bureauxgouvernementaux et sous la responsabilité des géologuesrésidents établis à Montréal, à Québec, en Gaspésie, sur laCôte Nord, en Abitibi-Témiscamingue, dans le Nord-du-Québec et en Estrie.

En plus de l’index des données géoscientifiques etde la banque des données géochimiques, la Direction géné-rale de la Géologie mit au point successivement diverssystèmes de repérage et d’accès interactif aux données,auxrapports et aux cartes. En 1979, le Service la géoinforma-tion fut implanté pour traiter spécifiquement les nom-breuses données géoscientifiques du secteur des mines. Lasaisie des renseignements bibliographiques dans la banquede données EXAMINE représenta un autre jalon menantinéluctablement vers la géomatique et l’éditique. En 1990,ce service était devenu une direction considérée commestratégique et la décision fut prise de développer le SIGÉOMselon une approche de référence spatiale.

Le système d’information géominière (SIGÉOM)Pendant la décennie 1990, le développement du

SIGÉOM intégra progressivement tous les renseignementsgéologiques, géochimiques et géophysiques ainsi que lalocalisation des travaux d’exploration, incluant les forageset les données ponctuelles sur les gisements connus.

Cette information géologique provient d’une part,des levés géologiques gouvernementaux et d’autre part,des travaux d’exploration privés, livrés au gouvernementpour maintenir la validité des licences octroyées aux entre-prises minières.

Le SIGÉOM comporte depuis ses origines deuxactifs distincts. Le premier est constitué de la banque dedonnées factuelles, le patrimoine des connaissances géos-cientifiques du Québec. Le second correspond aux sys-

Géologues n°HS1

les géologues au québec

86

Do

ssie

r

Page 89: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

les géologues au québec

87

Do

ssie

r

tèmes informatiques qui permettent de saisir, d’éditer etde diffuser cette information en utilisant les technolo-gies Internet.

La valeur du patrimoine géoscientifique intégréau SIGÉOM est estimée actuellement à quatre milliards dedollars. Cette valeur correspond au coût de remplacementdes données géologiques numérisées et accessibles gra-tuitement. La valeur du SIGÉOM continuera de progresserau cours des années futures au même rythme que la sai-sie de nouvelles informations géoscientifiques découlantdes investissements miniers annuels.

Le SIGÉOM est devenu un outil puissant d’explora-tion minière car les prospecteurs disposent dès le départd’une information gratuite de qualité. L’accès à cette infor-mation publique évite de répéter inutilement les mêmestravaux au même endroit. L’empreinte écologique de l’ex-ploration minérale s’en trouve diminuée et les liquiditésinvesties plus judicieusement, à la recherche de nouvellescibles. Le SIGÉOM facilite également la délimitation desaires protégées au bénéfice des générations futures. Il estdésormais un actif stratégique incontournable pour ledéveloppement durable du territoire québécois.

La technologie qui soutient le SIGÉOM évolue sanscesse. Elle permet maintenant d’accéder à une carte géo-logique interactive qui rend possible la consultation desdonnées directement sur le web. Caractérisée par sa sim-plicité d’utilisation, la carte géologique interactive facili-te l’accès aux données géographiques, géologiques etminières. Les mises à jour y sont apportées en continu3.

Complémentaire à la carte interactive, le BulletingéologiQUE permet d’accéder par le Web aux donnéespubliques relatives au potentiel minier d’une région étu-diée. Convivial et facile à consulter, ce bulletin Web nova-teur est propulsé par la technologie Web du SIGÉOM4.

La figure 3 mentionne quelques dates de référen-ce concernant le développement de SIGÉOM depuis leprototype de 1986 à la production du rapport géologiqueélectronique précurseur du Bulletin géologiQUE.

RéférencesVallières M., 2012. Des mines et des hommes : histoire de l’industrie minérale québécoise des origines à aujourd’hui.Gouvernement du Québec, 319 p.Dumas P., 2015. SOQUEM-50 ans d’histoire. Ressources, Mineset Industrie, volume 2 numéro 5. 6-20.

Figure 3. Historique des systèmes d’information géominiers du Québec. Source : Ministère des Mines et Ressources Naturelles du Québec.

Page 90: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

IntroductionDoté d’un territoire immense et d’un potentiel

minéral exceptionnel, le Québec est depuis longtempsune destination de prédilection pour l’industrie minière.Les indicateurs de l’Institut Fraser, notamment la combi-naison de l’indice de perception des politiques et les résul-tats de l’indice de potentiel minéral des pratiques exem-plaires, classent le Québec parmi les dix premièresjuridictions les plus attractives pour des investissementsdans le secteur minier (Institut Fraser, 2021).

La découverte et l’exploitation d’une mine requiè-rent l’expertise de nombreux corps de métier, chacunnécessitant un niveau d’études précis. À cet égard, les établissements d’enseignement public offrent une formation de grande qualité aux personnes qui désirenttravailler dans ce domaine. De plus, le contexte sociopo-litique particulier du Québec permet d’offrir toute la gamme de la formation reliée aux mines dans les deuxlangues officielles du Canada, le français et l’anglais.

Au fil du temps, le Québec estdevenu une référence en ce qui concernela formation minière. Le texte qui suit est consacré à la formation des géologues. Nous présentons en introduction le cheminement scolaireparticulier au Québec. La section 1 metde l’avant les différences et les similaritésentre les systèmes d’éducation français et québécois menant à l’obtention d’un diplôme en géologie. Nous pré-sentons ensuite très brièvement les programmes de collaboration universi-taire qui existent entre la France et leQuébec pour la formation des géologues.La section suivante porte sur le Bac engéologie et les investissements miniersannuels. Elle s’appuie en grande partiesur une analyse de données publiquesrelatives au taux d’inscription et de diplomation des jeunes géologues.Elle met en relief la relation entre lenombre d’inscriptions au Bac en géologieet l’aspect cyclique des investissementsminiers.

Le cheminement scolaire pour devenir géologue

Pour accéder à la formation universitaire en géo-logie, l’étudiant québécois doit terminer avec succès deuxannées d’études collégiales, ce qui porte à 13 le nombretotal d’années d’études depuis le début du primaire,comme le montre la figure 1. Les études collégiales préa-lables à l’université sont une particularité du systèmed’éducation québécois.Toutefois, cette caractéristique nepose pas de contrainte particulière aux échanges entrela France et le Québec pour les études universitaires. Eneffet, l’accord franco-québécois sur la reconnaissance desdiplômes et la validation des études, signé en 1996, a clairement établi une équivalence entre le baccalauréatfrançais qui nécessite 12 ans d’étude et le diplôme d’étudescollégiales québécois complété en 13 ans. Il est donc possible, avec l’un ou l’autre de ces deux diplômes,d’accéder au premier cycle d’études universitaires en France comme au Québec (Ministère de l’Immigration etdes Communautés culturelles, 2005).

1. Conseiller à l’innovation et à la recherche, Institut national des mines du Québec, [email protected]. Professeur associé à l’UQAT, [email protected]. Spécialiste développement durable, O3 Mining Inc., [email protected]

Géologues n°HS1

la formation

88

Do

ssie

r

La formation des géologues et les investissements miniers au QuébecAlexandre Nana1, Robert Marquis2 et Jeffrey Vaillancourt3.

Figure 1. Système d’éducation au Québec.

Page 91: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

la formation

89

Do

ssie

rAu Québec, sur les 18 établissements universitaires(Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur,2021), quatre offrent de la formation en géologie. L’Uni-versité du Québec à Chicoutimi, l’Université du Québec àMontréal et l’Université Laval offrent cette formation enfrançais tandis que l’Université McGill l’offre en anglais.À l’exception notable de l’Université du Québec à Chicoutimi, la formation universitaire en géologie estofferte dans deux grands centres urbains, Montréal etQuébec. Par comparaison, la formation minière de niveaucollégial qui mène à un diplôme technique est dispenséedans les établissements d’enseignement répartis sur l’en-semble du territoire québécois. Finalement, la formationminière qui mène à un métier spécialisé en mécaniqueindustrielle, en forage, en extraction ou en traitement deminerai est offerte exclusivement dans les régionsminières, par ailleurs éloignées des grands centres urbains.

Plusieurs jeunes géologues approfondissent leurniveau de connaissance en poursuivant leurs études audeuxième et plus rarement au troisième cycle universitaire.Les études au deuxième cycle durent deux ans et mènentà une maîtrise en géologie. Cette diplomation estsouvent privilégiée par les géologues qui envisagent unecarrière en exploration minière. Le diplôme de troisièmecycle menant à un doctorat Ph. D. en géologie exige encoretrois années d’études additionnelles après l’obtention dudiplôme de Maîtrise. Les détenteurs d’un Ph. D. en géolo-gie visent essentiellement une carrière en recherche ou enenseignement.

La formation universitaire offerte au Québec dis-pose de la souplesse nécessaire pour s’adapter rapide-ment aux réalités changeantes du milieu de travail. Lesprogrammes offerts comportent souvent une introductionaux avancées technologiques qui ont un impact sur laprofession de géologue. L’utilisation de logiciels spéciali-sés pour la cartographie, le traitement des données géo-physiques et géochimiques et la modélisation des gise-ments à partir de banques de données considérables faitmaintenant partie de la formation de base des étudiantsen géologie. Sur le terrain, les outils tels que le GPS et lesdrones facilitent les déplacements en milieu isolé, tandisque les analyseurs portables fournissent rapidement uneinformation pertinente à la prise de décision, notammentpour l’implantation de forages d’exploration et réduisentle nombre d’échantillons requis pour des analyses ulté-rieures. La diplomation universitaire de premier cycle engéologie, autrement dit le Baccalauréat en géologie, estaussi une condition préalable à l’admission à l’Ordre pro-fessionnel des géologues du Québec (OGQ). La réussited’un examen spécifique à l’OGQ représente la dernière

étape à franchir avant de pratiquer la géologie au Québec,l’adhésion à l’OGQ étant obligatoire.

La collaboration entre le Québec et la France pour la formation des géologues

Les programmes de collaboration qui existent entrele Québec et la France pour la formation des géologuesfavorisent nettement les études de deuxième cycle uni-versitaire. Chaque programme d’échange possède sescaractéristiques. Cependant, dans la plupart des cas, uneffort particulier est consacré au volet pratique de la for-mation,essentiel à l’apprentissage de jeunes géologues quitravailleront principalement sur le terrain au début deleur carrière. Par ailleurs, l’Université du Québec à Chi-coutimi (UQAC) et UniLasalle offrent conjointement depuis2014 un programme d’échange qui permet aux étudiantsfrançais d’obtenir une double diplomation, le diplômed’ingénieur émis par UniLasalle et la maîtrise en géologieou en génie géologique profil professionnel, émis parl’UQAC. Il existe aussi d’autres programmes d’échanges,comme celui entre l’UQAM et l’Université d’Orléans, quipermettent aux étudiants à la Maîtrise de faire un tri-mestre à l’étranger, mais concerne uniquement les coursmagistraux. Les cours complétés sont reconnus pour l’ob-tention du diplôme.

Le Bac en géologie et les investissements miniers

Les emplois des géologues sont parmi les plus sus-ceptibles d’être influencés par les variations dans le cycledes investissements miniers. Dans le but de le documen-ter, nous avons obtenu les informations statistiques col-ligées par le ministère de l’Enseignement supérieur sur lesinscriptions et la diplomation au premier cycle universitaire(le Baccalauréat) en géologie. Ces informations fournissentles nombres d’étudiants inscrits et diplômés chaque annéede 2001 à 2018, ainsi que les données provisoires pourl’année 2019. Elles sont colligées pour chacune des quatreinstitutions universitaires offrant la formation en géolo-gie et mentionnées dans la première partie de cet article.

La figure 2 met en lumière l’évolution du nombred’inscriptions d’étudiants au programme de géologie(courbe en trait interrompu et en violet) en fonction desinvestissements en travaux d’exploration et de mise envaleur des gîtes minéraux durant presque vingt ans (cour-be en trait continu et en vert), plus précisément de 2001à 2019. La courbe des investissements miniers annuels a

Page 92: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

été tracée à partir des données de l’Institut de la Statistiquedu Québec (2020). La moyenne du nombre d’inscriptionsdans cette période est de 122 inscriptions, avec une média-ne à 118 inscriptions. Celle des investissements miniersest de 385 M$, et la médiane est de 379 M$. On constateque, dans les deux cas, la moyenne est supérieure à lamédiane, ce qui signifie que plus de la moitié des valeurssont inférieures à la moyenne pour les deux séries de don-nées. De même, l’écart-type est de 55 pour les inscriptionset de 196 M$ pour les investissements (voir tableau 1).Cela reflète une grande dispersion des valeurs autour deleurs moyennes respectives, avec des extremums [min ;max] de [53 ; 206] en 2003 et 2014 pour les inscriptions, etde [103 M$ ; 834 M$] en 2001 et 2011 pour les investisse-ments miniers annuels.

Il ressort de la figure 2 que de 2001 à 2005 il n’y apas de changement majeur dans les deux courbes. Enrevanche, à partir de 2005 à 2008, les investissements ontplus que doublé, passant de 205 M$ à 526 M$. Cela s’estrépercuté sur les inscriptions, mais avec un certain déca-lage. En effet, elles ont augmenté dans une proportion

semblable, passant de 59 à 167 inscriptions deux ans plustard, c’est-à-dire de 2007 à 2010. Ce phénomène se répè-te de 2009 à 2011, avec des investissements miniers qui ontencore plus que doublé, passant de 379 M$ à 834 M$, tan-dis que le nombre d’inscriptions de 2011 à 2014 a aug-menté d’environ 20 %, passant de 174 à son maximum de206 inscriptions. Ainsi, lorsqu’il y a une augmentation desinvestissements pendant une période donnée, le nombred’inscriptions augmente aussi durant une période simi-laire; dans le cas contraire, le nombre d’inscriptions dimi-nue ou stagne. Ce dernier constat est observable sur lamême figure, notamment entre les années 2011 et 2015 oùles investissements ont triplement baissé, passant de 834M$ à 259 M$. Cette baisse importante a eu des consé-quences sur le nombre d’inscriptions qui, à son tour, estpassé de 206 en 2014 à 140 inscriptions en 2018. Il sembledonc exister une corrélation entre les investissementsminiers annuels et le nombre d’inscriptions au Bac engéologie, et ce, avec un décalage de deux à trois ans. Pourle vérifier, nous avons calculé les coefficients de corrélationentre ces deux variables. Les résultats obtenus sont pré-sentés dans le tableau 1.

Ce tableau révèle un coefficientde corrélation proche de 1 lorsqu’on intro-duit un décalage de 2 ou 3 ans. Un maxi-mum de 0,90 est atteint pour un déca-lage de 3 ans. Par opposition, il est deseulement 0,48 lorsqu’il n’y a pas dedécalage entre les années considéréespour mettre en relation le nombre d’ins-criptions et le montant des investisse-ments miniers. De plus, le coefficient estpositif, ce qui nous renseigne sur le faitque les deux variables fluctuent demanière semblable, c’est-à-dire que lesvaleurs élevées du nombre d’inscriptionsont tendance à suivre les valeurs élevéesdes investissements miniers annuels. Cedécalage, loin de se limiter aux nombresd’inscriptions, avait été remarqué anté-rieurement au niveau des emplois et dela poursuite vers des études supérieuresuniversitaires. De fait, Vaillancourt etMarquis avaient noté que, non seule-ment « un décalage d’environ 2 ans estperceptible entre le maximum des inves-tissements miniers annuels en 2011 et laproportion maximale des jeunes géo-logues en emploi telle que mesuré par la relance en 2013 qui témoigne d’unepériode d’emploi particulièrement

Géologues n°HS1

la formation

90

Do

ssie

r

Figure 2. Les inscriptions au Baccalauréat en géologie et les investissements miniers.

Tableau 1. Fonctions calculées et coefficients de corrélation.

Page 93: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

la formation

91

Do

ssie

rfavorable », mais également, que « les investissements à la baisse favorisent la poursuite des études graduées. Inverse-ment,des investissements miniers à la hausse entraînent unediminution de l’attrait d’une formation universitaire de deuxiè-me cycle ». Il semble donc cohérent, après avoir atteint unsommet en employabilité en 2013,d’avoir un pic du nombred’inscriptions en 2014, comme nous le montre la courbe.

La figure 3 présente l’évolution de la diplomationdes étudiants au Bac en géologie (courbe en trait inter-rompu et en orange) superposée à la courbe des inves-tissements miniers annuels, et ce, pour la même périodeconsidérée précédemment, soit de 2001 à 2019. Pour lasérie des valeurs de la diplomation, la moyenne est de 50,la médiane est de 49 personnes diplômées, avec un écart-type de 11 (voir tableau 1). L’oscillation des valeurs autourde la moyenne est donc faible,et la courbe est relativementstable, se situant dans un intervalle qui va de 32 à 74 diplô-més par année. Après analyse de cette figure, il apparaîtque le nombre minimal de 32 diplômés ainsi que les deuxvaleurs maximales très proches, soit 73 et 74 diplômés,ont été relevées respectivement en 2010, 2002 et 2016.Pour ces années-là, il n’apparaît pas de phénomène par-ticulièrement perceptible sur la courbe des montantsannuels investis dans le secteur minier. Plus encore, lesinvestissements miniers élevés de l’année 2011 corres-pondent à un plateau de la diplomation dont le nombrede diplômés oscille entre 45 en 2011 à 50 en 2015, avec unmaximum de 58 atteint en 2013. Cela nous enseigne queles investissements miniers n’ont pas d’influence majeu-re sur la diplomation en géologie. Pratiquement, on voitque contrairement au nombre annuel d’inscriptions, lenombre annuel de personnes diplômées comparé avecles investissements miniers annuels pour une période depresque 20 ans ne montre pas de corrélation.

Ce fait saillant est confirmé par les coefficients decorrélation calculés entre ces deux variables, puis regrou-pés dans le tableau 1. Ce tableau montre que, avec ou sans

décalage entre les années, les coefficients de corrélationrestent faibles, avec un maximum en absolu de 0,25 lors-qu’il n’y a aucun décalage, et un minimum quasimentnul de 0,03 lorsqu’il y a 2 ans de décalage entre les années.Ainsi, tout en gardant à l’esprit que la réussite scolairedépend de plusieurs facteurs qui sont en grande partieintrinsèques à la personne qui étudie, il apparaît que lespersonnes qui diplôment en géologie sont motivées parbien d’autres éléments que les investissements miniersannuels. Ces éléments,qui dépendent de nombreux autresparamètres et qui sont très variables d’une personne àune autre, forment les piliers fondamentaux sur lesquelsl’étudiant s’appuie au cours de son cursus académiquepour premièrement réussir, et par la suite accéder à l’exer-cice de la profession désirée.

Estimation des besoins de main-d’œuvre

Depuis 2010, le comité sectoriel de main-d’œuvrede l’industrie des mines (CSMO), l’Institut national desmines du Québec (INMQ), la Commission des partenairesdu marché du travail (CPMT) et Services Québec réalisentconjointement avec la Table jamésienne de concertationminière (TJCM) une évaluation prévisionnelle des besoinsde main-d’œuvre pour l’industrie minière sur un horizonde cinq ans. Cette étude prévisionnelle est mise à jourtous les deux ans. Les estimations de besoin de main-d’œuvre qui en découlent prennent en considération plu-sieurs éléments, particulièrement l’ouverture et la duréede vie des mines ainsi que la mobilité de la main-d’œuvre.

L’estimation des besoins de main-d’œuvre pourl’industrie minière la plus récente couvre la période 2019-2023, avec tendances 2028. Elles démontrent que 64 %des postes à pourvoir pendant cette période exigeront àl’entrée en fonction un diplôme d’études professionnelles,14 % une formation collégiale et 12 % une formation uni-

versitaire (CSMO Mines, 2019). Une cer-taine proportion d’emplois offerts sur lessites miniers, 10 %, ayant d’autres exi-gences à l’embauche. Cette dernière pro-portion sera amenée à diminuer au coursdes prochaines années, comme ledémontre l’analyse comparative 2013-2016-2019 du portrait de la formationdispensée par les entreprises minières àleur personnel. Dans ce rapport, il apparaît nettement que la proportion d’entreprises minières qui exigent un diplôme d’études profes-sionnelles ou secondaires pour accéder àFigure 3. La diplomation au Baccalauréat en géologie et les investissements miniers

Page 94: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

un poste d’entrée comme journalier ou apprenti ne cessede croitre. De plus,ce rapport fait état de nouveaux besoinsen formation du personnel minier, et il établit un classe-ment des compétences numériques qui seront les plusrecherchées par les entreprises minières au Québec dansun horizon de trois ans (Institut national des mines, 2021).

En outre, parmi les dix professions les plus recher-chées au Québec depuis 2019 et à l’horizon 2023, le pos-te de géologue est le seul qui nécessite une formationuniversitaire. De manière quantitative, 180 postes de géologue seront à pourvoir au Québec pendant cettepériode, surtout pour satisfaire aux besoins spécifiques respectivement des régions du Nord-du-Québec et del’Abitibi-Témiscamingue (CSMO Mines, 2019). En guise decomplément, il est important de souligner qu’en 2020, leCSMO Mines a également été publié le diagnostic secto-riel de l’industrie minière du Québec qui contient notam-ment le portrait de l’activité minière, celui des professionset les besoins actuels et futurs de main-d’œuvre. Ce docu-ment présente également un volet sur le développementdes compétences associé au virage numérique dans l’in-dustrie minière au Québec.

Conclusion La formation en géologie au Québec est un pro-

gramme dont la souplesse permet de s’adapter d’une partau marché du travail, et d’autre part à la réalité du viragetechnologique de l’industrie minière. La diversité géolo-gique du sol québécois permet aux jeunes bacheliers degéologie d’intégrer rapidement le marché du travail etd’établir tôt dans leur carrière des contacts profession-nels structurants pour l’avenir. L’accord franco-québécoissur la reconnaissance des diplômes et la validation desétudes, signé en 1996, permet aux étudiants français etquébécois de poursuivre leurs études universitaires engéologie aussi bien en France qu’au Québec. Cela estd’autant plus intéressant que, selon la plus récente esti-mation des besoins de main-d’œuvre, la profession degéologue est celle qui possède le plus grand nombre depostes à combler d’ici 2023 parmi les professions de niveauuniversitaire dans le secteur minier (CSMO Mines, 2019).Voilà une situation assez prometteuse pour envisager des’inscrire à un programme dans le domaine géologique oupour débuter prochainement une carrière en géologie.

Par ailleurs, au regard des courbes tracées pour lestrois variables que sont le nombre annuel d’inscriptions, lenombre annuel de diplômés et les investissements annuelsdans le secteur minier, il s’avère que les inscriptions au programme de Baccalauréat en géologie concordent avec la cyclicité des investissements miniers annuels. Ces

derniers ressortent donc comme un facteur d’attraction dela main-d’œuvre dans le domaine de la géologie, et plus globalement dans le secteur des mines. Par contre, l’absen-ce notable de corrélation en ce qui a trait au nombre dediplômés représente une information cruciale pour bienorienter les jeunes vers une carrière qui convienne à leursvaleurs et à leur personnalité. Pour aller plus loin, il seraitopportun de continuer à documenter de telles données,afinde vérifier si les remarques formulées pour les inscriptions auBac en géologie demeurent valables aux cycles supérieurs.

RéférencesCSMO Mines. (2019). Estimation des besoins de main-d’œuvredu secteur minier au Québec 2019-2023 avec tendances 2028.Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Bibliothèquenationale et Archives Canada. 56 p.https://www.csmomines.qc.ca/images/pdf/Section_corpo-rative/Publications/Etudes_sectorielles/EBMO_final.pdfCSMO Mines. (2020). Diagnostic sectoriel de l’industrie miniè-re du Québec. Bibliothèque et Archives nationales du Qué-bec. Bibliothèque nationale et Archives Canada. 104 p.https://www.explorelesmines.com/images/pdf/Section_cor-porative/Publications/Etudes_sectorielles/Diagnostic_secto-riel_VF_INTERACTIVE_PDF_r%C3%A9vis%C3%A9.pdfInstitut de la statistique du Québec. (2020). Évolution desinvestissements miniers par catégorie de dépenses, Québec,2003-2020.https://statistique.quebec.ca/fr/produit/tableau/evolution-investissements-miniers-categorie-depenses-quebec (consul-té 5 mai 2021).Institut Fraser. (2021). Annual survey of mining companies2020. 82 p.https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/annual-survey-of-mining-companies-2020.pdfInstitut national des mines. (2021). Portrait de la formationdispensée par les entreprises minières à leur personnel : ana-lyse comparative 2013-2016-2019. Études et rapports. Biblio-thèque et Archives nationales du Québec, 54 p.https://inmq.qc.ca/medias/files/Publications/Rapports_de_recherche/INMQ_Portrait_Formation_entreprise_miniere_2013-2016-2019.pdfMinistère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. (2021).Liste des établissements universitaires.http://www.education.gouv.qc.ca/universites/etudiants-a-luniversite/admission-a-luniversite/liste-des-etablissements-universitaires/ Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles.(2005). France : Guide de comparaison des études avec le sys-tème éducatif du Québec. Ministère de l’Immigration et desCommunautés culturelles du Québec. 22 p.Vaillancourt, J. et Marquis, R. (2018). La formation des géologues et des techniciens en ressources minérales au Québec et le marché de l’emploi. “Géologues”, 198, 94-98.

Géologues n°HS1

la formation

92

Do

ssie

r

Page 95: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. École Nationale Supérieure de Géologie, Université de Lorraine. Courriels : [email protected] et [email protected] 2. URSTM, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Courriels : [email protected] et [email protected] 3. Bureau de la Connaissance Géoscientifique du Québec (BCGQ), Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Courriel : [email protected] 4. Institut national des mines du Québec. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

la formation

93

Do

ssie

r

ÉCOLE ABITIBI : 11 années de partenariat Québec-France-Maroc dans la formation à l’exploration minièreAnne-Sylvie André-Mayer1, Denis Bois2, Alain Cheilletz1, Robert Marquis3, 4, Li-Zhen Cheng2 et Patrice Roy3.

En 2008, l’Université du Québec en Abitibi-Témis-camingue (UQAT), le ministère de l’Énergie et des Res-sources naturelles du Québec (MERN), et l’École Nationa-le Supérieure de Géologie (ENSG) ont créé l’École d’été engéologie de terrain (l’École Abitibi). L’objectif initial de ceprogramme était de répondre à la forte demande de main-d’œuvre exprimée tant par les organismes gouverne-mentaux que par l’industrie minière au Québec en for-mant des étudiants en géologie recrutés dans les pays dela Francophonie. L’École Abitibi existe maintenant depuis11 ans, et en 2017, la dixième édition a été l’occasion d’iden-tifier les facteurs qui ont assuré son succès et sa pérennité(Institut national des mines, 2018). Le présent article vousprésente les éléments forts de l’École Abitibi portés par unpartenariat unique depuis maintenant 11 ans.

Création de l’École d’été en géologiede terrain : l’École ABITIBI

Au moment de la création de l’École, en 2008, l’ex-ploration géologique au Québec était en pleine efferves-cence. Denis Bois, directeur de l’URSTM (UQAT), et RobertMarquis, directeur général de Géologie Québec au MERN,constataient un manque criant de géologues pour subveniraux besoins de main-d’œuvre, particulièrement en Abiti-bi-Témiscamingue et dans le Nord-du-Québec. Cette pénu-rie s’expliquait par un taux insuffisant de finissants dansles programmes de géologie des universités québécoisescouplé au fait que les nouveaux diplômés semblaient peuintéressés par des emplois situés en région.

À la même période, Alain Cheilletz, professeur àl’ENSG de l’Université de Lorraine (UL),en congé sabbatiquedu Bureau de l’exploration géologique de Géologie Qué-bec en Abitibi-Témiscamingue, reconnaissait pour sa partl’intérêt que présenterait un stage en contexte nord-amé-ricain dans le développement professionnel des étudiantsen géologie des universités françaises. Ce constat a conduitl’UQAT, l’ENSG et le MERN à élaborer un modèle uniqued’école de terrain qui permettrait aux étudiants des paysde la Francophonie d’acquérir une expérience profes-sionnelle qualifiante reconnue par les ministères des paysparticipants et qui augmenterait rapidement le nombrede géologues disponibles pour occuper un emploi enexploration minière au Québec.

Après six mois d’efforts et de concertation, la pre-mière cohorte de l’École Abitibi arrivait en mai 2008. Larapidité avec laquelle le projet s’est concrétisé repose engrande partie sur l’implication importante des trois insti-gateurs et leur excellente connaissance de leurs milieux res-pectifs. Le partage des responsabilités en fonction de l’ex-pertise de chacun a aussi été un gage de succès. Denis Boisétait responsable de la coordination à l’UQAT et de l’offrede stages en entreprises actives en exploration minérale auQuébec.Alain Cheilletz assumait la responsabilité du recru-tement et de la coordination des activités de promotionauprès des universités françaises. Robert Marquis super-visait la participation du personnel de Géologie Québec,pour la plupart des chefs d’équipes géologiques expéri-mentés,mais aussi du personnel technique dédié au déve-loppement de matériel pédagogique,ainsi que la mise à dis-position de tout le matériel nécessaire aux participants.

Le but premier du programme étant de favoriserl’entrée sur le marché du travail au Québec, la populationcible était des étudiants inscrits à la maîtrise qui devaientcompléter un stage en entreprise, ainsi que des étudiantsde troisième cycle. Les pays sélectionnés pour le recrute-ment des participants à l’École Abitibi, la France et leMaroc, l’ont été en raison de collaborations académiqueset professionnelles préexistantes. Le désir clairementexprimé dès le départ de promouvoir dans la Francopho-nie une carrière en exploration minière au Québec et defaire rayonner la qualité de la formation québécoise engéologie a aussi justifié ces choix.

Le processus de sélection à l’École AbitibiLe processus de sélection, qui se répète annuelle-

ment depuis maintenant 11 ans, débute dès l’automneprécédent l’arrivée des stagiaires au Québec.Voici les prin-cipales étapes à franchir avant le début des activités pro-prement dites de l’École :

Appel de candidatures de stagiaires. Cet appel a lieuen début d’année scolaire dans les institutions universitairesoffrant un programme de géologie en France et au Maroc.Le programme de l’École est alors présenté aux étudiantsinscrits en 2e ou 3e cycle universitaire en géologie des ressources minérales. Les étudiants qui montrent un inté-rêt sont invités à soumettre leur candidature.

Page 96: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Sollicitation du MERN et des entreprises.À l’automne,une sollicitation de vive voix faisant état des modalités duprogramme et de l’implication attendue est réalisée parl’UQAT auprès du MERN et des entreprises actives en explo-ration minière au Québec étant susceptibles d’engager unou des stagiaires en géologie l’été suivant. À noter que leMERN a toujours accueilli des stagiaires de l’École Abitibi etqu’il s’agit surtout d’en établir le nombre.

Sélection des stagiaires. Les candidats qui soumet-tent leur candidature doivent être recommandés par unprofesseur de leur université d’origine. En France, la sélec-tion repose principalement sur la qualité de la recom-mandation d’un professeur, les résultats académiquessont pris en considération seulement dans un secondtemps. C’est pourquoi la participation de plusieurs pro-fesseurs français au cours des premières années de l’im-plantation de l’École a été très importante (Fig. 1). En effet,les années suivantes, c’est leur connaissance intime descaractéristiques de l’École qui leur ont permis de recom-mander des candidats correspondant au profil recherché,pour une intégration réussie au sein de l’École Abitibi etdu stage en entreprise.

Le processus de sélection pour les stagiaires pro-venant du Maroc a été différent. La sélection se faisaitdavantage sur la base des résultats académiques et sur unealternance entre les établissements universitaires maro-cains. Certains candidats sélectionnés n’avaient donc pasnécessairement le profil recherché pour accomplir les tra-vaux d’exploration sur le terrain qui sont également unecomposante importante de l’École. C’est à partir de 2010qu’un géologue chevronné de Géologie Québec, et dis-posant d’un large réseau de contacts dans les universitésmarocaines, a pris la responsabilité de la sélection, ce quia grandement contribué à une sélection plus homogènedes candidatures françaises et marocaines (voir figure 1).

Confirmation du MERN et des entreprises partici-pantes. Le MERN et les entreprises qui désirent accueillirun ou des stagiaires informent de leur intention le res-ponsable de l’UQAT au plus tard en janvier. Elles doivent,par la suite, fournir une description du ou des stages enprécisant la nature des travaux à effectuer.

Deux conditions sont essentielles à toutes les pro-positions de stage :

le stagiaire doit bénéficier d’un encadrement structurépar un professionnel expérimenté ;les tâches réalisées doivent être diversifiées et non répétitives.

En effet, les stages doivent exposer le stagiaire à ungrand nombre de facettes du métier, afin qu’il puisseapprécier la richesse de la pratique de la géologie d’ex-ploration. Le jumelage des stagiaires et des entreprisesest fait par les responsables de l’UQAT et de l’ENSG enfonction des descriptions reçues des entreprises et desprofils des candidats retenus. Les entreprises doivent doncs’en remettre au jugement des responsables de l’École.Au cours des années 2014-2016, un ralentissement impor-tant des activités d’exploration pendant un cycle écono-mique baissier des investissements miniers a fait en sor-te que le MERN était la seule organisation accueillant lesstagiaires formés à l’École Abitibi.

Annonce des candidats retenus. Une dernière analy-se des candidatures reçues se fait au Québec,à la fin du moisde novembre, lors du congrès annuel Québec Mines organi-sé par le MERN. Une fois informés que leur candidature estretenue,les étudiants formalisent par écrit leur engagementà demeurer dans un milieu isolé et à accepter les décisionsqui seront prises par les responsables de l’UQAT à leur sujet,notamment le choix de l’entreprise qui les accueillera à la finde la session universitaire. Les stagiaires ont la responsabi-lité d’entreprendre eux-mêmes, avec le soutien de l’UQAT,les démarches nécessaires à l’obtention de leur visa de séjourau Canada. Ils doivent aussi réserver et payer leurs frais de transport à destination de l’Abitibi ainsi qu’acquérir l’équipement personnel nécessaire à leur séjour.

Contenu des cours et activités de stageL’École d’été en géologie de terrain débute offi-

ciellement en mai par une session de formation univer-sitaire intensive répartie sur deux semaines. Par la suite,les stagiaires effectuent un stage de terrain d’une duréeapproximative de trois mois, en entreprise ou dans uneéquipe de cartographie de Géologie Québec.

La session universitaire de l’École correspond à uncours intensif de deuxième cycle d’une durée de deux

Géologues n°HS1

la formation

94

Do

ssie

r

Figure 1. Répartition géographique en France et au Maroc des participantsaux éditions 2008-2018 de l’École Abitibi en fonction de l’Université : sontindiqués en blanc le nombre d’étudiants, et en orange le nombre de formateurs français et marocains impliqués entre 2008 et 2018.Source :Institut national des mines, 2018.

Page 97: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

la formation

95

Do

ssie

r

semaines. Les étudiants sélectionnés possédant d’embléede bonnes connaissances théoriques en géologie, le conte-nu du cours a été élaboré pour leur fournir des connais-sances complémentaires de la géologie en contexte nord-américain, auxquelles s’ajoutent des méthodes de travailspécifiques, propres à l’exploration géologique en milieuisolé. La formation dispensée est donnée en majeure par-tie par des professeurs réguliers de l’UQAT et par des chefsexpérimentés d’équipes géologiques du MERN accom-pagnés par deux enseignants, un de l’ENSG et un prove-nant d’une autre université française ou marocaine. Lesétudiants assistent à un exposé magistral le soir, et soncontenu est mis en pratique dès le lendemain sur le ter-rain (Fig. 2A et E). De nombreuses visites de sites géolo-giques et miniers font partie du programme, incluant destravaux en carothèque (Fig. 2D et F), sur décapage, ainsi

qu’une descente sous terre à la mine aurifère LaRonded’Agnico Eagle (Fig. 2B et C).

Facteurs facilitant la mise en œuvre Les instigateurs de l’École reconnaissent que sa

mise en œuvre a été grandement facilitée par deux facteurs déterminants :

Le premier est lié au réseau de contacts dont ils dispo-saient au moment de créer l’École Abitibi. Par le biais dece réseau, ils ont pu recruter les partenaires indispen-sables au projet, 1) les professeurs québécois pour laformation et l’accompagnement sur le terrain, 2) lesprofesseurs étrangers qui encadrent le processus desélection des candidats français et marocains à l’échellenationale (voir figures 1 et 3), 3) les entreprises qui reçoi-vent et supervisent les stagiaires inscrits à l’École Abi-tibi. Près du tiers des formateurs et des collaborateurs,respectivement 33% et 30%, sont encore actifs après 10ans d’implication (Fig. 3). Cette stabilité explique engrande partie la pérennité de l’École.Le deuxième facteur est la connaissance approfondie dela géologie régionale et du milieu industriel. Une connais-sance fine des enjeux techniques a d’abord permis dedévelopper un contenu de cours pertinent, répondanttant aux besoins des étudiants qu’à ceux des entre-prises qui les reçoivent. La prise en compte des besoinsde main-d’œuvre des entreprises d’exploration activesau Québec a également contribué à susciter leur inté-rêt pour ce programme.

Les principaux défis auxquels ont été confrontésles responsables de l’École Abitibi se rapportent davantageà des facteurs externes et variables dans le temps. Toutd’abord, les exigences administratives pour obtenir àtemps, toutes les autorisations de séjour au Canada ontévolué avec le temps, surtout pour les ressortissants maro-cains. Ensuite, le ralentissement majeur des activités d’ex-ploration observé dans l’industrie minière à compter de2013 a eu des répercussions néfastes sur le nombre destagiaires que les entreprises accueillent chaque année.

Figure 2. A. Exercice de cartographie de faciès volcaniques. B. et C. Cohor-te 2012 en visite à la Mine LaRonde (Agnico Eagle), avec exercice de car-tographie en galeries. D. Cohorte 2013 en exercice de logging à la carothèquede Globex. E. Cohorte 2018 en visite sur une exploitation de sable et de gra-vière dans un esker, est de l’aéroport de Rouyn-Noranda. F. De l’or ! Visitede la carothèque de Yorbeau, projet Augmitto.

Figure 3. A. Durée de l’implication des formateurs (semaine de cours intensifs) et des collaborateurs (stage en entreprise). Bilan effectué entre 2008 et 2017lors de la 10e édition de l’École Abitibi. B. Pour les formateurs actifs, proportion d’implications des trois pôles impliqués dans l’École Abitibi : Universités québécoises (1), universités étrangères (2), MERN (3), et entreprises privées (4). Source : Institut national des mines, 2018.

Page 98: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

En conséquence, le nombre de places disponibles pourles participants de l’École Abitibi a diminué fortemententre 2014 et 2017 (Tableau 1).

Satisfaction envers le modèle de l’École d’été en géologie de terrain

L’évaluation de la satisfaction des participants aété réalisée à partir des documents conservés par l’UQATdepuis la mise en œuvre de l’École. Chaque année, à la findu stage en entreprise, les étudiants et leur superviseur ontà remplir séparément un questionnaire pour évaluer leurexpérience personnelle.

Satisfaction des étudiantsLe questionnaire rempli par les étudiants portait sur

leur satisfaction à l’égard de l’École et sur les démarchesentreprises de leur part pour faciliter leur entrée sur lemarché du travail ou la poursuite de leurs études. Ilsdevaient également énumérer les tâches réalisées pendantleur stage et leur appréciation de la préparation offerte parleur employeur avant le début des travaux sur le terrain.Parmi les tâches les plus couramment réalisées lors desstages, on retrouve la cartographie, la participation auxcampagnes de forage, la prospection, la réalisation demodélisations 3D. Le taux de satisfaction exprimé par lesstagiaires immédiatement à la fin de leur stage de terrainest de 98 %. Les stagiaires font ressortir leur appréciationdu travail de géologie d’exploration en milieu isolé.

L’approche pédagogique axée sur la pratique adop-tée pendant la session universitaire intensive est égale-ment invoquée pour exprimer leur satisfaction. Cetteapproche leur a permis d’acquérir une grande quantitéde connaissances et de savoir-faire utiles à la pratique dela géologie en contexte nord-américain. Ils considèrentde façon unanime leur participation à l’École comme unfacteur ayant facilité leur intégration ultérieure sur le mar-

ché du travail. L’intérêt pour le contexte géologique qué-bécois et plus spécifiquement, celui de l’Abitibi-Témisca-mingue où se déroulent les activités académiques de l’École précédant le stage en entreprises, était égalementune source de motivation. Ce contexte abitibien est par-ticulièrement attrayant, se distinguant fortement descontextes géologiques existants en France et au Maroc. Lesrépondants qui sont restés au Québec à la suite de leur sta-ge ont justifié cette décision par la possibilité d’acquérirune expérience professionnelle additionnelle enrichis-sante.

En ce qui concerne les répondants français et maro-cains ayant quitté le Québec après leur stage, 19 % ontdécidé de poursuivre leurs études et 25 % ont reçu une offred’emploi intéressante dans leur pays d’origine.Toutefois,44 % des répondants ont mentionné avoir pris la décisionde quitter le Québec faute d’avoir décroché un emploirépondant à leurs attentes.

Évaluation des stagiaires par les superviseursL’évaluation portait sur deux domaines distincts, le

comportement général pendant le stage et les aptitudesprofessionnelles. L’évaluation du comportement généralau cours du stage porte spécifiquement sur : la présen-tation, la conscience professionnelle, le dynamisme, laténacité au travail, la clarté de l'expression, l’attitude vis-à-vis leur entourage, le souci de l'ambiance de travail et l’es-prit d'équipe. Le comportement général, l’esprit d’équipe etla ténacité au travail sont les critères qui obtiennent lesplus hauts résultats avec un score moyen pour toutes lescohortes de 4,7 sur une échelle de 5. Les résultats obtenuspour ces deux critères ont également progressé respecti-vement de 8% et de 10% entre 2008 et 2016.

L’évaluation des aptitudes professionnelles regrou-pe les connaissances techniques, l’organisation et lesméthodes, le jugement, la curiosité, l’efficacité dans le tra-vail, l’initiative, l’adaptabilité, l’imagination pratique etla faculté à convaincre. En règle générale, les supervi-seurs évaluent positivement le comportement et lescompétences des stagiaires issus de l’École. Les aptitudesprofessionnelles et l’adaptabilité des stagiaires en entre-prise obtiennent une note de 4,8 pour l’ensemble descohortes. Cette évaluation demeure constante dans letemps. Le deuxième critère le mieux coté est la curiosi-té, qui obtient une note de 4,6 avec une augmentationde 12 % entre 2008 et 2016. À l’inverse, la faculté àconvaincre est l’aptitude la moins maîtrisée avec unenote de 3,8 et aucune variation dans le temps. Il est inté-ressant de constater que l’esprit d’équipe était la com-pétence la mieux cotée par les superviseurs à la fin desstages, ce qui correspond également à la perception des

Géologues n°HS1

la formation

96

Do

ssie

r

Tableau 1. Nombre moyen de stagiaires par cohorte en fonction des fluctuations économiques du secteur minier. La première période, de 2008à 2013, est associée à un cycle minier favorable, alors que la deuxièmepériode, de 2014 à 2017, est associée à un fort ralentissement des investis-sements en exploration minière. L’édition 2018 a permis d’accueillir dixétudiants traduisant une reprise de l’activité d’exploration. Source : modi-fié d’après Institut national des mines, 2018.

Page 99: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

la formation

97

Do

ssie

rstagiaires. Lorsqu’ils comparent les stagiaires issus de l’École aux autres sta-giaires qu’ils encadrent habituellement,les superviseurs constatent que leurniveau de scolarité, leur curiosité et leurgoût d’apprendre sont supérieurs. Lessuperviseurs s’entendent également surle fait que la session intensive de l’Éco-le qui précède le stage en entrepriseconstitue une bonne occasion d’acqué-rir des compétences utiles au travail deterrain au Québec. Ils mentionnent aus-si que certains stagiaires embauchés àla fin de leur stage ont facilité le recru-tement d’autres géologues étrangersgrâce au bouche-à-oreille et à leurscontacts universitaires en France et auMaroc. Les superviseurs sont unanime-ment favorables à la poursuite de la par-ticipation de leur entreprise aux éditionsultérieures de l’École et ils recomman-deraient sans réserve les stagiaires del’École à une autre entreprise désirantaccueillir des stagiaires en géologie.

Enquête auprès des ex-stagiaires en 2016

En 2016, l’UQAT a effectué une enquête auprès detous les stagiaires ayant participé à l’École depuis 2008,envue d’obtenir des informations à propos de leur mobilitéet de leur parcours professionnel. L’analyse de mobilité desparticipants à l’École donne des résultats différents selonque l’on considère la période de cycle minier favorable, quia duré de 2008 à 2013, ou la période de ralentissementéconomique particulièrement marquée entre 2014 et 2016(Fig. 4 et Fig. 5). En effectuant l’analyse de leur mobilité enfonction de ces deux périodes, on constate que les sta-giaires de la période de cycle minier favorable sont plusnombreux à être demeurés au Québec (31% de 2008 à2013, et 75 % en 2017 comparativement à 23 % de 2014 à2016). Les premières cohortes reçues ont donc positive-ment contribué aux activités d’exploration géologique auQuébec sur une période significativement plus longue quela durée de leur stage. Bien que les stagiaires soient moinsrestés au Québec de 2014 à 2016, leur proportion demeuresignificative (23 %). Par ailleurs, en période de ralentisse-ment économique, on constate une tendance inverse,57 % des stagiaires de la période 2014 à 2016 étant retour-nés dans leur pays d’origine à la fin du stage.

Cette analyse fait ressortir également qu’en pério-de de cycle économique moins favorable, l’École a contri-bué au rayonnement international de la formation miniè-re offerte au Québec puisque 20 % des participants ontexercé leur profession ailleurs qu’au Québec ou que dansleur pays d’origine, notamment en Australie, aux États-Unis, en Nouvelle-Calédonie, au Burundi et aux Pays-Bas.Cette relance a également permis de documenter le par-cours professionnel des participants en répertoriant leursoccupations professionnelles (voir figure 5). Au momentde la relance de 2016, la proportion de participants despremière et deuxième périodes occupant un emploi engéologie était équivalente, respectivement de 49% et de46%. On constate une différence significative de la pro-portion de participants qui occupaient un emploi dansun domaine autre que la géologie entre les deux périodes(13% de 2008 à 2013, comparativement à 4% de 2014 à2016). La proportion de participants poursuivant leursétudes universitaires en 2016 est de loin supérieure pourla deuxième période (33% contre 11%).

Figure 4. Lieux de résidence actuelle des anciens participants de l’École Abitibi. Source : modifié d’aprèsInstitut national des mines, 2018.

Figure 5. Occupation professionnelle des anciens stagiaires. Source : modifié d’après Institut nationaldes mines, 2018.

Page 100: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Les piliers de l’École : les partenariatsAprès onze éditions de l’École Abitibi, le bilan de ce

programme d’échange international est largement positif.Initialement conçue pour pallier à une situation conjonc-turelle, et à un manque temporaire de main-d’œuvre qualifiée dans le domaine de la géologie d’exploration,l’École Abitibi a eu des retombées importantes à long ter-me, qu’il était difficile d’imaginer lors de la première édition en 2008. Cette réussite met en lumière l’impor-tance de la richesse des réseaux de contacts pour expliquerle développement et la pérennité de l’École.

Tout d’abord, les réseaux respectifs des trois prin-cipaux responsables ont facilité la création de l’École.Ensuite, les réseaux ont été un facteur contributif essen-tiel pour adapter le contenu de la formation au bénéficerespectif des stagiaires et des entreprises participantes.Finalement, plusieurs intervenants considèrent que l’élar-gissement de leur réseau de contacts résulte directementde leur participation et de leur implication personnelledans l’École, les stagiaires en ayant particulièrement béné-ficié à leur arrivée sur le marché du travail.

Les réseaux de contacts, ainsi constitués et

nourris annuellement,garantissent la promotion de l’Écoledans les entreprises ayant recruté d’anciens participantsqui en deviennent les ambassadeurs au Québec, en France, au Maroc et dans plusieurs autres pays.

ConclusionTant que l’École Abitibi entretiendra sa capacité à

maintenir sa dynamique interne, tout en se réinventantconstamment pour assurer sa pertinence et répondre auxvéritables besoins, elle jouera encore, pendant de nom-breuses années, un rôle important de formation de per-sonnel hautement qualifié et valorisera et fera rayonnersur la scène internationale, la qualité de l’expertise enexploration minérale et de la formation en géologie dispensée au Québec.

BibliographieInstitut national des mines du Québec, 2018. Por-

trait de l’école d’été en géologie de terrain :de l’importancedes partenariats. Université de Lorraine, Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, DV-2018-02. 28 p.

Géologues n°HS1

la formation

98

Do

ssie

r

Page 101: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Professeurs à l’université d’Orléans, Directeurs successifs du master EGERM. Courriels : [email protected] et [email protected]

Géologues n°HS1

la formation

99

Do

ssie

r

Master Exploration et Gestion des Ressources Minérales (EGERM) de l’Université d’Orléans : un essai de bilan après 18 ans d’existence et 200 géologues formésEric Marcoux et Stanislas Sizaret1.

EGERM (Exploration et GEstion des RessourcesMinérales) est un master 2 professionnel, internationalcréé conjointement en septembre 2001 (avec le statut deDESS), par l’Université d'Orléans et l’Université du Québecà Montréal (UQAM). Le diplôme délivré est reconnu par lesdeux Universités. La formation se déroule sur un an, avecun enseignement à l’UQAM de début septembre à mi-décembre puis à Orléans de début janvier à fin mars, et setermine par un stage en entreprise d’une durée habituellede cinq ou six mois, qui peut se dérouler en France, ou àl’étranger, souvent au Québec. La 18ème promotion par-tira au Québec fin août 2018. Il apparaît donc judicieuxde faire un point et de dégager quelques perspectives.

La formation et ses spécificités des premières années

La formation est clairement axée sur les ressourcesminérales au sens large. Afin d’ouvrir au maximum lescompétences et les possibilités d’emploi, elle combine unenseignement en ressources minières, essentiellement dis-pensé à Montréal, avec un enseignement en ressources descarrières (minéraux industriels et matériaux de construc-tion) à Orléans,un choix qui reflète les compétences indus-trielles respectives des deux pays et leurs besoins en cadresdans ces domaines.

Cette ouverture permet aux étudiants d’avoir unchoix de métiers relativement large, combinant ceux del’industrie minière avec ceux des minéraux industriels etdes granulats, même si statistiquement la première estdominante dans les emplois occupés. Le séjour au Québeccomprend la participation à Québec Explo, le grand congrèsquébécois de l’exploration minière qui leur permet decôtoyer les compagnies minières,d’apprécier leurs besoins,de voir leur manière de travailler et d’obtenir des stages.

Les étudiants acquièrent des compétences dansle domaine des ressources minérales avec des volets com-plémentaires, certains clairement appliqués (prospection,cartographie…) et d’autres plus académiques (métallo-génie et modèle de gisements, conditions de dépôt desminéralisations…). Un accent fort est mis sur les outilsinformatiques et géomatiques utiles en exploration, en

exploitation, jusqu’à l’élaboration de modèles 3D de gise-ments. Les étudiants diplômés visent à devenir des pro-fessionnels disposant de compétences mises au service del'exploration, de la gestion raisonnée et de la réhabilita-tion des ressources du sol et du sous-sol. Ils peuventraisonnablement espérer des postes de géologue dansdes équipes de prospection minière ou de minéraux indus-triels, de responsable de carrière, mais également dansdes domaines plus environnementaux de réhabilitation enmine et carrière, voire dans des domaines d’aménage-ment du territoire.

Après la formation généraliste de licence, leur for-mation de master 2 comprend deux points forts initiésdès la première année de master à Orléans : la géologie desressources minérales dans leur contexte économique, et lamaîtrise des techniques avancées en informatique appli-quée aux géosciences : la géomatique. Une forte compo-sante terrain est maintenue par un module de 12 joursen master 1, puis deux modules totalisant de 15 à 20 joursen master 2. Ce chaînage est bien compris des étudiantsqui arrivent de plus en plus nombreux à Orléans dès lemaster 1 et non plus en master 2. Les effectifs EGERM sesont rapidement établis vers la dizaine d’étudiants (Fig. 1),le maximum admissible étant 15.

L’enseignement à Québec comprend cinq modulesau choix (15 ECTS, European Credit Transfer System) :

métallogénie et concepts d'exploration minière abordantles grands types de gisements miniers, les provinces

Figure 1. Effectifs du parcours EGERM depuis 2001. Source : OSUC-Université d’Orléans.

Page 102: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

métallogéniques, les techniques de prospection et lamétallogénie régionale ;géotectonique minière avec notamment la déforma-tion des gîtes minéraux soulignant l’importance de lagéologie structurale en domaine minier ;stage de terrain alliant cartographie et métallogénie ensecteurs miniers avec visites de mines (Photos 1 et 2) ;mondialisation, un module de géoéconomie minièretraitant de la place des ressources minérales dans lamondialisation et de l’évolution de la consommationet des réserves ;communication en sciences de la Terre, afin de familia-riser les étudiants avec les différentes techniques deprésentation des résultats.

L’enseignement à Orléans comprend égalementcinq modules (15 ECTS) :

minéralogie appliquée et caractérisation des matériaux,traitant des techniques de caractérisation (métallo-graphie, microsonde…) et de matériaux comme lesMIOMs (mâchefers d’incinération des ordures ména-gères), les charges minérales et les céramiques ;gestion environnementale des mines et carrières pourune sensibilisation à leur impact environnemental et àleur réhabilitation ;informatique appliquée aux géosciences, notammentl’analyse d’images, la télédétection, les bases de données,et les systèmes d'information géographiques (SIG) avecutilisation de Mapinfo, Arcview ;ressources minérales sensu lato abordant des aspectsdivers essentiels de l’exploitation (géotechnique, cal-culs d’échantillonnage) et des matériaux (essais etdémarche qualité sur granulats, calculs d’altérabilité,blocométrie) ;stage de terrain avec visite de sites d’extraction de res-sources minérales.

Ce tronc commun a été maintenu jusqu’à aujour-d’hui, avec des aménagements liés aux évolutions de lamaquette d’enseignement.

La période 2013-2018 : évolution de l’appellation et arrivée de l’ENAG

La création de l’ENAG (Ecole Nationale d’Applicationsdes Géosciences) au BRGM en 2010 puis son intégration aumaster de l’OSUC,composante de l’université d’Orléans,en2013 n’a pas modifié l’acronyme EGERM (Exploration etGEstion des Ressources Minérales) qui commence à êtrebien connu.EGERM disparu un temps des titres de l’offre deformation de l’OSUC (même si les modules et l’échange

avec l’UQAM ont perduré), a fait son retour en 2015, avecune évolution significative : le « GE » voulant dire « GEo-matique » et non plus « Gestion », soulignant ainsi l’im-portance de la géomatique dans cette formation.

L’arrivée de l’ENAG dans le giron de l’OSUC a été par-fois perçue par une part de la population étudiante com-me deux parcours « ressources minérales » concurrents.Il n’en est rien, les deux formations sont certes prochesmais possèdent leurs spécificités propres, avec notam-ment un planning d’enseignement différent et des séjoursà l’étranger différents. Toutes deux préparent à des car-rières dans le domaine des ressources minérales. Les effec-tifs EGERM sont restés stables autour de 10 (voir figure 1),avec une baisse ponctuelle en 2017-2018.

La maquette 2018-2022 verra une évolution signi-ficative, en phase avec l’évolution des universités vouluepar les directives gouvernementales. La mention du mas-ter est désormais « Sciences de la Terre et des Planètes,Environnement ». Le master comporte deux parcours :Geo2Env, principalement dédié à l’environnement, et G3

(pour Géoressources, Géomatique et Géodynamique) quirassemble les deux parcours EGERM et ENAG et la géo-dynamique, et reste très axé sur les ressources minérales.Les étudiants disposent d’une offre modulaire élargie, etconservent la possibilité de bénéficier d’un séjour de 4 à

Géologues n°HS1

la formation

100

Do

ssie

r

Photo 1. Promotion 2013 - 2014 lors du stage de terrain en Abitibi (Québec).Crédit Photo : UQAM.

Photo 2. Promotion 2016 - 2017 : visite de la mine d’or Eleonore (Québec).Crédit Photo : UQAM.

Page 103: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Géologues n°HS1

la formation

101

Do

ssie

r5 mois à l’UQAM de Montréal, comme dans l’ancienEGERM. En outre, la plupart des modules de l’ancien ENAGsont conservés avec une modularité plus forte.

Les débouchés professionnels et les relations avec les industrielsLes stages de fin d’étude

Le contact professionnel commence dès le stage defin d’étude en entreprise. Le panorama des entreprisesayant reçu des stagiaires est large et reflète bien l’éven-tail très ouvert de la formation. On y rencontre des com-pagnies minières françaises (AREVA, ERAMET et sa filialenéocalédonienne SLN de Nouméa, Variscan Mines, Sud-mines…) et étrangères, notamment canadiennes juniorset majors (Aurizon, Azimut, IOS Chicoutimi, Avion Gold-Corp, IamGold…) et pétrolières (Total), entreprises de tra-vaux publics et de minéraux industriels (Imerys, Vicat,CEMEX, SIBELCO, Lafarge, Eurovia, SACER…), bureauxd’études (BRGM Orléans, COMIREM Châteauroux…), oulaboratoires techniques (LRPC Clermont-Ferrand, DIMENCde Nouméa…) etc. Près de 40% des stagiaires entamentleur carrière professionnelle par un contrat dans l’entre-prise qui les a accueillis en stage.

Les phases bien connues de l’industrie minière, oùalternent embellies et dépressions avec une longueurd’onde de 3 à 5 ans, ont un impact fort sur les statistiquesd’embauche. Cependant ces phases affectent beaucoupmoins les entreprises de minéraux industriels et de gra-nulats, et la pluridisciplinarité d’EGERM a permis d’atté-nuer cet impact. Actuellement (2018), la reprise minièremondiale amorcée se traduit bien par une offre de stagesen nette progression, notamment au Canada.

Les emploisNous avons réalisé une enquête auprès des 188

étudiants français actuellement diplômés de ce cursus etnous avons obtenu des réponses de 160 d’entre eux. Plusde 95 % ont un emploi, la répartition se faisant comme suit(Fig. 2) :

39 % dans les sociétés minières et de prospection enFrance (AREVA, SLN-ERAMET,Variscan Mines, E-mines…),en Nouvelle-Calédonie (Glencore, SLN), au Canada (Iam-Gold, Avion Gold Corp, Aurizon, IOS, Omagalpha, Géo-Nordique, Genivar…). Ils sont de façon générale sur deschantiers de prospection ou sur des sites miniers ;15 % dans les carrières et minéraux industriels (IMERYS,Lafarge, SACER, CEMEX,Vicat Chambéry, Eurovia…). Leurrôle va de la prospection de nouvelles ressources, à laréhabilitation de sites d’extraction en passant par la

gestion du foncier et de l’exploitation ;12 % dans des bureaux d’étude de taille locale à natio-nale (COMIREM,Géotech,GEOTER…) où ils accomplissentdes études géotechniques, environnementales (stabili-té de sols, détection de pollution…) ou autres, où leurscompétences en géomatique est largement reconnueet appréciée ;16 % poursuivent en doctorat, en France ou au Québec,avec une forte progression ces dernières années.

Il est important de noter que tous ont un emploidans le domaine des Sciences de la Terre et, pour plus de 85 % d’entre eux, dans les ressources minérales. Le délaid’embauche est en général relativement court : certainsarrivent à la soutenance du stage de fin d’étude avec uncontrat déjà signé. Le retour au Québec était la règle pourenviron 35 % des étudiants jusqu’en 2008. La reprise miniè-re actuelle au Québec redonne des perspectives permet-tant d’envisager une carrière minière au Québec. Ceschiffres résultent des dernières informations dont nous dis-posons ; ils prennent en compte les évolutions de carriè-re (dans la mesure où nous en sommes informés). L’envi-ronnement, si cher aux étudiants actuels, n’est pasindividualisé car il est transverse à la plupart de ces acti-vités : plusieurs anciens œuvrent pour l’environnementlorsqu’ils sont en charge de réhabilitations, en mines ouen carrières, ou de mesurer l’impact éventuel d’une pollution ou d’une exploitation.

Réflexions et perspectivesLes résultats très encourageants d’EGERM (et bien-

tôt de G3 !), résultent d’une formation en phase avec lepanorama actuel de l’emploi dans le domaine des géos-ciences. La complémentarité Québec - France est un atoutmajeur de cette excellente insertion. Les avis recueillisauprès des entreprises montrent qu’elles apprécient lapalette de compétences, qui associe le « théorique » des

Figure 2. Les emplois par secteurs à la sortie de la formation EGERM.Source : OSUC.

Page 104: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

modèles métallogéniques au « pratique » du terrain etde la géomatique,ainsi que par l’expérience internationale.Le séjour au Québec permet une immersion dans le mon-de minier et dans une société nord-américaine où la mineest un point fort de l’industrie nationale. Beaucoup decontacts noués à cette occasion se concrétisent par unstage et/ou une embauche.

Les premières promotions ont bénéficié d’un renou-veau fort de la mine au Canada et dans le monde. Ensui-te, à partir de 2008, l’arrivée dans une phase de « dépri-me minière » s’est traduite par un déplacement del’équilibre des embauches d’un pôle minier vers un pôle « matériaux de carrière ». Depuis 2014-2015 et une aug-mentation du nombre de doctorants, le redressementminier mondial se marque par une plus forte demande dediplômés EGERM. Cette formation accompagne égale-ment le renouveau minier national souhaité par le gou-vernement : les nouvelles compagnies minières françaises,Sudmines, e-mines et surtout Variscan Mines ont propo-sé des stages et, pour certaines (e-Mines,Variscan mines),embauché des diplômés EGERM.

Un autre atout est le soutien actif de profession-nels (BRGM, COMIREM…) dont bénéficie la formation. Ilpermet de maintenir un contact permanent avec le mon-

de du travail, et aux professionnels de mieux juger lesétudiants et leurs capacités. Le programme subit ainsichaque année des inflexions afin d’assurer une cohéren-ce toujours plus en phase avec l’évolution du marché del’emploi. La dualité mines - carrières n’est cependant pasremise en cause et assure une base stable pour l’avenir.

Après dix-huit ans d’existence, EGERM est main-tenant une formation connue, demandée et appréciéedes employeurs. De nombreux anciens sont maintenantà des postes de responsabilité et proposent régulière-ment des offres de stages auxquelles postulent avec suc-cès des étudiants EGERM, créant ainsi une dynamiquefavorable. Un site Web (http://egerm.actifforum.com),créé par les anciens étudiants et alimenté par eux, fonc-tionne,facilement accessible avec Google,et sur lequel voi-sinent offres d’emplois, tuyaux de stages, souvenirs duQuébec (ou de France), anecdotes, et photos d’ambiance.La pérennité d’EGERM est due au fait que cette forma-tion répond aux besoins d’une industrie, certes sujette àdes périodes de dépression, mais qui demeure forte etcompétitive. Le taux d’embauche très encourageant restela meilleure des plaquettes publicitaires et la plus belle dessatisfactions pour les enseignants.

Géologues n°HS1

la formation

102

Do

ssie

r

Page 105: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

1. Curateur du Musée de géologie Renée-Bureau de l’Université Laval. Courriel : [email protected]

Géologues n°HS1

la formation

103

Do

ssie

r

Portrait des grandes collections géologiques universitaires du QuébecOlivier Rabeau1.

Les collections de géologie sont nombreuses dans laProvince canadienne de Québec qui représente un territoirepossédant une grande variété géologique et des sites miné-ralogiques et fossilifères d’exception ainsi qu’un sous-sol très riche en ressources minérales. Les collections géolo-giques de la province se concentrent dans quelques muséeslocaux, qui sont souvent localisés dans d’anciennes régionsminières (Thetford Mines - www.museemineralogique.com,Malartic - www.museemalartic.qc.ca) ou sur le site de certainslieux fossilifères réputés comme celui de Miguasha dans lapéninsule gaspésienne, qui est inscrit sur la Liste du patri-moine mondial de l’humanité comme étant le « site fossili-fère le plus représentatif du Dévonien » (Fig. 1). Les institutionsd’enseignement scientifique du Québec, à l’image des éta-blissements similaires ailleurs dans le monde,possèdent aus-si des collections géoscientifiques comprenant des minéraux(Fig.2), fossiles et roches. Cet article dresse un bref portrait descollections universitaire du Québec et leur historique. Par lasuite, les défis auxquels ces collections font face au XXIe siècleseront passés en revue.

Les universités ne sont pas les seules institutions d’en-seignement possédant des collections géologiques : on enretrouve aussi dans les collèges d’enseignement technique.Par contre ces derniers possèdent typiquement des collec-tions plus limitées qui sont centrées sur l’enseignement. Lescollections universitaires sont habituellement plus variéeset remplissent plusieurs fonctions. Leur rôle principal est,bien entendu, d’appuyer l’enseignement de premier cycle ensciences de la Terre en permettant l’accès à une grande variétéde spécimens dont certains peuvent être très rares ou desources maintenant inaccessibles. Ces collections se veulent

souvent plus systématiques et contribuent aussi au maintiendu patrimoine géologique. Les collections géologiques uni-versitaires sont aussi sollicitées afin d’appuyer la recherche parle biais d’emprunts aux fins d’analyses ou d’observation dansle cas des fossiles. Finalement, ces collections ont un rôled’introduction des géosciences auprès du grand public par lebiais de prêts à diverses expositions. Quelques établisse-ments d’enseignement hébergent même des musées danslesquels les collections géologiques sont exposées et quisont ouverts au public et aux groupes scolaires.

Deux établissements de la Province de Québec abritentun Musée dans lequel quelques milliers de spécimens de leur col-lection géologique sont exposés. Il s’agit de l’Université Laval deQuébec et l’Université McGill à Montréal où l’on trouve le Muséede géologie Renée-Bureau (www.musee-geologie.ulaval.ca) etle Musée Redpath (www.mcgill.ca/redpath/) respectivement.Ces deux universités québécoises possèdent les collections lesplus volumineuses de la province puisqu’elles représentent lesétablissements les plus vieux et qu’en grande partie, les collec-tions géologiques ont principalement été rassemblées au coursdu XIXe et du début du XXe siècle alors que les sciences miné-ralogiques étaient en plein essor. Les établissements d’ensei-gnement plus jeunes offrant un programme d’étude en sciencesde la Terre (Université du Québec à Montréal et Université duQuébec à Chicoutimi) possèdent certes des collections géolo-giques, mais l’engouement à la création de collections systé-matiques importantes n’est plus aussi mis de l’avant que lors des siècles passés.

La première mention d’une collection de géologiedocumentée au Québec date de 1816 dans les archives duséminaire de Québec qui est maintenant devenu l’Université

Figure 1. Fossile de Bothriolepis du Parc de Miguasha en Gaspésie.La tailletotale du spécimen est de 24 cm. Source : Collection de l’U. Laval.

Figure 2. Analcime sur sérandite de la carrière Poudrette du Mont St-Hilai-re, Québec.La taille de l’échantillon est d’environ 16 cm. Source : Collectionde l’U. Laval.

Page 106: 0 GŽologues HS1 juin 2021 - POLE AVENIA

Laval (Bureau et Feninger,2011). Il s’agit d’une lettre provenantde Paris de la part de l’abbé Philippe Jean-Louis Desjardins quinotifie le procureur du Séminaire de Québec qu’il lui feraparvenir une collection de spécimens minéralogiques qui aété confectionnée par l’équipe du célèbre minéralogiste,l’abbé René-Just Haüy. La collection qui comporte 429 spéci-mens de petite taille, est toujours en exposition au Musée etreprésente probablement la plus ancienne collection scien-tifique de minéraux au Canada

Les défis des collections géologiquesuniversitaires au XXIe siècle

Bien que les musées universitaires soient parmi lespremiers musées de l’histoire (Boylan, 2000) et que, les collections minérales au sein des institutions universitairesquébécoises possèdent une histoire importante, même sicelle-ci peut paraître limitée en comparaison à certaines collections d’Europe ; ils sont confrontés à de nombreux défisau Québec comme ailleurs.

Le premier est directement lié à l’espace qu’une collection d’importance nécessite. En fait, au sein d’une collection géologique, la taille moyenne d’un échantillon estun peu plus importante que celle du poing d’un enfant. Consi-dérant que les collections universitaires de géologie regrou-pent plusieurs dizaines de milliers de spécimens, voire mêmedes centaines de milliers dans certains cas, les établissementsd’enseignement doivent consacrer une superficie conséquentede leurs bâtiments pour les abriter.En plus de l’espace,certainsspécimens requièrent des conditions de stockage particu-lières à cause de leur sensibilité à l’humidité comme certainssulfures, la lumière comme pour le cinabre ou à cause de leurdangerosité comme les échantillons hautement radioactifs oules échantillons pouvant être la cause de problèmes respira-toires comme les amiantes. Au sein des établissements uni-versitaires,qui sont souvent financés de façon directement pro-portionnelle au nombre d’étudiants inscrits, l’espace est trèsprisé. L’espace occupé par les collections doit donc être justifié.

Le deuxième défi, de taille, dans le maintien des col-lections géologiques au sein des universités, est lié à la fortehausse des prix des minéraux sur le marché des collectionneursau cours des dernièêres décennies. Cette hausse est, entreautres, due à la diminution des sources de minéraux de gran-de qualité (Bari, 1994) et à la mécanisation des opérationsminières. Bien entendu, on observe aussi une forte hausse dela demande pour des spécimens exceptionnels par les col-lectionneurs privés. Cette hausse des prix entraine des consé-quences importantes pour les collections universitaires. En pre-mier lieu, Il devient de plus en plus difficile pour les universitésd’obtenir des spécimens de grande qualité puisqu’elles doivent« compétitionner » avec des collectionneurs de minéraux

possédant de grandes capacités financières. De plus, les bud-gets d’acquisition anciennement alloués ne sont plus accor-dés à cause des conditions financières plus précaires et duchangement de priorité des facultés scientifiques. Mis à partquelques universités étrangères privilégiées possédant desbudgets exceptionnels, les universités québécoises ne peu-vent compter que sur les dons de collectionneurs pour accroitreleur collection. Il faut,par contre,considérer que les universitéspeuvent remettre des reçus pour la valeur des dons obtenusqui procurent des avantages fiscaux au donateur. La haussedes prix des minéraux implique aussi des vols de minérauxqui se font de plus en plus fréquents. L’Université Laval, à elle seule, a été victime de trois cambriolages en 2015-2016. Ces événements entrainent invariablement des coûts de sécuri-sations supplémentaires pour les établissements. Il en revientaux responsables des collections de bien faire comprendre àla direction des établissements universitaires, la valeur et l’im-portance des collections qu’ils possèdent.

Enfin, le remplacement du personnel en charge de laconservation et de l’entretien des collections universitaire repré-sente un enjeu important. À l’échelle du Québec, seule l’uni-versité Laval possède actuellement un employé dédié spéci-fiquement à la conservation et à la présentation de sescollections géologiques. Les conservateurs des collections ontpourtant un rôle primordial qui touche autant le maintienque la mise en valeur de la collection. Somme toute, le cura-teur permet à la collection de rester dynamique et vivante. Lemanque de gestion rapprochée a été la cause de la dilapida-tion de collections importantes.

Conclusion Les collections géologiques universitaires représen-

tent des joyaux de cultures scientifiques. Elles jouent un rôlecentral dans l’enseignement et la recherche en sciences de laTerre. Bien que la culture scientifique ayant mené à l’élabora-tion de ce type de collection, tendant purement vers l’esthé-tisme,est d’une autre époque, il serait quasiment impensablede nos jours de les recréer, et il est donc indispensable de lespréserver, de les mettre en valeur et de tenter de leur donnerles moyens de continuer à croître.Les défis sont nombreux,maisil suffit de la simple visite d’un Musée de géologie pour seconvaincre de l’importance de les préserver.

RéférencesBari H.,1994.Les Minéraux de Collection,Pour la Sciences,N 205.Boylan P.-J., 2000, Universities and Museums: Past, Presentand Future, Museum Management and Curatorship, Vol. 18,n° 1, pp. 43-56, 1999.Bureau R. et Feininger T., 2011. The Hauy Collection, The Canadian Mineralogist, vol. 49, pp 657-669.

Géologues n°HS1

la formation

104

Do

ssie

r