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Dossier « textes d’experts »

médecine et armées, 2010, 38, 1, 07-16 7

Prévention des risques liés à la préparation physique du

militaire : synthèse des connaissances actuelles.

Introduction.

Au sein d’une armée professionnelle et compte tenu de l’évolution des conflits armés, la préparation physiquedu militaire est devenue une nécessité opérationnelle.C’est par l’entraînement physique adapté que lescapacités et aptitudes physiques nécessaires à l’efficacitéopérationnelle des troupes sont développées, etentretenues tout au long de la carrière. L’entraînementphysique est ajusté en fonction d’objectifs précis(développement de l’endurance, la puissance, la vitesse,la force, etc.) sur la base d’activités militaires (marcheavec sac à dos, parcours d’obstacles, sauts en parachute,escalade militaire, entraînement commando,aguerrissement, etc.) et sportive (course à pied, natation,marche-course, renforcement musculaire, etc.).

En parallèle des besoins opérationnels, la pratiquerégulière de l’activité physique a aussi des effetsbénéfiques pour la santé ; un bon état d’entraînementphysique est maintenant parfaitement reconnu commefacteur de prévention de la survenue de très nombreusespathologies (dysmétabolisme comme les états de diabète,hypertension artérielle, cancers, etc.).

Par contre, l’activité physique régulière est assortie derisques pour la santé, dont la gravité varie entre deuxextrêmes, la mort subite et les accidents musculo-squelettique bénins. Pour les militaires, ces risques pourla santé sont d’une importance majeure ; c’est ainsi que lafréquence de survenue de pathologies musculo-squelettiques liées aux activités physiques militaires est sifréquente au sein de l’armée américaine qu’on est arrivé àparler d’ « épidémie cachée » (34).

Il y a une véritable réflexion de fond à engager afin detenter de maîtriser ces risques liés à la préparationphysique. Cette réflexion se doit tout d’abord d’identifierles causes et les facteurs prédisposants, et de proposer desmesures et recommandations nécessaires afin d’assurerla maîtrise des risques. Les recommandations proposéesseront reportées en encadré.

Pratique de l’activité physique dansles armées.

On ne peut que rappeler tout l’importance de lapréparation physique et mentale au combat, qui à terme,permet au militaire de faire face aux contraintes physiqueset psychologiques de l’environnement opérationnel.Conçu comme étant une nécessité professionnelle etopérationnelle, l’entraînement physique militaire etsportif fait partie intégrante de la formation militairegénérale. À une préparation physique initiale, fait suiteune préparation spécifique définie en fonction du théâtredes opérations et des contextes d’emploi des troupes.L’efficacité de l’entraînement physique résulte d’uneétroite collaboration entre le commandement, le Servicede santé des armées (SSA) et la chaîne techniqueÉducation physique militaire et sportive (EPMS). Le rôleet l’implication des médecins du Service de santé desarmées dans le suivi de la tolérance des programmes depréparation physique sont fondamentaux.

Cependant, la préparation physique des militairesrésulte d’une responsabilité partagée entre le militaire quidoit se maintenir en condition physique et l’institution quiassure la formation en école, le suivi et le contrôle del’entraînement et met en place des moyens.

X. BIGARD, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce. J.-Y. CRAVIC, médecin en chef, praticien confirmé. S. BANZET, médecin en chef,praticien confirmé.Correspondance : X. BIGARD, Institut de recherche biomédicale des armées(IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex.

X. Bigard a, J.-Y. Cravic b, S. Banzet c.a Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex.b Centre National des sports de la Défense, camp Guynemer – 77307 Fontainebleau Cedex.c Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de Brétigny-IMASSA, Base aérienne 217 – 91200 Brétigny sur Orge.

DOSSIER

R1. Les médecins affectés en unités opérationnelles(quelle que soit l’armée) doivent bénéficier d’uneformation universitaire aux spécif icités de lamédecine et de la traumatologie du sport (dans lecadre de capacités, de diplômes universitaires ou dudiplôme d’études spécialisées complémentaire).

R2. Dans le cadre de leur formation en Écoles, les cadres off iciers et sous-off iciers doivent êtreinformés des facteurs individuels et environ-nementaux de tolérance de l’entraînement physique.

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Bien que variable suivant les armées, la pratique del’activité physique par les militaires reste très importante,en comparaison avec le monde civil. Une enquête réaliséepar Guezennec et collaborateurs en 1997 a permis demontrer que 79 % des militaires pratiquaient une activitésportive contre 48 % de la population française (17). Aumoment de cette enquête, les militaires pratiquaientsurtout des disciplines d’endurance (de faible intensité etde longue durée) et des sports collectifs. Environ 60% desmilitaires interrogés consacraient en moyenne plus dequatre heures par semaine au sport, en plus de lapréparation spécifique militaire (exercices tactiques,marches avec port de charge, etc.).

Compte tenu des nombreux engagements de nostroupes à l’extérieur du territoire, force est de constaterque la préparation physique est devenue discontinue, larépétition des missions ne permettant pas le suivi d’unentraînement régulier, nécessaire afin de maintenir unniveau de condition physique minimal. Depuis 1997,nous n’avons aucune information sur le suivi et le coût-santé de la préparation physique de nos armées ; c’est laraison pour laquelle une nouvelle enquête estactuellement en cours de réalisation, dans le cadre d’unpartenariat entre la caisse nationale militaire de sécuritésociale, le Centre national des sports de la Défense et leService de santé des armées. Cependant, une vigilanceépidémiologique accrue est nécessaire au long cours, afinde surveiller la prévalence des accidents et d’évaluerl’efficacité de mesures de correction.

Les risques liés à la préparationphysique du militaire.

Les risques pour la santé qui seront considérés ici,concernent des atteintes physiques ou organiques pourlesquelles le militaire consulte et/ou est hospitalisé,bénéficie d’un arrêt de travail, ou d’exemptions (ourestrictions d’emploi temporaires ou définitives). Cespathologies ont donc des conséquences importantes pourla personne, la société et au plan économique.

Les études épidémiologiques réalisées par l’arméeaméricaine, des années 90 jusqu’à nos jours, indiquentque les pathologies liées à la préparation physiquerendent compte de 30 % des hospitalisations etreprésentent 51 % de cas de réformes et de séquellesfonctionnelles (31, 39). Dans l’armée américaine, lorsdes périodes de classes dans les unités d’infanterie, le

pourcentage de consultations pour maladies égale lepourcentage de consultations pour blessures (80 à 100consultations pour blessure pour 100 soldats par an) (20).

Les risques liés à la pratique des activités physiquesmilitaires sont majoritairement de deux ordres, de grandegravité lorsque les pathologies observées sont assortiesd’un risque vital, ou de moindre gravité pour l’ensembledes pathologies de l’appareil locomoteur.

Épidémiologie des risques vitaux.La pratique de l’activité physique est connue pour être

pourvoyeuse de décès au cours ou au décours immédiat del’effort, y compris chez des sujets jeunes sans aucunepathologie connue. Ces décès ont représentéapproximativement 6% de l’ensemble des décès recensésdans les forces armées américaines entre 1996 et 1999(14) ; leur incidence était pour cette période de 4,3/100000personnes par année. Les causes les plus fréquentes sontles accidents cardiovasculaires, le coup de chaleurd’exercice et les noyades.

Épidémiologie des blessures de l’appareillocomoteur.

Les blessures liées à l’entraînement physique militairesont très fréquentes. On a pu estimer que pour l’arméeaméricaine, 20 % des hospitalisations sont liées à desproblèmes musculo-squelettiques. Au sein de l’arméefrançaise, le sport apparaît aussi comme étant le premierpourvoyeur de traumatismes ; 28 % des militairesdéclarent un traumatisme en relation avec une activitésportive et 26 % des arrêts de travail sont en relation avecles activités sportives (18). Plus récemment, le bureauPrévention et Maîtrise des Risques de l’état-major del’armée de Terre a estimé que pour les années 2007-2008,les activités sportives sont responsables de 38 % desaccidents en service, alors que les activités typiquementmilitaires sont du même ordre de grandeur (37%) (tab. I).

Les risques vitaux.

La pratique d’activités physiques intenses est connuedepuis longtemps pour être parfois responsable de décès(le cas du soldat de Marathon en est un exemple célèbre),et ce même à l’exclusion des causes traumatiques qui neseront pas envisagées ici. Les risques de décès résultentprincipalement d’accidents cardiovasculaires, depathologies aiguës à la chaleur ou de noyade.

Les accidents cardiovasculaires à l’effort.Leur incidence actuelle est mal connue au sein des

armées françaises et aucune étude épidémiologique n’aété publiée depuis la professionnalisation. Les études lesplus récentes concernent des populations de sportifs oude militaires étrangers. D’une manière générale, la bibliographie ne donne pas une idée très précise de la prévalence des accidents cardiovasculaires à l’effortdans la mesure où elle ne s’intéresse qu’à la mort subite du sportif, et ne rend pas compte d’un certain nombred’autres événements pathologiques (en particulierischémiques).

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R3. La relative pauvreté des informationsépidémiologiques collectées actuellement en France justifie la création d’un « observatoire des pathologies liées à la pratique de l’activitéphysique ». Cet observatoire, sur la base d’uneméthodologie simple et solide, permettraitd’identif ier l’état actuel de l’incidence de cespathologies, et d’évaluer l’efficacité des mesuresinterventionnelles mises en œuvre.

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Les accidents cardiovasculaires à l’effort chez lessportifs sont classiquement répartis en deux grandescatégories ; 1) la mort subite au cours ou au décoursimmédiat d’une activité physique, qui concerne des sujetsd’une tranche d’âge de 18 à 35 ans, sans antécédents nifacteurs de risques, 2) la pathologie athéromateuse quiaffecte des personnes de plus de 35 ans, présentant un ouplusieurs facteurs de risque cardiovasculaire.

La mort subite d’origine cardiaque du sujet jeune.

Elle se déf init comme un décès non traumatique,inattendu, résultant d’une cause naturelle, et ayant lieudans l’heure suivant l’apparition du premier symptôme ;liée à l’exercice, elle survient au cours de celui-ci, ou dansl’heure qui suit son arrêt (13). La majorité de ces décèssont d’origine cardiovasculaire.

Les études rétrospectives ou prospectives menées surde grandes populations de sportifs estiment l’incidencede la mort subite d’origine cardiaque de 1 à 5pour100000sportifs (13), ce qui représente un risque 2 à 3 fois plusimportant que dans une population non sportive. Cesdécès surviennent le plus souvent chez les hommes (sexratio : 10/1), au cours de la deuxième décennie. Lesprincipales étiologies retrouvées dans la populationgénérale sont des anomalies cardiaques congénitales ouacquises non dépistées, des cardiomyopathieshypertrophiques (CMH), des dysplasies arythmogènesdu ventricule droit, des cardiomyopathies dilatées ou destroubles du rythme de tous types. Le pourcentage des casde mort subite sans étiologie confirmée après autopsiereste élevé, de 5 à 35% suivant les études.

Épidémiologie dans la population militaire.Une étude américaine a permis d’analyser la cause

des décès d’origine non traumatique survenus chez lesjeunes militaires entre 1977 et 2001, en identif iantclairement les cas liés à la pratique de l’exercice physique(38). Sur les 276 cas de morts subites répertoriés,l’origine cardiovasculaire représente 49 % du nombretotal des décès non traumatiques.

Les études publiées chez des militaires français sontanciennes et remontent toutes aux années quatre-vingt.Elles fournissent cependant des informations importantessur les circonstances de survenue des accidentscardiovasculaires ; 1) ils surviennent quel que soit leniveau d’entraînement des sujets ; 2) au cours den’importe quel type d’activité physique ; 3) même si lesmarches, marches course et footing, les activitésphysiques intenses occasionnent de nombreux accidents(16). Des données récentes partielles (données nonpubliées du département d’épidémiologie et de santépublique (DESP) nord) suggèrent qu’entre 2005 et 2008,environ 30 décès, dont 5 d’origine cardiovasculaire, sontsurvenus chez des jeunes militaires au cours d’exercicesphysiques. Cependant, ces données restent imprécises etaucune étude rétrospective ou prospective n’a été réaliséesur la population militaire française actuelle,professionnalisée, féminisée (environ 15 %), soumise àun rythme d’entraînement et de missions extérieures trèsdifférent de celui des années quatre-vingt. Ce constat nefait que renforcer la recommandation R3.

Les facteurs de risques.La mort subite d’origine cardiovasculaire survient sur

un cœur ou des coronaires pathologiques. Le rôle dutabagisme chronique n’est pas avéré, mais laconsommation récente, avant l’exercice, peut être àl’origine d’un spasme coronarien fatal. Enfin l’existenced’un état grippal dans la semaine précédant un exerciceintense est un facteur de risque reconnu.

Prévention de la mort subite du sujet jeune.La prévention de ces accidents toujours dramatiques

repose sur la sélection médicale et la diffusiond’informations et de règles de pratique de l’activitéphysique. L’efficacité de la prévention par la sélectionmédicale a bien été démontrée dans une vaste étudeprospective italienne portant sur 25 ans et regroupant42 386 jeunes sportifs (7). La mise en place d’unesélection médicale obligatoire pour l’inscription à unsport en compétition a fait reculer l’incidence des mortssubites d’origine cardiovasculaire de 4,19/100 000 à2,35/100 000 sur les douze premières années de l’étude,puis à 0,87/100000 sur les treize années suivantes. Mêmesi dans les armées françaises ou étrangères, il n’existeaucune donnée permettant de juger de l’efficacité de la sélection médicale, on ne peut pas imaginer que celle-cipuisse être remise en question.

Le premier axe de prévention repose donc sur lasélection médicale ; les critères d’aptitude cardiovas-culaire à la pratique du sport ont fait l’objet de propositionsdétaillées et de consensus, et sont disponibles dans la littérature (8).

9prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles

DOSSIER

2007 2008

nombre de cas

%nombre de cas

%

Sport 1396 40 1061 38

Activité physiquemilitaire

1201 34 1013 37

Activitéprofessionnelle

433 12 339 12

Déplacement enservice

191 5 117 4

Vie courante 137 4 108 4

Trajet 112 3 93 3

Tâches de sécurité ou de sûreté

20 1 19 1

Déplacement sans lien avec le service

8 0 8 0

Concours divers 3 0 0

Missions de police 1 0 2 0

Tableau I. Accidentologie du personnel militaire de l'armée de Terre enmétropole pour les années 2007 et 2008. Source : bureau Prévention et maîtrisedes risques de l’État-Major de l’armée de Terre.

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Le second axe de prévention repose sur une préventionde masse. De nombreuses études, menées notamment en milieu militaire, insistent sur l’importance desprodromes apparaissant à l’exercice, comme les syncopeset douleurs thoraciques, des essoufflements inhabituels et des palpitations (3). La large diffusion des « Dix règles d’or de la bonne pratique sportive », proposée parle club des cardiologues du sport contribue aussi à la prévention de ces accidents cardiovasculaires enrelation avec l’exercice.

La pathologie ischémique.

L’exercice physique intense peut aussi être undéclencheur d’infarctus du myocarde (IDM) conduisantparfois au décès (42). Les mécanismes physiopa-thologiques retrouvés sont classiquement la rupture de plaque avec thrombose et spasme coronaire, mais aussi des spasmes coronaires seuls qui pourraientêtre plus fréquents chez les sportifs que chez les sujets sédentaires.

Épidémiologie.

L’incidence des IDM au cours ou au décours immédiatde l’exercice est mal connue et n’a pas fait l’objet d’étudesà grande échelle publiée. Les IDM liés à l’exercicesemblent représenter une faible proportion de la totalitédes IDM recensés dans la population générale. Les IDM non mortels survenus lors d’une activité sportive ont une incidence approximative de 2,2/100 000 à 2,4/100 000 habitants/an, avec un pic de fréquence entre 45 et 64 ans.

La survenue de ces accidents dans la populationmilitaire est connue et on a pu estimer que les IDMreprésentent plus de 50 % des décès par mort subite (14).Dans l’armée française, l’incidence des IDM au cours dela pratique sportive varie de 3/100 000 à 4/100 000 (37).Le recueil épidémiologique du SSA a recensé dix décèspar IDM survenu au cours ou au décours d’un effort chezles militaires français sur la période 2005 et 2008(données DESP nord). Les circonstances de survenuesont le plus souvent mal déf inies, en particulier lesnotions de séance à caractère obligatoire ou relevant d’unexamen ne sont pas connues.

Facteurs de risques.

Les facteurs de risques intrinsèques sont les facteurs derisque cardiovasculaire (FRCV) classiques, avec letabagisme, les dyslipidémies et l’obésité. Par ailleurs lerisque relatif d’IDM à l’effort est très supérieur chez lessujets peu entraînés (33). Enfin la prise d’une douchechaude ou l’inhalation de fumée de tabac immédiatementaprès l’effort sont retrouvés dans plus de 10 % des casd’IDM au décours de l’effort. Par ailleurs, on a puidentifier des facteurs de risques extrinsèques comme lestress, la pollution atmosphérique et les conditionsclimatiques défavorables comme un froid intense ou unechaleur excessive.

Prévention.

La prévention des accidents cardiovasculairesischémiques repose sur trois types d’actions :

– la sélection médicale et la définition de l’aptitude estun point clé de la prévention. Les recommandations citéesplus haut s’appliquent pleinement et insistent sur ladétection par interrogatoire des FRCV. Le recours à uneconsultation cardiologique pour des examenscomplémentaires est recommandé devant toute anomalieà l’examen clinique ou l’ECG de repos, ainsi que pourtout homme de plus de 40 ans ou toute femme de plus de55 ans présentant 2 FRCV;

10 x. bigard

R6. Assurer une large diffusion des recomman-dations édictées par les sociétés savantes nationalesreconnues dans le domaine de la médecine du sport.C’est le cas des recommandations proposées par leclub des cardiologues du sport :

– respect d’un échauffement et d’une récupérationde 10 minutes lors des activités physiques,

– hydratation régulière, toutes les 30 minutesd’exercice,

– jamais de consommation de cigarette 1 heureavant, ni 2 heures après l’exercice,

– jamais d’automédication ou de consommation desubstance améliorant les performances,

– pas d’exercice physique en cas de fièvre, ou aprèsun épisode grippal,

– consultation en cas de douleur inexpliquée dans la poitrine survenant au cours de l’exercice, de malaise, de palpitations, oud’essoufflement anormal.

R7. Les visites systématiques annuelles pour lepersonnel au delà de 35 ans, doivent être conduitesavec un grand sérieux, surtout en cas de facteur derisque cardio-vasculaire associé (HTA, surchargepondérale, etc.). La prise en charge de ces facteurs derisque doit être systématique et le personnel doit êtresensibilisé à la nécessité absolue de consulter en casde moindre gène, douleur ou d’essoufflementanormal au cours de l’effort physique.

R4. Les visites médicales d’engagement doivent être soigneusement conduites, avec uneattention portée sur le dépistage d’anomaliescardiaques constitutives, et réalisation d’un ECGsystématique. Au delà de cette visite médicaled’engagement, ce sont toutes les visites systé-matiques d’aptitude au service qui sont importantes,même chez le sujet jeune.

R5. Les règles simples d’utilisation de déf i-brillateurs automatisés externes doivent êtrerappelées, y compris pour le personnel non-médecin(cadres de contact, officiers et sous-officiers).

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– la prise en charge personnalisée des patients à FRCV avérés doit être complète, s’entendant jusqu’auxconseils dans les modalités de pratique des activitésphysiques. Une information des symptômes qui doiventalerter l’individu et l’amener à consulter au plus vite doitêtre apportée ;

– enfin la prévention repose sur des actions de masseavec sensibilisation des individus sur des règles d’hygiènede vie (lutte contre les FRCV) et sur des règles de bonnepratique du sport. On doit ici s’appuyer sur la diffusiondes « Dix règles d’or de la bonne pratique sportive » (voirla recommandation R5). Un enseignement des gestes depremier secours et de l’utilisation du défibrillateur semi-automatique pourrait être utile dans ces actions de masse.

Le coup de chaleur d’exercice.Le coup de chaleur d’exercice (CCE) est la forme la plus

grave des pathologies liées à la chaleur et présente un risqueimportant de décès. Il se caractérise par l’association d’unehyperthermie supérieure à 40 °C, de signes neurologiquescentraux et d’une rhabdomyolyse d’intensité variable ; letout survient chez des sujets sains, pendant ou au décoursimmédiat d’un effort physique intense et prolongé dans uneambiance plus ou moins défavorable (4).

Épidémiologie.

Parmi les recrues américaines, les CCE sontresponsables de 16 % des décès non traumatiques (38).L’entraînement physique et les opérations menées enclimat chaud sont souvent retrouvés ; le port de tenuesmilitaires (treillis, protections balistiques et dans lesconditions les plus extrêmes équipements de protectionNRBC) représente une contrainte pour la dissipation de lachaleur, augmentant le risque de CCE (30).L’épidémiologie de cette pathologie est bien connue pourle SSA puisqu’elle fait l’objet d’une surveillanceépidémiologique spécif ique depuis 1995. Dans unrapport récent portant sur trois années (2005-2007), 322cas de CCE ont été rapportés. L’incidence du CCE estévaluée à 31,2/100 000 en moyenne, l’incidence outre-mer étant 2,5 fois plus élevée qu’en métropole. Enfin,dans 60 % des cas déclarés, l’accident survient au coursd’une marche course.

Les facteurs de risques.Les facteurs de risques de survenue d’un CCE sont

principalement les facteurs climatiques, les facteursindividuels de moins bonne tolérance à la chaleur,auxquels s’ajoutent des facteurs plus circonstanciels. Les facteurs intrinsèques sont l’âge (>40 ans), une petite taille, une faible capacité aérobie. Le rôle du surpoids ou d’un index de masse corporelle élevé a été discuté, mais n’est pas toujours retrouvé. Lesantécédents personnels d’intolérance à la chaleur, depathologie cardiovasculaire, d’anomalie métabolique ou maladie cutanée compromettant la sudationconstituent un risque supplémentaire.

Les risques surajoutés sont une prise médicamenteuseou une vaccination récente. Les risques intrinsèquescirconstanciels sont extrêmement importants dans la genèse du CCE, les plus importants étant la

déshydratation, la fatigue, la privation de sommeil,l’absence d’acclimatation à la chaleur ou une très fortemotivation. Les facteurs extrinsèques sont des facteursd’ambiance climatique qui compromettent lathermorégulation (6).

Prévention.Les bases de la prévention des pathologies liées à la

chaleur sont :– la sélection médicale. Elle est incontournable

et repose sur la recherche de facteurs de risques consti-tutifs ou passagers (vaccinations, état infectieux…) quicontre-indiqueraient la pratique sportive en ambianceclimatique à risque ;

– l’amélioration de la tolérance individuelle à la chaleur(entraînement, acclimatation, hydratation) ;

– la réduction de la charge thermique (se protéger de lachaleur ambiante), qui repose aussi sur l’adaptation desexercices aux contraintes climatiques, le respect depériodes de repos, le port de vêtements adaptés au climat,et l’application de règles d’hydratation. L’utilisation desupports pédagogiques adaptés peut être d’une grandeimportance. L’utilisation d’outils prédictifs basés sur unemesure objective simple, celle de la température WBGT(Wet Bulb Globe Temperature) est très utile à lacaractérisation de l’ambiance climatique.

En conclusion de ce chapitre, il faut rappeler lesdangers encourus par l’utilisation de substances dopantesou ayant pour f inalité d’améliorer les performances.Certaines de ces substances peuvent être impliquées dansla survenue d’accidents vitaux par IDM ou CCE. Dans lesarmées françaises, on peut logiquement craindre uneaugmentation de la déclaration de consommation decertains médicaments censés améliorer les performancesphysiques (18). Même si « l’automédication » restecependant diff icile à quantif ier et à appréhender, cephénomène semble accru ces dernières années, ce quidoit inciter à la vigilance ; il nécessite une informationjuste, en particulier au regard des achats de substancespharmacologiques sur internet.

Les lésions musculo-squelettiques.

La survenue de blessures et lésions musculo-squelettiques liées à la préparation physique militaire est un problème majeur en termes de coût social et

11prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles

DOSSIER

R8. Les cadres officiers et sous-officiers doiventêtre correctement informés des moyens individuelsd’amélioration de la tolérance du climat chaud. Ausein des unités, les médecins doivent jouer un rôleprépondérant pour véhiculer ces informations.

R9. Il est recommandé d’actualiser les moyensdéjà existant d’aide décisionnelle au travail à lachaleur, en prenant en compte les situationsd’activité physique avec équipements militaires.

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d’altération de la capacité opérationnelle des unités. Ces blessures expliquent une partie des dépenses pour des affections présumées imputables au service(DAPIAS) qui sont en permanente augmentation depuis un certain nombre d’années. Leur taux peut êtreestimé à 10 à 15 pour 100 recrues par mois pour les sujetsmasculins ; il s’élève avec la sévérité de l’entraînement,s’élevant jusqu’à 30-35 pour 100 recrues pour lescommandos marine.

Ce taux de blessure atteint 15 à 25pour100 recrues pourles sujets féminins. Les recrues féminines souffrent eneffet de presque deux fois plus de traumatismes musculo-squelettiques que leurs homologues masculins. Enparticulier, les femmes ont un risque accru de 1, 2 à 10 foissupérieur de souffrir de fracture de fatigue que leurshomologues masculins (19). Bien que cette question soitdébattue, il semble que le taux élevé de blessures observéchez les recrues féminines ne soit pas lié au sexe, mais à unniveau plus faible de condition physique au moment deleur incorporation (19) (tab. II).

Selon l’expérience américaine, les quatre principauxdiagnostics portés au cours de consultations médicalessur les théâtres de combats (Irak et Afghanistan) sont leslésions orthopédiques survenant en dehors des opérationsde combat, les affections respiratoires, les affectionscutanées et les affections gastro-intestinales (36). Durantla guerre du Golfe, les lésions de l’appareil musculo-squelettique (13 %) représentaient la seconde caused’hospitalisation sur le théâtre d’opération, soit trois foisplus que le taux d’admission pour des blessures liées aucombat (43). Enfin, les exemptions partielles de servicepour les jeunes recrues de l’armée américaine se révèlentêtre de 5 à 22 fois plus importantes pour les blessuresmusculosquelettiques que pour les maladies (tab. III).

Les différents types de blessures musculo-squelettiques.

La littérature recense deux types de blessures musculo-squelettiques : celles survenant de manière aiguë (commeles entorses de cheville ou de genou) et celles survenant demanière plus insidieuse par hyper-sollicitation commeles pathologies tendineuses.

Les blessures les plus fréquentes lors de l’entraînementphysique régulier et progressif sont les atteintes micro-traumatologiques par hyper-sollicitation (60 % à 80 %chez les recrues de l’US Army) (tab. II).

Les lésions du membre supérieur n’entraînent qu’unfaible nombre d’exemptions totales de service. Àl’inverse, les lésions du membre inférieur sont trèsfréquentes. Les lésions orofaciales surviennent au coursde nombreuses activités militaires comme le parcoursd’obstacle, les entraînements au corps à corps (à mainnues ou à la baïonnette). Une attention particulière doitêtre portée aux fractures de fatigue en raison de leurfréquence et de leur retentissement sur l’aptitudephysique et le taux de réformes, en particulier chez lepersonnel féminin. Elles surviennent chez environ 3 % à6 % des recrues masculines lors des classes dans l’arméeaméricaine (22) et chez environ 4 % à 21 % des recruesféminines, avec possibilité de localisations fémorale ouiliaque (23). Ces fractures de contrainte peuvent conduireà des fractures vraies, qui consolident lentement ouincomplètement.

Il convient d’insister enf in sur le retentissementpsychologique et sociologique de la blessure chez lemilitaire régulièrement entraîné qui vit sa blessurecomme un drame, avec une sensation d’échec vis-à vis delui-même et de son entourage.

Les facteurs de risque de blessures musculo-squelettiques liés à la préparation physiquemilitaire.

Identif ier et comprendre les facteurs de risque est un des points clés pour développer des méthodes deprévention et de lutte contre les blessures musculo-squelettiques. On peut classiquement identif ier desfacteurs intrinsèques, liés à la personne, et des facteursextrinsèques (plutôt reliés à l’environnement).

12 x. bigard

R10. L’attention des cadres de contact doit êtreattirée sur les dangers de l’utilisation de substancesdestinée à améliorer les performances. L’accent doitêtre mis sur les risques liés aux achats de produitsnon-contrôlés sur internet, sur l’efficacité plus quedouteuse de nombre de produits proposés, et de leurseffets adverses sur la santé.

Classement Hommes Femmes

1 Lombalgies (7,3 %) Lésions musculaires (15,6 %)

2 Tendinopathies (6,5 %) Fracture de fatigue (12,3 %)

3 Entorses (4,8 %) Entorses (5,9 %)

4 Lésions musculaires (3,2 %) Tendinopathies (5,5 %)

5 Fracture de fatigue (2,4 %) « Genou forcé » (2,1 %)

Tableau II. Les blessures les plus fréquentes parmi les hommes et les femmeslors du même programme d’entrainement physique militaire initial dansl’armée américaine (19).

Blessures

Nombres de jours

d’indisponibilité

par blessure

Fractures 103,2

Entorses 16,7

Autres blessures traumatiques 7,6

Tendinites 7

Foulures 3

Douleurs musculosquelettiques 2,8

Tableau III. Nombre de jours d’indisponibilité par type de blessure musculo-squelettiques chez des militaires appartenant à une unité d’infanterie (26).

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Facteurs intrinsèques.

L’âge.Le risque de blessure augmente généralement avec

l’âge, même si les résultats sont discordants selon lesétudes. C’est ainsi que lors de la formation militaireinitiale, les individus les plus âgés (>23 ans) seraient le plus susceptibles d’être blessés. Mais chez les militairesplus âgés, on constate une baisse du taux de blessures,probablement liée à une moindre exposition aux risquesde blessures (21).

Le sexe.Le risque est généralement plus élevé chez les femmes.

Chez les jeunes recrues, un taux de blessures d’hyper-sollicitation de 1,5 à 2 fois supérieur a été constaté chez lesfemmes. Au sein de l’armée américaine, ce taux plusélevé de blessures chez les femmes, peut être lié à unecondition physique absolue plus faible (21). En effet, àcondition physique égale (même vitesse de course à piedet donc même niveau d’endurance cardiorespiratoire), lerisque de blessure est identique dans les deux populations.

Les facteurs anatomiques.De nombreuses particularités anatomiques ont

été incriminées comme facteurs de risque de blessures par hyper-sollicitation (pieds plats, inégalité de longueur des membres inférieurs, genu valgum, genuvarum, etc.), mais ce facteur de risque potentiel reste très incertain (10).

L’index de masse corporelle.La relation entre la composition corporelle et le risque

de blessure est complexe et nécessite des étudescomplémentaires. Quand une relation est trouvée entre lamasse grasse et le risque de blessures, la relation estbimodale (en forme de U) ; les femmes avec despourcentages très élevés ou très faibles de masse grasseprésentent un risque important de blessure d’hyper-sollicitation des membres inférieurs (15).

Le niveau d’aptitude physique.Le risque de blessure est généralement plus élevé pour

les individus ayant la moins bonne condition physique ouayant eu une vie sédentaire avant de rejoindre l’armée (19,35). Les capacités en endurance semblent être un assezbon facteur prédictif du risque de blessures, les sujetsayant les plus mauvaises performances en course à pied(1, 6 ou 2,4 km) étant le plus à risque, aussi bien pour leshommes que pour les femmes.

La souplesse.Le stretching, longtemps préconisé avant et après

l’effort, ne semble pas efficace dans un but de réductiondes blessures. Il est cependant maintenu dans tous lesprogrammes des armées américaines, britanniques etaustraliennes, en particulier pour le maintien desamplitudes articulaires.

Le tabac.La consommation de tabac constitue un facteur de

risque reconnu dans la survenue de lésions

musculosquelettiques, en particulier de fractures de fatigue. Jones et collaborateurs ont montré que lesrecrues ayant une consommation supérieure à dixcigarettes par jour (ou plus) ont environ 50 % de risques de plus de contracter une blessure liée à l’exercice que les non-fumeurs (23).

Les facteurs psycho-comportementaux.Comme dans la population générale, la prise de risque

peut être majorée chez les jeunes militaires de moins de30 ans : des facteurs intra-personnels comme la recherchede sensations, l’impulsivité, l’agressivité, la trop grandeconfiance en soi et l’instabilité émotionnelle accroissentle risque de blessures. Enfin, d’autres facteurs peuventmajorer les risques, comme la pression des camarades oudes parents, ou la qualité du commandement et lesrelations avec les cadres de contact.

Facteurs extrinsèques.

Les modalités d’entraînement.La progression rapide de la charge d’entraînement lors

de la période des classes aura des répercussions sur le tauxde blessures. Pendant cette période, le nombre deblessures est plus important, sans notion de sexe ou deniveau sportif préalable.

Pour être efficace, un entraînement doit comporter unecharge de travail suffisante et des qualités spécifiques. Il aété montré que les caractéristiques de l’entraînement(fréquence, durée et intensité de l’exercice) sont enrelation avec la survenue de blessures (2). C’est ainsi quele taux de blessures augmente avec le volume d’activitésphysiques par semaine, au même titre que le type,l’intensité, la fréquence, la durée et les variations brutalesde programmes d’entraînement.

Le taux de blessures élevé dans ces premières semainesindique que le changement brutal du niveau d’activitéphysique est en cause, surtout si les jeunes recrues n’ontpas d’expérience des activités locomotrices comme lacourse à pied.

Le type d’activité.Le port de charges lourdes (sac à dos, tâches de

manutention militaires) et/ou les marches de longuedistance sont des situations à risque de survenue de blessures musculosquelettiques (27). Le risque de lésion de l’appareil locomoteur est beaucoup plus élevé pour une activité comme la course à pied (>25 miles par semaine) que pour la marche avec sac à dosou l’ordre serré (41).

Les chaussures.Pour les orthèses plantaires, les résultats des différentes

études sont inconstants. Le seul point acquis est que les chaussures de sport usagées ou vieilles sont associéesavec un risque accru de fractures de fatigue. Cependant, le port de différentes chaussures militaires (chaussures en cuir ou en toile plus légère) dans l’armée américainesemble avoir peu d’effets sur la survenue de fractures de fatigue (23).

13prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles

DOSSIER

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Les surfaces d’entraînement.De manière surprenante, il ne semble pas y avoir

d’étude indiquant que le fait de courir sur des surfacesdures (macadam) soit un facteur de risque de blessures.

L’environnement.Une étude a montré que les blessures musculo-

squelettiques sont plus fréquentes en saison chaude et inversement moins fréquentes en automne. Plus les températures sont élevées, plus le taux de blessures est important avec des implications sur le pland’entraînement et/ou l’hydratation (24). À l’inverse,l’entraînement par temps froid favorise la survenue depéri tendinites achilléennes ce qui renforce l’intérêt del’échauffement et du port de vêtements adéquats (32).

Prévention des facteurs de risque.Une fois les facteurs de risque identifiés, il convient de

proposer une prévention et de tester les résultats de cesactions de prévention. La directive du SSA de 1984(BOEM 683) relative à la prévention des accidentsmédicaux liés à l’entraînement physique et sportif est leseul document dans les armées organisant la préventiondes accidents liés à l’entraînement militaire. Elle insistesur la sélection et la catégorisation médico-physiologique,l’éducation des personnels (que ce soit les pratiquantset/ou l’encadrement) ainsi que sur les mesures d’urgenceadaptées en cas d’accidents lors de la pratique sportive.Cette directive souligne l’importance de la formation desmédecins d’unité dans le domaine du contrôle médico-physiologique de l’entraînement physique et des sports.

Les ajustements et modifications d’entraînement.Les mesures envisageables sont orientées d’une part

sur la quantité et le niveau de l’entraînement physique,d’autre part sur la condition physique des militaires. Desrecommandations dans la mise en œuvre des programmesd’entraînement physique doivent être rappelées :

– respecter un entraînement progressif pour permettreaux recrues de s’adapter. L’augmentation de la charged’entraînement ne doit pas dépasser 10 % à 15 % parsemaine. Il convient d’insister d’abord sur les activitésaérobies avant de passer aux activités anaérobies et aurenforcement musculaire (25) ;

– alterner un jour de travail intense et un jour de travailléger doit être de règle ;

– réduire le kilométrage en course à pied : différentesétudes civiles et militaires suggèrent que la réduction dukilométrage en course à pied diminue le taux de blessuresavec peu d’effets sur la condition aérobie jugés par lesrésultats aux tests de contrôle biannuels ;

– pratiquer des séances « d’interval-training » avec desrépétitions de sprints, alternant avec une marche de 90sec ;

– respecter les groupes de niveau en course à pied, ce quipermet aux jeunes recrues de courir à des vitessesadaptées à leur faible niveau de condition physique etd’éviter une fatigue excessive ;

– proposer des exercices différents tout au long de lasemaine (entraînement croisé ou « cross-training »),même si aucune étude ne confirme pour l’instant que des

entraînements différents chaque jour réduisent lasurvenue de blessures ;

– utiliser la natation comme élément de récupération oucomme entraînement peut être utile.

Enf in, pour les jeunes recrues, les programmesd’entraînement reposant sur des exercices de course à pied un jour sur deux, avec un repos de deux jours par semaine sans course à pied ou marche ont montré leur efficacité (5).

L’eff icacité d’un programme de travail physiquespécif ique avant l’entrée dans l’institution militaire a été évalué, af in d’améliorer le niveau de conditionphysique des recrues et diminuer le risque de survenue de blessure. Ce programme a permis une diminution de 23 % du taux de blessures pendant les classes, ce qui renforce l’importance des qualités physiques à l’engagement, élément majeur dans la toléranceindividuelle de la phase initiale de préparation physique.

Les modifications d’équipement.

Il semble maintenant bien établi que le port d’uneorthèse de cheville par-dessus la chaussure chez lesparachutistes permet de diminuer la survenue d’entorsesde cheville. En effet, il a été constaté que survenaient de 8à 14 traumatismes par 1 000 sauts d’aéronefs et que de30 % à 60 % de ces traumatismes étaient des entorses decheville et que le port d’orthèses abaissait ce taux.

Si la prévention des blessures du membre inférieur parle port de semelles intérieures en Sorbothane® ounéoprène a montré de nombreuses limites (11), le port dechaussures avec semelles en polyuréthane s’est révélécapable de diminuer les blessures du membre inférieurchez les jeunes recrues féminines (40). La pratique dusport avec chaussures de sport usagées (>600 km) est unfacteur de risque de blessures du membre inférieur et undes objectifs d’un programme de prévention fut de faireacheter des chaussures de sport neuves avant decommencer les classes.

Des études sur les traumatismes oro-faciaux ont étémenées dans l’armée américaine et ont prouvé l’intérêt duport d’un protège-dents lors d’activités comme le combatau bâton, à la baïonnette, le corps à corps et le parcoursd’obstacle (12).

Une piste intéressante proposée dans la prévention desblessures est l’utilisation de programmes d’entraînementà visée proprioceptive, avec des planches instables dans

14 x. bigard

R11. Il est proposé de rédiger des mémentosthématiques adaptés aux cadres de contact,consacrés à la bonne pratique individuelle de lapréparation physique ciblée, à l’hydratation, lanutrition, la gestion physiologique de l’éveil, etc.L’objectif de ces mementos simples et pratiques estde limiter la survenue d’accidents ou de pathologiesréactionnelles à la préparation physique du militaire.

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les différents plans de l’espace (plateau de Freemann). Ona pu ainsi diminuer l’incidence des blessures de cheville,voire des blessures du genou comme la rupture duligament croisé antéro-externe (1).

De même, des interventions nutritionnelles ont étéenvisagées, mais non adoptées dans l’armée américaine,comme la prescription de calcium et vitamine D à titrepréventif ou bien la prise de contraceptifs oraux chez lesfemmes ayant des cycles menstruels absents ouirréguliers.

Au total, il ressort que la prévention des blessuresmusculo-squelettiques passe par l’enseignement :

• d’une part, des méthodes d’entraînement et deprévention des blessures aux cadres de contact, aidé encela par les moniteurs de sport ;

• d’autre part, de la médecine du sport orientée sur laprévention, le diagnostic des blessures et la rééducationfonctionnelle au corps médical.

Seule une action commune à ces deux partenairespermettra de réduire de manière optimale les blessuresliées à l’entraînement militaire dans le cadre d’unepolitique initiée, adoptée et suivie par le Commandement.

Conclusion.

La préparation physique du militaire est un impératifpour répondre aux exigences physiques et aux nécessitésde son métier ; elle est par contre une des principalescauses d’accident en service :

• des accidents comportant un risque vital ;• des lésions musculo-squelettiques.Ces accidents ont des implications économiques et

sociales en termes de coût de soins médicaux et dejournées d’activité perdues, obérant ainsi la capacitéopérationnelle des unités.

Les traumatismes liés à la préparation physiquecomportent plusieurs facteurs de risque sur lesquels il estenvisageable d’agir. Dans le cadre de leur prévention,c’est une approche globale qui doit être préconisée,impliquant tous les acteurs et décideurs dans leurs axes detravail et les réponses aux questions posées par lecommandement, c'est-à-dire l’ensemble des cadres decontact et du Service de santé, du médecin d’unité dans sapratique quotidienne aux directions régionales et auxinstituts de recherche.

Le médecin a une double responsabilité : d’une partfournir au commandement les données médicalesnécessaires pour agir sur les facteurs de risque, lescomportements et les mentalités et d’autre part assurerune prise en charge médicale efficace afin de limiter lespériodes d’inaptitude à l’emploi.

Toutes les stratégies de prévention ne peuvent êtrerésumées aux recommandations énoncées plus haut.C’est pourquoi :

15prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles

DOSSIER

R12. Assurer la prise en charge f inancière dematériels spécif iques de protection (ou deprévention) comme les orthèses de cheville,protège-dents, etc.

R13. Une enquête est actuellement encours deréalisation sous l’égide du Centre national dessports de défense (CNSD), de la caisse nationalemilitaire de sécurité sociale (CNMSS) et du servicede santé des armées (SSA), sur les modalités depratique des activités physiques militaires. Lesconclusions de cette enquête seront intégrées etprises en compte afin d’ajuster les stratégies deprévention des risques.

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