libsysdigi.library.uiuc.edulibsysdigi.library.uiuc.edu/oca/Books2008-06/lejardindes... ·...

download libsysdigi.library.uiuc.edulibsysdigi.library.uiuc.edu/oca/Books2008-06/lejardindes... · 2008-05-20... pour une agrafe de Cellini, pour un tableau du l'rimatice, pour une sculpture

If you can't read please download the document

Transcript of libsysdigi.library.uiuc.edulibsysdigi.library.uiuc.edu/oca/Books2008-06/lejardindes... ·...

*

I.E

JARDIN DES PLANTES.

Li:

JARDIN DES PLANTES

[KCFJtiica ET mm DES MAMMIFRES

Ur, LA MKNAGF r.lF. I:T nu MUSUM d'HISTOIUI. NVTir.ll.M.,

YW'cvAvc A'av\\( \\\\voA\\v\\o\\ \\\^\o\\^\\vk;. (\v:-cv\\i\\\e V Y'\\\f>vv^'^^\\v^'

PAR M. J. JANIN, t ' cent K iiiiM'; iMii()i)i(:Tio> m.sToiiiQi n, dksciuhtivk ki l'moiiKsyuE

V\\\ M. T. .TANIN.

PARfS

J.-.I. Ul BUCIIET ET O-, P:DITEURS, HUE DE SEINE, 33.

184 2

LES GALERIES D'HISTOIRE NATURELLE ET LA BIBLIOTHEQUE

('-. I. - l'i, I

7

u:

JARDIN DES PLANTES

Il est lin lieu, loiil an bout de Paris, f[iii est coiip sr le [liiis Ix-I cndroil de ralVacliisseiiieiit et de repos (jui se puisse rencontrei' danse vaste, obscui' et tumultueux univers parisien. L se eonfondent dans un ple-nuMc admirables la fraelieur, le ealme, Tonibrase, les lleurs naissantes, toutes les doues joies de la natun\ tous les admirables liasards de la eam[)a;j,ne, toutes les latitudes et tous les aspects du monde connu, toutes les productions de la terre liabite et des mers, les oiseaux du ciel, les btes froces du dsert, le lion et le bengali, rlpliant et roiseau-mouclie, le tiu;re royal et la chvre du Tliibet. Prtez roreillc! Que de chants d'oiseaux amoureux. {|ue di' iHiiiements pouvantables! Ici les familles des sinj;es, bondissantes, amoureuses, et toutes remplies des plus aimables caprices. IMus loin, dans ce bassin d'eau sale, la famille des tortues, revtues de riciies cailles, qui s'panouissent au soleil, ("est un bruit ne pas s'entendre, et c'est en mme temps un admirable silence. Levez la

N I.i: .lAUlU.N DES l'I.AMES.

tte, le cdre du Liban vous protge do son ombre {gigantesque. Baissez les yeux, la violette des bois jette vos pieds son humble et chaste parfum. Puis enfin, quand vous tHes fatigu de cette course travers la cration, quand vos yeux se sont repus de la couleur des papillons et des roses, quand vous avez pass en revue ces myriades d'insectes aux ailes d'or, quand vous avez toudi de vos mains Tor et largent, le diarbon et le fer, tous les trsors que la terre enferme, allez vous asseoir auprs de la fontaine murmurante, sur ce vaste banc de roche calcaire, tout au-dessous de ces vastes poutres qui ont appartemi la baleine. Mais cependant savez-vous sur quels dbris solennels vous tes assis? Vous tes assis sur les dbris du mastodonte, sur quebpie animal ant- diluvien reconnu et nonun par Clavier

()uelle histoire crire, l'histoire de ce charmant et savant petit coin de terre qui n'a pas son gal dans le monde ! Autant vaudrait crire l'histoire de l'univers tout entier. Non pas l'histoire des hommes arms, des nations qui se prcipitent l'une sur l'autre, des multitudes qui s'en vont et l dans l'mi- gration, cherchant le pain et la terre de chaque j(mr. Insipide histoire celle-l, toujours la mme, toujours sanglante, o reparaissent des poipies dter- mines les mmes passions, les mmes crimes, les mmes rvolutions, les mmes meurtres, pais nuages peine sillonns par quelques grands hommes. Mais l'histoire dont je parle, l'histoire de ce jardin miraculeux, pos sur les rives de la Seine par quelque main bienfaisante et prvoyante, c'est l'histoire ternel- lement pittoresque et varie de la fleur qui se cache dans l'herbe, de l'insecte (pii bruit sous le gazon, de la ronce veloute, de la mine enfouie, de la mon- tagne et de la valle, l'histoire de l'aigle qui regarde le soleil et du moucheron enfant de l'air. Tout ce qui respire, tout ce qui existe, tout ce qui resplendit dans les eaux, sur la terre et dans le ciel, tout ce qui rampe et tout ce qui vole, tout ce qui gronde et tout ce qui se lamente, le premier animal de la cra- tion et le dernier, tel serait le sujet de ce livre : Aoslri furago libcUi. Mais que faire? que devenir? comment ne pas se perdre dans un si vaste sujet? Un homme l'avait tent, le seul homme qui ft digne de l'entreprendre; cet homme avait le coup d'il et l'intelligence, l'motion intrieure et le style, l'orgueil et la fiert ; il tait le seul qui ft peut-tre la hauteur d'un pareil sujet. Cet homme, vous l'avez nomm, c'est M. de BulTon, et cependant, grand Dieu! vous qui tes le dieu de l'hysope et du cdre, vous qui avez fait honte la magnificence de Salomon, rien qu'en dployant la robe blanche du lis de la valle, vous savez si M. de BufTon lui-mme, Buffon votre historien et votre favori, tait la hauteur de ce vaste sujet.

Non certes; pour raconter cette histoire de l'univers que Dieu a cre, il n'y a que Dieu lui-mme. C'est peu prs ce qu'on a dit de Csar : qu'il tait le seul digne d'cxpli(iuer les batailles qu'il avait gagnes. Non certes, ce n'est pas nous qui passerons en revue, mme propos de ces quinze cents pieds de terre, toutes les merveilles de la cration.

On veut cependant que je vous raconte ma manire, la faon d'un homme qui admire plus qu'il ne comprend, les principaux dtails de Ihistoire du Jardin des fiantes, ce rsum de l'univers. 11 faut que, tout en laissant de ct ce magnifique ensemble des sciences naturelles, nous vous fassions voir.

LE JAUDLN DES PLANTES. m

pour ainsi dire vol d'oiseau, ces plantes vivantes et ci's plantes mortes, ces btes lroces, arrives hier hurlantes et bondissantes du fond des dserts, et ces cadavres inconnus sur lesquels a pass plus dun dluie. Chose tranfe. cette admirable ide de runir dans un seul et mmo lieu tous les chels- d'uvrc de la cration ne date gure que de deu\ cents annes. Avant Louis MIL la France n'avait eu ni assez de repos, ni assez de loisirs, ni assez d'or pour s'abandonner en toute libert sa passion pour les merveilles les plus rares. Franois l" ,1e roi chevalier, nous avait, il est vrai, enseign ainer les tableaux, les statues, les monuments de tout genre, les rares chels-d'uvre oii la forme emporte le fond; mais ce [)rince brillant et lger n'avait pas t au del de la forme; la couleur, l'clat, la beaut extrieure lui plaisaient avant toute chose; pour une agrafe de Cellini, pour un tableau du l'rimatice, pour une sculpture capricieuse de Jean Goujon, il eut donn tout ce qui est le mou- vement et la vie. En ce temps-l, nous tions bien plus des Florentins, qui se passionnent pour la forme, que des philosophes cjui se passionnent pour l'ide. Parler de toutes ces choses au roi Henri IV, c'et t perdre, en toute perte, son latin, sa prvoyance et son esprit. Le roi Henri s'occupait, avant tout, de la (inance et de la bataille. Ce fut son lils, le roi Louis Mil, esprit bienveillant et malade, homme timide, qui a attach son nom aux choses les plus har- dies de notre histoire; ce fut Louis Mil qui, le premier, eut l'honneur d'ache- ter de ses deniers, dans le faubourg Saint-Victor, loin, bien loin de tous les bruits et de tous les mouvements de la ville, vingt-quatre arpents d'une terre inculte et nglige. Tel fut l'humble et modeste commencement du Jardin des IMantes. Le docteur louvard, premier mdecin du roi, fut le vieil Fvandre de cette Rome nouvelle et verdoyante qui s'levait sur ces hauteurs. Le premier parterre de ce jardin se composait de quarante-cinq toises de longueur sur trente-cinq toises de largeur ; il tait encore trop vaste pour les plantes qu'on avait y mettre, mais peu peu les plantes ont pouss, le Jardin s'est tendu, une petite serre a t btie. Gaston d'Orlans, qui aimait les plantes et les Heurs, envoya au Jardin nouveau-n quelques frais chantillons de son jardin de Hlois, justiu' ce qu'enlin arriva Colbert, cet honune qui a devin tant de choses. Colbert, d'un coup d'il, eut bientt conqiris tout l'avenir des vingt- (luatrc arpents du faubourg Saint-Victor. Fagon, le mdecin du roi Louis XIV, prsenta Tournefort Colbert. Tournefort est le premier historien des plantes; il nous a appris les aimer, les connatre ; il a devin leur famille, il a in- diqu les premiers noms qu'elles ont port ; pour tout dire, il est le loyal et net prdcesseur d'Antoine de Jussieu, le grand naturaliste. A vingt-trois ans, M. de Jussieu tait professeur au Jardin du lloi ; il avait parcouru l'Espagne et le Portugal, ramassant avec une curiosit pleine de dvotion les moindres brins d'herbes que produit cet air brlant. Antoine de Jussieu est une des plus gran- des crations de Fagon le mdecin; c'est au Jardin du Uoi que se retira ce s- vre serviteur du roi Fouis MV ; c'est l (piil voulul mourir. Le Jardin, recon- naissant, a conserv avec respect la mmoire de Fagon. Enlin, en I7".>, le roi vritable du Jardin, celui qui la agrandi, qui l'a sauv, celui-l mme qui en est l'historien et le dmonstrateur tout-puissant, M. de Buffon, devait |)orler pendant quarante-neuf ans cet illustre et utile fardeau. Certes, sans ^-Ire un

IV I.K JAIIDI.N DLS l'LAMLS.

aiiibilicuXjSaiis envier la gloire de ceux qui ont fond des monarchies, qui ont sauv des peuples entiers, (jui ont agrandi des villes capitales, on ne peut s'empcher d'adn^rer et denvier jjeul-tre, car c'est l une noble envie, la j-'loire et le boniuHir de M. de lUifon. Quelle j4l"ire immense en effet, et quelle joie, et quelles batailles pacilicjues! M. de Buffon arrivait au milieu de cette uvre peine conunence, en se disant lui-mme qu'il l'achverait un jour. Il arrivait au milieu de ce dsordre, de ce chaos, du ple-mle savant et peu logique de ces plantes naissantes, de ces dbris sans nombre, de ces formes brises, et il se disait tout bas : Je vais tirer du chaos toutes choses, je vais re- mettre leur place l'arbre et la plante, la mousse et la fleur, je vais prononcer du haut de mon gnie le fiai lux pour chaque fruit de l'espalier, pour chaque fleur en son bouton, pour chaque animal venu de toutes les parties du monde ; j'lverai les valles, j'abaisserai les montagnes, j'aurai mon gr un fleuve ou une mer, un frais pturage ou une caverne, la rose bienfaisante et le chaud rayon du soleil. Mes vingt-quatre arpents de terre, je les veux agrandir outre mesure, jusqu' ce qu'enfin jy aie renferm une miniature de l'univers. De cette cration faite par moi et pour moi je serai le Dieu d'abord, et ensuite j'en serai plus que le Dieu, j'en serai le nomenclatcur, j'en serai l'historien. On raconte qu'une fois le premier homme cr. Dieu dit .Adam : Te voil, c'est toi nommer toutes les choses de la cration. Voil ce que se dit lui- mme M. de Buffon quand il se vit le matre du Jardin du lloi. Cette fois donc son uvre lait trouve, sa tAchc ternelle conuncnait ; jusqu' la fin de sa vie, il devait marcher dans ces sentiers de fleurs et d'pines, fleurs dvoues et obissantes, pines qui ne blessent pas ceux qui les regardent avec respect, avec amour.

Voici donc M. de fluflon qui prend possession de son domaine, (i'lait triste voir ce domaine de la nature. Deux salles basses sufllsaient, et au del, contenir des curiosits dignes de la foire : deux ou trois squelettes vermoulus, des herbiers en dsordre; le Jardin tait plant au hasard : pas une alle, pas un sentier trac, pas un arbre qui ft sa place. II fallut btir, il fallut planter, il fallut agrandir toutes choses, surtout il fallut trouver des hommesqui vinssent en aide au grand naturaliste; car dj .M. de Butfon, connue un digne nude de Pline l'ancien, songeait crire l'histoire naturelle, ce livre immense qui n'a d'autres bornes que les bornes de l'univers.

Le premier (pii vint en aide M. de Bufl^on, c'tait un honune d'une grande science , nomm Daubenton. Il fut charg de l'arrangenient du cabinet, il dis- posa les collections, il ht quatre divisions principales des divers rgnes de la nature; il invoqua, au nom de M. de BufTon son matre, le secours de tous les voyageurs. .\ l'exemple d'Antoine de Jussieu, cpii envoyait ses frais ses plus zls disciples pour ramasser des plantes et des graines, Daubenton recueillit des livres, des chantillons de tout genre. A C(M de cette famille des Jussieu , les bienfaiteurs du genre humain, il faut plac(M- Jean-Andr Thouin et son fds An- dr. Ainsi peu peu tout le Jardin prenait une face nouNclle. M. de BulTou comnuinicjuait toutes choses la persvrance de son esprit; tous ces gens-l s'aimaient et s'entr'aidaient les uns les autres. On et dit une colonie de culti- vateurs, ou mieux encore une runion de disciples de Saint-Simon ou de Kou-

I.i: JU'.Dl.N DLS IM.AMtS. v

lier. Doja la noinenclaUiro do Linn, plus facile et plus commode que (elle de Touinefoit, aidait merveilleusement la science. A chaque saison nouvelle le jardin lait en prostrs; on jetait bas les vieilles maisons, on en b;\tissait do nouvelles, on levait des montagnes, on creusait des vallons; partout le rteau, partout la bche. Bientt on fut bout de toute terre cultive ; il y avait l tout auprs les jardins de Tabbaye Saint-Victor, [luis un vaste enclos travers par la rivire de Bivre. A force de sollicitiition et de dpenses, Tenclos est achet, le jar Jin de l'abbaye est envahi ; nous voil maintenant sur les bords de la Seine, (iui nous donne son eau fcondante. Begardez, cette heure quels progrs dj ! Nous avez des arbres de toutes les saisons, vous avez une cole d'arbres fruits, un semis de plantes conomiques, toute une cole de culture. Bientt le local est nivel, les bassins sont creuss, le mur d'enceinte est bti, la belle terrasse s'lve le long du ([uai; mais ce n'est pas assez. Un terrain situ l'ex- trmit des marronniers convient ^I. de Buffon , et M. de BulTon l'achte. C'- tait un jardin plus bas que le premier, abrit du nord et de l'ouest. L furent transportes les couches destines aux semis; l furent cultives les plantes les plus dlicates. L'anne suivante, en I77i, fut leve la premire serre digne de contenir de belles plantes. Tels taient les progrs rapides de la botanique ; et comme toute fortune tient une autre fortune, tout progrs un autre pro- grs, le cabinet grandissait en mme temps que le Jardin. Ck} cabinet tait le centre unique o venaient aboutir de toutes parts les merveilleux et inesti- mables fragments dont se compose l'histoire naturelle, riches chantillons disperss dans tout lunivers, dans les entrailles de la terre, sur le bord de tous les rivages, au sommet de toutes les montagnes , dans les volcans, dans les ruines, dans les dserts , poussire du monde pass, productions du monde prsent, chantillons des mondes venir. 11 fallut donc agrandir les btiments comme on avait agrandi le jardin ; puis bientt les collectionneurs arrivrent offrant chacun sa collection, c'est--dire la passion de sa vie, pour augmenter ce bel ensemble. La premire de toutes, l'Acadmie des sciences envoya au (hbinet du Bol son cabinet d'anatomie ; le comte d'Angivilliers offrit le sien ; les missionnaires de la Chine, ardents propagateurs de la foi chrtienne, en- voyaient M. de BulTon tous les chantillons qu'ils pouvaient ramasser dans ce fabuleux et cleste empire o nul Europen n'avait pntr avant eux. Le roi de Pologne s'estima heureux dolTrir au Jardin du Boi les plus beaux min- raux. On envoya chercher dans l'Inde une collection de zoologie. Bougain- ville rapporta de son voyage autour du monde tout ce qu'il en put rappor- ter pour le Jardin du Boi, donnant ainsi un exemple qui a t suivi par les navigateurs venir. Dans ce concours unanime de toutes les fortes intelligences de l'Lurope pour doter un tablissement si nouveau, il n'y eut pas justiu'a la grande Catherine cp ne tnt h honneur d'envoyer au Cabinet d'histoire natu- relle les plus beaux animaux du Nord , les plus rares fragments de zoologie. C'tait une fenune ([ui entendait la gloire la l\i(;on des grands rois, l'.lle savait par cur toute la France du dix-huitime sicle, elle l'aimait dans ses moin- dres dtails. De tout ce ([ui lui paraissait digne d'envie, ce que la grande Cathe- rine enviait le plus la France, c'taient ses hommes de gnie, c'tait Voltaire, c'tait Diderot et d'Alembert , c'tait M. de BulTon qu'elle avait appel dans

M U: JAUDIiN DES PLAMLS.

son empire, avec celte coquetterie royale et diarmanle, laiiueile il tait si difficile de rsister. Mais M. de BulTon, tout entier sa double cration, son livre et son Jardin, envoya son fds sa place. Cependant le Jardin jrandissait toujours. Sur ces entrefaites, furent publis les premiers volumes de V Histoire iiaiiirellr, ce chef-d'uvre d'loquence o M. de BiilTon ralliait lui, d'une fa- on irrsistible, tous les naturalistes de l'Europe. A bien prendre, le Jardin du Roi et VlJimoire ndinyrllr, c'est la mme uvre : l'un tient l'autre par un lien que rien ne saurait rompre. Sans le Jardin du Roi, jamais M. de RutTon n'aurait crit son livre ; sans le livre de M. de rUifl'on, le Jardin du Roi n'aurait pas conquis tout d'un coup, comme il a fait, l'admiration de l'Europe savante. Autour de ce Jardin et de ce livre se sont groups tous les amateurs pas- sionns de l'histoire naturelle. Quiconque avait tudi avec soin, avec amour, la partie la plus imperceptible de ce vaste univers, une graine, un insecte, un papillon, une plante, tait le bienvenu adresser M. de Buflbn ses pro- pres dcouvertes. Voil, Monsieur, ce que je sais, voil ce que j'ai appris, voil ce que j'ai dcouvert ; et M. de Ruflbn rpondait, coup sr, ce con- frre inconnu, une lettre de remercments, o il l'appelait son collaborateur. Ainsi l'historien de la nature tait reprsent dans le monde entier par toute sorte de correspondants et d'ambassadeurs, disciples dvous de son travail et de son gnie. Cet homme voyait de trs-haut toutes choses ; il aimait les collec- tions, il est vrai , mais il les aimait pour s'en servir en grand historien. Il n'au- rait gure t satisfait s'il lui eut fallu se maintenir, sans fin et sans cesse, dans la description minutieuse des moindres fragments du grand ensemble ; mais, au contraire, ce qui le rendait heureux et fier, c'tait de reconstruire ces formes parses, c'tait de rendre la vie, le mouvement, la pense et l'orgueil aux ani- maux de la cration divine; c'tait de nous les montrer, non pas tels que la dissection nous les avait faits , mais tels qu'ils taient sortis du caprice ou de la main de Dieu. Le lion rugissant, le tigre qui bondit, le cheval indocile au frein, la gnisse superbe, le taureau amoureux, lecerf fujant au son du cor, la chvre qui broute le cytise en fleurs; le chien, ce compagnon de l'homme; h; coq, roi de la basse-cour; il n'y a pas jusqu' l'ne, l'assidu, l'entt et l'in- fatigable and du laboureur, l'humble animal que M. Delille n'aurait jamais os nommer dans ses vers, qui M. de Ruion n'ait accord une grande place dans son histoire; mme il a crit au sujet de ce pauvre ne, qm fut plus tard un des hros de Sterne, les pages les plus touchantes de son histoire, pages hono- rables pour tous deux, pour l'Ane et pour M. de luflon, car il a rendu justice au plus patient et au plus sobre des travailleurs. En mme temps ce beau cha- pitre, si plein de raison , de justice et de bon sens, doit absoudre tout jamais M. de RufFon du niais reprocl'.e d'enflure et d'emphase avec lequel on l'attaque depuis si longtenqis. Mais, tenez, puis(|ue nous en sommes arrivs cet homme clbre, le vritable fondateur du Jardin du Roi, pourquoi ne pas vous ra- conter sa vie? Ce sera l, sans contredit , la plus noble introduction qui se puisse faire ce livre du JarJin (Ici Vlanics, dont un plus savant que moi sera l'histo- rien.

Ceorges-Eouis Lcclerc, comte de Ruffon, tait n Monlbart en Rourgogne, le 7 septembre 1707. Son pre tait un honuue riche et un savant magistrat ,

IJ-: JARDIN l)i:S PLAMLS. mi

et il laissa son lils s'abandonnci* en toute libert aux inspiralions naturelles de son gnie. Le jeune l.eclerc, obissant au secret instinct qui le poussait, entre- prit un voyage en Angleterre; l'Angleterre tait dans ce temps-l uiieesiuce (le monde part o nous allions clierelier le drame, le ronian , la posie, la li- bert, la philosophie, l'conomie politi(jue, la pondration des pouvoirs, l'- mancipation du peuple, toutes sortes de choses dont s'inquitaient, d'une faon dj turbulente, l'ambition et l'avenir de la Trance. Notre jeune homme, plus modeste, ne savait pas encore ce qu'il allait chercher en Angleterre. 11 y trouva ce qu'on y trouvait alors, une grande nation heureuse et hre de la rvolution qu'elle avait accomplie, qui avait pay cette rvolution au prix de son sang et de son or, et qui, maintenant, aprs tant de rvolutions et de tem- ptes, aprs ce roi gorg, cette dynastie reprise et chasse de nouveau, regar- dait sans etTroi les temptes, les batailles et les prosprits de l'avenir. Le spec- tacle d'un peuple ainsi l'ait tait un spectacle d'autant plus grand et solennel, que la France tait encore bien loin de pouvoir rver de semblables destines. Dans cette grande nation, les dbuts de ce jeune homme, qui devait tre M. de lUitTon plus tard, furent simples et modestes. 11 connuena par apprendre la langue du peuple qu'il visitait, et pour bien conuncncer, il se mit traduire, voyez le hasard quand on a du gnie! la Simi'nnules vcijianx de Ildlcs et le Tiaii (les fluxions de ISeicion; si bien qu'il apprit en mme temps la langue anglaise, et, qui plus est, la grande langue de la science. Ainsi il commena tout la fois s'occuper de gomtrie et des sciences naturelles. Ses premires annes furent consacres se prparer aux tudes qui lui convenaient le plus. Il aurait pu devenir un grand gomtre, sa bonne toile en fit le plus grand naturaliste de son sicle. Vous avez vu tout l'heure comment cette place de directeur du Jardin du Roi indiqua M. de BulTon sa vocation vritable ; et certes, il se faisait bien temps que l'histoire naturelle et son historien parmi nous. Avant celui-l toute notre liistoire naturelle se composait de mchantes compilations sans talent et sans nom d'auteur, de sches nomen- clatures auxquelles le public, c'est--dire tout le monde, n'avait rien com- prendre, et enfin de ({ueliiues traits excellents dtachs du grand ensemble des choses cres. Dans cette rvolution qu'il allait entreprendre et (jui fut prcde de bien des doutes cruels, car enfin il ignorait encore celte toute-puissance du style qui tait en lui, M. de BufTon avait choisi pour ses modles et pour ses matres deux grands modles et deux grands matres, Aristote et Pline l'an- cien : Aristote, qui a devin toutes choses, l'histoire naturelle, la rhtorique, l'loquence, la constitution ; Pline l'ancien, (|ui a trouv le premier l'lvation, le langage, la passion, le style de l'histoire naturelle; celui-ci exact et profond, ne donnant rien au hasard, ne parlant que ce qu'il a vu et entendu, trouvant le premier anneau de cette chane des tres crs qui a servi Cuvier pour devi- ner son tour tous les mystres de la cration ; celui-l qui a donn la vie du monde entier cette vie si brillanteet ces puissantes couleurs, (lertes, il n'a fallu rien moins (fue le plus rare et le plus passionn gnie pour runir dans le mme ensemble tant d'imagination et tant de science ; il ne fallait rien moins que toute cette loquence pour rendre les peuples de rF.urope attentifs cette histoire (|ui est rellement riiisloiro universelle. Les (juinze premiers voluiues de

Mil l.i: .IAKIUN l)i:.S l'LANTKS.

17/i s/0 ire itaiurrllc luiviit publias de 1741) 1707; ils troiliiicnl de la Uioiic (le la t(MMV, (le la naliirc des aniiiiaiix, de l'histoiic de riioinmo, de lliisloire (les quadrupdes \ivipares. liuflbn et Daubenlon s'taient i)artag cette tclie didiciie et complique; chacun d'eux avait pris la part qui lui convenait. M. de HulTon avait gard pour lui la posie et la pliilosopliie de celte histoire, il expli- (juait, la faon d'un lossuet, mais d'un Bossuct exact, les thories gnrales, K'S grands aspects et les grands phnomnes de la nature; il disait les murs des animaux, il en rrcontait les passions, les habitudes, les instincts, il agissait, passez-moi la comparaison, tout comme avait agi La Fontaine lui- mme ; seulement dans ces drames charmants, l'honneur de la posie fran- aise, La Fontaine avait cur de nous montrer comment, par leur sagesse providentielle, par leur ruse ingnieuse, par leur bonhomie native, par la vrit de leur allure, par la profondeur inexplicable de leur gnie, les animaux avaient V't mis et crs au monde tout exprs pour donner aux honunes les plus utiles leons de la philosophie et de la morale, pendant (;ue M. de lUiflon, au contraire, relevant la foisl'honnne et la brle dont il tait lquilable historien, s'atta- chait nous dmontrer comment el pourquoi tous les animaux de ce globe sont peut-tre gaux devant Dieu et devant les philosophes. Pour un instant il laissait l'me de cl ; mais l'instinct, cette ame du second degr, lui- suffisait expli- quer l'homme et le tigre, l'homme et l'ne qui broute, Ihommeel le rossignol qui chante sa plainte haruonieuse dans les bois. Tel tait le grand vol que jrenail .M. de IkilTon dans celle histoire naturelle, qui n'a d'aulres bornes i;ue Irs limi- tes de la terre et du ciel. Il tait grand par la pense, il tait grand par la parole. D'un pas ferme et si', il suivait son chemin travers le monde, soccu- pant avec un gal bonheur, avec le mme enthousiasme, de l'lphant el du ciron. Dans cette marche hardie et calme, rien ne l'inquitait, rien ne lui faisait obstacle, car tout d'al)ord il avait niv(>l le monde pour que son gnie s'y |>l dployer tout l'aise. Il avait abaiss les montagnes, il avait combl les valles, il avait dessch les fleuves et les mers, il avait ouvert Ic.^lobe pour savoir enfin ce que les mers et les fleuves et le globe contenaient dans leur sein. Ainsi il s'tait dgag tout d'un coup des anciennes thories, des vieux obstacles, des dtails pnibles. Avant lui, le naturaliste se servait du niicroscope, mais lui il voyait toutes choses avec ce coup d'il qui donnait aux moindres dtails de la nature des dimensions normes. Ainsi s'est accompli ce grand ouvrage de Vllisioiic vainvrllc o l'ensemblc est tout, oii les dtails disparaissent em})orts dans le tourbillon de l'univers.

En mme temps, mais dans des sentiers plus calmes, d'un pas lent et mo- deste , arrivait Daubenton , curieux et intelligent nomenclateur des moindres dtails de cette histoire qu'ils faisaient eux deux. Celui-l voyait de trs- prs, M. de HulTon voyait de trs-haut. 11 reconnaissait, chemin faisant, tous les fragments ddaigns par son fougueux compagnon de voyage. 11 restait assis des heures entires voir, contempler, tudier, admirer, juger les hros de leur livre. 11 dissquait minutieusement l'animal dont M. de Bulon esquissait l'histoire grands traits. Et cependant, tout en marchant ainsi petits pas, Daubenton lui-mme se trouva fatigu de suivre ce rude jouteur. La lassitude le prit au milieu ducliemin; il s'arrta, n'en pouvant jilus; seule-

Li: JAKDliN DKS PLAM TES. ix

inonl il se mil marcher seul ; il s'abandonna librement s:i lente contempla- tion, son lude partielle du monde; pendant ce temps, M. de liilTon courait toujours.

De ITS ITSS furent publis les cinq volumes de minraux ; les sept vo- lumes de supplment ont suivi jusqu'en l~SU; l s'arrte M. de Buffon. La mort le prit au moment le plus clatant de notre histoire, l'instant mm.e o la libert franaise paraissait con(|uise, la mort le prit afin, sans doute, qu'il ne ft pas tmoin du meurtre de son fils sur Tchafaud et de l'clatant ds- honneur de sa bru dans la maison du duc d'Orlans. Ajoutez cette uvre ses poques dr la IS'niiiri', cette thorie de la terre dans laquelle il a d- ploy d'une main si ferme toutes les magnificences du style ; cinquante ans de la vie la plus laborieuse, la plus calme et la mieux rgle, cinquante ans de zle, de haute administration, d'un dvouement de tous les jours, d'une. cor- respondance infinie sur tous les points du globe, avaient suffi peine com- plter cet inunense travail. A voir ce que font les hommes de nos jours au milieu de ces agitations misrables, voir ce qu'a fait celui-ci au plus fort des concpites, des meutes, des rvoltes et des victoires de 17X0, on se prend sourire de piti. Plus d'un, outre Daubenton, a mis l;i main ce travail ; mais ces gloires passagres ont t dvores par la gloire du matre. On cite de M. Gunaud de Montbliard quelques beaux chapitres d'un grand style, et de ces chapilresonnepeut dire que ceci : (l'est le stjle de Bidfon ! Le stjle de Huffon, pompeux, lgant, plein de grandeur et de majest, a t plus d'une fois atta- (|u par les faiseurs de rhtorique et par les rivaux de sa gloire. Voltaire, c|ue toute sorte de succs iiKjuitr.it comme un vol l'ait sa gloire, souriait de piti quand on lui parlait de r///.s7o/?7,- ?jn///n7/c. Pas si naturelle! disait-il. Mais Voltaire tait plus d'une fois tomb sous la main de M. de Buffon ; il avait voulu se moquer des bancs de coquillages dcouverts sur le sommet des Alpes ; il avait prtendu que ces coquilles s'taient dtaches du chapeau des jjlerins qui allaient Rome. M. de iuffon lui avait rpondu avec de bien piquantes railleries et des raisons sans rpliques. Mais laissons l tous ces coups d'pingle, n'allons pas chercher les critiques et les nuages qui se placent, de leur vivant, au-devant des grands honunes, reconnaissons tout simplement l'loquence, la passion, rentranemenl, la majest de M. de Buffon, plaons-le au premier rang des paysagistes, disons qu(M'amais la description n'avait atteint ce haut degr de vrit et de magnificence ; faisons connue a fait toute l'Europe du sicle pass, humilions-nous devant ce livre immense o la philosophie et l'histoire naturelle se tendent une main si bienveillante et si ferme. Sans nul doute d'autres obser- vateurs sont venus aprs celui-l qui ont redress bien des erreurs, rform bien des paradoxes, expliqu bien des choses obscures ; mais que nous importe, pour- vu (lue la voie trace; soit suivie? Et d'ailleurs que d'ides grandes et nouvelles que le temps a confirmes, que de dcouvertes vritables qui sont restes im- muables comme pour servir de bases ternelles la science; avec quel art mer- veilleux M. de BulTon a su da.sser ses ides, disposer l'ensemble de son livre, nous faire passer en revue tant d'tres divers ! Aussi ce livre a-t-il rpandu dans l(>^ monde une passion toute nouvelle, la passion de l'histoire naturelle, (irace M. (le lUilTon, l'histoire naluiclle esi devenue la pioccnpalion des rois, des

h

X LE JAUDiiN DES PLANTES.

grands et des peuples. Les Gcorgiqucs de Virgile n'ont pas eu plus dinlluena; sur le sicle d'Auguste que Vllistuh-r vntitrcllc n'en devait avoir sous le rgne de Louis XV. Aussi M. de HulTon fut-il grand et puissant entre tous les cri- vains et tous les moralistes de ce sicle. 11 a protg de son influence ce Jar- din des Plantes qui tait toute sa vie. Le respect, l'admiration, la reconnais- sance de l'Europe savante l'ont entour jusqu' sa dernire heure; il a jou jusqu' la (in de ce sicle le beau rle que iM.Cuvier devait jouer dans celui-ci ; il a t le protecteur dvou des sciences, l'ami des savants, s'intressant leurs travaux et leur fortune, indiquant aux voyageurs leur chemin sur ce globe terrestre qu'il connaissait si bien, appliquant sa raison leve oublier les r- volutions qui grondaient de toutes parts. M. de Buffon a t heureux toute sa vie ; il ne l'aurait jamais rve si belle. 11 avait deux domaines qu'il aimait d'une gale passion : le Jardin du Roi et son chteau de Montbart que le roi Louis XV avait rig en comt. Le travail lui tait facile, b stylo lui arrivait comme 1(> chant arrive l'oiseau; il aimait la gloire, il mprisait le bruit que la gloire fait autour des hommes ; il ne s'occupait ni des agitations de la politique ni des meutes de la littrature ; la critique lui tait humaine et facile ; la considra- tion et l'estime le suivaient d'un pas gal et sr. Sa personne donnait tout fait une ide de son talent ; sa figure tait belle et grave, son air imposant, son extrieur magnifique; on disait qu'il mettait des manchettes son style et qu'il portait un habit brod lorsqu'il crivait. 11 obtint de son vivant un hon- neur (jui, d'ordinaire, ne s'accorde qu'aux morts illustres; on lui leva une statue dans l'entre du Cabinet du roi avec cette inscription magnin(|ue cpie la postrit a confirme :

MAJESTATl NATLIl i PAIV INGEMIJM. Son gnie est gal In majest de son sujet.

Durant la vie de M. de Buffon d'autres amliorations s'taient introduites dans 1(^ Jardin du Hoi ; l'enseignement avait grandi; les trois Jussieu, M. Le- monnier, M. Desfontaines, s'taient montrs les dignes continuateurs de Tour- nefort et de Linn. L'anatomie et la physiologie vgtales, la classilication des familles, des genres et des espces, leurs rapports entre elles, leurs usages et les diverses modifications dont elles sont susceptibles, tel fut le sujet de ces leons qui ont donn tant de grands botanistes l'Europe. La chimie, avec Fourcroi et Lavoisier, eut bientt envahi ces savantes hauteurs. Antoine Petit, l'illustre anatomiste Vic(| d'Azyr et Portai, ont aussi apport l toutes les puissances de leur enseignement. Ainsi, de son vivant, M. de Hulfon a vu s'accomplir son grand rve ; il a donn l'impulsion et la vie ce jardin que les trangers nous envient et auxquels se rattachent tant de noms illustres entre tous.

Quand M. de Bufl'on fut mort, le Jardin des Plantes eut subir plus d'une rvolution intestine : la rvolution franaise arrivait grands pas. Tout ce qui tenait la royaut, de prs ou de loin, fut oblig de courber la tte, et cependant il y eut un jour un administrateur du Jardin des Plantes qui se nomma Bernar- din de Saint-Pierre. Certes, celui-l aussi, aprs avoir couru travers le monde, aprs avoir subi tant de fortunes diverses, pass par tant d'preuves, se trou-

LK JAUDIN DES PLANTES. xi

vait enfin la placp (iiii lui convenait le mieux ; il tait n6 avec un grand senti- ment des beauts de la nature qu'il a expliques la faon d'unpote enthousiaste et convaincu. Chez lui, l'motion intrieure tait vive et puissante. 11 avait ap- pris la botanique en mme temps que J.-J. Rousseau, et comme lui, il l'avait tu- die avec caprice, avec amour, revenant sans fin et sans cesse cette contempla- tioninfinie du printemps, de l't, de l'automne, de toutes les saisons, de toutes les beauts, de toutes les parures, de tous les accidents de la campagne. Une histoire bien simple et bien touchante, l'histoire de deux enfants, /^n/ r/ Vircfi- me, qui s'aiment dans un des recoins les plus striles de l'Ile-de-France, avait fait, du nom de Bernardin de Saint-Pierre, un de ces noms que l'on bnit et que l'on aime. Sans nul doute^ celui-l n'est pas un honune la hauteur de M. de Bufl'on, le grand seigneur, qui administre une grande affaire, (jui conuuande encore mme quand il demande , mais c'est un administrateur bienveillant, dvou, qui sait toutes les difficults de sa tache. Peut-tre n'aurait-il pas eu le gnie de concevoir, le courage de fonder et l'habilit d'agrandir une insti- tution conune le Jardin du Roi, mais au moins a-t-il eu le bon esprit de la d- fendre. H l'a dfendue avec urbanit , avec bienveillance, en consultant les nn- cinis, comme il le dit dans ses rapports au ministre de l'intrieur. Bien plus, chose trange, si vous avez au Jardin des Plantes des lions et des tigres, si le Parisien oisif, le provincial dsuvr, peuvent, toute heure du jour, se donner la joie d'entendre hurler les habitants froces du dsert ; si l'ours ^lartin est devenu, pour cette population d'heureux badauds, une espce d'Odry pataud et goguenard, qui fait la joie publique avec ses sauts et ses gambades, c'est l un bonheur dont vous tes redevables Bernardin de Saint-Pierre. Il a sauv d'une mort imminente la mnagerie du palais de Versailles, qui tait, avant 89, un des amusements du roi et de la cour. Comme les lions et les tigres de Versailles manquaient d'aliments (dj la nation se fatiguait de nourrir le roi, la reine et la famille royale), on crivit au Jardin du Roi pour implorer son hos- pitalit en faveur de ces intressantes victimes de l'an I" de la libert. Ber- nardin de Saint-Pierre accepta l'instant mme, et sans bnfice d'inventaire, cette partie de l'hritage de la royaut aux abois. Il prit en piti ces tigres hur- lants, ces lions affams, ces panthres bondissantes, ces loups froces, ces ours furieux, et avec des larmes dans la voix, avec ce style irrsistible tout rempli d'humanit et de chaleur, il demanda un sauf-conduit pour ces malheureux proscrits qui n'avaient plus d'asile o reposer leurs ttes et leurs griffes. C'- tait l'instant mme o Bernardin de Saint-Pierre, rempli d'inquitudes sinis- tres, tait en train d'crire toutes sortes de vux , vux f.onr le roi, va-nx pour le clexjc, vaux pour In noblesse, vux pour la nation, vux pour idneal'wn nniioiiale, lunix pour les nniious, et enfin vux pour les btes froees. De tous ces vux-l, ce dernier vu tait le plus facile exaucer. Dans ce dernier mmoire. Bernardin de Saint-Pierre tait tout fait dans son lment; il dfen- dait l'tude de la nature, qui est la base de toutes les connaissances humaines; il dmontrait, qui de droit, rincontcstable utilit d'un tablisscMuent pareil. Il n'est pas une profession de ce monde (pii n'y vienne puiser des linnires; le zoo- logiste, le botaniste, le minralogiste, tous les arts (pu se rattachent aux trois premiers rgnes de la nature, les lapidaires, les chimistes, les apothicaires, les

XII LE JAliDiN DES PLA.NTES.

(lislilliiieuis, les chiiurKiciLs, les niiiitoinistos, les iiH-dccins, sans coiiiptcrlc des- sinateur, le peintre, le sculpteur, ipii trouvent leurs modles runis dans le intime espace, i'.e l sont sortis les Tournefort, les Mouelle, les Maccaire, les Jussieu, les Vaillant, les Buflon et tous les savants qui illustrent TKurope inr- dernc et tous leurs ouvrages qui se sont rpandus dans le niondi; avec une multitude de vgtaux utiles et agrables, emprunts au Jardin des Plantes. M. Bernardin de Saint-Pierre proposait donc de complter cette vaste colkn- tion. Au cabinet, qui renferme les trois rgnes de la nature morte des fossiles, des herbiers, des animaux dissqus, empaills, injects; au .jardin, qui ne con- tient que les deux premiers rgnes de la nature, il proposait d'ajouter une m- nagerie. Cette mnagerie tait toute trouve, il n'y avait (ju' adopter la m- nagerie du jardin de Versailles. Bulfon lui-mme en avait eu grande envie ; mais fjuel que grand que ft le crdit de Tillustre crivain, il n'avait pas os disputer ces tigres et ces panthres l'homme de la cour qui en avait le gouvernement.

Maintenant, il ne s'agissait plus de disputer ces animaux froces; au con- traire, les mallieureux venaient d'eux-mmes au Jardin des Plantes; ils implo- raient une visite de Bernardin de Saint-Pierre et de Daubenton. Bernar- din de Saint-Pierre fut le seul (jui vint en aide ces malheureux proscrits. Cette mnagerie de Versailles se composait tout simplement de cinq animaux trangers: I" le couagga, une espce de cheval zbr la tte et aux paules, animal fort doux (jui tendit sa petite tte mutine l'auteur de /'(tnl n Vir(j'i- nic, connue s'il et reconnu son protecteur et son ami; i" le bubal, un petit buf qui tient du cerf et del gazelle ;. il avait t envoy au roi de France par le dey d'Alger, en iTS; .">" le pigeon hupp de l'Ile de Banga , admirable oiseau d'un beau plumage bleu couronn d'une superbe aigrette {;ui lui couvre la tte en forme d'aurole; i" le rhinocros de l'Inde, ., le lion du Sngal; i! avait sept huit mois; on lui avait donn pour compagnon un chiiMi braque : le chien et le lion taient les meilleurs amis du monde. Ils jouaient ensemble, non pas comme deux lions, mais bien comme deux chiens, tout le reste de la mnagerie avait t pill par l'meute. On avait enlev entre autres animaux un (liotfiadinrr, cinq espces de singes et une foule d'oiseaux plus ou moins bons manger. Le gouvernement de ce temps-l eut bien de la peine ne pas nielhe mort ces restes malheureux d'une mnagerie envie par Bud'on. On voulait les faire dissquer et faire placer leurs squelettes au cabinet : Il suffit d'tu- dier les animaux morts pour connatre suffisamment leur espce, disaient les conomistes. A quoi rpond Bernardin de Saint-Pierre, (jui retrouve ainsi son loquence et son courage :

(I Ceux qui n'ont tudi la nature que dans les livres ne voient [slus (|ue leurs livres dans la nature : ils n'y cherchent plus que les nonss et les caractres de leurs systmes. S'ils sont botanistes, satisfaits d'avoir reconnu la plante dont leur auteur leur a parl , et de l'avoir rapporte la classe et au genre qu'il leur a dsigns, ils la cueillent, et l'tendant entre deux papiers gris, les voil trs-contents de 1(mu- savoir et de leurs recherches; ils n(^ se forment pas un herbier pour tudier la nature, mais ils n'tudient la nature que pour se for- mer un herbier. Ils ne font, de mme, des collections d'animaux que pour renq)lir leur cabinet e( connatre leurs noms, leius genres et lems esjiccs.

LE JARDIN l>ES PLANTES. xiil

'. Mais (lUi'l est l'ainatcur de la naliirc ([ui tudie ainsi ces ravissants ouvra- ges? Quelle dilrence d\in vgtal mort, sec, fltri, dcolor, dont les tiges, les feuilles et les fleurs s'en vont en poudre, un vi^tal vivant, plein de suc, qui bourgeonne, fleurit, parfume, fructifie, se ressme, entretient mille harmonies avec les lments, les insectes , les oiseaux , les quadrupdes, et se combinant avec mille autres vgtaux, couronne nos collines ou tapisse nos rivages!

Peut-on reconnatre la verdure et les fleurs d'une prairie dans les bottes de foin, et la majest des arbres d une foret dans les fagots? L'animal perd la mort encore plus que le vgtal, parce qu'il avait reu une plus forte portion de vie. Ses principaux caractres s'vanouissent, ses yeux sont ferms, ses prunelles ternies, ses membres roidis; il est sans chaleur, sans mouvement, sans senti- ment, sans voix, sans instinct. Quelle diflrence avec celui qui jouit de la lu- mire, distingue les objets, se meut vers eux, aime, appelle sa femelh^ s'ac- couple, fait son nid, lve ses petits, les dfend de ses ennemis, tend ses relations avec ses semblables, et enchante nos bocages ou anime nos prairies ! Reconna- triez-vous l'alouette matinale et gaie comme l'aurore , qui s'lve en chantant jusiue dans les nues, lorsqu'elle est attache par le bec par un cordon, ou la brebis blante et le buf laboureur dans les quartiers sanglants d'une bouche- rie? L'aniinal mort, le mieux prpar, ne prsente qu'une peau rembourre, un s'iuelelte, une anatomie. La partie principale y nuauiue : la vie (pii le classait dasis le rgne animal. 11 a encore les dents d'un loup, mais il n'en a plus l'in- stinct, qui dterminait son caractre froce et le dilrenciait seul de celui du chien si sociable. La plante morte n'est plus vgtal , parce qu'elle ne vgte plus; le cadavre n'est plus animal, parce qu'il n'est plus anim ; l'une n'est qu'une paille, l'autre n'est qu'une peau. 11 ne faut donc tudier les plantes dans les herbiers, et les animaux dans les cabinets, que pour les reconnatre vivants, observer leurs qualits, et peupler de ceux qui sont utiles nos jardins et nos mtairies.

Cette voix loquente devait tre entendue. Et d'ailleurs, en tout ceci,Hernar- nardin de Saint-Pierre ne prenait que la dfense des lions et des tigres. Donc il fut dcid ([u'une mnagerie serait tablie au Jardin des l'iantes; ([ue la m- nagerie de Versailles y serait transporte, et aussi la mnagerie du Uainci. Si bien ([u'un jour, par cette mme route de Versailles o tout un peuple en fureur tait venu chercher le roi , la reine, M. le dauphin, nuidame Elisabeth , toute cette faunlle de saint Louis; par ce mme chemin sanglant o ces condam- ns mort taient trans lentement dans la poussire, on vit passer, trans dans une voiture (juatre chevaux, mollement couchs (hins leur niche de chaque jour, suivis et prcds de leurs gardiens, qui les entouraient de petits soins, de prvenances et de caresses, le couagga, le bubale, le pigeon hupp, le rhinocros et le lion. On n'avait mme pas spar le lion de son ami tidle et dvou, le chien caniche. Quelle est, je vous prie, riiisfoire de ce monde qui n'ait pas ses contrastes? Quelle est la rvolution qui n'ait pas ses victimes? Quelle est la grande route, quelle est la vaste mer qui n'ait pas vu passer, avec untomiement plein d'pouvante, la royaut dans ses appareils si divers?

Mais (juoi donc? propos des fleurs et des plantes, et des fruits de l'au- (onine, et des grands arbres qui nous viennent de loin; proi)()S des lis et des

XIV LE JAUDliN DES PLANTES.

roses, propos du beau jardin qui resplendit i-bas sous le soleil, gardons-nous bien d'aller au-devant des passions politicpics. i.aissons-lescouriret se dmener tout l'aise de Versailles Paris, et de Paris dans le reste du monde ; que nous importe? 11 ne s'agit pas de sauver une antique monarcliie qui se perd, il s'agit d'agrandir et de sauver le jardin que M. deBuffona plant de ses mains. Vienne la rpublique une et indivisible, elle est la matresse souveraine! mais, au moins, sauvons le Jardin du Ioi. Jardin iln liai ! c'tait l , en elTet, le nom primitif de ce petit univers en raccourci. Cette fois, la libert nouvelle, impatiente de tout entraner, se rpand et l comme un torrent vainqueur qui apporte avec lui toute sorte de fcondits et de dsordres. Mais l'heure o nous som- mes, 18 mars 1702, toutes les universits sont abolies, toutes les acadmies sont supprimes, mme la facult de mdecine est proscrite. Cependant, au milieu de tout ce renoncement, que va devenir le Jardin, le Jardin du Roi? Un caprice de cette nation de 02, qui allait si vite, a sauv le Jardin du Roi. Quelques hon- ntes gens se rencontrrent, qui persuadrent au peuple franais que le Jardin du Uoi tait un grand dpt d'herbes mdicinales , o les malades venaient chercher la sant du corps, entrept bienveillant o chacun se fournirait de mauves, de camomille et de tilleul. On ajoutait que le laboratoire de chimie servirait faire de la poudre. Donc, nous aurons des tisanes rafrachissantes et des cartouches, du bois de rglisse et des bombes ; que pouvons-nous dsirer de ])lus? A ces causes le Jardin du l\oi fut sauv de la proscription gnrale. Eh ! que de grandes institutions ont t sauves pour des motifs moins srieux que celui- l. Vous avez peut-tre vu la plus belle place de la ville de Lyon une admi- rable alle de tilleuls, qui est la joie, l'ornement, la fracheur, le dlassement de cette ville immense. On allait renverser les tilleuls et en faire du bois, lorsque se prsenta un jour aux proconsuls de commune affranchie une vieille femme, sexagnaire, pour expliquer ces terribles niveleurs, comment elle avait l'habi- tude, depuis cinquante ans, de se promener chaque jour d't, l'ombre de ces vieux arbres; que ces arbres l'avaient vue natre, et qu'elle ne voulait pas les voir mourir. On couta favorablement la vieille femme ; on prit en considra- tion son humble prire. Ainsi furent sauvs les beaux tilleuls de la place de Bellccour.

Cependant vous comprenez bien que ces titres de Janlhi du Uoi, iiilcn- dani du roi , et tout ce qui sentait tant soit peu sa monarchie, durent imm- diatement disparatre. Aussi fit-on un dcret qui ordonnait qu' l'avenir le Jardin du Roi s'appellerait jV//.s/j?t dliisiairc nalurtUc; qu'il n'aurait plus d'o/- //Vi('/-.s, mais des professeurs ; \)\us d'iuicinlani h yic , mais un (Hrecl prof(>sseurs se nonunaient : Daubenton, Fourcroi, Brongniart,

LE JARDIN DES PLANTES. w

Dosfoiitaincs, de Jussieu, Portai, Mortrud, Lamarck, Faiijas de Saint-Fond, (;ooflVoy,\anspaondonck, A. Thouin. Ajoutez ce personnel, dj considrable, le nom de iM. de Lacpde, ancien collaborateur de M. de BulVon, les noms de MM. Marchal et des deux frres Redout. Cest le mme Pierre-Jean P.edout qui a t pendant c|uarante ans le plus charmant et le plus exact des peintres qui aient donn Tternit aux lleurs, ces astres d^ui jour. Le nom de Picdoul se rattache au Jardin des Plantes par toutes sortes de chefs-dYeuvre d'un prix inestimable. 11 est Thistorien des liliaces et des roses; il leur a donn autant de dure (pie les plus ^nands narrateurs en ont donn aux gagneurs de batailles. l\endons justice qui de droit. Cette ide d'avoir un peintre pour les plus belles lleurs, pour les plantes les plus curieuses de nos jardins et de nos campagnes, appartient Gaston d'Orlans, le propritaire du jardin de Blois, le premier prince du sang qui se soit occup d'horticulture avec le zle d'un savant et une dpense toute royale. Gaston d'Orlans aimait ses Heurs autant, pour le moins, que xM. le rgent devait plus tard aimer ses matresses. Le jardin de lUois avait son peintre ordinaire, tout comme il avait son jardinier en chef. Le peintre de fleurs de Gaston d'Orlans s'appelait Robert : c'tait un artiste patient, labo- rieux, exact, ne donnant rien au hasard, mme quand il peignait une rose. A la mort du duc d'Orlans en 1060, Colbert acheta, pour la bibliothque du roi, le recueil des plantes peintes par Robert sur vlin. A Robert succda, plus tard, Vanspaendonck. Celui-l, plein de fougue et de caprices, grand coloriste, dessi- nateur fantasque, arrangeant et disposant sa guise les plus fines et les plus dlicates crations de la dore franaise. Redout s'est montr le digne succes- seur de ses deux matres ; il a t exact comme Robert, coloriste conuue Vans- paendonck. 11 avait t mis au monde tout exprs pour jouer, comme disent les enfants, aujeu de regarder les fleurs. Il tudiait ces plantes dlicates, ces formes vaporeuses, cette couleur idale tombe du ciel avec la rose du printemps, tout comme Dupuytren lui-mme tudiait, la mme poque, les nerfs, les tendons, les artres, les viscres que contient le corps de l'homme. Pour les peindre tout l'aise, ces fleurs bien-aimes qui ont t la couronne de sa jeu- nesse, la fortune de son Tige mr et l'apothose de son tombeau , Redout, ce peintre charmant, avait invent et perfectionn l'aquarelle, comme la seule cou- leur qui fut digne de reproduire dans ses nuances les plus fines et les plus d- licates le tendre mail des prairies, le frais coloris des jardins. Cet honuue, qui a peint toutes les fleurs de la cration, n'en a pas invent une seule. Il faut le dire sa louange, il a prouv qu'un peintre de fleurs pouvait tre et devait tre un artiste srieux. Ainsi parmi toutes les batailles de la rvolution et de l'empire, au plus fort de toute cette gloire des armes et de la politique ([ui nous apparat aujourd'hui comme un rve. Redout s'est tenu renferm toute sa vie, dans le jardin en t, dans la serre en hiver. 11 s'est maintenu entre une double haie d'aubpines en fleurs, au bruit de l'Europe en armes, au bruit des trnes qui croulaient. Cet honuue heureux n'tait occup qu' ramasser des bluets dans les chanq)s et des roses toutes les pines. Il a t un in- stant le roi de la Malmaison et le favori de cette douce impratrice Josi)hine, qui aimait tant les hortensias et les lauriers. Modeste et bon Redout ! le Jardin des Plantes uardera son souvenir conune on garde le souvenir de la

XVI I.E JARDI.N DES PLANTES.

premire violette (jne nous a donne notre j(>une inr.itresse. A voir sa main dillorme et ses jjjros doigts, tiu'on et pris pour les doigts d'un forgeron, nui ne se serait dout des dlicatesses infinies que ces gros doigts pouvaient con- tenir; comme aussi entendre sa parole embarrasse, le voir chercher les mots les plus vulgaires de la langue, qui aurait cru que c'tait l le professeur le plus suivi du Jardin des Plantes? pourtant la chose tait ainsi. Au cours de lledout se pressaient en foule les plus charmantes femmes et lesplusaimables jeunes (illes del grande Huuille parisienne,qui venaient se mettre au courant de quelques-uns des mystres que renferme la fleur; et puis, quand il parlait de cette grand(; famille dont il tait le Van-I)ick et le Rubens, Redout devenait presque un ora- teur. Il expliquait, la faon d'un peintre loquent, les moindres dtails de cette dlicate anatomie des plantes. Pauvre homme! si aimable et si bon, si ingnieux et si modeste, dont l'cole a port tant de fleurs, il est mort il y a deux ans, frapp d'apoplexie par la mauvaise et brutale volont d'un mchant commis du ministre de l'intrieur, qui avait refus de lui commander un tableau. Le matin mme il avait fait sa dernire leon au Jardin des Plantes; puis en pas- sant dans le jardin, il avait demand un beau lis tout charg de rose; rentr chez lui, il avait pos la belle fleur dans un vase de porcelaine, et il s'tait mis la dessiner avec cette calme passion qu'il apportait toutes ses uvres. Cepen- dant la nuit tait venue dj ; la fleur perdait peu peu ce nacre transparent qui la rend si brillante , le lis se penchait sur sa tige languissante, la corolle fatigue s'entr'ouvrait avec peine laissant chapper son pollen maladif. Il finit que je me hte, dit Redout, voici dj que m'chappe mon beau modle; il ne sera plus temps demain, htons-nous ce soir. En mme temps il allumait sa lampe; le lis fut plac sous cette lueur favorabli% Redout continuait son travail. Hlas! qui l'et cru, qui Tet janiais pens? entre le peintre et son modle, c'tait un duel mort. A ce monient solennel la noble fleur royale, je- tant autour d'elle toute son odeur suave, toute son Ame ; le peintre rsistait de toutes ses forces. A la lin il fut vaincu, il tomba roide mort sur cette page com- mence, il dura moins longtemps que cette fleur, rsous avons eu sous les yeux ce dessin inachev de Redout; c'est la dernire, et c'est, sans contredit, la plus belle fleur qui soit sortie de ses mains. Que si vous voulez savoir ce qucst devenue cette longue suite de dessins, continue sans interruption depuis Gas- ton d'Orlans jusqu' nos jours, allez la bibliothque du Musum, parcourez ces immenses in-folio remplis des plus admirables peintures sur peau de vlin, et vous resterez ananti devant une telle merveille. La partie botanique seule compte plus de six mille dessins originaux et d'aprs nature ; les connaisseurs adirment que cette collection vaut plus de deux millions. 11 faut dire aussi ([ue la srie animale est presque aussi riche; ([u on y travaille sans fin et sans cesse, et que jamais plus grande, plus somptueuse entreprise n'a t excute sur une plus vaste chelle et par des artistes plus habiles.

Que si vous ajoutez ces noms d'autres noms (|ui sont devenus clbres plus d'un titre : MM. Dufresne, Valenciennes, Deleuze, vous coinprendrez {|ue le Jardin des Plantes n'a pas se plaindre de la rvolution franaise. C'est la rvolution (|ui a rappel AL de Laci)de ; elle a agrandi le Muse, rgularis et agrandi le jardin ; elle a t anime des meilleures intentions. Mal-

Il: j. A II 11 IN i)i:s l'i AMi:s. xmi

lnHireiisomont il est arriv plus (rniit' fois (jue, tout d'un coup larpicnt V(Miant uianqiicr,los plantes mouraient faute de feu dans les serres, les animaux faute d'aliments dans leurs cages. La rvolution avait encore ceci de bon qu'elle avait dfag le Jardin de toutes sortes d'entraves; elle s'tait empare des jardins et des maisons qui l'obstruaient. Bien {)lus, elle avait pouss la prcaution jusqu' emprunter au Stathouder de la Hollande, en !70.j, emprunt fait les armes la main connue nous empruntions toutes choses en ce temps-l, deux lphants maie et femelle pour le Jardin des Plantes. Vous pensez si ce fut l une fte pour le Jardin et pour le peuple de Paris : un lphant, deux l[)hants, le niAle et la femelle! 11 ne fut plus question de la conqute de la Hollande pen- dant huit jours.

Revenons cependant Bernardin de Saint-Pierre. Son nom est un de ceux (jui font le plus d'honneur au Jardin des Plantes. Le roi Louis \ VI lui avait dit en le nonunant: J'ai lu vos ouvraj^es, ils sont d'un honnte homme, et j'aiaudin,o il tait dit que le capitaine avait runi dans l'le del Trinit une riche collection de matriaux pour Ihisloire naturelle, (pi'il demandait un vaisseau et

xvMi KK .lAIUHN l)i:s PLANTIvS.

(l(\s lioimcs pour rapporter cette riche collection au Musum, (hi accorda au capitaine le vaisseau et les hommes qu'il demandait : .MM.Maujcret Villain,zoolo- listes, M. le botaniste Leduc, .M. lUedley,, jardinier du Musum. On met la voile lo 'i septembre; on fait naufrage aux les (lanaries; enlln, aprs bien des traverses et au bout dune anne entire, ce nouveau et savant vaisseau des Argonautes re- vient tout charg d'arbres, de vgtaux, de ricii(>s herbiers. Chemin faisant, quel- (iues-unes de ces plantes avaient port leurs fruits et leurs Heurs connue en pleine terre. Voil donc le Musum qui prend le got des voyages; les voyages et la guerre l'enricliissent galement. On va chercher en Afriijue la collection d'oiseaux de M. le Vaillant ; on ramne de la Guyane la collection de M. Dragton. Il \ eut bien encore de mauvais moments passer, ce point qu'en l'an ISOO (Bonaparte n'tait pas encore lo matre de la socit qu'il devait sauver), on fut oblig de faire; dvorer aux plus beaux lions des lions de la moindre espce; celui-ci, gorg le matin, nourrissait celui-l le soir... c'tait tout fait comme en 1795 pour les liomnies ; mais bientt vint le premier consul Bonaparte, mais bientt vint l'em- pereur >LANTi:S.

la libert ont galement pes sur leur tte? Ils arrivent donc l arme au bras, la torche allume; Paris est pris enfin, et a\ec lui la France entire. Soudain ils s'arrtent, ils regardent, ils dposent leurs armes. prodige! ils ont reconnu les lleurs, les arbres, les animaux, la culture de la patrie absente, ^'esl-ce pas une illusion ? voici des fragments de la terre natale , voici le compagnon de leurs travaux champtres; \oil la tleur des champs qu'ils donnaient leur jeune matresse ; cet oiseau qui chante , c'est l'alouette de leurs sillons, c'est le rossignol de leurs nuits d't. Ainsi , ces hommes que n'a pu arrter la fortune de l'Empereur ^apolon, ces hommes qui ont rduit la grande arme ne plus occuper que quelques sables de la Loire, ils sont vaincus par le chant d'un oiseau, par la toison d'un blier, par un coquillage, par un brin d'herbe! Leurs Empereurs, leurs rois, leurs gnraux, sont les premiers, mme avant d'aller voir le Louvre, venir saluer les domaines des Buflon et des Jussieu. L'empereur d'Autriche, l'empereur de Russie, le roi de Prusse viennent reconnatre les chantillons de leur royaume ; les vainqueurs pro- mettent d'augmenter les richesses des vaincus. Bien plus : pendant qu'ils re- prennent au milieu du Louvre V Apollon, le Lnocoou, la Venus, la Coimnnnion (le sa/ni Jrme, la Salnlc Ccile, le Manarje de la Vierefe, tous les cliefs-d'o'uvre de Titien, de Raphal; pendant qu'ils remportent, bouillant de joie, les che- vaux de Venise sur leur pidestal chancelant, pas un de ces vainqueurs n'ose reprendre au Musutn d'histoire naturelle, la plus petite parcelle de ses conqutes, tant ils trouvent que ces fragments sont leur place ; ils veulent bien dpouiller le Muse du Louvre, parce qu'aprs tout, un chef-d'uvre est partout un chef-d'uvre, mais ils auraient honte de briser l'unit de la science ; ce que leur a pris l'histoire naturelle, ils nous l'abandonnent, tant ils com- prennent que ces conqutes pacilicjues sont devenues notre proprit force de soins, de zle et de gnie. Rien n'est plus beau que cette histoire d'une arme entire qui recule devant une profnnation ; il y a cependant une his- toire aussi touchante. Vous vous rappelez ce jeune sauvage qui on faisait voir toutes les merveilles de Paris; on le menait aux Tuileries, Notre-Dame, l'Opra, dans lous les lieux o se fabriquent la puissance , la religion et le plaisir, le jeune homme restait inunobile ; mais au Jardin des Plantes, tout au bout d'une alle solitaire, le voil qui se trouble, qui clate en sanglots cl qui s'crie : Arbre de mon pays! et il embrassait l'arbre de son pays.

Voil comment toute celle arme de six cent mille hommes s'est crie, elle aussi, dans un transport unanime : Arbres de monpaijs !

Ce pays de France est le pays le plus merveilleux pour se relever tout d'un coup des commotions les plus terribles; c'est vraiment cette tour dont i)arle Bossuet, celte tour qui snit rparer ses brches ; il arriva donc que cette grande pairie de lous les arts fut rendue elle-mme : l'invasion s'coula comme fait un fleuve immonde aiirs l'orage. De tous les monuments de Paris, le seul qui n'ait pas t insult, c'est le Jardin des Plantes. Au chteau des Tuileries on avait t son empereur; l'arme, son capitaine; la colonne, sa statue; au Muse du Louvre, ses plus rares chefs-d'uvre; au bois de Boulogne, ses plus beaux arbres; au trsor public, plus d'un milliard : nos frontires, des royaumes entiers. .. On avait r(>spect le Jjirdin des Plantes! c'tait le terrain

LK JARDIN Di:S PLANTAS. xxiii

nciili'c o venaient se reposer tous les partis de leurs agitations sans nombre. Dans ce beau lieu de rverie et de calme, le vieux gentilhomme de l'iMnigration cherchait retrouver le souvenir des vieilles charmillos dont la rvolution l'a- vait tipouill ; le vieux soldat de la Loire, hros mutil dans vingt batailles, ne trouvant plus nulle part le portrait de lempereur et roi, venait saluer le cha- meau blanchi qui avait port le gnral lonaparte dans les dsert de l'KgJpte. Les enfants de toutes les gnrations se rencontraient danses paisibles alles Tabri de la foudre et de Forage ; l'enfant et le vieillard, la jeune fdle au bras de son fianc, le jeune homme la poursuite de sa matresse, l/ombre, le re- pos, le calme, la fracheur, les passions heureuses habitent en effet ces paisibles hauteurs. Non, certes, ce n'est pas l que viendrait l'ambitieux pour s'aban- donner ses rves boursoufls. Ce n'est pas l que viendrait l'avare tout proc- cup d'argent et de fortune. Arrire h'S passions mauvaises ! ceci est le domaine des nobles passions, des beaux rves potiques, des clats de rire enfantins, du bourgeois fatigu de travail, du pauvre soldat qui pleure son village, de l'honnte provincial qui est venu chercher Paris les brujanls plaisirs del vie et qui s'estime heureux de rencontrer celle calme oasis. C'est, en effet, un mer- veilleux endroit pour la mditation, pour la rverie, pour la nonchalance, pour la contemplation. La science et l'oisivet, la douce oisivet et l'tude acharne sj coudoient sans se heurter. Les uns arrivent l au lever du soleil, ils tu- dient dans ses moindres dtails le grand mystre de la cration : celui-ci le crayon la main, celui-l arm du scalpel, ce troisime, l'aide de la loupe, qui est son sixime sens; ils pntrent peu peu dans toute la science de la forme, de la couleur, du mouvement; l'un regarde la plante parce qu'elle est belle, l'autre l'admire parce qu'elle est utile ; celui-ci en veut aux parfums qui s'en exhalent; cet autre, aux sucs bienfaisants (|ui gurissent. Il (ii est qui font leur proie du tigre et du charal; il en est (jui n'en veulent qu' l'insecte et l'oiseau-mouchc heureuse passion, heureus. science, passionns loisirs! VA qui donc, le premier en France, nous a appris l'aimer cette douce tude du sol que nous foulons? Qui donc nous a racont les premires merveilles de la plante et de la tleur? Ce n'est pas M. de Rullon. M. de Buffon n'est pas un matre qui enseigne, c'est un historien qui raconte et qui devine. Il parle des choses naturelles avec tous les entranements de l'loquence; il ne se fait pas humble avec les humbles, petit avec les petits; il ne sait pas attendre ceux qui veulent marcher dans sa voie ; il marche pas de gant, il va tout seul o Finsi)iration le pousse : tantt dans les entrailles de l'homme, tantt dans le sein de la terre dont il explique la formation par une prescience incroyable (|uela science moderne a confnme; tanltausein des mers, un autre jour au sommet des montagnes, dans toutes sortes d'endroils prilleux que nos faibles regards ou nos pieds chancelants ne sauraient franchir. Non, ce n'est pas M. de Pulfon qui est notre professeur de botaniiiue. Le premier de tous, celui qui a vulgaris l'lude et la contemplation des douces et frles beauts de la nature, c'est Jean-.Iaciiues llousseau en p( rsonne; c'est lui, le bilant sophiste, lui qui a renvers et bris tant de choses, lui (pii a pes Us socits vieillies dans ses deux mains, lui qui a sem dans toutes ks Ames honr.lcs ou perverties les I rlantes ardeurs de FIflose et du Saint-Preux, c'est .1.-.!. Fiousseau en jer-

XXIV Li: JARDIN ni: S PLANTES.

sonne qui a donn la France sa premire leon de ho!anii|uc On et dit quil tenait honneur de rparer, par l'enseignement de cette vcriueuse passion, tous les paradoxes funestes qu'il a dmontrs dans ses livres conune autant de vrits incontestables, l'auvrc homme, malheureux qu'd faut plaindre, car il a succomb le premier sous l'enthousiasme factice qui a fait tant de mnl aux jeunes esprits de son temps; le premier il a senti le besoin de se tirer de ces brlantes hauteurs, et de chercher dans la frache valle les douces conso- lations d'une tude qui laissait de ct les hommes, leurs passions et leurs murs. ('est ainsi que l'crivain et les hommes qu'il agitait autour de lui, les hommes, ces jouets dont il tait le jouet son tour, ont prouv tout d'un coup la mme fatigue. Certes, vous ne lirez pas, sans attendrissement et sans respect, les Lnircxsiir In holmrine de J.-J. Rousseau. Le voil ce grand matre dans l'art de brler les mes ; le voil ce sauvage qui foule d'un pied loquent et passionn la civilisation tout entire; le voil, ramassant au penchant des coteaux, au pied de l'arbre, sur le bord des chemins, la mousse qui pousse, le lichen qui rampe et la feuille emporte par le vent d'automne. C'en est fait, il ntes, je vous assure qu'il ne faut tre ni pied bot, ni manchot.

A ce propos, n'oublions pas la chasse aux manchots, qui s'abattent coups de bton; la chasse Lhippopotame, moiti chasse et moiti pche, et tant d'autres animaux qui se promnent de l'Egypte Tunis, de Tunis aux frontires d'Al- ger, de l'empire de iMaroc la Sngambie, de Tombonclou Ronrnou. Vous voyez bien que ce brav(; gentilhomme avait le dlire, et que l'ide seule de la chasse l'emportait bien loin de Paris, oui , certes, bien loin de Paris, au Jai- din des Plantes, le lieu de la terre le plus peupl et le mieux peupl de l'univers.

Moi je ne suis gure de cette humeur tuer toutes choses. A Dieu ne plaise que je me mette au milieu de ces enrags qui ne connaissent qu'un plaisir : faire feu sur tout ce qui est au bout de leur fusil ; j'aime assez les cratures du bon Dieu pour leur laisser la vie, l'ombre, l'espace, la chanson joyeuse, le plumage dor et le soleil. L'oiseau est l'honneur du printemps; il est la chan.son mati- nale du champ de bl, il est la plainte mlancolique de la charmille, il est le chant de triomphe, il est le cri de douleur, il est lwsaniia in excelsis de cette belle et grande nature o chaque tre tient sa place, depuis l'aigle qui alTronte le soleil, jusqu'au ver luisant jetant sa pale clart sur la feuille cjue laisse tomber la rose. Eh bien! consolez-vous. Dtournez vos yeux de cet affreux carnage! Laissez l les sanglants rcits de l'intrpide chasseur, vous tes l'abri de ces coups, vous les faisans dors, vous les oiseaux jaseurs aux couleurs changeantes, vous les tigres, les lions et les ours de la nation. Quant nous autres, les simples curieux, les voyageurs oisifs, ouvrons hardiment nos oreilles, nous n'entendrons pas la dtonation du fusil, mais bien le chant de l'oiseau. A la place de ces cadavres sanglants, voici des oiseaux qui volent. Dans la plus charmante volire qui soit au monde, des mains heureuses et savantes ont runi les plus beaux oiseaux de la terre , et nous les pouvons voir dans leurs plus belles couleurs, dans les attitudes les plus charmantes de leur existence de chaque jour. Ils \ sont tous, je dis les plus beaux, les plus charmants, les plus joyeux, dans leur plus transparent attirail. Cette chane aile commence par le merle rose, pieds oranges, bec orange et noir ; la huppe joue grise, bec noir, la huppe orange et rouge de feu ; le chevalier quiquette aux pieds verdAtres, le gros-bec et le bec crois ; l'hirondelle de mer, ponvaniail , ainsi nomm parce qu'il est le plus gai des oiseaux; celui-l, comme tant d'autres oiseaux, possde deux plinnages, le plumage d'amour et le plumage d'hiver. Quel honune en ce monde n'a pas son plumage? les cheveux noirs et boucls; et son plumage d'hiver? la tte grise et chauve. Viennent ensuite, dans cette ronde arienne, le coq domesticpie. qui

x\xiv I.K JAKIHN L)KS PLAMES.

serait It' plus beau des oiseaux s'il n'habitait pas nos basses-cours; Je morillon et le hron pourpre, et le bouvreuil au bec noir, aux pieds bruns, au ventre blanc, et le paresseux dans son plumage d'amour; paresse et plumage d'amour, deux mots qui jurent! Vous ne sauriez croire que d'admirables petits tres pas- sent ainsi sous vos yeux ravis. Savez-vous rien de plus joli que la msange bleue? rien de plus gai que la fauvette tte noire? Et la msange-moustache? Vous en avez rencontr plus d'une dans nos salons, la lvre suprieure ombra- ge de ce fin duvet qui rend la lvre plus rose et la dent plus brillante. Et le pinson, et le bruant, et la fauvette-rossignol, connue madame Damoreau, et le geai, cet admirable ricaneur; jusqu' ce qu'enfin arrivent leur tour les aigles et les cigognes, les faucons et les freux, les outardes et les grues, les corneilles et les engoulevents : tous ces tyrans de l'air ont la beaut en partage, tout aussi bien que Nron l'empereur.

Mais cette fois, qui (jue vous soyez, tyran ou victime, gros-becs gorge rouge ou msange huppe, tourne-pierre collier, avocelte nuque noire, bcasseau- chasse, pluvier collier interrompu, buse et milan royal, cigogne noire et ca- nard tadorne, aigle criard et gypate barbu, dicrime et talve, cresserellette et ganga, ne craignez rien, livrez-vous en paix vos jeux, vos amours, vos passions, vos adorables caprices des quatre saisons de l'anne; cette fois vous n'tes pas exposs au fusil Lefaucheux , au fusil Robert, aux filets et la glu; cette fois vous tes l'ornement bien-aim, la gloire bien protge et bien d- fendue, la joie honnte et populaire du plus beau jardin de lunivers.

La restauration n'a fait que suivre l'impulsion donne au progrs du Musum. On ne s'est pas content, cette fois, d'agrandir le jardin, de le pousser jusqu' la rivire, de le dgager de toute ombre malfaisante, de tout voisinage incom- niode, on a voulu encore associer cette uvre et cette joie nationale, tous les amis de l'histoire naturelle.Nousavons vu dj que plus d'un voyageur, plus d'un marin clbre avaient donn l'exemple d'un dvouement sans bornes cette institution. Ces exceptions trop rares devinrent bientt une habitude. Pas un marin de quelque importance, pas un capitaine de vaisseau, pas mme un lieu- tenant de frgate n'aurait cru son voyage complet, s'il n'et pas pu en consigner quelques souvenirs au Jardin des Plantes. Nous avons dj nomm le capitaine Baudin; il faut nommerMM. J. Diart et Duvaucel,MM. Leschenaultet Aug.Saint- Hilaire, M. Delalande, M. Dussumier-Fonbrune, M. Steven, M. Dumont-d'Ur- ville, M. Freycinet , M. Phihbert, M. le baron Milius, M. La Place, M. du Petit- Thouars, le savant et l'illustre voyageur autour du monde. Les uns et les autres, de tous les lieux de la terre habite, de Calcutta et de Sumatra, de Pondichry et de Chandernagor, du Brsil et de l'Amrique septentrionale, du Cap et des Philippines et du Caucase, des les de l'Archipel et des bornes du Pont-Euxin , des terres australes et de la Cuyane franaise et de l'le Bourbon, ont envoy toutes sortes d'chantillons admirables, vivants ou morts, qui ont agrandi, outre mesure, cette prcieuse collection. A ce propos, soyons justes. A force de nous occuper des grands meneurs du Jardin des Plantes, force de parler des Cuvier et des Buffon, n'oublions pas, dans notre reconnaissance et notre estime, les humbles compagnons de leurs travaux et de leur science. Que les directeurs du Jardin des Plantes passent les premiers, c'est trop juste; mais

LE J.\Ul)l^ DES PLA:T1:S. xxxv

aussi que les plus humbles ambassadeurs de leurs observations et de leur for- tune ne soient pas passs sous silence. Cette vaste science de l'histoire natu- relle, qui embrasse le monde entier, ne peut pas se lire entre quatre murailles; elle doit, avant toute chose, se rpandre au dehors. A l'exemple de toutes les grandes puissances de l'Europe, la science naturelle agit surtout par ses dputs. par ses ambassadeurs; donc, au-dessous du grand naturaliste qui reste au jardin pour crire, pour raconter, pour enseigner toutes les dcouvertes dont il a le secret, il y a le naturaliste-voyageur, plus dvou et plus ardent, qui s'en va dans toutes les latitudes, ramassant, recueillant, entassant dans sa lourde valise, dans son immense herbier les minraux et les plantes, les pois- sons de la mer et les oiseaux du ciel. Ijn pareil honune doit tre infatigable, actif, laborieux, plein d'obstination et de courage. Rien ne le fatigue, rien ne lui fait peur. Pour cet homme, chaque animal de la cration, usme le plus abject et le plus difforme, est une chose d'une grande valeur. Il ira chercher les plus affreux insectes dans la pourriture, dont ils sont comme une exhalaison vivante ; il ira chercher le lion dans sa tanire ; il dompte l'lphant, il arrte le chevreuil qui s'enfuit dans les bois; il est chasseur, historien, dessinateur, physio- logiste ; il rapportera de l'autre extrmit du globe une plante inconnue dans son chapeau, une bte froce dans sa cage. Noble, curieuse et sincre passion qui se suffit elle-mme, car pour l'ambassadeur du Jardin des Plantes, on na encore invent ni la gloire, ni les acadmies, ni les honneurs que donne la science, l'ne fois que ce digne homme est de retour de ses voyages lointains, une foisqu'd a dpos, la porte du sanctuaire, cet immense butin qui reprsente souvent dix annes de sa vie, c'est peine s'il lui est permis de s'asseoir l'ombre des arbres (|ue ses prdcesseurs ont plants. Dans ce Musum embelli par ses soins, l'intr- pide naturaliste est reu comme tout le monde. La plante qu'il a ramasse dans le dsert, et laquelle lui-mme, mourant de soif, il aura prodigu sa ration d'eau de chaque jour, la plante tant aime se tient ddaigneusement renferme dans son palais de cristal. Le digne homme la voit de loin prosprer et grandir; mais qu'importe? Plus reconnaissant que la plante qui ne reconnat que le soleil, ciui n'obit qu'au vent tide et doux, l'animal froce dont il a t le gardien et le dompteur le reconnat en bondissant dans sa cage, il le salue d'un hennissement joyeux; ce sont l ses plaisirs, il n'a pas d'autres rcompenses. A peine son nom est-il inscrit sur une des pages brillantes de cette grande histoire, peine si le jardinier en chef le protge. Trop heureux encore s'il peut atteindre l'honneur inespr de voir son nom ou bien le nom de son jeune lils, ou bien le nom de sa femme, si souvent dlaisse pour la science, se rattacher quelques-uns des fruits qu'il a ramens de si loin, quelques fleurs dont il aura dot la patrie? Un tel homme est le paria de la science. Mais tel est le charme de la science, qu'elle efface absolument les humiliations et les dgots de tout genre ; elle porte en elle-mme sa consolation et son courage, elle se passe de la reconnaissance des hommes, elle se passe de tout, mme de la gloire. Ceci vous donne le secret de bien des dvouements obscurs, ceci vous explique bien des luttes ignores. Voulez-vous cependant, pour que notre justice soit complte, que nous prenions au hasard la biographie de l'un des naturalistes dont nous parlons?

M. Milberl . par exemple, mort l'an pass, sans qne pas une voix shnt

xxwi m: jardin des plantes.

pour lui pauM- un tribut de reconnaissance et de respect. Peintre, naturaliste, voyageur, correspondant du Musum d'histoire naturelle de Paris, au Jardin du Roi , Jac(|ues-(''rard Milbert aurait pu attacher son nom aux plus grands tra- vaux et aux plus admirables dcouvertes de ce temps-ci ; il s'est content d"y apporter sa part de zle et d'utilit. Il tait n Paris le 18 novembre ITCG, et de fort bonne heure se rvla l'instinct qui le poussait tudier l'histoire natu- relle dans ses moindres dtails. Celte passion naissante pour toutes les belles choses de la cration , commencer par la fleur qui est la surface, finir par le minerai cach dans les entrailles de la terre, avait fait tout d'abord du jeune Milbert un dessinateur pratique, comme il en faut pour reproduire, dans toute leur beaut, et sans les embellir, les moindres dtails de l'histoire natu- relle.

En I79.J, il fut nonun professeur de dessin l'cole des Mines; la mme anne, il fut charg d'une mission dans les Pyrnes, d'o il devait rapporter tous les sites relatifs l'exploitation des mines. Dj les premiers travaux du jeune naturaliste avaient eu assez de retentissement pour que , deux ans plus tard, il ft admis l'honneur de suivre, dans sa conqute de l'Egypte, le g- nral Bonaparte. Malheureusement, tout dsign qu'il tait pour cette expdi tion , :Milbert ne put pas partir, et cela a t, depuis, un des grands chagrins de sa vie, quand il se souvenait de tous les beaux chantillons qu'il aurait pu ramasser dans la vieille patrie des Pharaons.

Cependant, pour n'avoir pas suivi le gnral Bonaparte dans cet Orient moiti conquis, M. Milbert ne restait pas oisif; il avait t charg, en 1799, de visiter les Alpes, et de s'informer en mme temps comment ces hautes montagnes pou- vaient tre aplanies, et conuuent, depuis Genve jusqu' Lyon, le Rhne pouvait devenir navigable. L'anne suivante, il s'embarquait pour les terres australes, comme dessinateur en chef de l'expdition, sous les ordres du capitaine Baudin. La route fut longue et seme de prils; mais aussi le voyage fut rempli de d- cou v(>r tes.

De retour en Europe, M. Milbert fut prpos par le ministre la publication de cet impoitant voyage. On a aussi de lui, mais crite en entier de sa main, une trs-fidle relation d'un voyage aux les de France et de nrilTc, et au cap de Bonne-Esprance. 11 crivait conune il dessinait , d'une main nette et (rme, simple et vrai avant tout.

En iSI.'j, nous retrouvons M. Milbert dans les tats-Unis d'Amrique.

En 1817, M. Hyde de INeuville, ministre de France aux tats-Unis, charge -M. Milbert d'un grand travail sur l'histoire naturelle. Ce travail a dur sept annes ; et pour avoir une juste ide du zle, de l'activit, de la patience, du dvouement, du courage de ce savant homme, il faudrait lire le rapport adress par les professeurs du Jardin des Plantes au ministre de l'intrieur.

Monseigneur, disaient-ils, nous avons reu rcemment les douze caisses qui composent le cinquante-huitime et dernier envoi de M. Milbert, et nous pou- vons maintenant vous parler en dtail des travaux de ce naturaliste infati- gable. I)

En mme temps les rapporteurs raconteut, non pas sans motion, avec (juel zle, quelle exprience pleine d'ardeur, M. Milbert a tudi l'immense terri-

k E ;J AU l) IN D ES P L N T E S. xxx vu

{oire "des tatSrUniSj ce'vaste empire, aussi curieux tudier par le naturaliste (|ue par le philosophe et par le politique; comment M. Milbert a ramass et Ja les produits des trois rjnes dont il a enrichi le Cabinet du Jardin du Roi; comment enfin il a complt, avec sa fortune personnelle, les rares subsides que lui accordait:, pour raccomplissement de cet innuense travail, le ministre de l'intrieur et le Musum.

. Il avait choisi ^'ew-York comme le centre de ses oprations scientifiques, et (ie l il a visit Je Canada, les lacs suprieurs, les bords de TOhio et du Missis- sipi. A Boston, il fut surpris par la fivre jaune, et, demi mort, il trouva, pour lui tendre une main amie, M. de Cheverus lui-mme; le saint vque exil l, qui est devenu plus tard un des hommes dont Tglise gallicane sera fire tout jamais.

M. Milbert a racont lui-mme, dans la Vie du cardinal de Cheverus, quelle tait Thospitalit de ce grand vque, et-, avec son hospitalit, sa modestie, sa pauvret, pour ne pas dire samisre; et comment, sans lui et sans M. de Val- nais, le consul de France, et mademoiselle de Valnais, sa digne fille, lui, Mil- bert, il serait mort lourdement charg qu'il tait de son nouveau butin tra- vers l'Amrique du >iord; et notez bien qu'il serait mort la peine plutt que de rien ter de sa noble charge. L'histoire mme en est touchante, et nous ne pouvons pas mieux la raconter que M. Milbert :

(( Dans l't de 1820, je revenais d'explorer les hautes montagnes des tats de Vermont et de New-Hampshire ; j'tais lourdement charg des collections d'objets d'histoire naturelle que j'avais recueillis dans cette excursion. Comme je suivais les bords pittoresques du Merimack , je fus rencontr par M. de Cheve- rus, qui faisait alors une tourne pastorale dans son diocse. Surpris de mon tat de fatigue, ce bon prlat, tout en louant mon zle pour la science, m'a- dressa des reproches pleins d'afTection; puis il me dit : Asseyons-nous ici; montrez-moi vos roches, vos crustacs, vos vgtaux, toutes vos richesses. Vi- dons ce sac et vos poches aussi ; je veux tout voir. Mais je m'aperus qu'en pa- raissant examiner avec soin ces productions naturelles qui n'avaient pas mme d'intrt pour lui , il en faisait deux parts, et je lui demandai pourquoi il agis- sait ainsi. Je fais chacun notre part, me rpondit-il; ce second sac est pour moi ; gardez seulement votre portefeuille de dessins, je le veux ainsi, mon cher ami! Nous allons marcher doucement jus(iu' Lowell; de l , par le canal de Middlesex, nous parviendrons, sans fatigue, jusqu' Boston. Et, malgr tout ce que je pus faire pour m'y opposer, le bon vque se chargea d'une partie de mes collections.

Mais revenons notre rapport. Outre les collections zoologiques et les dessins sans nombre envoys par M. Milbert, on peut citer plusieurs animaux presque inconnus au Jardin du Roi, le minck, la moufette, le pkan, dont peine les naturalistes avaient entendu parler, un loup amricain , et il tait encore dou- teux que l'Amrique ait eu des loups semblables ceux d'Europe, un phoque (Pliocn m'iiioia), dont M. Cuvier lui-mme n'avait vu que le crne, et tant d'autres mammifres de plus de cin((uante espces dont les naturalistes s'inqui- taient beaucoup en ce temps-l.

Il y avait aussi, dans ces envois de M. Milbert , un grand nombre de mammi-

xwvili LK JAKDJN DKS PLANTES.

fres conservs dans roau-tle-\ic, plsieuis squelettes les plus curieux, Telck, le cerf de Virginie.

Quant aux animaux vivants , ils taient au nombre de quarante-neuf, les di- delphes opossum , mle et femelle, le cougouar de l'Amrique du Nord, Tours des Apalaches, plusieurs espces de cerfs de la Louisiane et de la Virginie, l'lan d'Amrique, et surtout les deux bufs sauvages, le bison et sa femelle, et il n'a pas tenu M. Milbert que cet utile et infatigable travailleur de la Haute-Loui- siane ne ft naturalis parmi nous.

Le nombre des oiseaux s'levait quatre cents espces composes de plus de deux mille individus. Pour la premire fois, enfin, nous pntrons dans les se- crets infinis de l'ornithologie amricaine, et parmi les naturalistes les plus dis- tingus de l'Europe, ce fut qui complimenterait M. Milbert de n'avoir jamais spar le mle de la femelle, et en mme temps d'avoir suivi ces brillants chantillons de l'air, dans les nuances diverses de leur plumage; en effet, ce n'est que par la varit qu'on peut reconnatre l'espce.

Parnii ces espces, il y en avait de tout fait inconnues au Jardin des Plantes; d'autres qui avaient grand besoin d'tre renouveles : l'aigle tte blanche, la buse queue rousse, l'innombrable famille des pies-griches, des fauvettes et des gobe-mouches, plusieurs troupiailles, et entre autres le mangeur-de-riz, les ttras, que Linn a nomm le Teirno t()(/a5) autrefois habit |).'ir M. Thouin, savant sans pr- tention, ajant remin de grands et vritables services l'agriculture, et qui sut se faire uni- versellement regrellei'. A droite est le btiment de l'administration (.'Ci, rentrniant les ateliers de taxidermie et les bureaux des administra- teurs. Nous avanons gauche; (t aprs lre descendu quelques pas, nous trouvons le grand amphithtre (57i o se font les cours des pro- fesseurs ou de leurs aides. A gauche, derrire l'amphithtre, on aperoit la maison (75) qu'ha bitaif le clbre G. Cuvier; il y est mort le !"> mai de l'anne 18.'2. A la porte de l'amphithtre les liangers viennent admirer deux palmiers fort levs, qui sont cultivs au jardin depuis Louis XIV, et qui offrent au\ Imtanistes un ph;-- nnmne singulier. Vous remarcpierez (pie ce sont des pai.miehs ivains {(.hnmwrops hinn'ilis. Lin.) dont le stipc ou tronc n'acquiert jnmais plus de trois quatre dcimtres de hauteur dans le nord de l'Afrique qui est leur pays, tandis qu'ici ils se sont levs huit ou neuf mtres. En face de l'amphithtre est un grand gazon ovale (.'8i, servant placer, dans la belle saison, les vgtaux de la Nouvelle-Hollande, du caj) de Bonne- Esprance, de l'Asie Mineure et de la Barbarie, que l'on sort de la serre voisine pour leur faire passer l't J> l'air libre.

Nous avons vu les cultures du dehors, il nous reste maintenant visiter celles qui se font l'aide d'une chaleur artificielle. La premire serre, celle o nous nous trouvons, en face de l'ovale, est la .serre tempre (.^9), renfermant les vgtaux des pays que nous venons de nom- mer, et d'autres qui, tout en craignant la gele, n'exigent pas cependant un haut degr de tem- prature Elle a soixante-trois mtres (200 piedsi (le longueur, sur |)lus de huit mtres (24 pieds) de largeur. En avanant devant nous et rentrant dans le jardin symtrique, nous avons droite la sen-e de Buffon ( i(ti, ainsi nomme parce que c'est lui qui la (il btir en 1788. Son intrieur a cela de particulier qu'il ofire plusieurs lignes de couches leves les unes au-dessus des autres

en amphithtiT. On \ ni:iinlienl lonjiiurs la chaleur an-dessus de douze degiv's centigrades, e( on y lve les |)lanles des (ropicjues. Quand les dimensions de ces vglaux devieimen( (rop grandes, on les transporte dans la nouvelle seire chaude.

Sur les cts du large chemin qui conduit des carrs du Flenrisle aux labyrinthes, sont deux serres chaudes entirement vitres (5 1 ). en forme de pavillons carrs, et d'une grande hauteur. Cons(ruiles nou\ellement par M. Uohant, elles .sont consacres recevoir les vgtaux exoti- ques d'une dimension trop leve pour pouvoir rester dans les autres serres. On espre y voir par la suite les arbres des contres chaudes de la terre atteindre tout le dveloppement (pi'ils ont dans leur iiatrie, et dj il y en a d'une assez grande lvation. L'immense serre toit viti-e et vot (41) a t construite dans le mme temps, par le mme architecte, et pour un usage a peu prs semblable.

Nous avons vu tout ce que le jardin renferme d'important sous le rapport de l'horticulture et de l'agriculture; il nous reste maintenant dire (pices cultures, faites avec autant d'intelligence (pie de soins, sont confies MM. Neumann. Ppin. Dalbret, etc., etc., sous la direction de MM. les professeurs dont nous indiquerons les noms et les attributions.

\ oyons maintenant ce qui intresse le plus le public en gnral, c'est--dire la mnagerie. Pour faire cette promenade, nous reviendrons a la porte dAusterlitz(l),noiis tournerons droite, et nous entrcnms dans le jardin paysager pai- la porte situe presque en face de la mnagerie des animaux froces. Ici nous nous arrterons un instant pour faire une observation. I-es ani- maux qui vivent dans la mnagerie tant tons apportt's de climats trangers fort diffrents de celui de la France, rsistent plus ou moins long- temps aux changements brusques de tempra- ture, de nourriture et d'habitudes, anxcinels ils se trouvent soumis dans lein- esclavage. Mal- gr (ous les soins qu'on peut leur donner, beauc(mp tombent malades et meurent aprs un temps assez court, elles parcs ou loges dans lesquels on les tenait renferms restent vides, jusqu' ce qu'on y ait mis un animal nouvelle- ment arriv, et souvent d'une espce tout fait diffrente. Il ne faudra donc pas que le prome- neur s'en rapporte absolument ce que je vais diie ici sur les espces qui peuplent aujour- d'hui mme les parcs que nous allons visiter ensemble, mais bien aux criteaux placs devant le logement de chaque animal; en recourant ensuite la table alphabiiquc terminant le volume, il trouvera aisment la description et l'Iiistoire de l'espce qu'il aura sous les yeux la mnagerie. En entrant nous laissons droite im petit

Li: JARLMN DES PLANTES.

parc (52) nMircrin.Tnl clos montons (l'Al{,'Oiie, donns ;i la monageric i)ar M. le gnral Gai- bois. A panclie nous coiitom-nons un autre parc (i")) o sont renferms, dans une premire di- vision, des axis, charmante sorte de petit cerf 011 chevreuil oricinaire du Bengale, rolte agra- blement mouchete de blanc, et commenant se naturaliser dans plusieurs jiarcsdela France. Dans une seconde division est un cerf de Java, donn par MM. Fvdoux et Souleget, el dans nue troisime, un axis femelle n la mna- gerie.

Nous voici en face des animaux froces (4 ), renferms dans des loges fort propres et munies de solides barreaux de fer. Une balustrade em- pche les curieux imprudents de s'approcher des loges d'une manire dangereuse. L, vivent des hynes fort bonnes personnes et donnant, par lem- douceur, un d-menti formel tout ce qu'on a racont sjir leur frocit; des lions de diverses parties de l'Afrique, beaucoup moins dangereux que le jaguar du Brsil log coti^ d'eux, malgr l'norme diffrence qui existe en- Ire leur taille et leur force; 1 un de ces jaguars est de la (iuyane et a t donn par le prince de Joinville. Vient ensuite une panthre du Mala- bar, que l'on doit M. Dussumier, ainsi qu'une quantitd'autresanimaux intressants; puis une panthre de l'Inde donne par M. Beck. Les trois dernires loges sont habites pai- des ours : l'un, l'ours aux grandes lvres, est d M. Dus- sumier; l'autre, l'ours des Cordilircs, au prince de Joinville; le troisime, l'ours brun du Kam- Ischalka, M. le capitaine de vaisseau Du Pelit- Thonars. Connne on le voit, la mnagerie des grands animaux