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PM40036219 le réseau canadien pour la santé des femmes automne/hiver 2008/09 volume 11 numéro 1 Le Nord canadien en plein changements climatiques Le point de vue des femmes à Nain Les changements climatiques et le Canada Une occasion inexploitée pour faire avancer l’égalité des sexes? La puberté précoce chez les filles La nouvelle « norme » et pourquoi il y a lieu de s’inquiéter Boucler la boucle Médicaments, environnement et santé publique Des toxines dans les produits de beauté Le Nord canadien en plein changements climatiques Le point de vue des femmes à Nain Les changements climatiques et le Canada Une occasion inexploitée pour faire avancer l’égalité des sexes? La puberté précoce chez les filles La nouvelle « norme » et pourquoi il y a lieu de s’inquiéter Boucler la boucle Médicaments, environnement et santé publique Des toxines dans les produits de beauté

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PM40036219

le réseaucanadien pour la santé des femmes

automne/hiver 2008/09 volume 11 numéro 1

Le Nord canadien en pleinchangements climatiquesLe point de vue des femmes à Nain

Les changementsclimatiques et le CanadaUne occasion inexploitéepour faire avancer l’égalitédes sexes?

La puberté précoce chez les fillesLa nouvelle « norme » et pourquoi il y a lieu de s’inquiéter

Boucler la boucleMédicaments,environnement et santépublique

Des toxines dans lesproduits de beauté

Le Nord canadien en pleinchangements climatiquesLe point de vue des femmes à Nain

Les changementsclimatiques et le CanadaUne occasion inexploitéepour faire avancer l’égalitédes sexes?

La puberté précoce chez les fillesLa nouvelle « norme » et pourquoi il y a lieu de s’inquiéter

Boucler la boucleMédicaments,environnement et santépublique

Des toxines dans lesproduits de beauté

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DA

NS

CE

NU

RO 4 Le Nord canadien en plein changements climatiques :

le point de vue des femmes à Nain

7 Les changements climatiques et le Canada : une occasion inexploitée pour faire avancer l’égalité des sexes?

11 La puberté précoce chez les filles : la nouvelle « norme » et pourquoi il y a lieu de s’inquiéter

15 Boucler la boucle : médicaments, environnement et santé publique

19 Des toxines dans les produits de beauté

23 Vérification prénatale de la présence de substances chimiques

25 De la prospérité à l’austérité, et au-delà : la perspective des femmes concernant le dendroctone du pin ponderosa

29 L’analyse comparative entre les sexes (pertinente sur le planculturel) : un outil pour la promotion de l’équité

31 L’environnement se décide aussi au féminin !

32 La place d’une femme est à la table où se décident les politiques

34 Le « POUVOIR » d’améliorer la santé des femmes

36 Des leaders et non des bénéficiaires : le projet SABC autonomise les femmes des communautés rurales et isolées

37 Invasion toxique : le cinéma au service de l’action solidaire

39 Ce que nous lisons

Ce document présente les idées et les opinions de ses auteurs et ne reflète pas nécessairement la politique officielle ou les opinionsde Santé Canada. Les articles ont pour but de vous offrir de l’information utile et ne visent pas à remplacer l’avis de votre médecin.

Le Réseau canadien pour la santé des femmes remercie le Bureau pour la santé des femmes et l'analyse comparative entreles sexes de Santé Canada pour son soutien financier fourni dans le cadre du Programme de contribution pour la santé desfemmes. Le RCSF remercie également les individus et les groupes pour leur appui, leurs dons et leur travail qui contribuent àrenforcer les assises du Réseau.

Impression effectuée par des travailleuses syndiquées sur papier 50 % recyclé avec 25 % de fibres recyclées postconsommationpar Winnipeg Sun Commercial Print Division.

le réseau/networkvolume 11 no 1 automne/hiver 2008/09

I S S N : 1 4 8 0 - 0 0 3 9

Rédactrice : Ellen ReynoldsCoordonnatrice à la production : Susan WhiteConception et mise en page : Folio DesignTraduction : IntersigneAbonnements : Léonie LafontaineComité consultatif : Abby Lippman,Anne Rochon Ford, Martha Muzychka, Susan White et Madeline Boscoe

Le Réseau/Network est publié en anglais et en françaisdeux fois par an par le Réseau canadien pour la santé desfemmes (RCSF). Une partie des articles qui paraissent dansLe Réseau/Network sont également disponibles par le biaisdu site Web du RCSF : www.rcsf.ca

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u’il s’agisse de changements climatiques ou destoxines qui s’infiltrent dans l’air, l’eau et lanourriture et qui nous assaillentquotidiennement, les transformations que subitl’environnement influent sur notre santé, et leseffets ne sont pas les mêmes chez les femmes et

les hommes. Ce numéro de la revue Le Réseau vous offre unéventail d’articles portant sur les conséquences deschangements environnementaux sur la santé, notamment surla santé des Canadiennes.

Nous avons suscité la participation d’organisations et depersonnes qui ont collaboré avec le RCSF depuis plusieursannées et qui offrent des analyses de fine pointe sur l’état del’environnement et les impacts sur la santé des femmes, dontAction cancer du sein de Montréal (ACSM), le Réseauquébécois des femmes en environnement (RQFE), Actionpour la protection de la santé des femmes (APSF), le Réseaupancanadien sur la santé des femmes et le milieu (RPSFM),DES Action Canada et le Women’s Healthy EnvironmentsNetwork (WHEN). Ces groupes et d’autres au Canada jouentun rôle essentiel dans la conversion des résultats de recherchedans le domaine de l’environnement et la santé des femmesen interventions et en politiques gouvernementales. Cetteannée, nous au RCSF, mettons l’accent sur l’environnement etnous sommes très heureuses de nous joindre à cette équipée.

Vous trouverez dans cette parution deux articles sur lethème des changements climatiques, qui explorent l’impactsur la santé des femmes. L’un présente le point de vue desfemmes inuites du Nunatsiavut (territoire inuit à Terre-Neuveet au Labrador), et l’autre offre une analyse des politiquescanadiennes sur les changements climatiques et ce qu’il fautintroduire pour que celles-ci puissent répondre auxpréoccupations des femmes en matière de santé. L’un desobjectifs que nous nous sommes fixés dans ce numéro est delivrer ces messages auprès des décideurs fédéraux. C’est donc àcette fin que nous résumerons certains articles pour en fairedes mémoires, lesquels seront présentés au gouvernement endébut de la nouvelle année.

Il faut urgemment mener des analyses comparatives entreles sexes dans le dossier des effets environnementaux sur lasanté. Depuis les années 1930, les scientifiques ont produit unimpressionnant corpus de preuves qui démontrent lesdifférents effets produits sur les femmes et les hommesexposés aux substances toxiques. Parmi ceux-ci, notons RachelCarson, auteure du livre Le Printemps silencieux, qui adocumenté ces effets, ainsi que Theo Colburn, Ph.D., auteurede Our Stolen Future, Myriam Wyman, éditrice de Sweepingthe Earth: Women Taking Action for a Healthy Planet, et plusrécemment la Dre Devra Lee Davis, auteure de The SecretHistory of the War on Cancer.

Nombre de toxines présentes dans l’environnement sontdes perturbateurs hormonaux qui influent sur les hormonesrégulatrices de processus développementaux dans le corps. Leseffets varient selon l’étape du processus développemental aumoment de l’exposition. Toutefois, ils varient possiblement

davantage entre les femmes/les filles et les hommes/les garçonspuisque leurs systèmes hormonaux et leurs processusdéveloppementaux diffèrent.

Le premier estrogène synthétique, le diéthylstilbestrol(DES), par exemple, est un perturbateur endocrinien. Prescrità grande échelle à une génération de femmes enceintes jusqu’àce que les effets nocifs causés aux fœtus soient recensés, le casdu DES est un signal lancé aux scientifiques sur les possibleseffets nocifs provoqués par d’autres perturbateurs endocriniensprésents dans l’environnement et sur le besoin de prendre des(pré)cautions. Le cas du DES démontre les divers effets sur lesfœtus masculins et féminins exposés in utero et confirme queles perturbateurs endocriniens peuvent provoquer une légèremodification développementale qui peut entraîner unemyriade de problèmes de santé, y compris le cancer, et ce desannées ou même des décennies plus tard. Il illustre égalementque la présence de certaines substances chimiques, mêmed’une teneur négligeable, peut entraîner des effets trèsimportants sur la santé.

Alors, que faisons-nous avec toute cette information?Il semble que nous sommes à un moment de transition. De

plus en plus de pesticides sont interdits, des restrictions sontimposées sur l’utilisation de certaines toxines comme lebisphénol A, les consommateurs exigent des solutions derechange plus sécuritaires pour remplacer les produits toxiqueset les sociétés déploient des efforts pour réduire leur impact surle climat. Le temps est venu de mettre en place des politiquesgouvernementales efficaces et réalisables qui reflètent l’apportde la recherche et la présence d’une conscience collectivecroissante au chapitre des facteurs environnementaux influantsur notre santé. Cette parution du Réseau se veut un catalyseurqui transforme cette conscience et les connaissances pertinentesen politiques gouvernementales. La transition est en cours maisnous avons encore beaucoup à faire.

Pour terminer, nous annonçons à notre le lectorat le départde Kathleen O’Grady, qui œuvrait au RCSF en tant quedirectrice des communications et qui était en congé dematernité jusqu’à dernièrement. Kathleen a accepté unnouveau poste à Ottawa. Elle nous manquera et nous luisouhaitons de tout cœur beaucoup de bonheur dans sanouvelle vie. Rédactrice en chef de cette revue depuis 2002,elle laisse derrière elle un legs impressionnant. Parmi sesnombreuses réalisations, elle a fait du Réseau une publicationunique, qui fait état des recherches menées au Canada sur lasanté des femmes et présente l’information dans un formataccessible et intéressant, atteignant ainsi un large public. Labarre est haute et en tant que nouvelle rédactrice en chef, jesuis ravie de relever le défi. Je vous invite à me communiquervos commentaires, vos opinions et vos suggestions d’articles. Leprochain numéro de la revue sera publié au printemps 2009 etportera sur la santé mentale au Canada. Ne le ratez pas!

Mes sincères salutations,Ellen ReynoldsDirectrice des communications

LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 3

n o t e d e l a r é d a c t r i c e :

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« À Nain, il y a deux sortes de jours, dit Sandra Owens. Des jours où les Inuits restentau village et des jours où ils parcourent les territoires sauvages. »

En 2002, Mme Owens s’est rendue à Nain, une communauté nordique côtière située au Nunatsiavut (territoire inuit à Terre-Neuve et au Labrador). Elle décrit cette région comme un vaste territoire bordé par la mer et parsemé de collines ondulantes àperte de vue – une terre de roches, de lichens et d’arbres nains. Lors d’une recherche de terrain menée dans le cadre de sonmémoire de maîtrise intitulé Climate Change and Health: A Project with Women of Labrador [Les changements climatiques et lasanté : une collaboration avec les femmes du Labrador] et réalisé sous l’égide de l’Université Laval, Mme Owens a recueilli lestémoignages de 18 femmes inuites qui résident à Nain depuis plus de 30 ans. Elle a choisi de se pencher sur la vie des femmesparce qu’il existe très peu de recherches sur les changements climatiques fondées sur une approche sexospécifique. Son but étaitdonc de répertorier les connaissances régionales à partir d’une vision plus équilibrée.

Collectivement, ces femmes avaient donné naissance à plus de 100 bébés. Trois d’entre elles avaient tué des ours polaires etplusieurs avaient perdu leur mère en bas âge et faisaient les repas de la famille avant même d’atteindre l’adolescence.

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LE NORD CANADIENen plein changements

CLIMATIQUESle point de vue des femmes à Nain

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Toutes avaient des récits à raconter sur les changementsdont elles ont été témoins pour ce qui est de la neige, de laglace et des tempêtes, et aussi sur l’impact de cestransformations dans leur vie.

« Elles avaient vraiment vécu leur vie dans les vastesterritoires, explique Mme Owens. Une alimentation faite denourriture sauvage et une vie dans les grands espaces étaient àla base de leur santé. »

Les femmes ont raconté que le goût de la nourriture sauvageavait changé. Le Tétras du Canada n’a plus un goût de viandesauvage et nombre de plantes et de fruits sauvages n’ont plusune odeur marquée. La nécessité de manger de la nourrituresauvage était souvent soulignée. Mme Owens relate letémoignage d’une des aînées, qui racontait qu’une personneavait tué un phoque et qu’elle était en train de le dépecer dehorslorsqu’une femme a pris la neige dans ses mains et s’est mise à lasucer pour en tirer le sang qui l’imprégnait. « Les Inuits sontconstamment à la recherche de nourriture traditionnelle,raconte Mme Owens. C’est une quête perpétuelle. »

Mais de nos jours, les gens hésitent de plus en plus àparcourir les territoires sauvages. Le climat se réchauffe et laglace se transforme. Il est maintenant plus difficile de sedéplacer sur la glace en motoneige et d’atteindre les ressourcesnaturelles. Plusieurs ne veulent pas risquer leur vie dans unenvironnement où la glace se fragmente et où les tempêtes selèvent plus rapidement, affirme Mme Owens. Il est de plus enplus difficile d’accéder à la nourriture sauvage et de vivre unlien avec les vastes étendus et la stimulation qu’il procure.

« Il y a à peine 50 ou 60 ans, ce peuple était semi-nomade,précise Mme Owens ». « Les gens deviennent fous à rester auvillage, raconte une femme de 78 ans. Rien ne va m’arrêter »,dit-elle, en affirmant qu’elle est déterminée à quitter le villageaussi souvent que possible. Les réflexions des femmes sur lesujet des changements climatiques découlaient des expériencesqu’elles vivaient quand elles se déplaçaient, chassaient,cueillaient, suspendaient le poisson et la lessive à l’extérieur pourles sécher et prenaient soin de leurs enfants. Elles ont comprisque les conditions climatiques fluctuantes, les températures pluschaudes et la présence d’une plus grande humiditéprovoquaient plus de rhumes, un sentiment de léthargie et uneperte de vitalité. Les jeunes mères signalaient que leurs enfantssouffraient parfois d’insolation, un phénomène inconnu dans lepassé. Elles disent que le soleil est « fort », ou elles parlent d’unsoleil qui « brûle maintenant », rapporte Mme Owens.

Le rapport de Santé Canada sur les changementsclimatiquesL’apport de témoignages provenant de personnes qui vivent leschangements affectant la glace, la pluie, la neige et les

tempêtes est essentiel à toute démarche visant à cerner lacomplexité des différences régionales au chapitre deschangements climatiques. Un rapport de 484 pages publié parSanté Canada en juillet 2008, intitulé Santé et changementsclimatiques : Évaluations des vulnérabilités et de la capacitéd’adaptation au Canada, signale que certaines régionsnordiques reçoivent de plus en plus de précipitations alors qued’autres s’assèchent. Le rapport souligne qu’il faut menerd’autres études de cas et que dans certains contextes, lesconnaissances autochtones traditionnelles et les signalementslocaux constituent la meilleure et l’unique sourced’information pour ce qui est de l’identification des risquessanitaires.

Le rapport se penche sur les effets actuels des changementsclimatiques sur la santé des Canadiennes et des Canadiens, surl’augmentation des risques dans le futur et sur les mesures àprendre pour nous protéger. Selon le rapport, les personnes les plustouchées par les effets des changements climatiques sont les aînés,les enfants et les nourrissons, ainsi que les personnes souffrant demaladies cardiovasculaires et respiratoires ou celles dont la santé estfragile. Les communautés autochtones et les femmes ontégalement été identifiées comme des populations vulnérables.

Le rapport cite la recherche de Mme Owens au Nunatsiavutet souligne que peu d’études se penchent sur l’importance del’accès à l’environnement et les effets qui en découlent sur lasanté. Le rapport mentionne toutefois les études alimentairesmenées dans les communautés nordiques, lesquellesdémontrent qu’une alimentation autochtone fondée sur unenourriture provenant des territoires sauvages, de la mer, deslacs et des rivières contient une quantité importante deprotéines, de vitamines et d’éléments nutritifs essentiels. Selonles prévisions, l’adoption d’une nouvelle alimentationcomposée de produits d’épiceries entraînera une augmentationdu taux d’obésité, de diabète et de maladies du cœur. Lesfemmes inuites avec lesquelles Mme Owens s’est entretenueaffirment qu’elles se sentent en forme et en santé lorsqu’ellesmangent de la nourriture sauvage et qu’elles ne fonctionnentpas bien lorsqu’elles en sont privées. La chercheuse souligne leconstat d’une enquête sanitaire régionale, qui affirme que 76 %des adultes inuits se nourrissent, à 50 % ou plus, de viande,de poissons et d’oiseaux provenant d’activités de chasse etde pêche.

Selon le rapport de Santé Canada, la situationsocioéconomique est un indicateur de vulnérabilité. Lespersonnes qui n’ont pas accès à des aliments nutritifs risquentdavantage de souffrir d’un excès de poids, de maladieschroniques, de troubles de santé mentale et de difficultésd’apprentissage. Au Canada, les femmes et les peuplesautochtones font partie des populations qui ont plus de

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difficulté à obtenir des aliments nutritifs. Au Nunavik, lespopulations qui ont le moins accès à la nourriture traditionnellesont les familles monoparentales menées par des femmes. Cesfamilles ont aussi peu accès à des solutions de rechange saines.

Le lichen et la végétation disparaissent de plus en plus enraison des fortes chutes de neige et de pluies verglaçantes et dela glace qui couvre le sol. Ce phénomène est causé par lesvariations de températures et entraîne un taux de mortalitémassif chez les animaux, notamment un important déclin dela population de caribous de l’Arctique. Les gens consommentdonc moins de nourriture sauvage. La fonte du pergélisol aprovoqué des avalanches meurtrières (neuf personnes sontmortes et 25 ont été blessées au Nunavik, en 1999) et ladétérioration des pistes d’atterrissage essentielles auxévacuations médicales. La disparition des routes sur glace, desroutes quatre saisons et des pistes d’atterrissage en raison de lafonte du pergélisol produit aussi un effet surl’approvisionnement en fruits, légumes et autres alimentscommerciaux.

La recherche que Mme Owens a réalisée à Nain est denature exploratoire, et la chercheuse affirme que des étudesdoivent être menées dans d’autres régions nordiques pour envérifier les résultats. S’appuyant sur ces travaux et sur d’autresétudes traitant des effets des changements climatiques dans leNord, elle conclut que d’autres recherches doivent êtreréalisées pour :

� étudier les effets des changements climatiques sur la culturenordique et cerner l’impact économique sur la vie desrésidants du Nord;

� modifier les programmes de surveillance de santé publiqueen vue de détecter et signaler les problèmes sanitaires liésaux changements climatiques;

� considérer et intégrer les commentaires des résidants de larégion concernant l’impact des changements climatiquessur leur santé.

Pierre Gosselin est l’un des auteurs du rapport de SantéCanada. Professeur à l’Université Laval et physicien à l’Institutde santé publique du Québec, il mène des activités desurveillance et de rapport sur la situation sanitaire dans leNord. Selon lui, le Canada investit encore des milliards dedollars dans de nouvelles infrastructures en se fondant sur desdonnées relevées au cours des 50 dernières années qui nepeuvent plus être utilisées pour planifier l’avenir.

« Nous avons besoin de nouvelles données sur les pluies, lesvents et les températures afin de modifier adéquatement lesinstallations physiques du réseau de santé et reconfigurer lessoins pour venir en aide aux plus vulnérables, tout cela dans le

but de réduire l’impact des événements climatiques extrêmes »,précise M. Gosselin.

Un autre auteur, Christopher Furgal, professeur àl’Université Trent, séjourne dans l’Arctique depuis 1992. En2002, des chasseurs lui ont rapporté que les oiseaux arrivaientplus tôt pendant l’année et que certains mammifères étaienten voie de disparition. « Ils étaient témoins d’événementsqu’ils ne pouvaient pas comprendre ou qu’ils n’avaient jamaisvus », affirme-t-il.

À Tuktayaktuk, des aînés lui ont dit qu’ils voyaient desabeilles pour la première fois de leur vie, et certains étaient trèsallergiques aux piqûres de ces insectes. « Nous commençons àpeine à comprendre l’impact des changements climatiques surla santé, signale M. Furgal. Le rapport ne montre que lapointe de l’iceberg. »

Selon M. Furgal, les méthodes pour surveiller leschangements climatiques ne sont pas encore au point et il seraessentiel de recueillir des données pour bien cerner l’ampleurde l’adaptation qui sera requise. « Si quelqu’un a un accidentou s’il s’est blessé, nous ignorons si l’incident s’est produit surles territoires sauvages ou dans le village, et nous neconnaissons pas les conditions météos au moment del’incident, dit-il. Nous n’avons pas les données pour mesurerl’événement (les changements climatiques) d’un point de vueépidémiologique. Il nous reste encore beaucoup à apprendre. »

Quant à Sandra Owens, elle est retournée à Nain en 2004pour présenter les résultats de sa recherche, qui n’ont guèresurpris les résidants de la communauté. « Ils m’ont dit quej’avais confirmé ce qu’ils savaient déjà », rapporte-t-elle. Lapopulation de Nain est très jeune et il y a peu d’aînés qui serappellent d’une enfance vécue dans un environnement calmeet froid. « La question des changements climatiques est unproblème parmi d’autres dans leur quotidien », comme l’accèsaux soins de santé et la difficulté à se loger adéquatement. Parailleurs, elle constate que les Inuits ont fait face à denombreux défis – des enjeux politiques à l’environnement –,et que les femmes sont résilientes et capables de s’adapter. �

Meena Nallainathan est écrivaine à la pige et vit à Toronto.

Pour plus d’information, consultez les ressourcessuivantes :

Santé et changements climatiques : Évaluation des vulnérabilitéset de la capacité d’adaptation au Canada : www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/climat/eval/index-fra.php

Centre pour la santé des Inuits et les changementsenvironnementaux : www.nasivvik.ulaval.ca/

6 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

LE NORD CANADIEN

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 7

Plusieurs dossiers liés à la réduction des gaz à effet de serre et àl’aide que notre pays doit accorder aux communautés pour lesaider à s’adapter aux effets des changements climatiques fontl’objet de discussions. Toutefois, la question des différencesentre les sexes en matière de politiques et de programmesgouvernementaux n’est pas incluse dans les débats, et cemalgré l’adoption par le Canada de la Plateforme d’action deBeijing, à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes,parrainée par l’Organisation des Nations Unies en 1995.Cette plateforme engage les pays signataires à intégrer uneperspective sexospécifique dans les politiques et programmesgouvernementaux dans le but d’assurer l’égalité des sexes.

Le dossier des changements climatiques et les répercussionssur le plan environnemental et socioéconomique inquiètenttoute la population canadienne. L’étendue de la couverturemédiatique sur le sujet, l’indignation du public face auxactions du gouvernement ou a son inertie et les résultats dessondages mettent en lumière la nature délicate et complexe dece défi. Le climat détermine la façon dont nous vivons et lelieu où nous vivons. La hausse des températures, lamodification des tendances pour ce qui est de la pluie, laneige et la glace, l’augmentation du niveau de la mer et lamultiplication des désastres de plus en plus destructeurs liés auclimat – inondations, sécheresses, canicules extrêmes, feux deforêt et violentes tempêtes – peuvent potentiellement ébranler

les écosystèmes et menacer la santé, la sécurité et le bien-êtredes populations humaines. Dans un même temps, laréduction des effets produits par les changements climatiquesnécessite l’abandon d’activités et de comportementsgénérateurs de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère,notamment l’utilisation de combustibles fossiles.

Pour s’attaquer aux changements climatiques, il fautadopter deux stratégies complémentaires à l’échelle despolitiques : la mitigation et l’adaptation. La mitigationimplique la réduction des émissions de GES. L’adaptationprépare les sociétés à affronter les impacts climatiques et lesconséquences qui en découleront malgré les efforts demitigation. Les femmes jouent des rôles sexospécifiques précisen ce qui a trait à la préparation des deux types de politiques,mais ces rôles demeurent mal cernés.

L’absence d’une analyse et de débats au Canada sur les liensentre les rapports sociaux entre les sexes et les changementsclimatiques n’est pas atypique. Dans le cadre des forums del’Organisation des Nations Unies, ce point de vue est intégrédepuis peu. Il a d’abord été introduit dans des discussions lorsd’événements secondaires en 2002 et lors des rondes denégociations internationales sur les changements climatiques.Les dialogues qui ont lieu mettent l’accent surtout sur les paysen développement, où les différences entre les hommes et lesfemmes pour ce qui est du revenu, de l’éducation, des

LES CHANGEMENTSCLIMATIQUES

ET LE CANADA :une occasion inexploitée pour faire

avancer l’égalité des sexes?P A R J I M E N A E Y Z A G U I R R E

es discussions internationales qui ont lieu et qui constituent un pas en avant etau-delà de l’accord de Kyoto nous offre la possibilité de réfléchir aux actionsque le Canada doit entreprendre au chapitre des changements climatiques. L

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possibilités économiques ainsi que l’accès et l’utilisation desressources énergétiques entraînent la nécessité d’intégrer ladimension sexospécifique à l’étape de la conception despolitiques et des programmes portant sur le climat. Toutefois,le projet Un climat neuf pour le changement, financé par laCommission européenne en 2004-2005, et des preuvesprobantes provenant d’autres sources présentent desarguments contre l’adoption d’une position neutre en matièrede genres, dans l’élaboration de politiques sur les changementsclimatiques, et ce aussi pour les pays industrialisés.

Selon une analyse de l’information disponible au publictraitant des politiques et des programmes fédéraux sur leschangements climatiques en place à ce jour, les décideurscanadiens devraient porter plus d’attention sur les questionsliées aux rapports sociaux entre les sexes, quant à laconception et l’évaluation de futures réponses en matière dechangements climatiques. L’égalité des sexes se traduit par lapossibilité, tant pour les hommes que pour les femmes, dejouir pleinement de leurs droits et de réaliser leur pleinpotentiel pour ce qui est des occasions de contribuer à lasociété, tout en récoltant les bienfaits qui en découlent.

La réponse du Canada en matière de politiques, faceaux changements climatiquesDans la plupart des gouvernements canadiens, les femmesdemeurent sous-représentées aux postes de pouvoir.Aujourd’hui, le nombre de députés féminins au Parlement sechiffre à une sur cinq élus. Le taux de présence de femmes à lalégislature provinciale et territoriale et aux conseilsmunicipaux est aussi peu élevé. Au sein de Ressourcesnaturelles Canada et d’Environnement Canada – deuxministères fédéraux d’importance dans la lutte contre leschangements climatiques –, le taux d’employés féminins estinférieur à celui associé à la fonction publique dans sonensemble. Et bien que la représentation féminine dans despostes de direction augmente peu à peu, les hommes occupenttoujours la plupart des postes de cadre.

Après avoir signé l’Accord de Kyoto en 1998, le Canadadisposait d’une occasion pour favoriser la participation desfemmes dans l’élaboration d’une réponse pancanadienne enmatière de changements climatiques. Le gouvernement fédérala donc mis sur pied un processus de consultation dans le butde recueillir des opinions sur les mesures à prendre pour freiner

8 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

Raison # 1 : L’élaboration d’objectifs et de priorités en matière de changements climatiques nécessitel’apport des réflexions et de l’expertise tant des femmes que des hommes.

La mitigation des effets négatifs découlant des changements climatiques nécessite des changements de comportementsindividuels et collectifs qui pourraient avoir des conséquences de grande portée sur le plan social, économique etécologique. Ces décisions touchent la population entière. Afin de maximiser l’efficacité et le rendement des solutionsproposées par les politiques, les femmes tout autant que les hommes doivent participer au façonnement de l’aveniréconomique du Canada et aux décisions concernant les ressources naturelles et la gestion de l’environnement, lacréation de programmes de recherche et le choix de priorités en matière d’investissements. En d’autres termes, lesfemmes tout autant que les hommes doivent participer aux décisions qui établissent les bénéficiaires des ressources etles échéanciers. À ce jour, les Canadiennes n’ont joué qu’un rôle modeste dans cette arène.

Raisons # 2 : Les Canadiens et les Canadiennes n’ont pas les mêmes préférences ni les mêmes habiletésau chapitre des gaz à effet de serre.

Les différences entre les hommes et les femmes quant aux profiles d’émissions constituent des considérations importantesdont il faut tenir compte dans les programmes ciblant les foyers. Au Canada, selon les tendances, les déplacementspersonnels, l’utilisation d’appareils ménagers électriques, le chauffage et la climatisation comptent pour plus de 80 % desémissions de GES provenant des foyers. Il existe peu d’études exhaustives canadiennes documentant les différences entreles sexes à ce chapitre. Toutefois, des études choisies portant sur le transport urbain indiquent que les femmes sont plusnombreuses à utiliser les transports en commun que les hommes, que leurs déplacements en voiture sont de moins longuedurée, qu’elles se déplacent généralement pour faire des courses ou pour véhiculer d’autres membres de la famille. Ellesattachent généralement plus d’importance à la sécurité et moins d’importance à la puissance et la capacité d’accélérationdes voitures que les hommes.

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Quatre raisons qui appuient l’intégration des questionssexospécifiques dans les politiques sur les changements climatiques

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les changements climatiques. Il a consulté seize groupes detravail sectoriels comportant au total 470 « experts ». Lesindustries, le monde de la recherche, les organisations nongouvernementales et les gouvernements y étaient représentés.Chaque groupe a fait une analyse des coûts-avantages liés à lalutte contre les changements climatiques et a émis desrecommandations sur les diverses voies à suivre pour atteindrel’objectif national en matière d’émissions de GES. Enmoyenne, pour chaque experte, sept experts ont pris la paroledans le cadre de ce processus. Le seul groupe dans lequel lesfemmes n’étaient pas en minorité était celui œuvrant à lasensibilisation du public et aux services d’approche.

Jusqu’à dernièrement, les efforts que le gouvernementdéployait pour freiner les changements climatiques portaient surla diffusion d’information, la mise en place d’incitatifs financierset l’octroi de fonds pour la recherche et le développement (R etD) de technologies « propres », dans un effort pour modifier lescomportements dans tous les milieux de la société canadienne.Des investissements ont également été faits pour multiplier lesdébouchés commerciaux offerts aux entreprises canadiennes,notamment pour leur permettre de transférer des technologiespropres vers les pays en développement et accéder à des créditsde compensation d’émissions de carbone issus de projets visant

à réduire les GES.La mise en place d’une réglementation fédérale ciblant les

émetteurs industriels et l’introduction d’une taxe sur lecarbone initiée par le Québec et la Colombie-Britanniquefigurent parmi la nouvelle vague de politiques qui visent àréduire les émissions de GES au Canada.

Le rôle des femmes en matière de politiques sur les changements climatiquesQuels sont les intérêts et les rôles particuliers des femmes dontil faut tenir compte dans les politiques sur les changementsclimatiques? Pour l’instant, l’absence de données ventiléesselon les sexes disponibles au public nous empêche derépondre à cette question pour ce qui est du Canada. Lesrapports du gouvernement fédéral sur les tendancesd’émissions provenant des foyers ou sur l’efficacité desprogrammes ne font aucune mention des résultats pourchaque sexe. Le facteur sexospécifique étant reconnu commel’une des douze conditions sociales et économiques influantsur les résultats en matière de santé, Santé Canada et l’Agencede la santé publique du Canada semblent être les seulsinstances fédérales à explicitement étudier le lien pouvantexister entre les changements (comme les changements

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Certaines preuves indiquent que les femmes font moins confiance à des solutions technologiques que les hommes.Par exemple, une étude réalisée en 2005 par le Energy and Materials Research Group [Groupe de recherche sur lesénergies et les matériaux], de l’Université Simon Fraser, qui portait sur les attitudes des Canadiens et des Canadiennesquant à la possibilité de capturer et d’entreposer les émissions de dioxyde de carbone – un type de GES – dans desformations géologiques souterraines suggère que les femmes appuient moins l’adoption de cette technologie que leshommes. Un récent sondage mené par Harris/Decima a interrogé la population sur le future rôle de l’énergienucléaire au Canada dans le contexte des changements climatiques. Selon ce sondage, les hommes sont deux fois plusnombreux à favoriser une utilisation accrue de cette source d’énergie, comparativement aux femmes.

Et même si les campagnes d’information et l’appel au volontariat constituent des composantes importantes despolitiques, l’efficacité de l’information, des messages et des incitatifs véhiculés auprès de la société ne peuvent êtreefficaces que s’ils reflètent les préoccupations des deux sexes et prend en compte la dimension culturelle.

Raison # 3 : Les conséquences des changements climatiques ne sont pas les mêmes pour les femmes etles hommes.

Au Canada, comme c’est le cas dans la plupart des pays, l’absorption des coûts supplémentaires associés aurétablissement ou aux mesures de préparation pour contrer les effets des changements climatiques placent toujoursles femmes dans une position désavantageuse. Selon la tendance, les femmes ont moins de revenus que les hommeset sont plus nombreuses à vivre dans la pauvreté. Chez la population féminine, les femmes autochtones ont desrevenus davantage inférieurs et sont plus pauvres. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à assumer laresponsabilité des soins aux enfants et aux aînés – deux groupes qui sont particulièrement vulnérables aux effets deschangements climatiques.

Il existe peu de recherches canadiennes qui tentent de cerner les différences sexospécifiques quant à la vulnérabilitédes deux sexes aux effets des changements climatiques. Une étude portant sur la tempête de verglas qui a frappé leQuébec, l’est de l’Ontario et le Nouveau-Brunswick en 1998 est l’une des rares recherches sur le sujet. Elle établit desliens entre les effets sur la santé des enfants à long terme et le stress vécu par les mères en situation de désastrenaturel. Cette étude réalisée en 2008 conclut que l’exposition des femmes enceintes au stress et à l’anxiété a générédes effets sur le développement intellectuel des enfants nés peu après la tempête. Les chercheurs suggèrent que ces

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climatiques) et les rapports sociaux entre les sexes au Canada.Le financement de programmes acheminé par l’Agencecanadienne de développement international (ACDI) vers lespays en développement pour des actions de lutte contre leschangements climatiques a davantage la possibilité deproduire des résultats qui favorisent l’égalité entre les hommeset les femmes. L’égalité des sexes est l’une des priorités del’ACDI, et son recours à l’analyse comparative entre les sexesproduit des politiques et des programmes qui reflètent lespréoccupations et le vécu des femmes. À titre d’exemple, unprojet financé par l’ACDI ayant pour but de réduire lavulnérabilité du Nigeria face aux conséquences entraînées parles changements climatiques intègre la dimension des rapportssociaux entre les sexes dans toutes ses activités – de larecherche et de l’analyse, à la création de projets d’adaptationcommunautaires, en passant par l’élaboration d’options enmatière de politiques, et les communications.

Dans un même temps, les femmes participent de plus enplus au discours sur les changements climatiques. Elles

influent sur un éventail de dimensions stratégiques etreprésentent des disciplines allant des sciences naturelles etsociales au monde des affaires et à la technologie. Par exemple,depuis le lancement de Climate-L en 2000, un serveur de listede l’Institut international du développement durable,domicilié au Manitoba, le taux relatif de soumissionsannuelles présentées par des femmes a presque doublé, passantde 20 % à environ 40 % de toutes les contributions. La priseen compte de cette réalité dans l’élaboration des politiques surles changements climatiques constitue un pas important pourl’égalité des sexes.

Même si les politiques sur les changements climatiquesvéhiculent la nécessité de faire progresser l’égalité des sexes, lespolitiques et les programmes fédéraux mis en place au Canadane tiennent pas compte des rapports sociaux entre les sexes.Aujourd’hui, nous ne pouvons affirmer avec certitude que lespolitiques et les programmes sur les changements climatiquesmis en place depuis la fin des années 1990 reflètent lesaspirations, les points de vue et les préoccupations des

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retards développementaux peuvent s’atténuer au fil du temps, comme c’est le cas chez les nourrissons prématurés.L’équipe de recherche a étudié l’impact de divers éléments stresseurs, comme le nombre de jours sans électricité et lespertes financières vécues par les familles.

L’appartenance à un sexe est souvent considérée comme un facteur démographique à considérer dans les étudessur les effets d’événements climatiques extrêmes, cette dimension révélant des résultats intéressants. Par exemple :

� Le Health Policy Research a publié les résultats d’une étude réalisée en 2000 sur les répercussions du déluge de 1996dans la région du Saguenay, au Québec, notamment sur la santé des résidents touchés. L’étude concluait que lesséquelles physiques et psychologiques de cette catastrophe étaient plus importantes chez les femmes que chez leshommes. Les femmes sont plus à risque parce qu’elles doivent souvent se rétablir des événements tout encontinuant à assumer leurs responsabilités domestiques et extérieures.

� Un projet mené en 2005 par un chercheur de l’Université de Toronto et Environnement Canada se penche sur lesdifférences de perceptions face aux risques encourus pendant des événements climatiques extrêmes et lesimplications sur les stratégies de gestion de désastres. Dans le cadre de ce projet, un sondage sur les attitudesvécues pendant le passage de l’ouragan Juan en Nouvelle-Écosse en 2003 révèle que les femmes se sentaientgénéralement plus menacées que les hommes par les effets de la tempête. Un sentiment de vulnérabilité pourraitempêcher les femmes de poser des gestes risqués mais aussi de passer à l’action de façon décisive dans unesituation de désastre. L’identification des différences de perceptions face au risque chez les résidants d’une ville oud’une communauté permettrait de cerner les obstacles pouvant empêcher une adaptation adéquate.

Raison # 4 : Les gouvernements ont la responsabilité d’assurer une distribution équitable des bienfaitsprévus par les politiques et les programmes sur les changements climatiques.

Qui a bénéficié des investissements que le gouvernement a faits pour s’attaquer aux changements climatiques? Dequelle manière l’information et les programmes influent-ils sur les comportements des femmes et des hommes, quantà l’utilisation des énergies et les déplacements personnels? Les femmes et les hommes peuvent-ils tout deux accéderaux investissements en R et D de technologies propres et en recherche sur l’impact des changements climatiques etpeuvent-ils tout deux améliorer leur condition?

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Canadiennes. Pour combler cette lacuneimportante, il faudrait d’abord cerner lestypes de réponses en matière depolitiques qui stimulent les débats sur lesujet, comme ceux que j’ai identifiés danscet article. Les organisations nongouvernementales et les universitéspeuvent participer à ce processusd’exploration. Notre détermination àréaliser l’égalité des sexes exige que nousmettions à contribution toutes lesdimensions des politiquesgouvernementales pour atteindre cetobjectif, et les changements climatiquesne font pas exception à la règle. �

Jimena Eyzaguirre travaille sur lesquestions de changements climatiquesdepuis 2000 en tant que chercheuse,représentante d’une ONG, conseillère etfonctionnaire. Elle œuvre actuellement àtitre d’analyste des politiques à Ressourcesnaturelles Canada.

Une version antérieure de cet article aété publiée dans le numéro Printemps /Été 2007 de la revue Women &Environments International Magazine,sous la rubrique des parutionsantérieures : 1974 / 1975 Women andGlobal Climate Change.

Lectures et ressources suggéréesClimate-L – Un serveur de liste del’Institut international dudéveloppement durablewww.iisd.ca/email/climate-L.htm

Le projet européen Climate for Change –gender equality and climate policywww.climateforchange.net/

Gender CC: Women for Climate Justice –Une plateforme favorisant la diffusiond’information et de connaissances et leréseautage en matière de rapportssociaux entre les sexes relativement auxchangements climatiques, un projetinitié en 2004.www.gendercc.net/

’est un sujet sur lequel on connaît presquetous une anecdote, qui concerne une voisine,une nièce, voire sa propre fille. Des filletteschez qui on voit poindre des bourgeons

mammaires dès l’âge de 6 ou 7 ans. Ou l’apparition despremières règles vers 8 ans, un phénomène qui semble envoie de devenir une norme plutôt qu’une exception.

Dans un ouvrage récent intitulé The Falling Age of Puberty in US Girls (2007),Sandra Steingraber, surtout connue pour ses travaux innovateurs sur le cancer etson lien avec les contaminants présents dans l’environnement, propose une méta-analyse des données actuelles sur la puberté précoce chez les filles. La puberté,c’est ce passage marqué par l’apparition des bourgeons mammaires, des poilspubiens et de la ménarche, c’est-à-dire les premières menstruations. Steinberger

P A R K A T H L E E N O ’ G R A D Y

LA PUBERTÉPRÉCOCE CHEZ LES FILLESLa nouvelle « norme » etpourquoi il y a lieu de s’inquiéter

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analyse avec soin les rapports complexes et interreliés quidéterminent la puberté à la lumière de facteursphysiologiques, psychologiques et environnementaux(nutrition, substances chimiques) et leurs répercussions sur leprocessus de maturation chez les jeunes filles.

La raison qui a incité Steingraber à faire ce travail peutsurprendre : il s’agit du cancer du sein. Même si pour laplupart d’entre nous, cette maladie semble une tragédie trèséloignée des premières années de la puberté, la rechercheindique que la ménarche précoce est bel et bien un facteur derisque plus tard dans la vie. La chercheuse a analysé lesdonnées relatives à la diminution de l’âge de la puberté à lademande du Breast Cancer Fund, dans le but de déterminerquels sont les mécanismes neurohormonaux qui gouvernentinitialement le développement mammaire et de déceler lesfacteurs en jeu.

Selon ses conclusions, le développement pubertaire nerepose pas simplement sur une suite d’enchaînements de causeà effet, mais plutôt sur un ensemble de phénomènes interreliéset de variables complexes. Il est donc extrêmement difficile dedistinguer quels sont les rapports de causalité entre tous ceséléments.

Le déclenchement de la puberté aux États-UnisOn peut définir succinctement la puberté chez les filles, nousdit Steingraber, comme cette période qui correspond àl’apparition de la fertilité. Bien entendu, la puberté comporteplusieurs phases de développement régies par les systèmesneuronal et hormonal : forte poussée de croissance,développement des seins (thélarche), pilosité pubienne(pubarche), premières menstruations et première ovulation.

Ce qui est remarquable, c’est le peu que nous savons sur lapuberté. Nous connaissons les grands processusphysiologiques (neuronaux et hormonaux) impliqués dans ledéveloppement pubertaire, mais il nous est impossible d’endéterminer le début ou la durée. Ces éléments varientlargement d’une personne à l’autre. Ils sont influencés par unemultitude de facteurs environnementaux et de déclics encoremal connus. La puberté dite « normale » commence entrel’âge de 8 à 13 ans et se déroule sur une période de dix-huitmois à six ans.

Steingraber rapporte que les données recueillies depuis unecentaine d’années permettent d’établir que l’âge moyen despremières menstruations est passé en un siècle de 17 à 13 anschez les filles de race blanche aux États-Unis. Il a continué àdiminuer au cours des derniers 50 ans, mais beaucoup pluslentement (quelques mois) et suivant d’amples variations selonl’origine ethnique.

Au Canada, des recherches sur de petites cohortes amènent

à une conclusion semblable. Une observation confirmée par laDre Diane Francœur, professeure en obstétrique etgynécologie à l’Université de Montréal, qui prévient toutefoisqu’aucune étude à grande échelle n’a encore été menée sur lesujet dans notre pays.

Aujourd’hui aux États-Unis, l’âge moyen de la ménarche estde 12,6 ans chez les filles de race blanche, de 12,1 ans chezcelles de race noire et de 12,2 ans chez les filles d’originemexicaine (il est toutefois difficile de comparer son évolutionsur une longue période, puisque la majorité des donnéeshistoriques concernent surtout des filles de race blanche etd’origine européenne).

Ce qui est plus difficile à déterminer, souligne Steingraber,c’est l’évolution des premières manifestations de la pubertécomme les bourgeons mammaires et la pubarche, en raison dela rareté des données historiques. Néanmoins, les donnéesrecueillies au cours des dernières décennies indiquent que l’âgea diminué sensiblement dans les deux cas et que cettetendance lourde se poursuit (à la différence de la ménarche,qui semble s’être stabilisée).

Pour résumer, la chercheuse conclut que « les premièresrègles se déclenchent un peu plus précocement qu’il y a 40ans, alors que le développement mammaire, lui, survient unou deux ans plus tôt ».

Aux États-Unis, les bourgeons mammaires apparaissentmaintenant avant l’âge de dix ans chez 50 % des filles de raceblanche et avant l’âge de huit ans chez près de 14 %. Chez lesfilles de race noire, l’âge moyen se situe tout juste sous la barredes neuf ans, dont une proportion importante sous celle deshuit ans.

Comme le fait observer Steingraber, « La majorité desendocrinologues admettent… que la diminution de l’âge de lapuberté chez les filles est un phénomène bien réel aux États-Unis ». Ce qu’on ne connaît pas, ce sont les causes de cetteévolution, ni comment réagir, si tant est qu’il faille intervenir.

Cocktails chimiques et redéfinition de la « norme »La plupart des experts, y compris Steinberger, s’entendentsur le fait que la baisse de l’âge de la puberté est directementattribuable au déclin des maladies et à une meilleurealimentation. La capacité de maturation sexuelle del’organisme féminin en fonction de l’environnement (parex., santé, alimentation, abri) joue aussi un rôle important.Par conséquent, il est difficile de parler d’âge « normal » ausujet de la puberté. À cause de notre capacité d’adaptation,ce qui constitue la « normalité » évolue constamment enfonction de l’évolution des facteurs environnementaux(individuels et sociaux).

De cet argument en découle un deuxième : ce qu’on

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considère comme un développement pubertaire « normal » nesignifie pas forcément que celui-ci est « bon » ou « sain »(contrairement à ce que le mot laisse croire). Il s’agit toutsimplement d’une moyenne décrivant une réponse à descirconstances extérieures qui influent sur les fonctions del’organisme.

Pour Steingraber, le fait que la puberté se déclenche plus tôtaux États-Unis pourrait être lié à d’autres facteurs quel’amélioration de la nutrition et de la santé, en particulier aucours des dernières décennies. Un phénomène similaires’observe d’ailleurs dans d’autres pays qui jouissent d’unniveau de vie élevé ou ont en commun les mêmes antécédentsethniques.

La chercheuse fait état de nombreusesétudes qui établissent un lien entre lesproduits chimiques présents dans notreenvironnement. Les modulateursendocriniens (capables d’imiter leshormones dans l’organisme) sont associésnotamment à une pléthore de problèmesde santé : raccourcissement des périodesde gestation du fœtus; faible poids à lanaissance; accroissement des taux d’obésitéet mauvaise régulation de l’insuline dansl’organisme, tous des facteurs de risque depuberté précoce. Phénomènes auxquelsnous devrions prêter attention, prévientSteingraber, puisque « les enfants sontconstamment exposés à des modulateursendocriniens de faible intensité dans lanourriture, l’eau potable et l’air », prévientSteingraber.

À titre d’exemple, on a établi un lienentre la ménarche et la pubarche précoceschez les filles et les polybromobiphényles,des produits chimiques ignifuges. De lamême façon, une exposition à des tauxélevés de dioxine serait associée à unrisque élevé de ménarche précoce et decancer du sein.

De plus, on trouve dans une vaste gamme de produits deconsommation, dont les toniques capillaires, les pesticides et lematériel d’emballage et de construction, des agentshormonaux actifs. Certaines études en ont d’ailleurs détecté laprésence dans l’urine des filles aux États-Unis, ainsi que destraces de contaminants comme les phtalates et le bisphénol A.(Élaboré à l’origine pour servir d’hormone synthétique, lebisphénol A est utilisé maintenant dans tous les plastiquespolycarbonates et dans les revêtements intérieurs des conserves

et des canettes, entre autres. Son utilisation dans les biberonsvient d’être bannie au Canada.) Les tests sur les rats indiquentque l’exposition au bisphénol A, avant la naissance ou à unjeune âge, peut accélérer la maturité sexuelle.

Aux États-Unis, le recours aux hormones naturelles ousynthétiques pour stimuler la croissance du bétail et laproduction laitière (un procédé banni en Europe) a égalementsoulevé quelques inquiétudes. Certains critiques croient quecette pratique pourrait contribuer au déclenchement précocede la puberté, mais d’autres recherches seront nécessaires pouren être sûr.

Steingraber conclut pour sa part que les cocktails chimiquespourraient jouer un rôle significatifrelativement à la baisse de l’âge « normal »de la puberté chez les filles. Les donnéessont toutefois insuffisantes pour leconfirmer, mais suffisantes pour conseillerla vigilance.

Par ailleurs, il reste à déterminer dequelle façon les contaminants chimiquesagissent et se conjuguent avec d’autresfacteurs de risque pour accélérer le débutde la puberté. Ces autres facteurs derisque, ce sont notamment le tabagisme,l’obésité, l’inactivité physique et lesstresseurs psychosociaux (les dysfonctionsfamiliales, par ex.). Il faudra aussidéterminer quels sont leurs autres effetssur l’organisme et le développement.

L’enfance perdueOutre le risque accru de cancer du seinassocié à la puberté précoce et les autreseffets des contaminants chimiques sur ledéveloppement, il y a de nombreusesautres raisons de s’inquiéter de la baisse del’âge de la puberté, sur le plan socialnotamment, soutient Steingraber.

On peut avancer que l’augmentationdes cas de puberté précoce nous obligera à séparer notreconception de l’enfance et le développement physiologiquecomme tel (une fillette de 8 ans qui a des seins n’en reste pasmoins une enfant si on la compare aux enfants de son âge).Or les filles qui acquièrent des formes à un jeune âge sontsoumises à de nombreuses pressions sociales.

Steingraber fait état d’un certain nombre d’études montrantque les filles qui atteignent tôt l’âge de la puberté sontdavantage sujettes à l’anxiété, ont une moins bonne imaged’elles-mêmes et font plus de tentatives de suicide que les

«La majorité desendocrinologuesadmettent… que

la diminution de l’âge de lapuberté chez

les filles est unphénomène bien reel…»

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autres. L’abus de drogues, le tabagisme et la consommationd’alcool sont également plus élevés au sein de ce groupe. Parailleurs, ces filles sont plus susceptibles d’être victimes deviolence physique et sexuelle. Dans l’ensemble, elles neréussissent pas aussi bien à l’école. Leur vie sexuelle débuteplus tôt et elle est plus active; le risque de grossesse àl’adolescence augmente.

Fait à souligner, les garçons quiparviennent précocement à la maturitésexuelle ne présentent pas les mêmescomportements et la même évolutionque les filles. Comme le suggèreSteinberger, ceci pourrait s’expliquer parle fait que « la puberté précoce modifieà tel point les rapports sociaux pour lesfilles qu’elle peut causer un traumatismeet éroder la confiance en soi ».

Que faire?L’analyse exhaustive proposée dans TheFalling Age of Puberty in US Girls estune démonstration éloquente de lacapacité de synthèse de l’auteure.Connaissances biomédicales, donnéessur l’environnement et les produitschimiques, facteurs sociaux et culturelset répercussions : recenser tous ceséléments n’était pas une mince tâche.

Ce qui frappe, c’est encore ettoujours la rareté des données sur lessubstances chimiques présentes dansnotre environnement et leursrépercussions sur la santé. Cette lacuneprocède d’une perspective qui tend àisoler le corps humain (et ses processus)des facteurs environnementaux, alors que seule une approcheintégrée permettrait d’apporter des réponses (ou de souleverles bonnes questions).

En particulier, Steingraber croit qu’il faudrait exercer unesurveillance régulière pour détecter les modulateursendocriniens et autres agents hormonaux actifs présents dansl’air, l’eau et la nourriture, et en analyser les effets sur ledéveloppement des nourrissons, des enfants et des adultes.

Plus important encore, il faudrait étudier les effetséventuellement délétères des produits chimiques sur la santéhumaine et la salubrité de l’environnement, isolément et enassociation, avant qu’ils ne soient destinés à la consommationde masse sous diverses formes. Les gouvernements devraient

aussi en surveiller plus rigoureusement l’utilisation et lapropagation dans l’environnement.

Selon Kathleen Cooper, chercheuse en chef à l’Associationcanadienne du droit de l’environnement, on peut s’attendre,malgré l’absence de données comparables, à une évolutionsemblable de l’âge de la puberté au Canada et aux États-Unis,

vu les ressemblances entre les deux payssur le plan du développementindustriel. « Nous devrions chercher àsavoir, dans le cadre de recherches plusvastes sur la salubrité del’environnement pour les jeunesenfants, si l’âge de la ménarche diminuedans notre pays; et, si tel est le cas,analyser le rôle joué par les substancessoupçonnées de perturber le systèmeendocrinien, notamment celles qui sontprésentes dans les produits deconsommation. »

La conclusion à laquelle parvientSteinberger, c’est que le déclenchementprécoce de la puberté chez les filles (unphénomène bien réel et dont nousdevrions nous inquiéter) ne procède pasd’une simple relation de cause à effet,mais plutôt d’un réseau de facteursresponsables de transformations initialesqui déclenchent elles-mêmes d’autresréactions.

Pour arriver à démêler cet écheveau,il nous faudrait commencer paraccepter, en toute bonne foi, que laprofusion de substances chimiques dansnotre environnement (l’eau, lanourriture et l’air) exerce effectivement

une action sur notre développement physiologique et social.Notre évolution en tant qu’espèce pourrait en dépendre. �

Pour un complément d’information :

The Falling Age of Puberty in US Girls: What we know, whatwe need to know, par Sandra Steingraber (publication duBreast Cancer Fund, août 2007) :www.breastcancerfund.org/site/pp.asp?c=kwKXLdPaE&b=3266489

Kathleen O’Grady est co-auteure de l’ouvrage Sweet Secrets:Stories of Menstruation (Sumach Press) et associée de recherche àl’Institut Simone de Beauvoir.

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LA PUBERTÉ PRÉCOCE CHEZ LES FILLES

…il faudraitétudier les effetséventuellement

délétères desproduits

chimiques sur lasanté humaine et

la salubrité del’environnement,isolément et enassociation…

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Au Canada, on a détecté des traces de médicaments dans leslacs, les rivières, les ruisseaux et l’eau du robinet. On aégalement relevé la présence d’autres substances chimiquesprovenant de certains aliments (additifs), de produits debeauté (shampoings et cosmétiques), de produits vétérinaireset de produits agrochimiques. Certains produits deconception récente risquent eux aussi d’aboutir tôt ou tarddans cette « soupe chimique », comme les produitsbiologiques, les produits issus des thérapies génétiques et lesaliments génétiquement modifiés. Avec le raffinement desméthodes d’analyse, le nombre de médicaments détectés dansl’eau à l’échelle mondiale est passé de 20 en 1998 à plus de200 en 2008.

Action pour la protection de la santé des femmes s’attache àétudier ce mode méconnu de contaminationenvironnementale sous l’angle de la santé publique, enparticulier ses répercussions sur la population féminine.

Les femmes, les produits de santé et la pollution del’environnementLa contamination des écosystèmes par les produitspharmaceutiques et de soins personnels (PPSP) peut avoir deseffets néfastes sur la flore et la faune, ainsi que sur les êtres

humains. Ce phénomène a des implications toutesparticulières pour les femmes, qu’il importe de souligner.

Sur le plan biologique, les femmes présentent à certainesépoques de leur vie des vulnérabilités propres. La grossesse enconstitue l’exemple le plus évident. Les tragédies dudiéthylstilbestrol (DES) et de la thalidomide ont fait voler enéclat ce vieux principe de toxicologie suivant lequel « Ce quifait le poison, c’est la dose ». La consommation par unefemme enceinte de quantités infimes d’un médicament à unstade donné du développement fœtal peut être une cause demalformations, de cancer et de problèmes cognitifs mineurs.On sait maintenant que le DES appartient à une classe desubstances capables de perturber le système endocrinien (quiproduit les hormones). Certains spécialistes croient qu’iln’existe pas, en matière d’hormones de synthèse, de dose sûrepour l’embryon; c’est le cas de Theo Colburn, auteure d’unouvrage sur ces questions intitulé Our Stolen Future. Lesrecherches actuelles sur les perturbateurs endocriniensindiquent que le fœtus masculin serait plus sensible que lefœtus féminin aux multiples effets produits par ces substanceschimiques (Partenariat canadien pour la santé des enfants etde l’environnement, 2007). Des études épidémiologiquesconcluent à une diminution légère, mais constante, de la

BOUCLERLA BOUCLE:

médicaments, environnement et santé publique

P A R S H A R O N B A T T

epuis le milieu des années 90, la présence de « médicaments dans l’eau » a faitl’objet de nombreux grands titres, qui ont alerté la population à un problèmepréoccupant pour la santé publique.D

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proportion de garçons nés au Japon etaux États-Unis au cours des quatredernières décennies. Les preuvesconfirmant que ce phénomène des « garçons manquants » résulte en partied’une exposition in utero à desperturbateurs endocriniens, nous lesobservons chez les populations exposéesà des taux exceptionnels de cessubstances. À la suite de l’explosion avecdégagement de dioxine qui s’est produiten 1976 à Seveso, en Italie, on aconstaté une brusque diminution desnaissances chez les garçons : 28 garçonssont nés au cours des sept années quiont suivi l’accident, contre 46 filles. Ausein de la communauté autochtone deAamjiwnaang, établie à Sarnia enOntario, grand centre de l’industriepétrochimique au Canada, on observedepuis dix ans une baisse dramatique(40 %) du nombre de garçons parrapport au nombre de filles.

Abby C. Collier, pharmacologue àl’Université de Hawaii, a cherché àévaluer le risque que posent les produitspharmaceutiques décelés dans l’eaupotable pour les femmes enceintes et les

enfants. À cette fin, elle a recensé lesdonnées publiées sur les doses-effet et lesmodalités en matière de prescription.Ensuite, elle a analysé 26 médicamentsdétectés en quantités mesurables dansdifférentes études sur les systèmes d’eaupotable, puis estimé les indicesd’exposition cumulative auxquels sontsoumises ces populations vulnérables.Selon ses conclusions, les produits quiposent le plus grand problème pour lesfemmes enceintes sont au nombre decinq : il s’agit de l’éthinylœstradiol (unœstrogène synthétique); de lanoréthindrone (un contraceptif ); dudiazépam (un tranquilisant); del’invermectine (largement utilisée dansl’élevage du bétail pour lutter contre lesparasites); enfin, de l’ibuprofène et dudiclofénac (des anti-inflammatoires). Àces produits s’ajoutent, en ce qui toucheles enfants, le méthotrexate, unmédicament contre le cancer.L’innocuité de quatre autresmédicaments reste encore à établir.

D’après les calculs de Collier, unefemme enceinte qui consommequotidiennement deux litres d’eau

ingère, pendant les neuf mois de sagrossesse, 13 % de la dose minimaleefficace d’éthinylœstradiol; près de 1,5 %de la dose minimale de noréthindrone;et près de 5 % de la dose minimale dediazépam. En ce qui concernel’invermectine, l’ibuprofène et lediclofénac, les pourcentages sont estimésà 4 %, 3 % et 2 % respectivement. Endépit des faibles niveaux relevés parrapport à l’usage thérapeutique de cesproduits, Collier soulève certainespréoccupations relatives à l’exposition,faisant valoir que la relation dose-effetn’est pas forcément linéaire dans le casdes malformations congénitales. « Boirede l’eau pendant la grossesse estconsidéré comme une bonne habitude.Cette pratique est donc despréoccupations sur le plan de la santépublique puisque les femmes enceintesqui boivent cette eau sont exposées à cescinq médicaments », conclut lachercheuse. Par ailleurs, le fait demesurer l’exposition à chaque substancene fournit pas un portrait complet, caron ne tient pas compte des interactionspossibles entre les produits.

16 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

Le timbre contraceptif EvraCoup d’œil sur un produit et sonimpact sur l’environnementLe timbre contraceptif Evra a été approuvé au Canadaen 2002. Ce dispositif, dont on vante le côté pratique,libère des hormones à travers la peau. En réalité, il n’estpas plus efficace que la pilule et ses effets secondairessont plus nombreux. Le risque de caillot sanguin compteparmi ceux-ci. Chaque timbre contient 6 mg denorelgestromine et 0,6 mg d’éthinylœstradiol. Il faut lechanger tous les sept jours, même s’il renferme encoreplus de 80 % de la norelgestromine initiale et plus de75 % de l’éthinylœstradiol. Selon Janssen-Ortho, lefabricant du produit, les timbres doivent contenir plusque la dose hebdomadaire nécessaire pour êtreefficaces. Le gaspillage est donc inévitable. Or, lestimbres usagés renferment une grande quantité

d’hormone synthétique capable de provoquer uneféminisation des poissons mâles. Il s’agit d’unesubstance persistante, c’est-à-dire qui ne se décomposepas avec le temps.

Si les utilisatrices suivent les instructions du fabricantet jettent les timbres usagés à la poubelle après les avoirpliés en deux, les substances hormonales en excèspeuvent s’introduire dans l’environnement et polluer lescours d’eau. En Europe, le timbre est vendu avec unsachet pour l’élimination sécuritaire. Est-ce suffisantpour empêcher que les hormones ne s’inflitrent dansl’environnement? On l’ignore, mais une telle précautionfait ressortir un point important : les instructions surl’élimination des timbres tiennent compte uniquementdes règlements locaux en la matière. La salubrité del’écosystème n’est pas un critère.

L’étude de l’impact environnemental des médicamentsest principalement du ressort des ministères provinciauxde l’environnement. L’élimination proprement dite desproduits pharmaceutiques dangereux incombe soit auxautorités municipales (gestion des déchets urbains), soità des entreprises agrées d’élimination des déchets

BOUCLER LA BOUCLE

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Jusqu’à maintenant, la recherche surles effets de l’exposition du fœtus et dujeune enfant aux substances chimiquesdans l’environnement a porté sur desproduits toxiques comme les pesticides,les dioxines, le plomb, l’arsenic et lemercure. De plus en plus de donnéesconfirment que garçons et filles ensubissent les effets, mais que lesmanifestations sont différentes selon lesexe. Chez les garçons, le risque decancer, d’asthme, de troubles del’apprentissage, de certainesmalformations et de dysgénésietesticulaire est plus élevé. Chez les filles,c’est le risque de puberté précoce quiprédomine. La puberté précoce est

associée à un éventail depsychopathologies à l’adolescence, dontla dépression et les troubles alimentaires,la sexualité précoce et la consommationde drogues, de cigarettes et d’alcool à unjeune âge. On l’associe également à unrisque accru de cancer du sein plus tarddans l’existence. Pour l’instant, il n’y apas suffisamment de données pourétablir des liens précis entre cestendances et la présence de médicamentsdans l’environnement. Toutefois,comme le font valoir les chercheursdanois Sven Eril Jørgensen et BentHalling-Sørenson, les médicaments « nediffèrent pas, en principe, des autressubstances chimiques », si bien qu’il « est

ridicule de chercher à établir unedistinction entre ceux-ci et les autresproduits chimiques libérés dansl’environnement. »

La contamination chimique du laitmaternel constitue un autre problème desanté lié à la pollution de l’environnement.Des amines aromatiques (utilisées danscertains produits pharmaceutiques,teintures, plastiques alvéolaires etpesticides) ont été détectées dans le laithumain; on sait qu’elles peuventprovoquer l’apparition du cancer dans lestissus mammaires de rats.

La grossesse et la lactation ne sont pasles seules périodes où les femmes sontvulnérables. La puberté, les

LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 17

Perturbateur endocrinien – Désigne « une substance qui perturbe la production, la sécrétion, le transport, lemétabolisme, la fixation, l’action ou l’élimination des hormones dans l’organisme », selon la définition proposéepar Theo Colborn, auteure de Our Stolen Future.

Bioaccumulable – Se dit d’une substance toxique capable de s’accumuler dans le tissu adipeux des organismesvivants et dont la concentration augmente de façon exponentielle à mesure qu’on remonte la chaîne alimentaire.À l’image de l’effet de serre, on parlera « d’effet biocumulatif » pour désigner le résultat des interactions entreplusieurs substances chimiques bioaccumulables.

médicaux/dangereux (programmes de récupération desmédicaments inutilisés). Résultat : un conflit decompétences créé par la multiplication des intervenants(fédéral, provincial, ministères municipalités, secteurprivé). Malheureusement, la plupart des médicamentsd’ordonnance, y compris ceux qui renferment deshormones de synthèse dont le rôle de perturbateurendocrinien est connu, ne sont pas classés parmi lesdéchets dangereux.

Certes, la Loi canadienne sur la protection del’environnement (LCPE), adoptée en 1988, modifiée en1999 et administrée par Environnement Canada, veille àla protection de l’environnement. Mais ses dispositionss’appliquent d’abord et avant tout à la pollutionindustrielle. Un autre projet de règlement afférent à laLoi sur les aliments et drogues sommeille dans les limbesadministratives de Santé Canada depuis septembre 2001.D’ici à ce que le ministère complète son Initiative surl’impact environnemental, tous les produitspharmaceutiques restent soumis à la LCPE. Le cas dutimbre Evra démontre toutefois qu’à l’heure actuelle,rien n’est fait pour restreindre l’usage des produits

pharmaceutiques sur la base de leur nocivité pourl’environnement.

Les substances chimiques qui entrent dans lacomposition des produits pharmaceutiques s’inflitrentdans la nappe phréatique, puis se répandent dansl’environnement. Bien que nos connaissances touchantl’effet des polluants bioaccumulables sur l’écosystèmesoit limitées, elles nous permettent néanmoinsd’affirmer que leur présence dans l’environnement estinacceptable. Nous ne pouvons rien faire une fois qu’unproduit se retrouve dans l’écosystème. Mais nouspouvons agir en amont, en limitant notreconsommation. Nous pouvons nous appuyer sur lasensibilisation et la réglementation pour découragerl’usage d’un produit dont la principale vertu est soncôté pratique, comme dans le cas du timbre Evra. Etlorsque, pour des raisons médicales, son usage estindiqué, prendre les moyens nécessaires pour endisposer de la façon la plus sûre possible.

~ Adapté d’un article rédigé par Suzanne Elston et publiéen 2004 par Action pour la protection de la santé des femmes

G L O S S A I R E

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menstruations et la ménopause sont aussi le fait de fluctuationshormonales. Chez la femme, les cellules mammaires ne semblentatteindre la pleine maturité qu’au terme d’une grossesse complète; ellesrésistent alors mieux aux agents chimiques cancérogènes et à la radiation.Les femmes qui n’ont pas accouché pourraient donc présenter à tout âgeune vulnérabilité accrue à ces agents, si on les compare à des femmes dumême âge qui ont eu des enfants et dont l’état de santé est semblable. Parailleurs, la femme possède généralement plus de tissu adipeux quel’homme; elle emmagasine donc davantage de perturbateurs endocriniensque celui-ci. De plus, les réactions indésirables aux médicaments sontplus nombreuses chez les femmes que les hommes; cette différence n’estqu’en partie attribuable au fait qu’elles en consomment davantage et sontde moindre poids que ces derniers. « Si les risques pour la santé sont plusélevés chez les femmes, c’est peut-être à cause de différences d’ordrephysiologique qui les rendent plus vulnérables à certains facteurs derisque associés aux médicaments », conclut un rapport du U.S. GeneralAccounting Office.

L’âge est un autre élément dont il faut tenir compte. Une femmeâgée aura absorbé tout au long de sa vie des substances bioaccumulablesprésentes dans son environnement. Elle pourra donc être plus sensible,en raison d’une immunité affaiblie, à certains effets produits par lessubstances chimiques contenues dans l’eau.

Les politiques en matière de santé publique devraient viser à protégertous les membres de la société, en particulier les plus vulnérables.Malgré tout ce qu’on sait aujourd’hui sur les effets distincts quepeuvent avoir les substances chimiques sur la santé des femmes, lesnormes de sécurité actuelles restent souvent fondées sur des donnéess’appliquant à des hommes blancs et en bonne santé. �

Sharon Batt est doctorante en bioéthique à l’Université Dalhousie. Ellemilite depuis de nombreuses années dans les domaines du cancer du sein etde la salubrité de l’environnement. Elle a fondé Action cancer du sein deMontréal et publié Patient No More : The Politics of Breast Cancer.

Cet article est un extrait adapté d’un chapitre de The Push to Prescribe :Women and Canadian Drug Policy, à paraître chez Women’s Press àl’automne 2009. Publié sous la direction d’Anne Rochon Ford et de DianeSaibil, l’ouvrage proposera une compilation des travaux menés par Actionpour la protection de la santé des femmes sur les produits pharmaceutiques, lespolitiques canadiennes en matière de médicaments et la santé des femmes.

Complément d’information :

Action pour la protection de la santé des femmes : www.whp-apsf.ca

Our Stolen Future : www.ourstolenfuture.org

D.E.S. Action Canada (projet Alerte à la pollution hormonale) :www.web.net/~desact

18 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

VERSION MISE À JOUR ET TRADUITE –

Les femmes, la santé mentale, lesmaladies mentales et la toxicomanieau Canada : tour d’horizon,Groupe de travail ad hoc sur les femmes, la santé mentale, l’utilisation de substances et la toxicomanie.

D’abord publié en mai 2006 par le RCSF enversion anglaise, avant le dépôt du rapportfinal du Comité sénatorial permanent desaffaires sociales, des sciences et de latechnologie, ce document insiste sur lanécessité de tenir compte du sexe et du genredans toute discussion portant sur la santémentale et la toxicomanie. Il propose del’information et des recommandations àl’intention de la nouvelle Commission de lasanté mentale au Canada. Depuis sa création,la Commission ne s’est toujours pas penchéesur ces questions, d’où l’importance et lapertinence toujours actuelle du document.

Le document est également disponible enanglais sous le titre Women, Mental Health andMental Illness and Addiction in Canada: AnOverview.

Téléchargez le document diffusé sur

le site Web du Réseau canadien pour

la santé des femmes (RCSF) : www.rcsf.ca

BOUCLER LA BOUCLE MAINTENANT DISPONIBLE EN FRANÇAIS!

AUPRÈS DU RÉSEAUCANADIEN POUR LASANTÉ DES FEMMES

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 19

Si je prévois une sortie en soirée, j’appliquerai sans doute aussiun peu de maquillage. D’après l’Environmental WorkingGroup des États-Unis, cette routine m’expose tous les jours,en tant qu’adulte « dans la moyenne », à 126 ingrédientschimiques distincts. Des produits inoffensifs, dites-vous? Àtout le moins, c’est ce que laissent entendre les messages surles emballages de mon savon et de mon shampoing en mepromettant une peau et des cheveux d’allure saine. En réalité,certains produits peuvent m’exposer à des agents cancérogènespour les humains. Chaque jour aux États-Unis, une femmesur treize entre en contact, par le biais des cosmétiques, avecdes substances cancérogènes connues ou présumées. Cesproduits peuvent aussi nous exposer à des agents toxiquespour la reproduction ou le développement : c’est le cas d’unefemme sur 24, toujours chez nos voisins du Sud. Et leshommes ne sont pas en reste. Les articles de toilette qu’ilsutilisent les exposent chaque jour à 85 ingrédients distincts,dont certains pourraient être intrinsèquement toxiques. AuCanada, les règlements sur les cosmétiques interdisentquelques composants de plus qu’aux États-Unis; les chiffresmoyens ici peuvent donc varier légèrement en ce qui concernel’exposition quotidienne. Néanmoins, de nombreux produits

vendus dans notre pays contiennent toujours des substancestoxiques, y compris certains qui sont destinés aux bébés.

Les consommateurs sont de plus en plus sceptiques face àl’industrie des produits de beauté, et ils ont de bonnes raisonsde l’être. Ils sont de mieux en mieux renseignés et ce qu’ilssavent ternit la réputation des fabricants. Car on trouve dansles rayons de cosmétiques des produits chimiques toxiquescapables de causer des effets nocifs chroniques ou de mettre lavie en danger (agents cancérogènes, agents toxiques pour lareproduction et le développement, allergènes, sensibilisants).Certaines substances (appelées mutagènes) peuvent parfoismodifier notre ADN de façon permanente, si bien que nosenfants héritent de ces mutations. Le fait de n’y être exposéqu’une ou deux fois n’entraîne pas de problèmes de santé.Leur action est beaucoup plus insidieuse. Elle résulte d’uneexposition cumulative à de petites doses tous les jours de notreexistence, ce qui correspond précisément à l’usage quotidienque nous faisons des produits de beauté. Par ailleurs, on nesait pas encore tout quant aux effets à long terme sur la santédes ingrédients contenus dans les cosmétiques, individuellementou en association. Enfin, rien n’oblige les fabricants à apposersur leurs produits des étiquettes signalant des éventuels effets

P A R M A D E L E I N E B I R D

our faire ma toilette quotidienne, j’utilise une petite quantité de shampoing, derevitalisant et de savon dans la douche; j’applique ensuite une crème hydratantepour le corps, une autre pour le visage et un baume pour les lèvres.P

DES TOXINES dans les PRODUITS de BEAUTÉ

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nocifs chroniques associés à des composants en particulier ouà leur association. C’est d’ailleurs une mesure à laquelle ilss’opposent vivement.

Le 16 novembre 2006, les lois sur l’étiquetage descosmétiques ont été modifiées au Canada. Aujourd’hui, lesfabricants doivent fournir sur l’emballage la liste de tous lesingrédients à l’exception de ceux qui sont protégés par lesecret commercial. Les matières qui composent un parfum,notamment, sont classées dans cette dernière catégorie; envertu de la loi, il est suffisant d’apposer le mot « parfum » surl’étiquette, que celui-ci soit composé de cinq ingrédientsdistincts ou de cent. Or même si la divulgation de la liste desingrédients constitue une mesure essentielle en matière d’accèsà l’information, la lecture des étiquettes ne va pas de soi, nileur interprétation. Les caractères sont minuscules et lestermes employés ne veulent pas dire grand-chose pour la

plupart des gens. D’où l’utilité d’ajouter des étiquettes de miseen garde signalant la présence de composants toxiques et leursrisques pour la santé. Les fabricants nous vantent les méritesdes produits que nous achetons; ils devraient aussi être tenusde nous renseigner sur les risques.

Comment des produits chimiques toxiques se sont-ilsinfiltrés dans nos activités de toilette quotidienne? Beaucoupde gens s’étonnent quand ils apprennent que rien n’oblige lesfabricants à démontrer l’innocuité de leurs produits avant deles commercialiser. La seule chose qu’on exige d’eux, c’est defournir à Santé Canada, 10 jours après la mise en vente d’unnouveau produit, la liste des ingrédients qu’il contient. Or leministère publie bel et bien une « liste critique », quirépertorie plus de 500 matières interdites ou d’usage restreintdans les cosmétiques. Il interdit l’usage de certains agentscancérogènes connus, comme les colorants dérivés du

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DES TOXINES dans les PRODUITS de BEAUTÉ

SHAMPOING, HYDRATANTS,COSMÉTIQUESPeut contenir des parabens(méthylparaben, propylparaben)Imite l’œstrogène et peut augmenter le risque de cancer

ROUGE À LÈVRESPeut contenir des traces de plomb Neurotoxine, notamment chez les enfants

AUTRES PRODUITS DE MAQUILLAGEPeut contenir du BHA (butylhydroxyanisole)Présumé cancérogène et perturbateur endocrinien

VERNIS À ONGLESPeut contenir des phtalates (phtalate de dibutyle ou DBP)Anomalies congénitales, perturbateurendocrinien, agent toxique pour ledéveloppement et agent toxique pourla reproduction

Formaldéhyde (formaline)Cancérogène connu

Toluène (toluol)Présumé cancérogène et agenttoxique pour le développement

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goudron, mais d’autres ne figurent pas dans sa liste, tel lephtalate de dibutyle (DBP), qu’on peut trouver dans les vernisà ongles et les parfums. Le phtalate imite l’œstrogène; on l’aassocié à des anomalies des organes génitaux chez les bébés desexe masculin. Même si les responsables de Santé Canadasuivent l’actualité scientifique en ce domaine, en particulierlorsqu’un composant est interdit sur d’autres territoires, ilsn’ont adopté aucune position claire sur la présence de produitschimiques toxiques dans les cosmétiques. Santé Canadaexamine chaque ingrédient entrant dans la composition d’unproduit, évalue son usage à des fins cosmétiques et son risquepour la santé, pour ensuite rendre une décision. Leformaldéhyde, par exemple, est considéré parl’Agence internationale de recherche sur lecancer comme un agent cancérogène, maiscette étiquette ne lui a pas valu uneinterdiction complète dans la liste critique deSanté Canada. Pourtant, c’est un produitqu’on trouve couramment dans les produitspour ongles. Par ailleurs, l’approcheparcellaire adoptée par le ministère faitabstraction de la réglementation desimpuretés toxiques comme le 1,4-dioxane,qui peut surgir par inadvertance dans lesbains moussants pour bébé comme sous-produit accidentel.

L’Association canadienne des cosmétiques,produits de toilette et parfums (CCTFA)représente les intérêts de l’industrie auCanada. Elle se fonde sur les donnéesfournies sur les ingrédients par son pendantétats-unien, la Cosmetic, Toiletry andFragrance Association (CFTA). Cettedernière subventionne un groupe d’expertsscientifiques chargé d’évaluer la sécurité descomposants, le Cosmetic Ingredient Review(CIR). En 30 ans d’existence, le CIR n’a testéque 13 % environ des 10 500 ingrédientsutilisés dans les cosmétiques.

Les vives inquiétudes à l’égard du laxisme en matière deréglementation et la présence avérée de substances toxiquesdans les cosmétiques ont donné naissance à un vigoureuxmouvement en faveur de la sûreté des cosmétiques, d’abordaux États-Unis, puis au Canada. Il y a quelques années, uncertain nombre de grandes organisations à but non lucratif,féministes et environnementales des États-Unis ont uni leursforces. Elles ont scruté à la loupe les pratiques des fabricants etdes responsables de la réglementation et capté l’attention dupublic par différents moyens : site Web attrayant, astuces

publicitaires, annonces saisissantes et dépliants exposant lefruit de leurs découvertes, dont le résultat de leurs entretiensavec des géants de l’industrie comme L’Oréal et Estée Lauder.En 2006, une campagne jumelle était lancée au Canada parl’association Action cancer du sein de Montréal.L’Environmental Working Group (EWG) est l’une desorganisations états-uniennes à la tête de la campagne. Poursensibiliser la population et l’aider à choisir des produits plussûrs, l’EWG a établi une base de données sur les cosmétiquesappelée Skin Deep, qui connaît un succès retentissant(www.cosmeticsdatabase.com). Cette base renferme desdonnées sur plus de 25 000 produits de beauté. Ceux-ci ont

subi une évaluation à double insu de tousles ingrédients qui les composent. Lesévaluations sont ensuite affichées à l’aided’un symbole représentant un feu decirculation selon une échelle de risques de 0à 10. Le vert dénote un risque faible (0 à 2),le jaune, un risque modéré (3 à 6) et lerouge, un risque élevé (7 à 10). Cetteinformation est répertoriée pour chaqueingrédient distinct. L’outil permet aussi dejuger de la sûreté globale d’un produit (oudes risques qu’il pose). L’EWG a constatéqu’un produit sur trente vendu aux États-Unis ne répondait pas aux exigences del’industrie ou du gouvernement en matièrede cosmétiques. Plus de 400 produitscontenaient des ingrédients jugés dangereuxpar les comités d’évaluation de la sûreté descosmétiques, dont le CIR, lorsqu’ils sontutilisés conformément aux indications surl’étiquette.

Pendant un certain temps, un courriel acirculé dans le Web qui alertait lesconsommatrices à la présence de plombdans certains rouges à lèvres. Même s’ils’agissait d’un canular, les responsables de lacampagne ont décidé de tester 33 de ces

produits, le plomb constituant une neurotoxine dangereuse,en particulier pour les enfants. Malheureusement, plus de lamoitié contenaient des traces de plomb. Bien évidemment, cemétal ne figurait sur aucune des étiquettes. Certains rouges àlèvres en contenaient une concentration en parties par millionsupérieure aux seuils admissibles dans les bonbons aux États-Unis. En effet, la règlementation impose des seuils limitesmême si les scientifiques n’ont pas encore déterminé à quoicorrespond un seuil d’exposition sans danger. Lorsque lesmédias canadiens ont interrogé la CCTFA sur la présence de

LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 21

BEAUCOUP DE GENS

S’ÉTONNENT

QUAND ILS

APPRENNENT QUE

RIEN N’OBLIGE LES

FABRICANTS À

DÉMONTRER

L’INNOCUITÉ DE

LEURS PRODUITS

AVANT DE LES

COMMERCIALISER.

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plomb dans les rouges à lèvres, l’association a répliqué quenous étions tous exposés au plomb dans notre environnementnaturel et qu’une légère exposition par le biais des rouges àlèvres ne devrait pas être un motif d’inquiétude. Bien aucontraire, nous pensons qu’il faudrait s’en préoccuper, surtoutlorsqu’il s’agit d’une source qui n’est pas inévitable. Selon lesporte-parole de la campagne aux États-Unis, une femme peutingérer par inadvertance jusqu’à deux kilos et plus de rouge àlèvres au cours de sa vie.

Le mouvement connaît un succès qui ne se dément pas,tant auprès de l’industrie que des responsables de laréglementation. L’an dernier, une campagne ciblant le vernis àongles OPI, qui contenait du formaldéhyde et des DBP, aincité son fabricant à élaborer une nouvelle préparation enmoins de six mois. En Californie, on exige désormais que lesfabricants déclarent si leurs produits contiennent ou non dessubstances toxiques. On ne sait pas encore si cette nouvelle loiles incitera à modifier leurs formulations, mais il s’agitcertainement d’un pas dans la bonne direction en matière dedroit des consommateurs.

Les fabricants affirment qu’ils respectent la réglementationen place et c’est effectivement le cas. Toutefois, les loisn’imposent en général que le strict minimum. Les fabricantssont libres d’établir le degré de sécurité qu’ils préconisent pourleur produit, au-delà des normes de base, mais il n’existepresque aucun mécanisme de surveillance indépendant.Néanmoins, la réglementation donne des résultats en matièrede protection la santé publique. Le diacétate de plomb, unagent cancérogène connu, en est un bon exemple. L’andernier, Santé Canada l’a ajouté à sa liste des ingrédientsinterdits. Personne n’est descendu dans la rue pour fêter cettevictoire; toutefois, un fabricant a élaboré en douce unenouvelle formulation sans diacétate de plomb de son colorantcapillaire appelé Grecian Formula, mais destinée uniquementau marché canadien. Nos voisins du Sud, eux, doivent encorese contenter de l’ancienne préparation additionnée de l’agentcancérogène.

Avant d’acheter un produit de beauté destiné à un usagequotidien, comme un savon ou tout autre cosmétique, je lismaintenant l’étiquette pour m’assurer qu’il ne contient pasd’ingrédients douteux. J’essaie de privilégier les fabricants enqui j’ai confiance; quand je ne connais pas un composant, jele vérifie dans la base de données Skin Deep. J’y cherche aussiles produits sans substances toxiques qu’il est possibled’acheter au Canada. De plus, j’essaie de restreindre monusage des cosmétiques; j’évite les parfums et les produits pourles ongles. Ce sont là quelques façons de réduire monexposition quotidienne. Je les applique tout en sachant que lespressions exercées par le public réussiront à faire évoluer les

choses et qu’elles amèneront des changements d’ordrestructurel : une révision de la liste critique des ingrédients;une surveillance renforcée de l’industrie; l’obligation dedémontrer l’innocuité des cosmétiques avant leurcommercialisation; l’obligation de signaler les risques denature chronique sur les étiquettes.

Vu la tendance vers l’harmonisation mondiale desproduits et le fait que les États-Unis sont notre principalpartenaire commercial, quel avenir envisager pour lemouvement en faveur des cosmétiques sans danger auCanada? Nous pouvons changer les choses en adhérant àla Campagne en faveur des cosmétiques sécuritairespilotée par Action cancer du sein de Montréal. Ensignalant à l’industrie et au gouvernement nosinquiétudes à l’égard de la qualité et du contenu descosmétiques, ainsi que notre volonté de protéger la santépublique par un resserrement de la réglementation sur lesingrédients et l’étiquetage. À titre de consommateurs etde consommatrices, nous avons le pouvoir d’influencercette industrie de 5,4 milliards $ que représente la venteau détail des produits de beauté. À bien y réfléchir, ils’agit de notre argent. �

Madeleine Bird a rempli les fonctions de présidente de laCampagne en faveur des cosmétiques sécuritaires de 2006 à2007. Elle a également coordonné le Projet de sensibilisation à lasanté et à l’environnement, une collaboration entre Action cancerdu sein de Montréal et le Centre de recherche et d’enseignementsur les femmes de l’Université McGill, dont le but était desensibiliser le public aux risques pour la santé associés aux toxinesprésentes dans l’environnement, notamment dans les cosmétiqueset les produits d’entretien ménager.

Pour d’autres renseignements :

Campagne en faveur des cosmétiques sécuritaires de l’ACSMwww.bcam.qc.ca

Base de données Skin Deep de l’Environmental Working Groupwww.cosmeticsdatabase.com

Liste critique des ingrédients de Santé Canada www.hc-sc.gc.ca/cps-spc/person/cosmet/info-ind-prof/_hot-list-critique/prohibited-fra.php

Diminuez les risques de cancer : Guide du consommateur avertiLabour and Environmental Alliance Society et Optionconsommateurswww.option-consommateurs.org

22 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

DES TOXINES dans les PRODUITS de BEAUTÉ

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 23

L’Étude mère-enfant sur les composés chimiques del’environnement (étude MIREC) évalue dans quelle mesureles femmes enceintes et leur enfant sont exposés auxsubstances chimiques ainsi qu’à la fumée du tabac. L’étudeévalue également les risques de santé associés à la grossessedécoulant de l’exposition à des métaux lourds, et mesure lesniveaux, dans le lait maternel, de certains éléments bénéfiquesainsi que de substances chimiques de l’environnement.

Cette étude quinquennale menée à l’échelle nationale estun livrable clé du Plan de gestion des produits chimiques dugouvernement du Canada et se veut un moyen de pallier lemanque de données sur la quantité de substances chimiquesdans le corps des personnes vivant au Canada. L’étudeMIREC est complémentaire à l’Enquête canadienne sur lesmesures de la santé – d’une durée de deux ans et lancée audébut de 2007 – qui fait partie du Plan de gestion des

produits chimiques et qui devrait fournir des données des plusnécessaires sur l’exposition des Canadiennes et des Canadiensà plusieurs contaminants présents dans l’environnement, sanstenir compte toutefois des femmes enceintes.

« Les nouveau-nés, les femmes enceintes et les fœtus sontpossiblement des groupes vulnérables », affirme Sarah Quelch,coordonnatrice de recherche au sein de l’étude à Vancouver.« Nous espérons créer un profil de la santé des femmesenceintes à l’échelle du pays, ce qui pourrait contribuer à laprise de décisions stratégiques quant aux niveaux acceptablesd’exposition aux substances chimiques présentes dansl’environnement. »

Nous sommes tous exposés aux substances chimiques del’environnement, et ce, de diverses façons, entre autres parinhalation, ingestion et contact avec la peau. L’étude MIRECobservera le régime alimentaire des participantes, étant donné

a plus vaste étude canadienne sur les composés chimiques présents chez les femmesenceintes, les fœtus et les nouveau-nés a été lancée. L

Une étude canadienne examine l’exposition des femmesenceintes, des fœtus et des nouveau-nés aux substances chimiques

présentes dans l’environnementB Y C A R O L Y N S H I M M I N

Comparing Bellies[Comparaison de ventres],acrylique sur canvas, par Lisa Murphy

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que l’une des premières voies d’exposition aux substanceschimiques est le contact avec la nourriture et l’eau. Leschercheurs observeront également le lieu de résidence desmères (en milieu urbain ou rural) afin de déterminer lesdifférences d’exposition aux substances chimiques transportéesdans l’air, ainsi que leur niveau d’exposition sur le lieu detravail. Les participantes auront à indiquer si elles ontrécemment effectué des travaux de rénovation à leur domicilependant qu’elles étaient enceintes, les types de produits denettoyage généraux qu’elles utilisent, les types de plastiques etde composants électroniques avec lesquels elles sont en contactet si elles possèdent chez elles des meubles traités contre lestaches. En effet, tous ces produits et ces activités sont liés àl’exposition à certains métaux lourds et produits toxiques quiseront mesurés dans l’étude.

Les femmes visées par l’étude, recrutées dans le premiertrimestre de leur grossesse, seront suivies jusqu’àl’accouchement, puis jusqu’à huit semaines post-partum. Desmarqueurs biologiques de l’exposition à certaines substanceschimiques présentes dans l’environnement et à la fumée dutabac seront mesurés dans le sang, l’urine, les cheveux et le laitmaternel de la mère, ainsi que dans le sang du bébé prélevé ducordon ombilical et le méconium (la première selle dunouveau-né). De plus, les mères auront des questionnaires àremplir tout au long de leur grossesse et après l’accouchement.

L’étude permettra de mesurer la concentration de métauxlourds comme le plomb, le mercure, l’arsenic, le manganèse etle cadmium, ainsi que d’autres substances chimiques, tellesque les phtalates et le bisphénol A, servant à la fabrication deplastiques et de vinyles, et les polybromodiphényléthers(PBDE), ajoutés à divers produits pour les rendre moinssusceptibles de s’enflammer. Parmi les autres substanceschimique mesurées, notons les pesticides organochlorés qui,bien que leur usage ne soit plus homologué au Canada,persistent dans l’environnement, les pesticidesorganophosphorés, dont la plupart sont utilisés pour la luttecontre les insectes, les biphényles polychlorés (BPC), servantautrefois à la fabrication de nombreux matériaux industriels, lacotinine, un produit dérivé du tabac, et les composésperfluorés, servant à la fabrication de substances imperméablesaux graisses ou hydrofuges.

L’objectif visé par l’étude MIREC est d’obtenir nonseulement des données à l’échelle nationale sur l’expositiondes mères et de leur enfant aux contaminants en provenancede l’environnement et qui ont été définis par le gouvernementfédéral comme substances d’intérêt prioritaire (en raison deleurs effets nocifs sur la santé humaine et surl’environnement), mais aussi de déterminer si l’exposition àdes métaux lourds est lié à une élévation de la pression

artérielle chez la mère, à l’hypertension, à l’altération de laproportion des sexes et au retard de croissance fœtale, commel’ont indiqué certaines études dans le passé.

L’étude vise également à recueillir des données canadiennessur le tabagisme et l’exposition à la fumée du tabac, directe ouindirecte, pendant la grossesse. Ces données servirontprobablement aux instances gouvernementales et auxresponsables de la santé publique dans l’élaboration depolitiques et de programmes destinés à encourager les femmesenceintes à cesser de fumer et à éviter l’exposition à la fuméesecondaire, que l’on a démontré être liée à un poids insuffisantà la naissance et même à l’avortement spontané.

L’étude examinera en outre les bénéfices associés àl’allaitement par rapport aux risques qu’il présente, le caséchéant, et mesurera le niveau d’exposition à certainessubstances chimiques, nutriments et composésimmunoprotecteurs présents dans le lait maternel. Il sera ainsipossible de déterminer les facteurs environnementaux et ceuxassociés au régime alimentaire et aux habitudes de vie de lamère qui sont en corrélation avec ce niveau, permettantl’élaboration de programmes nutritionnels et de politiquesenvironnementales appropriés. « Nous avançons l’hypothèseque l’allaitement demeure bénéfique du fait qu’il procure uneprotection immunitaire importante chez l’enfant », affirmeMme Quelch.

L’étude MIREC permettra, entre autres objectifsexploratoires secondaires, de mesurer, chez la population desfemmes enceintes canadiennes, le transfert des toxines de lamère au fœtus, d’examiner la corrélation entre les polluantsprésents dans le sang du cordon ombilical du fœtus et dedéterminer les facteurs qui influent sur la concentration demétaux lourds chez les nouveau-nés (telle qu’elle est mesuréepar l’analyse du sang du cordon et du méconium). L’étude estégalement intéressante en ce qu’elle permettra d’examiner desmoyens de prévenir une intoxication aux métaux lourds parl’administration de vitamines anti-oxydantes, de calcium et desélénium, ainsi que de déterminer les sources et les indicesd’exposition aux substances chimiques.

« J’espère que l’information recueillie par cette étude setraduira par des politiques qui amélioreront la santé desfemmes et de leurs enfants, dit Mme Quelch. À titred’exemple, on n’a qu’à penser à toutes les données recueillieset la recherche effectuée dans les années 70 sur le plomb et quisont à l’origine de décisions visant à réduire le niveaud’exposition à ce métal lourd. Même chose pour le bisphénolA [dont on a parlé récemment dans les médias] que l’on peutmaintenant mesurer et dont les données serviront à soutenirles décisions prises à propos de substances chimiques nocives. »

L’étude MIREC poursuit son processus de recrutement de

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VÉRIFICATION PRÉNATALE

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 25

2 000 femmes de dix villes canadiennes, àsavoir : Vancouver (Hôpital pour femmeset enfants), Calgary (Hôpital Foothills),Winnipeg (Hôpital général de Saint-Boniface), Sudbury (Hôpital général deSudbury), Ottawa (Hôpital d’Ottawa –Campus Général), Kingston (Hôpitalgénéral de Kingston), Hamilton(Université McMaster), Toronto (HôpitalMount Sinaï), Montréal (CHU Sainte-Justine et Hôpital Juif ) et Halifax (Centrede santé IWK). Les femmes qui souhaitentparticiper à l’étude doivent résider dansl’une des régions où s’effectue la rechercheet prévoir d’accoucher à l’un des hôpitauxparticipant à l’étude. Les mères auront àremplir de nombreux questionnaires et àfournir des échantillons de sang et d’urine,des cheveux et du lait maternel. Mme Quelcha indiqué que, advenant le cas où de fortesconcentrations de plomb, de mercure oude cadmium seraient détectées chez uneparticipante, son médecin en serait informéimmédiatement, même si le projets’échelonne sur cinq ans et quel’observation des données et deséchantillons se poursuive pendant toute ladurée de l’étude.

L’étude MIREC est un effort decollaboration entre des chercheurs de SantéCanada et de l’Hôpital Sainte-Justine deMontréal, ainsi que des spécialistes enrecherche clinique d’autres villesparticipantes. Le gouvernement du Canadainvestira 3,9 millions de dollars dansl’étude, et Santé Canada, les Instituts derecherche en santé du Canada et leministère de l’Environnement de l’Ontariocontribueront des fonds additionnels de200 000 $. �

Carolyn Shimmin est coordonnatrice ducentre d’information au Réseau canadienpour la santé des femmes.

Pour obtenir de plus amplesrenseignements sur l’étude MIREC,consultez le site Web www.mirec-canada.ca

n paradis pour les amants de la nature, lenord de la Colombie-Britannique estparsemé de municipalités, villes et villages

de petites et moyennes tailles. Les populations de cescollectivités varient, allant de quelques centaines àplusieurs milliers d’habitants. Diversifiée et peuplée de nombreuses cultures autochtones, cette région offred’énormes possibilités de loisirs de plein air. Les ressources naturelles yabondent et on y trouve du pétrole, du gaz naturel, des minéraux, des arbreset des cours d’eau. De plus, elle abrite une faune variée, dont le Grizzly etl’Ours noir, le Cerf, l’Orignal, le Caribou et la Chèvre de montagne. Dans laplupart des petites communautés, la foresterie est traditionnellement leprincipal employeur.

En mars 2008, des femmes se sont réunies à l’Université du Nord de laColombie-Britannique pour explorer l’impact social, économique et sanitairedécoulant de l’infestation d’un insecte nommé dendroctone du pinponderosa, et cerner les inquiétudes et les enjeux signalés par les femmes descommunautés touchées. Le forum Boom, Bust and Beyond: Women’sPerspectives on the Mountain Pine Beetle [De la prospérité à l’austérité, et au-delà : la perspective des femmes concernant le dendroctone du pinponderosa] a permis d’énoncer clairement les raisons qui justifient l’utilisationd’une grille sexospécifique pour bien saisir les conséquences de ce fléau.

DE LA PROSPÉRITÉ À L’AUSTÉRITÉ,ET AU-DELÀ :la perspective des femmesconcernant le dendroctone

du pin ponderosaB Y D E B O R A M U N O Z A N D S A R A H B O Y D - N O Ë L

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Le dendroctone et les dommages causésL’insecte qui est à l’origine de la plus grave infestation connueen Amérique du Nord, le dendroctone du pin ponderosa, ouDendroctonus ponderosa, est un scolyte indigène de la tailled’un grain de riz. C’est un parasite vorace qui a causéd’énormes dommages chez la plupart des espèces de pins enColombie-Britannique. Ces coléoptères construisent desgaleries de ponte et émettent des phéromones qui attirentleurs semblables en grands nombres. L’attaque est massive etles défenses naturelles de l’arbre finissent par s’effondrer,causant la mort du pin. En date de mars 2008, 710 millionsde mètres cubes de bois d’œuvre avaient été détruits, soit unesuperficie boisée qui fait quatre fois l’île de Vancouver. Lescommunautés les plus durement frappées étaient celles dontl’économie dépendait surtout de l’industrie forestière, commeQuesnel, Mackenzie, Vanderhoof et Prince George.

Les changements climatiques favorisent la prolifération descoléoptères et cette infestation ne peut être enrayée que si destempératures froides de -35° à -40° C ou moins s’abattent surla région pendant plusieurs jours consécutifs. Or la planète seréchauffe de plus en plus et un tel événement risque peu de seproduire. Le sort des forêts du nord de la province inquièteénormément les gens de divers milieux, et nombre d’entre euxont assisté au forum. Des responsables de l’aménagement desterres, des chercheurs, des Autochtones, des travailleursgouvernementaux, des représentant de l’industrie forestière,ainsi que les femmes et les hommes des communautés quidépendent de l’exploitation forestière étaient présents.

L’épidémie de coléoptères a tué un grand nombre d’arbres eten a laissé plusieurs moribonds. Ces arbres sont toujoursdebout et entourent les villes et les villages du nord de la C.-B.,créant un important risque d’incendie. Ce fléau entraîne aussides conséquences graves pour ce qui est de l’agriculture, de laconservation, des habitats fauniques et la biodiversité. Il faudramettre en place des pratiques sylvicoles musclées, notammentla plantation d’espèces plus résistantes, pour diminuer lapériode de redressement et rétablir la forêt. Heureusement, lesforêts constituent une ressource renouvelable.

La qualité de l’air, déjà problématique dans cette région,subira un impact important, en raison de l’augmentation desémissions de carbone (due à la réduction du nombre d’arbres quiabsorbent les émissions), ce qui peut potentiellement multiplierles problèmes de santé. Comme l’a déclaré une femme présenteau forum : « Les arbres sont les poumons de la planète. »

L’impact sur la culture autochtone« Nous devons assurer la participation des Autochtones etprotéger les valeurs culturelles », affirme Zandra Ross, de laFirst Nations Mountain Pine Beetle Initiative (FNMPBI), un

groupe qui représente plusieurs organisations autochtones de laprovince, y compris l’Union of BC Indian Chiefs, l’Assembléedes Premières nations (région de la C.-B.) et le First NationsSummit. Des représentants d’organisations autochtones ontaffirmer l’importance de minimiser la dislocation culturelle enassurant la conservation du riche et fécond lien spirituel quecette population partage avec l’environnement et la terre. Laréussite continue des travaux menés par la FNMPBI repose surla mise en place d’une grille qui intègre le facteur de la «culture » ou de la « diversité » dans la problématique del’épidémie du dendroctone du pin ponderosa. « La premièregrille que nous avons utilisée était celle des valeurs culturelles,et ce pour tous nos travaux », précise Mme Ross.

Les effets des cycles « de prospérité et d’austérité »sur les familles et les communautésL’extraction des ressources naturelles dans le Nord etl’exploitation maximale et accélérée des terres pour obtenir unretour d’investissement rapide et optimal constituent despratiques historiques qui n’ont pas produit les fondementsnécessaires pour assurer la viabilité et l’autosuffisance deséconomies locales. Les effets négatifs de ce cycle « de prospéritéet d’austérité » sont maintenant ressentis dans lescommunautés dépendantes de l’industrie forestière, partoutdans le nord de la province et dans d’autres régions quidépendent grandement de l’exploitation de produits forestiersbruts à des fins d’exportation. L’épidémie de dendroctone dupin ponderosa, la baisse de la demande de bois transformé,l’effondrement du marché immobilier aux États-Unis, la forcedu dollar canadien et l’imposition d’une taxe de 15 pour centsur le bois d’œuvre exporté chez notre voisin du sud ontprovoqué la fermeture de plusieurs usines de pâte de bois et laperte de 3 500 emplois (excluant les emplois forestiers et lesemplois de camionnage) dans le Nord, notamment dansplusieurs communautés, dont Mackenzie, Prince George, FortNelson, Chetwynd, McBride, Fort St. James, Vanderhoof,Burns Lake, Houston, Smithers et Terrace. Dans certainescollectivités qui dépendent de l’industrie forestière, commeMackenzie, la moitié de la population est sans emploi. Commel’a affirmé une participante du forum : « Nous devons prendreconscience que la forêt n’a pas qu’une valeur économique.C’est le lieu où nous vivons, mangeons, respirons et jouons. »

Les conséquences sexospécifiques : un effet d’entraînementLes postes liés à l’exploitation forestière, pétrolière, gazière etminière ont été et sont toujours, de façon prédominante,réservés aux hommes. Généralement, lorsque l’économiepique du nez dans les communautés nordiques dépendantes

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DE LA PROSPÉRITÉ À L’AUSTÉRITÉ, ET AU-DELÀ

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de ressources naturelles, les écarts entre les hommes et lesfemmes ont tendance à augmenter. Dans le cadre du forum,les participants et les participantes ont souligné plusieurs effetssexospécifiques, comme la hausse du taux de soins nonrémunérés (les femmes sont plus nombreuses à dispenser dessoins primaires dans nos collectivités), la perte d’emplois chezles travailleuses de l’industrie forestière et du secteur desservices généraux et des services sociaux, deux créneaux àprédominance féminine.

L’adoption d’une approche unifiée révèleles liens qui existent entre les effets sociaux,économiques et sanitaires découlant del’infestation, et les dynamiques qui lescaractérisent. À l’échelle communautaire, larelocalisation forcée de certaines famillesgénère des conséquences importantes. « Lorsque les familles sont dans l’obligationde quitter leur communauté, un effetd’entraînement bien réel est déclenché »,explique Dawn Hemingway, présidente de laUNBC School of Social Work. Unediminution des réserves fiscales peutprovoquer la perte d’infrastructures assurantles services sociaux, une dévaluation descommunautés rurales et la disparition d’uneidentité collective. Quand les gens perdentleur emploi (impact économique), le taux destress augmente (impact sur la santé) et unetelle situation peut entraîner divers problèmessociaux (p. ex. augmentation du taux deviolence envers les femmes, éclatement desfamilles et problèmes de santé mentale).

Les femmes des communautés rurales onttrès peu de possibilités d’emploi. Elles peuvent trouver unemploi dans un bureau, une usine, une école locale, uneépicerie, un restaurant ou un bar, mais un tel emploi ne serapas nécessairement bien rémunéré. « La plus grande difficultéque nous vivons dans le Nord est l’accès, précise Lynn Florey,du Conseil de planification communautaire. Que ce soitl’accès à des gens, à des services, à des emplois ou à d’autresoccasions. » Plusieurs femmes s’engagent dans des activitéscommunautaires; ce sont surtout les femmes quiaccompagnent leurs enfants à la patinoire et à divers loisirs.Les rôles traditionnels sont encore très visibles dans lescommunautés rurales. Comme l’affirmait une participante duforum : « Nous devons éviter de reléguer les “problématiquessociales” aux “questions relatives aux femmes”. Les enjeuxéconomiques concernent aussi les femmes. L’équité entre lessexes contribue à une qualité de vie. »

Pour aller de l’avant« Avec l’épidémie actuelle, nous avons compris qu’il fautaméliorer la planification et mettre en place des approchesnovatrices pour récolter ce qu’il reste des forêts décimées par ledendroctone du pin ponderosa. Il ne faut pas faire de coupes àblanc », explique Kate Hrinkevich, doctorante endendroécologie (étude des anneaux de croissance des arbres) àl’Université du Nord de la Colombie-Britannique.

La création d’un réseau composé de chercheurs, demembres des communautés, de représentantsdes gouvernements et des industries et demilitants est l’une des premières idées qui aété explorée dans le cadre du forum, le butétant de maintenir les liens et d’aller de l’avantdans les dossiers relatifs aux femmes et auxeffets de l’infestation. Les femmes présentes àcet événement continueront d’organiser desrencontres, des conférences et desrassemblements collectifs. Les participants etles participantes ont identifié des sources definancement pour aider les communautés àréagir aux effets de ce désastre naturel. Lespersonnes présentes ont élaboré cinqpropositions de projets, avec l’aide d’unéventail d’outils. L’affiche Grammar of theResearch Question, du Women’s HealthResearch Network, est présentée auprèsd’individus comme un outil « qui permet derépondre aux questions qui, quoi, quand, où,pourquoi et comment », dans le cadre del’élaboration d’une question de recherche et laréalisation d’une étude. La carte stratégique dela FNMPBI est un outil utilisé pour

cartographier un processus que les communautés peuventutiliser pour composer avec les effets du coléoptère. (Le lienmenant au rapport moral figure à la liste de ressources, à la finde cet article.) Plusieurs projets sont en cours d’élaboration,dont un forum sur les femmes et l’emploi dans le cadre dudéveloppement économique nordique, une rechercheexplorant les effets sexospécifiques des changementsclimatiques, et la publication d’autres articles traitant despolitiques concernant les femmes, le dendroctone du pinponderosa et ses divers impacts sur le plan social.

Le forum Boom, Bust and Beyond: Women’s Perspectives on theMountain Pine Beetle a établi un lien concret entre les rapportshommes-femmes, la santé et le dendroctone du pin ponderosa.Il s’est également penché sur les « connaissances contextuelles »(ou connaissances expérientielles) des femmes vivant dans lescommunautés touchées par l’épidémie. Cet événement a

Généralement,

lorsque l’économie

pique du nez dans

les communautés

Nordiques dependants

de ressources

naturelles, les écarts

entre les hommes

et les femmes

ont tendance à

augmenter.

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confirmé la nécessité d’intégrer la question des rapportssociaux entre les sexes et les rôles sexospécifiques pour aborderles complexités des nombreuses répercussions sociales,sanitaires et économiques qu’engendre l’infestation dedendroctone de pin ponderosa. Les participantes et lesparticipants ont quitté le forum en étant plus conscients del’ampleur et des effets de l’épidémie sur leur propre santé etbien-être et aussi de l’importance d’assurer la viabilité de leurcommunauté.

Il en ressort que tous les habitants de la Colombie-Britannique et tous les Canadiens et Canadiennes doiventprendre davantage soin du territoire. Des politiques intégréessur son utilisation doivent donc être élaborées pour protégerles terres, l’air et l’eau et les maintenir dans un état sain. Ilfaut assurer la participation des communautés au processusdécisionnel lié à la planification socioéconomique, culturelleet environnementale à l’aide d’approches novatrices etcréatives qui sanctionnent et reconnaissent les points de vuedes femmes et d’autres groupes vulnérables vivant dans lescommunautés aux prises avec ce fléau. �

Debora Munoz est conseillère municipale, professionnelle de lasanté et militante de longue date dans le domaine de la santé etdu bien-être des communautés. Sarah Boyd-Noël est coordonnatricedu Northern Women’s Centre, à l’Université du Nord de laColombie-Britannique. Elle a organisé le forum Women’sPerspectives on the Mountain Pine Beetle en mars 2008.

Le forum Women and MPB a été financé et parrainé par lesorganismes suivants : Agriculture et Agroalimentaire Canada,Women’s Health Research Network, BC Rural and RemoteHealth Research Network, Confédération des SyndicatsCanadiens, Northern Women’s Forum, Northern Women’sCentre, UNBC School of Social Work, Women NorthNetwork et Stand Up for the North.

Pour plus d’information, consultez les ressources suivantes :

Le rapport moral sur le forum Boom, Bust and Beyond:Women’s Perspectives on the Mountain Pine Beetle,www.bcrrhrn.ca/documents/reports/WMPB.pdf

Le British Columbia First Nations Mountain Pine BeetleAction Plan,www.ubcic.bc.ca/files/PDF/FN_MPBActionPlan270905.pdf

Les liens traitant du scolyte, www.barkbeetlelinks.ca/

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Des chercheuses et chercheurs, des décisionnaireset des membres du public réfléchiront auxprogrès et aux apprentissages accomplis jusqu’icien matière de recherche et de politiques sur lasanté des femmes. Ils partageront leursconnaissances, leurs idées et leurs points de vuesur les orientations futures en ce domaine. Lesprésentations et les discussions mettront unaccent particulier sur les travaux effectués enmatière de santé des femmes autochtones, aussibien au Canada qu’ailleurs dans le monde.

Pour obtenir des renseignements ou s’inscrire :www.acewh.dal.ca

On peut aussi téléphoner ou écrire au bureaudu CEASF :Tél. : (902) 494-7850Sans frais : 1 888 [email protected]

Organisé par le Centre d’excellence de l’Atlantiquepour la santé des femmes, avec l’appui du Bureau pourla santé des femmes et l’analyse comparative entre lessexes, de Santé Canada.

DE LA PROSPÉRITÉ Le Centre d’excellence de l’Atlantiquepour la santé des femmes (CEASF)vous invite à participer à un congrèsinternational sur la santé des femmes.

LOOKING BACK, THINKING AHEAD:Using Research to Improve Policy andPractice in Women’s Health

[Méditer sur le passé, réfléchir à l’avenir :la recherche comme moyen d’améliorerl’élaboration de politiques et l’action en santé des femmes]

The Westin Nova Scotian

Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada

15-18 mars 2009

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 29

vant les premiers contacts avec lesEuropéens, nombre de sociétés autochtonesétaient matrifocales et structurées autour de la

famille, la communauté et la continuité des traditions, de laculture et de la langue. Les femmes autochtones jouaient unrôle essentiel en tant qu’enseignantes, guérisseuses et porteusesde vie. Dans ces sociétés, les rôles des hommes et des femmesétaient différents, mais ils étaient tous considérés d’importanceégale. Le besoin de rétablir la valeur des rôles sexospécifiquesautochtones a suscité la conception de l’analyse comparativeentre les sexes (pertinente sur le plan culturel), ou l’ACSPPC.

À l’époque de la colonisation, l’identité sexospécifiqueautochtone a été systématiquement dénigrée, ainsi quel’équilibre délicat qui existait entre les sexes, y compris lespersonnes habitées des Deux-Esprits. Les structures familialeset sociétales se sont effondrées et les rôles traditionnelsattribués aux deux sexes ont été réduits à néant. Des loiscoloniales et des politiques génocidaires ont été mises en placeet ciblaient les femmes dans leur rôle de pilier familial. Lesfemmes autochtones étaient liées à la terre et les colonisateursvoulaient acquérir des territoires. Ils ont donc pris les femmespour cibles. À coup de lois, de règlements, de politiques et dedécrets religieux, ils ont instillé en elles une image dégradanteet déprimante, les reléguant à une position subalterne dans lasociété. Aujourd’hui, leurs descendantes éprouvent desproblèmes de santé, une conséquence de ce lourd passé.

L’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC)a adopté un cadre de travail axé sur l’analyse comparativeentre les sexes (pertinente sur le plan culturel) (ACSPPC), unoutil d’apprentissage pouvant être utilisé par quiconque œuvreà l’élaboration de politiques, programmes et projets. Cetteapproche vise l’acquisition d’une perspective plus large,l’approfondissement des connaissances sur la colonisation etses effets, et l’amélioration de la santé et le bien-être desfemmes autochtones. Notamment, plus de 40 % de cettepopulation vit dans la pauvreté, et les femmes autochtonessont trois fois plus à risque de subir de la violence,comparativement aux femmes non autochtones.

Le cadre a pour but de faciliter la mise en œuvre de ces

connaissances dans un contexte moderne. Le recours àl’ACSPPC peut potentiellement amener les politiques, lesprogrammes et les lois sur une voie qui générera des résultatsplus équitables sur le plan de la santé.

L’ACSPPC est un cadre « vivant » qui se transforme au coursdu temps. Certains de ses éléments ont été tirés du travail del’AFAC et d’autres instances en matière d’analyse comparativeentre les sexes. Par exemple, le Bureau pour la santé des femmeset l’analyse comparative entre les sexes, de Santé Canada, aparticipé à l’élaboration du processus et a fournit à l’AFAC desdonnées contextuelles et un appui dans le processus d’élaborationdu cadre. Une série de consultations régionales sur l’ACSPPC estprévue et aura pour effet d’en approfondir la pertinence etpousser sa mise en œuvre à l’échelle régionale. L’objectif est defaire en sorte qu’elle soit adoptée dans tous les milieux etfacilement intégrée dans les processus d’élaboration de politiqueset programmes existants. Selon l’AFAC, ce cadre de travail fournitdes fondements qui peuvent être appliqués dans tous les typesd’études et de programmes au sein de l’organisation, ancrant tousses efforts au chapitre de la recherche et des politiques.

L’ACSPPC est devenu un outil de travail essentiel pour lesorganisations autochtones nationales (OAN) du Canada, etnombre de groupes créent leur propre cadre de travail selonleurs besoins. Plusieurs de ces cadres ont été présentés auSommet national des femmes autochtones, à Yellowknife, dansles Territoires-du-Nord-Ouest, en juillet 2008. Des femmes detout le Canada ont pu prendre connaissance du travailnovateur qui a été accompli avant de se réunir pour élaborerdes plans d’action à l’intention du gouvernement fédéral.

La présidente de l’AFAC, Beverly Jacobs, a mis en évidenceun principe de base de l’ACSPPC au cours du discours qu’elle alivré au Parlement, le 11 juin 2008, après la Présentation desexcuses aux anciens élèves des pensionnats indiens. Mme Jacobsfondait ses propos sur l’ACSPPC lorsqu’elle a souligné le legs deracisme et de discrimination dont nous avons hérité et sesconséquences sur le rôle actuel des femmes autochtones dans lasociété. Nous ne voulons pas uniquement nous asseoir à la table.« Nous voulons être respectées. » Les politiques, les programmeset la réforme des lois doivent refléter nos interventions.

L’ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LES SEXES(PERTINENTE SUR LE PLAN CULTUREL) :un outil pour la promotion de l’équité

P A R E R I N W O L S K I

A

L’Association des femmes autochtones du Canada

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Une grille d’ACSPPCLa grille d’ACSPPC est utilisée pour mesurer la mise enœuvre de l’ACSPPC pendant toute la durée de vie d’unepolitique ou d’un programme. Elle peut être appliquée àtoutes les étapes et doit être régulièrement revisitée pour enévaluer la conformité.

À titre d’exemple, le Fonds de transition pour la santé desAutochtones (FTSA), de Santé Canada, est un projetquinquennal de 200 millions de dollars visant à permettre auxgouvernements et aux communautés de concevoir denouvelles façons d’adapter et d’intégrer les services de santéexistants, afin de mieux répondre aux besoins des Premièresnations, y compris les individus vivant hors des réserves et enmilieu urbain. Plusieurs projets locaux et régionaux ont étémis sur pied avec l’objectif d’assurer une plus grandeparticipation des Premières nations pour ce qui est de leurconception, de leur mise en œuvre et de leur évaluation. Larecherche indique que ce type d’approche collaborative etparticipative augmentera le taux de réussite des programmesdans leur ensemble.

À la phase de l’élaboration ou de la planification du projet,la mise en pratique de l’ACSPPC exige que la personne quil’applique considère certains aspects des nouvellesconnaissances acquises au sujet des femmes autochtones.Formée à l’ACSPPC, elle peut mieux comprendre lesobstacles précis qui entravent la participation des femmesautochtones et utiliser les données pour aborder cesproblématiques. Le FTSA a pour mandat de répondre à tousles besoins uniques des Peuples autochtones. La création deprojets nécessite la présence des femmes autochtones à latable où se prennent les décisions, au même titre que leshommes autochtones, et ce de l’étape d’élaboration à l’étapede mise en œuvre et d’évaluation. En d’autres termes, si ellesne participent pas, la personne qui applique l’ACSPPC doitcerner les raisons qui les empêchent de participer. Si lesefforts pour augmenter la participation des femmes neportaient pas fruits, la personne doit alors examiner etcorriger les méthodes d’engagement.

Près de la moitié des femmes autochtones vivent dans unepauvreté affreuse. Notons que 71 % des famillesmonoparentales autochtones vivent à l’extérieur des réserves etplus de 80 % de ces familles sont dirigées par des femmes. Lesfemmes désireuses de participer ont peut-être besoin d’uneallocation pour payer leur billet d’autobus (ou autre moyen detransport), un repas, le congé qu’elles doivent prendre autravail, et peut-être les frais de garderie. En apparence, leursbesoins sont semblables à ceux des femmes non autochtonesqui vivent dans des circonstances semblables. Toutefois, ilimporte de comprendre que les besoins des femmes

autochtones sont uniques. Comme l’explique PatriciaMontour-Angus, auteure :

Mes premières expériences dans le monde n’ont pas étéuniquement façonnées par le fait d’être une fille. En fait, maculture (et/ou race) précède mon sexe. En fait, si je suis l’objetd’une forme de discrimination, j’ai énormément de difficultéà faire la distinction entre ce qui m’arrive à cause de monsexe et ce qui m’arrive à cause de ma race et de ma culture.

Le Fonds de transition pour la santé des Autochtones illustrebien comment l’ACSPPC peut être utilisée pour soutenir desprojets qui s’attaquent aux écarts en matière de santé autochtone.Tout comme les femmes non autochtones, les femmes desPremières nations et leur progéniture sont plus nombreuses àutiliser les services de santé. Elles sont donc les meilleurespersonnes à consulter avant d’effectuer des changements. Parailleurs, contrairement à leurs sœurs non autochtones, lesfemmes autochtones affichent des résultats très disproportionnésen matière de santé (Statistique Canada 2001, 2006) :

� Les femmes autochtones comptent pour 29 % despersonnes incarcérées dans les prisons canadiennes, alorsqu’elles comptent pour 3 % de la population canadienne.De plus, les taux de maladies mentales, de sévices auto-infligés et de suicides sont plus élevés chez cette population,comparativement aux hommes.

� Comparativement aux femmes non autochtones, les femmesautochtones sont trois fois plus à risque de subir de la violence,y compris des actes de violence graves qui constituent undanger de mort, ainsi que de la violence psychologique auxmains d’un époux ou d’un partenaire de fait.

� Chez les adolescentes autochtones de plein droit, le taux desuicide est huit fois plus élevé que celui recensé chez lesautres jeunes Canadiens.

� Le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les femmesautochtones, comparativement aux femmes nonautochtones.

� 21 % des femmes autochtones victimes de violenceconjugale souffrent de dépression, provoquée par destraitements dénigrants.

� Les femmes autochtones sont près de trois fois plus à risquede contracter le sida, comparativement aux femmes nonautochtones (23,1 % contre 8,2 %).

� Les femmes autochtones de 45 ans commencent à éprouverdes problèmes de santé chroniques, comme l’arthrite et lerhumatisme, l’asthme, l’hypertension, les maladies gastro-intestinales et les maladies cardiaques.

� Sept pour cent (7 %) des femmes autochtones âgées de plus

30 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

L’ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LES SEXES

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 31

de 15 ans ont reçu un diagnostic dediabète, comparativement à trois pour cent(3 %) chez les autres Canadiennes dans lamême catégorie d’âges. Le taux de diabèteaugmente avec l’âge. En effet, vingt-quatrepour cent (24 %) des femmes autochtonesâgées de plus de 65 ans souffrent de cettemaladie, comparativement aux autres aînéescanadiennes, dont le taux s’élève à onzepour cent (11 %).

Si les gestionnaires du réseau de santédécident d’introduire des changements pourcorriger les iniquités qui font obstacles à lasanté et au bien-être des femmes autochtones,ils devront veiller à ce que l’ACSPPC soitappliquée pour atteindre cet objectif. �

Erin Wolski est membre de la Première nationcree de Chapleau. Elle est née et a grandi sur leterritoire du traité 9, dans le nord de l’Ontario.Erin est présentement directrice du volet santé àl’Association des femmes autochtones du Canada.

L’Association des femmes autochtones du Canadacompte parmi les organismes autochtonesnationaux (OAN) et constitue la seuleorganisation pancanadienne à défendre les intérêtsdes femmes des Premières nations. L’AFAC estreconnue pour le travail de sensibilisation qu’elleaccomplit partout au pays concernant la violencefaite aux femmes autochtones. Elle se penche surles causes profondes à l’origine du terme « violencesexualisée et racialisée ».

Pour plus d’information, visitez les sites suivants :Association des femmes autochtones du Canadawww.nwac.org/fr/index.html

Culturally Relevant Gender-based Analysis:An Issue Paper, publié par l’AFAC www.nwac-hq.org/en/documents/nwac.crgba.june1707.pdf

Fonds de transition pour la santé desAutochtones www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/services/acces/index-fra.php

a majorité des diplômés universitaires en environnementsont des femmes, et ce depuis des années. Pourtant, latendance s’inverse si on considère le sexe des personnesqui occupent des postes décisionnels dans le domaine!

Le Réseau québécois des femmes en environnement (RQFE), bien au fait decette situation, s’est interrogé et a décidé d’agir afin de favoriser l’accès desfemmes aux postes décisionnels. Depuis sa création en 1999, le RQFE s’estefforcé de faire entendre la voix des femmes de toutes origines et de leur offrirun soutien au cours de leur carrière. Avec le projet Les femmes investissent lespostes décisionnels en environnement mené en 2004 et par la suite le projetL’environnement se décide aussi au féminin en cours depuis 2005, le RQFE arencontré des femmes en postes décisionnels et tenté de cerner les levierspouvant soutenir les femmes qui souhaitent accéder à ces postes.

Plusieurs des femmes interviewées ont dit avoir besoin de certains outilspour les assister dans leur progression. « J’aimerais bénéficier des conseilsd’une femme qui a de l’expérience », rapporte une des participantes. « Jevoudrais améliorer mon leadership et acquérir de nouvelles connaissances »,affirme une autre.

Parfois, leur formation professionnelle ne suffit pas. Ce n’est pas toujoursfacile de construire un argumentaire solide, de prendre la parole, d’élaborerdes stratégies d’action ou d’établir un réseau de contacts, sans parler de laconciliation travail/famille! Le RQFE a créé un comité consultatif afin deproposer des solutions concrètes aux femmes qui souhaitent accéder à despostes décisionnels.

La création d’outilsDes formations à la carte ont été offertes, notamment sur la prise de paroleen public, l’animation de réunions efficaces, le réseautage et les différentstypes de leadership. Certaines participantes ont choisi de suivre toutes lesformations. Un programme de mentorat a aussi été mis sur pied, avec pourobjectif de briser l’isolement professionnel en jumelant des femmes dotéesd’une solide expérience en postes décisionnels à d’autres qui sont en débutou à un tournant de carrière. Des rencontres ont été organisées en grandgroupe et des dyades mentore-mentorée ont été créées. Dans le cadre de cesdernières, les équipes étaient invitées à se rencontrer ou à échanger parcourriel ou téléphone aussi souvent que nécessaire.

Quelques-unes des participantes ont accédé à des postes décisionnelspendant la durée du programme de mentorat, atteignant ainsi leur but.L’une d’elles, timide et réservée, a même accédé à la présidence d’un conseild’administration. Le programme semble avoir permis aux participantesd’acquérir une confiance en soi.

P A R C A R O L I N E V O Y E R

Du Réseau québécois des femmes en environnement

L’ENVIRONNEMENTSE DÉCIDE AUSSI AU FÉMININ !

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32 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

Quelques pistes de solutionsLe RQFE poursuit plusieurs pistes,notamment la sensibilisation desentreprises et des organismes du milieuenvironnemental, l’importance de lareprésentativité dans les instancesdécisionnelles, la valorisation les femmesen poste décisionnel et la créationd’occasions de réseautage et d’échanges.Des activités de réseautage sont doncrégulièrement organisées et notre bulletinmensuel souligne les réalisationsimportantes des femmes œuvrant dans lemilieu. Toutefois, il reste encore beaucoupde travail à faire!

Compte tenu des résultats des différentesactivités organisées par le RQFE dans lecadre de ses projets et de l’analyse desbesoins exprimés par les participantes et desfemmes en postes décisionnels, nousconstatons que nous devons travailler surplusieurs fronts. Il nous faut élaborer denouvelles stratégies afin de permettre auxfemmes d’accéder à des postes décisionnels,de faire entendre leurs voix et de leurdonner les outils qui leur permettront deprendre des décisions. Cette démarchecontribuera à l’intégration de la question del’environnement, de l’équité et dudéveloppement dynamique et créatif,assurant ainsi un avenir durable. �

Caroline Voyer est la directrice générale duRéseau québécois des femmes enenvironnement.

Pour plus d’information, visitez :Le site Web du Réseau québécois desfemmes en environnement www.rqfe.org

Vous y trouverez quatre dossiers spéciauxconsacrés au projet Les femmesinvestissent les postes décisionnels enenvironnement. Entrevues avec desfemmes d’influence, données statistiquessur la place qu’occupent les femmes enenvironnement, pistes d’actions pour leurpermettre d’accéder à des postesdécisionnels dans ce domaine, et plus.

LA PLACE D’UNE FEMMEEST À LA TABLEOÙ SE DÉCIDENTLES POLITIQUES

es gouvernements de la Colombie-Britannique et del’Ontario ont annoncé la mise en place d’Assemblées descitoyens dans le but d’explorer les questions de laréforme électorale et de la restructuration

démocratique, ajoutant ainsi un nouveau mécanisme de décision auprocessus politique. Grâce à cet outil, le nombre de Canadiennesqui s’assoiront aux tables décisionnelles pourrait augmenter, cequi transformerait du même coup la dynamique politique.

Des dizaines de milliers de citoyens et de citoyennes de toutes les régions deces deux provinces ont reçu un avis leur annonçant qu’ils avaient étéaléatoirement choisis à partir de la liste électorale et qu’ils étaient invités àdonner leur nom pour participer à une loterie et peut-être devenir membres desAssemblées des citoyens. Des rencontres de sélection ont été tenues dans toutesles régions des deux provinces et 250 membres admissibles ont été aléatoirementnommés pour participer aux assemblées. Les candidates et les candidats choisisont passé de nombreux mois (18 en Colombie-Britannique et neuf en Ontario)à s’informer, délibérer et finalement élaborer des recommandations collectivessur la réforme électorale, lesquelles ont été soumises à des référendums. Bien quele public ait rejeté les recommandations émises par l’Assemblée des citoyens quiproposaient une réforme du système politique, un remarquable cheminements’est produit dans les salles d’assemblées.

Contrairement à leurs homologues législatifs, ces assemblées regroupaient

L’ENVIRONNEMENT

LB Y C H I N G U Y E N

… ou comment les assemblées de citoyens et decitoyennes favorisent la participation aux décisions

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Christine Krause (à gauche) et Karen Carswell(à droite) prennent la parole à la table de laCitizen’s Regional Health Assembly[Assemblée régionale des citoyensen matière de santé]

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une diversité de citoyens et de citoyennes, qui devaient agircomme représentants politiques de leur communauté. Lesmembres ont été nommés au moyen d’un processus desélection aléatoire, lequel réservait aux femmes et aux hommesun nombre égale de sièges à l’Assemblée des citoyens. Ceprotocole assurait donc la représentativité des deux sexes à cettetribune décisionnelle et une dynamique politique différentes’est établie dès les premières étapes. Il ne s’agissait pas d’unaffrontement entre factions partisanes et adversaires mais plutôtd’un travail destiné à éclairer le public sur certains enjeux touten établissant un processus décisionnel consensuel.

La mise en place des Assemblées de citoyens a été réaliséeen quatre phases distinctes. D’abord, des candidates et descandidats ont été choisis de façon aléatoire par le truchementd’une loterie citoyenne. Ensuite, les membres choisis ontparticipé à une formation offerte par divers experts, quivéhiculaient différents points de vue. Puis, tant en Colombie-Britannique qu’en Ontario, les citoyens et les citoyennes onttenue des rencontres communautaires pour recueillir lescommentaires et les réflexions de leurs concitoyens etconcitoyennes. Pour terminer, les membres se sont regroupéspour délibérer, établir un consensus et émettre desrecommandations à l’intention des décideurs.

À une époque où un taux de 54 % fait figure de majoritémassive, ce mécanisme permet d’aller beaucoup plus loin pourassurer une prise de décision collective. Dans le cadre duprocessus ontarien, 92 % des membres de l’Assembléeappuyaient les recommandations émises. En Colombie-Britannique, ce chiffre s’élevait à 80 %.

C’est un autre monde, très différent de celui des assembléespubliques locales, des réunions communautaires ou dessondages publics. Alors que les approches de participationtraditionnelles visent à recueillir des bribes d’opinionspubliques sur des questions ou des enjeux précis, l’Assembléeoffre aux citoyens et citoyennes la possibilité de s’asseoir à latable où se prennent les décisions. Les membres présents sontconsidérés comme des représentants et des représentantes oufiduciaires agissant au nom de leur communauté. Dans lesmots de Daniel Yankelovich, chercheur émérite dans ledomaine de l’opinion publique, le processus de l’assembléepermet au public d’acquérir « un meilleur jugement ».

Dans un effort pour multiplier le recours à un tel processus,un groupe de Toronto a mis sur pied une petite initiative dunom de MASS LBP. Le groupe conçoit des processus axés surl’approche adoptée par les Assemblées des citoyens, pour lagestion d’un éventail de questions d’intérêt publique. MASS arécemment collaboré avec le South East Local HealthIntegration Network (LHIN), l’une des 14 autorités sanitairesrégionales de l’Ontario. En créant les LHIN, le gouvernementvisait notamment à offrir aux citoyens et citoyennes lapossibilité de participer davantage à la planification des soinsde santé dans leur communauté.

Un projet pilote axé sur ce processus a été mis sur pied sous lenom de la Citizens’ Regional Health Assembly, et 3 000invitations ont été expédiées à des résidants et résidantes de toutela région. L’initiative pilotée par des citoyens et des citoyennesvisait deux objectifs : articuler un énoncé de vision convaincantqui offrirait un encadrement pour les étapes de conception et deprestation des services sociaux sur le territoire; et démontrer lapertinence d’une démarche axée sur la collaboration avec lescitoyens et les citoyennes, notamment mettre en lumière seseffets positifs quant à l’acquisition de compétences menant à desdécisions éclairées. Tous les résidants et les résidantes ont étéinvités à communiquer leur nom pour une autre loterie, et les 54personnes choisies se sont jointes à la Citizens’ Regional HealthAssembly. Pendant une fin de semaine, les membres del’assemblée ont travaillé à l’élaboration d’un énoncé de vision,adopté ensuite par le conseil d’administration du LHIN. Unenouvelle assemblée sera convoquée au printemps 2009, etpendant trois mois, les citoyens et les citoyennes nourriront lecontenu du plan stratégique triennal en matière de soins qui seramis en place dans la région.

Contrairement aux anciennes institutions législatives quin’accueillaient que les hommes blancs et nantis, le modèle desassemblées permet à un tout nouveau type de candidats des’initier aux rouages politiques. En sélectionnant des citoyenset des citoyennes de façon aléatoire tout en tenant compte defacteurs tels le sexe, l’appartenance ethnique, l’âge, la scolaritéet le lieu de résidence (urbain / rural), nous créons unenouvelle manière de façonner les politiques. L’assemblée aimmédiatement attribué un nombre de sièges égales auxfemmes et aux hommes, surpassant ainsi notre rêve d’atteindreune masse critique féminine de 30 %. Nous nous retrouvonsd’un seul coup avec un groupe de représentantes et dereprésentants citoyens qui ressemblent beaucoup plus à lapopulation de leur région que l’assemblée élue.

Tant en C.-B. qu’en Ontario, les membres de l’assembléetouchaient une rétribution pour leur participation à chaquesession. Cette rémunération se voulait une compensation et unereconnaissance envers tous les membres pour leur contributionet leur participation au processus. Elle assurait aussi la présencede membres qui disposaient d’un revenu plus modeste.

Peu de gens au Canada s’opposeraient à l’intégration d’unplus grand nombre de femmes à la vie publique. Par ailleurs,nos partis politiques n’ont vraiment pas réussi à modifierl’infrastructure et la culture politique pour intégrer plus defemmes. Ce processus de loterie citoyenne permettrait doncaux femmes et à d’autres groupes sous-représentés de s’asseoiraux tables où se prennent les décisions.

La santé, les changements climatiques, la pauvreté, lesgarderies, voilà autant de questions d’intérêt publique qu’ilfaut gérer, et de nouvelles portes s’ouvrent pour assurer laparticipation de tous les Canadiens et Canadiennes à la prisede décisions. À titre de féministe et en tant que passionnée de

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politique qui, plus jeune, passait tout son temps dansles couloirs du Parlement, d’abord en tant questagiaire, puis comme membre du personnelparlementaire, je considère cette innovation tout àfait excitante, sans compter la façon dont nouspouvons l’utiliser pour nous attaquer à d’innombrablesenjeux politiques, tout en assurant aux femmes uneréelle tribune pour exprimer leurs opinions. �

Chi Nguyen est directrice du volet Participation andProcess à MASS LB et membre du conseil d’administrationdu Réseau canadien pour la santé des femmes.

Pour plus d’information, visitez les sites Web :

MASS LBP www.masslbp.com

Assemblée régionale des citoyens de la South EastLocal Health Integration Networkwww.southeastlhin.on.ca/Page.aspx?id=1240

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LE POUVOIRd’améliorerla santé

des femmes

ous savons que les hommes et les femmesont des besoins différents en matière desanté et qu’ils ne vivent pas les mêmesobstacles quant à l’accès aux soins.

Lorsqu’ils peuvent y accéder, les deux sexes sont traités différemment.Par exemple, les femmes atteintes de maladies cardiovasculairespeuvent vivre des temps d’attente plus importants avant d’obtenir dessoins adéquats et elles sont moins nombreuses à recevoir destraitements indiqués, comparativement aux hommes. De plus, lescontextes dans lesquels les femmes vivent et qui influent sur leur étatde santé sont différents de ceux que vivent les hommes. On recensechez elles des taux de pauvreté supérieurs et elles portent plus deresponsabilités pour ce qui est de donner des soins aux proches.L’élimination des iniquités en matière de santé et l’amélioration de lasanté de la population et de la prestation des soins ne peuvent se fairesans s’attaquer aux problématiques découlant des rapports sociauxentre les sexes.

Le projet d’étude POWER mené en Ontario élabore présentement unoutil fondé sur des données probantes. Cette initiative a pour objectifd’aider les décideurs, les pourvoyeurs de soins et les consommateurs àaméliorer la santé de la population et de réduire les iniquités chez lesOntariennes et les Ontariens en matière de santé. En mesurant cesiniquités, nous pouvons guider les efforts qui ont pour but d’améliorer lasanté de toutes les femmes. De plus, en surveillant l’occurrence d’iniquitésdans le domaine de la santé et des soins qui peuvent survenir au cours dutemps, nous pouvons repérer les progrès et l’absence de progrès.

Plus de 60 chercheurs rassemblés dans une équipe multidisciplinairecollaborent à ce projet, dont la durée s’échelonne sur plusieurs années. Il

Dix bonnes raisons d’êtrepréoccupées par la campagnede vaccination contre le VPH

La Fédération du Québec pour le planningdes naissances (FQPN) présente le documentDix bonnes raisons d’être préoccupées par lacampagne de vaccination contre le VPH.

Dans ce document, la FQPN résume sesprincipales réserves face à la campagne devaccination au Québec et présente une sériede références utiles pour offrir un autre sonde cloche sur le sujet.

Téléchargez le documentdiffusé sur le site Web de la FQPN :www.fqpn.qc.ca

LA PLACE D’UNE FEMME

P A R J E A N K A M M E R M A Y E R E T A R L E N E B I E R M A N

Du projet d’étude Ontario Women’s Health Evidence-Based Report (POWER) [Rapport sur la santé desOntariennes et fondé sur des données probantes]

NMAINTENANT DISPONIBLE!

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LE RÉSEAU AUTOMNE/HIVER 2008/09 35

s’agit d’un partenariat entre l’hôpital St. Michael’s et l’Institutefor Clinical Evaluative Sciences (ICES), deux instancesdomiciliées à Toronto, en Ontario. Le ministère de la Santé etdes Soins de longue durée de l’Ontario ainsi qu’Echo, unenouvelle agence provinciale œuvrant pour la santé des femmes,financent le projet.

L’étude examine les différences entre les hommes et lesfemmes ainsi que les différences entre les femmes en se penchantsur l’âge, le revenu, la scolarité, l’origine ethnique et le lieu derésidence. Lorsque cela s’avère possible, les données sontanalysées à l’échelle des Local Health Integration Networks(LHIN), des instances récemment mises sur pied en Ontario etresponsables de la planification, la coordination et lefinancement de la prestation des soins dans leur communautérespective. Pour ce qui est des collectivités où il n’existe aucunedonnée pour alimenter une analyse à l’échelle locale, les constatssont signalés aux autorités provinciales.

Un panel d’experts techniques a choisi les indicateurs desanté utilisés dans le cadre de l’étude, avec la rétroaction d’unlarge éventail d’interlocuteurs clés issus du milieucommunautaire, y compris des groupes d’action pour la santédes femmes. Pour évaluer les indicateurs, les chercheursanalysent des données tirées des bases de donnéesadministratives en santé (p. ex. les hospitalisations), dessondages exécutés par Statistique Canada et d’autres organismes,des statistiques de vie et des registres de maladies. Lesindicateurs reflètent les causes de maladies, d’incapacités et dedécès les plus fréquentes chez les femmes et peuvent par la suiteêtre utilisés pour améliorer la santé de cette population. Parexemple, la connaissance des taux de dépistage du cancer du colutérin chez divers groupes de femmes peut inciter lesprofessionnels de la santé à multiplier les efforts de dépistageauprès des groupes qui ont moins accès à ce type de service.

Les résultats de l’étude POWER seront publiés en deuxvolumes. Le premier volume contiendra des chapitres sur lesthèmes suivants : les effets de la maladie (sur la santé et le bien-être général, la prévalence de maladies chroniques, les facteurs derisques pouvant causer des maladies chroniques et la mortalité);l’accès aux soins de santé (soins primaires, soins spécialisés et soinsà domicile; taux d’hospitalisation pour le diabète, l’asthme etl’insuffisance cardiaque); la dépression (évaluation de la réponsedu réseau de santé ontarien aux femmes et aux hommes souffrantde dépression); le cancer (seins, système reproductif, poumons,colon et rectum; incidences de cancer; taux de survie; soins en finde vie) et les maladies cardiovasculaires (cardiopathie ischémique,insuffisance cardiaque et accidents vasculaires cérébraux; tempsd’attente pour les soins cardiovasculaires). Ces chapitres serontséquentiellement publiés en ligne dès le début 2009.

Le deuxième volume comportera des chapitres sur les

maladies musculo-squelettiques, le diabète, l’infection au VIH etla santé gynécologique et génésique des femmes, ainsi que deschapitres sur les déterminants sociaux de la santé et les femmes àfaible revenu, les femmes immigrantes et les aînées. Les donnéesdestinées à ces chapitres sont présentement analysées et lapublication des résultats est prévue à l’automne 2009. Le publicpourra alors télécharger chaque chapitre à partir du site Web del’étude POWER (www.powerstudy.ca).

Les résultats d’étude seront également disponibles par le biaisde l’outil de l’ICES (www.ices.on.ca), qui présente des donnéessur la santé dans un format interactif et accessible sur Internet.Ce site contiendra de l’information démographiqueadditionnelle qui ne figure pas dans les rapports de POWER.Les décideurs et planificateurs, le personnel de la santé publique,les pourvoyeurs de services, les défenseurs des droits en santé, lepublic et les chercheurs pourront alors examiner les données eteffectuer des comparaisons entre sous-groupes et régions, selonleurs besoins particuliers.

Dès sa création, divers interlocuteurs, tels des organismescommunautaires, des défenseurs des droits en santé, despourvoyeurs de soins, des consommateurs et des décideurs, ontparticipé activement au façonnement du rapport. Ils ont fournides perspectives qui ont permis de cerner les priorités et lesindicateurs ainsi que de précieuses suggestions concernantl’approche à adopter pour faire de ce rapport un outil des plusutiles. Les commentaires de la communauté ont également été trèsutiles à la création d’un cadre de travail axé sur les rapports sociauxentre les sexes et sur l’équité, en lien avec l’étude POWER. Cecadre reconnaît l’existence de déterminants de la santé nonmédicaux, comme le milieu de vie et les conditions de travail.

L’objectif est de faire en sorte que les résultats deviennent uncatalyseur d’action. L’étude POWER dresse un portrait desiniquités sexospécifiques, socioéconomiques et ethniques dans ledomaine de la santé en Ontario. Dans le cadre de ce processus, ellecerne les nombreuses possibilités d’amélioration. Elle offre desdonnées probantes objectives pour l’établissement de priorités etfournit un point repère qui permet de mesurer les progrès etd’évaluer l’efficacité des interventions visant l’équité sexospécifiqueet socioéconomique en santé. �

Pour plus d’information et pour télécharger les chapitres au fil deleur publication, visitez le site Web de l’étude POWER auwww.powerstudy.ca.

Jean Kammermayer, B.Sc.Inf., M.P.A., analyste d’expérience enmatière de politiques, est directrice du transfert des connaissancespour l’étude POWER. Arlene S. Bierman, M.D., M.S., F.R.C.P.C.,interniste générale, gériatre et chercheuse dans le domaine des servicesde santé, est directrice des recherches pour cette même étude.

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36 AUTOMNE/HIVER 2008/09 LE RÉSEAU CANADIEN POUR LA SANTÉ DES FEMMES

Constatant qu’il y avait très peu de services offerts aux jeunesparents, elle a décidé que le temps était venu de créer desressources. Elle a donc mis sur pied une garderie et une halte-accueil. Puis, peu à peu, elle a créé d’autres ressourcessemblables partout dans la région. Quelques années aprèsavoir amorcé ce travail, elle a fait la connaissance de JaneWilson, de Langruth, au Manitoba, à une conférence sur lesgarderies. Les deux femmes ont formé une équipe dynamiqueet travaillent ensemble depuis. Elles favorisent la création deliens entre les gens et œuvrent à bâtir des collectivités ruraleset isolées plus saines.

Des « réunions de cuisine » aux présentations sur la Collineparlementaire, Carol et Jane promeuvent sans relâche unestratégie nationale en matière de garderie qui intègre une gammede services harmonisés, notamment des centres communautairesinclusifs et sans but lucratif, des soins à domicile et d’autresressources qui répondent aux besoins des parents vivant dans descollectivités rurales, isolées, nordiques et autochtones.

« Au début, nous étions toutes deux à la recherche deservices et nous étions loin d’être des leaders », affirme Jane.Aujourd’hui, ces deux femmes se consacrent entre autres à cequ’elles appellent la « planification d’un futur leadership. » En2002, elles ont fondé ensemble le projet Les voix rurales ensoutien à l’éducation et aux soins aux jeunes enfants.Aujourd’hui, elles sont coformatrices au programme SABC,qui dessert les femmes et les enfants des collectivités rurales,isolées, nordiques et autochtones. Parrainé par le Réseaucanadien pour la santé des femmes (RCSF) en partenariatavec Les voix rurales, ce projet, leur plus récent, a pourobjectif d’aider les résidantes et les résidants de cescollectivités, d’un bout à l’autre du Canada, à participerdavantage à l’élaboration et à la prestation de services locaux.Le travail reçoit un soutien financier du Programme departenariats, de RHDSC.

« J’ai commencé en tant que jeune mère qui cherchait des

services », raconte Carol. « Aujourd’hui, j’ai l’honneur depouvoir partager le processus SABC avec d’autres mères demodestes communautés, partout au pays. Nous aidons lescommunautés rurales, isolées, nordiques et autochtones àdévelopper leur autonomie et à aller de l’avant, alors que desdécideurs pourraient penser que nos collectivités sont troppetites ou trop éloignées pour faire l’objet de préoccupations. »

Le Réseau canadien pour la santé des femmes (RCSF) etLes voix rurales travaillent depuis plusieurs années avec desjeunes mères de tout le pays à mettre en œuvre le projetSABC pour améliorer la vie des femmes et de leurs enfants.L’initiative consiste à former deux groupes de mères dans lescollectivités rurales, isolées, nordiques et autochtones, avecl’aide du « processus SABC » en 10 étapes, dans le but destimuler leur participation à l’élaboration et la prestation deservices aux familles et aux enfants dans leur communauté. Leprojet met l’accent sur le développement des jeunes enfants.« Les mamans portent le désir profond d’améliorer lesconditions de vie de leurs enfants, affirme Jane. La mise enplace d’une garderie en région rurale constitue un enjeu trèsimportant pour les femmes de ces collectivités. »

Le processus SABC a été façonné à partir d’un modèle deprestation de services de type « plaque tournante intégrée »,mis en place dans les régions rurales du sud de l’Ontario audébut des années 1990. Ce modèle a été conçu avecl’intention de créer des liens entre sept petits villages (ycompris Feversham) et leurs régions rurales et offrir auxfamilles, aux enfants et aux adolescents de ce territoire unaccès aux services ou de le faciliter.

Quelques années plus tard, le modèle a été appliqué dans larégion de Langruth, dans le centre du Manitoba, et il acontinué à se répandre dans d’autres régions.

Le Réseau canadien pour la santé des femmes est témoin desbienfaits issus du processus SABC, lequel reconnaît les capacitésde la collectivité à améliorer la santé des femmes. « Grâce à

DES LEADERS ET NON DES BÉNÉFICIAIRESLe projet SABC autonomise les femmes des communautés rurales et isolées Du réseau Les voix rurales

l y a plus de 20 ans, Carol Gott, mère de trois jeunes enfants, a fait une recherche danssa collectivité rurale de Feversham, en Ontario, pour trouver des services de garderieet de soutien communautaire.I

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notre nouveau partenariat avec Les voixrurales, nous avons pu joindre un plus grandnombre de femmes dans des régions quiétaient souvent difficilement accessibles »,témoigne Susan White, directrice exécutiveadjointe du RCSF. « Ce processus leur donnele pouvoir nécessaire pour créer ce que lacollectivité désire et ce dont elle a besoin,selon le point de vue des utilisatrices et desutilisateurs de services. Tous les efforts pouraméliorer les services à la collectivité devraientêtre fondés sur une telle approche. »

La première formation a eu lieu dejanvier à mai 2008. Des 14 parents qui yont pris part, huit participent maintenant àdes initiatives communautaires locales.SABC a également organisé une conférencenationale à Winnipeg, en février 2008, qui aété un véritable succès. Le deuxième groupede femmes a commencé la formation enseptembre 2008 et organise actuellement desréunions de cuisine dans les collectivitéspour recruter plus de parents dans le projet.D’ici janvier 2009, 22 femmes auront étéformées dans le cadre de cette initiative etpourront assumer des rôles de leadership ausein de leur communauté.

À l’origine, SABC a été conçu pour offrirdes services principalement aux enfants etaux familles. Toutefois, il s’agit d’unprocessus générique qui peut être utilisépour répondre à tous les besoins d’unecommunauté en matière de services. En plusde gérer le projet qui s’adresse aux femmeset aux enfants, le réseau Les voix ruralestravaille à un second projet, financé par laLawson Foundation, pour offrir desformations SABC à des collectivités dechaque province et territoire sur une périodede trois ans, laquelle se terminera en mai2010. En septembre 2008, les femmes ontlancé un site Web interactif et ellestravaillent présentement à la création d’unebase de données qui reliera 26communautés à l’échelle pancanadienne. �

Pour plus d’information et pour accéder auprocessus SABC en ligne, visitez le site Webde SABC au www.carsprocess.com.

da Dowler-Cohen n’était pas encore née quand le Canadaa banni, en 1985, l’usage du DDT sur son territoire.

Pourtant, des tests ont révélé la présence de niveaux mesurables de la substancecancérogène dans l’organisme de cette petite fille aujourd’hui âgée de dix ans, ainsiqu’une longue liste d’autres matières toxiques. Dans la première scène de son filmintitulé Invasion toxique, la réalisatrice Barri Cohen et sa fille Ada annoncent, lorsd’une conférence de presse, les résultats du test de « charge corporelle » qu’elles ontsubi. Après avoir appris qu’on avait détecté chez elles du DDT, du benzène etd’autres substances chimiques, Barri Cohen entreprend une enquête qui laconduira au cœur de ces foyers de pollution toxique que sont Sarnia et Windsor.En résulte un documentaire qui convainc de la nécessité d’agir.

Invasion toxique :le cinéma au servicede l’action solidaireUn film sur la santé desenfants et l’environnement

P A R E L L E N R E Y N O L D S

A

Photo prise durant

la production.

© 2006 If You Love Our ChildrenProductions/ONF du Canada

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En 2008, Invasion toxique a reçu le prix du meilleur scénariodans la catégorie documentaire décerné par la Writers’ Guild ofCanada. Le film a été présenté dans de nombreux festivals auCanada et à l’étranger, dont le Festival international du filmd’environnement à Paris. Distribué par le Women’s HealthyEnvironments Network (WHEN) de Toronto et l’Officenational du film du Canada, il sert aujourd’hui d’outilpédagogique partout au pays.

Même si le film se concentre d’abord et avant tout sur le« couloir chimique » entre Windsor et Sarnia, son message estclair : personne n’est à l’abri.

« En réalité, on trouve aujourd’hui ces substances chimiqueschez tous les individus. Des tests nous permettent de les détecter,mais ils ne nous disent rien sur leurs interactions, ni sur leurtransformation éventuelle », affirme Dorothy Goldin-Rosenberg,productrice du film. « Voilà pourquoi il est si important desensibiliser la population à la prévention. C’est la raison mêmepour laquelle je fais des films. »

L’idée à la base d’Invasion chimique appartient à Mme Goldin-Rosenberg. Cette militante passionnée avait déjà produit, en2001, Les liens entre la dégradation de l’environnement et le cancer,un autre documentaire sur les répercussions de l’environnementsur la santé. Mme Goldin-Rosenberg est également coordonnatricede l’éducation au Women’s Healthy Environments Network. C’estelle qui a rédigé le guide qui accompagne Invasion toxique (TakingAction on Children’s Health and Environment [Agir pour protéger lasanté des enfants et l’environnement]). Une ressource destinée auxécoles et aux associations locales d’un bout à l’autre du pays, dontle but est de sensibiliser et de mobiliser le public. Le WHEN s’ensert aussi dans ses propres ateliers de formation.

« Beaucoup de gens sont préoccupés par la pollution toxique,explique Mme Goldin-Rosenberg. Le temps est venu d’agir; c’estpourquoi le film connaît un si bon accueil. Les jeunes mèresveulent savoir; nous aimerions qu’elles prennent conscience que leschangements d’orientation font aussi partie de la solution. Etqu’on peut remplacer presque tous les produits et procédéschimiques par d’autres qui ont l’avantage d’être plus sécuritaires. »

Les experts scientifiques à qui le film donne la parole offrent unaperçu de la recherche entreprise depuis plusieurs décennies sur lesproduits toxiques pour l’environnement. Parmi eux, citons :Devra Lee Davis, une épidémiologiste au franc-parler, directriced’un centre d’oncologie environnementale aux États-Unis etauteure du best-seller The Secret History of the War on Cancer; JimBrophy et Michael Gilbertson, deux chercheurs responsables denombreux travaux sur la pollution toxique dans la région deSarnia et des Grands Lacs; et Michèle Brill-Edwards, autrefoischercheuse à Santé Canada, dont on se souviendra qu’elle avaitdénoncé, au milieu des années 90, les pratiques du ministère enmatière de sécurité. Ces scientifiques connus de plusieurs nous

révèlent qu’on étudie les effets des produits chimiques surl’environnement depuis bien longtemps : en Amérique du Nord,c’est le cas au moins depuis les années 30. Invasion toxiqueprésente des extraits de films des années 50 et 60, où l’on voit desenfants être aspergés de pesticides dans les salles de classe, unepratique jugée tout à fait choquante de nos jours. Or on détenaitdéjà à l’époque suffisamment de données pour en démontrer leseffets nocifs, apprend-on dans le film.

Également, les répercussions de la pollution nous sontracontées à travers le récit de jeunes enfants qui peinent à respirerà cause de l’asthme, qui souffrent de cancers comme le lymphomede Non-Hodgkin et la leucémie, ou encore d’autres maladiesdébilitantes associées à l’exposition précoce aux produits toxiques.On y raconte aussi l’histoire de la Première nation Aamjiwnaang,près de Sarnia, qui affiche aujourd’hui un taux de naissance dedeux filles pour chaque garçon, phénomène dont les perturbateursendocriniens seraient responsables.

Malgré toutes ces histoires d’horreur, Invasion toxique estnéanmoins porteur d’un message d’espoir. On y rencontre desparents soucieux de protéger la santé de leurs enfants, de leursfamilles et de leur entourage face aux effets nocifs de la pollutionchimique. Nous sommes également témoins de leurs réussites :interdictions visant les pesticides, recherches sur des poches demaladie dans certaines zones géographiques précises. Ce sont làdes signes qui montrent que le vent tourne; les gouvernements sesensibilisent au problème et commencent à bouger.

« Il faut empêcher toute cette pollution chimique de dégradernotre air, notre territoire et notre eau », conclut DorothyGoldin-Rosenberg. « Il appartient à chacun de se mobiliser etd’exercer des pressions sur les gouvernements. Il faut aussiréduire notre consommation. Les gens doivent comprendrequ’on peut faire quelque chose, qu’il est possible de se mobiliseren faveur de la prévention. » �

Invasion toxique est coproduit par If You Love Our ChildrenProductions et l’Office national du film du Canada, avec l’appui duWomen’s Healthy Environments Network (WHEN).

Ellen Reynolds est directrice des communications au Réseau canadienpour la santé des femmes.

Pour obtenir d’autres renseignements ou commander une copie du film :

www.womenshealthyenvironments.ca

Site du film : www.toxictrespass.com

Site du clip vidéo Story of Stuff en version française :www.storyofstuff.com/international (cliquer sur « français »)

INVASION TOXIQUE

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CE QUE NOUS LISONS r e s s o u r c e s r e c o m m a n d é e s p a r n o t r e b i b l i o t h é c a i r e

Par Barbara Bourrier-Lacroix du Comité consultatif des expert(e)s du RCSF

Choisir sa contraceptionMartin Winckler (Éditions de l’Homme, 2008)« Recourir à une contraception, ce n’est pas prendre untraitement, mais faire un choix de vie. » Afin d’éclairer cechoix, Martin l’auteur, médecin généraliste depuis 1981,répond à toutes les questions que vous vous posez en matièrede contraception. Pilule, stérilet, préservatif, implant, patch...des explications claires et précises dans un livre accessible atous. Ce petit guide pratique répond à vos interrogations etbalaie les idées reçues.

Osez… l’amour pendant la grossesseOvidie (Éditions La Musardine, 2007)Outre les bouleversements dans la vie quotidienne quereprésente l’arrivée d’un bébé, les changements du corps de lafemme, son rapport à son corps et à sa sexualité entraînentsouvent de profondes interrogations, et parfois des troubles,au sein du couple. Trimestre par trimestre, jusqu’àl’accouchement et ses suites, l’auteure passe en revue lesdifférentes étapes physiologiques de la grossesse et vousdivulgue conseils et réponses à toutes les questions quipeuvent survenir. Un chapitre entier est également consacré aufutur papa, l’éternel oublié de la grossesse.

Homo disparitusAlan Weisman (Flammarion, 2007)Ôtez l’homme de la terre et voyez ce qu’il s’ypasse. Quelles traces humaines resteront etquelles disparaîtront ? Comment nos câbles, lestuyaux de nos pipe-lines vont-ils s’effriterprogressivement en une étrange poussièrerouge ? Pourquoi certains bâtiments, certainsponts, résistent à l’usure du temps pluslongtemps que d’autres ? Quels animauxprospèrent et quelles races s’éteignent ? AlanWeisman mène une enquête en tous pointsdocumentée – il s’appuie notamment surl’évolution de territoires aujourd’hui vierges, lesforêts entourant Tchernobyl, la zonedémilitarisée qui sépare les deux Corée –, ilcroise les avis des experts avec les observationsdes autochtones, et nous convie à un instructiftour du monde de la terre… sans nous !

La nature, combien ça coûte ? : Pourquoi l’écologie n’est pas l’ennemide l’économieFrédéric Denhez (Éditions Delachaux et Niestlé, 2007)135 milliards de dollars, c’est au minimum cequ’a coûté le cyclone Katrina. Si cettecatastrophe naturelle ne pouvait être évitée, uninvestissement de 30 milliards de dollars entravaux d’entretien des digues aurait permis desubstantielles économies ! Cet exemple montrecombien l’économie est indissociable de lanature. L’ouvrage de Frédéric Denhez présenteles méthodes imaginées par des économistespour continuer le développement économiquetout en limitant la ponction sur les ressourcesnaturelles. Il décrypte les méthodes déjà mises enœuvre par les assureurs, les responsablespolitiques, les ONG et les scientifiques. Il enressort qu’aucune ne peut se passer de l’État nide réglementations fiscales et internationalesefficaces, et que certaines portent en elles desmenaces pour la démocratie et ledéveloppement des pays pauvres. Des solutionsexistent. Elles demandent de rompre avec lesdogmes économiques pour être développées.

Collection Médecine Familiale(Éditions Modus Vivendi, 2008)Comprendre l’hystérectomieChristine WestComprendre les symptômes génitaux fémininsCaroline BradbeerCelles qui font face à des problèmes de santé et/ou quidoivent prendre des décisions concernant le traitementd’une maladie ont besoin de renseignements pertinents,fournis par des spécialistes. La collection Médecine Familialereprésente une source d’information essentielle pour tousceux qui désirent avoir l’heure juste. Comprendrel’hystérectomie, écrit par une experte-conseil en obstétriqueet gynécologie, répond aux questions les plus communeslorsqu’on parle d’hystérectomie : Qu’est-ce quel’hystérectomie? Qui doit subir une hystérectomie? Quelssont les types d’hystérectomie? Quand pourrez-vousreprendre le travail? Est-ce vrai que l’hystérectomie peutcauser la dépression? Comprendre les symptômes génitauxféminins, écrit par une conseillère experte en problèmesgénito-urinaires, décrit brièvement l’anatomie de l’appareilgénital féminin, puis il traite de sa physiologie. Sachant enquoi consiste le fonctionnement normal, vous serezdavantage en mesure de déceler les problèmes.

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CE QUE NOUS LISONS r e s s o u r c e s r e c o m m a n d é e s p a r n o t r e b i b l i o t h é c a i r e

Comment les riches détruisent la planèteHervé Kempf (Éditions du Seuil, 2007)Nous sommes à un moment de l’histoire qui pose un définouveau à l’espèce humaine : pour la première fois, nousnous heurtons aux limites de la biosphère et mettons endanger notre avenir. Vivre ce moment signifie que nousdevons trouver collectivement les moyens d’orientercette énergie humaine et cette volonté de progrès. Or laclasse dirigeante fait obstacle au changement de cap quis’impose urgemment, car elle prétend que toutealternative est impossible et que la seule voie imaginableest celle qui conduit à accroître toujours la richesse.Cette représentation du monde est aveugle – elleméconnaît la puissance explosive de l’injustice, sous-estime la gravité de l’empoisonnement de la biosphère,promeut l’abaissement des libertés publiques. Elle estindifférente à la dégradation des conditions de vie de lamajorité des femmes et des hommes, consent à voirdilapider les chances de survie des générations futures.D’après l’auteur, on ne résoudra pas la crise écologiquesans s’attaquer à la crise sociale concomitante. Elles sontintimement liées. Ce sont aujourd’hui les riches quimenacent la planète.

Et si c’était une allergie ? : Diagnostiquer,soulager, soignerDominique Château-Waquet (Presses du Châtelet, 2008)Stress, alimentation non équilibrée, produits chimiques,variations climatiques, médicaments ont un effet directsur notre santé. Conséquence : chaque année, noussommes de plus en plus nombreux à souffrir d’allergies.Du côté pratique, l’auteure présente l’essentiel de cequ’il faut connaître sur cette réaction du système

immunitaire, ainsi que les facteurs de risque, lesproblèmes de diagnostic, le choix d’un spécialisteadapté, les traitements et les aménagements à prévoir.L’allergie est un problème handicapant au quotidien,mais l’auteure soulève également des interrogationsscientifiques. Tout le monde peut devenir allergique àn’importe quel âge. Il convient donc de sensibiliser à laquestion industriels et politiques : si l’allergie met enpéril la qualité de vie de chacun, c’est en effet, pluslargement, un problème de santé publique qui nepourra se résoudre qu’en protégeant l’environnement.Outre ses effets, ce sont donc les causes de l’allergie qu’ildevient indispensable de traiter, et l’auteur donne despistes précieuses en ce sens.

Exposés : Les liens entre la dégration del’environnement et le cancerWomen’s Network on Health and the Environment, 2001DVD ou VHS, 53 minutes 33 secondesLes chercheuses et chercheurs se penchent sur l’effetdes agents toxiques et des radiations environnementalessur notre santé. Les femmes ne sont pas davantageexposées que les hommes aux polluantsenvironnementaux que sont les pesticides. Toutefois, lesystème reproductif des femmes est très sensible autaux alarmant de pesticides que l’on trouve dansl’environnement. Ce film vise le cancer du sein et lespossibilités d’en réduire le taux à partir de lasuppression des agents toxiques dans l’air que l’onrespire, dans la nourriture que l’on consomme et dansl’eau que l’on boit. Des témoignages convaincants sontprésentés par plusieurs scientifiques et militantes, dontSusan Love, Sharon Batt, Ana Soto, et d’autres.

Avant qu’il ne soit trop tardDominique Belpomme (Fayard, 2007)

Cancers, malformations congénitales, stérilités, allergies, maladies dégénératives du système nerveux sont en trèsgrande partie liés à la pollution de notre environnement, alors que l’apparition de nombreuses épidémiesinfectieuses telles que le sida, la maladie de chikungunya ou la grippe aviaire sont la conséquence directe ouindirecte des activités humaines. L’humanité pourra-t-elle se dégager du piège dans lequel elle s’estprogressivement enfermée ? Aujourd hui, l’enfance et même l’espèce humaine sont en danger si nous continuonsà polluer l’environnement et à détruire la planète Terre comme nous le faisons. Malheureusement, ce messagen’est pas entendu, alors même que des solutions existent. Ce livre propose un programme d’union nationale axésur la préservation de notre santé et de l’environnement, et s’achève sur une lettre ouverte à l’adresse des femmeset des hommes politiques pour les exhorter à agir, avant qu il ne soit trop tard.