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Dr. GANA Brahim,
Revue du Lareiid N°06-07 JUIN-DECEMBRE 2020
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Résumé : La structure financière de l'économie algérienne est
caractérisée par l'existence d’un dualisme financier. Ce dualisme
regroupe deux modes de financements qui sont très connus dans la
littérature économique : le financement formel et informel. L’objectif
principal de cet article consiste, donc, à expliquer le développement de
la sphère financière algérienne dans un contexte de dualité financière.
Afin de mieux cerner notre étude, nous analyserons tout d’abord le
concept du dualisme financier ainsi que les solutions théoriques
appropriées pour le réduire, puis d’étudier les classifications des
systèmes financiers selon un certain nombre de critères quantitatifs et
qualitatifs, analyse qui débouchera sur une étude quantitative du
système financier algérien en relation avec le dualisme financier. Enfin,
quelques recommandations stratégiques seront données en conclusion.
Mots clés : système financier, finance formelle, finance informelle,
dualisme financier, Algérie
Dr. GANA Brahim,
Université de Bejaia, faculté des
sciences économiques, commerciales
et des sciences de gestion,
Analyse quantitative du dualisme financier en Algérie
Received date :12/03/2019 Accepted paper :11/01/2020
Dr. GANA Brahim,
Revue du Lareiid N°06-07 JUIN-DECEMBRE 2020
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Abstract: The main objective of this article is to explain the
development of the Algerian financial sphere in a context of financial
duality. To better understand our study, we will first analyze the
concept of financial dualism as well as the appropriate theoretical
solutions to reduce it, then study the classifications of financial systems
according to a number of quantitative and qualitative criteria, an
analysis that will lead to on a quantitative study of the Algerian
financial system in relation to financial dualism. Finally, some strategic
recommendations will be given in conclusion.
Key words: Algeria, financial dualism, financial system, formal
finance, informal finance.
Jel Classification : E26, G19, G23, G29
I INTRODUCTION
De nombreuses analyses et investigations ont traité le problème
du dualisme financier. Ces investigations ont évolué avec le temps,
mais aujourd’hui aucune ne fait l’unanimité. En effet, dans le cas
algérien, la sphère financière est constituée par l’existence d’un
dualisme financier (formel versus informel) qui est diversifié du point
de vue des institutions, des mécanismes et des marchés.
D'ailleurs, "le système financier algérien est fortement corrélé
aux recettes des hydrocarbures dont l’Etat et le secteur public sont
majoritairement attributaires, le privé local ou international étant
marginal", (Mebtoul, 2012). Ainsi, le système financier algérien est
relativement déconnecté des multiples places financières
internationales expliquant en conséquence la non propagation de la
crise financière internationale que le monde a connu en 2008 sur la
sphère financière algérienne. Cependant, sous la perfusion de la rente
des hydrocarbures, la variation des prix des hydrocarbures ont un
impact considérable sur le circuit financier algérien.
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Concernant le marché financier, il contribue marginalement au
financement de l'économie et il est relativement étroit
"comparativement aux autres pays émergents ou tout au moins à
celui enregistré par certains pays du Maghreb", (Bouzar, 2010). Par
analogie, la sphère financière informelle occupe une place très large
comparativement "aux autres pays où ce secteur ne dépasse pas les
20 % et un manque à gagner considérable pour l’Etat alors qu’elle
représente dans des sociétés organisées comme la Suisse (8% de
l’économie globale), le Canada (15%) ou encore la Norvège (20%)",
(Mebtoul, op.cit).
C'est dans cette optique financière que nous voudrions analyser le
dualisme financier en Algérie. En effet, l'amplification de ce dernier
s'explique par les limites du modèle du développement, ainsi que la
politique économique investi en Algérie depuis presque 20 ans. Par
conséquent, la conjugaison de plusieurs facteurs de ce modèle de
développement à favorisé l’apparition de deux circuits qui
fonctionnent simultanément avec l’existence d’un double système
financier qui consolide une dualité de prix et qui touchait tous les
marchés de l'économie.
Selon le ministère du commerce algérien (2017) : "le secteur
informel est caractérisé par un usage abusif de la monnaie fiduciaire
et il contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation et
70% des segments de produits de première nécessité", (Mebtoul,
2017). Pour effacer les traces des transactions effectuées, les
opérateurs utilisent des billets de banques au lieu de la monnaie
scripturale (chèques) ou électronique faute de confiance.
Dans cet article, qui traite essentiellement le dualisme financier
dans le contexte de la sphère financière algérienne, nous examinerons
tout d’abord les intervenants et l'impact de ce dualisme sur les
économies de certains pays en développement et sur l'Algérie en
particulier. Nous proposerons aussi quelques solutions théoriques que
nous soutirons des différents modèles de la théorie économiques, puis
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nous analyserons la classification des systèmes financiers par
construction des indices de développements financiers, analyse qui
débouchera sur l'étude du système et de développement financier en
Algérie via une étude quantitative.
II DUALISME FINANCIER :
DEFINITIONS, IMPACTS ET INTERVENANTS
Le dualisme financier par définition est "la juxtaposition des
secteurs bancaire et informel en matière de financement" (Gassa
Helio, 2000). En ce qui concerne la nature des institutions qui
interviennent dans les deux secteurs, nous constatons que le marché
formel est doté d’un réseau bancaire important. En effet, dans la
plupart des pays en développement, la Banque centrale joue le rôle de
régulateur le plus important, elle intervient souvent dans l’activité
financière locale. Ensuite, nous trouvons dans tous ces pays des
institutions de second rang que sont les intermédiaires financiers
bancaires et non bancaires : banques commerciales, banques
d’affaires, banques de développement, caisses d’épargne, organismes
de crédit immobilier, systèmes de sécurité sociale, compagnies
d’assurance…etc. Concernant les marchés, nous apercevons des
marchés de capitaux qui différent d’un pays à l’autre et dont le niveau
de performance dépend de la nature des intervenants et des
opérateurs.
Dans les pays de l’Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie),
les intervenants majoritaires sur le marché des capitaux sont des
entreprises publiques, des banques publiques et le Trésor public, (les
CDVM au Maroc, la bourse d’Alger, la BVMT en Tunisie) et des
banques étrangères.
Concernant le secteur informel, l’une de ses caractéristiques les
plus distinctes est son extrême sincérité entre les différents opérateurs
(préteurs, emprunteur ou épargnants), qui vont de simple transaction
financière jusqu'à des mécanismes illicites d’intermédiation
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financière. On distingue, globalement, trois catégories d’agents dans
le secteur informel : les intervenants individuels (en tant que préteurs
ou emprunteurs), les groupements de personnes sous forme
d'organisation, les sociétés organisées en partenariat.
Les préteurs individuels sont généralement des proches et des
amis qui ont des capacités de financement oisives et peuvent êtres des
parents, des familles, des propriétaires fonciers, des guichets
professionnels, des commerçants et des entrepreneurs.
Le plus souvent, les rémunérations de ces préteurs individuels
peuvent être de nature non commerciale et sans paiement d’intérêt.
Dans le cas où l’arrangement en matière de prêt est de nature
commerciale, l’opération peut être conclue en termes d’argent, de
terres ou de biens marchands.
L’activité financière informelle peut également prendre la forme
de groupements de personnes réunies par un lien commun
(institutionnel, familial, résidentiel, professionnel, etc.). Ces
groupements sont organisés sur une base mutualiste et fonctionnent
selon des règles établies d’un commun accord par les membres. Ainsi,
"le dualisme formel/informel se reproduit indéfiniment" (Barthélemy,
1998).
Enfin, dans certains pays, le secteur informel peut prendre des
formes plus complexes et plus évoluées, non simplement du point de
vue de ses caractéristiques opérationnelles, mais aussi du point de vue
de leur étendue dans l’activité financière globale. Il s'agit
principalement "des pratiques financières collectives qui constituent
également de la finance, qui reposent non seulement sur la confiance
entre le créancier et le débiteur, mais sur une réelle solidarité
éprouvée par l’ensemble des participants" (Lelart, 2006).
C’est en Algérie, en Égypte et dans une moindre mesure au
Maroc, que nous découvrons les principaux exemples de groupements
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organisés, soit au sein d’un même pays, soit en partenariat. Comme,
par exemple, les lobbies d’importations, les mécanismes de transferts
des revenus des travailleurs immigrés, certaines sociétés de crédit-bail
et de location-vente.
III LES SOLUTIONS THÉORIQUES
POUR RÉDUIRE LE DUALISME FINANCIER
Dans la littérature économique, les opinions sont partagées sur la
manière de procéder à l’élimination (ou réduction) du dualisme
économique et financier. En effet, le dualisme devrait-il être éliminé
par l’extension du secteur formel et l’absorption du secteur informel,
ou devrait-on intégrer les deux réseaux par le rapprochement des
pratiques informelles de celles du secteur formel et par l’articulation
des deux secteurs ?
A La solution de nature libérale
Les partisans de cette solution libérale selon laquelle le secteur
informel s’explique par l’inefficacité du secteur formel (Mackinnon,
1973) et (Shaw, 1973), préconisent de profondes réformes
institutionnelles et opérationnelles dans le secteur formel pour
remédier au dualisme financier. Cela implique le passage de la
répression financière à la libéralisation financière à travers la
libéralisation des taux d’intérêt. "Il faut donc libérer leur activité dans
le cadre d’une réforme financière visant à améliorer les
performances du secteur financier formel", (Lelart, 2002). Le
mécanisme de passage d’une économie réprimée financièrement à
une économie libéralisée nécessite l’assimilation des pratiques
informelles par le secteur formel. Ainsi, en supprimant
progressivement la raison d’être du secteur informel et en le
concurrençant sur son propre terrain, le secteur formel peut se
substituer à lui même et l’intégration financière peut se réaliser.
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B La solution de nature néo-structuraliste
En revanche, ceux qui considèrent que le dualisme financier n’est
qu’un aspect structurel de la finance formelle (la théorie de néo-
structuraliste : (Fry et al, 1983), estiment que le dualisme économique
est endogène et se situe au niveau du secteur informel lui-même, et
qu’il faut s’efforcer de le transformer, de l’organiser,
progressivement, jusqu'à ce que l’articulation entre le secteur
informel et le secteur formel devienne complète et institutionnelle.
Cette transformation peut se faire en accordant aux préteurs et aux
emprunteurs des possibilités d’accès à des crédits bancaires.
Autrement dit, il faudra initier la population aux modes et aux
principes de fonctionnement du système financier formel.
Dans les deux cas précédents, la combinaison des deux
mécanismes peut se faire mais en tenant compte des spécificités
économiques de chaque pays. Dans le cas algérien, une approche
intermédiaire est possible par une combinaison de ces deux approches
qui doivent être entreprises simultanément. Cette démarche fait appel,
évidemment, à des mesures à la fois micro- économiques et macro-
économiques. Par conséquent, la libéralisation financière constitue
une sorte d’effet de levier pour la mise à niveau du système financier,
ceci impliquant le renforcement, en quelque sorte, du secteur formel
pour un encadrement efficace du secteur informel. Le défi consiste
donc à développer des liens entre les secteurs formel et informel de
façon à maximiser l’efficacité globale du système financier dans son
ensemble.
A coté de ces mesures, il convient de développer les mécanismes
récents de la finance directe. Il faudrait développer les marchés
financiers de manière à mettre en relation les agents économiques,
condition d’une véritable amélioration de l’efficacité de la politique
monétaire. La mise en place d’intermédiaires financiers non
bancaires, comme des compagnies d’assurances et des systèmes de
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sécurité sociale, est aussi à développer, car, même si ces organismes
existent, la plupart du temps ils ne jouent pas le rôle attendu.
Enfin, la réduction du dualisme financier doit passer par la
reformulation de certaines pratiques macroéconomiques : la sélection
microéconomique et décentralisée des projets d’investissement par les
taux d’intérêt remplacerait la sélectivité macroéconomique. Par
ailleurs, il est souhaitable de regrouper les fonctions de l’épargne et
du crédit dans des institutions à vocation universelle plutôt que
spécialisée. Ainsi, ces mesures économiques et financières ne seraient
pas uniquement susceptibles d’augmenter le taux d’épargne mais elles
permettraient de canaliser ces fonds en finançant les projets les plus
rentables.
Il existe de nombreuses tactiques pour substituer le secteur
formel au secteur informel et de l’articuler de sorte que les pratiques
bancaires tirent le maximum d’avantages des propriétés qui font les
forces de marché informel. Pour atteindre cet objectif, il faut tout
d’abord une mise à niveau du secteur financier et des mesures
d’organisation du secteur informel.
Actuellement, en Algérie, la tache semble déjà facilitée car
beaucoup d’initiatives dans ce sens sont mises en œuvre. Il faut donc
s’efforcer de consolider et de systématiser ponctuellement ces
initiatives.
IV LA STRUCTURE DES SYSTÈMES FINANCIERS SELON
LA THEORIE ÉCONOMIQUE
La théorie économique nous propose deux grandes tendances
dans la conception du fonctionnement des systèmes financiers
(Germidis D., Keller D. et al, 1991). Un système financier fortement
règlementé sur la base d’une intervention permanente de la Banque
centrale et dans lequel l’intervention des pouvoirs publics est
considérable ; et un système financier plus libéralisé, dans lequel les
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banques et les institutions financières disposent d’une plus grande
marge de manœuvre pour exercer leurs activités financières et dans
lequel la finance indirecte joue un rôle prépondérant.
Dans le premier cas, le système financier fortement règlementé
est caractérisé par les éléments suivants: (1) par un lien très faible
(ou même absent) entre la fonction de l’épargne et celle de
l’investissement car ce dernier n’est pas financé par l’épargne; (2)
par la restriction des mouvements de capitaux du fait des mesures de
contrôle des changes; (3) par une structure des taux d’intérêt
quasiment fixe; (4) par des taux d’intérêts faibles et des dépôts peu
rémunérés; (5) enfin par un écart important entre les taux du secteur
formel et du secteur informel.
Dans le deuxième type de système financier, c'est-à-dire le
système libéralisé: (1) les taux d’intérêt réels sont positifs et
variables ; (2) les dépôts dans le secteur formel sont rémunérés; (3) on
observe un écart réduit entre les taux du secteur formel et du secteur
informel ; (4) il existe une forte intégration de l’épargne et du crédit ;
(5) le marché financier est suffisamment développé et on observe la
primauté des mécanismes de la finance indirecte dans la collecte et la
distribution des ressources.
A Classification des systèmes financiers
Les deux types de systèmes financiers identifiés précédemment,
sont fortement opposés l’un à l’autre. Leur mode de fonctionnement
dépend d’un choix de politique économique réfléchi mais les effets et
les conséquences liées à leurs modes d’organisation, correspondent à
leurs configurations différentes. Or, la plupart des systèmes financiers
des pays en développement et de l'Algérie en particulier, sont
caractérisés par un nombre important de paramètres qui relèvent, en
même temps, du type de système financier libéralisé et de celui du
système financier fortement règlementé. Par conséquent, ce caractère
hybride des systèmes financiers mis en place par ces pays rend
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difficile le classement ordinal d’un ensemble donné de pays selon les
deux types extrêmes que décrit la théorie économique.
Afin de mieux comprendre et d’obtenir une meilleure
classification des systèmes financiers de certains pays en
développement (plus particulièrement les pays du Moyen orient et
d'Afrique du Nord "MOAN"), certaines études économiques sur le
développement financier (Crean et al., 2003) ont adopté une approche
qualitative et quantitative portant sur des critères qui couvrent, en
même temps, l’aspect institutionnel et l’aspect purement financier et
ces critères sont cités dans le tableau 1 ci dessous.
Tableau 1 : Les critères retenus pour la classification des
systèmes financiers des pays MOAN.
Aspects institutionnels Aspects financiers
1. La règlementation de la
concurrence relève des
autorités publiques
2. Prédominance des
institutions financières
spécialisées par rapport aux
banques universelles.
3. La répartition des agences
sur le territoire national.
4. Le statut public ou privé,
national ou étranger, des
institutions financières en
place.
5. Le rôle et le poids de la
Banque centrale (le taux de
réserves obligatoires appliqué
aux banques de second rang).
a. Le niveau des taux
d’intérêt réels.
b. la capitalisation boursière
c. L’importance du contrôle
des changes.
d. crédit au secteur
privé/PIB
e. La part des créances de
l’État dans le total des
crédits intérieurs.
f. la masse monétaire
M2/PIB
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L'objectif des auteurs à travers cette étude consistait à élaborer de
nouveaux indices de développement financier pour classer les
systèmes financiers des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord,
à partir des données qualitatives et quantitatives collectées pour les
besoins de leur travail.
Après avoir rangé les pays dans trois catégories de
développement financier : élevé, moyen et faible, le classement selon
le niveau du développement financier est indiqué dans le tableau 2 ci
dessous.
Tableau 2 : classement des pays du Moyen
orient et Afrique du Nord selon le niveau de
développement financier
Elevé Moyen Faible
Arabie
Saoudite
Emirats
arabes unis
Jordanie
Algérie
Maroc
Tunisie
Iran
Libye
Yémen
Source: Crean, S., Rishi G., et al., (2003), “ Banco sur le
développement”, Finances et développement, Mars 2003
B Les principaux résultats de l'étude
Les résultats de leurs analyses montrent qu'en moyenne, les pays
dont le développement financier est plus élevé enregistrent de
meilleurs résultats que les autres pour les onze indicateurs considérés
(tableau 1). Les pays dont le système financier est le plus développé
obtiennent des notes particulièrement élevées pour les critères
institutionnels et financiers. Ceux qui se trouvent dans le niveau
intermédiaire et moyen obtiennent d’assez bons résultats aussi. En
revanche, les indicateurs relatifs au cadre institutionnel et au
développement du marché financier sont insuffisants.
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L'un des constats tiré, aussi, de cette étude est que la
libéralisation financière externe qui s'exprime via l'ouverture du
compte de capital aux investisseurs étrangers est restreinte par des
obstacles d'ordre institutionnels. En effet, dans certains pays (Algérie,
Iran, Mauritanie..etc) leurs économies sont caractérisées par un
dualisme financier qui est structurel. Ce dernier est marqué par
l'existence d'un système de change double ou des marchés parallèles.
Cette dernière situation entrave le bon fonctionnement des
mécanismes de la politique monétaire et de politique d'ouverture aux
investisseurs étrangers.
V UNE ÉTUDE QUANTITATIVE DU SYSTÉME FINANCIER
ALGERIEN
Dans le but d'appréhender la position du système financier
algérien, nous nous sommes, donc, inespérés des travaux déjà
réalisés. En tenant compte des critères de sélection mentionnés dans
les paragraphes précédents. Concernant les deux types extrêmes de
système financier, nous avons identifié certaines variables
quantitatives qui permettront de situer le système financier algérien
par rapport à cette conception mixte qui est développée par la théorie
économique. Pour le cas algérien, nous avons retenu neuf indicateurs
qui couvrent l’aspect purement financier qui sont les suivants :
A Les critères retenus pour classifier le système financier
algérien
Les données, portant sur la période de 1999-2016, selon leur
disponibilité, ont été regroupées en neuf indicateurs (voir le tableau 3
ci dessous) représentant chacun une facette différente du système
financier. Nous avons, donc, élaborer un indice de développement
financier pour l'Algérie, en utilisant, dans la mesure du possible, des
données quantitatives et réduites.
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Ainsi, le développement financier se mesure au moyen de
quelques variables quantitatives que nous avons attentivement
sélectionnées. Toute fois et pour ne pas se limiter uniquement aux
variables de l'intermédiation bancaire, nous avons aussi intégré les
variables du marché financier à savoir : les variables de liquidité (les
transactions et la capitalisation boursière).
En suite, nous avons établi un indice qui mesure le
développement financier sur la période de 1999–2016. Cet indice
synthétique est déterminé par une moyenne de neuf indices centrés et
réduits par rapport à la moyenne et l'écart type. Nous avons utilisé cet
indice pour classer le système financier selon les deux cas extrêmes
des systèmes financiers à savoir : le système financier libéralisé et
système financier fortement réglementé. Les résultats de notre étude
sont indiqués dans la figure 1 et le tableau 3 ci dessous.
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Tableau 3 : Les critères retenus pour la classification du système
financier algérien
Les variables
quantitatives.
(finance
indirecte)
Les variables
quantitatives
(finance directe)
Les variables de répression
financière
1-La masse
monétaire/PIB
2-Quasi
monnaie/ PIB.
3-Le ratio de la
base monétaire
/ la masse
monétaire.
4-Actifs des
banques
créatrices de
monnaie/ total
des actifs
5- Le crédit au
secteur privé
par rapport au
PIB,
1- Les
transactions
boursières en
valeur/ PIB.
2-Les transactions
boursières en
valeur/
capitalisation
boursière.
1-Réserves obligatoires
/PIB.
2- Taux de réescompte
Source des données statistiques : documents Sgbv et Cosob et "rapports
de la Banque d'Algérie"
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B Analyses et résultats de l'étude
Une première lecture de la figure 1, montre que le
développement financier en Algérie a évolué d'une manière
irrégulière durant la période 1999-2016. Cette évolution s'exprime par
la fluctuation de la valeur de l'indice de développement financier
algérien (la courbe en bleu) par rapport au développement financier
moyen représenté par la courbe en rouge de la figure 1. Ainsi, lorsque
la valeur de l'indice est supérieure (inférieure) à la moyenne indique
l'influence positive (négative) des variables utilisées, sur le
développement financier. Par conséquent, plus la valeur de l'indice se
rapproche de (+ 1), plus le système financier tend à se libéraliser et
vice versa, c'est à dire : plus la valeur de l'indice de développement
financier tend vers (-1) plus le système financier est réglementé.
-0,4
-0,2
0
0,2
0,4
0,61999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
20072008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Figure1: le positionnement du système
financier algérien
développement financier extrème
Indice de développement financier algérien
developpement financier moyen
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Comme nous pouvons le constater, le système financier en
Algérie occupe une position médiane avec un chevauchement entre
un système libéral et un système règlementé. Par conséquent, le
développement financier du système formel en Algérie, comme le
montre l'évolution de l'indice sur la période d'étude, reste encore
faible. C'est pour cette raison que le dualisme financier subsiste
fortement et la finance informelle occupe une large place dans
l'économie algérienne.
Toutefois, cette faiblesse de développement financier peut
s’expliquer par trois éléments essentiels :
Le premier réside dans le fait que la finance directe de long terme
en Algérie est très limitée. Elle se caractérise par des émissions des
titres et une capitalisation boursière qui sont très légères. Ainsi, nous
pouvons dire que le système financier est dominé par les banques au
détriment du marché financier.
Le deuxième élément est lié à la performance du système
financier algérien qui est principalement contrôlée par les prix des
ressources naturelles (gaz et pétrole) et qui sont déterminés par les
différentes places financières internationales plutôt que par le
développement financier national.
Le troisième élément s’explique, plutôt, par le fait que le système
bancaire en Algérie n’a pas encore subi les mutations prudentielles
nécessaires qui sont impliquées par ce nouvel enjeu concurrentiel de
la libéralisation financière. On comprend aisément qu’un système
d’intermédiation comme celui de l’Algérie, est mieux adapté à une
économie dans laquelle les besoins de financements et de placements
s’accommodent de produits relativement simples. Tandis que sur les
marchés financiers d’aujourd’hui peuvent se concevoir et se traiter
des produits plus complexes et qui demandent un savoir faire bien
plus avancé.
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C Le système financier algérien et dualisme financier
C’est dans ce contexte de systèmes financiers en plein mutation
qu’il convient d’examiner la place et le rôle du dualisme financier
formel/informel : quel rôle les institutions financières informelles
peuvent-elles occupées dans le développement financier ?
Plusieurs études sur les institutions formelles et informelles en
Algérie, montrent que les institutions informelles utilisent des
méthodes spécialisées pour servir financièrement les larges segments
de la population qui n'ont pas accès aux banques. Bien qu'elles aient
réagi positivement dans un système financier pro- libérale, la
fragmentation des segments de marchés isolés persiste. Des efforts
importants sont nécessaires pour intégrer les institutions financières
informelles dans les stratégies de développement financier algérien.
En effet, nous pouvons penser que les systèmes financiers
règlementés sont plus favorables au développement d’un secteur
informel que les systèmes libéralisés, parce que "le rationnement du
crédit et les imperfections relatives aux marchés financier", (Stiglitz,
2002), impliquent une émergence de l'activité de crédit informelle, et
que le manque de produits financiers offerts par les institutions
financières décourage les épargnants potentiels. A l’inverse, la
transition vers un "système financier plus libéralisé réduirait
progressivement l’activité financière informelle grâce à des taux
d’intérêt positifs", (McKinnon, 1973) et, par le biais de libéralisation
financière interne, le secteur formel peut encadrer une partie de
l’activité informelle.
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VI CONCLUSION
L'objectif de cet article est d'apporter une contribution essentielle
pour analyser le dualisme financier en lien avec la structure du
système financier algérien. La conclusion de notre étude suggère
qu'en absence d'institutions et de cadres légaux suffisamment établis,
le financement s'organise localement autour de pratiques et de
coutumes que les observateurs externes assimilent au dualisme
financier. En réalité cette dualité de financement coexiste avec un
système formel encore confus dans le système financier algérien, et
dont le développement ne peut pas simplement consister à vouloir
plaquer des pratiques occidentales dans un contexte largement
différent.
Dans ce sens, et comme le souligne (Nissanke et Aryeetey,
2006), les intermédiaires financiers informels et les institutions
formelles jouent souvent des rôles complémentaires en fournissant
des services financiers différents à des groupes socioéconomiques
différents. C'est ainsi que "les intermédiaires informels disposent
d’un avantage comparatif dans l’acquisition des informations
concernant les petits emprunteurs dont la vulnérabilité aux chocs de
revenu est difficilement observable. Le secteur formel, quant à lui,
s’appuie sur un système légal et institutionnel qui fait défaut aux
premiers et dispose de ressources moins onéreuses", (Jacket et Pollin,
2012)
Par conséquent, la coopération entre les deux secteurs formel et
informel est possible et elle peut se faire en Algérie par les deux
mécanismes qu’on trouve dans la littérature économique. Le premier
mécanisme se trouve pris en compte dans les principes de la théorie
de Mackinnon (1973) et Shaw (1973). En effet, les précurseurs de
cette théorie considèrent que le dualisme financier n’est que la
conséquence de la répression financière et ils préconisent des
réformes institutionnelles et opérationnelles pour le réduire. Par
ailleurs, malgré l’ampleur et l’intensité des activités du dualisme
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financier, le mimétisme des pratiques financières informelles par le
secteur formel constitue une solution efficace pour le faire régresser.
Le deuxième mécanisme est pris en compte dans la théorie néo-
structuraliste qui suppose que le dualisme économique que nous
constatons dans les pays en développement, est un phénomène
endogène et se situe au niveau du secteur formel lui-même, et qu’il
faut s’efforcer de le transformer et de l’organiser jusqu'à ce que
l’articulation entre le secteur informel et le secteur formel devienne
institutionnelle. Pour ce faire, il faudrait initier la population aux
modes et aux principes de fonctionnement du système financier
formel.
Enfin, la constitution d’un secteur bancaire homogène, rentable et
performant, est certainement une priorité. L’efficacité optimale d’un
système financier dépend naturellement de la structure de l’économie
qui le compose. En effet, le type de financement requis (par exemple
le recours à la finance directe ou indirecte) est fonction du cadre
juridique, c’est à dire : il faut que les investisseurs disposent d’un
minimum de garanties sur la transparence et la bonne gouvernance,
de la sophistication des produits et des agents, de la taille des
entreprises et de la nature de leurs activités. En tout état de cause, il
n’existe pas a priori de clauses optimales qui modélisent le bon
fonctionnement du système financier.
Dr. GANA Brahim,
Revue du Lareiid N°06-07 JUIN-DECEMBRE 2020
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