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« Game Over »,
une vie foudroyée par la SLA*
* Sclérose Latérale Amyotrophique
(Maladie de Charcot)
A ma mère décédée le 13 février 2016
- Tous droits réservés - Mai 2016
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Informations légales
Sauf indication contraire (notamment les dessins et peintures réalisés par ma mère), toutes les
images ou photographies contenues dans ce livre proviennent du site « Fotolia ».
Toute reproduction, en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans
l'autorisation préalable de l'auteur.
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Table des matières
Informations légales p. 2
Table des matières p. 3
Remerciements p. 7
Préface p. 8
Introduction p. 9
1/ Pourquoi ce livre ?
2/ Origines du titre du livre
3/ Quelques mots sur la maladie
4/ La SLA, une maladie trop mal connue
Partie 1 - Ma mère, un « vilain petit canard » ? p. 15
Chapitre I – Ma mère, son enfance p. 15
Chapitre II – Ma mère, sa famille et sa vie professionnelle p. 19
Chapitre III – Ma mère, devenue le « pilier de la famille » p. 20
Partie 2 - Quand la SLA entre en action p. 23
Chapitre I - L’attente du diagnostic officiel p. 24
1/ Repos forcé de ma mère
2/ L’hypothèse de l’AVC écartée
3/ Un rendez-vous au CHU tant attendu
4/ Il faut encore attendre !
5/ Un lourd secret à garder
6/ Un mois de septembre plein de rebondissements
Chapitre II - L’annonce du diagnostic de la SLA p. 30
1/ Dans la salle d’attente
2/ La consultation
3/ Une promesse faite à ma mère, bien difficile à tenir Chapitre III - La descente aux enfers porte un nom : la SLA p. 34
1/ Le mois des chutes
2/ Ma mère condamnée au silence, déambule en robe de chambre
3/ Arrêt du traitement
4/ Des relations difficiles avec l’orthophoniste et les kinésithérapeutes
5/ Mon rôle d’aidante
6/ Des aides spontanées bienvenues
8/ Intervention de l’association SPHERES
9/ Hospitalisation en urgence
Partie 3 - Quand la SLA tue ma mère à petits feux p. 59
Chapitre I : Retour de ma mère pour une semaine en Hospitalisation à domicile p. 60
1/ Qu’est-ce que l’Hospitalisation à domicile (HAD) ?
2/ L’hospitalisation au domicile des BOURELY : les emmerdes à domicile !
Les soins infirmiers
Les réveils nocturnes
Les gémissements et les cris de ma mère
Quand il faut prendre une décision …
La semaine d’HAD au jour le jour
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Chapitre II : Hébergement de ma mère au centre d’hébergement pour personnes âgées
dépendantes p. 73
1/ Un « rodéo émotionnel »
2/ Les jeux sont faits, plus rien ne va plus !
Chapitre III : Retour à la maison pour 3 jours en HAD p. 78
1/ Les préparations de ces 3 jours
2/ Une première journée qui débute mal
3/ L’infirmière qui réveille ma mère chaque jour à 5h35 du mat !
4/ On improvise !
Chapitre IV : Retour au Centre pour quelques jours p. 86
1/ Ma mère voulait rester plus longtemps à la maison …
2/ Une place est libérée au CHU Chapitre V : Admission au CHU de St Eloi, Unité de soins palliatifs p. 87
1/ Les soins palliatifs en France et les droits de la personne en fin de vie
Les soins palliatifs
Les directives anticipées
La personne de confiance
Le droit à la sédation profonde
2/ Une place pour « maman »
3/ Mourir dans la dignité
4/ Des adieux difficiles
Partie 4 - Game Over p. 98
Chapitre 1 : L’annonce du décès de ma mère p. 98
Chapitre 2 : La cérémonie du 20/02/2016 p. 100
1/ Texte de mon père JEAN
2/ Texte rédigé et lu par CHRYSTELE
3/ Texte rédigé par PATRICE et lu par Chrystèle
4/ Lettre à ma mère
5/ La famille BOURELY en photo Chapitre 3 : Le Blog « lasla.la-sep.com » p. 108
Partie 5 – Quand une page doit être tournée … p. 110
Chapitre 1 : Quand la vie doit continuer p. 111
Chapitre 2 : Quand les emmerdes continuent … p. 113
Chapitre 3 : Quand je communique avec ma mère décédée p. 115
1/ Les phases du deuil pour la personne en fin de vie
2/ La métaphore du papillon
3/ La communication avec ma mère
Partie 6 – Quand ma mère a des choses à nous dire ! p. 120
Chapitre 1 : Ma mère cynique p. 120
Chapitre 2 : Ma mère souffre p. 125
Chapitre 3 : Ma mère demande de l’aide p. 128
Chapitre 4 : Autres écrits de ma mère p. 134
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Partie 7 – Documents retrouvés après la mort de ma mère p. 136
1/ Un petit mot que je lui avais fait pour accompagner mon cadeau pour son 75ème
anniversaire
2/ Extrait du testament de ma mère :
3/ Photo de « chocho », une chatte Persane chocolat
4/ Photo de famille
5/ Quelques unes de ses peintures et dessins
Conclusion p. 139
1/ Quels sont les mots utilisés par les malades et les aidants familiaux pour parler de la
maladie de Charcot ? 2/ Quelles sont les Associations ?
3/ Si vous souhaitez me contacter 4/ Quels sont mes projets pour l’avenir ?
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Remerciements
En préambule à ce livre, je souhaite remercier toute personne qui a été un jour en contact avec
ma mère et qui a apprécié la personne qu’elle était.
En particulier, je tiens à remercier les personnes qui sont intervenues durant cette très courte
période de fin de vie de ma mère. Je pense, notamment, à la famille : ma tante José, mais également
mon oncle et ma tante Lucien et Annette, et bien sûr mon frère aîné Jean-François, sa femme
Tatiana et leur fille Lana.
Une pensée également à mon frère Patrice, qui a tenté de garder le contact pendant toute
cette période qui fut difficile pour nous mais j’imagine aussi pour lui, qui devait passer par moi pour
être tenu au courant de l’état de santé de notre mère.
Je remercie l’équipe de l’association SPHERES, qui nous avait été envoyée par le docteur
neurologue du Centre de la SLA. Ma mère avait pu recevoir une écoute attentive, à un moment où
elle en avait grandement besoin.
Je cite aussi l’équipe du docteur neurologue du Centre de la SLA. Mais aussi le Professeur
LABAUGE, le neurologue qui me suit pour ma sclérose en plaques, qui était venu voir ma mère,
lorsqu’elle se trouvait hospitalisée au CHU et qui lui avait diagnostiqué la SLA, en septembre 2015.
Enfin, je remercie tout le personnel médical du Centre Balmès, où ma mère a été hébergée
pendant un mois et demi et l’Unité de soins palliatifs du CHU St Eloi, où ma mère y a fini ses jours.
Je ne peux pas oublier le personnel du « Carrefour Market », de l’Avenue de la justice de
Castelnau, à Montpellier, en particulier « Christel » et « Hélène », les personnes qui s’occupent du
rayon fromages et de la charcuterie, qui à chacune de mes visites au magasin, demandaient toujours
des nouvelles de ma mère.
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Préface
Le livre que je tiens entre les mains étant celui de ma fille, je me devais de la féliciter pour
avoir réussi à mener à bien ce projet. Mon épouse n’est pas pour rien dans ce qu’est devenue notre
fille Chrystèle. Sans son soutien, elle n’aurait sûrement pas pu découvrir ses talents pour l’écriture et
ne serait jamais devenue Docteur en droit.
Dans les moments où je repense à ma femme, je suis choqué de réaliser qu’elle, qui était si
active, à toujours se rendre utile à la maison ou dans le jardin dont elle prenait tant soin, la voilà
maintenant réduite à néant. Comment pouvais-je imaginer, qu’un jour, la femme que j’aime et que je
pouvais tenir dans mes bras allait mourir et être réduite à un tas de cendres, en seulement l’espace de
4 mois et demi ?
Les médecins, eux-mêmes, ont été les premiers à avoir été surpris par la manière foudroyante
avec laquelle elle a été emportée par la maladie.
Enfin, je voudrais terminer par quelques mots sur la maladie.
La SLA ou maladie de Charcot est une maladie que je ne connaissais pas avant que
j’apprenne que ma défunte épouse en était atteinte. J’ai été surprise de la rapidité avec laquelle elle
peut « foudroyer» des vies, pour reprendre le terme utilisé par ma fille.
Il faut vraiment que la recherche sur les maladies neuro dégénératives avance et que l’on
trouve un moyen d’enrayer cette terrible maladie.
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Introduction
Témoigner sur une maladie neurodégénérative, telle que la SLA, est difficilement réalisable
par une personne directement concernée, qui vit la maladie dans sa chair. Comment pouvoir écrire un
livre sur son vécu lorsque l’on n’est plus capable de tenir un stylo ou bien de taper sur son clavier ?
Par contre, les proches aidants peuvent leur prêter main forte et participer eux-mêmes en
partageant leur propre vécu. J’imagine que ma mère n’était pas la seule à avoir écris des tas de petits
mots et que ma réaction de les avoir conservés, afin d’en faire quelque chose un jour, je ne suis pas
l’unique aidante à l’avoir eu.
Ma mère souhaitait écrire ses ressentis et pensait même en avoir le devoir, pour les autres
malades, afin de servir de témoignage. Mais ayant été rapidement dégommée par la maladie, c’est
moi sa fille qui devenais la mieux placée pour prendre la relève, d’autant que j’étais déjà habituée à
témoigner mais sur une autre sclérose, non mortelle celle-ci : la sclérose en plaques.
1/ Pourquoi ce livre ?
Pour mon frère aîné et moi, la période que nous venions de vivre nous paraissant être à la fois
si intense et si irréelle que de partager notre témoignage nous était imposé ! D’une part pour faire
mieux connaître cette maladie mais aussi et surtout pour aider les proches des malades, qui se sentent
bien souvent perdus face à leurs questions, sans oublier les malades eux-mêmes, qui doivent trouver
comment réagir face à l’annonce d’une maladie incurable et mortelle.
S’entendre dire qu’il n’y a rien à faire, que l’on a plus qu’à rentrer chez soi et attendre la fin,
est insoutenable. On a envie d’agir, de lutter contre cette mort programmée.
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Témoigner par écrit sur la fin de vie d’un être aimé est douloureux et implique de mettre sa
pudeur de côté, surtout quand il est question de repenser à différents moments difficiles. Mais pour
autant, je ressentais que j’en avais véritablement besoin, pour faire le deuil de ma mère mais aussi et
surtout pour lui rendre un dernier hommage. C’était un peu comme si de laisser des écrits sur ce
qu’avait été ma mère pour moi et sur ses derniers jours de vie, me permettait de laisser une trace de
son passage sur terre.
Et puis, j’avais toujours voulu écrire la biographie de ma mère, qui me racontait toujours des
tas d’anecdotes mais qui ne pouvait jamais prendre deux heures pour s’installer à une table afin de
me raconter ce qu’avait été son enfance.
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2/ Origines du titre du livre
Le titre « Game over, une vie foudroyée par la SLA » a été choisi après avoir hésité parmi
beaucoup d’autres, dont voici les principaux.
« Il ne manquait plus que SLA »
Un titre de livre pour évoquer la situation vécue dans ma famille : après mon père (grave
accident survenu en 1991) et moi (la sclérose en plaques), c’était maintenant au tour de ma mère ?
Mais elle ne pouvait pas tomber gravement malade, elle qui tenait depuis des années, le rôle
d’aidante.
« Survivre à la SLA, un combat perdu d’avance »
Finalement, il valait mieux se résigner le plus rapidement possible : ma mère ne pourrait pas
être sauvée de cette maladie incurable.
« Plus jamais SLA ! »
C’était vouloir dire « plus jamais ça ! ». Quand on a vécu cette maladie, on ne peut souhaiter
à personne une telle fin de vie.
« L’enfer de la SLA »
Toute personne qui a vécu aux côtés d’une personne atteinte de la SLA ne peut que
comprendre l’utilisation de ce terme « enfer » !
« Fin de vie, Faim de vivre »
Je m’étais rapidement rendue compte que « plus ma mère partait », emportée par la maladie,
et plus je ressentais en moi une faim de vivre.
Cela faisait depuis des années que je souhaitais reprendre du poids, mais le stress chronique
lié à ma vie avec la sclérose en plaques, ajoutée à une gastroparésie, me faisait rester en sous poids.
Le départ programmé de ma mère vers « ce long voyage dont on ne revient jamais » me
faisait prendre conscience de cette « faim de vivre » que je ressentais au fond de moi : la sensation
que la vie est un bien précieux mais éphémère et qu’il ne faut pas vivre dans la retenue avec à l’esprit
ce qu’on pourrait faire un jour, afin de ne rien regretter plus tard. La fin de vie dramatique de ma
mère, puis sa mort, ont été pour moi comme un coup de poignard dans l'estomac et ont provoqué
l’apparition de kilos émotionnels, réellement bienvenus (je suis passée de 39,7 à 45,6 kilos, en
l’espace de 4 mois).
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A sa fin de vie j'ai ressenti une faim de vivre qui m'a emportée et je me suis simplement
laissée faire dans ce tourbillon. Du coup, moi qui faisait jusqu’à présent attention à ce que je
mangeais de peur d'avoir mal à l'estomac, je me suis vue manger de bon appétit et les kilos sont
venus avec l'appétit grandissant.
C’est une véritable leçon de vie que la fin de vie de ma mère m’a apporté
« Game over, une vie dégommée par la SLA »
La définition du mot « dégommer », dans le dictionnaire Larousse est la suivante :
« destituer quelqu'un de ses fonctions, faire tomber quelque chose, quelqu'un en l'atteignant d'un tir,
d'un coup. ». Et comme synonymes, on peut retenir « faire tomber, renverser, renvoyer, destituer,
limoger ».
« Game over » signifie partie terminée. C’est le message qui s'affiche dans un jeu vidéo
lorsque la partie est terminée, soit parce que le joueur a perdu, soit parce que le jeu est fini.
Un tel titre traduisait parfaitement à la fois la rapidité de la maladie et l’intention de ma mère
de « licencier » le personnel de santé qui ne lui plaisait pas, tel que l’infirmière qui la réveillait à
5h30 du matin, en allumant la lumière du plafond qui se situait juste au-dessus de son lit.
« Game Over, une vie foudroyée par la SLA ! »
Le terme « foudroyer » peut avoir plusieurs sens :
1. Frapper, en parlant de la foudre ou d'une décharge électrique
2. Tuer soudainement, brutalement
3. Anéantir moralement
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3/ Quelques mots sur la maladie
La SLA est une maladie qui s’attaque aux neurones moteurs ou « motoneurones » (cellules
nerveuses spécialisées dans la commande des mouvements).
En fonction de la manière dont débute la maladie, on distingue la forme bulbaire (atteinte de
la parole et de la déglutition) et la forme spinale (la moelle épinière étant touchée, cela entraîne une
faiblesse au niveau des membres).
A l’heure actuelle, on ne connaît pas la ou les causes, mais on estime que les facteurs
environnementaux pourraient jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie. Il est possible de
retrouver plusieurs personnes de la même famille atteintes de la SLA (moins de 10% des cas de SLA
sont de type héréditaire).
Pour ceux et celles qui sont intéressées pour en savoir plus sur la maladie, je vous invite à
interroger votre neurologue ou bien à consulter des informations sur le site d’associations telles que
l’ARSLA.
Sachant que je suis atteinte de la Sclérose En Plaques, l’une des questions qui avait été posée
au neurologue était de savoir s’il existait un lien entre les deux pathologies. Non ! Ce sont deux
maladies totalement différentes. La SLA n’est pas une maladie présentant une anomalie du
système immunitaire.
Cette affirmation n’est pas partagée par tous. Pour le laboratoire BETA-INNOV, qui
travaille sur une étude à laquelle j’ai participé, la SLA pourrait être, elle aussi, une maladie auto-
immune, pour laquelle on retrouverait une anomalie du système immunitaire.
A suivre …
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4/ La SLA, une maladie trop mal connue
La maladie de Charcot reste une maladie mal connue par le grand public, sauf par ceux qui
ont connu une personne atteinte de la SLA.
Ma mère avait peur de la maladie d’Alzheimer, parce qu’elle se souvenait de sa grand-mère
qui en avait été atteinte. Elle me disait vouloir être informée du nombre de mois qui lui restaient à
vivre, mais en réalité, je ne pense pas qu’elle y tenait tant que cela.
Elle souhaitait pouvoir s’entretenir avec le neurologue par webcam, puisque se rendre au
CHU était devenu quasiment impossible pour elle, sauf à utiliser une ambulance. Je dois vous avouer
que je n’ai jamais osé proposer une webcam au neurologue. Au fil de la rédaction de ce livre, j’ai eu
envie que ce ne soit pas qu’un témoignage de plus mais un ouvrage utile pour les malades comme
pour les aidants.
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Partie 1 - Ma mère, un « vilain petit canard » ?
Connaître le vécu de ma mère, son histoire, est important pour comprendre ses réactions face
à la maladie.
Chapitre I – Ma mère, son enfance
Sa mère était professeur de mathématiques (ce qui était assez peu courant pour une femme à
l’époque) et son père était médecin (chirurgien diabétologue à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris).
Elle avait une sœur, Michèle, son aînée de 4 ans.
L’enfance de ma mère n’a pas été facile, notamment parce qu’elle a eu à faire face, très jeune,
au deuil de ses parents.
Elle a perdu son père à 5 ans puis sa mère à 14 ans.
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Durant ses premières années de vie, elle et sa sœur ont été prises en charge par leur tante
« Tatie » (sœur de sa mère), afin de les protéger de Paris en guerre et de permettre à leurs parents de
travailler. Elles ont ainsi toutes les deux vécues dans une maison de campagne en Normandie, à
Ormes, ce qui a permis à ma mère d’être mise en contact très tôt avec la nature et les animaux.
Après le décès de sa mère, elle a été placée tout de suite en pension par sa tante, ce qui a été
vécue par ma mère comme un véritable abandon, d’autant que sa sœur Michèle n’avait pas subi le
même sort.
Je sais très peu de choses sur mes grands parents maternels, tout simplement parce que ma
mère a vécu avec eux très peu de temps. J’ai appris à les connaître via les anecdotes que ma mère
nous racontait lors des repas pris en famille.
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Le fait que son père l’ait déclarée le 11 février au lieu du 10, lui avait fait penser qu’elle
n’était pas réellement désirée. Elle se voyait comme le « vilain petit canard » du conte pour enfants
écrit par Hans Christian Andersen (repris en tant que court métrage d'animation par les studios
Disney).
Comme anecdote assez frappante, ma mère nous avait raconté qu’enfant elle s’était enfoncée
un clou rouillé dans le nez, afin de se faire remarquer ! Ceci avait eu pour conséquence des sinusites
à répétition.
J’ai aussi le souvenir d’une histoire que notre mère nous racontait souvent, lorsqu’on lui
posait des questions sur son père. Petite, elle avait était si impressionnée par ce grand monsieur en
blouse blanche, qu’elle en avait fait pipi sur son beau tapis.
Sa vie en pension n’était pas très agréable pour elle, ayant été rapidement prise en grippe par
l’institutrice, du fait que sa mère, professeur de mathématiques à ce même lycée, avait puni sa fille
un jour.
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Ma mère a grandi de manière assez solitaire. Elle adorait se promener dans les rues de Paris
lors de ses escapades improvisées. Elle s’échappait du monde des adultes en se réfugiant dans les
romans historiques qu’elle empruntait à la bibliothèque du lycée et qu’elle lisait tranquillement en se
mettant sur le balcon de sa chambre (seul endroit où on ne risquait pas de la trouver !).
Elle adorait la nature et les animaux.
Dessin réalisé par ma mère, quand elle était jeune
Pourtant bonne dessinatrice, elle a entrepris des études de physique chimie, sa tante ne
souhaitant pas qu’elle entre aux Beaux-arts.
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Chapitre II – Ma mère, sa famille et sa vie professionnelle
Lorsqu’elle et mon père se sont mariés, ils ont assez rapidement décidé d’avoir des enfants.
Ma mère était très contente d’avoir eu trois enfants et d’avoir consacré des années à nous
élever.
Une fois mon plus jeune frère âgé de 15 ans, ma mère a décidé qu’il était temps pour elle de
travailler. Elle souhaitait acquérir une certaine indépendance vis-à-vis de mon père et surtout elle
souhaitait se sentir utile.
Les aléas de la vie ont fait qu’elle a suivi des études de comptabilité et trouvé un emploi dans
un syndic de copropriété immobilière. Elle avait du mérite à se mettre à travailler à son âge, après
avoir été mère au foyer durant plus de 15 ans. Et ce, d’autant plus que mon père ne l’incitait pas
vraiment à devenir indépendante financièrement. Avec son métier d’ingénieur (en agro alimentaire),
au CIRAD (près d’AGROPOLIS), il n’était pas nécessaire pour elle de travailler !
En août 1991, mon père - qui était un passionné de vol libre - a fait une grave chute en delta-
plane, qui la rendue traumatisé crânien, avec pour conséquence d’être aphasique (difficultés
d’élocution) et hémiplégique.
Ma mère, qui travaillait alors depuis plusieurs mois sur Antibes, a décidé de tout abandonner
et de revenir sur Montpellier, pour s’occuper de lui à sa sortie du centre de rééducation.
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Chapitre III – Ma mère, devenue le « pilier de la famille »
Depuis plusieurs années, ma mère avait pris le rôle de « pilier de la famille ».
Je l’aidais au quotidien pour s’occuper de mon père et j’étais, je pense, une véritable présence
pour elle, tout autant qu’elle l’était aussi pour moi.
Ma mère ayant toujours été déçue par les médecins, elle ne leur accordait pas sa confiance. Il
faut dire que ma propre histoire personnelle (des années d’errance médicale avant de savoir que
j’étais atteinte de la sclérose en plaques) ajoutée à la sienne (le cancer de sa mère n’avait pas été
diagnostiqué à temps par les médecins de l’époque), n’a pas permis de changer la donne !
Nous avions le projet d’un livre commun qui aurait pour titre « Ces docteurs à côté de la
plaque » ! Elle devait s’occuper des illustrations du livre et moi de la partie rédactionnelle. Cela
devra se faire sans elle.
Elle a été très présente à mes côtés durant toutes ces années de questionnement. Elle faisait
partie des rares personnes à entendre ma douleur et à me prendre au sérieux quand je lui confiais la
nature de mes troubles. La SEP a débuté par de la fatigue chronique et par des engourdissements qui
ont été reconnus comme de la spasmophilie. Par la suite, quand j’ai sombré dans la dépression et la
phobie sociale, ma mère m’a accueillie avec bienveillance et sans jugement.
Quand on m’a annoncé le diagnostic de la maladie, elle était à nouveau à mes côtés, tout
comme moi je l’ai été pour elle lorsque le neurologue a rendu le diagnostic de la SLA.
Bref, nous avons toujours été très complices, elle et moi.
Si j’avais à parler de ma mère comme d’une amie, je dirais qu’elle était une personne sur qui
on pouvait compter. Elle n’accordait pas sa confiance facilement mais quand s’engageait …
Elle avait toujours eu peur d’avoir un jour la maladie d’Alzheimer, pour avoir vu sa grand-
mère en être atteinte, mais elle ne connaissait pas la SLA …
Etant une personne indépendante et solitaire, mais aussi très active, elle ne pouvait pas
supporter de voir ses capacités s’amoindrir, jusqu’à devenir totalement dépendante d’autrui.
La SLA était véritablement LA maladie qui ne fallait surtout pas qu’elle déclare !
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Quand j’ai compris que c’était bien la maladie de Charcot dont elle était atteinte, j’ai su que
les mois à venir allaient être un enfer pour elle … et pour nous aussi !
Mais ce n’était pas comparable à ce qu’elle vivait dans sa tête « enfermée / coincée » dans ce
nouveau corps qui lui était devenu étranger.
Avoir la SLA c’était pour elle devoir « vivre en direct sa propre mort ».
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Partie 2 - Quand la SLA entre en action
Ma mère était rarement malade. Mis à part son problème de sinusites chroniques et de
migraines ophtalmiques, ajouté à des douleurs dorsales, elle n’était pas une personne fragile au
niveau santé.
Dès le début de l’année 2015, je m’étais rendue compte de ses difficultés de déglutition
quand elle cherchait à avaler ses gélules de « grande camomille » (complément alimentaire destiné à
réduire la survenue de migraines ophtalmiques). Mais elle me répondait que le médecin généraliste
n’allait pas s’intéresser à sa santé, qu’il avait déjà suffisamment à faire entre ma SEP et la santé de
mon père.
C’était un peu comme si elle ne s’autorisait pas à être malade !
Un jour, alors qu’on prenait le thé ensemble, elle avait tout recraché ce qu’elle avait dans la
bouche. Je n’avais pas bien compris ce qui venait de se passer, mais comme elle avait pris cela à la
rigolade, j’avais compris qu’il ne fallait pas lui poser de questions.
En début d’été, je lui faisais remarquer qu’elle parlait bizarrement : « Maman articule, je ne
comprends rien à ce que tu dis ! ». Ce à quoi elle m’avait répondu qu’elle ne faisait pas exprès !
Elle m’avait, une fois, parlée de son impression de ressentir une certaine instabilité
lorsqu’elle marchait dans le jardin. Mais elle n’était jamais tombée et elle ne pensait pas que c’était
en lien avec ses difficultés de parole et de déglutition.
Quelques jours plus tard, le kiné de mon père me prenait à part pour m’alerter. Il me
conseillait d’appeler le médecin, pensant qu’elle avait fait un AVC. J’étais tout à fait d’accord avec
lui sur le fait qu’il fallait absolument appeler au plus vite le médecin généraliste.
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Chapitre I - L’attente du diagnostic officiel
Après en avoir parlé à ma mère, j’avais donc appelé le médecin de famille qui était venu dans
la semaine pour la voir.
Partant sur la piste d’un accident vasculaire cérébral, mais tout en envisageant d’autres
hypothèses possibles (sans toutefois nous préciser lesquelles), il lui avait prescrit un scanner ainsi
qu’un bilan cardiaque. Il avait également laissé un courrier destiné à un neurologue.
Les différents examens n’ayant rien donné, le jour de la réalisation du scanner la radiologue
de la clinique avait permis à ma mère de passer une IRM en urgence. Ce dernier examen n’ayant rien
révélé d’anormal non plus, il ne restait plus qu’à consulter (au plus vite) un neurologue. C’est ce qui
lui avait été proposé le jour même de la réalisation du scanner. Ma mère avait fait le choix d’une
neurologue, celle-ci lui ayant été présentée comme une personne très à l’écoute et compétente.
Le rendez-vous était donc pris : le 31 août 2015 au matin.
Encore 1 mois à attendre !
A priori, l’hypothèse de l’AVC était écartée. Euh … pas par tout le monde !
Certaines personnes autour d’elle ne pouvaient pas s’empêcher de proposer leur propre
diagnostic. Ainsi, pour le dentiste de mon père, il s’agissait d’un « AVC invisible », qui pouvait ne
pas se voir au scanner et à l’IRM. Il disait avec ironie qu’il était persuadé que c’était mon père qui
était en train de tuer ma mère ! Il faisait allusion à la patience de ma mère vis-à-vis de mon père
qu’elle aidait au quotidien depuis des années.
Durant ce mois d’attente, je pensais qu’il était important que ma mère puisse en profiter pour
« se reposer » à la maison. Ma tante, sœur de mon père, avait rapidement proposé de prendre son
frère avec elle à la montagne pour tout le mois d’août.
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1/ Repos forcé de ma mère
A l’époque où mon père était parti à l’Aigoual, l’hypothèse d’un AVC était encore possible.
Mon père étant inquiet (ce n’était pas le seul !), il était préférable de le faire partir, afin de ne pas
rajouter de la tension nerveuse à ma mère !
Elle et moi avons donc passé tout le mois d’août ensemble. Elle avait pu profiter de la
piscine, du jardin et des chats. Bref elle s’était réellement reposée.
2/ L’hypothèse de l’AVC écartée
Plus le temps passait et plus l’hypothèse de l’AVC était peu probable.
Comme je l’avais fait pour moi durant la période d’attente du diagnostic de sclérose en
plaques, je m’étais lancée sur Internet à la recherche de maladies pouvant provoquer des problèmes
d’élocution. J’étais alors tombée sur un article qui parlait de la maladie de Parkinson. Je n’étais pas
sûre de mon diagnostic mais je savais au fond de moi qu’il s’agissait d’une maladie grave, je le
sentais. Mais il me fallait apprendre la patience. Encore quelques semaines et on allait enfin savoir !
3/ Un rendez-vous au CHU tant attendu
Ce fameux rendez-vous avec la neurologue de la clinique, ma mère et moi l’attendions avec
impatience.
On allait enfin savoir !
« Essayez de siffler » « Tirez la langue ».
Après avoir donné quelques ordres un peu surprenants, et lui avoir vérifié ses réflexes au
niveau des bras et des jambes, la neurologue s’était remise à son bureau pour nous expliquer qu’il
nous fallait nous rendre au CHU.
« Docteur, vous pensez que c’est quoi ? ».
Je pense que si je ne lui avais pas posé directement la question, elle n’aurait certainement rien
dit de plus.
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Cela ressemble à une « paralysie musculaire progressive ».
La neurologue nous expliquait qu’on allait devoir se rendre au CHU, à l’unité des
motoneurones, chez le Docteur P., pour passer les examens qui étaient nécessaires à l’établissement
du diagnostic. Le docteur était censé appeler le CHU et nous rappeler (au plus vite on pensait !) pour
nous donner la date du rendez-vous avec le CHU.
Comble de l’ironie, ma mère est morte de la SLA sans avoir eu le temps de passer ces soit
disant examens indispensables au diagnostic !
À l’issue de cette consultation, le malaise était palpable.
Ma mère et moi étions sorties de cette consultation en étant restées sur notre faim. On ne
comprenait pas que l’on nous fasse rentrer ainsi à la maison, sans nous avoir permis de mettre des
mots sur ce mal qui rongeait ma mère à petits feux. Il nous fallait encore attendre ! Attendre qu’on
nous téléphone. Mais la maladie – elle – n’attendait pas : l’état de ma mère empirait chaque jour.
Pourtant, ma mère aurait souhaité être informée afin d’avoir le temps de se préparer à
« partir ». C’était ce qu’elle m’avait dit. Mais en réalité, je pense qu’elle aurait eu bien du mal à
accepter ce terrible diagnostic. Elle avait peur de sa fin de vie, de savoir comment elle allait finir ses
jours. Dans les moments d’angoisse, elle réclamait de pouvoir partir en Suisse pour être euthanasiée.
Au bout de 15 jours sans nouvelles, je voulais une explication sur le pourquoi on nous laissait
dans cette solitude et dans cette attente qui était devenue insupportable.
Je décidais d’écrire à la neurologue. Sa lettre en retour expliquait que contrairement à ce que
j’avais écris, selon elle, il n’y avait pas d’errance médicale et que l’attente était de la faute du CHU,
qui ne nous avait pas encore appelé !
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Au final, trois semaines s’étaient écoulées avant que le CHU ne nous téléphone pour nous
dire : « Appelez le CHU pour convenir d’un rendez-vous avec le docteur P. ».
Si j’avais su qu’on allait devoir attendre 3 semaines pour s’entendre dire cela, je pense que
j’aurais décroché moi-même le téléphone dès le 31 août, afin d’appeler le CHU !
4/ Il faut encore attendre !
Au mois de septembre, la SLA était la maladie que je redoutais, mais il nous fallait encore
attendre. Ma mère ne voulait pas que j’en parle, tant que le diagnostic officiel n’était pas rendu. Elle
désignait la SLA sous un nom camouflé pour ne pas que l’entourage comprenne de quoi on parlait :
la « MDC » pour maladie de Charcot.
Cette période d’attente me rappelait celle vécue, durant les trois semaines de comas de mon père,
lorsqu’il était au service de réanimation/soins intensifs au CHU Guy de Chauliac. Période pendant
laquelle je m’étais 1 000 fois demandée si mon père allait décéder ou bien survivre à une telle
épreuve. Pour ma mère, la question était de savoir si la maladie dont elle souffrait allait l’emporter
dans l’année ou bien si elle en avait encore pour plusieurs années.
Personne n’aurait osé répondre, la SLA est une maladie tellement sournoise et imprévisible !
5/ Un lourd secret à garder
J’en voulais donc encore plus fortement à cette neurologue de ne pas avoir osé nous parler du
diagnostic qu’elle suspectait. Ne rien nous dire c’était nous faire perdre du temps et nous contraindre
au silence. Je comprenais bien qu’avant d’annoncer un tel diagnostic il valait mieux être sûr de son
diagnostic, mais en nous faisant ainsi attendre, ce n’était vraiment pas nous rendre service.
J’avais bien compris qu’elle suspectait la maladie de Charcot, puisque ma mère avait à se
rendre au Centre de la SLA ! Mais je n’avais pas le droit d’en parler, j’étais tenue au secret, ma mère
refusant qu’on en parle tant que le diagnostic n’aurait pas été annoncé officiellement par un
neurologue.
Je tenais entre mes mains un secret bien trop lourd pour moi toute seule.
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J’étais révoltée de réaliser que ma mère avait elle aussi une « sclérose » et qu’il s’agissait
d’une maladie mortelle. Je n’arrivais pas à m’y faire à l’idée. Vu l’évolution rapide de son état, je
sentais bien que le temps était compté. Le pire c’est que je ne pouvais pas lui parler de ce qui me
préoccupait le plus parce que la maladie la rendait hyper émotive.
Elle me disait « Chrystèle ne me donne pas d’émotions fortes, je n’ai pas besoin de ça ».
6/ Un mois de septembre plein de rebondissements
Le mois de septembre 2015 était une période d’attente de confirmation du diagnostic d’une
maladie grave et mortelle, que je redoutais.
J’avais bien du mal à vivre avec ce lourd secret, à tel point que cela me mettait dans un état
émotionnel perturbant et difficile. Et bien sûr, il y a toujours des gens pour profiter du malheur qui
vous tombe dessus. C’était justement ce qui allait m’arriver ce matin là, en étant victime d’une
« arnaque au rétroviseur » !
De retour de ma séance de kinésithérapie, je me trouvais dans le quartier hôpitaux-facultés,
quand un fort bruit venait me surprendre, au passage d’une voiture. Je ne comprenais pas du tout ce
qui venait de se passer. Arrivée à la hauteur du feu tricolore, une personne était sortie de la voiture
pour venir me parler. Le conducteur me disait que je venais de percuter sa voiture. Bref, étant sous le
choc émotionnel de la situation familiale actuelle, je n’étais pas capable de réagir alors que je
comprenais que j’étais en train de me faire arnaquer ! Ce monsieur tentait de me convaincre que
j’étais l’auteur des rayures sur sa voiture et comme elle était neuve, il ne pouvait pas la laisser dans
un tel état. Il m’avait demandé de sortir de l’argent au distributeur pour pouvoir payer la réparation.
Il m’expliquait que c’était une meilleure solution que de remplir un constat !
J’étais ainsi délestée de 150 euros. Je m’en sortais plutôt bien vu qu’il avait réduit la somme
quand il avait compris que je souffrais de sclérose en plaques, que mon père était une personne
handicapée et que ma mère allait peut-être décéder rapidement de la maladie de Charcot !
Durant cette même période, je m’étais entretenue un jour avec ma kinée sur l’état de santé de
ma mère, afin d’avoir son avis. Elle m’avait confié qu’une amie de sa mère souffrait de la SLA. Je
n’avais pas été surprise d’apprendre que les troubles de ma mère étaient assez similaires et lui
faisaient donc penser à la maladie de Charcot.
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De retour de la séance, je tentais d’annoncer à ma mère qu’il fallait se préparer à recevoir une
mauvaise nouvelle par rapport à sa santé. Je lui confiais que jamais je ne pourrais accepter un tel
diagnostic pour elle. Après tout ce qu’on avait traversé, je ne pouvais pas accepter ce qui lui arrivait.
Je trouvais ça tellement injuste ! Je pleurais sans pouvoir m’arrêter, en pensant que ma mère allait
mourir de cette maladie.
J’étais surprise de l’entendre dire, pour tenter de me consoler : « Arrête d’anticiper
chrystèle ! ». Elle qui était toujours la première à vouloir anticiper les évènements. Cette fois-ci, elle
me demandait d’attendre.
En ayant vraiment marre d’attendre, une idée m’avait traversé l’esprit : « et si je contactais
par moi-même ce fameux neurologue du CHU ? », d’autant qu’il m’avait déjà eu comme patiente
(pour ma sclérose en plaques). J’étais donc entrée en contact avec lui par email. Il nous avait alors
appris que le rendez-vous demandé par la neurologue n’était qu’une « simple consultation » et non
des examens à passer.
En attendant ce jour (le jeudi 1er
octobre 2015), j’avais rendez-vous avec mon neurologue, un
Professeur de ce même CHU, dans le cadre d’un suivi de la sclérose en plaques. Je lui demandais s’il
était d’accord pour recevoir ma mère lors de ma consultation.
C’était ainsi que le diagnostic de la maladie de Charcot, que je suspectais, nous était annoncé
officiellement, le lundi 21 septembre 2015. Il tentait de nous rassurer en nous expliquant que
maintenant ma mère allait être bien prise en charge, mais cela ne pouvait suffire à nous en
convaincre.
Ma mère me contraignait encore au silence, afin de ne pas inquiéter mon père et la famille
pour rien.
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Chapitre II - L’annonce du diagnostic de la SLA
Le jeudi 1er
octobre 2015, j’accompagnais ma mère au CHU Guy de CHAULIAC, à
Montpellier, à la Clinique du motoneurone.
Cela n’était pas facile de nous retrouver dans cet endroit. Huit ans plus tôt c’était ma mère qui
m’accompagnait à ce même CHU pour recevoir confirmation de ma SEP. Je me sentais toute drôle à
me retrouver avec elle ici, pour recevoir la confirmation d’un tout autre diagnostic : celui de la
maladie de Charcot. Le terme de « motoneurone » évoquait donc quelque chose de négatif pour moi :
un pronostic très sombre.
1/ Dans la salle d’attente
Ce matin-là, on pouvait voir des personnes atteintes de la SLA qui attendaient dans la salle
d’attente. Une se trouvait allongée dans un brancard et parlait très difficilement. Sa voix était
désagréable à entendre, d’autant qu’elle passait son temps à dire à sa fille « J’en ai marre ! ».
L’autre était en fauteuil roulant, avec un appareil fixé à l’arrière et des tuyaux dans le nez
pour l’aider à respirer.
Ma mère m’avait dit : « Chrystèle, tu ne me laisseras jamais arriver à un tel stade, s’il te
plais. Je ne veux pas connaître ça ». Malheureusement, je crois qu’elle a connu bien pire.
Je comprenais qu’elle était choquée de voir dans quel état se trouvaient ces personnes et je
réalisais également qu’elle n’avait donc pas encore réellement réalisé que c’est ce qui l’attendait
aussi, pour les mois ou pour les années à venir, personne ne pouvait le dire. Le neurologue nous avait
expliqué lors de la consultation que ces personnes avaient déjà plusieurs mois de maladie derrière
elles. Il cherchait à rassurer ma mère, mais quand on sait que la maladie l’a dégommée en seulement
4 mois et demi !
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Sur le moment, elle me faisait penser aux personnes qui pensent en voyant une personne en
fauteuil roulant que jamais elles ne pourraient supporter une vie de personnes handicapées. En fait,
on ne réalise pas tout ce dont on est capable de supporter tant qu’on n’y est pas confronté soi-même.
L’état de ces deux femmes que je voyais ne me surprenait pas, vu qu’on était au Centre de la
SLA ! Je savais que la SLA était une « belle saloperie » de maladie. Donc je m’attendais bien à ce
que ma mère connaisse des moments atroces à vivre. Elle portait un regard de personne valide sur
ces deux Dames.
Etrangement, ma mère qui disait souvent vouloir partir en Suisse pour y être euthanasiée afin
de ne pas connaître une fin de vie avec la SLA s’est accrochée à la vie jusqu’à son tout dernier
souffle de vie. Comme on dit « tant qu’il y a de la vie, y a de l’espoir ». Je trouve ça beau.
Ma mère disait vouloir mourir dans la dignité. Pour elle, cela signifiait qu’elle ne voulait pas
finir sa vie en soins palliatifs.
Selon le docteur de l’Unité de soins palliatifs au CHU de ST Eloi, on soigne non pas des
mourants mais des êtres vivants. Cela veut dire que ces personnes ont le droit au respect et qu’il faut
les considérer comme des êtres vivants jusqu’à leur dernier souffle de vie. Autrement dit, notre
regard doit les « porter » et non les rabaisser.
2/ La consultation
Au bout d’une heure passée dans la salle d’attente, le Docteur P. nous recevait ma mère et
moi.
Après nous avoir rappelé ce pourquoi nous étions là (obtenir la confirmation du diagnostic
suspecté par sa collègue mais qui ne nous avait pas été révélé), il lui avait posé plusieurs
questions qui portaient sur son passé familial en rapport avec l’existence ou non de maladies neuro-
dégénératives. Ma mère étant orpheline jeune, ces questions étaient douloureuses pour elle puisque
cela lui rappelait qu’elle ne savait pas grand-chose sur ses parents et sa famille. Puis il lui demandait
si elle avait été en contact avec des toxines.
Une fois terminé l’examen clinique habituellement pratiqué pour une telle pathologie, il se
remettait à son bureau pour taper le compte rendu à délivrer à sa consœur.
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Ma mère semblait se délecter de prendre tout son temps pour se rhabiller et remettre ses
chaussures, pendant que le neurologue attendait qu’elle soit prête pour lui annoncer le fameux
diagnostic d’une maladie grave et mortelle. Elle me donnait l’impression de n’être pas du tout
pressée de l’entendre ce diagnostique, de chercher à retarder l’arrivée de ce moment au maximum.
Le Docteur : « Qu’est-ce que vous a dit la neurologue ? »
Ma mère : « Rien ! »
Il lui expliquait qu’elle présentait bien des signes de la maladie de Charcot et qu’elle allait
recevoir un traitement destiné à freiner l’évolution de la maladie (du RILUTEK et de la vitamine E)
et avoir droit à des séances de kiné et d’orthophonie).
Il poursuivait en prodiguant des conseils tels que de ne jamais dépasser les limites de sa
fatigue parce que cela pouvait avoir pour conséquence de faire évoluer la maladie plus vite.
Ma mère étant une personne très active allait avoir bien du mal à suivre un tel conseil …
Ensuite il remplissait les divers documents à nous remettre (prescription pour des séances de
kiné, prescription pour se procurer à la pharmacie le traitement à prendre), et nous demandait si on
avait des questions à lui poser. Ma mère voulait savoir combien de temps il lui restait à vivre. Il
répondait que c’était variable selon les personnes : de 6 mois à 2-3 ans en moyenne.
Le CHU devait rappeler ma mère pour convenir du rendez-vous fixé pour la réalisation des
examens pour lesquels nous étions venues spécialement au CHU.
Nous n’étions pas vraiment surpris de cette annonce, puisque nous le savions déjà par le
neurologue qui me suivait dans le cadre de la SEP.
Une fois la consultation terminée, nous avions été voir l’assistante sociale pour savoir
comment lancer au plus vite la procédure d’aides sociales auxquelles ma mère et moi avions droit :
APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) et PCH (Prestation de Compensation du Handicap).
Ma mère s’inquiétait beaucoup de savoir ce que mon père et moi allions devenir sans elle,
sachant que jusqu’à l’apparition de sa maladie c’était elle qui s’occupait du ménage, des courses, des
papiers, etc.
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3/ Une promesse faite à ma mère, bien difficile à tenir
Le jour où le diagnostic que je suspectais était confirmé j’avais fait la promesse à ma mère de
l’accompagner jusqu’à la fin. Cela voulait dire pour moi d’être à ses côtés jusqu’à son dernier souffle
de vie.
Elle me disait ne pas avoir le temps de déprimer : « J’ai tant de choses à faire avant de
partir ! »
Je me souviens avoir pleuré une fois arrivée dans la voiture pour la raccompagner à la maison
(elle ne pouvait plus conduire). Je trouvais tellement injuste ce qui lui arrivait !
Quand on était rentrées à la maison vers 13h, mon père nous attendait. Ma mère avait fait le
choix de ne rien lui dire afin de le protéger pendant encore quelques jours et de ne pas être harcelées
de questions.
Durant tout les deux mois d’été, ma mère avait encore espoir de pouvoir retrouver la parole.
Le dentiste de mon père lui avait même dit que cela pouvait prendre des mois après un AVC.
Elle en souriait même lorsque mon frère Patrice lui avait fait la blague de lui dire de s’inscrire
aux alcooliques anonymes (sa manière de parler donnait l’impression qu’elle était saoule). Mais une
fois qu’elle avait compris qu’elle ne pourrait plus jamais parler comme avant la tristesse, l’angoisse
et le désespoir avaient remplacé ses sourires et sa bonne humeur.
Une fois plongée dans le silence imposée par la maladie, ma mère ne pouvait plus du tout être
la même personne.
Une fois le diagnostic officiellement annoncé et confirmé par deux neurologues, je cherchais
à me procurer le maximum d’informations sur cette terrible maladie. C’était ainsi que je découvrais
le nom de plusieurs associations, ainsi que l’existence d’un film documentaire dans lequel
apparaissait l’actrice Clémentine Célarié. Mes parents n’avaient pas souhaité le voir. Je comprenais
bien que cela leur était trop difficile d’anticiper le futur de ma mère. A l’inverse, moi je voulais me
préparer au pire qui risquait d’arriver.
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Chapitre III - La descente aux enfers porte un nom : la SLA
Une fois le diagnostic de la SLA annoncé officiellement, la famille pouvait être prévenue.
J’étais donc enfin libérée d’un lourd secret.
Personne ne pouvait savoir comment la maladie allait évoluer pour ma mère. Il nous fallait
attendre et réagir en conséquence.
Au lieu de rester impuissants et d’assister sans rien faire à son déclin, mon frère aîné, Jean-
François, avait mené des recherches sur Internet. Il m’avait parlé de l’existence d’un livre écrit par
un américain, atteint de la SLA qui avait réussi à en guérir au moyen d’un programme de
« désintoxication ». Sachant qu’en France, on ne nous proposait aucun traitement pour guérir de cette
maladie, nous étions motivés pour expérimenter des choses afin de tenter de sauver notre mère.
J’achetais rapidement ce livre et mon frère se chargeait de le traduire en français. Il était venu
à la maison plusieurs fois le week-end afin de se filmer en vidéo en train de traduire des passages du
livre à ma mère, qui l’écoutait avec attention. J’étais censée faire ensuite la synthèse de tout ce
contenu, qui comportait plusieurs volets de solutions alternatives possibles, dont la piste intoxication
aux métaux lourds et la piste psychologique (décodage biologique).
Durant tout le mois de novembre, nous nous étions beaucoup investis car on y croyait, ou
plutôt on avait envie d’y croire ! Ma mère était d’accord pour essayer ce que mon frère lui proposait
et en même temps elle ne voulait pas se montrer dans cet état. Donc elle restait réticente à honorer les
rendez-vous avec un magnétiseur, un praticien en réflexologie. Pour le psy, il n’en était pas
question !
Souhaitant être encadré au niveau médical, mon frère avait fini par trouver un médecin
généraliste un peu « hors norme », qui avait accepté de le recevoir. Des examens réalisés en
laboratoire étaient proposés et ont pu être réalisés mais les résultats n’ont pu être exploités avant le
décès de notre mère.
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Son état physique se dégradait de jour en jour, à tel point qu’elle ne pouvait plus ni se
doucher ni s’habiller. Et comme elle refusait toute aide extérieure, ce n’était pas facile de savoir
comment réagir en conséquence sans la blesser.
Elle se sentait si mal de se montrer ainsi. C’était un peu comme si à la fois elle aurait bien
aimé pouvoir guérir grâce à mon frère et à ses solutions alternatives et en même temps qu’elle était
pressée de pouvoir partir se cacher pour mourir.
Les chutes devenant de plus en plus rapprochées et nombreuses, cela devenait véritablement
urgent de faire quelque chose. Ma mère ne pouvait déjà plus parler : pour se faire comprendre elle
devait écrire. Elle avait de plus en plus de mal à avaler, à boire, à manger.
Elle n’était capable que de déambuler toute la journée. Elle ne pouvait plus être l’aidante
qu’elle avait toujours été pour mon père, puis pour moi.
Il n’était donc plus question de compter sur elle pour faire le ménage, nos lits et pour aller
faire les courses. Elle ne pouvait pas non plus continuer à brosser ses trois chats persans (que j’avais
fini par devoir tondre).
Elle comptait beaucoup sur moi et refusait toute aide de l’extérieur comme elle l’avait
toujours fait.
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1/ Le mois des chutes
Durant les mois d’octobre et de novembre, j’attendais d’obtenir un retour de nos démarches
sociales. Il nous fallait une assistante de vie pour nous aider à la maison, entre les courses et le
ménage.
Je restais en observation pour savoir si la maladie allait évoluer rapidement ou non.
Chute n° 1
La première chute de ma mère, c’était un matin du mois d’octobre. Un rendez-vous avait été
pris avec une coiffeuse à domicile. En entrant avec elle dans la maison après lui avoir ouvert la porte,
j’avais vu ma mère par terre dans le salon. J’avais rapidement compris qu’elle venait de tomber. La
dame qui était près de moi avait demandé à ma mère si elle souhaitait qu’on l’aide à se relever :
« Non ! ». Ma mère avait réussi tant bien que mal à se remettre debout et avait même reçu les
félicitations de la coiffeuse, qui semblait bien comprendre la situation.
Je ne me doutais pas alors que cette première chute allait être le début d’une longue série de
chutes à la maison.
Assez rapidement ma mère avait compris l’importance de se faire aider par un outil : le
déambulateur. Mais cela ne l’avait pas toujours empêché de faire des chutes.
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Chute n° 2
La deuxième chute nous avait conduites à devoir appeler les pompiers.
Il devait être environ 23 heures quand mon père m’appelait : « Chrystèle, viens ! Ta maman
est tombée par terre. »
Sans plus attendre, j’étais descendue le plus rapidement possible des escaliers (autant que cela
est possible quand on est atteinte d’une sclérose en plaques progressive !).
Effectivement ma mère était tombée du canapé sur lequel elle était assise pour voir la télé. Je
comprenais vite que ma mère souhaitait que j’appelle les pompiers.
Ne connaissant pas le numéro, j’étais remontée dans ma chambre pour chercher sur Internet
le téléphone des pompiers. Je les avais appelés en leur expliquant pourquoi je leur demandais
d’intervenir.
Après être redescendue pour ouvrir la porte d’entrée et pour prévenir mes parents, je m’étais
assise sur l’une des chaises de l’entrée afin d’attendre l’arrivée des pompiers.
J’avais vu une lumière bleue clignoter avant de voir entrer trois grands gaillards à la maison.
Après avoir posé quelques questions sur l’état de santé de ma mère, ils avaient sortis des gants bleus
pour se protéger les mains avant de porter ma mère en la prenant par les bras. En un court laps de
temps, ma mère était relevée et posée sur une chaise dans le salon ! Il n’était plus question pour elle
de prendre le risque de se mettre sur le vieux canapé, bien trop affaissé par le poids des années.
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Le problème des chutes, c’est qu’une fois par terre ma mère ne pouvait plus ce relever seule.
Ni mon père ni moi ne pouvions l’aider à se mettre debout.
Chute n° 3
Un soir où elle avait voulu sortir sa chatte persane Accalmie dans le jardin, elle n’avait pas vu
l’aspirateur qui se trouvait derrière la chaise. Le bruit qu’elle avait fait en tombant était tellement
énorme que je m’étais levée de ma chaise pour allais la voir, alors que j’étais en train de dîner avec
mon père. Elle était allongée le dos au sol. Heureusement, elle ne s’était pas faite mal.
Mon père surpris de me voir quitter la table était venu lui poser la question suivante : « tu es
tombée ? ». Ce à quoi je lui avais répondue, du tac au tac : « Non, non, maman était juste un peu
fatiguée … elle s’est dit, allez, je m’allonge par terre pour faire un petit somme ! ». A cet
instant, j’avais regardé ma mère et toutes les deux nous nous étions mises à pouffer de rire.
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Chute n° 4
Ce matin là ma mère avait voulu sortir encore la chatte dans le jardin et malheureusement elle
avait raté la petite marche, de telle sorte qu’elle était tombée sans pouvoir ensuite se relever. Mon
père avait alerté le jardinier qui se trouvait à travailler dans le jardin. Etant quelqu’un de costaud, il
avait réussi à la relever sans difficultés.
Chute n° 5
Un soir du mois de novembre, en voulant étendre le linge ma mère était tombée. Je l’avais
retrouvée par terre en bas des escaliers et je ne parvenais pas à la remettre debout. Devais-je appeler
les pompiers une nouvelle fois ? Non, je préférais faire appel à un voisin. Il avait eu beaucoup de mal
à la lever mais il avait fini par réussir.
Chute n° 6
Un après-midi, cette fois-ci, une fois sortie des toilettes et voulant monter les escaliers pour
aller rejoindre sa chambre à l’étage, elle avait renversé la corbeille de clés se trouvant dans l’entrée.
Monsieur D. venant souvent à la maison durant cette période, c’était lui à qui j’avais fait appel pour
venir nous aider.
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Chute n° 7
On avait fait à nouveau appel aux pompiers, le jour où ma mère était tombée du lit médicalisé
que l’on venait de recevoir. C’était la première nuit où elle avait été mise en bas. Elle était folle
d’avoir chuté du lit en pleine nuit : il était 4 heures du matin quand j’avais entendu les bruits de la
clochette qu’elle tapait sur le sol comme elle pouvait. Elle se plaignait de douleurs aux cervicales, du
fait de sa mauvaise chute.
On avait eu tant de mal à lui faire accepter de renoncer à son lit à eau qu’elle avait dans sa
chambre à l’étage, pour adopter ce nouveau lit médicalisé qui avait installé dans le salon. La maison
avait été aménagée avec l’aide de mon frère Jean-François afin que notre mère puisse venir installer
une pièce pour elle en bas.
En attendant de pouvoir aménager un lieu de vie pour elle, le lit médicalisé avait été mis dans
le salon. Le problème c’est que la personne qui nous avait livré le lit n’avait pas prit la peine de nous
expliquer qu’il fallait lever la barre de sécurité lorsque la personne était allongée dans le lit.
Les pompiers étaient donc venus encore une fois.
Le lendemain, ma mère m’avait dit ne plus vouloir du lit médicalisé. Elle voulait son lit à
eau !
Elle avait du mal à accepter que cela n’allait pas être possible, en raison de son état de santé
qui allait nécessiter de plus en plus de soins médicaux.
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2/ Ma mère condamnée au silence, déambule en robe de chambre
Début novembre, ma mère ne parlait plus du tout. Elle passait ses journées à déambuler, de
peur de ne pas pouvoir se relever.
Elle ne pouvait plus se faire comprendre car elle était devenue inaudible.
Pour elle, cela représentait une réelle souffrance. Elle qui aimait beaucoup parler pendant les
repas notamment, elle avait beaucoup de peine à être enfermée dans le silence.
Pour l’aider à communiquer, je lui avais proposé de présenter un pouce en l’air, pour dire
« ok » quand elle était d’accord.
Je lui avais également acheté un IPAD pour qu’elle puisse à nouveau « parler » via une
application qui transformait le texte en son. Elle l’avait très peu utilisé car cela devenait compliqué
pour elle de taper sur le clavier.
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Finalement, elle avait préféré se servir des outils suivants :
- Le traditionnel carnet de notes, avec un feutre (parce qu’utiliser un style à bille devenait
difficile, ne pouvant plus appuyer sur la feuille pour écrire)
- Une tablette graphique, qui lui permettait d’utiliser ses ongles pour écrire. Puis d’une
simple touche, elle pouvait effacer tout le texte pour écrire à nouveau !
- Un clavier virtuel que je lui avais confectionné sur mon ordinateur. Il lui suffisait de nous
montrer chaque lettre d’un mot, avec un de ses doigts. Au début, c’était facile, bien que lent
avant de pouvoir comprendre le mot qu’elle voulait former. A la fin de sa vie, ma mère ne
parvenait plus bien à isoler chaque lettre avec sa main.
A B C D E F G H I J K L M
N O P Q R S T U V W X Y Z
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Un peu comme une âme en peine, on la voyait passer ses journées à déambuler de pièces en
pièces, sans pouvoir aller se coucher toute seule ni pouvoir se déshabiller, à tel point qu’elle avait
fini par décider de rester en permanence en pyjamas.
Un tel comportement, que ma mère ne pouvait pas contrôler, a certainement du précipiter
l’évolution de la maladie. Pour rappel, le neurologue nous avait bien conseillé de ne jamais la laisser
se fatiguer !
3/ Arrêt du traitement
Le neurologue avait prescrit un traitement pour ma mère, censé freiner l’évolution de la
maladie : le RILUTEK et de la vitamine E.
Très rapidement, je comprenais que ma mère avait beaucoup de mal à prendre son traitement.
Il fallait attendre 30 minutes entre la prise du médicament et le début du repas. Ceci la mettait un peu
à part parce que, nous, on commençait à manger, mais elle devait attendre. Déjà qu’elle avait
beaucoup de mal à avaler alors la c’était la cata. Même avec l’astuce de mettre ses comprimés et
gélules dans la compote de pommes, cela devenait très compliqué pour elle.
Je ne souhaitais pas insister pour qu’elle prenne ses médicaments. Même à la limite je disais
maman si c’est plus une contrainte qu’autre chose arrête le. C’est ce qu’elle avait fini par faire.
Le neurologue m’avait dit de ne pas insister pour que ma mère continue à le prendre, parce
que finalement le traitement n’était peut-être pas utile sur elle.
Là j’ai compris que ma maire était condamnée à brève échéance. C’était dur mais c’était la
réalité.
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4/ Des relations difficiles avec l’orthophoniste et les kinésithérapeutes
Des séances de kinésithérapie ainsi que d’orthophonie avaient été prescrites par le neurologue
à ma mère. Il avait bien prit soin de noter sur la prescription qu’il ne fallait pas faire faire d’efforts à
la patiente.
Malgré tout, le premier kiné qui était venu à domicile, n’avait pas du tout respecté les
recommandations du neurologue, ce qui m’avait rendu folle.
Trouver un kiné qui accepte de venir à domicile n’est pas toujours facile.
Un matin où j’étais occupée avec la conseillère financière de mes parents, le kiné était venu
pour s’occuper de ma mère. Installés dans la pièce d’à côté, il était censé faire ce qui était noté sur
l’ordonnance du neurologue, à savoir des mobilisations douces, des étirements et des massages. Mais
au lieu de cela, il lui avait fait faire des étirements et des mobilisations actives de la jambe. Je
l’entendais lui dire de pousser. Je ne comprenais pas, parce que le neurologue avait pourtant bien
marqué « pas d’efforts ».
Dans les jours qui suivaient, je l’avais fait remplacer par une kiné femme. Elle lui pratiquait
des mobilisations et des massages des cervicales et du dos. Tout allait bien jusqu’au jour où ma mère
s’était plainte d’avoir mal au bas du dos à cause, selon elle, des manipulations de la kiné.
J’étais donc amenée à arrêter toutes les séances de kiné pour ma mère. Ce n’était pas facile
pour moi d’avoir à prendre un rendez-vous puis de devoir tout annuler le lendemain. Un jour, elle
disait oui et le jour d’après elle disait non ! Ainsi, j’avais l’impression de passer mon temps à prendre
des rendez-vous pour ensuite les annuler.
Au début, ma mère voyait l’orthophoniste de mon père, avec qui elle s’entendait bien. Mais
celle-ci avait fini par me dire qu’elle ne pourrait pas continuer avec ma mère parce que elle ne
pouvait pas lui accorder le temps nécessaire. Elle nous avait donc proposé de voir une consœur.
Avec elle, cela c’était très mal passé. Elle avait eu la maladresse de lui dire qu’un jour on
aurait à lui poser une gastrotomie. Ma mère était contre parce que pour elle, manger et boire de
manière artificielle ce n’était plus être vivant. Déjà, cela avait été fort compliqué pour fixer les
séances : l’orthophoniste en conseillait 2 par semaine, ma mère ne voulait pas de séance avant 9
heures et pas l’après midi, en raison de sa fatigue. Bref j’avais rapidement fini par annuler avec cette
orthophoniste.
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Donc, elle ne voyait plus ni kiné ni orthophoniste !
Mais une chance qu’avant d’avoir été « licenciée » par ma mère (le mot qu’elle utilisait pour
congédier le personnel médical ou autre qui ne lui convenait plus) elle avait eu le temps de nous
donner le nom d’un jeune kiné qu’elle recommandait pour bien s’entendre avec les personnes
atteintes de la SLA.
Effectivement, ce jeune homme qui apparaissait assez efface et très à l’écoute, avait bien plu
à ma mère. Lui n’a jamais été licencié par ma mère, mais par la maladie … Il semblait vraiment bien
connaître la maladie, contrairement aux deux précédents.
Ma mère n’a jamais reçu de sonde dans l’estomac. A la place, on lui avait proposé le Picc
line (Peripherally Inserted Central Cathéter), un cathéter veineux central inséré via une veine
périphérique du bras, afin de la maintenir hydratée et de l’alimenter.
5/ Mon rôle d’aidante
Ma mère savait qu’elle pouvait compter sur moi en toutes circonstances, comme moi je
pouvais aussi compter sur elle. La connaissant bien et habituée à être à son écoute, elle était rassurée
de savoir que s’il y avait un problème elle pouvait m’en parler : j’essayais toujours de l’aider à
trouver une solution. Comme par exemple pour ses migraines ophtalmiques, on avait trouvé
l’utilisation d’un complément alimentaire « la grande camomille ».
La maladie ne cessant d’évoluer de jours en jours, j’étais assez rapidement devenue son
aidante, par la force des choses.
Pour la toilette, elle s’était toujours débrouillée toute seule, mais depuis que la maladie avait
évolué, elle avait beaucoup de difficultés pour entrer dans la baignoire. Elle qui n’aimait que les
bains devait se résigner à ne prendre plus que des douches. Sauf que depuis peu de temps elle n’osait
même plus se laver, de peur de ne plus pouvoir se relever et sortir de la baignoire. Alors, je lui avais
proposé d’y déposer une des chaises blanches en plastique qui se trouvaient dans le jardin. Ceci était
une aide intéressante pendant un temps seulement.
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Petit à petit, on s’était rendu compte qu’elle ne pouvait plus du tout prendre de douche. Ce
n’est pas qu’elle ne voulait pas mais c’est qu’elle ne pouvait plus. À partir du mois de décembre, ma
mère ne pouvant plus rentrer dans la baignoire, elle ne se lavait plus. Elle attendait la fin des travaux
que Monsieur D. était en train de réaliser dans la salle de douche, en bas.
Elle en avait marre de cette puanteur qu’elle dégageait (c’était le terme même qu’elle
utilisait), mais elle ne pouvait pas envisager d’être lavée par un infirmier.
Un jour, elle était venue me voir pour m’expliquer qu’elle avait des boutons rouges sous la
poitrine. En fait, les muscles pectoraux s’étant atrophiés, ses seins s’étaient affaissés. Elle avait des
mycoses sous la poitrine.
Un autre jour, c’était pour me demander ma brosse à dents, car elle ne pouvait plus utiliser sa
brosse à dents électrique. J’étais outrée d’apprendre que la maladie l’empêchait d’ouvrir la
bouche comme elle le souhaitait !
Pour se sécher et se coiffer les cheveux, elle venait me voir dans ma chambre.
Je lui mettais et lui retirais ses chaussettes et sa robe de chambre, à la demande.
Pour les repas, je lui cherchais des alternatives à certains aliments qu’elle ne pouvait plus
consommer, tels que la viande, du fait qu’elle ne pouvait plus mastiquer : purée de pommes de terre,
purée de carottes, purée d’épinards, compote de pommes.
Avoir à prendre son traitement l’isolait de plus en plus parce qu’elle devait attendre 30
minutes avant de pouvoir manger avec nous. Elle avait été un peu soulagée le jour où elle avait
appris qu’elle pouvait plus facilement avaler le comprimé en le mettant dans une petite cuillère
remplie de compote de pommes.
Boire lui était devenu très difficile car elle ne parvenait plus à fermer les lèvres. Mon père et
moi étions très triste pour elle lorsqu’elle se mettait à tout recracher ce qu’elle avait eu tant de mal à
mettre dans la bouche, pour finir par se lever et se retourner pour pleurer en sanglots. Nous ne
pouvions alors rien faire pour elle …
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Pour le coucher, elle venait taper à ma porte pour me prévenir qu’elle allait bientôt se
coucher. Elle voulait savoir si je pouvais l’aider à retirer ses chaussettes et la border dans son lit.
Bien sûr, je disais toujours oui !
Mais cela devenait de plus en plus difficile pour moi. Je voyais bien que j’étais limitée dans
ms gestes. Cela la faisait rigoler quand elle me voyait peiner pour la déplacer dans son lit, en la
tenant par les pieds ! Je finissais totalement par m’épuiser.
Quand elle se trouvait dans la cuisine et qu’elle se levait de sa chaise pour aller boire au
robinet, je ne pouvais pas ne pas aller la voir. J’avais peur qu’elle ne tombe à la renverse. Et quand
elle se mettait à pleurer en sanglots, c’était horrible à vivre.
Je faisais le maximum pour continuer à l’aider autant que je le pouvais. Mais du haut de mes
40 kilos fillette, je peinais à la faire se lever de sa chaise. Je me plaçais derrière elle et je profitais
d’un « allez ! » pour la lever d’un coup et surtout l’empêcher de retomber sur sa chaise ! A tout
moment, j’avais peur qu’elle ne chute.
Le comble c’est que pour elle, je me sous estimais ! Elle me disait que j’étais capable. Oui
mais elle ne réalisait pas que c’était un effort surhumain pour moi.
Pour tout vous dire, je finissais par penser que je devrais tomber devant elle pour qu’elle
comprenne que je n’en pouvais plus. J’attendais avec impatience le moment où elle ne pourrait plus
déambuler du salon à la cuisine. C’était culpabilisant de penser cela mais je voulais tant qu’elle
arrête de prendre des risques !
Même si j’étais devenue son aidante, j’étais avant tout sa fille. Moi sa fille j’avais peur
qu’elle s’étouffe en faisant des fausses routes. Même si j’avais dit être ok pour qu’elle puisse finir ses
jours à la maison, je me rendais compte que pour moi c’était devenu trop difficile. Les écrits de son
neurologue avec qui je restais en contact par email n’étaient pas là pour me rassurer !
« Malheureusement, l’issue de sa maladie est proche, que ce soit chez vous ou à l’hôpital.
Le lieu ne changera malheureusement pas l’évolution inéluctable de sa maladie. »
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Je n’étais pas la seule aidante de ma mère. Mon père aussi l’était devenu.
Lui qui avait plus de 81 ans et traumatisé crânien depuis 25 ans, suite à un grave accident de
delta plane, je l’avais vu – à ma grande surprise - se lever à la fin du repas pour venir aider ma mère
à débarrasser la table et à remplir la machine. Jusqu’à présent, c’était ma mère qui était la personne
qui chaque jour remplissait la machine à laver la vaisselle. Alors, là, mon père qui se levait pour
l’aider ! Cela montrait bien à quel point il était attristé par son état.
Avec mon père, on ne savait pas comment lui expliquer qu’elle devait arrêter de vouloir
s’occuper de tâches qu’elle ne pouvait plus assumer sans risques, et qui faisait évoluer la maladie
(dans le mauvais sens !).
Le jour où elle m’avait écrit sur un bout de papier « je vais sortir les poubelles. Si je ne suis
pas rentrée dans les 10 minutes, appelle les pompiers car c’est que je suis tombée », je m’étais
mise en colère contre elle. « Non maman, tu vas arrêter de sortir les poubelles ! Cela peut
attendre demain ! »
Parfois, je me demandais si cela ne l’amusait pas un peu. Ci-dessous, le dessin de son
hypothétique chute qu’elle avait imaginé pouvoir bientôt arriver.
Dessin réalisé par ma mère fin novembre 2015
Mais ma mère n’était pas prête à abandonner son rôle d’aidante ! Elle avait conscience de son
état mais elle souhaitait continuer à être active le plus longtemps possible, d’autant que nous ne
bénéficions alors d’aucune aide ménagère !
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Le ménage et les courses à faire, en plus d’avoir à m’occuper des repas, de répondre aux
besoins de ma mère, de mon père et des chats, c’était bien trop pour moi !
« Patou », chat Persan lilac point
Ma mère ne pouvant plus brosser ses chats persans, ces derniers étaient pleins de bourres !
Elle était malheureuse de ne plus pouvoir entretenir ses chats et de voir la maison dans un tel
désordre.
Pour me faire aider pour les courses, en attendant d’obtenir l’APA pour ma mère et la PCH
pour moi, en procédure d’urgence, j’avais eu l’idée de recourir au service du « drive in » de
CARREFOUR Market.
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Au mois de novembre, ma mère avait déclaré une crise de sinusites. Ne pouvant plus se
déplacer, on avait fait venir un médecin en recourant à un service d’urgence. Ma mère et mois étions
surprises que ce docteur avait considéré que son état était, je cite : « pas bien méchant ! », parce que
lorsque l’on souffre de la SLA, avoir du mal à respirer est bien loin d’être « pas bien méchant » !
Encore un qui va pouvoir figurer dans notre livre « Ces docteurs à côté de la plaque » !
6/ Des aides spontanées bienvenues
Ma tante José, la sœur de mon père, ainsi que mon oncle Marcel, ont été très présents pour
moi. J’en reparlerais dans la partie suivante qui concerne l’hospitalisation de ma mère au centre de la
SLA.
Dessin réalisé par ma mère
Comme aide qui s’était présentée, je citerais Monsieur D. qui était plusieurs fois venue à la
maison pour rendre divers services à ma mère, tels que la construction d’un puisard pour tenter
d’enrayer le problème d’inondations. C’était également lui qui s’était occupée de la cloison à
construire dans la salle à manger, afin de permettre à ma mère de dormir en bas.
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Au début du mois de décembre 2015, j’avais très peur pour ma mère qui s’étouffait de plus en
plus, surtout lors des repas ou quand elle devait boire ou avaler ses médicaments.
Ce jour là, nous étions bientôt l’heure de midi : je me demandais ce que j’allais bien pouvoir
faire à manger pour ma mère. Je l’entendais tousser comme si elle était en train de s’étouffer avec sa
salive. Mon père et moi étions inquiets pour elle. A tel point que j’étais à deux doigts d’appeler les
urgences. Je ne savais pas quoi faire …
Comme à chaque fois que Monsieur D était présent à la maison, je me sentais rassurée car je
savais que s’il arrivait quoi que ce soit, je serais aidée.
Ma mère ne réalisait pas vraiment ce que l’on vivait au niveau émotionnel !
Elle écrivait ceci : « ce n’est pas la première fois que je m’étouffe. Ils ont peur pour
rien ! ».
Elle ne comprenait pas que j’avais peur que ce soit la « dernière fois » qu’elle s’étouffe pour
de bon !
Nous voyant un peu (beaucoup !) en panique, Monsieur D. s’était proposé pour lui faire à
manger.
« Moi je vais vous la faire la purée ! Mes enfants disent que je sais bien la faire. »
Il nous avait bien dépannés, parce que pour moi c’était difficile d’avoir à tout faire : entre le
repas à préparer pour mon père et pour moi, lui couper la viande et sans oublier le thon à donner aux
chats (ma mère ne pouvait pas manger tant que les chats n’avaient pas été servis !).
Monsieur D. était intervenu à plusieurs reprises pour aider ma mère à se lever, et c’était aussi
lui qui l’avait remise debout après certaines de ses chutes.
Ma mère était très souvent à me solliciter. Je comprenais bien qu’il était plus simple pour elle
de faire appel à moi plutôt qu’aux assistantes de vie, mais elle semblait parfois (souvent) oublier que
j’avais moi aussi une maladie (la sclérose en plaques), qui ne me permettait pas d’être aussi vaillante
que j’aurais voulu l’être pour elle.
Le jour où je m’étais mise à pleurer devant mon impuissance à l’empêcher de se lever et de
déambuler sans cesse dans la maison, j’avais été bien contente de ne pas être seule. Le kiné de mon
père, ainsi que Monsieur D. étaient présents.
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Je me souviendrais toujours de la remarque que ce dernier m’avait faite :
« Votre mère a bien de la chance de vous avoir ! ».
Cette phrase était la bienvenue car, durant cette période, je doutais beaucoup de moi. Je ne
pensais pas du tout être la personne de la situation, ma mère ayant besoin de « gros bras ». Mais il
fallait bien accepter que personne ne pouvait stopper la maladie et permettre à ma mère de marcher
de nouveau, comme elle aurait tant souhaité pouvoir le faire.
7/ Pas de panique, j’arrive !
Avant tout, il faut connaître les habitudes qu’avaient mes parents.
Ils appréciaient de pouvoir rester dans le salon à regarder la TV, en compagnie des 3 chats
persans.
À plusieurs reprises, mon père m’avait appelé pour que j’intervienne.
Il faut dire que la communication entre mes parents était devenue difficile. Imaginez une
personne traumatisée crânienne et aphasique communiquer avec une personne souffrant d’une SLA
de forme bulbaire : l’une a du mal à trouver ses mots et l’autre ne communique plus que par écrit !
Mon père avait toujours eu beaucoup de mal à utiliser la télécommande de la télé et du DVD.
Cela mettait ma mère souvent en rogne, surtout quand il lui arrivait de changer le canal de la TV, car
alors ils ne pouvaient plus rien voir !
C’était dans ces moments là que j’entendais ma mère entrer en colère contre mon père. Mais
c’était mon père qui m’appelait du bas des escaliers.
« Chrystèle, viens ! La TV ne marche plus ! ».
« Oui, enfin … Tu veux dire que tu as encore fait une connerie papa ! »
Enfin arrivée dans le salon, je constatais une fois de plus que mon père avait changé le canal
du lecteur enregistreur du DVD. Comprenant l’origine du problème, je modifiais alors le canal et
tout rentrait dans l’ordre. Ma mère pouvait être rassurée et moi je pouvais remonter dans ma
chambre.
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Un jour, de retour à la maison après ma séance chez la kinée, j’étais surprise de voir mon
père, seul dans la salle à manger, en train de lire. La porte de la cuisine était fermée.
Il m’avait dit : « Maman me fait la gueule. »
« Ah bon ? Je vais allée la voir et lui parler. »
J’entrais dans la cuisine et demandais à ma mère ce qui s’était passé.
« Je ne fais la gueule à personne. J’ai simplement besoin d’être tranquille pour prendre
mon petit-déjeuner. »
Bien souvent, mon père ne comprenant pas les réactions de ma mère, ce qui la mettait alors
en colère contre lui, j’avais inventé un petit smiley pour qu’elle puisse expliquer rapidement à mon
père qu’il se trompait.
Il s’agissait d’un petit personnage qui tirait la langue et disait « Tu ne comprends rien, t’es
nul ! ». Cela avait fait beaucoup rire ma mère, mais elle ne l’avait pas utilisé pour autant.
Quand ma mère se mettait en rogne, j’intervenais pour expliquer à mon père la situation et
pour permettre à ma mère de retrouver son calme.
A plusieurs reprises, on avait eu droit à un « combat de déambulateurs », chacun de mes
parents ayant le sien. Ainsi, un jour, j’avais retrouvé mon père ne sachant pas quoi faire car ma mère
lui avait pris son déambulateur pour le lancer au loin. Mon père était dans la cuisine et son
déambulateur dans le salon ! J’avais tenté de le rassurer en lui rapportant son déambulateur car mon
père se sentait complètement impuissant sans son aide technique pour marcher.
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Une autre fois, la scène s’était passée dans l’entrée du bas. Ma mère était folle contre mon
père qui ne comprenait pas qu’elle voulait simplement étendre sa robe de chambre sur la rambarde
des escaliers, tandis que lui ne voulait pas la laisser faire, pensant qu’elle voulait monter les escaliers
avec sa robe de chambre dans les mains ! J’étais descendue des escaliers pour savoir ce qu’il se
passait et là je m’étais mise à rire tellement ils étaient comiques : l’une en rage de ne pas être
comprise et l’autre complètement terrorisé par ma mère qui avait repoussé son déambulateur au loin
pour tenter de lui faire comprendre qu’elle voulait qu’il dégage ! J’avais prié à mon père d’aller dans
sa chambre et j’avais aidé ma mère à aller se coucher dans son lit, après avoir monté ensemble les
escaliers.
8/ Intervention de l’association SPHERES
Le réseau SPHERES (Soins Palliatifs Hôpitaux Et Réseaux Externes de Santé) est une
association Loi de 1901 (crée en 2003), qui nous avait été proposée par le neurologue du centre de la
SLA, après que je lui avais confié par mail ne plus m’en sortir seule.
Il m’avait donc parlée de ce réseau SPHERES qui accompagne les patients atteints de
maladies graves et avancées dont le projet est le maintien au domicile. L’objectif est d’accompagner
le patient, son entourage et ses intervenants, en leur offrant une écoute et un soutien.
Un matin de décembre, l’équipe de l’association était venue pour nous voir, dont une
infirmière et un psychologue. Cela avait été profitable à ma mère parce qu’elle avait pu un peu
s’exprimer (par écrit) sur ce qu’elle ressentait. Elle leur avait confié avoir vécue une enfance
difficile, que son rôle d’aidant était peut-être la cause de l’apparition de sa maladie. Elle avait pleuré
en racontant qu’elle avait imaginé une autre fin pour elle. Ma mère et moi avions espéré pouvoir
profiter de la vie, le jour où elle n’aurait plus à s’occuper de son mari comme elle le faisait depuis
des années. Elle voulait se remettre au dessin et à la peinture. Elle aurait bien aimé aussi pouvoir
visiter les châteaux de la Loire. On avait également notre projet de livre « Des docteurs à côté de la
plaque ». Elle avait toujours trouvé des tas de raisons pour repousser à demain ce qui lui tenait à
cœur de faire.
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L’intervention de cette association avait été un peu comme une « respiration » durant cette
période difficile.
Sur les conseils de l’orthophoniste de mon père et de ma kinée, qui m’avaient alertée sur
l’état de santé de ma mère qui était en danger et sur l’importance de faire quelque chose, j’avais
décidé d’appeler le médecin généraliste.
9/ Hospitalisation en urgence
Le mercredi 10 décembre 1015 le généraliste avait pris la décision d’hospitaliser ma mère,
bien que cette dernière n’était pas du tout d’accord.
L’état de ma mère était mauvais ce matin-là. L’assistante de vie avait eu beaucoup de mal à la
lever. Elle ne tenait plus sur jambes.
Mais ma mère ne voulait pas partir au CHU. Elle devait sûrement se dire que de quitter la
maison c’était le début de la fin pour elle. Mais il fallait bien qu’elle accepte le verdict du médecin :
elle était déshydratée et dénutrie.
Assise sur la chaise blanche en plastique dans sa chambre, elle tentait de montrer qu’elle
pouvait encore se lever, parce qu’elle ne voulait surtout pas partir. Mais elle ne pouvait plus du tout
se lever sans aide ! Elle ne comprenait pas parce qu’elle le pouvait encore hier …
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Je voyais ma mère faire des efforts surhumains pour tenter de se lever de sa chaise, mais sans
y parvenir. Sa tête tapait contre le mur à chaque tentative. Pendant ce temps là, le médecin était dans
le couloir de l’entrée du haut et cherchait à joindre une ambulance.
Je l’appelais afin qu’il m’aide à convaincre ma mère d’arrêter au plus vite d’essayer de se
lever seule.
Moi : « Docteur ! Docteur ! Venez ! Ma mère se tape la tête contre le mur, elle va se faire
mal ! »
Le docteur : « Madame Bourély, arrêtez ! »
Ma mère s’était alors mise à pleurer et demandait à pouvoir ne partir que lundi prochain, une
fois que son lit à eau serait descendu en bas et sa chambre préparée pour la recevoir.
Le médecin lui répondait qu’il ne pouvait pas repousser son entrée au CHU, vu son état.
J’étais rassurée de savoir ma mère partir au CHU car sinon elle aurait fait descendre son lit à
eau dans l’ancienne salle à manger pour rien, vu qu’il lui fallait un lit médicalisé. Je savais que ce
dernier allait devenir indispensable pour qu’elle puisse recevoir des soins en hospitalisation à
domicile.
Le docteur avait bien compris, lui aussi, que ma mère prenait sans cesse des risques en restant
à la maison qui n’avait pas du tout été aménagée pour faire face à son état. Elle pouvait, à tout
moment, tomber dans les escaliers ou bien faire une fausse route. Mon père et moi étions impuissants
à la prendre en charge correctement.
On ne pouvait que constater son état de déshydratation et de dénutrition qui justifiait son
départ au CHU, pour au moins quelques jours, le temps qu’on installe une hospitalisation à domicile.
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« Le Docteur B : licencié ! »
C’était un véritable déchirement d’imposer à ma mère de partir mais c’était une décision
indispensable à prendre.
« La Messe est dite »
Comme l’avait exprimé le médecin généraliste par cette expression, la maladie avait avancé
bien trop vite et il n’était plus possible de faire « machine arrière » !
Après avoir passé plusieurs heures aux urgences, ma mère était transférée au centre de la SLA
pour y recevoir des examens qui confirmaient l’aggravation de son état.
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Partie 3 - Quand la SLA tue ma mère à petits feux
Avec l’hospitalisation de ma mère au CHU de Montpellier, au Centre de la SLA, on peut dire
qu’une étape est franchie.
Après avoir été envoyée aux urgences où elle y était restée durant six heures environ, ma
mère avait fini par être transférée dans une chambre au Centre de la SLA.
Son hospitalisation, qui avait duré du jeudi 10 décembre au mercredi 16 décembre 2015, était
réellement nécessaire puisque les examens qu’on lui avait fait passer avaient confirmé l’aggravation
de son état de santé.
Ma mère ne se sentait pas du tout bien à l’hôpital. J’étais allée la voir le dimanche mais
manque de chance, elle devait partir pour qu’on lui installe un cathéter dans le bras pour remplacer la
sonde gastrique pour l’alimenter, qu’elle refusait.
Ma mère s’était plainte qu’on voulait la forcer à avaler leur « bouffe infecte » et qu’un des
infirmiers la terrorisait. Je n’avais jamais pu savoir pourquoi elle m’avait dit ça (je parle de l’un des
deux infirmiers du CHU, pas de la nourriture du CHU !).
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Elle était pressée de pouvoir rentrer à la maison au plus vite et se demandait pourquoi on lui
avait posé une sonde urinaire.
Etant toujours en contact par email avec son neurologue, j’avais fait passer le message qu’elle
souhaitait qu’on lui retire la sonde quand elle serait de retour à la maison.
Chapitre I : Retour de ma mère pour une semaine en Hospitalisation à domicile
(Du 17 au 23 décembre 2015)
L’hospitalisation à domicile était censée avoir été demandée par le médecin généraliste
traitant. En réalité, ce dernier s’était contenté d’envoyer ma mère aux urgences. Il était ensuite parti
une semaine en vacances, sans se soucier de la suite.
C’était, donc, très certainement un médecin hospitalier du Centre de la SLA qui s’était occupé
de prévenir l’HAD. Le nom d’une HAD m’avait été donné par le kiné qui suivait ma mère.
1/ Qu’est-ce que l’Hospitalisation à domicile (HAD) ?
Une HAD est mise en place pour des patients de tout âge, qui sont atteints de pathologies
graves, aiguës ou chroniques, évolutives et/ou instables, et qui, à défaut, seraient hospitalisés en
établissement de santé.
L’admission en HAD est obligatoirement soumise à prescription médicale et doit recueillir
l’accord explicite du patient et/ou de sa famille et du médecin traitant.
L’HAD peut être demandée par le médecin traitant d’un patient dont l’état de santé
s’aggrave, justifiant ainsi une hospitalisation, mais dont le souhait est de rester à son domicile, ou
bien le placement se fait par un médecin hospitalier, leur retour à domicile faisant suite à une
hospitalisation dans un hôpital ou une clinique après un problème de santé sérieux. L’objectif de
l’HAD est d’éviter un séjour à l’hôpital ou en clinique.
HAD = l’hôpital à la maison !
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Il s’agit de soins financés à 100% par l’assurance maladie. La prise en charge est organisée
par le médecin coordonnateur en collaboration avec les médecins traitant et hospitaliers. Le suivi de
la prise en charge s’effectue par des visites des infirmières coordinatrices au domicile du patient au
moins chaque semaine.
Le délai moyen de prise en charge d’une HAD est de 48 heures, à partir de la date de la
demande émanant du médecin.
Pour la fin de la prise en charge, le médecin coordonnateur rédige un compte rendu
d’hospitalisation, transmis ensuite au médecin prescripteur et au médecin traitant. A la fin du séjour,
un questionnaire de satisfaction (moi je l’ai reçu par téléphone) présent dans le dossier d’accueil
remis lors de l’admission, permet d’exprimer son appréciation sur l’HAD.
L’infirmier qui intervient dans le cadre de l’HAD doit avoir signé une convention avec
l’établissement de l’HAD. Une astreinte téléphonique existe : une infirmière coordinatrice répond
24h/24h et 7 jours/7 à tous les appels d’urgence. Les horaires d’intervention des infirmiers/aides
soignants sont communiqués lors de l’admission.
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2/ L’hospitalisation au domicile des BOURELY : les emmerdes à domicile !
Une fois ma mère de retour à la maison, la pièce du bas était installée pour la recevoir. La
salle à manger avait été aménagée par Monsieur D. qui avait posé spécialement une cloison, afin de
pouvoir permettre une isolation. On pensait que cela suffirait pour que ma mère puisse avoir son
intimité, notamment au moment des soins infirmiers. En réalité, la cloison n’était jamais tirée !
Ma mère refusait les aides de vie pour elle. Elle préférait faire appel à moi. Je le comprenais
bien, mais le problème c’est que je me sentais bien vite débordée par tout ce que j’avais à gérer.
La maison était devenue une véritable auberge espagnole, avec ses visites incessantes des
infirmiers, de l’HAD, du kiné et des assistantes de vie (celles envoyées au titre de l’APA accordée en
procédure d’urgence pour ma mère et celles auxquelles j’avais droit au titre de la PCH).
Un soir, une jeune femme avait été envoyée par l’association qui gérait les aides de vie pour
ma mère. Elle avait pour mission de l’aider à manger. Effectivement, on avait besoin d’une personne
pour s’occuper de ma mère pour nous permettre de dîner sans être interrompue toutes les 5 minutes.
Mais il n’était pas question de l’aide à manger puisqu’elle était perfusée pour recevoir une
alimentation artificielle ! Elle n’avait droit qu’à de la « nourriture plaisir ».
Mon père et moi pensions que cela s’était bien passé, puisqu’on entendait ma mère répondre
à la jeune femme par écrit : « Vous faisiez quoi comme travail ? Ah, comptable ! ». Mais dès la fin
du dîner, ma mère m’avait demandée : « Qui m’as-tu envoyée pendant que vous dîniez papa et
toi ? Elle m’a saoulée pendant une bonne heure ! ». Et elle avait ajouté : « Je n’ai pas besoin
d’une gamine ! Je veux un homme costaud pour m’aider à marcher ! ». Décidément, on avait
tout faux !
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Le lendemain soit, c’était une autre jeune femme qui avait été envoyée par l’association qui
gérait les aides de vie pour ma mère. Après avoir rangé quelques assiettes dans la cuisine, elle avait
tenu à venir se présenter à ma mère. Elle n’était pas restée très longtemps dans sa chambre, étant
effrayée par les gémissements et les cris de ma mère ! Elle s’était alors empressée d’aller faire signer
sa feuille de présence à mon père, afin de pouvoir partir au plus vite de la maison !
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L’hospitalisation domicile était pour mon père et pour moi, ni plus ni moins, que « les
emmerdes à domicile » !
Entre les « bip-bip » de la machine, les allers-venues de l’équipe soignante et les cris, pleurs
et gémissements de ma mère, de jour comme de nuit, 7 jours d’HAD étaient véritablement le
maximum que nous pouvions tenir. C’était difficile de reconnaître que l’HAD était un échec et
d’avoir à faire partir maman de la maison, mais si on avait continué ainsi c’est mon père et moi qui
nous serions retrouvés à l’hôpital !
Les soins infirmiers
Après l’expérience vécue d’une première douche donnée par un infirmier, ma mère m’avait
dit préférer une femme plutôt qu’un homme. Elle trouvait que cet infirmier pratiquait les soins
intimes de manière un peu trop brutale selon elle.
La première rencontre avec cet infirmier, sympa au demeurant, avait été un peu spéciale. Il
devait être à la maison à 11h mais il n’était venu qu’à 13h, au moment où ma mère s’apprêtait à
déjeuner avec mon père et moi !
Sur le moment, j’étais contente pour elle (et pour nous !) qu’elle se soit enfin douchée, après
un mois sans avoir pu se laver. Mais rapidement après j’avais compris que la séance ne s’était pas
passée si bien que cela pour elle. Dès le départ, je l’avais vu commencer à la déshabiller alors qu’il
était en train de me parler, sans avoir fermé la porte de la salle de douche. Selon lui, il lui faudrait
rapidement un infirmier homme car la maladie allait la rendre invalide. Son état de santé serait trop
difficile à gérer pour une infirmière.
Finalement, c’était ce même infirmier (ainsi que les deux autres infirmiers faisant partis du
même cabinet) qui s’était occupée de ma mère durant la semaine d’HAD. Elle m’avait confiée plutôt
l’apprécier, contrairement à celui qui refusait de lui mettre un pyjama en prétextant qu’au CHU on
n’en met pas non plus !
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Le problème principal avec lui, c’était le non respect des horaires donnés pour ses
interventions pour les soins. Un jour, il était même parti au « clash », pour cette raison, avec
l’assistante de vie Véronique qui avait osé lui faire la remarque.
Pour l’autre infirmier du même cabinet, c’était les conditions dans lesquelles il prodiguait les
soins à ma mère : il ne fermait jamais la cloison de la chambre.
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Le jour où j’avais fait la remarque à mon père qu’il n’avait pas à rester là, l’infirmier avait
réagi en disant que la présence de mon père ne le dérangeait nullement. Il n’avait pas du tout compris
que je parlais de ma mère, parce que ELLE ça la dérangeait qu’on lui lave le derrière ou qu’on la
change aux yeux de tout le monde !
Un soir il avait refusé de mettre un pyjama à ma mère et un autre soir il l’avait laissé dormir
avec un haut de pyjama tout sale.
Ma mère était tous les jours coiffée avec les cheveux tirés en arrière. Après le passage de
l’infirmier, je prenais la brosse à cheveux pour la coiffer comme elle aimait : la frange dans le bon
sens !
Elle n’aimait pas non plus avoir du « sent bon » sur elle. Alors, j’avais pris soin de
« planquer » la lotion pour le visage que l’infirmier avait pris dans la chambre de ma mère pour lui
en badigeonner le dos !
Les réveils nocturnes
Durant toute la semaine d’hospitalisation à domicile, il n’y avait pas eu une nuit durant
laquelle on avait pu dormir en continue.
La machine bipait en pleine nuit ou bien ma mère nous réveillait pour que j’aille lui
déclencher l’antalgique en perfusion ou encore pour lui éteindre la lumière que mon père avait laissé.
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Parfois, la machine bipait aussi durant la journée !
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Les gémissements et les cris de ma mère
Ma mère ne supportant pas son état de personne « condamnée au silence » et de son
incapacité à marcher, elle ne pouvait plus que gémir, pleurer ou crier pour s’exprimer. Je comprenais
que ce qu’elle vivait était un enfer, qu’elle était dans le désespoir le plus total, mais de la voir et de
l’entendre ainsi souffrir devenait pour nous aussi un enfer.
Plusieurs semaines après le décès de ma mère, j’avais repensé à cette fameuse nuit où elle
s’était mise à hurler de détresse, lorsqu’elle avait compris que l’infirmier lui avait mis de la morphine
alors qu’elle n’en voulait pas. Je n’aurais pas du la laisser ainsi mais appeler l’infirmière d’astreinte
afin de la placer sous calmant pour lui permettre de trouver le repos.
Quand il faut prendre une décision …
Au 5ème
jour d’HAD, j’avais décidé de contacter le neurologue qui suivait ma mère au CHU
pour le prévenir que je ne m’en sortais pas. Mon père et moi ne dormions plus et dans la journée
j’étais constamment sollicitée. Il m’avait alors expliqué qu’il allait cherché à trouver une place pour
ma mère dans un centre d’hébergement pour personnes âges dépendantes ou bien dans un centre de
soins palliatifs.
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Voici pour illustrer mes propos, la description détaillée du déroulement des journées et des
nuits de la semaine d’HAD à la maison.
La semaine d’HAD au jour le jour
JOUR 1
Lors de la première nuit, mon père avait eu la mauvaise idée de laisser de la lumière dans le
salon, au cas où il ait à se déplacer, mais sans penser que la lumière allait déranger ma mère pour
dormir.
Elle nous avait réveillés à 3h40 du matin car elle souhaitait qu’on lui éteigne la lumière, dont
la présence lui rappelait le CHU. Elle souhaitait aussi que je branche l’antalgique en perfusion car
elle avait mal.
JOUR 2
Il est 19 heures, je vais voir ma mère, m’occuper des chats, préparer le repas, mettre les
gouttes dans les yeux de mon père (glaucome) et lui remplir son pilulier.
Il est 20h30, je viens d’ouvrir à l’assistante de vie et de me faire mon injection quotidienne.
Il est 22h 30, je viens de terminer de dîner.
Le lit médicalisé ne pouvait plus fonctionner car la prise électrique auquel il était branché
avait rendu l’âme.
A 3h26 du matin, je suis réveillée par les gémissements et les cris de ma mère. Mon père me
harcelait pour que j’appelle l’infirmier afin qu’il vienne au plus vite à la maison. Après être
descendue des escaliers (avec peine), je réalisais que l’antalgique était vide, l’infirmier l’ayant mis en
route lors de son départ. J’avais eu l’idée de lui mettre une gélule de paracétamol dans un peu de
compote de pommes à lui faire avaler. Finalement, j’avais appelé l’infirmière d’astreinte. L’infirmier
nous avait dit arriver à 5h du matin, mais il était arrivé à 6h40.
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JOUR 3
J’expliquais à mon frère, qui était venu à la maison pour nous aider à dégager la pièce, que
j’avais bien du mal à m’occuper de ma mère, ne sachant pas toujours ce que je devais faire. Par
exemple, quand elle me demandait un verre de coca avec des glaçons, je ne savais pas si je pouvais
le lui donner car en principe, elle n’avait plus droit aux liquides (en raison du risque de fausse route).
Je ne voulais pas être la personne responsable, qui avait à prendre seule les décisions
difficiles, telles que de l’envoyer dans un centre d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Ce jour là, je n’avais pas pu faire la sieste car j’avais été réveillée par ma mère qui se
plaignait d’avoir mal, puis par l’infirmier qui était venu lui poser une sonde urinaire.
Ma mère avait voulu que je lui mette un haut de pyjamas car l’infirmier n’avait pas voulu le
faire, prétextant qu’à l’hôpital on n’en met pas ! Mais j’avais pensé que ce n’était pas à moi de le
faire, d’autant plus qu’une assistante de vie était attendue dans la soirée et que j’avais vraiment
besoin de me reposer un peu. Si j’avais accepté de lui mettre de suite son haut de pyjama, l’aide de
vie serait venue pour rien et moi je n’aurais pas pu assumer le reste de la soirée (et de la nuit !).
Vers 23h, ma mère souhaitait me parler pour m’expliquer que l’infirmier ne respectait pas son
intimité. Par exemple, quand je disais à mon père de ne pas rester à regarder les soins infirmiers se
dérouler, alors qu’on avait installé une cloison pour que ma mère puisse être isolée durant les soins,
c’était l’infirmier qui me répondait que la présence de mon père ne le dérangeait pas ! On avait fait
installer une douche à l’italienne mais ma mère était lavée au gant de toilette, dans l’entrée !
A 5h du matin, je suis réveillée par les bruits de la machine à perfusion : bip bip …
La perfusion avait été lancée en début de soirée et du coup, elle était vide en pleine nuit, ce
qui faisait biper la machine et nous empêchait tous de dormir ! Pour appeler l’infirmier il fallait que
je remonte à l’étage donc reprendre les escaliers, parce que le téléphone du bas ne marchait plus et
qu’il me fallait utiliser le téléphone du haut. Tout le monde avait pu retourner se coucher, une fois
l’appareil éteint, sous les directives de l’infirmière d’astreinte que j’avais appelée.
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JOUR 4
Dès le matin, j’étais sollicitée lors de l’arrivée du kiné, de l’assistante de vie, de l’infirmier …
Je devais me contenter de me débarbouiller le visage car je n’avais même plus le temps de
prendre ma douche !
JOUR 5
Ma mère me sollicitait en permanence, de jour comme de nuit, et ne pouvait pas s’empêcher
de pleurer, gémir et crier.
La savoir dans une telle détresse, je ne le supportais plus.
Le neurologue avait été mis au courant et nous avait proposé de la placer dans un centre pour
personnes âgées dépendantes, jusqu’à ce qu’une place se libère au CHU à l’Unité de soins palliatifs.
JOUR 6
Ce matin là, j’avais laissé un mot à l’infirmier qui lui faisait part des doléances de ma mère :
être lavée dans l’entrée, avoir dormi avec son haut de pyjamas sale, etc.
Du coup, quand il était arrivé vers 11 heures alors que ma mère l’attendait pour 8h, et qu’il
avait été pris à partie par l’assistante de vie, l’infirmier avait violemment protesté en criant à celle-ci
qu’il venait aux heures qu’il voulait et qu’elle n’avait pas à lui apprendre son métier ! Dommage
qu’à ce moment là, j’étais en pleine séance de kiné, car j’aurais bien aimé assister au « clash » et
peut-être même y participer.
Une fois que ma mère était placée sur le fauteuil roulant par l’infirmier, elle nous demandait
souvent juste après qu’il soit parti de la pousser jusque dans la cuisine. Je savais alors que le repas
que nous nous apprêtions à partager, mes parents et moi, n’allait pas être agréable. En dehors de la
question de la fatigue d’avoir à me lever sans cesse pour satisfaire à ses besoins (tels que d’aller lui
chercher une boisson dans le frigo ou de lui préparer de la purée de pommes de terre ou de carottes),
j’avais à chaque fois peur qu’elle ne s’étouffe. Je savais que chaque gorgée et chaque bouchée
pouvait signifier le risque de « fausse route ».
Le personnel médical nous avait dit qu’elle n’était autorisée à ne prendre qu’une
« alimentation plaisir ».
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Ce n’était pas facile pour moi de la rappeler à l’ordre. Pouvais-je lui dire non lorsqu’elle me
demandait un verre de soda avec des glaçons ? Elle n’avait plus droit aux liquides mais je me sentais
mal de lui refuser ce qui lui faisait envie.
JOUR 7
Le mercredi 23 décembre 2015 avait assez mal débuté puisque nous attendions l’arrivée de
l’infirmier qui aurait du être à la maison depuis 8h du matin !
N’ayant pu attendre, car je devais partir à ma séance chez l a kinée, j’avais laissé ma mère
seule avec mon père et l’assistante de vie. C’est ce jour là que Véronique avait fait part à l’infirmier
que d’arriver à 11h passées alors que ma mère l’attendait depuis 3 heures, ce n’était pas normal !
Lorsqu’il avait été question de faire partir ma mère au Centre Balmès, l’infirmer m’avait
conseillé par téléphone d’attendre quelques jours avant de prendre ma décision. Il me disait avoir
trouvé que ma mère allait bien ce matin là !
Il était clair qu’il aurait bien aimé pouvoir continuer à s’occuper d’une patiente en HAD,
sachant que trois fois par jour, les infirmiers se relayaient à tour de rôle pour réaliser des soins, et ce,
durant toute la durée de l’HAD. Mon hypothèse était confirmée le jour de la réception des
versements réalisés par la sécurité sociale.
Quant à moi, je pensais que ma mère ne pouvait pas continuer à être placée sous HAD, du fait
de ne pas y être suffisamment surveillée, compte tenu de son état.
Mes conversations téléphoniques régulières avec ma tante José m’avaient aidé à prendre une
décision, sans trop culpabiliser. Mon frère Patrice, qui vit en Australie, m’avait également écrit par
email qu’il ne fallait pas que je culpabilise de ne pas pouvoir garder maman à la maison. J’étais
soulagée de savoir que toute la famille me soutenait dans les décisions que je prenais.
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Chapitre II : Hébergement de ma mère au centre d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes (A partir du 23 décembre 2015)
Rester à domicile, dans son lieu de vie habituel aussi longtemps que possible, avec ses
proches et en vivant selon des rythmes de vie familiers, rassure. A l’inverse, l'hospitalisation
provoque une perte de repères.
Le conjoint et/ou les enfants se retrouvent souvent en position d'aidants pour gérer le
quotidien, coordonner les professionnels, pallier les éventuelles insuffisances et soutenir le malade.
Alors, quand les aidants familiaux sont épuisés, cela signifie qu’il est temps de trouver une autre
solution.
Ne pouvant pas continuer à héberger maman à la maison, j’avais interrogé les deux
neurologues sur les solutions qui s’offraient à nous : celui qui avait diagnostiqué la SLA et celui qui
me suivait au CHU pour ma sclérose en plaques. Le premier m’avait expliqué que la plupart des
malades mourraient chez eu auprès de leur famille, ce que je culpabilisais de ne pouvoir offrir à ma
mère. Mais mon neurologue pensait que ce serait difficile pour mon père et moi d’accompagner
maman jusqu’à sa fin de vie.
Alors, après m’être entretenue longuement au téléphone avec ma tante José, qui pensait que
mon père et moi devions aussi penser à nous, je décidais d’envoyer un mail au neurologue attaché au
Centre de la SLA, où ma mère avait déjà passé quelques jours en hospitalisation, pour lui demander
pour ma mère une place dans un centre d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
1/ Un « rodéo émotionnel »
Le mercredi 23 décembre 2015, au matin, je ne savais pas encore qu’une place étant
disponible au Centre Balmès, j’allais devoir prendre une décision à la hâte, sans avoir eu le temps
d’en parler à ma mère.
Si je déclinais la proposition, on ne pouvait pas me dire quand une place se libérerait de
nouveau.
Mais le problème était que, n’ayant pas eu le temps d’en parler à ma mère, je savais qu’elle
allait très mal prendre la nouvelle, puisqu’elle avait déjà vécu une situation analogue durant son
enfance à la mort de se mère (placement en pension par sa tante).
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Un infirmier du Centre ou du CHU était venu à la maison, à ma demande. Ma mère avait
rapidement compris qu’elle allait devoir partir de la maison. Elle m’avait lancée un regard
foudroyant et m’avait pointé ses doigts sur moi, ne comprenant pas cette trahison de ma part.
Comment pouvais-je la faire partir dans un centre et en plus la veille de Noel ?
Elle avait traité l’infirmier de connard et nous avait traités de « bande de lâches ». Je
comprenais très bien sa réaction. C’était réellement très dur à vivre parce que j’aurais tant voulu que
cela se passe autrement.
On avait rien pu manger ce midi là.
Une fois l’infirmier parti et alors que nous attendions l’arrivée de l’ambulance, j’avais pu lui
parler. Nous étions toutes les deux en pleurs : moi lui expliquant qu’on ne l’abandonnait pas mais
que l’HAD ne pouvait pas être la solution, en lui rappelant les nombreuses fois où elle s’était plainte
des soins prodigués par les infirmiers et qu’elle s’était sentie seule et abandonnée.
Ma tante avait pu l’accompagner jusqu’au Centre et mon frère avait pu ensuite les y
retrouver.
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2/ Les jeux sont faits, plus rien ne va plus !
Nous avons passé la Noël 2015, chacun de notre côté : ma mère au centre et mon père et moi
à la maison. N’étant pas du tout dans l’esprit de faire la fête, nous n’avions rien pu préparer comme
repas pour le réveillon. Nous pensions à maman qui était seule.
A plusieurs reprises, nous étions allés la voir au Centre Balmès.
Mon grand frère était très présent pour elle. Il n’avait pas hésité à poser des jours d’ITT pour
être plus disponible pour elle et pour nous.
Se rendre au Centre Balmès n’était pas simple pour mon père et moi. Atteindre la chambre où
résidait maman nous imposait d’avoir à parcourir de longs couloirs. L’utilisation d’une canne ou bien
du fauteuil roulant était nécessaire pour nous déplacer. De même, les horaires de visite pour le public
n’étaient pas réellement en adéquation avec notre rythme de vie. Cela m’obligeait à devoir préparer
le repas à l’avance pour mon père et moi et de ne pas oublier de prendre mon complément
alimentaire avec moi (qui m’évite le risque d’infections urinaires).
La communication avec ma mère devenait de plus en plus difficile. Tout échappait à notre
contrôle.
J’avais alors trouvé comme solution de passer par l’email des docteurs du Centre pour
transmettre une lettre à ma mère. Mais le jour où mon frère était venu avec pour la lui lire, elle avait
montré qu’elle n’avait pas connu son existence.
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Ma mère devait très certainement être la seule personne atteinte de la SLA.
On y croisait plutôt des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, du moins c’était
l’impression que j’en avais eu.
Pour information, il existe plusieurs types d’établissements d’hébergement spécialisés dans
l’accueil des personnes âgées, selon leur degré de dépendance. Le Centre Balmès fait partie des
établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou aussi appelés des EHPAD. Il
s’agit de résidences médicalisées dont les règles de fonctionnement sont définies par le Code de
l’action sociale et des familles. Certaines de ces EHPAD peuvent héberger des personnes âgées très
dépendantes, souffrant de la maladie d’Alzheimer ou atteintes de pathologies dégénératives. Elles
sont issues de la loi du 24 janvier 1997, complétée par les décrets du 26 avril 1999, et modifiée par la
loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Je pense qu’elle y était plutôt bien soignée, mais elle ne s’y sentait pas vraiment à sa place.
Elle ne pouvait être bien nulle part. Qui aurait pu se sentir bien sans pouvoir parler, marcher, manger,
boire, ni pouvoir satisfaire à ses besoins naturels sans une aide technique et humaine ?
Ma mère savait qu’elle allait mourir dans peu de temps, mais pour le moment c’était le mot
souffrance qui revenait sans cesse : mal au dos dans ce lit médicalisé, brûlures dans le bas ventre en
raison de ses infections urinaires à répétition, douleurs aux cervicales et aux jambes du fait de la
maladie, etc.
Quand on venait la voir, elle ne pouvait pas éviter de gémir et de pleurer. Personnellement, je
le supportais de moins en moins bien. Je faisais un effort pour ne pas lui montrer mon malaise et ma
grande tristesse pour son état.
J’avais proposé de lui amener un lecteur de DVD pour qu’elle puisse regarder des films. On
lui avait aussi payé le service de la TV. Mais je ne pouvais pas savoir si elle en avait vraiment
profité.
Le dimanche 27 décembre 2015, j’étais allée la voir avec mon père, et le jeudi 31 décembre la
psychologue du centre avait souhaité s’entretenir avec nous.
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Les jours où je ne pouvais pas aller la voir, j’appelais le centre pour discuter avec une
infirmière ou avec l’un des docteurs du centre.
Le départ de la maison de « maman » signifiait pour moi d’avoir à prendre en charge ce que
ma mère ne pouvait plus assumer.
C’était ainsi que le lundi 11 janvier, je m’étais rendue au Palais de justice, avec mon père et
ma tante, afin d’être désignée curateur de mon père par le juge des tutelles (la charge de la curatelle
renforcée de mon père était transférée sur mes épaules).
Le mardi 12 janvier, nous étions attendus, mon frère aîné, mon père et moi, par les médecins
et par le psychologue du Centre, afin de discuter de la durée et des conditions de l’HAD de
« maman ».
Cette période d’absence de maman était difficile car je savais qu’elle aurait préféré pouvoir
rester à la maison et non être placée dans un centre, loin de nous et de ses chats.
Quand on se rendait au Centre pour la voir, elle ne nous partageait rien. Elle était bien trop
concentrée sur ses souffrances, aussi bien physiques que mentales.
Une fois, j’avais su par la psychologue du Centre que maman avait pu apprécier les plaisirs
d’une douche qui lui avait été donnée. J’avais été surprise à l’évocation que m’en avait faite la psy
(« elle avait les yeux fermés pour savourer ce moment »), car voilà : ma mère qui, d’habitude, tenait
tant au respect de son intimité n’aurait pas apprécié du tout de recevoir une douche en public !
Surtout devant une « psy », parce que les psys et ma mère c’était toute une histoire !
Mais nous n’étions pas à la maison et ma mère n’était déjà plus la même car « attaquée » par
la SLA.
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Chapitre III : Retour à la maison pour 3 jours en HAD
Ma mère avait plusieurs fois exprimé le désir de revenir à la maison, au moins pour quelques
jours. Malgré la mauvaise expérience qu’avait été l’HAD, je disais à mon père que l’on ne pouvait
pas humainement lui refuser ça !
Mon père avait très peur d’avoir à revivre les journées de gémissements, pleurs et cris de sa
femme et avait également le souvenir de plusieurs nuits blanches. Mais j’avais fini par le convaincre
qu’il fallait accepter le retour de « maman » à la maison. Il était impossible pour moi de lui dire non !
Par contre, nous pouvions fixer certaines conditions.
C’était de tout cela dont nous avions parlé avec le docteur et la psychologue du Centre
Balmès.
1/ Les préparations de ces 3 jours
Le mardi 12 janvier 2016, nous avions rendez-vous avec les docteurs et la psychologue du
Centre Balmès. Mon père avait exprimé sa crainte de voir maman revenir à la maison, même pour
quelques jours. On nous avait rassurés en nous parlant de pouvoir bénéficier d’une enveloppe de
quelques milliers d’euros qui permettrait de faire appel à des assistantes de vie pour du 24h/24 et ce,
durant les 3 jours d’HAD. Mais la sécurité sociale ne nous ayant pas donné leur accord, mon père
touchant une retraite trop importante, la solution ne pouvait donc pas être celle-ci.
Finalement, mon frère et moi avions proposé que le retour de notre mère se passe durant le
week-end, afin que mon frère puisse être présent de jour comme de nuit. C’était à cette seule
condition que l’HAD de ma mère allait pouvoir être mise en place.
Je me rappelais bien que le 20 janvier était mon anniversaire et le 11 février prochain, celui
de ma mère. Mon frère se demandait si notre mère allait pouvoir « tenir » jusqu’à son anniversaire à
lui (le 8 mars).
Le Samedi 16 janvier, son pic-line avait été retiré, car le personnel médical pensait que ma
mère avait de la fièvre en raison d’une infection qui était peut-être causée par sa présence. Puis
finalement, un nouveau lui avait été posé, quelques jours plus tard.
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Le lundi 18 janvier 2016, alors que rien ne me permettait de savoir si ma mère allait pouvoir
revenir à la maison pour trois jours, j’avais vu arriver à la maison tout le matériel médical. Cela
voulait dire devoir trouver la place pour recevoir un lit médicalisé, un fauteuil roulant, et tout le
nécessaire des soins infirmiers. Afin de ne pas mettre la maison tout en dessus-dessous pour rien,
j’avais préféré refusé cette installation, tant qu’il n’était pas certain que ma mère puisse revenir. Mon
frère m’avait prévenu que la sécurité sociale ne nous accorderait aucune aide pour pouvoir profiter
d’aides de vie pour notre mère.
Ce n’était pas un problème pour recevoir notre mère, si mon frère s’engageait à rester tout le
WE de jour comme de nuit. J’étais d’accord pour son retour mais à condition de ne pas avoir à être
seule avec mes parents.
2/ Une première journée qui débute mal
Ma mère était censée arriver à la maison le vendredi 22 janvier, dès 14h, et repartir le lundi
25 janvier vers 14h. Au final, c’était vers 19h qu’elle était amenée en ambulance, après que tout le
personnel médial de l’HAD avait installé le matériel nécessaire et l’attendait.
Le soir même mon frère devait venir à la maison pour la nuit et pendant tout le week-end.
Mais il n’avait pas prévu qu’il allait être retenu pour s’occuper de sa fille. Ce soir là, mon frère
n’avait donc pas pu se libérer avant minuit !
Dessin réalisé par ma mère en 1998
Le lendemain matin, je me sentais totalement désemparée du fait de me retrouver seule face à
la détresse de ma mère qui ne pouvait pas s’empêcher de pleurer et de gémir. Mon frère avait du
repartir chez lui pour quelques heures. J’étais si mal que j’avais appelé ma tante à la rescousse pour
lui parler de mon désarroi.
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« Ce n’était pas ce qui était prévu ! Il faut que Jeff revienne au plus vite parce que
sinon, moi toute seule, je ne vais pas tenir. On n’a pas le droit de m’imposer de vivre ça une
nouvelle fois, je ne peux pas supporter la souffrance de ma mère ! »
Après avoir discuté avec mon père, il était décidé de poursuivre l’expérience jusqu’au lundi
prochain, comme cela avait été prévu.
3/ L’infirmière qui réveille ma mère chaque jour à 5h35 du mat !
Ce même jour, lorsque l’infirmière était venue pour les soins, je me trouvais encore dans tous
mes états après la « crise de nerfs » que je venais de faire.
J’avais eu la bêtise de partager mon émotion avec l’infirmière se trouvant là.
Elle m’avait répondu que j’en faisais trop et qu’il me fallait apprendre à rester indifférente à
ses pleurs, à ses cris et à ses gémissements, car ils faisaient partis de la maladie. Et enfin, elle
concluait par une sentence implacable : « si c’était ingérable, vous n’aviez qu’à refuser que votre
mère revienne à la maison ».
Comment pouvait-on me demander d’être indifférente aux pleurs de ma mère ?
Et qui étais-je pour refuser à ma mère de rentrer chez elle ?
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Etrangement, cette même infirmière avait été « licenciée » par maman, dès le lendemain !
Démonstration faite que je n’étais pas la seule à ne pas l’apprécier !
Pour tout vous dire, elle venait chaque matin à 5h30 pour prodiguer ses soins à ma mère. Elle
entrait et allumait la pièce, sans tenir compte du fait que sa patiente se trouvait endormie, juste au-
dessous de la lumière.
Je me souviens du jour où on avait mis plus de 2 heures à faire trouver le sommeil à notre
mère. Et « bing », l’infirmière qui venait la réveiller. Ne pouvait-elle pas attendre une heure correcte
pour venir la réveiller pour lui « torcher le derrière » ? Ah non, sa tournée avait des horaires bien
définis, qu’il n’était pas possible de modifier.
Le matin suivant, il ne fallait pas qu’elle s’étonne de ne pas pouvoir allumer la pièce, puisque
l’ampoule avait disparue. Nous l’avions retirée exprès, tout en lui disant qu’elle avait sauté et que
nous n’en avions pas d’autres !
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C’était cette même infirmière qui avait fait exploser une poche de perfusion.
Résultat ? Il y en avait eu de partout par terre et sur la vitrine de la fenêtre !
L’assistante de vie n’avait pas été contente le lendemain matin de constater qu’elle ne
parvenait plus à nettoyer correctement les sols de la chambre de ma mère.
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4/ On improvise !
Je n’étais pas réellement certaine que le retour de ma mère lui était profitable. Elle se sentait
si mal où qu’elle soit, mais comme c’était son souhait, j’avais tenu à le respecter.
Durant ces trois jours d’HAD, ma mère n’avait pas pu profiter du fauteuil roulant, parce que
l’infirmière n’avait pas voulu prendre le risque de la sortir de son lit médicalisé.
J’avais tenté de prodiguer un peu de bien-être à ma mère en lui proposant une séance de
réflexologie plantaire légère.
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Quant à mon frère, il lui avait fait écouter de la musique et regarder le jardin en vidéo
(puisqu’elle ne pouvait plus marcher pour le voir).
Notre mère nous réclamait souvent à pouvoir avaler quelques gouttes d’eau extraites de
glaçons. Un soir, elle m’avait surprise à me demander un peu de glace au chocolat. Je n’avais pas pu
la lui refuser mais elle s’en était mise un peu partout sur le haut de pyjama que l’infirmier ne lui avait
pas changé pour la nuit. Je n’étais pas du tout prête à continuer à m’occuper de ma mère car j’avais si
peur de commettre une erreur qui lui serait fatale. Je savais que ma mère était « condamnée » par
cette terrible maladie, le neurologue me l’avait assez souvent répété quand je lui disais que ma mère
prenait des risques en restant à la maison.
Mais ces 3 jours à la maison avant son départ en soins palliatifs, ma mère les avait tant
réclamés … Même si je pensais qu’elle se faisait du mal à revenir à la maison dans cet état d’extrême
dépendance, elle était avec nous et dans sa maison. Mourir à la maison, je ne pouvais pas le lui offrir,
mais je pouvais m’occuper d’elle au maximum de mes (faibles) capacités. Je tenais à être présente
pour elle, même si je peinais souvent à la comprendre. J’étais devenue, en quelque sorte, durant ces
trois jours d’HAD, l’assistante de mon frère, qui avait la lourde tâche de tenter au maximum de
comprendre « maman ».
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La tablette magique était très souvent sollicitée. Elle nous rendait bien des services, même si
on ne parvenait pas toujours à lire toutes les lettres que notre mère imprimait du bout de ses doigts
affaiblis par cette terrible maladie.
Ma mère n’avait jamais accepté d’écrire en majuscules. Avec son écriture de « chat », j’avais
donc bien du mal à la déchiffrer. Surtout à la fin quand la maladie lui avait pris ses dernières forces.
Elle se mettait alors à écrire des mots de manière emmêlée. Dans un tel cas, je sortais le clavier
virtuel que je lui avais confectionné. Ainsi, elle pouvait nous faire comprendre le mot qui ne passait
pas. Bien sûr que si elle était trop fatiguée, sa main ne parvenait pas à nous montrer clairement la
lettre qu’elle souhaitait désigner.
Aussi bien, elle que nous, étions frustrés des difficultés de communication, mais nous
n’avions pas d’autres choix que d’apprendre la patience.
J’avais lu sur Internet que le médecin traitant devait, autant que possible, conserver un rôle
central tout au long de la prise en charge du patient en HAD. Des discussions, avec lui, sont
indispensables afin de bien mesurer les possibilités et limites du patient et de ses proches.
En pratique, il en était tout autrement. Le médecin généraliste, qui était censé s’occuper de
ma mère, brillait par son absence.
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Chapitre IV : Retour au Centre pour quelques jours
Le lundi 25 janvier 2016, ma mère était de retour au Centre Balmès, comme cela avait été
prévu.
1/ Ma mère voulait rester plus longtemps à la maison …
Ma mère nous avait exprimé son souhait de rester un peu plus longtemps à la maison, mais ce
n’était pas possible puisque la fin du week-end signifiait le départ de mon frère. Sans lui, je ne
pouvais pas assumer seule avec mon père la présence de ma mère. Elle avait fini par le comprendre,
même si j’imaginais bien que ce n’était pas facile à accepter d’avoir à repartir.
Quand les ambulanciers étaient venus la chercher pour la ramener au Centre, j’étais là pour
assister à son départ. Je tenais à être à ses côtés dans tous les moments, même si c’était difficile, car
je savais que je vivais les derniers instants de vie de ma mère.
2/ Une place est libérée au CHU
Moins d’une semaine après son retour au Centre, ma mère trouvait une place au CHU de St
Eloi, à l’Unité de soins palliatifs.
C’était culpabilisant de se réjouir qu’une place se libère enfin parce que cela signifiait qu’une
personne venait de décéder et qu’une autre famille attendait sûrement, elle aussi, que ma mère
« s’envole ».
Je me rappelais que notre mère nous avait écrit, durant sa dernière HAD, qu’elle n’avait pas
sa place au Centre Balmès.
Elle attendait d’entrer en soins palliatifs pour y finir ses jours.
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Chapitre V : Admission au CHU de St Eloi, Unité de soins palliatifs
Dès le 4 février 2016, ma mère était transférée à l’Unité de soins palliatifs.
1/ Les soins palliatifs en France et les droits de la personne en fin de vie
Tout le monde n’ayant pas la chance de mourir durant son sommeil, la fin de vie devrait être
placée au cœur des préoccupations de la société. Pourtant, cela est bien loin d’avoir été le cas.
En France, il a fallu attendre l’année 1987, avec la création de l’hôpital de la cité de Paris, à
l’initiative du Docteur ABIVEN, pour que soit instaurée la 1ère
unité de soins palliatifs.
Au Royaume Uni, Cicely SAUNERS, qui était à la fois infirmière et aumônière à l’hôpital
Archway, avant de devenir elle-même médecin, eu l’idée, en 1947, d’une maison où les personnes
pourraient trouver la paix et non se sentir abandonnés par leur médecin.
A Montréal, au Québec, la 1ère
unité de soins palliatifs fut mise en place en 1974.
Le problème actuel en France concerne l’accès aux soins palliatifs : seulement 15% des
français peuvent en bénéficier. La situation pourrait bientôt changer si la loi CLAEYS-LEONETTI
sur la fin de vie, qui a été définitivement adoptée le mercredi 27 janvier 2016, réussissait le projet de
développer l'accès aux soins palliatifs.
La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs, dans son Titre
Ier « Droit de la personne malade », du Livre préliminaire, intitulé « Droits de la personne malade
et des usagers du système de santé », donne une définition des soins palliatifs.
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- Les soins palliatifs
« Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe
interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la
souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son
entourage. » Art. L. 1er B.
L’article L. 1er A. précise qu’il s’agit d’un droit offert à « toute personne malade dont
l’état le requiert ». Il s’agit du « droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ».
L’objectif visé n’est pas de prolonger la vie des personnes en fin de vie, mais de leur offrir la
meilleure qualité de vie possible. Les soins palliatifs permettent de prévenir et de soulager la douleur.
Pour la personne responsable de l’Unité des soins palliatifs du CHU de St Eloi, à Montpellier,
ils n’y soignent pas des « mourants » mais des « êtres vivants ». Cette précision prenait tout son
sens pour moi au souvenir de l’expérience vécue par ma tante, lors de la fin de vie de ma grand-
mère.
Dans les années 1980, ma grand mère avait été hospitalisée à Montpellier, au Centre Val
d’Aurelle (devenu, depuis 2013, l’Institut régional du Cancer de Montpellier, qui est un des plus
anciens Centres de Lutte Contre le Cancer de France), afin d’être prise en charge pour un cancer en
phase terminale.
Quand ma tante avait demandé si elle pouvait s’entretenir avec la femme médecin
responsable, celle-ci avait répondu, d’une voix forte et audible par tout le monde, y compris par ma
grand mère qui était alitée dans son lit d’hôpital : « Ah non, j’ai déjà vu la famille, ça suffit comme
ça. Je n’ai pas de temps à perdre avec les mourants ! ».
Que pouvait donc bien ressentir ma grand-mère à cet instant ?
Avoir l’impression d’être devenues une charge pour la société et pour leurs proches est, selon
moi, ce qui incite, les personnes en fin de vie, à demander l’euthanasie. Alors que leur offrir une
écoute bienveillante et la prise en compte de leurs douleurs, peut leur permettre de se sentir encore
un peu exister.
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- Les directives anticipées
Les directives anticipées permettent aux médecins de connaître et de respecter les
souhaits de la personne en fin de vie, quant à la possibilité de réaliser des examens ou des
interventions, mais aussi de débuter ou de limiter certains traitements. Ainsi, chacun peut
stipuler son refus d'un acharnement thérapeutique. Les directives données peuvent être changées à
tout moment.
Le CHU s’était informé dès l’entrée de ma mère à l’unité des soins palliatifs de l’existence et
du contenu des directives anticipées signées par elle. Ainsi, le jour où il avait fallu décider de la
poursuite ou non de soins à lui prodiguer, le personnel médical avait tenu compte de la volonté de ma
mère qui était contre tout acharnement thérapeutique. En l’occurrence, il s’agissait de ne pas lancer
d’antibiogramme pour identifier les bactéries responsables de son infection chronique.
En France, la loi du 4 mars 2002 établit un droit de refus de l’acharnement thérapeutique et
remet le patient au cœur des décisions médicales qui le concernent, et la loi du 22 avril 2005, dite
« loi Leonetti », affirme l’interdiction de l’obstination déraisonnable pour les médecins.
Comment rédiger les directives anticipées ?
Il faut être majeur et être en état d’exprimer sa volonté libre et éclairée au moment de
la rédaction.
Il faut écrire soi-même ses directives.
Elles doivent être datées et signées
Elles doivent préciser les noms, prénoms, date et lieu de naissance
Il faut faire appel à 2 témoins si la personne est dans l’incapacité de signer
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- La personne de confiance
Depuis la Loi du 22 avril 2005, dite Loi Léonetti, toute personne majeure peut désigner une
personne de confiance qui sera consultée au cas où elle serait hors d’état d’exprimer sa volonté.
La désignation d‘une personne de confiance reste facultative et non obligatoire et peut être
révoquée à tout moment. Elle doit être réalisée par écrit et pour être valable, le document doit être
daté et signé.
L’accord de la personne désignée est indispensable.
Le rôle de la personne de confiance est d’accompagner le malade dans les démarches, assister
aux entretiens médicaux, être consultée dans les situations où la personne ne peut plus exprimer sa
volonté.
Mon frère aîné et moi-même avions été désignés comme les personnes de confiance. Nous
étions tous les deux interrogés avant toute décision importante concernant notre mère.
- Le droit à la sédation profonde
L’euthanasie est interdite en France.
Mais depuis la loi CLAEYS-LEONETTI sur la fin de vie, du 27 janvier 2016, un « droit à
la sédation profonde et continue » jusqu’au décès pour les patients en fin de vie, est reconnu. Pour
Jean LEONETTI, cela s'apparente à un "droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir".
L’intention n'est pas de donner la mort mais de soulager le malade avant de l'endormir pour
toujours (injection non pas d’un produit létal mais de puissants sédatifs).
En pratique, ce droit offert à la personne en fin de vie peut devenir difficile à vivre pour les
proches, parce que la personne malade qui a été mise sous sédatifs semble être endormie la plupart
du temps.
Comment communiquer avec son proche dans de telles conditions ?
Dans le cas de ma mère, nous avions demandé à ce qu’elle ne reçoive pas de morphine avant
les soins, les jours où il était prévu que nous venions la voir. Dans sa dernière semaine de vie, il nous
était difficile de pouvoir faire la distinction entre un sommeil causé par la sédation et son état semi
comateux qui était causé par la maladie elle-même.
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Une infirmière m’avait clairement fait comprendre que j’avais le choix entre voir souffrir ma
mère ou bien la voir endormie ! Je ne souhaitais ni l’un ni l’autre mais il était trop tard pour espérer
qu’il puisse en être autrement.
Quand elle résidait encore à la maison, ma mère avait demandé à partir en Suisse pour se faire
euthanasier, parce qu’elle avait peur d’une fin de vie dans la souffrance. Mais à partir du moment où
elle s’était sentie accompagnée en douceur vers sa mort, elle semblait être prête à ne plus précipiter
son départ et à attendre son heure.
En Europe, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg sont les seuls pays à autoriser
l'euthanasie et le suicide assisté. La Suisse tolère uniquement le suicide assisté. Tous les pays
européens reconnaissent la valeur des directives anticipées et refusent l'acharnement thérapeutique.
Les personnes désireuses de mettre fin à leurs jours se font aider par des associations, telles que
« Exit », qui s'occupe exclusivement des ressortissants suisses (elle aide gracieusement ses
adhérents), et « Dignitas », qui accepte aussi les étrangers (elle facture ses services près de 7 500 €).
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2/ Une place pour « maman »
Jusqu’à présent, le personnel médical demandait à ma mère si elle était d’accord avant de la
placer sous anxiolytiques / calmants / antidépresseur.
Mais depuis son placement au sein de l’unité de soins palliatifs, on nous apprenait que notre
mère n’était pas assez soulagée. Afin de réduire ses gémissements, pleurs et cris, qui étaient
l’expression de sa détresse et de douleurs physiques, il fallait qu’elle soit davantage sédatée.
Avant chaque soin, elle recevait une dose de morphine, afin de lui éviter de « partir en live »
comme à la maison. Cela me donnait l’impression qu’ils savaient ce qui lui convenait le mieux. Ce
n’était plus à elle de choisir puisqu’elle était dans une unité spécialement formée à accueillir des
personnes en fin de vie.
Nous n’avions plus qu’à leur faire confiance. Depuis le temps qu’on attendait qu’une place se
libère pour elle !
Par rapport au Centre Balmès qui visait à la prise en charge médicale de personnes âgées
dépendantes, il était clair que l’objectif ici était différent. Il ne s’agissait plus seulement de soigner de
telles personnes mais de les soulager et de les accompagner jusqu’à leur fin de vie.
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A ma grande surprise, ma mère ne semblait plus souhaiter que l’on précipite sa mort. Même
si elle avait dit aspirer à partir au plus vite, une fois les problèmes de succession résolus, elle
semblait s’être résignée à mourir.
Lorsque j’avais exprimé le fait que ma mère montrait des signes de difficultés à respirer et
que j’étais étonnée qu’on ne lui ai jamais posé le masque avec la machine VMI pour la faire ventiler
(que le CHU avait installé lors de sa première hospitalisation, mais qu’on ne lui avait jamais mis lors
de ses hospitalisations à domicile), on m’avait répondu que sa respiration était normale.
Ma mère n’étant plus à ma charge, j’avais préféré ne pas insister.
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3/ Mourir dans la dignité
Je me souvenais de nos discussions passées au sujet de la fin de vie. Ma mère avait toujours
été claire à ce sujet. Elle était contre tout acharnement thérapeutique. Son leitmotiv était de « mourir
dans la dignité ». Il restait à définir ce qu’elle entendait par ces termes.
Je trouve que l’histoire suivante y répond assez bien. Au Indes, Mère Theresa avait eu à
s’occuper d’un mendiant mourant. Elle avait mis « toute sa douceur et sa délicatesse pour le laver,
nettoyer ses plaies, l’habiller avec des vêtements propres ». Puis une fois couché, le mourant lui
aurait dit : « J’ai toujours vécu comme un chien, mais, maintenant je vais mourir comme un
prince ».
Source : http://asp-tarn.fr/doc/historique.pdf.
4/ Des adieux difficiles
À chaque fois que j’allais voir ma mère, je me disais : c’est peut-être la dernière fois que je la
vois.
Avoir conscience de cela me permettait de me préparer au fait que ma mère allait bientôt
mourir.
Pour autant, j’espérais que sa vie n’allait pas finir ainsi, sur un lit d’hôpital. D’accord, la SLA
étant une maladie neurodégénérative, j’avais conscience que l’état de ma mère allait empirer de jours
en jours. Mais, avouons que personne n’est préparé à accompagner un proche jusqu’à sa fin
inéluctable.
Ce jour-là, le vendredi 12 février 2016, j’avais rendez-vous avec la psychologue de l’unité
des soins palliatifs au CHU. J’avais bien besoin de pouvoir parler, de m’exprimer sur ce que nous
vivions mon père, mon frère, ma mère et moi-même, depuis plusieurs semaines.
Plus ma mère partait, et plus je ressentais en moi une envie de survivre à cette épreuve, de
profiter au maximum de cette vie sur Terre qui est éphémère. La fin de vie de ma mère était en
quelque sorte une leçon de vie pour moi. Je prenais conscience que moi aussi un jour j’allais mourir,
quitter cette vie.
Je ne savais pas que ce matin-là, c’était la dernière fois que j’allais voir ma mère, lui prendre
la main, avoir un contact physique et visuel avec elle.
Lorsque j’étais entrée dans sa chambre, et que jamais vu ma mère allongée dans son lit, ses
yeux s’étaient tournés vers moi.
Quelle chance ! Pour une fois, elle n’était pas complètement amorphe dans son lit.
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Je sentais une présence en elle : oui, elle était bien là avec moi. C’était, je crois, la seule fois
où je pouvais être seule avec elle. Ah si, il y avait eu ce matin là au CHU, lorsqu’elle était
hospitalisée. Mais nous avions été dérangées par les ambulanciers qui étaient venus la chercher pour
lui installer le pic-line
Donc, ce matin-là, j’avais été boostée par l’entretien que je venais d’avoir avec la
psychologue. J’étais, pour une fois, prête à faire face à l’état de santé déplorable de ma mère.
Elle était donc allongée sur son lit, la bouche ouverte parce qu’elle respirait mal. J’entendais
son souffle. Mais j’étais prête à passer outre l’image que j’avais d’elle.
Je m’étais installée près de son lit et j’avais cherché à lui prendre les mains qui étaient sous le
drap. J’avais pris sa main droite dans mes mains et j’avais commencé à l’effleurer. En me mettant à
masser sa main droite, je lui disais : « maman, souviens-toi de ces moments passés ensemble où je
te massais les mains ».
J’ai donc eu la chance d’avoir ce dernier contact avec elle, un contact tactile, un toucher qui
procure du bien-être, un toucher qui fait passer de l’amour, de la tendresse, un lien affectif et
chaleureux.
Après lui avoir massé la main droite et lui avoir dit de profiter de cet instant avec moi, je
m’étais mise près de son oreille droite et j’avais commencé à lui effleurer le visage, le front, la joue,
le menton puis j’avais essayé aussi d’effleurer sa joue gauche. À ce moment-là, je sentais ses
difficultés pour respirer. Je ne pouvais pas être certaine qu’elle était vraiment présente car elle avait
fermé les yeux. Mais je m’étais dite : « Chrystèle, tu partages ça avec maman, profite toi aussi de
ces derniers instants passés en sa compagnie ! ». J’essayais d’appliquer ce que m’avait dit
l’orthophoniste, les conseils qu’elle m’avait donnés : « Oh, il faut faire simplement des
effleurements, un peu comme des caresses, parce que les muscles sont sensibles. Pour ne pas lui
faire mal, il faut se contenter d’effleurer sa peau. ».
Je m’étais surprise à lui murmurer à l’oreille ces mots : « Maman, tu as fait trois beaux
enfants, on te remercie pour nous avoir donné la vie. Maintenant, tu peux partir en paix. »
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J’avoue que je me trouvais un peu bête, stupide, de ne pas savoir quoi dire de plus à ma mère
dans un instant pareil. Mais personne n’est préparé à savoir dire adieu à un proche qui est en train de
mourir.
Peu importe, j’avais été là pour elle et je lui avais donné tout mon amour, une dernière fois.
A ce moment là, une aide soignante ou une infirmière était entrée dans la chambre et m’avait
demandé : « Vous avez pu lui parler ? »
« Oui ! Elle était là, je sais qu’elle était présente parce que j’ai vu son regard sur moi ».
Cette personne m’avait répondu : « Peu importe, l’important c’est que vous ayez eu
l’impression qu’elle était là ».
« Non, non ! L’important c’est que je sais qu’elle m’a vu et senti. J’ai vu à ses yeux
qu’elle était présente. »
A ce moment là, ma mère me regardait, quand je lui ai dis :
« Maman, je sais que tu ne peux pas me parler, ce n’est pas grave. Mais je sais que tu
m’entends. Maintenant il va falloir que je parte. ». Elle avait alors poussé un petit gémissement,
comme pour me confirmer qu’elle était là et qu’elle m’entendait. C’était suffisant pour moi.
Je m’étais dite : « Je ne suis pas restée longtemps mais ce n’est pas grave. Il faut
maintenant que je la laisse partir. » En plus, je devais rentrer à la maison pour faire le repas pour
mon père.
Avec le recul, j’aurais bien voulu rester plus longtemps mais l’important c’était l’intensité de
cet instant que je venais de partager avec elle.
Le soir même, j’avais dit à mon frère : « C’est bon, j’ai dit adieu à maman. Je ne compte
plus retourner la voir, parce que jamais plus je ne pourrais être plus présente pour elle que je
ne l’ai été à ce moment là. » Mon frère était un peu surpris de m’entendre dire cela.
Rapidement après avoir dit cela à mon frère, j’avais pensé que je serais retournée la voir,
même si je savais que je ne pourrais plus rien partager avec elle.
Ce jour là, j’étais si contente en saisissant toute la chance que j’avais eu d’avoir pu partager
ce moment là avec ma mère.
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Le lendemain matin, mon frère, mon père et ma tante Marie-Françoise, n’avaient pas eu la
même chance que moi : ma mère se trouvait profondément endormie lors de leur visite.
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Partie 4 - Game Over
Ma mère est morte, le samedi 13 février, à 21h25, au CHU St Eloi, à l’Unité de soins
palliatifs, deux jours après son 77ème
anniversaire.
Chapitre 1 : L’annonce du décès de ma mère
« Game over » ?
Sur le moment je n’avais pas vraiment captée ce que cherchait à me dire mon frère. Mais en
entendant ses pleurs au téléphone, j’avais rapidement compris qu’il m’annonçait la mort de notre
mère.
Ce soir là, mon père et moi étions en train de dîner. Comme nous mangions du coquelet, l’un
des plats préférés de ma mère, j’étais en train de penser à elle, à ces samedis soirs que nous passions
tous ensemble devant la TV, à regarder « The Voice » sur TF1. Elle aimait beaucoup cette émission
et elle en profitait souvent pour donner des croquettes à sa chatte persane « Accalmie », bien
confortablement installée sur le canapé du salon.
Ce samedi soir là allait devenir un jour très spécial pour nous : mon père était devenu veuf et
nous, orphelins de notre mère.
A l’annonce de la mort de ma mort, je m’étais surprise à poser une étrange question.
« Comment est-elle morte ? ».
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Bien sûr, je savais que ma mère était condamnée à décéder de la SLA, mais je tenais à savoir
dans quelles conditions cela s’était produit. Je voulais être rassurée sur le fait qu’elle n’avait pas
souffert. Il en était autrement pour mon frère, qui était sous le choc de la nouvelle.
« On s’en fout Chrystèle, elle est morte c’est tout !
Mon frère m’expliquait qu’une personne était passée et que cinq minutes après maman avait
cessé de respirer.
Sa mort était notée à 21h25.
Mon frère était venu quelques minutes plus tard avec ma belle-sœur Tatiana, pour récupérer
des habits pour maman.
Sachant que mon estomac fragile n’aurait pas supporté de sortir après le repas, surtout pour
aller à l’hôpital pour voir ma mère morte, j’avais préféré rester à la maison avec mon père.
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Chapitre 2 : La cérémonie du 20/02/2016
La cérémonie a eu lieu le 20 février 2016 à 9h30, au Parc de Grammont.
Lors de préparatifs de la cérémonie, j’avais pensé à faire venir les fleurs que ma mère aimait
beaucoup : du mimosa ! Pour ma plus grande joie, mon cousin Christophe avait réussi à en
trouver en se rendant au centre-ville de Montpellier.!
Mon frère s’était occupé de la musique à programme et du diaporama photos en hommage à
notre mère. Je tenais à ce que l’on diffuse la chanson « Prélude de Bach » de MAURANE,
chanteuse française que ma mère et moi avions été voir en concert. Ceci avait pu être fait à la toute
fin de la cérémonie, ce qui m’avait grandement émue.
Ma nièce Lana était fort émue, comme nous tous, et je lui étais reconnaissante d’avoir pensé à
récupérer quelques brins de mimosa qui avaient été disposés sur la tombe de ma mère, et de m’en
avoir remis un petit brin, que j’ai conservé.
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On peut voir mon intervention et celles de mon frère et de mon père, en vidéo, sur le blog
lasla-la-sep.com.
J’ai tenu à retranscrire ci-dessous le texte qui a été lu par mon père, mon frère aîné et moi.
Mon frère Patrice, qui réside en Australie, avait également un message à faire passer par mon
intermédiaire.
1/ Texte de mon père JEAN
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« Françoise tu avais peur de mourir. Je l’ai compris le jour où on a vu l’attentat du 13
novembre dernier à la TV. Tu étais horrifiée par tous ces morts et tu as pleuré. Dans la maladie de
Charcot, ou la SLA, les personnes ont une hyper sensibilité, elles deviennent très émotives. Alors,
Docteur CHARCOT, quand allez-vous enfin découvrir le remède qui soigne la SLA ?! Ma chère
Françoise, bien que tu ne croies pas en Dieu, je te donne rendez-vous au Paradis ! Je t’aime. Ton
époux, Jean. »
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2/ Texte rédigé et lu par CHRYSTELE
« Maman, Personne n’aurait pu imaginer que ta vie allait s’arrêter aussi brutalement en ce
début d’année 2016.
Tout le monde te décrit comme une femme « forte » et toi-même tu pensais que la maladie ne
pouvait pas t’atteindre. Le 1er
octobre, on était ensemble quand le neurologue du CHU a diagnostiqué
la maladie de Charcot. Ensuite, tout s’est enchaîné super vite : des premières chutes jusqu’à ton
hospitalisation. La maladie ne nous a laissé aucun répit ! Tu sais comme on a été très complices
toutes les deux et comme on s’est beaucoup aidées et soutenues. A tel point que je me suis demandée
comment j’allais maintenant pouvoir vivre sans toi … Alors, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai trouvé une
astuce pour ne pas être triste en pensant à toi : me souvenir des moments joyeux, des anecdotes
amusantes qu’on a pu vivre ensemble.
L’image de toi que l’on doit avoir à l’esprit, ce n’est pas toi allongée dans un lit d’hôpital, la
bouche ouverte avec du mal à respirer, mais toi en train d’être active dans le jardin, ton sourire, ta
joie de vivre et ton humour. Je vais finir en racontant une anecdote qu’on a vécue ensemble au mois
de novembre dernier.
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Tu étais tombée en voulant faire sortir la chatte dans le jardin. J’étais tranquillement en train
de dîner avec papa quand j’ai entendu un grand boum ! Quand je suis allée voir ce qui venait de se
passer, je t’ai vu allongée par terre. Papa est alors arrivé et a demandé : « Tu es tombée ? » « Mais
non ! Maman étant fatiguée a eu envie de s’allonger par terre ! » Et là on s’est regardées et on a
éclaté de rires toi et moi ! Toi qui adorais la nature et les animaux, envole-toi … Tu as retrouvé ton
entière liberté ! Je t’aime Adieu maman. »
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3/ Texte rédigé par PATRICE et lu par Chrystèle
Photographie de Patrice et son fils Joachim, conservée par maman dans ses affaires
« Je voudrais rendre hommage a ma mère que j ai tant aimée. Le lien qui me lie a elle est si
étroit que j’avais l impression de ressentir sa souffrance a 17 000 km de la lorsque la maladie
s’acharnait sur elle. Une partie de moi s’est éteinte avec elle samedi dernier. Le choc de la maladie et
de la mort est d’autant plus fort que nous vivons dans le denier de l’impermanence. Tout change
constamment et la mort n est qu’une partie de la vie, inéluctable. J aime a penser que la ou elle se
trouve elle est en paix. À vrai dire, au fond de mon cœur, je sens qu’elle est en paix. Et malgré la
tristesse qui m’envahit la vision de la voir sereine me réconforte. Sa vie n’a pas été de tout repos, et
elle a très tôt connu des épreuves éprouvantes. Elle a su développer son propre univers, sa propre
personnalité qui a séduit mon père, amoureux transi. La famille qu’ils ont fondée a toujours été liée
par un amour sincère et profond malgré des relations d une grande complexité. Merci a vous tous
d’être la aujourd’hui pour lui rendre un dernier hommage. Je voudrais remercier particulièrement
toute la famille Bourély qui est toujours la dans les moments difficiles. Et bien sur Chrystele pour
tout ce qu’elle a fait, et de m’avoir permis d’être la par la pensée, à défaut d’être là physiquement. »
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4/ Lettre à ma mère
Au mois de décembre 2015, avant que ma mère ne parte au CHU puis au Centre Balmès, je
lui avais lu une lettre pour elle. Elle avait réagi, non pas en me disant qu’elle aussi nous aimait mais
en me demandant de ne pas lui donner d’émotions fortes, parce qu’elle ne pouvait pas les supporter.
Elle m’avait écrit ceci : « Chrystèle NON, pas d’émotions fortes ! Je ne peux pas ». La maladie la
rendait si émotive … Et la faire pleurer c’était risquer qu’elle ne s’étouffe !
Je souhaite vous partager ce texte ici.
« Maman, la maladie t’a fait taire à tout jamais. La SLA a voulu également m’interdire de te
dire combien je t’aime. Souviens-toi au mois de décembre quand je suis venue te voir pour te lire une
lettre que j’avais écrite pour toi dans laquelle je te disais : « Sache que c’est très dur de te voir
souffrir ainsi sans pouvoir rien faire pour te libérer de ce mal atroce qui s’appelle la SLA et qui te
détruit jour après jour de l’intérieur. J’ai beau faire de mon mieux, je me sens si impuissante à
t’apporter toute l’aide dont tu as besoin et que tu mérites. J’aurais envie de crier à la terre entière et
de toutes mes forces « Sauvez ma mère ! » ou au moins « Arrêtez ses souffrances, SVP ! ». Mais
personne ne semble entendre mon appel au secours. Tout ce qu’on nous propose c’est de te brancher
à des tubes/sondes pour éviter que tu connaisses une mort par dénutrition ou étouffement.
L’euthanasie serait une mort bien plus douce et humaine pour une femme comme toi qui a consacré
sa vie à son mari et à ses enfants. Mais comme on réside en France, on n’a pas le choix : il nous faut
attendre que la mort t’emporte … peu importe si on te sait condamnée ! Personne n’osera te soulager
de cette fin de vie indigne pour une femme si méritante.
Quand ce sera le jour pour toi de partir de ce monde, n’oublie pas que la maladie ne pourra
jamais te retirer une simple chose mais si importante : tout l’amour qu’on te porte ! Ta fille
Chrystèle ».
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5/ La famille BOURELY en photo
Les funérailles de ma mère ont été l’occasion de nous retrouver en famille.
Afin de conserver un souvenir de ce moment, sachant qu’il est très rare de pouvoir être tous
réunis, j’ai demandé à pouvoir prendre une photo de toute la famille !
Voici la photographie que j’ai choisie pour figurer dans le livre.
Ce jour là, « Accalmie », la persane tortie chocolat, qui était l’animal préféré de ma mère, a
tenté d’accaparer notre attention : elle s’était mise à se rouler par terre et pour finir m’avait demandé
de lui donner à manger quelques croquettes, à la main (comme ma mère avait coutume de le faire) !
Son comportement me donnait l’impression que maman était avec nous, à travers elle.
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Chapitre 3 : Le Blog « lasla.la-sep.com »
Lors de l’écriture de ce livre, j’ai souhaité créer un blog spécial pour parler de la SLA, en
sous domaine de mon blog sur la sep.com.
Voici l’adresse : http://www.lasla.la-sep.com.
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Partie 5 – Quand une page doit être tournée …
Durant la période juste après la mort de ma mère, je ne pouvais pas m’empêcher de pleurer
sans cesse pour un rien. Pourtant, je n’étais pas triste pour elle, bien au contraire, j’étais soulagée que
son calvaire soit enfin terminé.
La vie doit continuer, oui, on le sait. Mais laissez-nous pleurer notre tristesse !
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Chapitre 1 : Quand la vie doit continuer
Ma mère et moi n’avions jamais pensé à une fin aussi tragique pour elle. Nous avions tant de
projets ensemble que nous les avions mis de côté pour plus tard. Parce que notre mari / père était au
centre de nos préoccupations depuis des années. Ma mère lui avait consacré sa vie et moi j’avais
suivi un peu la cadence, tout en étant consciente que finalement, contrairement à ce que pouvait
penser le commun des mortels que je n’étais pas une Tanguy pour mes parents.
Bien au contraire ! En réalité, j’étais une aidante pour ma mère, et ma mère était une aidante
pour moi. Ayant ce comportement de personnes qui ne peuvent pas abandonner quelqu’un, elle
m’avait obligé à rester pour l’aider à s’occuper avec elle de mon père. Ce père avec qui j’avais eu
tant de difficultés relationnelles pendant l’adolescence. Cette personne que je connaissais très mal.
C’est elle qui avait permis que nous nous rapprochions tous les trois. Alors, de l’extérieur j’étais
l’enfant maudit qui reste encore chez ses parents à plus de 40 ans.
Oui de l’extérieur, notre famille paraissait bien étrange, mais on s’en fout du regard des
autres ! Quand on a difficilement enfin guéri de la phobie sociale, on est à tout jamais vacciné du
regard des autres.
Alors, j’avais pensé que puisque la vie avait décidé autrement de ce qui allait devenir notre
vie à toutes les deux : elle décédée et moi qui devais apprendre à vivre sans elle, et bien j’avais pensé
que je devais prendre cela comme une chance. La chance, c’était que je devais apprendre à vivre
seule. Me faire confiance était devenu primordial pour moi.
Alors, je n’allais pas abandonner mon père pour autant. Après toutes ces années passées
ensemble, ma mère, mon père et moi, et encore plus depuis que j’avais découvert le testament de ma
mère qui demandait à ce que mon père reste à la maison le plus longtemps possible.
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J’avais chassé de ma tête cette idée de partir vivre seule dans un appartement et de placer
mon père dans une maison de retraite.
OK papa, nous allons essayer de continuer ce chemin de vie ensemble, le temps que la vie
nous le permettra. C’est-à-dire que, je ne vais pas te faire de promesses, on va simplement rester dans
cette maison que maman a tant aimé parce qu’elle été construite selon ses désirs, tant qu’on peut le
faire. Mais je ne te promets rien.
Avant toute chose, il me fallait clore cette fin de vie, ces mois de souffrance que nous avions
vécus avec notre mère / épouse. Je me devais de rendre un dernier hommage à ma mère, en lui
offrant ce livre que vous êtes en train de lire.
Le point final, bizarrement, je n’ai pas envie de le mettre. Alors, je vous propose de
poursuivre cette histoire avec moi. Je vous invite à venir sur mon blog lasla-la-sep.com.
La vie ne doit pas s’arrêter là, après l’envol de vos papillons.
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Chapitre 2 : Quand les emmerdes continuent …
Mon cousin m’avait pourtant prévenu : « Chrystèle, tu vas bien vite retomber dans les
emmerdes du train train quotidien, parce qu’après le décès d’un proche, on a des tas de choses
à régler ! ».
Effectivement, les ennuis sont rapidement apparus, ne nous permettant pas vraiment de nous
plaindre de notre sort de personnes endeuillées. Il fallait rebondir pour faire face à la situation.
En vrac, je mentionnerais :
- Les affaires de ma mère à trier, à ranger ou bien à donner : vêtements, papiers, etc.
- La succession à régler : par chance, mes parents étant sous la communauté légale,
donc pas de succession du vivant de mon père, mais un acte notarié à faire éditer
- Le blocage des comptes bancaires : la banque a pris note du décès de ma mère mais
aussi du fait que mon père était un majeur protégé ! A ce jour, je continue à me servir
de mon compte bancaire personnel pour faire vivre mon père et moi … Mise à jour de
dernière minute (au jeudi 19 mai 2016) : il semble que la situation va pouvoir être
enfin débloquée !
La vie depuis que ma mère est « partie » n’est plus du tout la même.
C’était elle qui s’occupait de mon père, notamment pour tout ce qui concernait sa santé.
Depuis, j’ai appris à déléguer certaines choses, comme par exemple le remplissage de son pilulier ou
bien ses soins des yeux : j’ai fait appel à un cabinet d’infirmiers.
Mais, je dois quand même surveiller que tout se passe bien et c’est à moi d’appeler le docteur
lorsqu’il faut une nouvelle prescription de kiné ou de soins infirmiers pour mon père ou bien pour lui
renouveler ses médicaments.
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Chaque matin, j’ai droit à la visite d’un ou d’une infirmière au moment du petit déjeuner !
Quand on est un lundi ou un vendredi, j’ai ensuite la venue du kiné de mon père.
Pour faire les courses, j’ai la chance de pouvoir me faire aider d’une assistante de vie qui m’y
amène en fauteuil roulant. Je pourrais marcher avec ma canne, mais c’est tellement reposant pour
moi de me faire pousser en étant assise ! Etant maintenant entrée dans une phase secondairement
progressive de sclérose en plaques, mon périmètre de marche est clairement limité.
Mais je ne me plains pas car j’ai le souvenir de ce que ma mère a enduré du fait de la sclérose
latérale amyotrophique.
Quand je repense aux moments que l’on a vécu à ses côtés, dans les derniers mois de sa vie,
c’est le mot « enfer SLA » qui me vient à l’esprit. Me rappeler les pleurs de ma mère lorsqu’elle
cherchait tant bien que mal à manger ou à boire, mais aussi ses difficultés à marcher et à se lever.
Ces derniers mois de vie de ma mère ont été une leçon de vie pour moi. La vie ne peut plus
jamais être comme avant dorénavant.
Elle va beaucoup me manquer mais je sais qu’il était mieux pour elle que ce calvaire ne dure
pas trop longtemps. Quand je pense à toutes ces personnes qui sont atteintes de la SLA et qui vivent
avec durant des années, je suis soulagée de savoir que ma mère est maintenant en paix.
A mes yeux, ces personnes font preuve d’un énorme courage de vivre ainsi. Je pense aussi à
leurs proches qui deviennent des aidants familiaux par la force des choses.
Je souhaite leur faire part de ma grande admiration, parce que je sais qu’accompagner un
proche jusqu’à sa fin de vie est loin d’être facile.
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Chapitre 3 : Quand je communique avec ma mère décédée
Il n’est pas possible de ne plus du tout penser à un être cher que l’on vient de perdre, surtout
quand il s’agit d’un de ses parents avec qui on était très proche.
Nous avons tous déjà entendu parler des différentes phases du deuil qu’il nous faut traverser,
avant de pouvoir espérer « avoir fait son deuil » !
Pour la psychologue du CHU, il est question de « tuer ma mère psychologiquement ».
Mais, je vais vous avouer que je n’avais nullement envie de tuer ma mère alors que je tentais de
cesser de pleurer sans arrêt, du fait que chaque minute me faisait penser à elle !
Je comprenais bien que cette expression signifiait parvenir à ne plus sans cesse se demander
ce qu’elle aurait pensé ou fait dans telle ou telle situation.
Après vous avoir rappel les phases du deuil, je vais vous raconter deux de mes rêves dans
lesquels ma mère m’est apparue en songes.
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1/ Les phases du deuil pour la personne en fin de vie
Pour Elisabeth Kübler-Ross, née en 1926 en Suisse et médecin installé aux Etats-Unis,
chaque personne passe par différentes étapes de deuil, sans forcément les éprouver dans le même
ordre.
Il s’agit des 5 phases suivantes :
Phase du déni : la personne refuse de croire ce qui lui arrive.
Phase de colère : la personne exprime sa révolte face à ce qui lui arrive.
Phase de marchandage : la situation est acceptée, mais la personne tente de gagner
du temps.
Phase de dépression : la personne se replie sur elle et n’a plus envie de lutter.
Phase d’acceptation : la personne se permet de faire des projets et de regarder vers
l’avenir.
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2/ La métaphore du papillon
Pour Elisabeth Kübler-Ross, la mort se traduit par la métaphore du papillon : le cocon est le
corps et le papillon est l’âme. L’âme se sépare du corps physique et ensuite, le papillon quitte le
cocon.
« Nous sommes tous des chrysalides ; au moment de mourir, notre cocon s’ouvre et nous
devenons papillons ».
Source : http://www.psychologies.com/Culture/Maitres-de-vie/Elisabeth-Kuebler-Ross
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3/ La communication avec ma mère
Ma mère est restée pour moi très présente, psychologiquement (comme me l’avait annoncé
la psychologue), pendant les premières semaines après sa mort. Je ne pouvais pas m’empêcher de me
demander ce qu’elle aurait pensé, dit ou fait, dans telle ou telle situation.
Mais c’est surtout dans mes songes qu’elle est apparue.
Je me souviens très bien des deux rêves que j’ai faits un mois après sa mort.
J'avais rêvé qu'elle voulait me poser une caresse sur le visage comme moi je l'avais fait la
veille de sa mort, quand je lui avais massé la main puis effleuré le visage pour lui procurer un peu de
bien être. Là c'était elle qui portait un geste d'amour sur moi, comme un geste d'affection d'une mère.
Dans le second rêve, c'était moi qui venais la voir pour la rassurer. Je parlais à ma mère qui
était assise à mes côtés. Je lui expliquais que je venais du futur pour lui donner la date de son décès.
Elle pleurait mais elle était soulagée de savoir que son calvaire n'allait pas durer.
Ensuite, je lui parlais du livre témoignage que j'étais en train d'écrire pour lui rendre
hommage et du livre sur les "histoires de chats persans" qui reprendrait les notes retrouvées sur la
vie de nos chats persans à l'époque où on avait un élevage passion de chats persans chocolat.
Je la voyais apaisée et je l’étais aussi de pouvoir lui parler sans qu’elle ne me demande de me
taire.
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Partie 6 – Quand ma mère a des choses à nous dire
Durant ces 4 mois et demi de calvaire avec la maladie, ma mère avait eu l’occasion de
prendre pas mal de notes sur les carnets que je lui avais donnés. J’avais rapidement pensé à les
conserver pour un jour pouvoir les publier.
Je les ai classés par thème :
Ma mère cynique
Ma mère souffre
Ma mère demande de l’aide
Autres écrits de ma mère
Chapitre 1 : Ma mère cynique
Après le passage des pompiers : « Que pensez-vous de votre petite soirée à 5h du matin ?
Heureusement que Jean m’a donné la clochette. »
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Ses commentaires, de retour de son hospitalisation au CHU : « Ils m’ont saoulé au CHU
pour que je mange leur nourriture infecte. »
Ma mère était très critique envers les médecins, surtout durant cette période où elle pensait (à
raison) que la première neurologue n’avait pas osé nous annoncer la maladie de Charcot. « Au CHU,
c’est de l’argent pour l’Etat les protocoles servent l’égo des médecins qui prennent les malades
pour des cobayes et leur permettent de faire des publications. »
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Ce mot avait été écrit par ma mère au mois de novembre, quand il était question de retourner
au CHU pour passer ces « fameux » examens qui auraient permis de diagnostiquer la SLA. Sachant
qu’elle ne pouvait plus du tout parler, elle m’avait écrit avec cynisme : « En quoi consiste ces
examens ? Je serais seule ... si on fait des tests de mémoire ... je réponds en javanais ? »
Dans le même ordre d’idées, elle avait écrit : « Si l’hôpital n’avait pas si peu de respect
pour le malade, il y aurait moins de personnes en Suisse » Elle faisait allusion aux demandes
d’euthanasie.
C’était dans cette note, qu’elle avait exprimé son souhaite de témoigner : « Je me dois de
mettre par écrit ce que je ressens. »
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Dans cette note, on pouvait comprendre son malaise au fait de ne plus pouvoir marcher sans
aide technique ou humaine : « J’ai besoin de mecs costauds qui connaissent leur métier et pas des
gamines qui peuvent pas me soulever. »
« C’est Chrystèle qui prend tout. Je n’ai pas beaucoup de temps et je suis ouverte à
tout. C’est tellement nul ce que j’ai pu entendre depuis le 15 juillet. ». Je pense qu’elle faisait
allusion à l’hypothèse d’un AVC qui avait suspecté.
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« Hier, vous m’avez laissée toute seule, sans pouvoir aller dans mon lit. Si on ne m’aide
pas pour les chats et les oiseaux, autant les faire euthanasier. ». Ma mère parlait de ses 3 chats
persans dont elle ne pouvait plus du tout s’occuper, et des oiseaux du jardin qu’elle nourrissait
habituellement.
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Chapitre 2 : Ma mère souffre
Ce jour là, ma mère exprimait son mal être vis-à-vis de l’orthophoniste : « La folle ortho a
du lui parler de mon cas. Je ne supporte plus cette femme. Je ne suis plus rien, la déchéance est
telle que je ne veux plus voir plus loin. ». Ma mère ne voulait plus avoir à faire avec cette
orthophoniste car elle lui avait annoncé maladroitement qu’elle aurait un jour prochain à accepter
une gastrotomie.
Ce mot date du mois de novembre : « Le matin quand je me lève, je me demande si je vais
pouvoir me mettre debout. J’ai perdu 7 kilos depuis le 15 juillet, soit 7 kgs en 3 mois et demi,
soit 2 kgs par mois. En fait, je perds du muscle, et cela ne s’arrête pas. »
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Ma mère s’énervait quand mon père lui demandait d’arrêter de pleurer ou quand moi je lui
demandais de se calmer. Ce jour là, elle nous avait écrit ceci : « Parce que pour toi, je n’ai aucune
raison de m’énerver. Parce que j’ai plus de force dans les bras, parce que je tiens assise dans de
drôle de condition, parce que chaque chute me fragilise un peu plus, parce que je ne peux plus
boire ».
Ma mère demandait à mourir dans la dignité : « … Le jour où je ne serais plus qu’un objet
inutile, il est hors de propos de me poser une sonde, quelque soit l’endroit. Car il s’agit de
mourir dans la dignité et ne pas encombrer des personnes fragilisées par la maladie. »
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« J’ai mal aux jambes en permence et je redoute toujours de me flanquer par terre. »
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Chapitre 3 : Ma mère demande de l’aide
Ma mère ne comprenait pas quand je lui disais que je ne pouvais pas sans cesse l’aider à se
lever de sa chaise. Elle ne semblait pas réaliser que je faisais de mon mieux pour lui rendre service
mais que cela m’épuisait : « Tu te sous estimes. Quand tu vois la femme de ménage et le kiné
sont vraiment des poids plumes »
Ma mère me demandait de l’aider à se mettre au lit.
Ce soir là, elle m’avait aussi demandé à lui retrouver sa prothèse auditive qu’elle avait fait
tomber près du lit : « J’ai fait tomber ma prothèse dans mon lit en voulant essayer de la
mettre. »
« Peux-tu venir me border dans 5 minutes ». Au fur et à mesure que la maladie évoluait,
cela m’était de plus en plus difficile de l’aider à la mettre au lit. Elle peinait à s’allonger, puis je lui
tirais les jambes pour tenter de bien la placer dans le lit. Cela la faisait souvent rire de me voir
m’épuiser de la sorte ! Je ne lui en voulais pas du tout car j’étais contente de la voir sourire un peu.
« Peux-tu venir dans ma chambre, j’ai fait tomber mes lunettes près de la table en bois.
Je ne peux pas enlever mes chaussettes.
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Je n’ai pas dormi car j’avais mal fermé la porte et la lumière me dérangeait. Je suis
arrivée à sortir de mon lit donc je vais me recoucher. Préviens Monsieur D. «
« Ça va ? Tu pourras m’installer dans mon lit ? »
« Avant de remonter, Cri, peux-tu m’aider à passer ma robe de chambre. »
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« Je ne peux plus utiliser ma brosse à dents électrique (je ne peux plus ouvrir la
bouche). » C’est ce fameux soir où elle était venue me voir pour me demander de pouvoir utiliser ma
brosse à dents.
Elle parlait de mon père qui la mettait souvent en rage pour des futilités : « Il m’épuise. Je
n’ai rien en dehors de la TV pour me distraire ou un semblant de vie normale. En m’épuisant il
fait avancr la maladie qui n’a pas besoin de cela pour avancer. »
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Elle me reprochais d’écouter le neurologue, lorsqu’il me parlait de l’existence des
établissements pour personnes âgées dépendantes comme pouvant être la solution pour ma mère.
« J’ai encore le cerveau qui fonctionne, c’est la seule chose. Donc fais-moi confiance : tu
ne devrais pas écouter les autres. »
« Si je passe l’hiver, je programme ma mort en Suisse dans l’année. Je sais que c’est la
fin, vu l’évolution dans les derniers mois. Je t’avoue que la vie depuis août est invivable : pas
de jardin, pas de courses, pas de paroles .. me nourrir est un enfer. »
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« En fait, je n’avais pas prévu de partir la 1ère
, les laissant touts seuls. »
Ma mère avait très mal supporté sa semaine d’hospitalisation au CHU : « Je n’en peux plus.
Je reste 20h/24 dans un lit et j’ai très peur de l’infirmier de la semaine. Je voudrais partir ce
soir. »
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« Pourquoi installe-t-on une sonde ? Je vous en prie, enlevez-moi cette sonde avant de
partir. »
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Chapitre 4 : Autres écrits de ma mère
Le 3 décembre 2016, ma mère était venue me voir dans ma chambre et m’avait écrit ceci :
« Je suis très contente de toi » (3/12/2015).
Ma mère semble être résignée à « partir » : « Très honnêtement, succession faite, je
n’aspire qu’à disparaître. J’ai contacté l’Association pour mourir dans la dignité. C’est trop
tard vu l’évolution de mon état. Je crois avoir fait mon temps. 76 ans, c’est bien. »
Ma mère avait proposé de s’entretenir avec le neurologue par webcam, afin d’éviter d’avoir à
se rendre au CHU ! « Pourquoi ne pas lui proposer une webcam ? »
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Ma mère était consciente de son état.
Elle se posait des tas de questions sur l’intérêt de se rendre au CHU pour passer des examens
qui allaient la fatiguer (on lui demandait d’y rester toute la journée) : « En un mois, la maladie
évolue très rapidement :
Je ne suis plus audible. Ma fille est trop fatiguée pour
m’accompagner
Je suis trop fatiguée pour passer une journée (au CHU)
En quoi une journée peut-elle permettre de mieux dicerner mon
évolution et par voie de conséquence mon état dans l’avenir proche
Les examens (résultats) nous sont remis dans la journée ? ou faut-il
attendre encore un mois ? »
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Partie 7 – Documents retrouvés après la mort de ma mère
Ma mère avait conservé un certain nombre de documents dans sa chambre, dont ceux-ci :
1/ Un petit mot que je lui avais fait pour accompagner mon cadeau pour
son 75ème
anniversaire (un film en DVD qu’elle avait vu quand elle était enfant et qu’elle
souhaitait revoir) :
Recto de la page : « Bon anniversaire Maman ! 75 ans dont 45 ans passés ensemble, c’est
quelque chose ! Chrystèle »
Verso de la page : « Espérons que les 20 prochaines seront encore meilleures ! Bientôt la
sagesse … et la zénitude ! Espérons. »
2/ Extrait du testament de ma mère : « Et, j’espère que vous n’avez pas oublié :
une musique très joyeuse pour mon enterrement »
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3/ Photo de « chocho », une chatte Persane chocolat, morte en 2005 d’une crise
cardiaque, que ma mère avait beaucoup aimée
4/ Photo de famille
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5/ Quelques unes de ses peintures et dessins
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Conclusion
Il est difficile, comme je l’ai déjà évoqué plus haut, de mettre un point final à ses écrits,
lorsqu’il s’agit de témoigner sur cette terrible maladie qu’est la SLA.
Alors, je vais me limiter à vous partager les expressions que d’autres aidants familiaux
utilisent quand ils parlent de la maladie de Charcot. Vous allez également pouvoir trouver quelques
adresses d’associations spécialisées concernant la SLA. Et enfin, je vais vous faire part de mes
projets à venir.
1/ Quels sont les mots utilisés par les malades et les aidants familiaux pour
parler de la maladie de Charcot ?
La SLA est décrite comme : une « prison sans barreaux », un « enfer sur terre », être
« prisonnier de sa vie ». Ma mère disait que c’était devoir « vivre en direct sa propre mort ».
2/ Quelles sont les Associations ?
ARSLA 75, avenue de la République 75011 Paris Tél : 01 43 38 99 11 http ://www.arsla.org
SLA aide et soutien Combattre l’isolement, améliorer le quotidien, faire connaitre la maladie
http ://sla-aideetsoutien.fr/
Les Papillons de Charcot Les Papillons luttent contre l’abandon et le silence, pour aller au-
delà du seul accompagnement et reconstruire l’espoir. http ://www.lespapillonsdecharcot.com/
Association « Espoir Charcot » Pas à pas contre la maladie de Charcot
http ://www.espoircharcot.org
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Portail SLA http ://portail-sla.fr/
La filière de santé SLA et Maladies du Neurone moteur est focalisée sur un secteur sanitaire
bien identifié par un dispositif spécifique. Mise en place par la Direction Générale de la Santé en
2014 et intégrée dans le Plan National Maladies Rares 2011-2014, elle s’articule autour de 18
Centres SLA, coordonnés par des médecins neurologues dans des Centres Hospitaliers Universitaires
(CHU), répartis sur le territoire.
3/ Si vous souhaitez me contacter
Voici mon email : [email protected]
4/ Quels sont mes projets pour l’avenir ?
Je souhaite maintenant écrire le livre « Ces docteurs à côté de la plaque », que ma mère
devait faire avec moi, pour la partie illustrations.
J’ai aussi l’idée de rédiger des histoires de chats persans, en partant de quelques écrits de ma
mère que j’ai pu trouver.