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Agrégation interne Histoire 2014-2015 Guerre et société, vers 1270-vers 1480 (royaume d’Écosse, royaume d’Angleterre, Irlande, pays de Galles, royaume de France et marges occidentales de l’Empire – espace italien exclus : confédération Suisse, comté de Bourgogne, alsace, lorraine, Barrois, Luxembourg, Brabant, principauté de Liège, Hainaut, Hollande, Zélande) Dossier de textes F. Lachaud 25 octobre 1415 : La bataille d’Azincourt d’après une miniature de la chronique de Saint-Alban, 1450, version anglaise – 1

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Agrégation interne Histoire 2014-2015

Guerre et société, vers 1270-vers 1480(royaume d’Écosse, royaume d’Angleterre, Irlande, pays de Galles, royaume de

France et marges occidentales de l’Empire – espace italien exclus : confédération Suisse, comté de Bourgogne, alsace, lorraine, Barrois,

Luxembourg, Brabant, principauté de Liège, Hainaut, Hollande, Zélande)

Dossier de textes F. Lachaud

25 octobre 1415 : La bataille d’Azincourt d’après une miniature de la chronique de Saint-Alban, 1450, version anglaise –

Photographie : J. Freeman

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THEME 1   : Ordonnance royale, contrat militaire

Ordonnance de Philippe IV le Bel (3 octobre 1303)

Philippe, par la grâce de Dieu roi de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Nous faisons a savoir que nous, considérant et regardant les grandes charges et griefs que nos féaux et sujets ont par longtemps soutenu pour nos guerres, et spécialement pour la guerre de Flandre, mu pour cela à compassion et à pitié envers eux, et requérant les voies et manières par lesquelles nous puissions à l’aide de notre Seigneur abréger et mettre fin à la dite guerre, ôter les charges et les griefs et rechercher la paix et tranquillité à nos féaux et sujets et à tout notre royaume. Et sur délibération de notre conseil, à savoir avec nos aimés et féaux (….suit la liste des 11 prélats et barons qui assistent le roi en son conseil)…. Nous avons ordonné la voie qui s’en suit ci-dessous pour la plus convenable et la plus profitable à la besogne et qui peut être aux mains des griefs des sujets et du peuple. C’est à savoir que tous archevêques, évêques, abbés et autres prélats, doyens, chapitres, couvents, collèges et toutes autres manière de personne d’église, religieux et séculiers exempts et non exempts, ducs, comtes, barons, dames, damoiselles, et autres nobles de notre royaume, de quelque condition ou état qu’ils soient, nous aident en la poursuite de la dite guerre pour quatre mois, c’est à savoir juin, juillet, août, et septembre prochains à venir.

Pour chaque 500 livrées de terre au royaume, un chevalier bien armé et monté à cheval valant 50 livres tournois et couvert de couverture de fer ou de pourpoint. De 500 livrées de terre à 1000, deux hommes d’armes montés et appareillés comme c’est dit ci-dessus (…). Quant aux non nobles, que chaque 100 feux nous fassent 6 sergents de pied, desquels il y a 2 arbalétriers des plus suffisants et des meilleurs que on pourra trouver, des paroisses ou d’ailleurs, si on n’en trouve pas de suffisants en ces paroisses. Ils seront armés de pourpoints et de haubergeons, ou de gambisons, de bacinets, et de lances et d’arbalètes pour les arbalétriers. Et cette aide, nous la recevrons sans que cela entraine préjudice, ni de diminution de droit ancien.

Et pour que nos dits féaux et sujets nous fassent plus volontiers et plus prestement et plus gracieusement l’aide dessus dite, nous qui regardons les griefs les dommages et les pertes qu’ils ont longtemps eus et soutenus en raison des mutations de nos monnaies, à la requête et prière de nos prélats et barons présents, octroyons et promettons par ces présentes lettres que nous faisons l’aide suivante. À partir de la fête de Toussaint prochain, nous ferons monnayer et faire bonne et loyale monnaie en petits tournois et parisis de poids de la loi et de la valeur de celle qui avait cours du temps de saint louis notre aïeul. Et cette bonne monnaie nous ferons cours communément de Pâques prochaine en suivant jusqu’à la fête de Toussaint (…). En témoignage desquelles choses nous avons fait scellé ces présentes lettres de notre sceau (….). Fait à Château-thierry, le samedi après la fête de saint Rémy, l’an de grâce 1303.

H. de Laurière éd., Ordonnances des rois de la 3e race recueillies par ordre chronologique. Contenant ce qu’on a trouvé d’ordonnances imprimées ou manuscrites depuis Hugues Capet jusqu’à la fin du règne de Charles le Bel, Ier volume, Paris, 1723, p. 408-409.

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Contrat militaire sous Edouard III, 1327

Fait pour rappeler qu’il est convenu entre William, par la grâce de Dieu archevêque d’York, primat d’Angleterre, et Sir Robert Constable, seigneur de Flamborough, d’autre part, c’est à savoir que ledit Sir Robert s’est chargé et se charge de faire à notre seigneur le roi le service que ledit archevêque est tenu de lui faire maintenant, par semonce de son bref, avec dix hommes d’armes à chevaux couverts, d’aller pour ce service au lieu assigné et d’accomplir son offre et d’exécuter entièrement ledit service, si notre seigneur le roi se rend en sa guerre d’Ecosse ou en Angleterre et que les autres grands de la terre font leur service. Et s’il arrive que ledit Sir Robert n’ait pas besoin de remplir son offre, pour cause de trêve ou de paix, ou pour toute autre cause, et qu’il vienne audit lieu assigné prêt à faire dûment le service et qu’il ne le fasse pas, ledit archevêque donnera audit Sir Robert 20 £ pour sa peine et ses préparatifs. Et ledit Sir Robert se charge de faire ledit service et oblige sa personne, ses héritiers et ses assignés et tous ses terres et tènements et ses autres biens, meubles et immeubles, à faire loyalement ledit service et à éviter à l’archevêque tout dommage en tout point pour ce qui est du service. Et si ledit Sir Robert offre le service et s’il est reçu, il aura alors le jour même de son offre 30 £, outre les 20 £ précédentes. Et si ledit Sir Robert fait le service pendant vingt jours après avoir été reçu, alors, qu’il lui soit payé le reste de 100 £ , c’est à savoir 50 £. Et si ledit Sir Robert, après le jour assigné, reste au lieu assigné pendant huit jours, sans que ce soit sa faute, avant que son offre soit reçue, il demeurera au bout de ce terme aux coûts de l’archevêque jusqu’à ce qu’il soit reçu pour faire ledit service. Et que ledit Sir Robert soit tenu d’apporter une lettre de quittance audit archevêque en due forme, scellée des sceaux du connétable et du maréchal de l’ost du roi (portant que) ledit Sir Robert a fait le service pour que ledit archevêque soit exempt de tout dommage et puisse avoir l’écuage le cas échéant. Et pour tenir loyalement ces accords, lesdits archevêque et Sir Robert se sont obligés par cette endenture. En témoignage de quoi lesdits archevêque et Sir Robert ont mis leurs sceaux à ces présentes endentures en les intervertissant.

Donné à Bishopthorp près d’York le 5 mai de l’an de grâce 1327.

N. B. LEWIS, “The Summons of the English Feudal Levy, 5 April 1327”, Essays in Medieval History Presented to Bertie Wilkinson, Toronto. ed. T. A. Sandquist and M. R. Powicke, 1969, p. 248-9.

La fondation et la disparition de la Compagne de l’Étoile (1352)

L'an de grâce 1352, le roi Jean de France ordonna une belle compagnie, grande et noble, sur la Table Ronde qui fut jadis au temps du roi Arthur. De la compagnie devaient être 400 chevaliers des plus suffisants du royaume de France, et elle devait être appelée la compagnie de l’Étoile. Chaque chevalier devait toujours porter une étoile d'or ou d'argent dorée, ou de perles en reconnaissance de la compagnie. Et le roi promit de faire une belle maison et grande près de Saint-Denis là où tous les compagnons et confrères devaient être à toutes les fêtes solennelles de l'année, tout au moins ceux qui seraient au pays, à moins d’avoir un empêchement raisonnable, devant être appelée la « noble maison de l'Étoile ». Et chaque année le roi devait y tenir cour plénière de tous les compagnons pendant laquelle chacun devait raconter toutes ses aventures, aussi bien les honteuses que les glorieuses qui lui seraient advenues pendant le temps qu'il n'avait été à la noble cour. Et le roi devait ordonner 2 ou 3 clercs qui écouteraient toutes ces aventures, les consigneraient dans un livre afin qu'elles fussent chaque année rapportées en place par devant les compagnons. On pouvait ainsi savoir quels étaient les plus preux, et honorer ceux qui le servaient le mieux.

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Et nul ne pouvait entrer en cette compagnie sans le consentement du roi et de la plus grande partie des compagnons présents et s'il n'était suffisant, sans défaut de reproche. Et ils durent jurer que jamais ils ne fuiraient en bataille plus de 4 arpents, plutôt mourir ou se rendre prisonnier, et que chacun aiderait et secourrait l'autre à toutes ses besognes. Il y avait plusieurs autres statuts et ordonnances que chacun avait juré. Et la noble maison fut faite pour que celui qui deviendrait si vieux qu'il ne pourrait plus aller avant le pays, dut y avoir son ménage et ses dépenses audit hôtel, avec 2 valets, tout au long de sa vie, s'il y voulait demeurer, afin que la compagnie fut mieux entretenue.

Mais il advint qu’en l'an 1353 vint grande foison de gens d'armes d'Angleterre en Bretagne, pour conforter et aider la vaillante comtesse de Montfort, et pour gâter le pays qui était de la part de messire Charles de Blois. Lorsque le roi de France le sut, il y envoya grande foison de gens d'armes et des chevaliers de la compagnie. Mais quand les Anglais apprirent leur venue, ils firent si subtilement par une embuscade qu'ils firent, [que] tous ces Français qui s’embatirent trop avant et trop follement furent tous tués et déconfis ; et y furent bien tués 89 chevaliers de l'Étoile, parce qu'ils avaient juré que jamais ne fuiraient, car si le serment ne fut, ils se fussent bien retraits en arrière. Il en mourut plusieurs autres pour l'amour d'eux, qu'ils eussent par aventure sauvés, s’ils n’eussent pas juré et s’ils n’eussent pas été certains de la réprobation de la compagnie. On ne parla plus de cette noble compagnie, et m'est avis qu'elle est allée à néant(…)

Jean le Bel, Chronique, éd. Jules Viard et Eugène Déprez, Paris, 1905, (§ LXXXIX), vol. 2, p. 207 (en français modernisé).

La création des Francs archers (1448)

Charles, par la grâce de Dieu roi de France au prévôt de Paris ou à son lieutenant et aux élus des aides (…) Salut. Comme, après avoir ôté la grande et désordonnée vie et pillerie qui avaient longtemps duré sur nos sujets et mis ordre au fait de nos gens de guerre, nous avons, par grande et mûre délibération de conseil, avisé que, pour pourvoir à la sûreté et défense de notre royaume et seigneuries au cas que par le moyen de la trêve qui est à présent entre nous et notre neveu d’Angleterre, ne pourrions parvenir au bien de la paix, il est expédient et convenable mettre et ordonner en notre dit royaume aucun nombre de gens de défense, don t nous puissions aider et servir au dit fait de la guerre, sans qu’il soit besoin de nous aider d’autres que de nos dits sujets. Pour cela est-il que, après grande et mure délibération que nous avons eus avec plusieurs princes et seigneurs de notre sang, nous avons voulu et ordonné , voulons et ordonnons par ces présentes, pour le plus aisé et au moins de charge pour nos sujets , qu’en chaque paroisse de notre royaume, il y aura un archer qui sera et se tiendra continuellement en habit suffisant et armé de salade, dague , épée, arc, trousse et jaques ou huques de brigandine, et seront appelés les Francs-archers. Lesquels seront élus et choisis par vous desdites prévôtés et élections, parmi les plus doués et aisés pour le fait et exercice déclaré qu’il se pourront trouver en chaque paroisse, sans autre regard ni faveur sur la richesse ou aux requêtes qu’on vous pourrait faire sur cela ; et seront tenus de s’entretenir en l’habillement dessus dit toutes les fêtes et jours non ouvrables, afin qu’ils soient plus habillés et entrainés au dit fait et exercice, pour nous servir chaque fois qu’ils seront par nous mandés. Et nous les ferons payer de quatre francs par homme pour chaque mois qu’ils nous

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serviront. Et afin que les dits archers aient mieux de quoi et qu’ils soient plus curieux de se mettre et entretenir au dit état et habillement, avons ordonné qu’ils soient francs, quittes et exempts de toutes les tailles et autres charges quelconques qui seront mises de par nous en notre royaume (…), de garde de porte, (…).. à l’exception des aides ordonnées pour la guerre et de la gabelle du sel en défendant par les présentes aux commissaires qui seront commis à répartir et assoir les tailles et autres impôts qui seront par nous mis, qu’ils ne les assoient pas sur eux ; et aux seigneurs capitaines ou châtelains des châtellenies qu’ils ne les contraignent dorénavant à faire les guets et gardes (…) . Et pour qu’ils soient plus astreints à nous servir et entretenir en habillement dessus dit, nous voulons et ordonnons que les dits archers feront le serment en vos mains de bien et loyalement nous servir en leur dit habillement envers et contre tous , en s’exerçant comme c’est dit, et mêmement en nos guerres et affaires toutes fois qu’ils seront par nous mandés (…). Et qu’ils ne serviront personne au fait de guerre ni au dit habillement sans notre dite ordonnance, sous peine de perdre leurs dites franchises (…)

(…) Le roi commettra en chaque pays un homme de bien qui aura charge de visiter tous les archers après ce qu’ils feront ainsi assis, et de savoir s’ils font bien, et de les assembler toutes fois que le roi les mandera où qu’il lui plaira, auquel homme lesdits commissaires bailleront le s noms et surnoms des dits archers et les paroisses où ils seront demeurants (…) Et, en outre, voulons et ordonnons que les dits francs-archers soient par vous enregistrés par noms et surnom et les paroisses où ils seront demeurants et que de ce soit fait registre en la cour de vous, Elus , afin que nous en puissions aider et les recouvrer promptement, toutes fois que par nous seront mandés.

Donné à Montils-les-Tours, le 28 avril 1448, le 26e de notre règne.

M. de Bréquigny, Ordonnances des rois de la 3e race recueillies par ordre chronologique. Contenant les ordonnances depuis la 25e année du règne de Charles VII jusqu’à sa mort en 1461, t. XIV, Paris, 1790, p. 2-4.

L’entrevue de Picquigny (1475)

Comment les deux roys s’entrevinrent et jurèrent la trêve par avant traictée, et comment aucuns estimèrent que le Sainct-Esprit descendit sur la tente du roy d’Angleterre , en espèce de pigeon blanc

Il fut alors advisé que pour mettre fin à tout falloit adviser le lieu om les deux roys se verroient, et ordonner gens à visiter la place. Et de la part du roy y allasmes monseigneur de Bouchage et moy, et pour le roy d’Angleterre monseigneur de Havart, un appelé Chalanguier et un héraut. Et après avoir bien allé et visité la rivière, nous arrestasmes que le plus beau lieu et le plus seur estoit Picquigni a trois lieues d’Amiens, combien il avoit été brulé par le duc de Bourgogne. La ville est basse et y passe la rivière de la Somme, laquelle n’est point guéable et en ce lieu n’est point large. Par la où venoit le roy, le pays estoit beau et large. De l’autre côté, par où venoint le roy d’Angleterre, le pays estoit très beau, sauf que quand il venoit a approcher de la rivière, il y avoit une chaussée de bien deux grands traits d’arc de long qui avoit les marais d’un costé et de l’autre, et qui ne fut allé à la bonne foy, c’estoit un dangereux chemin. Et sans point de doute, comme j’ay dit ailleurs, les Anglois ne sont pas si subtils en traitez et appointements comme sont les François. Et quelque chose que l’on en dit, il vont assez grossement en besogne ; mais il faut avoir un peu de patience, et ne débattre point colériquement avec eux.

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Après que la conclusion de notre lieu fut prise, il fut ordonné d’y faire un pont, bien puissant et assez large, et fournismes les charpentiers et les estoffes ; et au milieu de ce pont, fut fait un fort treillis de bois, comme l’on fait aux cages des lions, et n’estoient point les trous d’entre les barreaux plus grands qu’à y bouter le bras à son aise. Le dessus estoit couvert d’aix, seulement pour la pluie, si avant qu’il ne se pourroit mettre dix ou douze personnes dessous de chaque côté et comprenoit le treillis jusque sur le bord du pont, afin que l’on ne puisse passer d’un costé à l’autre. Et la rivière y avoir seulement une petite sentine ou il y avoit deux hommes pout passer ceux qui voudroient aller de l’autre côté (…)

Nos barrières ainsi faites, comme avez ouy, vinrent le lendemain les deux roys, et fut l’an mille quatre cents septante cinq, le vingt et neuvième jour d’aoust. Le roy avoit environ huict cens hommes d’armes avec luy, et arriva le premier. Du côté où estoit le roy d’Angleterre, estoit toute son armée en bataille ; et combien que nous ne peussions voir le tout (…). Il estoit dit qu’avec chacun des deux roys y auroit douze hommes, qui estoient jà ordonnez pour estre aux barrières, des plus grands et des plus prochains. Comme je vous ay dict, le roy estoit arrivé le premier et jà aux barrières estoient le feu duc Jean de Bourbon et le cardinal son frère. Le plaisir du roy avoit esté que je fusse vestu pareil de luy ce jour (…)

Le roy d’Angleterre vint le long de la chaussée dont j’ay parlé, très bien accompagné, et sembloit bien roy. Avecques luy estoit le duc de Clarence, son frère, le conte de Northombelande et aucuns autres seigneurs, son chambellan appellé monseigneur d’Estingues, son chancelier et d’autres, en n’en avoit que trois ou quatre habillés de drap d’or pareil dudict roy. Ledict roy avoit une barrette de velours noir sur sa teste et y avoit une grande fleur de liz de pierrerie. C’estoit un très beau prince, et grant, mais il commançoit à engresser et l’avoye veü autresfois plus beau, car je n’ay pas souvenance de avoir veü ung plus bel homme qu’il estoit quant monseigneur de Warvic le feist fuir d’Angleterre.

Comme il approcha de la barrière quatre ou cinq pieds près, il osta sa barrette et se agenouilla comme à demy pied de terre. Le roy luy fist aussi grant reverence, lequel estoit jà appuyé contre les barrières, et commencèrent à s’entre-embrasser par les troux, et fist le roy d’Angleterre comme une plus grande révérence. Le roy commença la parolle et luy dist : « Monseigneur mon cousin, vous soyez le très bien venu. Il n’y a aucun homme au monde que je désirasse tant voir que vous. Et loué soit Dieu de quoy nous sommes icy assemblez a ceste bonne intention ». Le roy d’Angleterre respondit à ce propoz en assez bon françois.

Lors commença à parler ledit chancelier d’Angleterre, qui estoit ung prelat appelé l’evesque de l’Isle, et commença par une prophetie, dont les Angloys ne sont jamais desourveüs, laquelle disoit que en ce lieu de Pequigny se devoit faire une grand paix entre France et Angleterre. Et après furent desployé les lettres que le roy avoit faict bailler audit roy d’Angleterre touchant le traicté qui estoit faict. Et demanda ledit chancelier au roy s’il les avoit commandées telles et s’il les avoit pour aggreables. A quoy le roy respondit que ouy ; et aussi celles qui lui avoient esté baillées de la part du roy d’Angleterre.

Et lors fut apporté le missel et misdrent les deux roys la main dessus et les autres deux mains sur la saincte et vraye croix, et jurèrent tous les deux tenir ce qui avoir esté promis entre eulx. C’est assavoir les trèves de [sept] ans compris les alliez d’ung costé et d’autre, et d’accomplir le mariage de leurs enfants, ainsi qu’il estoit contenu oudict traicté.

Après le serment faict, notre roy, qui avoit la parolle bien à son commandement, commença à dire au roy d’Angleterre, en se ryant, qu’il falloit qu’il vint à Paris et qu’il le

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festieroit avecques les dames et qu’il luy bailleroit monseigneur le cardinal de Bourbon pour confesseur, qui estoit celuy qui l’assouldroit très volentiers de ce peché, s’aulcun il en avoit commis, car il sçavoit bien que ledit cardinal estoit bon compaignon.

Comme ce propoz avoit un peu duré ou semblable, le roy, qui se monstroit avoir auctorité en ceste compaignie, nous feïst retirer et nous dist qu’il vouloit parler au roy d’Angleterre seul. Ceulx du roy d’Angleterre se retirèrent semblablement, sans actendre qu’on le leur deïst. Comme les deux roys eurent ung peu parlé, le roy m’appela et demanda au roy d’Angleterre s’il me congnoissoit. Il luy respondit que ouy et dist les lieux où il m’avoit veë ey que d’autres fois m’estoye empesché pour le servir à Callaix, du temps que j’estoye avec le duc de Bourgongne.

Le roy lui demanda si le duc de Bourgongne ne vouloit point tenir la trêve pour ce que si orguilleusement en avoit respondu, comme avez ouy, et lui demanda aussi ce qu’il luy plaisoit qu’il feït. Le roy d’Angleterre luy respondit qu’il la luy offrist encores et que s’il ne la vouloit accepter, qu’il s’en rapporteroit a eulx deux. Après vint le roy tumber sur le duc de Bretaigne qui estoit ce qui luy avoit faict ouvrir ceste parolle, et luy en feïst semblable demande. Le roy d’Angleterre luy respondit qu’il luy prioyt ne vouloir faire guerre au duc de Bretaigne, et que, en sa necessité, il n’avoit jamais trouvé si bon amy. Le roy s’en teüt a tant ; et avecques les plus gracieuses et amyables parolles qu’il peüt, en rappelant la compagnie, print congé du roy d’Angleterre et dist quelque bon mot à chascuns de ses gens. Et ainsi tous deux en ung coup, ou bien peut s’en faillit, se retirèrent de la barrière et montèrent à cheval. Le roy s’en alla à Amyens et le roy d’Angleterre en son ost, à qui on envoyoit de la maison du roy tout ce qui lui faisait besoing, jusqu’aux torches et aux chandelles.

Philippe de Commynes, Mémoires, IV, X. éd. Calmettes, CHF, 1925, II, p. 63 et sq. dans Textes et documents d’histoire. 2 Moyen Age, éd. J. Calmette, PUF, Paris, 1953, p235-236. Mémoires de Philippe de Commynes, éd. M. Michaud et Poujolat, Nouvelle collection des mémoires à l’histoire de France depuis le XIIIe jusqu’à la fin du XVIIIe s., t. IV, Paris, 1837, p. 93-94

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k308792/f106.image.r=commynes

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THEME 2 : LES ROUTIERS

Bascot de Mauléon par Froissart

Un portrait de routier : le Bascot de Mauléon« Là vis venir un écuyer gascon qui s’appeloit le Bascot de Mauléon ; et pouvoit avoir pour environ soixante ans, appert homme d’armes par semblant et hardi ; et descendit en grand arroi en l’hôtel ou je étois logé à Ortais, à la Lune, sur Ernaulton du Pan. Et faisoit mener sommiers1 autant comme un grand baron ; et étoit servi lui et ses gens en vaisselle d’argent. Et quand je l’ouïs nommer et vis que le comte de Foix et chacun lui faisoit grand’fète, si demandai à messire Espaing de Lyon : « N’est-ce pas l’écuyer qui se partit du chastel de Trigalet quand le duc d’Anjou sist devant Mauvoisin ? » -« Oil, répondit-il, c’est un bon grand homme d’armes pour le présent et un grand capitaine ». Sur celle parole, je m’accointai de lui car il étoit en mon hôtel ; et m’en aida à accointer un sien cousin gascon, duquel j’étois trop bien accointé, qui étoit capitaine de Carlac en Auvergne, qui s’appeloit Ernauton, et aussi fit le Bourg de Campane. Et ainsi qu’on parole et devise d’armes, une nuit après souper, séant au feu et attendant la mie-nuit que le comte de Foix devoit souper, son cousin le mit en voie de parler et de recorder de sa vie et des armes où en son temps il avoit été, tant de pertes comme de profits, et trop bien lui en souvenoit. (…)La première fois que je fus armé, ce fut sous le captal de Buch à la bataille de Poitiers ; et de bonne étrenne je eus en ce jour trois prisonniers, un chevalier et deux écuyers, qui me rendirent l’un par l’autre 3 000 francs. L’autre année après, je fus en Prusse avecques le comte de Foix et le captal son cousin, duquel charge j’étois ; et à notre retour à Meaux en Brie, nous trouvâmes la duchesse de Normandie pour le temps, et la duchesse d’Orléans, et grand’foison de dames et de damoiselles, gentils dames que les Jacques2 avoient enclos au marché de Meaux ; et les eussent efforcées et violées si Dieu ne nous eût là envoyés. Bien étoient en leur puissance, car ils étoient plus de 10 000 et les dames étoient toutes seules. Nous les délivrâmes de ce péril ; car il y ot morts des Jacques sur la place, renversés aux champs, plus de 6 000 ; ni oncques puis ne se rebellèrent.Pour ce temps étoient trèves entre le roi de France et le roi d’Angleterre. Mais le roi de Navarre faisoit guerre pour sa querelle au régent et au royaume de France. Le comte de Foix retourna en son pays ; mais mon maître le captal demeura avecques et en ma compagnie du roi de Navarre pour ses deniers et à gages. Et lors fûmes-nous avecques les aidans que nous avions, au royaume de France et par espécial en Picardie, où nous fîmes une forte guerre, et prîmes moult de villes et de chastels en l’évêché de Beauvais et en l’évêché d’Amiens ; et étions pour lors tous seigneurs des champs et des rivières, et y conquesrimes, nous et les nôtres, très grand’finance. Quand les trieuves furent faillies de France et d’Angleterre, le roi de Navarre cessa sa guerre, car on fit paix entre le régent et lui ; et lors passa le roi d’Angleterre la mer en très grand arroi, et vint mettre le siège devant Reims. Et là manda-t-il le captal mon maître, lequel se tenoit en Clermont en Beauvaisis, et faisoit guerre pour lui et à tout le pays. Nous vinmes devant le roi et ses enfans.(…)Quand la paix fut faite entre les deux rois, il convint toutes manières de gens d’armes et de Compagnies, parmi le traité de la paix, vider et laisser les forteresses et les chastels que ils tenoient. Adonc s’accueillirent toutes manières de povres compagnons qui avoient pris les armes, et se remirent ensemble ; et eurent plusieurs capitaines conseil entre eux quelle part ils

1 Sommier : bête de somme2 Jacques : nom donné aux paysans participant à la Jacquerie de 1358

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se trairoient3 ; et dirent ainsi que, si les rois avoient fait paix ensemble, si les convenoit-il vivre. Si s’en vinrent en Burgogne ; et là avoit capitaines de toutes nations, Anglois, Gascons, Espaignols, Navarrois, Allemands, Escots et gens de tous pays assemblés ; et je y étois pour un capitaine. Et nous nous trouvâmes en Bourgogne et dessus la rivière de Loire plus de 12 000 que uns que autres. Et vous dis que là en celle assemblée avoit bien trois ou quatre mille de droite gens d’armes, aussi apperts et aussi subtils de guerre comme nuls gens pourroient être, pour aviser une bataille à prendre à son avantage, pour écheller et assaillir villes et chastels, aussi durs et aussi nourris que nulles gens pouvoient être. Et assez le montrâmes à la bataille de Brignay, où nous ruâmes jus le connétable de France et le comte de Forez, et bien 2 000 lances de chevaliers et d’écuyers. Cette bataille fit trop grand profit aux compagnons, car ils étoient povres ; si furent là tous riches de bons prisonniers, et de villes et de forts que ils prirent en l’archevêché de Lyon et sur la rivière du Rhône. (…)Or vint la bataille de Cocherel dont le captal pour le roi de Navarre fut chef ; et s’en allèrent devers lui pour faire meilleure guerre plusieurs chevaliers et écuyers. De notre côté vinrent servir à 200 lances, messire Planchin et messire Jean Jouel. Je tenois lors un chastel que on appelle le Bié d’Allier, assez près de La Charité, en allant en Bourbonnais, et avois 40 lances dessous moi. Et fis pour ce temps au pays et en la marche de Moulins moult grandement mon profit, et environ Saint-Poursain et Saint-Père le Moustier. Quand les nouvelles me furent venues que le captal, mon maître, étoit en Cotentin et assembloit gens à pouvoir, pour le grand désir que je avois de le voir, je me partis de mon fort à douze lances, et me mis en la route messire Jean Jouel et messire Jacqueme Planchin ; et vinmes sans dommage et sans recontre qui nous portât dommage devers le captal. Je crois bien que vous avez en votre histoire toute la besogne ainsi comme elle se porta ; C’est vérité, dis-je. Là fut pris le captal, et morts messire Jean Jouel messire Jacqueme Planchin. Il est vérité, répondit le Bascot de Mauléon. Je fus là pris, mais trop bien chey4 et m’avint ; ce fut d’un mien cousin, et cousin à mon cousin qui ici est, le Bourg de Campanne, et l’appeloit-on Bernard de Tarride ; il mourut depuis en Portingal en la besogne de Juberot5. Bernard qui lors étoit de la charge messire Aymenon de Pommiers, me rançonna sur les champs et me donna bon conduit pour retourner en mon fort à Bié d’Allier. Sitôt que je fus venu en mon fort, je pris un de mes valets et comptai 1 000 francs et lui chargeai ; et les apporta à Paris, et m’en rapporta paiement et lettres de quittance ».

Jean Froissart, Chroniques de Sire Jean Froissart qui traitent des merveilleuses emprises, nobles aventures et faits d'armes advenus en son temps en France, Angleterre, Bretaigne, Bourgogne, Escosse, Espaigne, Portingal et ès autres parties, édition A. Desrez, 1840, Livre III, chapitre XV, p. 406-408.

3 Ils se trairoient : ils en tireraient.4 Chey : choyé5 Allusion à la bataille d’Aljubarrota (1385) au Portugal.

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Pâtis conclus par la ville de Bergerac en 1382

Par la volonté du conseil des jurats et de tout le commun peuple de la ville, il fut ordonné de prendre des pâtis avec les Anglais des environs de la ville de ce côté de l’eau, et aux meilleures conditions possibles afin que les gens osassent labourer et cueillir leurs récoltes sûrement ; les pâtis furent pris savoir : les pâtis avec le seigneur de Mussidan, à commencer le 20 janvier de notre administration en l’an 1382 pour le prix et somme de 200 francs d’or et 20 marcs d’argent. De plus, il fut convenu entre nous et ledit seigneur de Mussidan que nous lui donnerions immédiatement 25 pipes de vin, sans fût, déduction de la dite somme de 200 francs et des 20 marcs d’argent, à savoir le vin dans des fûts au prix de 6 francs la pipe. Le tiers du reste doit se payer à la quinzaine de Pâques, le second tiers à la Saint-Jean-Baptiste et l’autre tiers à Notre-Dame d’août, après notre administration.Item au capitaine de Mussidan pour ses droits pour le pâtis, 3 marcs d’argent valant 18 livres.Item pour les sceaux dudit pâtis, un marc d’argent valant 6 livres.Item à Picot du Coudert, clerc du seigneur de Mussidan, pour les billettes et pour ses droits, 10 livres.Robert King, capitaine de Puy-Guilhem et d’Allemans-du-Dropt exigea pour son pâtis 100 francs d’or, 10 marcs d’argent, 2 tonneaux de vin, 1 tonneau d’avoine, 6 saumons et 6 douzaine de lamproies qui devaient lui être envoyées en carême. Le capitaine de Couze, il fut donné 6 aunes de bon drap, une pipe de sel et 1 marc d’argent.Extrait de : É. Labroue, Le livre de vie : les seigneurs et les capitaines du Périgord blanc au XIVe

siècle, Bayac, 1991, p. 30-31.

Le jugement d’Aymerigot Marchès (1391)

Attendu que l’accusé est né du royaume de France et que son père et Mathe Marchès, écuyer, son frère, et ses autres amis ont tous les jours de leur vie tenu le parti du roi et de son royaume, au vu et au su dudit Mérigot, qu’ils n’ont jamais pu tirer à eux, comme Mathe l’a rapporté et dit aux chevaliers, ainsi qu’ils l’affirment par serment ;Attendu qu’au temps qu’il s’arma premièrement, il était âgé de 15 à 16 ans et, par ce, pouvait bien avoir avis et conseil à son père, à son frère, à ses oncles et autres parents et amis étant et demeurant au pays de Limousin, et bienveillants du roi notre sire, s’il eût bien fait ou non de tenir de parti des Anglais ;Attendu que, par sa confession, il a mené route de gens d’armes et a été leur chef ;Attendu qu’il connaît et avoue tenir de l’évêque de Limoges tout ce qui lui échut à la mort de son père, terre, rente et revenu, lequel évêque tient nuement en foi du roi notre sire ;Attendu les chevauchées, armées, roberies et larcins, feux boutés, prises de gens tenant le parti du roi et de son royaume, et prises de villes et de châteaux ;Attendu que par sa confession il appert qu’il a conquis, avant et durant les trêves entre les deux rois, plusieurs forteresses et qu’il en a délaissé certaines qui étaient alors siennes ;Attendu que, durant ces trêves, et outre et par-dessus les défenses et commandements à lui faits, tant pat le roi ou ses gens, commis et députés, que par le roi d’Angleterre et ses commis, il a édifié, emparé et fait fort le Roc de Vendas, lequel, contre leur volonté, il a détenu et fait guerre contre eux et le pays d’environ ;Attendu les rébellions et désobéissances par lui faites et commises contre les rois de France et d’Angleterre, pilleries, roberies et déprédations qu’il a faites par sa force et outrage, sans cause ni raison, contre le roi et ses sujets ;Attendu, qu’audit prisonnier, qui n’est pas chef de guerre, le roi n’a aucune guerre formelle ou défiances précédant mais que, par manière de trahison, il veut prendre, exiger et lever en son royaume, pâtis et rançons, comme déjà il a fait depuis le temps de ces trêves criées, pendant lesquelles les chevaliers des susdits ont pour le roi mis le siège au-devant de lui, lequel à force il a rendu au roi et ses commis ;Attendu que, bien qu’il n’ait aucun retrait au pays, toutefois chaque jour il courait, rançonnait, pillait, buvait, mangeait et se gouvernait lui et ses gens et alliés, sur le roi, ses hommes et sujets ;Attendu aussi les persévérations et continuations des crimes, excès, aguets appensés et autres délits ci-dessus décrits, faits par le prisonnier, dans lesquels de son pouvoir il voulait persévérer ;

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Attendu le serment par lui fait au duc de Lancastre et au comte d’Armagnac, l’affection singulière qu’il leur portait contre le roi de France qui est son seigneur droiturier et naturel, et dans la terre et royaume duquel il est né et sujet ;Considéré aussi l’âge que le prisonnier avait au temps où il dit avoir été baillé à servir un Anglais, il a été délibéré qu’il était très fort traître dudit seigneur et de son royaume, et un très fort larron, meurtrier et bouteur de feu, et qu’il avait comme tel desservi à être exécuté solennellement pour ce qu’il est noble homme et de noble lignée, et afin qu’il en soit perpétuellement mémoire et que tous autres y prennent exemple, en la manière qui ensuit, c’est à savoir : qu’il soit traîné sur une claie, comme gentilhomme, et après assis en haut sur une poutre, au travers des ridelles d’une charrette et qu’à trompes cornant, il soit mené tant aux halles de Paris qu’ailleurs, aux notables portes de la ville de Paris, esquelles halles qu’il soit décapité et la tête mise au bout d’une lance sur l’échafaud ; et après, ses quatre membres pendus aux quatre portes de la ville de Paris, et son corps pendu à la justice du roi à Paris.Vu lequel présent procès et ouïes ces opinions, Monseigneur le prévôt condamna Mérigot à être exécuté par la manière dite, au jour de demain, heure due et compétente.Extrait de : Registre criminel du Châtelet, 1390-1392, t. I, p. 207 ; cité par : Ph. Contamine, Azincourt, Paris, 1964, p. 82-84.

Lettres du roi contre les routiers qui courent en pays de languedoc (1413)

Charles, par la grace de Dieu Roy de France, au sénéchal de Toulouse ou à son lieutenant, Salut. Il est venu à notre connoissance que depuis peu de temps en ça plusieurs gens darmes, archiers, arbalestiers, gens de compagnie, routiers et autres gens de guerre sans avoir sur ce congé et licence de nous par nos lettres, ne autrement, deuement se sont tenus et tiennent en plusieurs lieux et villages de notre Royaume pour eux traire vers nostre ville de Paris et y pillent et robent notre povre peuple, vivent sur iceluy et gastent leurs biens et y font plusieurs autres grands dommages, maux et outrages dont notre dit peuple, qui a esté moult opprimé en autres manières, tant pour la guerre comme pour la mortalité grande qui n'a guères y a esté, seroient désert du tout et s'en pouroient ensuir très grands et irréparables inconvéniens à Nous et à notredit royaume, si hastivement n'y estoit pourveu;

Et, pour ce, Nous, voulans y pourvoir et préserver et garder à notre pouvoir notredit peuple desdites roberies, dommages, maux et inconvéniens, comme tenus cy sommes, et mesmement que l'en est sur apointement de bon accord des débas et descorde qui ont esté entre aucuns de nostre sang et lignage, et l'entendons a mettre à fin et conclure au playsir de notre Seigneur, vous mandons, commettons et enjoignons estroitement qu'incontinent ces lettres, veues toutes excusations cessans et autres choses arrière mises, vous, tant par cas et publications à haute voix et son de trompe comme autrement, faites faire en tous les lieux accoutumez à faire, cris et publications par tous les lieux de votre sénéchaussée et ressort d'icelle que vous verrez estre à faire commandement, de par Nous, à tous les viguiers, prévosts, capitaines, gardes, bourgeois et habitans de villes, châteaux, forteresses, ports, passages, jurisdictions et détroits des mettes de votredite sénéchaussée et ressort, que sur quanque ils se peuvent meffaire envers Nous, ils ne souffrent, ne laissent aucunes des dites gens d'armes, archiers, arbalestiers, compagnies, routiers et autres gens de guerre entrer, ne passer par lesdits lieux, et semblablement, que vous fassiez commandement à icelles gens d'armes, archers, arbalestiers, compagnies, routiers et autres gens de guerre, estans ez termes d'icelle séneschaussée et ressort, et aussy à toutes autres gens d'armes quelconques qui y viendront ou s'y assembleront, sans avoir sur ce mandement, licence ou congé de Nous, dont il appert par Nos lettres patentes passées en notre grand conseil et de date subséquent ces présentes, que sur peine de forfaire corps et bien, et sur quanques ils se peuvent méfaire envers Nous, ils s'en départent tantost après ledit commandement, sans y séjourner aucunement, ne y retourner, ne eux y assembler en quelque manière que ce soit, et s'il y aucunes desdits gens d'armes qui ayent pris ou occupent aucunes villes, châteaux et forteresses ez termes de votredite sénéchaussée et ressort, que vous leur faites ou faites faire commandement, de par Nous comme dessus, qu'ils s'en départent et le vous rendent et baillent par Nous, tantost et sans délay, à ce qu'elles soient gardées de par Nous, en commettant par vous à la garde d'icelles telles personnes que vous verrez estre à faire jusques à ce que, par Nous, en soit autrement ordonné.

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Et en cas que les dessusdits seroient, des choses devant dites, refussans, délayans ou en demeure, que vous les prenez ou faites prendre prisonniers pour en estre faite par vous telle punition qu'au cas appartiendra, et aussy en prenant réalment lesdites villes, châteaux et forteresses qu'ils occuperont, et les faisant garder de par Nous comme dit est, en procédant pour ce estre les dessusdits, et à chacun d'eux, à force et puissance d'armes, se mestier est, et par toutes les autres meilleures voyes qu'il se pourra faire en convoquant et apellant pour ce avec vous, se mestier est, de nos sujets nobles et autres de votredite sénéchaussée et ressort, et d'ailleurs environ, et, de ce, faites tant que la force en soit nostre et vous en demeure, ausquels, nos sujets, Nous mandons par ces mesmes lettres que, pour faire ce que dit est, ils voisent avec vous, si tost qu'ils en seront requis, et, pour ce, se arment et assemblent de tout leur pouvoir et vous aident à entériner et accomplir les choses dessusdites, et s'il avenoit qu'en ce faisant, iceux gens d'armes ou aucuns d'eux, se voulussent mettre a deffense ou rebeller, par quoy il convinst procéder et contreux par voie de fait, et il en y avoit aucuns morts ou mutilez, Nous ne voulons qu'il puist tourner à aucun préjudice aux dessusdits nobles, ne à autres qui seroient en votre compagnie et à votre aide, mais voulons qu'ils en soient et demeurent à toujours quittes, et leur pardonnons dès maintenant pour lors, en tant que mestier seroit, et aussy voulons et ordonnons que si lesdits désobéissans ou rebelles avoient chevaux, harnois et autres biens quelconques, ilssoient employez et convertis au défrayement et dépayement de ceux qui, ainsy, les auront subjuguez, pris et emprisonnez, et avec ce, voulons et donnons congé, licence, autorité et mandement espécial à tous nosdits sujets, qu'ils puisent rescorré à icelles manières de gens leurs biens, s'ils s'efforçoient de les vouloir, prendre et emporter et garder, que ces choses dessusdites n'aient aucun deffaut; de ce faire nous donnons et aussy à vos commis et députez en cette partie plein pouvoir, autorité et mandement espécial, mandons et commandons à tous nos justiciers, officiers et sujets que, à vous, et à vosdits commis et députez, en faisant les choses dessusdites, obéissent et entendent diligemment, et, à vous, prestent et baillent conseil, confort, aide, secours et présence, se mestier est, et requis en sont.

Mandons, outre ce, à nos amez et feaux gens tenans et qui tendront notre Parlement à Paris, les maistres des requestes de Notre hotel, les gens tenans les registres de Notre palais à Paris, à vous, sénéchal, et à tous nos autres justiciers, officiers, commisaires et sergens, ou à vos lieutenans, et à chacun de vous, si comme à luy appartiendra, par toutes les causes, querèles, debtes, biens et possessions quelconques des dessusdits nobles et autres qui, ainsy, seront en votre compagnie, pour le fait dessus toucher, vous tenez et faites tenir en estat du jour qu'ils partiront pour y aller jusques à quinze jours après leur retour, sans faire ne souffrir estre fait ou attenté cependant aucune chose, au contraire aller contre d'eux, leurs pleiges ou autres pour eux obligez, mais si fait estoit, le remettez ou faites remettre sans délay à estat deu, car ainsy Nous plaist il, et voulons estre fait par la teneur de ces présentes, au vidimus desquelles fait sous seel royal, pour ce que ce présent original ne poura pas par aventure estre exhibé et monstré par tout il seroit besoin. Nous voulons estre adjoutée pleine foy pareillement de qu'à ce dit présent original.

Donné à Paris le Xe jours d'aoust, l'an de grâce mil quatre cens et XIII, et de nostre règne le XXXIIIe.

Par le Roy en son grand conseil ou messieurs les ducs de Guyenne, de Berry, de Bourgongne et de Bar, le duc Louis en Bavière, vous et autres estoient. Perron.

Source: Archives Départementales de l'Hérault, Série A1, folios 326 v° à 329 r°.

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Les méfaits de Rodrigue de Villandrando à Tours (1432)

À honorables hommes maistre Martin Berruier, chanoyne de deux églises de Tours, et Jehan Farineau, bourgoys d’icelle ville, à la somme de XVI livres tournois pour leurs voyages d’estre allez à Amboise, pour lui [le roi] remonstrer les grans et innumérables maulx et dommages que font chascun jour les gens d’armes et de trait estans de la compaignie de Rodrigo de Villendrado, leur cappitaine, qui sont logiés environ ladicte ville de Tours, outre la rivière de Loyre, et prennent gens à très grosse rançon, gastent les blez, destorent les vignes estans prestes à vandangier, et autres maux innumérables  ; et aussi lui requierir et supplier que les monstres des gens d’armes ne fassent point près de ladicte ville, ne que leur passage ne fust point par icelle ; lesquels ont tant fait que le roy, nostre dit seigneur, promist tant qu’il envoyroit le seigneur de la Borde devers ledit Rodrigo pour le faire deslogier, et qu’il n’i auroit nulles monstres près de ladicte ville. Et avecques ce ont obtenu lettre du roy, nostre dit seigneur, par lesquelles il est mandé aux gens de ladicte ville qu’ils ne laissent entrer nulles gens d’armes plus fors que eulx en ladicte ville de Tours, excepté ledit seigneur et monseigneur le Dauphin. Et oudi voyage ont esté lesdiz maistres Martin Berruier et Jehan Farineau chascun IIII jours, et leur a esté tauxé à chacun d’eulx XL sous par jour qui valent la somme de XVI livres tournois à eulx paiée par mandement donné le dernier jour d’octobre, l’an mil CCCC XXXII.Archives communales de Tours, Extrait du registre des comptes de la ville de Tours, n°25, 1432.

L’insécurité dans les campagnes et ses effets

1. Comment le duc de Bourbon alla guerroyer en « Bordelais » par l’avis du comte Phébus (1387)

Quand le duc Louis de Bourbon6 eut ses gens avec lui il en fut moult aisé. Il vit qu’il n’avait que trop séjourné et pour cela se prit un jour à dire au conte de Foix7. « Beau cousin, puisque mes gens me sont venus, je n’attendrai pas davantage sans rien faire et je voudrais bien m’employer, par votre bon conseil, et secrètement car ce que vous me direz ne sera jamais révélé ». Alors le comte Fébus dit « Monseigneur , quand vous partirez d’ici je vous conseille d’aller en Bordelais, en une ville appelée Brassempouy8, qui est une ville où il y a foison de vilains qui n’ont cure de garnison, mais se gouvernent tous par eux-mêmes et les trouverez hardis vilains, et une partie de la ville est close de palis, et je crois qu’il ne pourrons tenir contre vous. Et en vous allant par là, vous trouverez une maison forte qui est de Perrot le Béarnais, laquelle a bien coûté 15 000 francs, de l’argent qu’il a conquis à Chalucet 9. Et il m’est avis que ce ne serait pas un grand mal si vous faisiez brûler cette maison. Et je vous dit en plus que en prenant la ville de Brassempouy, vous ferez une conquête au détriment du seigneur de Lescar, qui la tient du roi d’Angleterre ». Ainsi le duc de Bourbon quitta le comte Fébus, et avec sa compagnie s’en alla à la maison de Perrot le Béarnais, anglais, qu’il fit brûler et détruire les jardins. À cette heure, Perrot fut appauvrit de tout ce qu’il avait accumulé , pillé et volé en son temps. Et de là le duc de Bourbon s’en alla avec sa compagnie devant 6 Louis II duc de Bourbon (1337-1410)7 Gaston III de Foix-Béarn, dit Gaston Fébus (1331-1391)8 Brassempouy, alors dans le diocèse d’Aire-sur-Adour et non en Bordelais (auj. dpt Landes)9 Auj. située à Saint-Jean-de Ligoure, dpt. Haute-Vienne

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Brassempouy. Il fit demander à ceux de la ville de se rendre, lesquels parlèrent moult orgueilleusement ; dirent qu’ils étaient de bons anglais, et qu’ils mourraient bons anglais. Adonc, le duc de Bourbon commanda l’assaut. Ses gens d’armes se mirent à pied. Et de tous côtés tant des gens du duc de bourbon que de ceux qui revenaient d’Espagne, fut commencé l’assaut, âpre et fort. Les gens d’armes entrèrent par le fossés, rompirent le palis. Les vilains se défendirent vigoureusement. Les Français forcèrent tant qu’ils arrachèrent les pieux. Le premier à entrer dedans fut le sire de La Roche-Guyon et il y eut un cri par quoi ceux de la ville l’avaient occis. Et incontinent les Français entendant ce cri, le Barrois et Chastelmorand qui portait le pennon, se boutèrent dedans et après eux l’hôtel du duc (…), ceux de retour d’Espagne (…), tous entrèrent de force à qui mieux mieux, et quand ils furent dedans ils occirent moult ceux de la ville ou les firent prisonniers. Et ainsi la ville de Brassempouy prise, le duc de Bourbon la fit raser en raison de la male renommée qu’elle avait. Depuis ce lieu, le duc de Bourbon se dirigea devant la ville de Lescar qui fut prise par bel assaut à sa venue, tant elle fut assaillie aigrement, investie par 40 combattants. Il y logea cette nuit car le seigneur de Lescar était parti de là pour aller à Bordeaux quérir le secours contre le duc de Bourbon.

Et le lendemain, le duc séjourna près de Lescar. Il envoya son étendard par toute la contrée du sire de Lescar, où ses gens incendièrent villages, bordes et maisons, tant et si bien qu’il ne demeurât rien à brûler. Et de Lescar le duc de Bourbon s’en alla devant une ville appelée Ayenmal, située dans un marais, qui quoi qu’ayant été du roi de France , par la sénéchaussée de Toulouse, était tenue par le seigneur de Lescar en sujétion et en grand pâtis afin que ceux d’Ayenmal tinssent son parti. Et dès qu’ils virent les Français devant eux, ils se rendirent au duc de Bourbon, lui priant de mettre garnison en ville pour les garder du seigneur de Lescar, car ils lui seraient obéissants ainsi qu’au roi de France, car ils étaient de droit de la sénéchaussée de Toulouse. Et à une autre ville près de là, appelée Montcuc, le duc envoya ses gens, laquelle ville lui fit obéissance comme Ayenmal. Et le duc mit une garnison dans les deux villes (…). Ainsi le duc de Bourbon, s’en retournant en Espagne, gâta deux ville du roi d’Angleterre en Bordelais et gagna deux autres qui depuis sont tenues bonnes françaises.

Cabaret d’Orville, J., La chronique du bon duc Loys de Bourbon, éd. Chazaud, A.-M, Paris, 1876, p. 199-202

2. Acte pour la création d’un fort villageois à Clermont-le-Fort (1469)

Au nom du seigneur amen. Sachent tous, présents et futurs par ces présentes que puisque dans le lieu de Clermont10 , il n’y a nulle forteresse dans laquelle les habitants dudit lieu de Clermont peuvent eux ou leurs biens se retirer en temps de guerre, et pour éviter les dommages que de jour en jour les habitants dudit lieu ont enduré et supporté, ils ont supplié le noble seigneur Odet Yzalguier qu’il lui plaise de faire une maison forte dans laquelle les habitants pourraient venir s’installer pour y conserver et mettre leurs biens à l’abri. À la supplique desquels , ledit noble seigneur donna son approbation pour faire faire des

10 Clermont le Fort, auj. dpt. Haute Garonne

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« parets »11 et une maison pour lui-même et pour diviser le reste aux habitants dans le dit lieu de Clermont .

C’est pourquoi, l’année et le jour ci-dessous dit, en présence de moi notaire et des témoins ci-après nommés, s’est constitué personnellement le noble et puissant homme, seigneur Odert Yzalguier, chevalier, seigneur des lieux d’Aureville et de Clermont ainsi que des fiefs susdits, voulant préserver et conserver les habitant dudit lieu de Clermont et leurs biens, comme les siens, gracieusement, de science sûre et par volonté spontanée, donna, céda et concéda en fief nouveau et en perpétuelle emphytéose contre le versement d’oublies annuelles à tous les habitants du lieu de Clermont , les emplacements suivants situées dans la motte appelée le « Vieux Château » dans la juridiction dudit lieu de Clermont appartenant audit noble seigneur. En premier, une canne et demi12 à Jean Mercader ; à Jean de Reguffelet une canne ; à Raimond Gardelle le jeune (…) une canne ; à Jean Rubey une canne et demi ; Louis Bonhori deux cannes. Tous ces emplacements étant situés dans la forteresse susdite , du côté sud, alors que les suivantes sont au nord. En premier à Raimond Escolani 12 palmes13 ; Arnaud Jordan appelé Fevie 2 cannes ; de même à Pierre de Contesac 12 palmes ; Antoine Reynaud 12 palmes ; Bernard Pesquer 12 palmes ; Pierre Andre deux cannes et Pierre Reynaud 12 palmes.

Ces tenanciers ont reçu, tant pour eux que pour leurs héritiers et leurs successeurs lesdits emplacement avec leurs confronts, leurs entrées et passages et toutes dépendances, pour les avoir, posséder, user, vendre, donner, engager, aliéner, ou transporter selon leurs volontés, aux conditions ci-après détaillées (…). Primo sous la condition que chaque emphytéote tiendra et sera tenu de conserver son emplacement en bon état, de faire à ses propres dépens les bâtiments et les parets qui appartiennent à la forteresse et aux murs mitoyens de leurs maisons. De les garder de jour comme de nuit quand il le faudra ou de les faire garder à leurs frais, et de faire de même chaque fois qu’un ouvrage devra être repris. Ils devront en outre payer en raison desdits emplacements ou maisons en fief, chaque année en perpétuité, ainsi qu’il en a été conclu avec le susdit noble Odet Yzalguier seigneur desdits fiefs du nouveau château, à la fête de Toussaint, 2 deniers d’oublie14 pour chaque emplacement de maison, en bonne et forte monnaie toulousaine ancienne. Et 2 autres deniers de la même monnaie d’arrière-acapte, payable à la mort du seigneur de fief, ou à celle de ses successeurs. Et 2 autres deniers de la même monnaie de justices si lesdits tenanciers ou leurs héritiers étaient inculpés légitimement de n’avoir pas versé lesdites oublies au temps et aux lieux prévus (…). Fait à Clermont, le 11 décembre 1469.

Éd. Frédéric Loppe, « Forts villageois en Toulousain et Montalbanais. Quelques exemples de construction, d’aménagement et de mise en défens (vers 1366-vers 1469) » , Mémoires de la société archéologique du Midi de la France t. LXIX, 2009, Toulouse, p. 99-152

11 Le paret est dans la région toulousaine, une maçonnerie de terre crue massive, quelque soit son mode de construction (terre comprimée par tassement vertical dans un coffrage, bauge, bauge coffrée)

12 La canne, mesure de longueur utilisée dans le sud de la France, variable entre 1,75m à 2m .13 la palme, unité de mesure.14 Oublie : redevance seigneuriale

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3. Lettre de rémission pour Hélie Thibaut (février 1461 n.st.)

Charles par la grâce de Dieu roi de France, faisons savoir à tous présents et à venir que nous avons reçu l’humble supplication de Hélie Thibaut, serviteur de notre bien aimé Micheau de Montréjeau homme d’armes, étant à nos gages et soudées sous la charge de bien aimé écuyer d’écurie Jean de Verdun, capitaine de Bourg15 contenant que 8 jours ou environ, après la Pentecôte passée ledit suppliant étant en la place de Blaignac16, se transporta par le commandement de Raymondin de Montréjeau, capitaine de Blaignac, par devers un nommé [blanc], meunier d’un moulin qui est sur l’Engranne en Entre-deux-mers situé dans les dépendances dudit lieu de Blaignac, et lui demanda qu’il lui baillât du blé ou la farine qu’il devait audit capitaine. Lequel meunier répondit qu’il ne devait ni blé ni farine audit capitaine. Et alors, ledit suppliant, voyant la réponse dudit meunier, demanda au procureur dudit lieu de Blaignac combien ledit meunier devait de blé. Lequel procureur lui répondit qu’il en devait 3 boisseau et demi. Et derechef, ledit suppliant dit au meunier que ledit capitaine se recommandait à lui pour qu’il lui plût de bailler ledit blé. Sur quoi ledit meunier répondit qu’il aimerait mieux que ledit capitaine et ledit suppliant eussent le ventre crevé.

Lequel suppliant, voyant qu’il ne voulait lui bailler ni blé ni farine, dit audit meunier qu’il allait quérir du blé pour faire moudre (…) et que s’il y avait faute ils en débattraient ensemble. Et incontinent, ledit suppliant s’en alla quérir du blé et l’amena audit moulin, qu’il trouva fermé, et la meule dudit moulin levée. Voyant cela le suppliant se transporta devant ledit meunier et lui dit qu’il venait faire moudre son dit blé, qui était au capitaine de Blaignac. Lequel meunier lui répondit qu’il ne tenait rien dudit capitaine et qu’il n’avait point charge de lui moudre son blé. Et derechef ledit suppliant dit audit meunier qu’il se mit devant lui et qu’il allât faire moudre son blé. Lequel meunier répondit qu’il aimerait mieux que ledit capitaine et ledit suppliant eussent le ventre crevé. Alors ledit suppliant lui dit qu’il lui baillât la clé dudit moulin et qu’il trouverait quelqu’un qui lui ferait moudre son blé. Lequel meunier dit qu’il n’en ferait rien et qu’il n’était pas homme à qui il dût être baillé la dite clé. Alors ledit suppliant le prit par le bras et lui dit qu’il irait avec lui faire moudre son dit blé. Mais le

15 Bour-sur-Gironde, actuel dpt Gironde.16 Blaignac, commune Cabara, actuel dpt Gironde.

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meunier, qui tenait en sa main une pelle ferré, en frappa ledit suppliant sur la tête. Lequel suppliant se sentant blessé, tira un couteau qu’il avait en se défendant. Et derechef ledit meunier frappa le suppliant de ladite pelle sur la tête. Et lors, ledit suppliant qui était dans l’eau en sortit et pensa frapper ledit meunier de son couteau. Et incontinent ledit meunier jeta sa pelle dans l’eau et prit un grand levier avec lequel il tenta d’assommer ledit suppliant. Celui-ci rabattit le coup de son couteau et atteint ledit meunier de son couteau au visage. Le meunier se laissa tomber dans l’eau et se noya.

À l’occasion dudit cas, ledit suppliant doutant de la rigueur de la justice s’est absenté du pays, au sein duquel il n’osera plus converser ou demeurer sans nos grâce et miséricorde à lui imparties.

Humblement requérant que attendu que le défunt fut agresseur et frappa par deux fois ledit suppliant, et que avant le coup advenu ledit suppliant s’était gouverné par douces paroles avec ledit défunt, et qu’il était vraisemblable qu’il voulait outrager ledit suppliant (…) il nous plaît lui accorder cette grâce. C’est pourquoi, ces choses considérées, voulant miséricorde préférer à rigueur de justice, nous pardonnons audit suppliant et le restituons en ses bonnes fame et renommée, au pays et à ses biens. Donné à Bourges, au mois de février l’an de grâce mil. IIII. LX et de notre règne le XXXIe.

Archives nationales, Trésor des Chartes, JJ, 192, Ed. Boutruche (Robert), La crise d’une société. Seigneurs et paysans du Bordelais pendant la Guerre de Cent ans, Paris, 1963, p. 483-484

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THEME 3 : Le combat chevaleresque

1. Un chevalier errant (1318)

Il est exact que, après la prise de la ville de Berwick sur les Anglais, les Ecossais avaient si bien pris le dessus et étaient si présomptueux qu'ils ne faisaient guère attention aux Anglais, lesquels ne s'occupaient presque plus de la guerre, mais la laissait péricliter. En ces jours, lors d'une grande fête de seigneurs et de dames dans le comté de Lincoln, un beau page apporta à Sir William Marmion 17, chevalier, un heaume de guerre avec une crête dorée, et en même temps une lettre de sa dame, dans laquelle elle lui commandait de se rendre au lieu le plus périlleux en Grande Bretagne, et là de faire connaître le susdit heaume. Il fut sur le moment décidé par les chevaliers qu'il devait aller à Nordham, comme étant le lieu le plus périlleux et la place la plus exposée dans le pays. Donc le dit sire William se rendit à Nordham ; là, le quatrième jour après son arrivée, monseigneur Alexandre de Mowbray18, frère du seigneur Philippe de Mowbray, qui était alors gardien de Berwick, vint devant le château de Nordham avec la plus vaillante chevalerie des Marches d'Ecosse, et rassembla plus de huit vingtaines d'hommes d'armes devant le château à midi. La clameur de haro fut poussée dans le château alors que tous étaient assis à table ; sur quoi le châtelain, Sir Thomas de Gray 19, s'avança avec sa garnison en dehors des barrières, et il vit l'ennemi rassemblé pour se battre durement. Alors il regarda à la ronde et vit le dit Sir William Marmion venant à pied, tout resplendissant d’or et d'argent, merveilleusement harnaché, et portant le dit heaume en tête. Sir Thomas Gray avait entendu parler de la raison de sa venue, aussi lui cria-t-il à haute voix : « Sire Chevalier, vous êtes venu ici en tant que chevalier errant, pour faire connaître ce heaume qui est à vous ; aussi serait-il préférable et mieux approprié que votre qualité soit vue à cheval plutôt qu'à pied ; montez donc votre cheval ; regardez donc de là vos ennemis ; éperonnez votre coursier, et foncez au milieu d'eux ; car je renie ici Dieu si je ne récupère pas votre corps, vivant ou mort, sauf si je meurs moi-même. » Alors ce chevalier monta un puissant cheval de bataille, planta ses éperons dans ses flancs, et fondit au milieu de ses ennemis, qui le frappèrent, le blessèrent à la face, et le firent tomber de sa selle par terre. Alors vint le dit Sir Thomas avec toute sa garnison, lances en arrêt, et ils frappèrent les chevaux aux entrailles pour qu'ils renversent leurs cavaliers. Ainsi ils repoussèrent leurs ennemis montés, relevèrent le chevalier à terre, le remirent en selle sur son cheval, et se mirent à la poursuite de leurs ennemis  ; à cette première rencontre, sept furent tués et 50 chevaux de prix capturés. Les femmes du château amenèrent les chevaux à leurs hommes, qui les montèrent, et poursuivirent et frappèrent tous ceux qu'ils purent attraper. Thomas de Gray tua dans le forth de Yair un certain Cryn, un Flamand, un amiral de la mer et un voleur, qui était grand maître auprès de Robert de Bruce. Le reste de ceux qui purent s'échapper fut pourchassé jusqu'au couvent de Berwick.

Sir Thomas Gray de Heton, Scalacronica, éd. Stevenson, p.145.

17 Combattant anglais18 Combattant écossais19 Chef de la garnison anglaise du château de Berwick

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Pour le grand désir que nous avons de voir et d'avoir la connoissance des nobles gentils hommes, chevaliers et écuyers étrangers du royaume de France et des autres royaumes lointains, nous serons à Saint-Ingeleverth le vingtième jour du mois de mai prochainement venant, et y seront trente jours accomplis tous continuels ; et tous les trente jours, hormis les vendredis, délivreront toutes manières de chevaliers et d'écuyers, gentils hommes étrangers, de quelques marches qu'ils soient, qui venir y voudront, chacun de cinq pointes de glaive ou de cinq de rochet, lequel que mieux leur plaira  ; de tous les deux si ce leur agréé. Et au dehors de notre logement seront trouvés nos targes et nos écus armoriés de nos armes, c'est à entendre de nos targes de guerre et de nos écus de paix. Et quiconque voudra jouter, vienne ou envoie le jour devant heurter ou toucher d'une vergette auquel que mieux lui plaira à choisir, et s'il heurte ou fait heurter à la targe de guerre, à lendemain, de quel homme qu'il voudra il aura la joute de guerre ; et si il heurte ou fait heurter à la targe de paix, il aura la joute de paix ; et conviendra que tous ceux qui voudront ou envoyeront jouter ou heurter disent ou fassent dire leurs noms à ceux qui commis y seront de par nous à garder les targes de guerre et les écus de paix  ; et seront tenus tous chevaliers et écuyers étrangers qui jouter voudront d'amener un noble homme de leur part, et nous aurons endoctrinés de par nous, lesquels ordonneront de toutes les choses qui pour cette cause pourroient être faites ou avenir à faire ; et prions à tous les nobles chevaliers et écuyers étrangers qui venir et voudront, que point ne veulent penser ni imaginer que nous fassions cette chose par orgueil, haine ou malveillence, mais pour les voir et avoir leur honorable compagnie et accointance, laquelle de tout coeur entièrement nous désirons. Et n'aura nulles de nos targes couvertes de fer ni d'acier, ni celles qui voudront à nous jouter, ni nous à eux ; ni nul autre avantage, fraude, barat ni mal engin, fors que par l'égard de ceux qui y seront commis des deux parties à garder les joutes. Et pour ce que tous gentils hommes nobles chevaliers et écuyers, auxquels cette chose viendra à connoissance, le tiennent pour ferme et estable, nous avons scellé ces lettres du sceaux de nos armes. Ecrites, faites et données à Montpellier le vingtième jour du mois de novembre, en l'an de grâce de Notre Seigneur, mil trois cent quatre-vingt et neuf.

Signé : Regnaut de Roye, Boucicaut, Sempy.

FROISSART, Chroniques, Livre IV, p. 22-3

2. Proclamation officielle des joutes de Saint-Inglevert (1389)

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3.Les joutes de Saint-Inglevert dans un ms des Chroniques de Froissart du XVe s (Chroniques de Froissart, Brish Library, dans Barber (Richard), Barker (Juliet), Les tournois, Paris, 1989, p. 121)

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