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22 23 I I DANSE de Peter Pan… Etes-vous toujours habitépar cette crainte de grandir ? Votre Faune 2018 se nourrit-il de quelque manière que ce soit du Bambi déjanté de 2012 ? Je pense que le syndrome Peter Panest toujours très présent dans mon travail, mais se propageaujourd’hui sous d’autres formes… J’explore toujours le thème du combat, le to let go, et utilise volontiers les métaphores enfantines pour raconter des choses extrêmement graves ou lourdes. L’envie de ridiculiser la notion de sérieux ou de rendre héroïque le registre de l’enfantin m’anime toujours autant. Qu’est-ce que ce Faunereprésente aujourd’hui pour moi émotionnellement ? A quoi ressemble-il et /ou de quel sexe est-il vraiment ? Sachant que les questions de genres sous différentes formes, instruments ou rythmes, puis survient le moment central de l’œuvre, qui me rend particulièrement nerveux, car je redoute de ne pas pouvoir atteindre sa force émotionnelle. La troisième partie est quant à elle plus dénudée. C’est en m’attachant à la musique que je me sens le plus à l’aise pour revisiter cette œuvre monumentale. Pour ce qui concerne la référence à Nijinski, je vais suivre ce que mon cœur et mon audace me dictent de faire. C’est selon moi la meilleure façon d’échapper à l’énorme pression qui pèse au-dessus cette belle soirée. Enfin, qui signe les costumes et décors de votre Prélude à l’après-midi d’un faune, sachant que, depuis vos débuts en tant que chorégraphe, vous portez un soin tout particulier à l’univers visuel scénique que vous proposez au public, n’hésitant pas à faire appel à des stylistes et créateurs issus du milieu de la mode tels que le duo de On aura tout vu, etc. ? Le Faune ne dure qu’une dizaine de minutes, à l’intérieur du programme de cette soirée de ballets, ma création agira en quelque sorte comme un précipité, et nous n’aurons pas le temps d’installer une scénographie spécifique - ce qui représente pour moi un défi supplémentaire, car mon travail est en effet très visuel ! Il n’y aura donc pas de décor à part entière… j’essaie cependant d’expérimenter la création d’une ambiance scénique marquante. Pour ce faire, j’ai à nouveau sollicité pour les costumes Charlie le Mindu (qui avait déjà collaboré à la création de Massâcre) ; Fabiana Piccioli (intervenue sur Massâcre et Ma Mère L’Oye) signera les lumières. Nous sommes très impatients à l’idée de créer ensemble l’univers singulier de ce fantasme. Votre Après-midi d’un Faune retrouve le Préludedu titre initial de la composition de Debussy… Etait- ce une volonté de distinguer votre création du ballet historique - tout en vous inscrivant dans l’hommage rendu à son créateur, Nijinski ? Finalement, j’ai décidé d’utiliser comme titre « Aimais-je un rêve? » / la première phrase du poème de Mallarmé. Pour moi elle dit l’essentiel, tout en laissant une grande part de liberté à l’interprétation. Ce questionnement à propos d’un fantasme, la notion de doute ou d’interrogation concernant ce que l’on ose parfois aimer (et jusqu’où ?) me plaît beaucoup. Lors de l’entretien que nous avions réalisé ensemble à l’occasion de votre première création en tant que chorégraphe, Kill Bambi, vous aviez évoqué le syndrome et d’identités sexuelles sont particulièrement d’actualité… J’ai aussi pensé à la solitude, que je ressens très fortement ces derniers temps, à travers mes incroyables aventures en tant qu’artiste freelance. Si la création est une belle route, on y avance très souvent de manière solitaire. Apres avoir abandonné l’idée d’un solo, la pièce s’est imposée comme un duo entre le Faune, représentant le fantasme, et différentes identités sexuelles, jusqu’à sa rencontre avec un jeune individu. L’idée étant de jouer avec la réalité et le rêve entremêlés… De ces deux personnages, lequel incarne la vraie créature et au final, qui rêve de qui ? Qui chérira le plus ce moment si intime? Qui souffrira le plus quand il découvrira que ce n’était qu’un fantasme ? Et enfin, quelle trace laissera ce rêve ? Je me rapproche ainsi davantage de la chorégraphie de True & False Unicorn que j’avais créée pour les ballets en 2015, et qui explorait déjà la frontière entre la vérité et le mensonge. Au jeu de qui mange qui ?, comment rendre hommage à un ballet classique à l’identité si forte (rappelons que les décors et les costumes signés Léon Bakst ont fait date dans l’histoire des Ballets russes de Serge de Diaghilev) sans y perdre son vocabulaire chorégraphique, autrement dit, comment préserver sa nature chorégraphiqueau milieu d’une telle luxuriance originelle ? Sans musique je suis perdu, alors plutôt que de plonger dans Bakst ou Nijinski, j’ai particulièrement étudié la musique de Debussy. Si elle peut paraître très facile d’accès à la première écoute, grâce à sa mélodie, elle s’avère vite extrêmement complexe. D’emblée, le thème principal du Faune se répète plusieurs fois ENTRETIEN Jeroen Verbruggen Petits pas deviendront grands Suite d’entretiens avec deux jeunes chorégraphes répondant à l’invitation de Jean-Christophe Maillot à revisiter le répertoire des Ballets russes … En compagnie de Nijinski : un époustouflant programme de ballets, à suivre en tournée au Théâtre des Champs-Elysées à Paris. © Alice Blangero © Alice Blangero © Alice Blangero

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de Peter Pan… Etes-vous toujours “habité” par cette crainte de grandir ?Votre Faune 2018 se nourrit-il de quelque manière que ce soit du Bambi déjanté de 2012 ?Je pense que le “syndrome Peter Pan” est toujours très présent dans mon travail, mais se “propage” aujourd’hui sous d’autres formes… J’explore toujours le thème du combat, le “to let go”, et utilise volontiers les métaphores enfantines pour raconter des choses extrêmement graves ou lourdes. L’envie de ridiculiser la notion de sérieux ou de rendre héroïque le registre de l’enfantin m’anime toujours autant.

Qu’est-ce que ce “Faune” représente aujourd’hui pour moi émotionnellement ? A quoi ressemble-il et /ou de quel sexe est-il vraiment ? Sachant que les questions de genres

sous différentes formes, instruments ou rythmes, puis survient le moment central de l’œuvre, qui me rend particulièrement nerveux, car je redoute de ne pas pouvoir atteindre sa force émotionnelle. La troisième partie est quant à elle plus “dénudée”.

C’est en m’attachant à la musique que je me sens le plus à l’aise pour revisiter cette œuvre monumentale. Pour ce qui concerne la référence à Nijinski, je vais suivre ce que mon cœur et mon audace me dictent de faire. C’est selon moi la meilleure façon d’échapper à l’énorme pression qui pèse au-dessus cette belle soirée.

Enfin, qui signe les costumes et décors de votre Prélude à l’après-midi d’un faune, sachant que, depuis vos débuts en tant que chorégraphe, vous portez un soin tout particulier à l’univers visuel scénique que vous proposez au public, n’hésitant pas à faire appel à des stylistes et créateurs issus du milieu de la mode tels que le duo de On aura tout vu, etc. ?Le Faune ne dure qu’une dizaine de minutes, à l’intérieur du programme de cette soirée de ballets, ma création agira en quelque sorte comme un précipité, et nous n’aurons pas le temps d’installer une scénographie spécifique - ce qui représente pour moi un défi supplémentaire, car mon travail est en effet très visuel !Il n’y aura donc pas de décor à part entière… j’essaie cependant d’expérimenter la création d’une ambiance scénique marquante. Pour ce faire, j’ai à nouveau sollicité pour les costumes Charlie le Mindu (qui avait déjà collaboré à la création de Massâcre) ; Fabiana Piccioli (intervenue sur Massâcre et Ma Mère L’Oye) signera les lumières.

Nous sommes très impatients à l’idée de créer ensemble l’univers singulier de ce fantasme.

Votre Après-midi d’un Faune retrouve le “Prélude” du titre initial de la composition de Debussy… Etait-ce une volonté de distinguer votre création du ballet historique - tout en vous inscrivant dans l’hommage rendu à son créateur, Nijinski ?Finalement, j’ai décidé d’utiliser comme titre « Aimais-je un rêve? » / la première phrase du poème de Mallarmé. Pour moi elle dit l’essentiel, tout en laissant une grande part de liberté à l’interprétation.Ce questionnement à propos d’un fantasme, la notion de doute ou d’interrogation concernant ce que l’on ose parfois aimer (et jusqu’où ?) me plaît beaucoup.

Lors de l’entretien que nous avions réalisé ensemble à l’occasion de votre première création en tant que chorégraphe, Kill Bambi, vous aviez évoqué le syndrome

et d’identités sexuelles sont particulièrement d’actualité… J’ai aussi pensé à la solitude, que je ressens très fortement ces derniers temps, à travers mes incroyables aventures en tant qu’artiste freelance. Si la création est une belle route, on y avance très souvent de manière solitaire. Apres avoir abandonné l’idée d’un solo, la pièce s’est imposée comme un duo entre le Faune, représentant le fantasme, et différentes identités sexuelles, jusqu’à sa rencontre avec un jeune individu.

L’idée étant de jouer avec la réalité et le rêve entremêlés…De ces deux personnages, lequel incarne la vraie créature et au final, qui rêve de qui ? Qui chérira le plus ce moment si intime? Qui souffrira le plus quand il découvrira que ce n’était qu’un fantasme ? Et enfin, quelle trace laissera ce rêve ?

Je me rapproche ainsi davantage de la chorégraphie de True & False Unicorn que j’avais créée pour les ballets en 2015, et qui explorait déjà la frontière entre la vérité et le mensonge.

Au jeu de “qui mange qui ?”, comment rendre hommage à un ballet classique à l’identité si forte (rappelons que les décors et les costumes signés Léon Bakst ont fait date dans l’histoire des Ballets russes de Serge de Diaghilev) sans y perdre son vocabulaire chorégraphique, autrement dit, comment préserver sa “nature chorégraphique” au milieu d’une telle luxuriance originelle ?Sans musique je suis perdu, alors plutôt que de plonger dans Bakst ou Nijinski, j’ai particulièrement étudié la musique de Debussy. Si elle peut paraître très facile d’accès à la première écoute, grâce à sa mélodie, elle s’avère vite extrêmement complexe. D’emblée, le thème principal du Faune se répète plusieurs fois

E N T R E T I E NJeroen Verbruggen

Petits pas deviendront grands Suite d’entretiens avec deux

jeunes chorégraphes répondant à l’invitation de Jean-Christophe

Maillot à revisiter le répertoire des Ballets russes … En compagnie de Nijinski : un époustouflant

programme de ballets, à suivre en tournée au Théâtre des Champs-Elysées à Paris.

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Comment proposer une version actuelle de ce conte plus que séculaire et en faire le miroir d’enjeux plus actuels - mais peut-être n’était-ce pas là votre propos ? Pouvez-vous nous donner quelques clés de compréhension d’une possible relecture de ce ballet au XXIe siècle? Mon intention avec Petrouchka est d’être fidèle au concept et à l’idée d’origine, mais de trouver une nouvelle “entrée” et une approche personnelle qui contribueront à placer Petrouchka dans un monde moderne confronté à des problématiques ou questions de notre temps. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de le déplacer dans le “ monde de la mode” qui me semble être un univers qui change rapidement et où les choses d’hier ne valent plus rien aujourd’hui - un symptôme actuel qui semble se manifester à plusieurs niveaux de notre vie. Si enfiler un vêtement nous aide à créer une identité, que se passe-t-il quand on l’enlève ?C’est ce que je voulais explorer dans “ma” Petrouchka.

au poids (trop souvent inquisiteur) d’un passé, d’un historique de créations marquantes, comme cela peut exister à l’opéra par exemple ? Nous sommes tous des marionnettes d’une manière ou d’une autre, l’histoire peut nous transformer en marionnettes. La danse se bat également pour son histoire, comme toutes les formes d’art, parce que nous semblons toujours avoir la nécessité de comparer et de catégoriser les choses. Mais je pense que la danse a un avantage en étant si large et diversifiée dans sa palette d’expressions : il existe tellement de formes de danses différentes susceptibles d’inspirer et de toucher des personnes et des publics très différents.

Un autre avantage de taille est que, tandis que d’autres formes d’art luttent pour ne pas disparaître, la danse semble avoir la capacité d’atteindre et de se connecter avec les jeunes générations et ainsi, de générer elle-même sa capacité à assurer son propre avenir.

Se réapproprier un ballet tel que Petrouchka aujourd’hui, c’est jouer à plein la carte de l’imaginaire… C’est aussi l’opportunité d’explorer l’ensemble de la palette des émotions puisque, dans l’histoire originelle, le créateur des poupées a doté celles-ci de tous les sentiments et passions humaines existants. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le rôle que tiennent les émotions dans votre version de Petrouchka ? J’ai décidé de transposer Petrouchka dans le monde de la “mode”. Petrouchka, la ballerine et le Maure sont ainsi des mannequins auxquels un célèbre “créateur de mode” (le magicien) donne une brève vie et un but à atteindre. Dans cette Petrouchka, les émotions devront être générées par différents moyens: partant du postulat que mes personnages principaux sont des poupées, je me suis mis au défi de créer des émotions sans l’aide des visages, ce qui signifie que les intentions livrées par le langage corporel et les situations elles-mêmes doivent être très claires, presque exagérées.

Quels sont vos partis pris en termes de chorégraphie et de scénographie - costumes et décors (sachant que la partition sera celle de Stravinsky) ? La partition de Stravinsky étant extrêmement colorée et pleine de tempérament, avec mes concepteurs, j’ai dû trouver un équilibre dans la composition en termes de décor, de costumes et de chorégraphie afin que tous ces ingrédients fonctionnent bien dans leur relation à cette musique, très présente et très puissante. La scénographie sera simple, presque minimaliste, les costumes subtils en couleurs mais forts à des moments précis. La chorégraphie rencontrera et s’opposera à la fois à la musique, tout cela afin de trouver une approche personnelle de la partition de Stravinsky.

Enfin, ne sommes-nous pas tous le “pantin” de quelqu’un, de quelque chose ou même d’un système ? Etant entendu que la danse reste l’un des champs créatifs les plus libres, pas nécessairement soumis

E N T R E T I E NJohan Inger

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> En compagnie de Nijinsky

du 8 au 10 février 2019

• Daphnis et Chloé, chorégraphie de Jean-Christophe Maillot

• Le Spectre de la rose, chorégraphie de Marco Goecke

• Prélude à l’après-midi d’un Faune, choréraphie de Jeroen Verbruggen

• Petrouchka, chorégraphie de Johan Inger

Avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Kazuki Yamada.

Théâtre des Champs Élysées, Paris

www.theatrechampselysees.fr

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things that are extremely serious and disturbing. Wanting to ridicule the notion of seriousness and making what is childlike heroic still stimulates me just as much as ever.What does this “Faun” represent to me today, emotion speaking? What does it look like? What is its gender? Matters concerning gender and sexual identity are particularly topical today… I also thought of solitude, which is something I have really been feeling recently due to my incredible adventures as a freelance artist. While creating offers a beautiful path to follow, one often does so alone. After discarding the idea of a solo, the piece prevailed as a duo between the Faun, who represents a fantasy, and various sexual identities up until the encounter with a young individual. The idea is to play with reality interwoven with dreams... Of those two characters, which one embodies the real creature and, in the end, which one dreams of the other? Which one will cherish this intimate moment most? Which one will suffer most when it discovers it was only a fantasy? And then, in the end, what impressions will the dream have left? So it’s closer to my choreography for True & False Unicorn,

The word “Prelude” from the original title of Debussy’s composition can be found in your Afternoon of a Faun. Does this come from a desire to differentiate your version from the historic ballet as you pay homage to Nijinsky at the same time?In the end, I chose to use “Aimais-je un rêve ?” (‘Did I love a dream?’) for the title. That’s the first line of Mallarmé’s poem. It renders the essence and leaves room for interpretation. Raising questions about a fantasy, doubting and questioning what we sometimes dare to love (and to what lengths) is something I find appealing.

At the time of the interview we did on Kill Bambi, your first choreographic creation, you mentioned the Peter Pan Syndrome. Do you still live with the fear of growing up? Does your 2018 Faun in any way draw upon the mischievous 2012 Bambi?The Peter Pan Syndrome is still very present in my work, but it manifests itself in different ways. This new creation, for instance, explores the theme of combats, of “letting go”, and purposefully uses childlike metaphors to tell

which I created for the Ballets in 2015, and that already explored the boundaries between truth and dreams. How does one pay homage to such a seminal classical ballet? After all, the décor and costumes were created by Léon Bakst for a landmark production by Serge Diaghilev’s Ballets Russes. How do you approach it on your own choreographic terms, in your own style and register amid such luxuriance? I feel lost without music, so instead of diving into Bakst or Nijinski, I really focused on the music by Debussy. Although it can seem easily accessible when you first listen to it, due to the melody, it proves to be incredibly complex. The Faun’s leitmotif repeats in different forms, instruments, and rhythms. Then there’s the work’s climax which makes me particularly nervous, because I dread not living up to its emotional power. As to the third part, it is much more “bare”. By concentrating on the music, I feel more relaxed about re-imagining this monumental work. Regarding references to Nijinsky, I’m going to follow what my heart and courage tell me to do. In my opinion, that’s the best way to escape the enormous pressure of this beautiful evening.

Finally, who is creating the costumes and décor for your Prelude to the Afternoon of a Faun? Since you began as a choreographer, you have always paid particular attention to the visual worlds you offer on stage, without shying away from fashion stylists and creators, such as the On aura tout vu duo.The Faun is only about ten minutes long in the ballet program that evening. My creation will act as a sort of precipitator, and we won’t have time to install a specific décor - which is an additional challenge for me, since my work is indeed highly visual! There will be no décor in its own right, but I do try to experiment to achieve a remarkable atmosphere. In order to accomplish this, I’ve again asked Charlie le Mindu (who collaborated with me on Massâcre) to create the costumes, and Fabiana Piccioli (who worked on Massâcre and Ma Mère L’Oye) is the lighting director.

We’re very much looking forward to creating a unique fantasy world.

Interview with Johan Inger

Reworking a ballet like Petrushka today calls for a great deal of imagination. It also gives the opportunity to explore a full palette of emotions because in the original story, the puppet maker endowed his creations with the full spectrum of human passions and feelings. Can you explain the role emotions play in your production of Petrushka?

I’ve set my Petrushka in the world of “fashion”. Petrushka the Ballerina and the Moor are mannequins, and a famous “fashion designer” (the Magician) gives them a brief life and a purpose. Emotions have to be created through different means in my version, since the main characters are dolls. I’ve got the challenge of expressing emotion without faces, which means their body language needs to be particularly clear and situations amplified, almost exaggerated.

How can one create a modern version of such a traditional fairytale and have it mirror more contemporary issues? Or is that not your intention? Can you give us some keys to understanding a possible 21st century reinterpretation of Petrushka? My intention is to remain faithful to the original concept and ideas of Petrushka, but with a new angle and a personal approach by placing her in a modern world with contemporary issues and concerns. This inspired the idea of setting the story in the fashion world, where things are here today and gone tomorrow. There’s constant change, which I think is highly symptomatic of modern life in many ways. If wearing a piece of clothing lets us create an identity, what happens when someone takes it away? That is what I wanted to explore in my Petrushka.

What is your approach to choreography and scenography - décor and costume designs - knowing that you will use Stravinsky’s music score?Stravinsky’s composition is extremely colourful and filled with temperament, so together with my designers I have to create a balance between the sets, costumes, and choreography. And all this has to work in relation to the incredibly powerful music. The scenography will be simple, almost minimalistic, with colors that are generally subtle and at times very loud. The choreography will both mirror and contrast the music. This helps create a personal approach in response to Stravinsky’s score.

Finally, isn’t everyone a “puppet” of someone or something? Then again dance is one of the freest realms of creativity. Do you agree that it isn’t subject to the often inquisitorial burden of the past with a long history of notable creations, such as in the case of the opera? We are all puppets in one way or the other, and history can turn us into puppets. Dance also battles with its history, all art forms do, because we often have the need to compare and categorize things. But I think dance has an advantage by being so vast and diverse. There are many different forms of dance that can inspire and reach very different audiences. Another great advantage is that while other art forms can struggle, dance has the ability to reach and connect with younger generations. Dance ensures the future of the art of dance.

Small steps become big

Interviews with two young choreographers who have accepted Jean-Christophe Maillot’s invitation to re-imagine the

repertory of the Ballets Russes … En compagnie de Nijinksi is a breathtaking ballet program, which will be on tour at the

Théâtre des Champs-Elysées in Paris.

Interview with Jeroen Verbruggen

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