· 2017-05-19 · Je suis venu à la philosophie arabe indirectement. ... Dans l’action morale,...

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réduitau rôledeCendrillon : souvent,dans lesprogrammes,onsautedirectementdesphilosophiesde l’âgehellénistiqueàl’étudedeBacon,GaliléeetDescartes.

Cettenégligencedelaphilosophiemédiévaleestencoreplusnette en France. Lorsque l’enseignement philosophique futorganisédanslesétablissementsd’État,danslasecondemoitiédu XIXe siècle, la vision dominante du monde était celle dupositivisme. Le Moyen Âge avait été un âge religieux, or lareligionétaitcomprisecommerelevantdel’affectif,entoutcasdel’irrationnel.Qu’ilyaiteuunephilosophiemédiévale,etpasseulement une théologie, ce n’était guère pensable. Dansl’enseignement secondaire, Aristote était considéré commesuspect, en tant qu’auteur de référence de la scolastique, etPlotinl’étaitcommemystique.Onsautaitdonc,etoncontinueàsauter allègrement de Platon àDescartes – lequel a, en outre,l’avantaged’avoirétéfrançais.Étienne Gilson (†1978) est parvenu à faire entrer

l’enseignement de la philosophie médiévale à la Sorbonne en1921, mais, dès 1932, il fut élu au Collège de France,établissement certes suprêmement prestigieux,mais où l’on neforme pas d’étudiants. Cette nomination avait donc été unefaçon de l’enfermer dans une cage dorée, un peu comme onl’avaitfait,avantlui,pourBergson.Àvraidire,depuislors,desprogrès ont été faits en France, et les thèses de philosophiemédiévalesemultiplient.Leschairessuivent,unpeutimidementencore.Quant àmoi, il se trouveque le poste que j’ai obtenu(qui était libellé, plutôt bizarrement, « philosophie de languearabe»,alorsqu’onal’habitudededire«philosophieanglaise»ou«philosophieallemande»,etnonpas«delangueanglaise,ou allemande »…)m’a obligé à m’occuper de penseurs ayantvécupendantlapériodequenousappelonsmédiévale,alorsque

l’historiographie islamique découpe les époques d’une autrefaçon.Ce qui me semble important, c’est de rétablir le sens de

l’articulation entre le Moyen Âge et les Temps modernes.J’emploie ce mot d’« articulation » à dessein, afin de rendrecompte de la continuité, sans ignorer les ruptures. On a tropsouvent tendanceàaccentuer l’unou l’autreaspect,alorsqu’ilfaut les considérer ensemble. D’un côté, il y a une continuitéexcessive et devenue répétitive qui, devant de nouveauxproblèmes,arendunécessairelarecherchedesolutionsinédites.D’un autre côté, une rupture n’est jamais un départ absolu, àpartir de zéro, quoiqu’il appartienne à la propagande de lamodernité de vouloir le faire croire, et même de vouloir se lefaire croire à elle-même. Une rupture est toujours uneprotestationcontrecequiprécède,etellesemouledoncsurlaréalitéqu’elleattaque,aupointdeformeruncouplede«sœursennemies»entreelles.En réalité, les grands historiens se soustraient à ces deux

façons de voir unilatérales. Par exemple, Gilson a rappelél’importance de l’héritage de la scolastique pour Descartes.Maisilaégalementsuadopterunevisiondégriséedelarupturequ’areprésentéelaRenaissance:

Ladifférenceentre laRenaissanceet leMoyenÂgen’estpas une différence par excès, mais par défaut. LaRenaissance, telle qu’on la décrit, n’est pas leMoyen Âgeplusl’homme,maisleMoyenÂgemoinsDieu,etlatragédie,c’est qu’en perdant Dieu, la Renaissance allait perdrel’hommelui-même;maisceseraituneautreetlonguehistoireàraconter6.

Onremarqueraqu’ils’agiticidelaRenaissance«tellequ’on

ladécrit»:Gilsonprendparlàsesdistancesvis-à-visdetouteune historiographie qui voudrait voir dans la Renaissance lesprodromesdel’athéismemoderne.

Jenesaispassivotrecasconstitueuneheureuseexception,au niveau européen : j’entends par là que je ne connais pasbeaucoupd’autresauteurs,endehorsdevous,quiallientunecompétence philosophique et une connaissance de premièremaindes textesdes traditionschrétienne, juiveetmusulmane.Surtout en ce qui concerne la philosophie musulmanemédiévale, comment vous est venu cet intérêt ? Et qu’acomporté cette étude, du point de vue linguistique et de lanécessité – je crois – de réaliser une Horizontverschmelzung(une« fusiond’horizons,au sensdeGadamer)avecune idéedumondedifférente?

Je suis venu à la philosophie arabe indirectement.Audébutdemonintérêtpourlaphilosophiegrecque,j’avaisbeaucoupluLeoStrauss(†1973),etjevoulaiscomprendred’oùilavaittirésaméthodededécryptagedel’enseignementésotérique–réelousupposé – des penseurs grecs classiques, comme Platon etAristote,ouinjustementméconnusetqueluiatirésd’unsemi-oubliunpeucondescendant,commeXénophon,ouencorechezlesquels on ne songerait pas – à tort – à chercher unenseignement philosophique, comme Aristophane. J’ai vitecompris–cequiestd’ailleursévident–queStraussavaitforgésaméthodepourcomprendreMaïmonide,danslesannées1930.À partir des années 1980, j’ai donc suivi les cours du rabbinCharles Touati (†2003) à l’École pratique des hautes études,sectiondesSciencesreligieuses,pourrafraîchiretélargirlepeud’hébreuquej’avaisdéjàapprisàpartirdemes20anspourlire

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naturelle»,passeulementdanssoncontenu(commel’esttouteculture),maisaussidanssaforme.

Àplusieursreprises,vousavezaffirméque lemondedécritobjectivementparlasciencemoderneneserévèleguèreplus«intéressant»d’unpointdevueanthropologique.Jepensequ’ilvaudraitlapeinederevenirsurlesensquevousdonnezàcetadjectif, « intéressant », pour éviter des objections etaccusations faciles (comme celles de vous abandonner à desnostalgies rétrogrades, d’être hostile à l’entreprisescientifique…).

Effectivement,des lecteurs frileux–ousimplement stupides– pourraient me reprocher d’attaquer la science, qu’ilsconsidèrent comme une idole. Évidemment, telle n’est pas dutoutmon intention.Mon texte le plus clair sur ce sujet figuredansunrecueild’articlessurleMoyenÂge25.Danscespages,jedistingue,defait,troisacceptionsdumot«intéressant»:cequi rapporte, ce qui fascine, et enfin ce qui, au sensétymologique, nous intéresse, c’est-à-dire ce dans quoi noussommes partie prenante, ce par quoi il nous faut passer pourparvenirànous-mêmes.Lessciencessont intéressantesdans lepremieretlesecondsens,maisnonpasdansletroisième.Ellesne nous apprennent rien sur ce que nous sommes.Lesœuvreslittéraires parviennent rarement à le faire, et même seulementdans leurs sommets. Une comédie de boulevard peut êtreamusante au point de nous faire oublier nos préoccupations,maisseuleunegrandetragédiecommeŒdiperoiouunegrandecomédiecommeLeMisanthropenousferaentrevoirl’abîmedenotreproprecœur.Pourcomprendrelesensdemondiscours, ilfautprendreau

sensstrictlepronomdelapremièrepersonnedusingulier:lessciences ou les textes ne nous apprennent rien sur ce qui, enchacundenous,dit«je».Orcequidit«je»estd’abordcequiditaussi«jedois»,cequisesenttenud’accomplirundevoir.Donc, il a besoin qu’on l’aide à prendre des décisions sur lebienqu’ilesttenudechoisiretsurlemalqu’ildoitéviter.Là-dessus,lessciencesnenousdisentrien.Pasplus,d’ailleurs,quene le fait aucun savoir, de quelque nature qu’il soit,même unsavoir«littéraire»,historiqueouartistique.Lessciencesetlesautres formes de savoir peuvent certainement nous apprendrebeaucoupdechosessurnotrecorps,surnotrepsychologie,surles liens sociaux auxquels nous sommes soumis, sur lesévénementsdupassé,etc.Maisaucunsavoirnepeutnousdirece que nous devons faire. Dans l’action morale, en dernièreanalyse, n’importe quel savoir nous laisse tomber, nous laissetoutnusdevant ladécisionquenousdevonsprendreparnous-mêmes,entelinstantquinesereprésenteraplusjamais.Vieilleconstatation, sur laquelle Aristote s’était déjà arrêté26. On setrouve là dans une situation désagréable, angoissante. Il n’y ariende surprenant à cequenousmultipliions les rusespouryéchapper.Le monde, en revanche, que s’imaginaient les penseurs de

l’AntiquitéetduMoyenÂgeétait«intéressant»ausensoùilfournissait aux êtres humains une aide pour épanouir leurhumanité, un modèle à l’action morale ou, au moins, unegarantie que cette action avait un sens. Dans mon livre, Lasagesse du monde, je cite un texte de Sénèque qui affirmeadmirablement tout cela. D’après lui, l’âme est vouée à lacontemplationdesespacescélestes…

…danslecharmequ’ontpourelleleschosesdivines,elletrouve une preuve de sa propre divinité. Elle y prend donc

l’intérêtqu’ona,nonpaspourcequiestétranger,maispource qui est sien [nec ut alienis, sed ut suis interest]. […]Spectatrice passionnée [curiosus], elle scrute et cherchechaquechose.Etpourquoineleferait-ellepas?Ellesaitbienque tout cela la concerne directement [scit illa ad sepertinere]27.

Àl’opposé,lemondetelquedécritparlessciencesmodernesesttotalementinhumain,ou,mieux,«a-humain».Certainesdesphotos de galaxies ou de micro-organismes nous révèlent unebeautéàcouperlesouffle,mais,parmitoutescesmerveilles, iln’enestpasunequinousconcernevraiment…Selivreràunescience,s’enoccuperavecprobité,accepterde

voir et de décrire la réalité telle qu’elle est, savoir risquer unehypothèse, puis l’abandonner lorsque l’expérience refusede lacorroborer,voilàquipeutnousaideràacquérircertainesvertusmorales,àsupposerquel’activitéscientifiquen’ensupposepasplutôt l’existencepréalable.En l’occurrence, tout cela favorisel’audaced’imaginerenmêmetempsquelecourageintellectuel,sans parler bien sûr de l’espèce positive de la curiosité.Mais,d’une part, ces qualités sont favorisées aussi par d’autresactivités, la musique, par exemple. Et d’autre part, il fautdistinguerlapratiquedelascienceetlesavoirqu’elleapporte.C’est la première qui est formatrice, le second ne l’étant enrevanchenullement.

Àproposdudéclindel’ancienneconception«harmonique»ducosmos:peut-êtrelechristianismea-t-iljustementcontribuéà en miner les présupposés, en introduisant l’idée d’uneévolutiontemporelledel’univers?L’idéequetoutelacréationsoit en attente d’un accomplissement et gémisse donc « dans

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CHAPITREIIDESTANGENTESAUCERCLE:LESRELIGIONSDANSLETEMPS

GiulioBrotti:Sil’expériencedutempsest,pourainsidire,un«transcendantal»–ouun«existential»,selonlelexiquede Heidegger –, il semble pourtant que toutes les cultureshumaines ne vivent pas historiquement. Peut-on dire, parexemple,queletempsdumytheestanhistorique?Àproposdesévénements dont les anciens dieux païens avaient été lesprotagonistes, le néoplatonicien Saloustios écrivait que « ceschosesnesontjamaisarrivées,maisqu’ellesexistenttoujours1».

Rémi Brague : Le petit livre de Saloustios est trèsintéressant.Cerésuméd’unnéoplatonismepopulairefutrédigépourservirdecatéchismeaupaganisme«revuetcorrigé»quel’empereur Julien, dit l’Apostat, voulait opposer auchristianisme.Laphrasequevouscitezmet,entoutcas,ledoigtsur un trait fondamental du christianisme lui-même, à savoirqu’il repose sur des faits historiques. Un Français du nom dePaul-Louis Couchoud (†1959), médecin qui niait l’existencehistoriquedeJésus,auraitditqu’ilacceptaittoutleCredo,sauflesmots « sous Ponce Pilate ». En portugais et en italien, dureste, on utilise l’expression « arriver comme / avoir affaire àPilatedansleCredo»pourdésignerlasurvenued’unévénementinattendu,contingentdansuncertaincontexte.Eneffet,unDieuquimeurtetressuscitepourraitêtreunmytheet,chezdifférents

peuples, on raconte des événements de ce genre. Mais, dansceux-ci,toutestcensésepasserdansuntempsquin’estpaslenôtre.Onnepeutpasdire si c’est avantouaprès laguerreduPéloponnèsequeZeusafécondéLéda.Rien de tel, au contraire, dans les Évangiles. Ce qui y est

remarquable,cen’estpastellementcequ’ilsracontent,àsavoirdes événements certes inhabituels,mais pour lesquels on peutarriver à trouver des parallèles (un être divin né de façonsurnaturelle, qui meurt et ressuscite, etc.). Toute une écoled’histoiredesreligionss’échineàenfournir.Mais,àceniveau,onpasseàcôtédel’essentiel:lesÉvangilesdonnentdesdates,l’histoire qu’ils racontent se situe dans le même cadrechronologique que l’histoire profane. Regardons les deuxpremiersversetsduchapitre3del’ÉvangileselonsaintLuc,quifournissent des indications précises sur les régions quidivisaient la Palestine au temps de Jésus et leurs souverainsrespectifs:

C’était laquinzièmeannéedurègnedel’empereurTibère.PoncePilateétaitgouverneurdeJudée,Hérodeétaittétrarquede la province deGalilée, son frère Philippe de la provinced’Iturée et de Trachonitide, et Lysanias avait en chargel’Abilène.AnneetCaïpheétaientgrandsprêtrescetteannée-là, lorsque la parole de Dieu fut adressée à Jean fils deZachariedansledésert.

Onperçoit le souci de donner aux événements racontés unedateprécise,enfaisantserecouperplusieurschronologies.Direqu’unmythe«estvrai»,celanecoûterien,sil’onentendparlàqu’ilrévèlequelquechosedeprofondsurlaconditionhumaine.Car, d’une part, c’est ce que fait tout mythe, et, d’autre part,nous restons par là des spectateurs extérieurs aux événements.

C. S. Lewis a magnifiquement exprimé la différence avec larévélation chrétienne, en parlant, à propos des récitsévangéliques, d’un«mythedevenu fait2 ».Son expression, aufond,nefaitquetransposerdansleregistrelittérairelaformuleplusthéologiquedu«Verbefaitchair».LesrécitssurleChristdans les Évangiles canoniques gardent toute la richesse desmythes,mais ilssont,enmêmetemps,descomptes-rendustrèsfactuels d’événements très humbles, voire ignobles commeunecrucifixion.

Nousavonsdéjàeffleuréquelques théories sur l’originedela dimension religieuse. Cette composante de l’expériencehumaine exerce, de toute évidence, une influence décisive surles façonsdont lesdifférentsgroupeshumainssereprésententle temps et l’histoire. Comment justement le rapport del’homme au temps change-t-il dans le judaïsme (du Templed’abord, rabbinique ensuite), dans le christianisme et dansl’islam?

Enuncertainsens,toutescesreligions,sansexception,sontdes manières de neutraliser le temps. Mais elles le sont demanières différentes. Pour le judaïsme, la pratiqueminutieusedes commandements, l’application scrupuleuse de la Torah,permet de vivre l’éternité dans le temps quotidien. FranzRosenzweig a écrit de très belles pages sur ce thème. Parexemple:

Lasemaineestdavantagequ’uneloidelacultureposéeparDieu :elleestparabole terrestrede l’éternel ;commeloiduculte posée par l’homme, elle attire l’éternel dans «l’aujourd’hui » pas seulement sousmode de parabole,mais

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circonstances ont très bien pu être fabriqués de toutes piècespouréclairerquelquetexteobscur.Onrencontreunphénomèneanalogue dans les biographies de certains troubadours, qui, laplupart du temps, reposent uniquement sur certains détails deleurs poèmes. Le meilleur exemple est celui de Jaufré Rudel(†1148):l’histoireromantiquedeson«amourdeloin»pourlaprincesse de Tripoli ne repose que sur ses poèmes, naïvementprisaupieddelalettre22.Le Coran raconte des histoires, celles des prophètes

antérieurs àMahomet, empruntées à la Bible ou aux légendesarabes, mais il ne raconte pas une histoire, comme le fait laBible.Toutes ceshistoires se ressemblent d’ailleurs beaucoup,puisqu’ellessontcenséesmontrercommentlesortdeMahometétaitpréfigurépardespersonnagesdupassé,dontcertainssontd’ailleursinconnusdestraditionsbibliquesetquivenaientsansdoute de légendes locales. Du reste, le Coran, à lui seul, nefournit pas d’indications sur l’ordre chronologique despersonnagesqu’ilintroduit:danssespages,riennenousditsiAbrahamavécuavantouaprèsNoé,avantouaprèsMoïse.D’oùl’erreurbienconnuesurune«Marie»quiseraitàlafoismèredeJésuset«sœurd’Aaron»(XIX,28),dontlescommentateursessaientdesetirerpardiverssubterfuges.J’aieul’occasion–pastrèssouvent,enréalité–dediscuter

publiquementavecdesmusulmansunpeuconnusenFrance,etdontjenesaispass’ilsreprésententplusqu’eux-mêmes.J’aiàl’esprit quatre ou cinq personnes, leurs noms n’ayant ici pasd’importance.J’aiparfoisessayédeprolongernosentretiensenleur demandant, après leur avoir donné mon adresseélectronique, dem’envoyer des précisions sur tel ou tel pointquenousavionsdiscuté.Jen’aijamaiseuderéponse.J’ensuisàmedemandersiundialoguelesintéressevraiment,lorsqu’ilse

passeloindesmédias.

Je reviens encore à la formule « religions révélées », quipermet(peut-être)d’éviterleséquivoquesliéesauxexpressions«religionsmonothéistes»ou«religionsduLivre».Etalors,quellesvariationsdifférentesprendlamémoiredupassédanslestroisgrandesreligionsrévélées?Vousavezdéjàeffleurélaquestionenréférenceàl’islam,maisqu’enest-ildujudaïsme?Il me semble comprendre qu’après la destruction du SecondTempledeJérusalem,lejudaïsmerabbiniqueafondélerapportà ses racines sur le primat de la Torah : cette dernière futamenéeautoutpremierplan,occupantpeut-êtremêmelaplacecentralequi,auparavant,revenaitjustementauTemple,commepoint de référence du « culte national » d’Israël. Chez lespenseurs juifs modernes, par exemple, comment s’exprime ceprincipeidentitairedela«fidélitéàlaLoi»?

Parler de « religions révélées » ne permet pas d’avancerbeaucoupplusverslaclartéquelesdeuxexpressionsdevenuesdes scies que vous citez, et auxquelles il faudrait égalementajouterunetroisième,celledes«religionsd’Abraham».Toutesces expressions créent de la confusion et donnent l’illusiond’uneproximitéquin’existepas.Quantaux«religionsrévélées»,ilnesuffitpasd’opposerleurprétentiond’uneautoritédivineaux sagesses d’origine purement humaine et se voulant telles,commelebouddhisme,parexemple.Ilfautencoresedemanderce qui est révélé, quel est le contenu de la révélation. Pourl’AncienTestament,Dieuserévèlenonpasensemontrant–caril reste invisibleen soi–,maisenagissantdans l’histoire : enapparaissantauxPatriarchessousdiversesformesetdiversnoms; en marchant à la tête de son peuple pour le conduire hors

d’Égypteoùilétaitretenucaptif;enlefaisanthabiterdansunpays qui est le sien et où il aura son Temple. Pour lechristianisme, c’est Dieu qui se donne une figure visible enJésusdeNazareth.Pourl’islam,Dieuneserévèlepassoi-même,maisilmanifestesavolonté.Illefait,avanttout,endictantsonlivre à Mahomet, mais aussi à travers les faits et gestes duProphètelui-même.Judaïsmeetchristianismesontdesreligionsdelarévélation.L’islamseulpourrait,enrigueurdetermes,êtreappelé religion révélée, puisque, en lui, l’objet révélé estjustement la religion, c’est-à-dire la juste façon de rendre unculteàDieu.Ondevraitappelerlejudaïsmeetlechristianismedes religions dans lesquelles il y a une révélation, mais danslesquellescequiestrévéléestsoitunenseignementsurDieu(enhébreu:laTorah),soitlamanièred’êtredeDieu,quelquechosecomme son « caractère », tel qu’il est « joué » par Jésus deNazareth.Vous insistezavecraisonsur ladistinctionqu’ilconvientde

pratiquerentrelareligiond’Israëletlejudaïsmerabbinique,quise prolonge jusqu’à nos jours. La première était la religionnationaled’unpeuplevivantsursaterre,soussonroi,autourdeson Temple, parlant sa propre langue et régi par certainescoutumes. Le second est le résultat d’un recentrement rendunécessaireparlapertedesquatrepremiersprincipesd’identitéetopéréautourdesrèglesdevieenvigueurdanslepaysdeJuda,etdonc de la Torah. La fidélité à la Torah (disons « Loi » poursimplifier,maisletermen’estpasparfaitementadéquat)permetaupeuplejuifdesedistinguerdes«nationsdumonde»commepar une barrière. L’image est présente dès avant le repli sur lejudaïsmepalestinienetelleperdureensuite23.Cette séparationn’est pas nécessairement vécue comme l’isolation d’une élitedésireuse d’éviter de se souiller. Elle est souvent comprise

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espaces astronomiques et des temps géologiques. C’est deCharlesLyelletdesesPrinciplesofGeology,parusentre1830et18336,qu’onpeutdatercettesecondedécouverte.Concernant La vie de Galilée de Brecht, ce dernier y a

indubitablement donné la preuve de son talent. Le personnagecentralesttrèshumain,unmélangedepassionetdefaiblesses.IlressembleaumoinsautantàBrechtlui-mêmequ’auGaliléedel’histoire. Le dramaturge allemandmet dans la bouche de sespersonnages des anachronismes et il transpose la révolutionintellectuelle du savant dans le domaine politique. C’est sondroit comme artiste, mais il ne faut pas prendre cela pour del’histoire des idées, surtout quand il reprend la légende surl’humiliationqu’auraitreprésentéelafindugéocentrisme.Entoutcas,Brechtacontournélecœurduproblème,c’est-à-

dire le procès de Galilée et ses attendus. Là-dessus, nousdisposons depuis quelques années d’un travail monumental,celuidupèrePierre-NoëlMayaud(†2006)7.Maisquileconnaît? Il estvraique ladiscussion scientifique réelle aurait été trèsennuyeuse sur une scène. Brecht a donc choisi de réduire laquestionàl’oppositionentreunsavoirlivresqueetl’observationdirecte,letémoignagedessens.D’oùlascèneoùunphilosophearistotélicien refuse de regarder dans la lunette astronomiqueavantqu’onluiaitprouvéparraisonsdémonstrativesqu’ila ledroit de voir ce qu’il y verrait8. Comme si les yeux pouvaientdéterminerenfaveurdeCopernicoudePtolémée!Galilée fut sans nul doute un génie mathématique. Mais

c’étaitaussiuntypeinsupportable,etpastrèssympathique,quia,parexemple,contraintsesdeuxfilles(illégitimes)àentreraucouvent, alors qu’elles n’avaient pas la vocation. Sa totaleabsence de diplomatie l’a mené à se moquer du papeUrbainVIII,qui,lui-mêmesavant,étaitbiendisposéenverslui,

avant qu’il ne croie se reconnaître dans le personnage deSimplicioduDialoguesurlesdeuxgrandssystèmesdumondede16329.Detoutefaçon,Galilées’esttrompé.Nonpas,biensûr,surle

systèmedumonde–mêmesic’estseulementKeplerquiaeulecouragederompreaveclafascinationducercleenproposantsesorbites elliptiques –, mais en ce qu’il s’est imaginé pouvoirapporter une preuve physique de l’hypothèse de Copernic, àpartirdesmarées.LecardinalRobertBellarminavaittoutàfaitraison–chezBrecht,commedanslaréalitéhistorique–deluiconseiller de se limiter aux hypothèses mathématiques10. Lesmodèles proposés parCopernic étaient certes plus simples, unpeu plus simples seulement, d’ailleurs, que ceux de Ptolémée.Maislasimplicité,l’élégancedesmodèles,n’estpasunepreuvedevérité.Ptoléméelui-mêmeneprétendaitpasquesesmodèles,qui « sauvaient les phénomènes » et permettaient le calcul,correspondaient à la réalité physique. Il fallait une preuvephysique.Pendantunsiècleetdemi,onn’apusedécider,fauted’une preuve expérimentale. Celle-ci n’a été apportée qu’en1727, avec les observations de James Bradley sur l’aberrationdes étoiles, puis confirmée par Friedrich Wilhelm Bessel. Lephénomènedelarotationdelaterre,enfin,aétérenduvisibleàl’œilnuparLéonFoucaultavecsonfameuxpendule(1851).

La division rigide de l’histoire européenne entre âgesantique, médiéval et moderne ne présuppose-t-elle pas unephilosophiedel’histoiredetype«progressif»,c’est-à-direuneidée de la connaissance humaine de type accumulatif selonlaquelle – au-delà des entraves et accidents particuliers deparcours–notresavoirseraitdestinéàpasserdu«moins»au«plus»?

Surcepoint,deuxexemplescontrairesmeviennentàl’esprit.Le premier est donné par les découvertes d’AthanasiosPapadopoulos-Kerameus et de Johan Ludvig Heiberg11 –récemmentapprofondiesparRevielNetzetWilliamNoel–surle fameux « palimpseste » d’Archimède retrouvé àConstantinople à la fin du XIXe siècle12. Dans Méthode desthéorèmesmécaniques, en effet,Archimèdeadopte unprocédéqui anticipe indubitablement sur celui de l’époque moderne,avec la succession : observations empiriques – formulationd’hypothèses – vérifications expérimentales – énonciation delois.Lesecondexemple,apparemmentopposé,concerneNewton.

Dans sa fameuse lettre à Hooke, il reprenait encore le toposselon lequel nous, les modernes, serions, par rapport auxAnciens,comme«desnainsperchéssurlesépaulesdegéants». Effectivement, dans les dernières décennies, on a vu semettre de plus en plus en évidence l’aspect du Newtonenquêteurpassionnédelachronologiebibliqueetdelasagesseantique (sapientia prisca), convaincu même que le modèleastronomique héliocentrique avait été bien connu de Moïse.Aujourd’hui, l’élément le plus intéressant est que – selondifférents spécialistes de l’œuvre du scientifique anglais – onne pourrait pas vraiment séparer l’aspect « diurne » de sonœuvre (exprimé dans les Philosophiae Naturalis Principiamathematica, 1687, et dans Opticks, 1704) de l’aspect «crépusculaire » ou « nocturne », qui semblerait confiner àl’alchimie… Devrions-nous donc parler d’Archimède « leModerne»,etdeNewton«l’Ancien»?End’autrestermes,lemouvement de la science moderne occidentale a-t-il lecaractèred’unva-et-vientplusqued’uneavancéelinéairesansincertitudes?

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livre d’Étienne Gilson, qu’il écrivit directement en anglais, etque les moines de Fontgombault viennent de traduire enfrançais,enmefaisantl’honneurdemedemanderunepréface:L’unitéde l’expériencephilosophique5.Legrandmédiévisteetphilosopheymontrecomment lesphilosophesont succombéàlatentationdesubstitueràlamétaphysique,touràtour,chacunede ces sciences. L’échec de ces tentatives déboucha à chaquefois surunmoralismeouunmysticisme.L’avenirnousdira cequisortiraduderniercrineurophilosophique.

Même sans faire référence aux univers confessionnels, rienqu’auniveaucivil,onal’impressiondeconstater,aujourd’hui,unecrisegénéraliséedelafoi-confiance.Uneoriginepossibledu mot religio renvoie à l’idée de « lien » : dans ce sens,certains historiens et politologues parlent justement d’une «religiosité civile»nécessairepour le vivre-ensemblehumain ;oud’unensembled’images,de symboles,devaleurspartagésquiiraientau-delàdesmotifsd’intérêtmatérieldesindividus,endéterminantlechoixde«vivreensemble».JerepenseàlacélèbreformuledeRenan:«L’existenced’unenationest[…]unplébiscitedetouslesjours,commel’existencedel’individuestuneaffirmationperpétuelledevie6.»Cetypedelienest-ilentraindeserelâcheraujourd’hui?Leshommeschevronnéseta priori méfiants du XXIe siècle ont-ils encore un terraincommunoùserencontrer?

Vousaveztoutàfaitraisondereplacerlafoireligieuseetlesdifficultésqu’ellerencontreactuellementdansuncontexteplusvaste,quiestceluidel’engagementengénéral,etpeut-être,toutsimplement, du don. Donner sa foi jurée (dare fidem),promettre, etc., comme dans le mariage, est devenu difficile.

Pourtant,c’estdans la logiquemêmede l’amourhumaindenepasconnaître,denepasvouloir reconnaîtreune limitedans letemps. « Pour toujours » n’est pas une emphase due àl’exaltation d’unmoment, c’est la structuremême de l’amour.Pointn’estbesoindefaireappelà la religion,etencoremoinsauchristianisme,pourleconstater.C’estdéjàchezEuripidequifaitdireàHécubes’adressantàMénélas:«Iln’aimepas,celuiqui n’aime pas pour toujours7. » En un certain sens, lechristianisme n’ajoute rien à l’humain, mais il le prend ausérieuxdanssesdimensionslesplusprofondes.Ilprendaumotla logique des comportements humains et la pousse jusqu’aubout, jusqu’en ses conséquences ultimes. Il a plus d’ambitionquen’en a l’humain laissé à lui-même.De ce point de vue, latentation, au fond, est toujours un manque d’ambition : elleconsiste à se croire incapable de recevoir de Dieu l’aide (lagrâce) qui nous permettrait de réaliser la plénitude de notrehumanité.SatanapparaîtdanslaBible,nonpascommeunrivaldeDieuquichercheraitàledétrôner,selonlalecturedeMiltonparlesromantiques,maisbiencommel’accusateurdel’homme(Apocalypse,12,10),celuiquirefusedecroirequel’hommeestdigne de l’amour de Dieu, celui qui cherche à le pousser audésespoir.Ilya,àlafindeladeuxièmepartieduLivred’Isaïe,unverset

quejenepuisjamaisliresanshonteetsanschagrin.C’estceluidans lequel Dieu pose une question, qui – dans l’esprit duprophète–étaitsansdoutedepurerhétorique:«Répudie-t-onla femme de sa jeunesse ? » (54, 6). Il s’agit ici de fairecomprendre la fidélitédeDieuenvers sonpeupledont il est–selon une image très ancienne en Israël – l’épouxperpétuellement bafoué, mais qui reste constant et ne reniejamais son alliance. Or, à cette question, l’homme moderne

répond trop souvent : «Mais voyons !Mais comment donc !Moi, j’y arrive très bien ! » On voit même, dans la jeunegénération,etpasseulementenelle,desgarçonsetdesfillesquise laissent tomber lorsque l’autre est hors d’état de «fonctionner », par exemple quand il ou elle traverse unedépressionnerveuse,c’est-à-direjusteaumomentoùilaleplusbesoin qu’on l’écoute et qu’on l’aide. Il y a là-dessus unenouvelle sinistre et bouleversante de Michel Houellebecq,Lanzarote.Lepersonnagecentrals’yavèreincapabled’aimeretabandonnesacompagneunefoisquecelle-ci tombegravementmalade8.Cettedifficultéàdonnersafoiàautruiprovientpeut-être,en

dernièreanalyse,d’undoutesursoi-même.Pourpouvoircroireen autrui et en faire l’objet d’un amour authentique, expliquemagnifiquementSoloviev,ilfautd’abordcroireensoi-même.Lephilosophe russe ajoute d’ailleurs qu’il faut encore plusradicalementcroireenDieu9.

Encoreunequestionconcernant ledéclinde l’éthosciviqueet du sens de la responsabilité pour le bien commun, au seindes sociétés postindustrielles aisées. Pour y faire face, onpropose des remèdes opposés : d’un côté, le « libéralismeégalitaire»deJohnRawlsquivoudraitamenerlediscourssurunplanpurement formel, entendant lepactumsocietatis, basedelaviecollective,commeunsimpleaccordsurdesrèglesdeprocédure.Àl’opposé,nousavons–avecdesnuancesdiverses– les positions d’Ernst-Wolfgang Böckenförde et de JürgenHabermas:lepremieraffirmeque«l’Étatlibéralsécularisévitde présupposés qu’il ne peut garantir »10 ; Habermas, dansuneinterviewqu’ilm’avaitaccordéeenitalien,voiciquelques

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QuantaudualismedeKant,quidistingueentre leniveauduphénomène et celui du noumène, sa solution est une solutionélégante en philosophiemorale.Mais nous aurions, selon lui,une expérience directe de la liberté comme d’un « fait de laraison » (Faktum der Vernunft37) à partir du sentimentd’obligation. En revanche, dans les tendances que vousmentionnez,la«déconstructiondelaliberté»n’estcompenséepar rien de tel. Nous sommes donc laissés en face de lacontradictionfondamentalequevousdites, sansaucunélémentquipuisselacompenser.

_________________1.VoirRémiBrague,Lepropredel’homme.Surunelégitimitémenacée,Flammarion,2013,ch.6,pp.133-159.2.Idem,cit.,p.141.3.PaulNatorp,«ThemaundDispositionderaristotelischenMetaphysik»,PhilosophischeMonatshefte,24[1888],pp.37-65et540-574.4.Abū-Nașral-Fārābī,Risālafīaġrādmāba‘daț-țabī‘a,dansRasā’ilal-Fārābī, éd.M.F. al-Ğabr,Dār al-Yanābī‘,Stockholm,2006,p.23.5.ÉtienneGilson,L’unitédel’expériencephilosophique[1937],PetrusaStella,Fontgombault,2016.6.ErnestRenan,Qu’est-cequ’unenation?,III,1882.7.Euripide,LesTroyennes,v.1051.8.MichelHouellebecq,Lanzarote,Flammarion,2000.9.VladimirSoloviev,Смысллюбви,IV,6,dansСобраниесочинений,FoyerOrientalChrétien,Bruxelles,1966,t.VII,p.43;Lesensdel’amour,tr.fr.B.Marchadier,O.E.I.L.,1985,p.76.10. Ernst-Wolfgang Böckenförde, La formation de l’État comme processus de sécularisation, 1967. Cf. Le droit,l’Étatetlaconstitutiondémocratique,textesréunis,traduitsetprésentésparOlivierJouanjan,L.G.D.J.,2000.11.JürgenHabermas,«L’illuminismo?èfigliodelCristianesimo»,dansL’EcodiBergamo,8mars2005[LeSiècledesLumières?C’estl’enfantduchristianisme].12.M.HorkheimeretT.W.Adorno,DialektikderAufklärung.PhilosophischeFragmente[1944],Francfort,Fischer,1969;Ladialectiquedelaraison,tr.E.Kaufholz,Gallimard,1983.13.VoirmonModérémentmoderne,Flammarion,2014,pp.19-22.14.JoséOrtegayGasset,Larévoltedesmasses.[1930],trad.del’espagnolparL.Parrot,LesBellesLettres,2010,pp.263-264:L’homme-masse«nereprésentepasuneautrecivilisationluttantcontrel’ancienne,maisunepurenégation,quicacheunparasitismeeffectif.L’homme-masseestencoreentraindevivre,précisémentdecequ’ilnie,etdecequelesautresconstruisirentetaccumulèrent».15.PierreManent,Coursfamilierdephilosophiepolitique,Fayard,2001,p.199.16.[CharlesMaurrassedisaitplutôtagnostique.Cf.Dieuetleroi.CorrespondanceentreCharlesMaurrasetl’abbéPenon(1883-1928),publiéeparAxelTisserant,Privat,2007.NdT.]17. Charles Maurras, Le chemin de paradis, Préface de 1895. Sur la toile : http://maurras.net/textes/217.html. Jesouligne.Cesphrasesontdisparudelasecondeédition,de1920.[Maurrasfinitcependantpardemanderlessacrementsde la foi à la fin de sa vie. Cf. Chanoine Cormier,Mes entretiens de prêtre avec Charles Maurras, Plon, 1956 ;NouvelleÉditionsLatines,1970.NdT.]18.AlexandreSoljenitsyne,Lettreauxdirigeantsdel’Unionsoviétique,Seuil,1974.

19.Augustin,Confessions,X,XXIII,34.20.Pourladistinctionentre«sociétésfroides»(caractérisées,selonLévi-Strauss,par«unesagesseparticulière,quilesinciteàrésisterdésespérémentàtoutemodificationdeleurstructurequipermettraitàl’histoiredefaireirruptiondansleursein»)et«sociétéschaudes»(«oùdesdifférenciationsentrecastesetentreclassessontsollicitéessanstrêve,pourenextraire du devenir et de l’énergie »), voir « Leçon inaugurale au Collège de France » [1960], in Lévi-Strauss,Anthropologiestructuraledeux,Plon,1973,p.40.21.Voirsupra,pp.49-50denotretraductionet,plusgénéralement,ledernierchapitre(L’Europeest-elleeurocentrique?)inRémiBrague,Ilfuturodell’Occidente.Nelmodelloromanolasalvezzadell’Europa,tr.it.diA.SoldatietA.M.Lorusso, Bompiani, Milan, 2005, pp. 197-211. Ce chapitre n’est pas dans la troisième et dernière édition de l’originalfrançais [1999],mais figuredans lecollectifLa latinitéenquestion, Institutdeshautesétudesde l’Amérique latineetunionlatine,Paris,2004,pp.249-259.22.RenéDescartes,Discoursdelaméthode,VIinŒuvres,éd.C.AdametP.Tannery,Léopold/Cerf,t.6,1902,p.62.23.Voirparexemple[Anonyme],Lepoèmedel’Etna,vv.250-252,éd.J.Vessereau,LesBellesLettres,1961:«Sedprior hæc hominis cura est cognoscere terram / et quæ illinc miranda tulit natura notare : / hæc nobis magisadfiniscælestibusastris.»[«Maislapremièretâchedel’hommeestdeconnaîtrelaterreetdenoterlesmerveillesquelanatureportemaintenant:c’estlàpournousunegrandetâche,quinousrapprochedesastrescélestes.»]24. Auguste Comte, Synthèse subjective ou Système universel des conceptions propres à l’état normal del’humanité, tome premier [seul paru], contenant le Système de logique positive ou Traité de philosophiemathématique,Chezl’auteuretDalmont,1856,Introduction,p.14.25.HenriAtlan,L’utérusartificiel,Seuil,2005.26.JohnBurdonSandersonHaldane,DaedalusorScienceandtheFuture:apaperreadtoTheHeretics,CambridgeonFebruary4th,1923,KeganPauletal.,Londres,1924,pp.63-68.27. FriedrichNietzsche,Ainsi parla Zarathoustra.Un livre pour tous et pour personne, Prologue, 3 [1885], tr. fr.HenriAlbert,MercuredeFrance,1903,p.11.28.CharlesDarwin,TheDescentofManandSelection inRelation toSex,ch.21,TheModernLibrary,NewYork,s.d.,p.920.«L’hommepeutêtreexcuséderessentiruncertainorgueildes’êtreélevéausommetdel’échelleorganique,même si ce ne fût pas par sa propre force ; et le fait de s’être élevé de cette façon, plutôt qued’y avoir été placé àl’origine,peutluidonnerl’espoird’undestinencoreplusélevédansunavenirlointain.»29.MaximilienRobespierre,«Sur les rapportsdes idées religieusesetmoralesavec lesprincipes républicains»,7mai1794/18floréalAnII,DiscoursetrapportsàlaConvention,éd.M.Bouloiseau,UGC,1965,p.264.Jesouligne.30.Cicéron,Tusculanes,II,5,13,éd.G.FohlenetJ.Humbert,LesBellesLettres,1931,p.84.31.AlexanderMitscherlich,AufdemWeg zur vaterlosenGesellschaft. Ideen zurSozialpsychologie, Piper,Munich,1963.[Verslasociétésanspères:essaidepsychologiesociale,Gallimard,1969.]32.RémiBrague,Lesancresdansleciel,op.cit.33.Lucrèce,Delanature,V,926 ;AbūBakrMuhammad IbnṬufayl,Hayy IbnYaqzān, éd.L.Gauthier, Imprimeriecatholique,Beyrouth,1936,pp.20-24/18-21.34.BaruchSpinoza,LettreLVIIIàG.H.Schuller,1674;Opera,éd.J.vanVlotenetJ.P.N.Land,Nijhoff,LaHaye,1914,t.3,pp.195-196.35.VoirLaurentFourquet,L’èreduconsommateur,Cerf,2011,surtoutlech.11:«Lescheminsdouteuxdelaliberté»,pp.97-103.36.Platon,République,III,414b.37.EmmanuelKant,Critiquedelaraisonpratique,I,I,par.7.

TABLE

Noticebiobibliographique

Introduction

ChapitreILaviedesidées

ChapitreIIDestangentesaucercle:lesreligionsdansletemps

ChapitreIIILesmalentendusdelamodernité

ChapitreIVRenonceràl’homme?

CetouvrageaéténumériséparAtlant’CommunicationauBernard(Vendée).