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Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 1
[UTILISATION DU MALATHION DANS LA
LUTTE ANTI-VECTORIELLE EN GUYANE]
FOCUS INFORMATION
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 2
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 3
Sommaire
Contexte .............................................................................................................................................. 4
Stratégie de lutte ................................................................................................................................. 5
Qu’est-ce que le Malathion ? .............................................................................................................. 6
Recours au Malathion ......................................................................................................................... 7
Effets sur la santé et toxicité ............................................................................................................... 8
Impact environnemental ................................................................................................................... 10
Réglementation ................................................................................................................................. 10
Avis du HCSP ...................................................................................................................................... 11
Avis de l’ANSES ................................................................................................................................. 12
Bibliographie...................................................................................................................................... 13
Sous la direction de
Marie-Josiane CASTOR-NEWTON
Equipe de l’ORSG
ALLEN Romain, BOUTIN Jocelyne, CHICHMANIAN Anissa, DANIEL Marie-Thérèse, DULONDEL
Cédric, KOIVOGUI Akoï, LARUADE Christelle, LAUBE Sylvaine, MONNY Rose, WEISHAUPT
Ludmya.
Coordonnées de l’observatoire régional de la santé de Guyane
771, route de Baduel
97335 Cayenne
Tél. : 05 94 29 78 00
Fax : 05 94 29 78 01
Mail : documentation@ors-guyane.org
Heures d’ouverture au public : Lundi, Mardi et Jeudi de 7h30 à 12h30 et de 13h30 à 15h30
Mercredi et Vendredi de 7h30 à 12h
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Contexte
Une épidémie de chikungunya touche actuellement la Guyane1 :
Lieu Nombre de cas Nombre de décès directement lié
Nombre de décès indirectement lié
Saint-Martin 3860 0 3
Saint- Barthélémy 860 0 0
Martinique 55 920 0 19
Guadeloupe 73 120 8 1
Guyane 1665 0 0
L’OMS a établie que : l’existence de sites de reproduction du moustique vecteur à proximité
des lieux d'habitations représente un sérieux facteur de risque de chikungunya ainsi que d'autres
maladies transmises par ces espèces. La prévention et la lutte reposent donc dans une grande partie
sur la réduction du nombre des récipients naturels et artificiels pouvant contenir de l'eau et
favorisant la reproduction des moustiques. Cela passe par la mobilisation des communautés
affectées. Lors de flambées épidémiques, l’une des stratégies de lutte est la projection d’insecticides
pour tuer les moustiques, en les appliquant sur les surfaces à l'intérieur et autour des récipients où
les moustiques se posent, et en traitant l'eau contenue dans ces récipients afin de tuer les larves2.
Afin de prévenir et lutter contre la propagation de l’épidémie de chikungunya, la préfecture
de Guyane a sollicité la DGS (Direction Générale de la Santé) et la DGPR (Direction Générale de la
Prévention des Risques) pour obtenir une autorisation pour utiliser des produits de lutte contre les
moustiques adultes à base de malathion (CAS n° 121-75-5) ou de fénitrothion (CAS n° 122-14-5). La
DGS et la DGPR ont sollicité l’Anses, en lien avec le Centre National d’Expertise sur les Vecteurs
(CNEV), afin de définir si le malathion et le fénitrothion représentent les seuls moyens de lutte à
court terme pour éviter la propagation de l’épidémie à la Guyane3.
1 InVS. Point épidémio au 14 Aout : bulletin du 28 Juillet au 10 Aout. N°27, 2014. Disponible sur :
http://www.invs.sante.fr/Publications-et-outils/Points-epidemiologiques/Tous-les-numeros/Antilles-Guyane/2014/Situation-epidemiologique-du-chikungunya-dans-les-Antilles.-Point-au-14-aout-2014 (consulté le 20 Aout 2014) 2 OMS. Chikungunya. Aide-mémoire N°327. Mars 2014. Disponible sur :
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs327/fr/ (consulté le 20 Aout 2014) 3 ANSES. Avis de l’ANSES relatif aux substances actives biocides pouvant être utilisées dans le cadre de la
prévention d’une épidémie de chikungunya en Guyane. Saisine n° 2014-SA-0060. 18 Mars 2014. 64 p. Disponible sur : https://www.anses.fr/sites/default/files/documents/BIOC2014sa0060.pdf (consulté le 19 Aout 2014)
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La PAHO considère la présence du chikungunya en Guyane comme extrêmement
préoccupante. Le chikungunya4 est une maladie virale transmise à l’homme par des moustiques
infectés. Elle provoque de la fièvre et des arthralgies (douleurs articulaires) sévères. Les autres
symptômes sont myalgies, céphalées, nausée, fatigue et éruption. Il n'existe pas de remède contre
cette maladie et depuis 2004, le chikungunya sévit sur le mode épidémique, entraînant une
morbidité et des souffrances considérables.
Dans ce contexte, la gestion du risque doit être conduite par l’objectif prioritaire de retarder
l’explosion épidémique en Guyane afin de préparer le dispositif de santé à faire face :
- à une explosion brutale du nombre de cas (phase aiguë) qui pourrait déstructurer l’offre de soins,
tant hospitalière qu’ambulatoire déjà sous-dimensionnée. Contrairement à la dengue, le
chikungunya arrivant au sein d’une population naïve sur le plan immunitaire, touche de manière
importante les sujets âgés et/ou vulnérables pouvant conduire à des formes sévères à l’origine d’une
létalité élevée ; cette phase dure habituellement 4-5 mois ;
- à la prise en charge des formes chroniques (douleurs rhumatismales aiguës) qui risquent d’affecter
20 % des victimes de l’infection (selon les enseignements de La Réunion) nécessitant des soins au
long cours coûteux et difficiles, pour lequel le département n’est actuellement pas armé (par
exemple, il n’existe aucun rhumatologue dans le département).
C’est donc actuellement un combat « de retardement » pour qui l’objectif prioritaire est de gagner
des mois « d’épidémie quiescente ». Cette stratégie n’a de sens que si les autorités sanitaires en
tirent profit pour améliorer l’offre de soins et assurer la disponibilité des médicaments et lits qui
risquent d’être nécessaires.5
Stratégie de lutte
L’unique manière de prévenir ou de réduire la transmission du virus du chikungunya consiste
à lutter contre les moustiques vecteurs ou à empêcher le contact entre l’homme et le vecteur. L’OMS
préconise donc l’approche stratégique appelée gestion vectorielle intégrée pour lutter contre les
moustiques vecteurs.
La transmission vectorielle peut être réduite par l’utilisation de l’une ou d’une combinaison
de ces trois méthodes qui ne dispensent pas néanmoins d’appliquer une protection individuelle et
protection des habitations par le biais de vêtements qui réduisent l’exposition de la peau, de
répulsifs, de moustiquaires imprégnées ou d’insecticides :
4 Le nom de «chikungunya» vient d'un verbe de la langue kimakonde qui signifie «devenir tordu»" ce qui décrit
l'apparence voûtée de ceux qui souffrent de douleurs articulaires. (OMS. Disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs327/fr/ (consulté le 20 Aout 2014) 5 HCSP. Avis relatif aux conditions d’utilisation et aux mesures de gestion à mettre en place si une dérogation
était accordée pour l’emploi du malathion en Guyane pour la lutte anti-vectorielle dans le but de prévenir la propagation de l’épidémie de chikungunya se développant actuellement dans les Antilles. Mai 2014. 10 p.
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- Gestion environnementale qui vise à détruire, modifier, supprimer ou recycler les
récipients non indispensables qui constituent un habitat pour les œufs, les larves et les
nymphes. Ces mesures devraient être la pierre angulaire de la lutte antivectorielle. On
peut citer notamment : l’amélioration des systèmes d’approvisionnement et de stockage
de l'eau ; la protection des citernes de stockage de l’eau contre les moustiques ; la
gestion des « déchets solides » (déchets ménagers communautaires et industriels non
biodégradables) ; le nettoyage des rues6.
- Lutte biologique fondée sur l’introduction d’organismes qui s’attaquent aux populations
de l’espèce cible, les parasitent, entrent en concurrence avec elles ou parviennent
autrement à en réduire la densité.
- Lutte chimique : Bien que les produits chimiques soient largement utilisés, l’application
de larvicides devrait être considérée comme complémentaire de la gestion
environnementale et, sauf en cas d’urgence, être uniquement réservée aux citernes et
récipients qui ne peuvent pas être traités autrement ou éliminés. Les méthodes de lutte
chimique ciblant les vecteurs adultes visent à agir sur la densité des populations de
moustiques, leur longévité et d’autres paramètres influant sur la transmission. Les
adulticides doivent être appliqués soit en traitements de surface à effet rémanent soit en
pulvérisations spatiales. La pulvérisation spatiale est un moyen de lutte qui n’est
recommandé que dans les situations d’urgence pour enrayer une épidémie en cours ou
prévenir une épidémie imminente. Elle a pour objectif la destruction massive et rapide
de la population adulte de vecteurs. En pratiquant une pulvérisation spatiale dès le début
d’une épidémie et à suffisamment grande échelle, on peut réduire l’intensité de la
transmission, ce qui laisse du temps pour appliquer d’autres mesures de lutte
antivectorielle assurant une protection à plus long terme7.
Qu’est-ce que le Malathion ?
Nom chimique8 : Phosphorodithioate de S-[1,2-bis(éthoxycarbonyl) éthyle] et de O,O-diméthyle CAS :
121-75-5 Noms commerciaux : Riddex Cythion (Kemsan), Malathion 500 (United Agri Products),
Gardex (Gardex Chemicals), Fyfanon® ULV (Cheminova)
Type de pesticide : Acaricide et insecticide
Groupe chimique : Thiophosphates
Formule chimique : C10H19O6PS2
6 OMS. Dengue Control : Gestion environnementale pour prévenir la propagation du vecteur. Disponible sur :
http://www.who.int/denguecontrol/control_strategies/environmental_management/fr/ (consulté le 20 Aout 2014) 7 OMS. Dengue Control : Lutte chimique. Disponible sur :
http://www.who.int/denguecontrol/control_strategies/chemical_control/fr/ (consulté le 20 Aout 2014) 8 Ministère de l’Environnement (2002). Répertoire des principaux pesticides utilisés au
Québec, Les Publications du Québec, Sainte-Foy, 476 p.
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Mode d’action
Le malathion (C10H19O6PS2) est un insecticide ou un acaricide organophosphoré utilisé pour
lutter contre divers insectes et acariens sur une vaste gamme de plantes agricoles et horticoles, ainsi
que pour lutter contre les moustiques, les mouches, les insectes de maison, les ectoparasites et, chez
l'homme, contre les poux de tête et de corps.
Recours au Malathion
Le malathion peut constituer un moyen complémentaire de Lutte anti-vectorielle…
L’expérience de La Réunion montre qu’une situation épidémique explosive peut faire suite de
manière imprévisible à une situation épidémique localisée apparemment maîtrisée9. L’efficacité des
produits biocides contenant de la deltaméthrine utilisé aujourd’hui (CAS n° 52918-63-5) comme seule
substance active adulticide est diminuée par la résistance d’Aedes aegypti10. En effet, des essais
réalisés à l’île de la Martinique ont montré que la deltaméthrine tuait moins de 50% des moustiques
adultes issus de la population locale (Corriveau et al., 2003). Ces faibles taux de mortalité
s’expliquent par des résistances fortes de populations sauvages d’Ae. aegypti aux pyréthrinoïdes
(Mebrahtu et al., 1997 ; Brengues et al., 2003)11.
…Mais dont l’efficacité reste à prouver : L’ANSES souligne que très peu de données récentes
sont disponibles sur la Guyane. En l’état, il est impossible de se prononcer sur l’efficacité actuelle de
cette molécule sur les populations d’Ae. aegypti en Guyane12. Les populations d’Ae. aegypti de la
Guyane sont pour la plupart résistantes au fénitrothion (insecticide organophosphoré très proche du
malathion), mais à des niveaux moindres que pour la deltaméthrine. Des essais semi-opérationnels
ont montré que la substance conservait une certaine efficacité sur le terrain. Le fénitrothion peut
donc être considéré comme un substitut intéressant du point de vue de l’efficacité pour les zones
pour lesquels la deltaméthrine n’est plus efficace.
9 DIREN La Réunion. Juin 2006. Rapport « Premier bilan sur les impacts des traitements anti-moustiques, dans
le cadre de la lutte contre le chikungunya, sur les espèces et les milieux de l’ile de la Réunion » Disponible sur : http://www.side.developpement-durable.gouv.fr/simclient/consultation/binaries/stream.asp?INSTANCE=EXPLOITATION&EIDMPA=IFD_FICJOINT_0000688 (consulté le 19 Aout 2014) 10
ANSES. Avis de l’ANSES relatif aux substances actives biocides pouvant être utilisées dans le cadre de la prévention d’une épidémie de chikungunya en Guyane. Saisine n° 2014-SA-0060. 18 Mars 2014. 64 p. Disponible sur : https://www.anses.fr/sites/default/files/documents/BIOC2014sa0060.pdf (consulté le 19 Aout 2014) 11
IRD. Insecticides larvicides et adulticides alternatifs pour les opérations de démoustication en France : Synthèse bibliographique., p.6 Disponible sur : http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/upload/bibliotheque/243276630222695379378019036706/synthese_bibliographique_IRD_20070312.pdf (consulté le 20 Aout 2014) 12
Ibid. p.11
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Le manque de données récentes sur l’efficacité du malathion ne permet pas de se prononcer
sur l’efficacité de cette substance sur les populations d’Ae. aegypti en Guyane. D’autre part, la
résistance au fénitrothion n’engendre pas nécessairement de résistance au malathion, les
mécanismes de résistance étant différents. Aussi, les données d’efficacité concernant le malathion
sont trop parcellaires pour conclure quant à l’intérêt de leur utilisation opérationnelle. Il est par
conséquent urgent de réaliser des tests de résistance (bioessais), en particulier sur des populations
d’Aedes aegypti des principales communes du littoral. Réalisés rapidement, ces bioessais
permettraient, à court terme, d’évaluer l’intérêt du recours à cette substance pour éventuellement
réorienter les efforts de lutte anti-vectorielle.13
Il peut être utile de rappeler que le recours aux substances adulticides n’est qu’un des outils
de la lutte antivectorielle et d’insister sur l’importance des autres actions qui contribuent à diminuer
la densité des populations de vecteurs : lutte mécanique, intensification de l’usage des larvicides (Bti
en particulier), mobilisation communautaire et promotion des mesures de protection personnelle
antivectorielle (répulsifs, adaptation de l’habitat)14.
Effets sur la santé et toxicité
Chez les mammifères, le malathion est rapidement et efficacement absorbé par le tractus
gastro-intestinal. Il est métabolisé et excrété promptement en grande partie par l’urine. L’absorption
cutanée chez l’humain est non négligeable et varie selon la zone corporelle.
Le malathion présente une toxicité aiguë faible par les voies orale et cutanée et par
inhalation. Les signes de toxicité aiguë concordent avec l’inhibition de la ChE et sont, notamment
des tremblements, des convulsions, une salivation excessive et une dyspnée. Le malaoxon
(métabolite actif du malathion) a une toxicité aiguë élevée par la voie orale. Le malathion cause une
irritation oculaire légère et une irritation cutanée peu sévère chez le lapin.
Il n’est pas un sensibilisant cutané chez le cobaye dans les conditions expérimentales. Il est
peu toxique comparativement aux autres pesticides organophosphorés, mais il peut quand même
être mortel si la dose d’exposition est importante.
L'exposition chronique au malathion peut conduire à une diminution cumulative de l'activité
des cholinestérases à un niveau critique. Les effets rencontrés, outre l'inhibition de l'activité des
cholinestérases étaient entre autres, une baisse de la survie et du gain de poids corporel, une
augmentation de la consommation de nourriture, des changements dans les paramètres
hématologiques, une augmentation de l’activité de la γ-glutamyl transpeptidase, une augmentation
du poids du foie, des reins, de la thyroïde et de la parathyroïde et enfin, une dégénérescence et une
hyperplasie de l’épithélium olfactif. Le malathion a été classé comme ayant une évidence suggestive
de cancérogénicité même si celle-ci n’est pas suffisante pour bien évaluer le potentiel de
cancérogénicité du malathion chez l’humain.
13
Ibid. p.56-57 14
Ibid.
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 9
Les effets sur le développement sont possibles chez les fœtus des rats qui semblent plus
sensibles que les mères. Le malathion n'affecte pas les paramètres de la reproduction. Il n'est ni
génotoxique ni un perturbateur endocrinien15.
Liste des effets aigus : Inhibition des cholinestérases (nausées, vomissements, maux de tête,
diarrhée, vertiges, faiblesse musculaire, sensation d'oppression thoracique, vision brouillée, myosis,
larmoiement, hypersalivation, douleurs abdominales, fasciculation musculaire, dépression
cardiorespiratoire, convulsions, coma et mort par arrêt cardiaque ou respiratoire). Les symptômes
d'intoxication peuvent apparaître après un délai.
Liste des effets chroniques : Animal (ingestion): inflammation et ulcération gastrique, perte de poids,
dommages hépatique (dégénérescence) et rénal (dégénérescence).
Risque pour l’opérateur
Le malathion est autorisé en tant que substance active phytopharmaceutique. Pour les
usages phytopharmaceutiques, l’évaluation a considéré des applications foliaires par pulvérisation, à
raison de 1,2 kg/ha de malathion. Au vu des niveaux d’expositions en LAV, même si les doses
appliquées étaient du même ordre de grandeur que les doses recommandées par l’OMS pour la LAV
(2 à 6 fois plus faibles), un risque serait toujours identifié.
Risque pour la population
Au regard du manque d’information sur les expositions au malathion et au fénitrothion lors
d’application par nébulisation à froid sur véhicule et par atomiseurs à dos ainsi que des résultats des
évaluations réalisées dans le cadre de la réglementation des produits et substances
phytopharmaceutiques, du rapport de l’Afsset (2007) et des compléments apportés par l’Anses, les
risques ne peuvent pas être écartés pour les résidents. Aussi, dans le cas de l’utilisation de ces deux
substances, des mesures organisationnelles et techniques sont nécessaires pour limiter au maximum
les expositions de cette population.16
Les risques ne peuvent donc pas être exclus pour les opérateurs malgré le port d’EPI
(Equipement de protection individuel), ni pour les résidents. L’utilisation de ces substances en
intérieur doit être écartée. Dans le cas de leur utilisation en extérieur, des mesures
organisationnelles et techniques (telles que l’évacuation ou le confinement des personnes à
l’intérieur des habitations pendant le traitement) sont nécessaires pour limiter au maximum les
expositions de la population.
15
SAGE pesticides. Effets toxiques des matières actives : Malathion. 2014. Disponible sur : http://www.sagepesticides.qc.ca/Recherche/resultats.aspx?Search=matiere&ID=141 (consulté le 19 Aout 2014) 16
Ibid. p. 38
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 10
Pour finir, le malathion et le fénitrothion présentent des profils de toxicité similaires, avec
une inhibition de l’acéthylcholinestérase comme effet commun. Ces deux substances sont des
sensibilisants cutanés. La deltaméthrine est particulièrement associée à des effets hépatiques et
neurotoxiques. Parmi ces trois substances, le malathion présente un profil toxicologique plus
favorable avec les valeurs toxicologiques de référence les plus élevées.17
Impact environnemental
La synthèse sur les propriétés de danger vis-à-vis de l’environnement de la substance se base
sur les conclusions de l’EFSA pour l’usage phytosanitaire de la substance malathion (2009).
L’évaluation de l’usage phytosanitaire considère des applications foliaires par pulvérisation, à raison
de 1,2 kg de malathion par hectare. Un risque élevé pour les organismes aquatiques a été identifié,
et qui nécessite la mise en place de mesures de gestion limitant l’exposition du compartiment
aquatique (limitation de la dérive lors de la pulvérisation). Un risque très élevé a également été
identifié pour les abeilles. Concernant les risques vis-à-vis des organismes du sol (ver de terre,
arthropodes non-cibles), celui-ci a été considéré comme faible18.
Réglementation
En l’absence de demande d’inscription à l’Annexe I de la directive 98/8/CE, l’usage de la
substance active malathion, insecticide organophosphoré, n’est plus autorisé dans l’Union
européenne en tant que biocide depuis le 21/08/2008. Mais l’interdiction d’emploi du malathion
peut faire l’objet d’une dérogation au titre de l’article 55 du règlement (UE) n°528/2012.
Il est autorisé et utilisé en tant que produit phytosanitaire dans l’agriculture et en tant
qu’antiparasitaire externe (pour détruire les poux et leurs œufs (lentes)) chez l’homme.
17
Ibid. p.57 18
Ibid. p.47
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 11
Avis du HCSP
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) vient préciser : les conditions d’utilisation du
malathion en Guyane ; les zones pouvant faire l’objet de traitement et les mesures
environnementales ; et les mesures de gestion supplémentaires et de surveillance ciblée en direction
des opérateurs et de la population en lien avec l’Anses et l’InVS.
Le HCSP a formulé des recommandations pour l’emploi dérogatoire du malathion, pour la
durée de 180 jours, en réponse à la demande du préfet de Guyane dans le courrier du 21 février
2014 adressé au Directeur général de la santé et au Directeur général de la prévention des risques,
comme moyen complémentaire de lutte contre les moustiques adultes vecteurs du chikungunya. Il a
inscrit ces recommandations dans une perspective stratégique résultant de la situation
épidémiologique dans la zone Amérique.19
Selon l’OMS, lorsqu’il est crucial de réduire rapidement la densité des vecteurs, des
pulvérisations spatiales devraient être pratiquées idéalement tous les deux à trois jours sur une
période de 10 jours. De nouvelles applications doivent ensuite être effectuées une à deux fois par
semaine pour un effet prolongé sur la population de vecteurs adultes. Une surveillance
entomologique et épidémiologique en continue doit être mise en place pour établir le calendrier
d’application adéquat et juger de l’efficacité de la stratégie de lutte20.
Il spécifie que l’emploi dérogatoire et pour une durée limitée du malathion dans ce contexte, aux
doses d’emploi recommandées par l’OMS, soit 112 à 600 g/ha (Anses, 2014 ; OMS, 2003 ; OMS,
2006), doit s’appliquer selon la mise en œuvre des mesures suivantes :
- Dans le respect des conditions d’aspersions à l’extérieur et précautions à prendre
- En garantissant la protection des personnels en véhicule léger ou à pied
- En garantissant la protection de la population générale
- En garantissant la protection de milieux sensibles concernant les aspersions extérieures
- En respectant les produits et conditions de précaution pour la démoustication intérieure :
L’insecticide deltaméthrine sera utilisé dans les espaces clos (domiciles ou lieux accueillant le
public) à titre exclusif.
- Dans le respect des conditions de stockage et contrôle du produit employé
- En Communiquant vers la population, les professionnels de santé et les associations
(mobilisation communautaire, sensibilisation et comportements du public)21
19
Ibid. p.2 20
OMS. Dengue Control : Lutte chimique. Disponible sur : http://www.who.int/denguecontrol/control_strategies/chemical_control/fr/ (consulté le 20 Aout 2014) 21
Ibid. p.3-7
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 12
Avis de l’ANSES
Les conclusions émanant de l’ANSES quant à l’utilisation du malathion en Guyane sont les
suivantes :
- Des tests de résistance (bioessais) au malathion et/ou au fénitrothion doivent être réalisés,
en particulier sur des populations d’Aedes aegypti des principales communes du littoral.
- Mettre en place une surveillance du développement de résistance.
- Adopter des méthodes de gestion intégrée telle que la combinaison de méthodes de lutte
chimique physique et autres mesures d’hygiène publique.
- Une surveillance particulière de la santé des opérateurs doit être mise en place.
- Des mesures doivent être prises pour éviter l’exposition des populations lors des traitements
(telles que des mesures d’évacuation ou de confinement).
- Selon le protocole d’application, une surveillance de la population générale doit être
envisagée en cas d’exposition.
- Ne pas traiter en présence de denrées alimentaires ni aux abords des marchés.
- Eviter toute contamination des surfaces et ustensiles potentiellement en contact avec les
denrées alimentaires.
- Le cas échéant, renforcer les mesures de surveillance et de contrôle des denrées
potentiellement contaminées à la suite du traitement de LAV (Lutte anti-vectorielle) afin de
veiller au respect des LMRs actuellement en vigueur.
- Limiter la dérive lors de la pulvérisation.
- Eviter tout rejet vers la STEP.
- Ne pas traiter par temps de vent (> 15km/h).
- Ne pas traiter près des cours d’eau.
- Traiter en dehors des périodes d’activité des abeilles, tôt le matin ou tard le soir.
- Ne pas traiter à proximité des ruchers.
- En cas d’utilisation à grande échelle de produits à base de malathion ou de fénitrothion, un
suivi post-application doit être mis en place pour mesurer l’impact sur les organismes non-
cibles (abeilles, arthropodes…).
- Des modèles d’exposition adaptés à la LAV (Lutte anti-vectorielle) dans des zones tropicales
doivent être développés.22
22
Ibid. p.59
Observatoire régional de la santé en Guyane | 19 Aout 2014 13
Bibliographie
ARS Guyane. Programme de surveillance, d’alerte et de gestion des épidémies (PSAGE) dengue en
Guyane. Octobre 2010
ARS Guadeloupe. Programme de surveillance, d’alerte et de gestion des épidémies de Dengue en
Guadeloupe continentale et îles proches (PSAGE DENGUE). Disponible sur :
http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=3517 (consulté le 19 Aout 2014)
ARS Martinique. Programme de surveillance, d’alerte et de gestion des épidémies de Dengue en
Martinique (PSAGE DENGUE). Disponible sur :
http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=3518 (consulté le 19 Aout 2014)
Anses. Avis relatif aux substances actives biocides pouvant être utilisées dans le cadre de la
prévention d'une épidémie de chikungunya en Guyane. 18 mars 2014.
http://www.anses.fr/sites/default/files/documents/BIOC2014sa0060.pdf (consulté le 19 Aout 2014)
Conseil général de Guyane. 2012. Rapport «Détermination de l’exposition externe à la deltaméthrine
chez des opérateurs de lutte antivectorielle en Guyane» réalisé par la société CETHRA.
DSDS, Direction de la santé et du développement social de la Guyane.. Rapport «Bilan des modalités
d'utilisation du malathion en Guyane du 27 février au 27 juin 2009 et du fénitrothion en juillet 2009»
Août 2009 (prévu par l’arrêté du 27 février 2009 autorisant provisoirement la mise sur le marché et
l’utilisation du malathion en Guyane).
DIREN La Réunion. Juin 2006. Rapport « Premier bilan sur les impacts des traitements anti-
moustiques, dans le cadre de la lutte contre le chikungunya, sur les espèces et les milieux de l’ile de
la Réunion » Disponible sur : http://www.side.developpement-
durable.gouv.fr/simclient/consultation/binaries/stream.asp?INSTANCE=EXPLOITATION&EIDMPA=IFD
_FICJOINT_0000688 (consulté le 19 Aout 2014)
IRD. Insecticides larvicides et adulticides alternatifs pour les opérations de démoustication en France
: Synthèse bibliographique., p.6 Disponible sur : http://www.observatoire-
pesticides.gouv.fr/upload/bibliotheque/243276630222695379378019036706/synthese_bibliographi
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LEGIFRANCE. Arrêté du 5 août 2014 autorisant par dérogation la mise à disposition sur le marché et
l'utilisation du malathion en Guyane pour une période de 180 jours. Disponible sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029358124 (consulté le 20
Aout 2014)
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