Post on 11-Mar-2016
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Table des matièresTextes publiés par Guy Brenier
dans Notre Amitié sous le pseudo de l’In-Secte
Chroniques du temps qui passe ! 3
La secte du foot! 5
La secte des chasseurs! 6
La secte de la haine! 7
La secte des multinationales ! 9
La secte! 11
double-vé, double-vé, double-vé MOI point com! 13
Ça cause, ça cause…! 15
Vous êtes tous des cons !! 17
La secte! 19
Une histoire d’amour! 20
On se décide, oui ou non ?! 21
Entrez, voyez, on saucissonne !! 22
Que faire d’El-Qaida ?! 24
VTT + 4 X 4 = écolo-beauf’! 25
Ma première maîtresse ! 27
Liberté… Egalité… Fraternité…! 29
La PME devenue multinationale! 31
Je ne marche plus! 32
Ali-Baba et le CAC 40… voleur! 34
Pendant les travaux, les affaires se poursuivent… ! 36
Un homme dans un bateau ou… Histoire d’un fait divers ! 37
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 1 / 71
La crue ! 39
La secte UMP! 41
Anti-conte de Noël! 42
La secte des otages! 44
Le gâteau du RMiste! 45
Séismes, catastrophes naturelles et… Identité nationale! 46
Copenhague, le progrès, la pollution… ! 47
2.416! 48
CNR! 49
Identité nationale! 51
La secte des communicants ! 53
Les mots pour le dire ! 55
Oncle Picsou et ses neveux (conte)! 57
Anticipation ?! 59
La copropriété! 61
Marche, marchons, marchés…! 63
Le progrès ! 66
Après le travail en miettes, la société en miettes! 68
Questions et réflexions sur des accidents aériens! 70
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 2 / 71
Chroniques du temps qui passe
(1998 – 2012)
L’In-Secte.
L’In-‐privatif d’in-‐vraisemblable, d’in-‐oui, d’in-‐connu, d’in-‐tolérant, d’in-‐sensé, d’in-‐direct, d’im-‐possibe, d’im-‐mature ou d’il-‐lisible.
Parce que je suis opposé aux sectes. Elles divisent en donnant à ceux qui y adhèrent ou s’en inspirent l’illusion qu’ils appartiennent à une élite qui les place au-‐dessus du reste du monde alors qu’ils ne font que s’en isoler aKin de s’entre-‐caresser le nombril. Elles les obligent à concentrer leurs regards sur un gourou duquel ils se sentent protégés et dont ils ne peuvent voir ni même imaginer le mépris dans lequel celui-‐ci les tient. Elles font pire que diviser, elles incitent à la haine, à la guerre tribale. Hier, c’était Cro-‐Magnon contre Neandertal, c’est devenu PSG contre OM. Les premiers c’était pour la conquête des terres et des récoltes, les derniers c’est contre l’autre parce qu’il est l’autre et que pour cette seule raison il doit être anéanti. Il n’est, pour s’en convaincre, que de lire les comptes rendus des matches écrits dans un style guerrier où l’inKlation verbale tient lieu de miroir à chacune des parties en lice. Aussi et surtout parce que la secte est faite pour donner à ceux qui y adhèrent un sentiment d’appartenance et de sufKisance qui les éloigne des fondements égalitaires de la République.
Contre la secte du foot, ces gens qui ne pratiquent pas et ne connaissent d’autre pratique sportive que taper dans un ballon en hurlant : « On a gagné ! ». Comme si le foot résumait toutes les pratiques sportives du monde,Contre la secte de ceux qui afKichent leur réussite sur leur pelouse en y collant des statues de plâtre, qui veulent être vus dans le dernier modèle Citroën, qui disposent d’un téléviseur dans toutes les chambres et qui ignorent que Zadig est un personnage de Voltaire,Contre la secte des Bretons bretonnants qui fait sourire, celle des Flamands Klamingants qui voudrait effrayer, celle des séparatistes corses qui inquiète et à laquelle on se retient de répondre : « Chiche ! », Contre la secte qui, depuis deux mille ans, tente de nous faire avaler la naissance d’un prophète hors les lois de la biologie, contre celle d’Ecône et de la messe en latin, celle des Juifs barbus en chapeau et redingote noire qui habillent les Killettes de six ans de robes couvrant les chevilles, celle des ayatollahs et des mollahs qui emprisonnent sous des lessiveuses leurs épouses et leurs Killes maintenues analphabètes par les vertus de la charia, Contre la secte des chasseurs qui, sans nécessité et pour leur loisir, s’approprient bois et champs, interdisant ainsi aux promeneurs un espace naturel commun à tous, Contre la secte des marchands de papier qui nous abreuvent de futilités auxquelles ils ne croient pas mais leur donnent de l’importance pour nous endormir et nous faire oublier l’essentiel,
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 3 / 71
Contre la secte des écolos-‐vélo-‐bobos qui te menacent d’une manif parce qu’on va abattre huit arbres devenus dangereux et qui ne savent pas que les peupliers ont une durée de vie de trente ans,Contre la secte des turKistes à qui l’on peut faire croire que Vivaldi était un coureur cycliste qui a remporté le Giro mais qui, pour chaque course, récitent par cœur les noms des bourrins, des jockeys et des entraîneurs, Contre la secte des beaufs qui font Paris-‐Lille sur la Kile de gauche et qui, du plus loin qu’ils vous voient, lancent des appels de phare répétés pour que vous leur dégagiez la route : « Pousse-‐toi, minus, c’est moi que v’là ! »,Contre la secte de Bruxelles qui consacre son temps à codiKier et normaliser, mesurer et placer des restrictions dictées par les lobbies de la fraise et du chou-‐Kleur en écartant volontairement le simple bonheur des Européens, Contre la secte qui soutient mordicus que le trésorier d’un parti politique dévoué aux possédants et qui en a fait son fonds de commerce est un personnage intègre, Contre la secte des censeurs qui soutient avec le même mordicus qu’il n’y a pas à en parler puisqu’il n’y a pas d’affaire de trésorier concomitamment ministre,Contre la secte de ceux qui font rimer enseignants et faignants, qui prétendent qu’ils ne travaillent que 18 heures, ont trois mois de vacances, sont toujours en grève ou en arrêt de maladie en écrivant ça comme y causent et sans voire qu’il font des fotes, Contre la secte le-‐Kigaro.fr et compagnie dans laquelle se reconnaissent tout ce que la France compte de beaufs racistes, de xénophobes, de « moi-‐on-‐me-‐la-‐fait-‐pas », de défenseurs des causes qu’en d’autres temps on aurait appelées nazies, Contre la secte des publicistes qui nous ont raconté que Moulinex libère la femme mais n’ont rien murmuré quand Moulinex a libéré les emplois pour les « délocaliser » en Extrême-‐Orient, Contre la secte des « antidroits-‐de-‐l’hommistes » qui râlent après l’emploi qui est fait de leurs impôts quand un Malien se fait extraire une dent et se réjouissent quand un bateau chargé d’immigrés chavire au sud de l’Italie, Contre la secte de ces xénophobes qui se vantent d’avoir un juif pour tailleur, qui emploient au noir une femme de ménage portugaise, un jardinier mauritanien et un peintre tunisien, Contre la secte des fumeurs dont la fumée gêne ceux qui les entourent, contre la secte des non-‐fumeurs devenus intolérants jusqu’à l’excès, Contre la secte des bios qui achèteraient de la merde à la condition qu’il y ait écrit Bio sur l’emballage et que celui-‐ci soit vert, Contre la secte TF1 qui nous fabrique des vedettes éphémères pour détourner notre attention pour le plus grand proKit de Danone et Coca-‐cola, ce qui fait monter l’action TF1 en Bourse, Contre la secte de ceux qui pratiquent le poujadisme élémentaire sans oser avouer de manière claire et sincère : « Moi d’abord ! ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit et c’est ce qu’on entend de l’électorat de droite.
Ces chroniques ont paru dans « Notre Amitié », organe trimestriel des Anciens des Auberges de Jeunesse entre 1998 et 2012.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 4 / 71
La secte du footIls ont leurs rites et leur vocabulaire auxquels nous sommes étrangers.Ils ont leur langage que nous ne partageons pas. Ils te regardent de travers si tu n’en saisis pas les nuances. Ils ont leurs mots, leurs mœurs, leurs coutumes, leurs usages, leurs cris, leurs gestes, leurs insignes. Ils appellent cela leur culture. Ils se sentent appartenir à une élite, veulent que ça se sache et le hurlent dans la rue. Faisant passer pour des demeurés ceux qui n’en sont pas, ils ont droit de cité large, haut et fort dans la presse, à la radio, à la télé. Ils réclament plus et davantage encore. Jamais assez ! T’en veux pas ? T’en auras quand même !Ils ont leurs cathédrales, leurs églises, leurs chapelles, leurs grands prêtres, leurs dieux, leurs bibles. Ils se priveraient de tout pour assister à l’office… payant.Il entre dans leur rite la nécessité de brailler et gesticuler, de se montrer grossiers et brutaux. L’attitude est devenue une habitude, une seconde nature. Ils exigent de tous le silence à table au moment des grands-messes ou de leurs commentaires. Ils achètent ensuite la cassette de l’exploit pour communier en s’agitant et en trépignant sur la banquette du salon. Ils paient six fois le prix des gadgets à six sous. Ils écrivent PSG sur leur voiture et leurs vêtements afin que nul n’ignore l’étendue et le pouvoir communicatif de leur culture. Ils nous les cassent et on doit les supporter, les subir. Et supporter leurs supporters qui ne connaissent de Marseille que l’OM, du Havre que le HAC, de Nantes la couleur des maillots et de Saint-Etienne le nom de Geoffroy-Guichard sans savoir que celui-ci est le fondateur des magasins Casino comme d’autres croient que Roland Garros était un tennisman célèbre. Une secte qui identifie le mot de sport à celui de foot. Une secte qui juge avec mépris ceux qui ignorent les noms et prénoms de leurs dieux, leurs palmarès, leurs exploits. Une secte qui communie en hurlant des mots guerriers. Une secte dont les adeptes paient leur place dans la cathédrale le prix d’une paire de chaussures, paient cent francs une casquette qui n’en vaut pas dix et font la richesse d’un gourou propriétaire d’hectares de vignes dans le Bordelais. Une secte qui encourage ses enfants à recouvrir les murs de leur chambre d’images de l’idole grimaçante frappant dans un ballon. Une secte où, parmi cent chômeurs admiratifs, pas un ne se trouve pour critiquer la valeur du coup de pied dans une balle, valeur élevée au niveau du traitement mensuel d’un instituteur ou nantis de salaires mensuels dépassant le traitement annuel d’un maître de recherches au CNRS. Une secte qui impose sa loi du fric dans la programmation du petit écran. Une secte qui fait des drames pour un bleu à la cuisse de l’avant-centre mais où l’on ignore les noms de la Tchétchénie et où l’on ne sait pas situer la Bosnie sur une carte car, c’est bien connu, les sportifs ne font pas de politique. Une secte si sage et si raisonnable qu’elle mobilise une police spécialisée pour contenir ses écarts et ses excès. Une secte composée de beauf’ à qui l’on peut faire croire qu’Antonio Vivaldi était le valeureux avant-centre de l’AC Milan (je ne l’invente pas !) Une secte qui proclame haut et fort : « On a gagné !... On les a battus ! » Gagné quoi ? Battu qui ? Une secte qui va nous faire payer deux milliards six cents millions (nouveaux, bien sûr !), à Saint-Denis, un équipement ouvert dix fois l’an. Imaginons le Louvre ou Beaubourg ouverts un jour par mois. Ironie ou pas, la secte tiendra son congrès mondial en France en 98. A une portée de coup de pied des tombeaux des rois de France. Bon mondial 98, les amis !
L’In-Secte. Mars 98.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 5 / 71
La secte des chasseursNous en connaissons tous, nous en croisons tous et tous passent pour inoffensifs, altiers, drôles, gaillards ou fantasques, presque amusants tant ils ressemblent à leur caricature. Inoffensifs ? Pas tant que ça. Et pas innocents du tout. Ils ont leur manière virile de se vêtir et de s’exprimer, une manière à eux de se déplacer, de se nourrir, de boire sec, de chanter haut, de fêter les « bons coups ». Une manière de conduire et de se conduire. Dans la rue mais aussi chez eux, au boulot et ailleurs. Ils usent de grands mots pour traiter de la « noblesse » du geste, de la pratique ancestrale de leur « art » qui peut être aussi un « sport d’adresse ». Ils pratiquent entre eux et partout un machisme de cour de caserne visant le plus souvent le dessous de la ceinture. Ils veulent passer pour une caste, une élite à laquelle aucun mot ne manque pour décrire leur passion bestiale. Sans se rendre compte qu’ils se ridiculisent par leurs outrances car ils n’ont pas pour habitude de faire dans la dentelle. Ils ne font pas de politique mais pratiquent une forme de poujadisme qu’ils ont le toupet de nommer « écologie ». Ils livrent un « combat social » en participant à l’équilibre de la nature et à la défense de l’environnement. Tu parles !Leur sens civique va jusqu’à les pousser à présenter des candidats aux suffrages qui ponctuent la vie politique de ce pays. Sous quelles compétences particulières ? Pour participer aux travaux de quelles commissions ? Sont-ils des spécialistes de l’économie ? De la santé ? De l’éducation ? Des transports ? Du droit ? Non, leur but se limite à la défense de l’exercice d’un loisir barbare et passéiste : la chasse. Tant que faire, je préfère le braco qui, au moins, étudie sa proie, apprend à en connaître les habitudes, la suit et ne pose ses « cravates » que pour assurer sa subsistance. Je le sais, j’en étais, entre 41 et 44. Ecologie, environnement… des mots prétextes, ces fourre-tout à la mode, ces trains pris en marche pour donner un caractère de respectabilité à ce qui n’est rien d’autre qu’un coûteux et dangereux loisir. Dangereux car il commet chaque année deux fois plus de morts que la montagne. Ecologie ? Environnement ? Menteurs ! C’est leur écran de fumée, leur paravent destiné à drainer des voix pour la défense de leurs intérêts propres, leur loisir, leur orgueil de conquérants. Leurs notions écologiques se limitent au nombre des têtes de lapins ou de perdreaux qu’il leur reste à tirer, leur notion de l’environnement se limite à l’accessibilité du champ ou du bois que leur offre leur permis de tuer. Défense de l’environnement ? Allez donc voir les traces que laissent leurs 4X4 dans les champs et celles du lieu où ils se sont restaurés. Ce qui révolte, c’est qu’ils s’érigent en courant de pensée, en parti politique. Un parti, c’est avant tout une idée à promouvoir. Ils parlent bien haut d’éthique, de démocratie et surtout de liberté d’agir. Leur doctrine se résume à étendre leur droit de tirer sur tout ce qui bouge. Quelle politique ? Vous les avez questionnés ? Vous leur avez tendu une question à caractère social ou technique comme l’égalité pour tous devant le droit à la santé, au logement ou à l’instruction ? Des traités de Maastricht ils ne connaissent que deux lignes. Ce qui est fondamental à leurs yeux se résume en un mot : la chasse, la chasse, la chasse ! Merde aux chasseurs !
L’In-Secte. Juin 98.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 6 / 71
La secte de la haineLe gourou et son disciple,
Le calife de Montretout et son premier vizir,
Le saltimbanque et le stratège bureaucrate.
Ils se sont disputé le trône. Ils vont se disputer la manne.
Celle-ci, excusez du peu, se monte à 7 milliards et demi accordés par la loi au titre de l’aide au financement des partis politiques. (A ce propos, à combien se monte le budget du ministère des Affaires culturelles ?)
L’un ressemble à Mussolini dont il a repris le ton, le coup de menton, la gueule, les tics, l’insulte et le salut altier. L’autre rappelle Goebels dont il a le verbe et le style et même l’apparence et à qui Arthur Koestler fait dire (Le Yogi et le commissaire) : in der groesse der Luege liegt ein faktor des Geblaubtwerdens, ce qui, traduit dans notre langue, dit en gros ceci : la grandeur d’un mensonge contient toujours un élément qui veut être cru.
On a le droit de se moquer, pas celui de rester indifférent à ces fausses querelles sur la couleur de l’emballage ou la qualité du papier. C’est au contenant plus qu’au contenu qu’il convient de réfléchir. Au pays de Voltaire, où le droit à l’erreur est tolérable, celui de l’ignorance ne peut plus l’être.
Ne nous réjouissons pas de voir deux boutiquiers se livrer à une concurrence clientéliste pour vendre les mêmes produits au goût de moisi et de mort sous la même marque. Au grand marché de l’escroquerie intellectuelle, on les croit concurrents alors qu’ils ne sont que complémentaires. L’article est le même, ce sont la clientèle ciblée et le service après vente qui diffèrent.
Le gourou, débordant d’égo et d’orgueil, recherchait l’enrichissement de sa personne et des siens. Il y est parvenu au bluff, en citant ses maîtres à penser dont les noms viennent aisément à l’esprit. Son disciple recherche les ivresses du pouvoir et l’on doit craindre qu’il y parvienne.
Le premier séduisait les faibles par ses audaces verbales, ses « petites phrases » et ses « sorties » pour salles de rédaction et sa parfaite maîtrise de notre langue, le second veut rassurer par sa compétence, sa fausse modestie, sa tête de gendre idéal et la coloration rassurante qu’il donne à son discours. Mais le message reste le même.
Le gourou s’est fait une aura singulière à grands coups de truismes, de sorties que l’on pourrait prendre pour des mots d’auteur. Mais il se garde de préconiser des solutions qui tiennent la route aux maux qu’il dénonce. Plus rusé, le disciple tient
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 7 / 71
un discours politique carré et clair, qui ne fait plus sourire mais effraie. Il parle moins et s’entoure de grosses têtes qui quadrillent, comme les termites.
Le gourou pense que plus c’est épais et gras, plus c’est grossier et « populaire » et plus ça marquera les esprits. C’est de cela qu’il a besoin pour rassembler. Cela se trahit lorsqu’on observe ceux qui composent ses troupes : ils le singent et reprennent ses « bons mots ». Le disciple ne veut pas faire peuple, il répugne à serrer des mains et tient un langage plus mesuré, un discours qui se veut rassurant en même temps qu’élitiste : « Nous devons avoir conscience de la supériorité de notre civilisation. Nous autres, Français et Européens, avons créé la plus grande civilisation que la terre ait connue, nous avons découvert l’essentiel des connaissances que les hommes ont acquises (…) Il dit encore : « Notre modèle de civilisation est bien supérieur à celui de ces peuplades qui voudraient nous coloniser. Nous devons encourager le retour de la fierté de ce que nous sommes, le retour à la conscience de la supériorité de notre civilisation ». [Au nom de quoi – Javol, mein Führer ! – sur ces rassurants propos, on brûlera les livres, on interdira des journaux et des films, on fera taire, on poursuivra, on éliminera juridiquement, moralement puis physiquement ceux qui ne ressemblent pas au modèle déposé.]
Le gourou allait ratisser dans les rangs des médaillés militaires, chez les catholiques intégristes, dans les allées du poujadisme vieillissant mais aussi dans les barres d’HLM de La Courneuve, autour des puits de mine fermés, dans la petite paysannerie croyante affolée par les décisions de Bruxelles, chez les déçus du bonapartisme chiraquien, son disciple soigne la mise, se montre dans les milieux aisés et intello de Passy, parmi la vieille droite du CAC 40, dans les couloirs des grandes écoles, parmi les « sortis de l’ENA » où il diffuse son image de marque qui se veut respectable et engageante.
Le gourou cacochyme, au charisme usé et fripé, ne fait plus recette qu’auprès de ceux à qui il sait rendre l’admiration que ceux-ci lui portent, ceux qui s’en remettent à l’autoproclamation du Chef parce qu’ils portent en eux le « culte du chef ». Ils opèrent en boucle. Le disciple a compris que pour durer les idées doivent s’adapter et revêtir les mots de notre temps. Il veut séduire par ses manières de fils de famille, plaire aux jeunes générations. Sa réussite politique est à ce prix.
L’escroquerie intellectuelle est en train de changer de main et de visage. Le contenant a changé, le contenu reste le même. La preuve ? Ils se font des procès et des chicanes pour conserver le label, l’outillage, la clientèle.
S’il faut conclure par une phrase d’espoir, c’est celle qui révèle que l’histoire des extrêmes-droites se confond avec celle de leurs crises internes pour le pouvoir, pour la suprématie des idées. Elles meurent de leur propre poison.
L’In-Secte. Mars 1999.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 8 / 71
La secte des multinationalesJ’achète mes chaussures à la Lyonnaise des Eaux, mon pain chez Pechiney, mes crayons à dessin chez Danone. Mon quotidien préféré ? Je lis tantôt Beghin-Say tantôt CIT-Alcatel, parfois Lagardère ou Vivendi. Lorsque je prends l’avion, je choisis Paribas mais je dois dire que Pernod Ricard n’est pas mal non plus. Certes, l’avion est européen, fabriqué par Airbus, il vole sous pavillon français, mais son propriétaire est la International Lease Corporation, dont le siège est situé aux Bahamas. J’achète mon épicerie chez Saint-Gobain, ils ont un bon choix. Je me soigne dans une des cliniques de la Générale des Eaux, c’est plus sûr. A la radio, j’écoute Matra, LVMH, parfois Primagaz. Je me fournis en vêtements chez Ciments Lafarge et le système d’alarme du pavillon provient du Crédit Mutuel. Je blague ? Demandez donc à celui qui nous fait des maisons de maçon, qui nous vend des téléphones portables, qui nous distribue l’eau sous le nom de SAUR, qui nous distille à la télé des variétés et des émissions de très haute tenue car il a été désigné comme étant « le mieux-disant culturel ». Je veux parler de Bouygues, l’homme aux multiples facettes. Je blague ? La tentaculaire Générale des Eaux (Vivendi pour la bourse), c’est : - trois cents filiales spécialisées dans les travaux publics et qui raflent les marchés auprès des collectivités locales (Sofrabea, Sogea, Eurogea, Socobea…) Des sociétés que l’on retrouve dans les juteux grands chantiers gros consommateurs de rallonges budgétaires,- du chauffage urbain pour les collectivités locales, surtout les grands ensembles construits par Bouygues et Campenon-Bernard, - des piscines et des complexes ludiques (Aquaboulevard, Aquachose…) sous le nom de Montenay, - des parts de marché importantes dans la chaîne Canal + et le « bouquet numérique », dans les réseaux câblés, dans l’édition, - c’est aussi Cegetel et la SFR, Interforum et Havas-Interactive, divers journaux gratuits, - des usines de traitement des déchets ménagers vendues clés en main (Onyx) et les transports y attachés, - des réseaux de transport qui emportent à travers toute la France les contrats de transports scolaires (CGEA), - la restauration scolaire et d’entreprise sous le masque de la Sogeres et de SGR (environ dix millions de repas/jour), - un réseau d’établissements hospitaliers « privés » de moyenne importance très performants (trois dans mon environnement médical proche), dont le but inavoué est de faire la démonstration que le système hospitalier français est un gouffre ruineux pour la collectivité.
Vous écoutez Radio-Classique ? C’est Matra, Paribas, Les Echos.Vous achetez vos matériaux chez Point P, Castorama ou Bricorama ? Dites Ciments Lafarge. Mais Ciments Lafarge c’est aussi Lambert, Ciments français, Béton de Paris, Morillon-Corvol et j’en oublie. En face, le népotisme : Auchan, Décathlon, Flunch, Feu Vert, Kiloutou, Chantemur, Leroy-Merlin, Saint-Maclou, Boulanger… C’est la dynastie Mulliez. Des dynasties, la France n’en manque pas mais celle-ci est particulièrement représentative.
On assiste ainsi à un double quadrillage de la production et de la distribution : des anonymes s’allient pour écraser les petite pointures de la PME, se masquent pour nous vendre sous des noms d’emprunt produits de nécessité, services, denrées et loisirs (procurez-vous l’organigramme de Vivendi, de Danone, de Lagardère…) plus de vingt pages ! Leur but rejoint le moyen : exploiter la transformation de l’outil pour briser l’emploi stable, la fonction publique, pour instaurer la précarité, la mobilité de la main d’œuvre, l’absence de garanties sociales par l’appel massif aux marchands de travail temporaire et, dans le même temps, faire de ces salariés des consommateurs soumis ou captifs.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 9 / 71
Le capitalisme sauvage est en train de rattraper le communisme. Hier l’Union soviétique nous montrait dans ses carences un fournisseur unique et étatisé à outrance pour une clientèle uniformisée. Le choix existait mais était encadré. Avec le système qui se dessine, le choix se rétrécit par le fait qu’il conduit à des situations de monopole : emballage rouge, vert ou bleu, le contenu est identique. Le consommateur fait les frais des ententes qui nous laissent le choix entre deux produits industriels identiques proposés sous deux noms. Les lobbies envoient leurs missionnaires intriguer à Bruxelles où sont fixées les « normes européennes ». Le retour est joué d’avance.
Des sociétés financières fusionnent et créent des « sociétés-écrans », des sociétés-relais, des sociétés-satellites aux ramifications nombreuses et compliquées dont le but inavoué est de dissimuler des bénéfices, d’aller drainer chez le petit épargnant et surtout de ratisser les aides de l’Etat aux entreprises. Premier corollaire, le démantèlement d’un outil qui a fait ses preuves au profit des géants et leurs filiales : Alsthom vend ses locomotives à la SNCF à la condition d’obtenir pour ses filiales (qui sous-traitent avec des sociétés de travail intérimaire) des contrats d’entretien du matériel roulant. Le label disparaît, la qualité aussi. Nous aurons bientôt des trains sans cheminots.
Autre corollaire : casser les prix, exploiter le chômage et réduire le personnel afin de tenir le marché. Un exemple ? Impossible de faire cent kilomètres sur une nationale sans croiser quatre camions rouges au sigle ND, Norbert Dentresangle. Il y a dix ans, ce nom était ignoré, aujourd’hui, c’est plus de 4.000 véhicules et plus de 7.000 chauffeurs. Dentresangle est coté en bourse. Les chauffeurs sont payés « à la prime ». ND a bâti sa fortune en rachetant les canards boiteux, les camions, les chauffeurs, la clientèle. On a vu le résultat de cette course au fric sous le tunnel du Mont-Blanc et ailleurs.
Interrogeons-nous aussi sur ces mariages d’amour qui fleurissent et sur leurs conséquences : BNP-Société Générale-Paribas, Total-Elf Aquitaine, Air Liquide-BOC, Renault-Nissan, Ford-Volvo, Matra-Aérospatiale, Carrefour-Promodès… Un mariage chaque mois si l’on suit la presse spécialisée. Combien de chômeurs ?
Nous allons en aveugles vers la braderie de l’Etat, vers la cession de ses services élémentaires à des entreprises privées qui hurlent contre les situations de monopole de la Poste, de la santé, de l’éducation et qui, sous le couvert d’exercer le libre marché concurrentiel et sous la bannière de la liberté d’entreprendre – soutenue par Bruxelles – créent à leur tour de nouveaux monopoles qui avancent à visage masqué, la main dans la main dans leur démarche antisociale et dans leur course aux subventions d’Etat.
Pas trop de politique, dites-vous, camarades. Mais instruisons nos petits-enfants de ce qui les attend au début du siècle qui s’avance. Les miens auront vingt ans en 2010 : bac+5 et chômeurs.
Sources : les pages financière du Monde, Investir, Le Nouvel Obs. L’In-Secte. Septembre 99.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 10 / 71
La secteVoyage en Thybérie Méridionale,
un pays pas comme les autres
On y enseigne supérieurement et normalement Proust et Mallarmé, mais aussi Lamennais et Descartes, Linné et Erasme, Calvin et Lacépède, Buffon et Soufflot. On y honore les beaux-arts mais aussi les sciences naturelles et le cinéma d’art et d’essai. Pour le passé, ce pays conserve pieusement deux lieux particulièrement appréciés des historiens, le hameau de Cluny et celui d’Arènes (une dépendance de Lutèce). Pour le passé encore, ce pays entretient en son centre, sur les hauteurs, une église dédiée à Saint-Etienne. Ce pays n’est pas en France. Il offre la particularité d’être carré – enfin presque – et de comporter le plus grand nombre de grandes écoles, de lycées prestigieux. Le nombre de ses monuments à l’hectare dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Il est bordé au nord par une rivière, la Seine, au sud par un port auquel on a donné le nom de Royal. Il est protégé à l’ouest par la forêt de statues du Luxembourg, un ensemble architectural dépendance d’un pays voisin et allié. Il est traversé par un val plein de grâce dans lequel coule la rivière de Biesvre. Il est planté d’un jardin réputé. Son mont Sainte-Jeune-Viève culmine, sur lequel on a bâti un mausolée où reposent plus de cent hommes célèbres. Le palais de son président est situé en face dudit mausolée. Ses principaux hauts lieux portent les noms pittoresques de Poliveau, le Fer-à-Moulin, Tournefort, la presqu’île de Mouffetard, les hameaux de l’Arbalète, de l’Estrapade, de la Maub’ ou de la Contrescarpe. On y trouve aussi des îlots nommés SAGI, RIVP, SGIM, OPAC et des plages de sable blond où se multiplient en catimini des générations spontanées de résidents qui apparaissent et disparaissent au gré des vents électoraux. Ce pays est une démocratie permissive. On y parle le hère-pé-air, un dialecte venu des Gaulliens. Ses habitants sont heureux et vivent en paix pourvu qu’ils réélisent le président de Thybérie. L’épouse de celui-ci est honorée car elle est connue pour son culte de belles lettres jusque dans les pays voisins, notamment en Essonne, contrée jadis gouvernée par un président ami. Tout va donc pour le mieux dans ce petit pays pacifique et pacifiste qui ne compte en gros que 60.000 habitants répartis sur 254 hectares. Ce pays n’est pas un paradis fiscal, loin s’en faut, c’est un paradis électoral. C’est le pays des miracles. Dans le hameau de Saint-Jacques, par exemple, le miracle produit des électeurs dans un immeuble qui n’existe pas puisqu’il est situé au n° 373 d’une rue qui ne comporte que 303 numéros. Ailleurs, on en compte quatre se serrant dans une échoppe qui n’a plus d’existence, plus loin on en trouve dans une entrée de garage, dans un passage donnant accès à un jardinet, dans la boîte d’un bouquiniste des quais. Dans un box, ils sont une
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 11 / 71
douzaine à s’entasser pour conserver le privilège d’être électeurs en Thybérie Méridionale. Il s’en trouve qui habitent des pays voisins mais qui, poussés par l’affection qu’ils portent au président de Thybérie, viennent de très loin pour conserver le privilège d’être électeurs dans ce petit pays. On en recense officiellement 2.725, bien plus selon certains esprits chagrins ou envieux de la popularité du président, présenté comme saint Jean (l’Apostat ?)Ce qui frappe dans ce pays, c’est l’honnêteté, la droiture et surtout le désintérêt de ses citoyens dont l’archétype est leur président. Pour prendre un exemple, les logements sociaux qui y sont édifiés ne sont attribués qu’à des cas reconnus et, bien sûr, à quelques personnes désignées comme méritantes ou reconnaissantes. Les lois locales y sont appliquées dans toute leur rigueur et ce que proclament les juges ou le Conseil constitutionnel n’a de valeur que dans les Etats voisins impies. Le préfet local suit scrupuleusement les consignes données par le président, les juges locaux rejettent ou éteignent tout procès qui pourrait porter ombrage au président ou à sa famille, les tribunaux administratifs concèdent au président un pouvoir discrétionnaire qui le place au-dessus des lois communes à la fédération à laquelle est rattachée la Thybérie méridionale, je veux parler de la Phrance et de sa capitale, Pary, où ledit président occupe également une fonction de premier plan depuis que l’ancien président de la capitale, Menteur 1er, est devenu président de tous les présidents c’est-à-dire intouchable. La Thybérie Méridionale occupe dans l’espace fédéral une sorte de vide juridique que son président, lui-même juriste et magistrat honoraire, comble au mieux de ses intérêts et de ceux de ses administrés. La Thybérie représente un cas de figure unique, tant sur le plan organique et administratif que dans l’audace mise par son président et ses zélateurs à en faire une exception, une entité à part. Au fronton du palais présidentiel est écrite en lettres d’or cette devise : « Pas vu, pas pris ». On sait la méchanceté des gens – des gens de presse notamment – à se précipiter, s’acharner, insister et revenir encore tourmenter la vertu lorsque celle-ci ne dessert pas leurs bas intérêts. Aussi, le président de Thybérie (un homme si droit !) et son épouse (une personne si pieuse !) sont-ils – injustement, certes – la cible des médias et notamment d’un journal satirique paraissant le mercredi. Quand on pense que Paris risque de perdre un homme d’une telle valeur !
Pour plus de détails et d’informations, je vous conseille la lecture de :Autopsie de la fraude électoralede Jean-Philippe Immarigeon98 F chez Stock.
L’In-Secte. Mars 2000. ----------------------------------------------
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 12 / 71
double-vé, double-vé, double-vé MOI point com
Comment ça, vous n’êtes pas sur le vaibe ? Non seulement vous ne possédez pas de portable mais en plus vous n’êtes pas joignable sur le Naite ? Vous ne lancez pas d’imèles ? Vous ne surfez pas avec votre belle-sœur, votre garagiste, votre fournisseur d’e-achats, votre centre des impôts (www.percepteur.com), avec des inconnus… Comment faites-vous pour être introuvable, injoignable, inexistant. Vous êtes une non-personne, un non-être !
Le net, c’est la communication. Non, c’est l’a-communication (avec l’a privatif, comme dans asocial et non le a d’association). Qu’on me dise où est l’expression du visage, où est le regard, où sont l’intonation, le phrasé, l’harmonie des sons, les nuances de la prononciation.
C’est la désolation du langage. On doit faire vite, on va à l’essentiel, on arrache les mots, on ne conjugue plus, on éructe par le clavier. Et pour rester entre soi, on jargonne un idiome truffé d’abréviations, de mots anglo-saxons, de termes qu’il est de bon goût de sortir « entre initiés » faute de quoi on est rejeté, marginalisé : HTML, un Power Toys, un Tweak UI, le Desktop, un Control Panel, Network, Gamepod, Repair, le Shift, un Smart Master, un Think pod dans l’ultra-Bay, c’est clair tout ça, non ?
C’est la désolation des relations humaines : www.minette.com a remplacé 3615 mébonichons pour l’amour virtuel et tarifé de deux coups de clic sur la souris. Car à l’écran de l’ordinateur s’ajoute maintenant une caméra numérique vidéo et un microphone : tu paies, tu causes, ça bouge devant tes yeux. Ils vont bientôt nous inventer www.fragrances.com.
C’est la désolation de ce qui est spontané et simple, de ce qui est humain. C’est devenu fugace, comme les nuages dans le ciel. Dans l’esprit des concepteurs, c’était une bibliothèque, un lieu de consultation. C’est en train de devenir une foire commerciale mondiale, un gigantesque panneau publicitaire. La banque de données est devenue le catalogue des suceurs de fric. Leur credo, c’est l’achat, toujours l’achat.
On ne lutte pas contre le progrès, me dit-on. Tu verras, tu y viendras, m’affirme-t-on. La possession d’un ordinateur est déjà un premier pas vers cette captivité volontaire. J’y viendrai parce que bientôt mon quotidien favori sera remplacé par un journal virtuel. L’Etat montre le chemin en supprimant peu à peu le support papier de certaines publications du Journal officiel, en supprimant les formulaires écrits. J’ai cité le portable parce que demain les plus branchés recevront Internet sur leur portable. Les images de Roland Garros dans le creux de la main. Demain, on surfera
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 13 / 71
sur son téléviseur. Si l’on va plus loin encore, on pourra recevoir et consulter le Web sur sa montre-bracelet et même… sur la porte du four à micro-ondes (non, je ne blague pas !) Il suffira de taper : www.recettes-de-cuisine.com pour réussir l’endive jurassienne ou le lapin aux pruneaux (Micro-hebdo, avril 99). Pendant que le législateur discute de la compatibilité et du bien-fondé de l’usage du portable en conduisant une automobile, d’autres nous inventent – et vont nous infliger – l’outil indispensable au conducteur : le Net au volant pour converser avec son patron, avec sa petite amie ou pour se diriger dans les encombrements, réserver une place de théâtre, se passer un film sur le périphérique. Je blague ? « Prenez le volant et montrez-vous plus malin que les autres dans les embarras de la circulation grâce au Net ». C’est le titre d’un article paru dans une revue informatique. C’est moderne, c’est indispensable, c’est inéluctable, disent certains. C’est convivial, c’est rassembleur, c’est un moyen agréable de se rapprocher mutuellement, disent d’autres. C’est commode, ça permet de gagner du temps, d’échanger des informations, d’accroître ses connaissances et sa culture.
Je crains l’effet pervers de cet outil rassembleur, ce que j’appelle l’effet Gutenberg. Il a fallu attendre l’école des trois Jules, c’est-à-dire quatre siècles, pour que tous les petits Français apprennent la lecture. Le Net est une fois encore en train de diviser la société déjà déchirée en catégories : les Netophiles se posant en élites, avec leurs catégories dictées par le niveau des connaissances, et les autres, les sous-produits de la société, les laissés-pour-compte, les non-possesseurs tenus à l’écart du système (je pense aux défavorisés, à ceux qui ont dû quitter l’école en sachant tout juste lire, aux Africains et Indous sans courant électrique, aux demeurés de mon espèce qui ne maîtrisent pas la télécommande du magnétoscope…)
Curieusement, tous ces Netophiles (et les Netophages) qui ne jurent que par le virtuel, s’empressent de lancer leur imprimante afin de fixer sur le bon vieux support papier ce qu’il leur semble utile ou essentiel de conserver car, sait-on jamais…
Allez, assez craché dans la soupe puisque je possède un ordinateur et que celui-ci sert entre autres à la confection de notre bulletin. Et que, de surcroît, je pense et j’affirme q’il serait bon que nous figurions sur le Net puisque nous avons une existence réelle, un passé riche et encore un avenir. Il est encore temps de faire savoir qui nous étions.
Sur ce, je vous quitte. Je vais prendre une cuite carabinée au cyber-café du coin où m’attend une souris. J’en connais un à l’angle de la rue Gutenberg et de la rue Didot où l’on peut, toute la soirée, s’en mettre plein l’écran pour pas un rond.
www.lin-secte.com. Juin 2000.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 14 / 71
Ça cause, ça cause… Et ça cause du tort. Deux pages du présent numéro sont consacrées à ce que la presse appelle
pudiquement un « incident de parcours » et qui constitue pour nous un dommage, une blessure d’amour-propre.
Une certaine presse, dirons-nous.
Il s’agit des Auberges de Jeunesse, il s’agit d’une émission-poubelle, ce qu’ils désignent par « télé-réalité » qui est tout excepté de la télé et la réalité. Cette émission est proposée chaque soir par le « mieux-disant culturel », j’ai nommé TF1 et c’est de « Nice-People » qu’il s’agit.
Le parallèle établi par Télé Z avec « l’esprit des auberges de jeunesse » auquel l’auteur fait référence est une insulte à la vérité, à notre passé.
Lequel d’entre nous s’est exhibé de la sorte alors qu’il était AJiste actif ? Lequel d’entre nous s’est risqué dans une farce dont les seuls enjeux sont le fric et la notoriété dans le show-biz ? Lequel d’entre nous a pratiqué de la sorte l’esprit de compétition pour briller ? ou l’élitisme pour éliminer, se faire une place ?
Parmi la dizaine de titres traitant exclusivement de télévision, il en est peu qui s’interrogent avant de consacrer de pleines pages aux émissions les plus racoleuses, peu qui offrent une critique sans concession aux productions les plus commerciales, ringardes, abêtissantes. Une preuve de plus que Télé Z, son voisin de palier Télé 7 jours et d’autres encore font dans le spectaculaire, l’a-culturel, le simpliste, le cul-cul.
A chacun de réfléchir, de séparer le bon grain de l’ivraie.
Télé Z - 20 h 50 – NICE PEOPLE (prononcer Naèce Pipeul)
Jeu animé par Arthur et Flavie Flament.
Depuis une semaine, douze jeunes gens (six garçons et six filles) âgés de vingt à trente ans et originaires de douze pays européens cohabitent, 24 h sur 24, sous l’œil des caméras dans une luxueuse villa reconstituée aux
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 15 / 71
studios de la Victorine, à Nice. 450 mètres carrés répartis sur deux étages, dans un jardin de 800 mètres carrés, avec piscine, terrain de « beach-wolley » et de pétanque. Dans l’esprit des auberges de jeunesse, les candidats vont se découvrir, apprendre à se reconnaître et s’apprécier malgré les différences liées à leurs pays d’origine… (j’abrège) :Comme dans toutes les émissions de télé-réalité, une compétition se cache derrière l’aventure… Ce soir, isolés dans une sorte de sas de décompression, les deux premiers nominés de la semaine vont devoir convaincre les téléspectateurs de les repêcher. Un seul rejoindra ses colocataires à la fin de l’émission. A la clef pour le gagnant : 300 000 euro, somme qui lui permettra de réaliser le projet de sa vie.
Dans l’esprit des auberges de jeunesse, écrivez-vous ? Cherchez l’erreur ! Les Auberges étaient tout le contraire du culte de la vedette. Les jeunes de douze nationalités n’y venaient pas pour s’exhiber pour de l’argent mais pour s’user les paumes, bâtir, entretenir, gérer, apprendre l’entraide, se sentir solidaires, réfléchir à partir d’un idéal commun. Nos 450 mètres carrés bâtis dans un jardin de 800 mètres, c’étaient des heures de travail dans tous les corps de métier, des démarches administratives, du bénévolat total et réfléchi. Notre télé-réalité, c’était un engagement, une prise de conscience, la confrontation de nos certitudes avec nos homologues étrangers. Notre audimat, c’était une gestion saine, l’approbation de nos pairs au moment de rendre des comptes, la fierté d’œuvrer pour ceux qui nous succéderaient. Le lot à la clé, la récompense, c’était de voir nos maisons sainement gérées, fréquentées par un nombre croissant de jeunes gens et jeunes filles venus du monde entier. L’esprit des Auberges excluait totalement les idées de gain, de compétition, de sélection, d’élitisme.
L’In-Secte. Juin 2003.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 16 / 71
Vous êtes tous des cons !« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais, dans la perspective du « business », soyons réalistes : à la base, le métier de TF1 c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible. Rien n’est plus dif?icile que d’obtenir cette disponibilité. »
Vous êtes tous des cons ! Voilà ce que pense de vous Patrick Le Lay, le PDG de TF1. Nous n’attendions pas pareil aveu. Aussi, le texte ci-‐dessus mérite qu’on s’y arrête.
Si vous vous soustrayez à la disponibilité, vous devenez des salauds. Entre cons et salauds, vous devez choisir. Il le laisse entendre.
Vous êtes des cons, votre cerveau est à vendre et vous vous laissez acheter par Coca-‐Cola, Danone, L’Oréal et Bouygues. Il le dit.
Vous êtes des cons de vous être laissé prendre aux propos de François Léotard, alors ministre de la Culture, lorsque, le 16 avril 1987, il a décidé de choisir de privatiser TF1 comme étant « le mieux-disant culturel ».
Vous êtes des cons si vous continuez de penser que la télévision est un outil d’enrichissement intellectuel. Vous vivez dans un système capitaliste basé sur le proVit. Ceux qui l’animent sont en place pour « faire de l’argent ». Ils sont choisis pour ça, par des gens qui Vigurent au CAC 40. Ils n’ont que faire de vos curiosités du style Arte – plages d’émissions perdues pour le proVit mercantile – et ils vous ouvrent grand le robinet à images pour vous rendre dépendants, pour mieux vous installer et vous conforter dans leur système du proVit maximum, du consumérisme, de l’audimat et des parts de marché, pour vous vendre Coca-‐Cola, L’Oréal et Danone, pas pour vos petites conneries intellos qui ne rapportent rien.
Vous êtes des cons de croire que la télé-‐réalité vous offre la réalité de la vie. Elle vous dévoile la réalité de la télé : du toc à peine vraisemblable, inventé pour vous amener à vous identiVier à M. Tout-‐le-‐Monde qui devient riche grâce à un jeu débile, écrase ses concurrents et surtout « fait monter l’audimat ». Cette télé-‐réalité vous renvoie votre propre image parmi le parterre de cons qui applaudissent et s’exclament « spontanément » sur l’ordre du panneau lumineux leur ordonnant : « Applaudissez ! »
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 17 / 71
Vous êtes des cons si vous pensez que l’école de la République est la source de la connaissance de vos enfants. Ce que dit le maître est dépassé par ce que montre la télé. Celle-‐ci ne peut mentir puisqu’elle émet partout et pour tous. Dans les esprits, il faut impérativement que Coca-‐Cola dépasse en importance la Renaissance et Voltaire. In ?ine Zinedine Zidane sera plus connu que Victor Hugo. Et lui, au moins, on l’a vu à la télé.
Vous êtes des cons si vous pensez que les chaînes publiques sont saines, dépourvues d’intentions mercantiles. Elles se mettent à l’unisson, font du télé-‐Bouygues pour tenir la barre des parts de marché, pour intéresser et accrocher elles aussi la ménagère de moins de cinquante ans. Mêmes émissions racoleuses, mêmes jeux débiles, même public franchouillard faisant la claque.
Vous êtes des cons si vous espérez que votre redevance sert au bien culturel de tous. Une chaîne bien gérée raisonne en termes de recettes publicitaires, de parts de marché, de promotion de produits dérivés. Si la redevance était d’une quelconque utilité culturelle dans cette affaire et dans ce pays, cela se saurait.
Vous êtes des cons si vous pensez que nos dirigeants veillent. Nous avons un président bonapartiste, un premier ministre libéral. Alors, comme l’afVirme le baron Sellière, que le meilleur gagne, s’enrichisse et raVle les mises. Si FR3 et Arte connaissent des problèmes budgétaires, qu’ils le disent, TF1 viendra à leur secours, les rachètera et leur fournira une programmation divertissante et de détente a?in de préparer tous les téléspectateurs à davantage de disponibilité. Il reste du Coca-‐Cola et des produits Danone à vendre.
Vous êtes des cons si vous pensez que le CSA (Comité Supérieur de l’Audiovisuel) agit selon une déontologie et une éthique visant précisément à atteindre et entretenir le « mieux-‐disant culturel » cité plus haut. En même temps qu’il exprime et proclame sa vocation de garant d’une orthodoxie saine, fédératrice et positive, il couvre de son silence complice le pire du pire. Il tolère et laisse se développer sans états d’âme l’aliénation des esprits. Le vôtre au premier chef.
Vous persistez à regarder TF1, les copains ? L’In-‐Secte. 3-‐2003
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 18 / 71
La secteChanceux chasseurs sachant chasser
223 victimes d’accidents de chasse en 2002. Combien en 2003 ?
Dans la nuit du 29 au 30 janvier 2004, nos députés ont voté une loi selon laquelle « le jour s’entend du temps qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher ». On l’aura deviné, il s’agissait – dans la hâte d’une perspective électoraliste – d’offrir deux heures de loisirs supplémentaires à nos amis les chasseurs. Jusqu’alors, pour les aviateurs et les marins, la définition de la durée légale du jour était fixée « de la demi-heure qui précède l’apparition du soleil » à celle « qui suit son coucher ». J’ai bien écrit : la demi-heure.
Roselyne Bachelot, Diane défenderesse de la nature en charge du ministère de l’Environnement, a jugé urgent (je cite) de donner à ses interlocuteurs naturels une place plus importante. Cette dame a expliqué qu’il était temps de revenir à la situation d’avant 2000.
Merci ! Dominique Voynet appréciera.
Le Conseil supérieur de la Chasse, grand concile de la secte, a vu augmenter le montant des subsides qu’il gère (nos impôts, mêlés aux cotisations du parti Chasse, nature et traditions). C’était le moindre geste à faire avant les élections régionales. Par ailleurs, M. Raffarin a reçu les représentants de la Fédération nationale des chasseurs lesquels se sont félicités d’une grande convergence d’analyse avec le Premier ministre. Ben voyons !
Aussi, amis randonneurs, promeneurs épris de campagne, de verdure automnale et de grand air dans nos forêts, munissez-vous urgemment désormais d’instruments sonores puissants afin que, entre chiens et loups, vous signaliez votre présence dans le sous-bois à nos amis qui ont tendance – pastis aidant – à avoir la gâchette facile. Et ce, bien avant le coucher du soleil. Ne manquez surtout aucune occasion de rappeler aux chasseurs que les forêts sont ouvertes à tous, qu’elles ne sont pas leur propriété exclusive.
L’In-Secte. Mars 2004.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 19 / 71
Une histoire d’amourIl était une fois… un homme qui aimait les livres. Il aimait lire, il aimait encourager la lecture et ne voulait que du bien aux lecteurs. Cet homme aimait tant les livres que d’autres voulurent l’imiter. Ils en acquirent tant et leur envie de lecture était si grande qu’ils jugèrent bon d’acheter l’enseigne qui les éditait. Ils étaient riches, ils pouvaient investir une partie de leur fortune, de leurs revenus dans les diverses branches de l’édition. Ils allaient prendre la défense de la culture française, clamer leur passion pour le livre, brandir bien haut le pavillon de la pensée francophone. Le premier tirait ses revenus de zizis électroniques qui tuent, il se rachèterait en promouvant la culture. Le second tirait les siens des avions destinés à porter les mêmes zizis, il allait prendre la défense de la liberté d’exprimer des idées et en même temps il exprimerait les siennes. A 78 ans, il en avait des idées ! Un autre faisait dans la métallurgie, la suffisance de soi et le médaife, il aiderait les enfants des écoles à acquérir à meilleur prix leurs manuels scolaires.
La grosse artillerie de l’édition française se trouve aujourd’hui entre trois mains : le groupe Matra Lagardère-Hachette qui fait aussi dans l’armement sophistiqué, le groupe Editis du baron Antoine Seillière, et Dassault-Socpress. Par amour des belles lettres et de la chose imprimée, pas pour de viles considérations de profit. Ces mécènes diffusent la pensée francophone au nom de l’exception culturelle française (fallait le trouver !). Lorsque j’écrivais que j’achetais mes chaussures chez Nestlé ou mes journaux chez Danone, l’image faisait sourire. Elle est en train de devenir réalité. On va vers le regroupement, le monopole de la pensée. Hier, on reprochait au communisme de gouverner avec un seul pouvoir ; la troïka Lagardère-Dassault-Seillière est en train de nous mettre en place la pensée unique francophone, presse et édition confondues. Avant dix ans, l’un d’eux sera bouffé par un des deux autres, avant quinze ans le plus fort aura racheté son concurrent (n’est-ce pas déjà fait ? Allez savoir…). Nous devons juger grave, très grave, que l’édition des manuels scolaires des enfants de la République, nos enfants, se trouve entre les mains du Medef. Lagardère – Hachette : Fayard – Grasset – Dalloz – Dunod – Calmann-Levy – Stock – Lattès – Hatier – Livre de Poche – Larousse – Les Guides Bleus – Armand Colin – Le Routard… (…)
Seillière – Editis : Belfond – Bordas – Nathan – Le Robert – Nil – Solar – Plon – Presses de la Cité – Fleuve Noir– La Découverte – Pocket – Robert Laffont – Perrin – 10/18 – Julliard… (…)(…) et aussi quelques intérêts dans la logistique : choix des auteurs, impression, publicité, diffusion, routage, vente... Le reste de l’édition française se partage entre Flammarion (J’ai Lu, Arthaud, Casterman, Aubier, Pygmalion) Gallimard (Denoël, Folio, Mercure, la Table ronde, Losfeld) et Albin Michel (Magnard, Dervy, Vuibert, Canal +, Livre de Poche). Le nouveau sénateur Serge Dassault possède, par la Socpress, 68 titres dont Le Figaro, son plus beau fleuron, fait couler beaucoup d’encre (pas toujours celle des rotatives). Outre qu’il a le soutien inconditionnel de J. Chirac et des intérêts dans l’édition, la société qu’il contrôle couvre la France entière (y compris France-Antilles) directement par ses titres régionaux (Le Journal du Centre, Paris-Normandie), indirectement par la presse professionnelle (Le Journal de la Quincaillerie, l’Hôtellerie française…), la presse de loisir (La Chasse, Le Chien, l’Auto-Journal…). Lorsque votre hebdo préféré vous indique « les meilleures ventes du mois », cherchez quel éditeur patronne ledit hebdo, quel poulain y tient boutique (Le Point = Grasset ; L’Express = Socpress ; Le Nouvel Obs = Gallimard ; Paris-Match = Hachette, etc).
Il est question de privatiser la chaîne de télévision France-2. On peut parier que ces trois mécènes se préparent à nous déverser à la louche des émissions de divertissement destinées à préparer nos esprits à recevoir Coca-Cola, Danone et L’Oréal. Ils affûtent leurs couteaux et refont leurs comptes. Une chose est certaine, ils ne se battront pas entre eux mais contre nous, contre notre liberté de penser… tel qu’ils en auront décidé.
La liberté de penser est un combat permanent, camarades. L’In-Secte. 4-2004
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 20 / 71
On se décide, oui ou non ?Le premier écologiste de France, soucieux de démocratie appliquée, va nous consulter afin que nous nous prononcions en mai prochain pour ou contre… Pour ou contre quoi, au fait ? Pour l’Europe ? Oui, trois fois oui !
Auparavant, lisons le préambule de la Constitution qui va encadrer les destinées de cette Europe que nous sommes nombreux à vouloir : on y lit huit fois le mot « social » ou un de ses composés. Bravo ! On lit quatre-vingts et quelques fois les mots et expressions : échanges commerciaux, libre échange, prix à la production, libre concurrence, productivité…
Il ne vous vient pas comme un doute ? Que devient l’homme, dans cette affaire ? Où le trouve-t-on ? Il est question de son travail, de son argent, du profit qu’on peut en tirer, mais nous, citoyens de base, salariés et retraités, où est notre place dans cette Europe du CAC 40 et des affaires ?
Quelle avancée sociale ? Quel bien-être pour les Européens que sont nos enfants qui devront, durant plusieurs décennies, supporter les conséquences – surtout les ambiguïtés – d’un texte approuvé par le Medef qui applaudit à la directive Bolkenstein ? Voilà qui devrait faire réfléchir.
Soyons, comme notre Premier ministre, attentifs au contenu de cette Constitution taillée pour une Europe libérale et à ses conséquences inscrites dans le texte. Devons-nous nous réjouir de la privatisation de France-Télécom, demain de celle d’EDF et, pourquoi pas, à terme, de tout le système hospitalier et scolaire ? Dénationalisations, démantèlements, remise au privé de l’outil collectif, exportation du travail et délocalisation, c’est ça avant tout le libéralisme.
On me dira qu’en votant Non je mêlerai mes voix à celles d’un certain vicomte qui sent l’eau bénite et nous offre la France d’avant-hier en modèle, ou à un incertain et peu fréquentable Jean-Marie La Peste, le négationniste.
Peut-être alors vais-je voter Oui… Oui avec le président que j’ai soutenu dans la peur en assurant sa réélection en mai 2002. Oui avec Super-Menteur qui a promis de réduire la fracture sociale, de résoudre le chômage, de résorber les trop grands écarts de revenus, de combattre la corruption et le copinage, d’aplanir les inégalités sociales, de mener une saine et transparente gouvernance… Il a même promis de faire payer les pollueurs, c’est dire.
Oui à l’Europe, les copains, mais pas celle-là !
L’In-Secte. 4-2005
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 21 / 71
Entrez, voyez, on saucissonne !
Hier, il y avait les PTT. Aujourd’hui, on a La Poste et France-Télécom. La première est devenue une banque qui, accessoirement, s’occupe de la distribution du courrier et qui, pour assurer ses recettes, garnit nos boîtes à lettres de la publicité pour Carrefour et Conforama. Les agents de France-Télécom timbrent les factures de téléphone qu’ils adressent à leur nouveau client : La Poste… laquelle paie les unités téléphoniques sur le réseau que ses agents ont installé… pour France Télécom. C’est toi, client qui paies. Passons. Hier, il y avait la SNCF. Aujourd’hui, nous avons SNCF et RFF (Réseau Ferré de France). La première possède les wagons et les locomotives, le second est propriétaire des rails. La première loue au second des heures d’utilisation des voies ferrées qu’il est chargé d’entretenir. Simple, non. Les directives européennes vont contraindre la RATP à accepter la privatisation d’une partie de ses lignes et de son parc. Une ligne et un parc privés sont faits pour être rentables. Il va de soi que la privatisation touchera les lignes juteuses, abandonnant à la Régie celles qui sont d’utilité. Ben voyons !
Tout cela serait simple s’il n’y avait les lois Raffarin sur la décentralisation. Hier, il y avait des autoroutes, des routes nationales, des routes départe-mentales. Les autoroutes sont concédées à des sociétés privées dont les actionnaires attendent des profits. Les nationales sont cédées par tronçons aux régions, aux départements. Lorsqu’on se rend de Paris à la frontière espagnole, on traverse onze départements, onze modes de gestion et de financement des travaux d’infrastructure et… onze causes de création de nids de poule. Hier, nous avions la SNCF qui mettait en service – bon an mal an – des rames voyageurs sur l’ensemble du pays. Aujourd’hui, nous avons les TER. Selon que la région est riche, aisée ou essoufflée, on voyage dans des types de matériels neufs ou usagés, voire vétustes. Attendons-nous à autant de compagnies que de régions, avec autant de tarifs. Ne soyons pas médisants, une chose essentielle a été protégée, reconnaissons-le, c’est l’écartement des rails. Hier, nous avions un budget unique et national pour l’hospitalier, le scolaire, les grands travaux. C’était trop commode, on savait où l’on allait. Aujourd’hui, il appartient à chaque région de gérer ses hôpitaux, ses personnels scolaires, ses infrastructures… et ses RMIstes. C’est à chaque région de lever un impôt pour pérenniser et investir. On va vers la privatisation des services. Ce saucissonnage, ces privatisations constituent autant de « niches » dans lesquelles banquiers, assureurs et affairistes se sont précipités. Pour attirer les investisseurs, plaire aux futurs actionnaires, il faut réduire les coûts et les charges, écarter les gêneurs que
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 22 / 71
sont les syndicats, avoir recours au travail temporaire, morceler puis éliminer les petites structures jugées peu rentables. Les petits bureaux de poste, les hôpitaux de proximité, les écoles de dix élèves ferment, accélérant l’exode rural. On opère alors en boucle : puisque les campagnes se vident, la fermeture des services publics se justifie. L’Etat se démet de ses devoirs, la région, prise de court, dit avec juste raison qu’elle n’est pas assez riche pour les assumer. Ainsi, Bercy peut parler de « bonne gouvernance » puisque l’impôt sur le revenu a baissé. A quel prix !
Il fallait éviter de faire sourciller le baron Seillière et ne pas faire de peine aux familles aisées, la majorité UMP (Union pour le Maintien de la Pauvreté) y est parvenue : réforme des droits de succession (ben voyons !), suppression des emprunts à taux zéro (salauds de pauvres qui veulent devenir propriétaires !), indexation de l’impôt sur la fortune (mes amis, ma mouvance, mon électorat), réduction de l’impôt pour les emplois à domicile (ah ! les braves gens !) … Prenons justement ce dernier en exemple : un couple nanti, avec deux enfants, aux revenus de 75.000 € annuels et employant une aide à domicile. Avant la mesure Raffarin, ce couple payait 2.500 € d’impôt. Désormais il n’en paiera plus car il a créé un emploi, alors que l’employée de maison à 13.000 € annuels, si elle n’a pas d’enfant, se verra assujettie à l’impôt sur le revenu. Poursuivons notre tour d’horizon sur ce beau monde. Délocalisation. Vous ne voulez pas vous exporter et aller travailler sous les cocotiers pour 150 € par mois ? Qu’à cela ne tienne, on fera travailler les gens du pays… 50 heures pour 10 fois moins que vous et sans couverture sociale. IBM supprime 13.000 emplois et s’apprête à embaucher 14.000 personnes en Inde, pays considéré comme un moteur de croissance. Nestlé et bien d’autres encore ferment des sites en Europe occidentale pour « redéployer » leurs activités et « rationaliser » leurs moyens de production. Des sociétés de service (appels téléphoniques à domicile) se créent au Maroc, en Tunisie, en Orient, qui vous proposent des contrats d’accès au gaz de ville et au courant électrique privatisés à moindre coût… dans les tuyaux et sur les fils dont GDF et EDF ont assuré la pose et devront assurer l’entretien. Pour tenir le CAC 40 à un niveau satisfaisant, ils ont inventé le « salarié moins disant », celui qui accepte 40 heures ou plus payées 35. Fallait le trouver !
Pendant ce temps : Super-Menteur a retrouvé la forme, Sarkozy s’occupe des mal-logés et Villepin lutte contre le chômage et la vie chère. Qu’ils disent.
L’In-Secte. Septembre 2005.----------------------------------------------------
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 23 / 71
Que faire d’El-Qaida ? à propos de Londres
et de Charm el-Cheikh Hypothèse : évitant de nous interroger sur le fait de savoir qui a fabriqué El Qaida, on négocie, on abandonne la démocratie, on se rallie à l’Islam intégriste à qui l’on ouvre grand nos Universités, nos hôpitaux, nos bibliothèques, nos institutions…
En même temps que l’on interdit l’usage de l’alcool et la consommation de la viande de porc, on rend obligatoire la burka pour les fillettes pubères et leurs mères. Ces dernières vont au marché, accompagnées du mari ou d’un grand frère. On retire aux femmes l’usage de la carte de crédit, apanage des hommes. Euses et ières sont proscrits : plus de vendeuses ni de boutiquières, plus de chercheuses ni de caissières. Le public ne doit pas voir un visage féminin. La mode, la presse féminine, les mots d’élégance et de chic même sont proscrits. Le port du short, du maillot de bain est prohibé. On ne doit voir ni les bras ni les épaules ni les jambes. Les moudjahiddins du peuple y veillent. On interdit aux jeunes filles d’exercer un sport de plein air ainsi que l’accès dans les facultés et plus tard à une profession libérale. Devenues femmes, on les enlève du marché du travail ou on les cantonne dans des emplois essentiellement féminins, en ateliers clos, où les hommes n’ont pas accès. Elles ne peuvent manipuler d’argent que sous le regard de leur mari. Les bals, les cinémas, les lieux de réjouissance font place à des lieux de prière. Les hommes doivent se laisser pousser la barbe, ils peuvent avoir jusqu’à cinq femmes. Les bonnes mœurs sont garanties par les gardiens de la foi islamique. Ceux-ci imposent la délation à tous les citoyens. Le curé de mon village, que l’on épargne en raison de son éducation religieuse et de sa connaissance du milieu, est désigné gardien de la vertu. Il veille à l’application de la Charia et décide qui sera présenté au tribunal religieux islamique. Mon voisin, un juif sépharade instruit et converti, est promu mollah. Il est chargé de l’instruction religieuse et opère sous les ordres d’un ayatollah auto-proclamé. Lorsque je le croise, je dois le saluer par : « Al Akbar ! ». Je ne dois pas tolérer qu’un homme adresse la parole à ma femme. Je marie ma fille avec qui j’entends. Je rends mon fils aîné héritier de mes biens. Il a droit de vie ou de mort sur ses sœurs. La nouvelle devise de la République est : Tous avec Allah, Allah est avec nous. Il est procédé à des autodafés, la bibliothèque municipale est vidée de son contenu, on n’y trouve plus que des traductions du Coran et de ses versets. Il est retiré des musées tout ce qui est impie, tout ce qui a trait à l’histoire biblique, à la mythologie grecque, à l’épopée, à la légende. Hors du Coran, point de Salut !
Ce raccourci imagé et outrancier appelle plusieurs réflexions. La première est que la démocratie est une institution fragile, sans cesse remise en question et attaquée sur tous ses flancs par les extrémismes politiques et religieux, qu’ils s’appellent fascisme (hitlérien ou autre…), Front National ou intégrisme (catholique, juif, musulman…). Tout est en place dans les têtes, notamment pour ce qui concerne la condition faite à la femme dans ce qu’ils nous décrivent selon leur idéal en imposant leur version des « Ecritures ». Je constate : Bible, Thora, Charia, même combat ! Je constate encore : prière du vendredi, sabbat, office du dimanche, même renoncement de la personnalité et même soumission par le rituel devant des divinités, des abstractions magnifiées, même vénération collective d’une idole sanctifiée.La seconde est pour dire que neuf musulmans sur dix contestent les effets néfastes et pervers de l’extrémisme débridé de leurs coreligionnaires écervelés. Mais pas un Diderot, pas un Voltaire, pas un Hugo ne s’élève dans leurs rangs. Qu’ils l’expriment ! Qu’ils le crient, bon sang ! Savent-ils que nous sommes disposés à les soutenir ? Ont-ils lu dans l’Histoire quels combats nous avons menés, quels ayatollahs nous avons dû affronter depuis des siècles pour obtenir le droit de penser librement ? La dernière est un espoir, le triomphe de la Raison sur les Inquisitions et les fondamentalismes de tout poil. Tous les Torquemada, tous les Mgr Lefèvre, tous les Ben Laden du monde n’ont jamais réussi à nous tromper sur la plus grande escroquerie de tous les temps, ce mythe ancestral venu de la crainte de la mort, ce mensonge entretenu depuis plus de deux mille ans qui a voulu faire croire à la perfection et à la toute-puissance d’un Etre Suprême et de son envoyé sur Terre : Jésus, Mosché ou Mahomet. Sur ces impostures, le Siècle des Lumières a levé le voile. Nos aînés ont engagé un combat, il nous revient de le poursuivre, de dénoncer sans relâche cette gigantesque et nauséabonde tromperie intellectuelle.
L’In-Secte. Septembre 2005.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 24 / 71
VTT + 4 X 4 = écolo-beauf’ Le printemps, vous en conviendrez, est le moment des décisions importantes. J’ai réfléchi, j’en ai marre de vivre dans la médiocrité. J’ai envie d’être vu, d’en étaler, de montrer à mes minus de voisins que je suis Quelqu’un.
C’est décidé, je cède mon vélo. C’est décidé, je vends ma Clio. C’est décidé, j’abandonne le scooter.
Je fourgue le vélo routier, j’achète un VTT. C’est écologique. Pas pour frimer, seulement pour aller m’aérer en forêt en compagnie d’amis vététistes, pratiquer la conduite sportive dans les petits chemins sablonneux, les sentiers Denecourt du massif de Fontainebleau, les sous-bois dépourvus de chemins, tous les lieux où les piétons gênants ralentissent notre allure lorsqu’on les croise ou les dépasse. Qu’ont-ils à faire là ? C’est à eux de s’écarter, de nous céder le passage. Ils ne l’ont pas encore compris. Ils nous reprochent parfois de ne pas posséder de sonnette. Une sonnette ? Et pourquoi pas une corne de brume ? Nous sommes écologistes, nous, nous respectons la nature, nous ne voulons pas déranger les couvées avec une sonnette. Ils nous reprochent de dégrader les chemins. Ils ne voient pas que nous renouvelons le milieu naturel, nous participons à la protection de l’environnement. Et puis quoi, la forêt est à tout le monde !
J’ai commandé un 4X4.
Un modèle japonais avec écrit dessus « Patrol », avec des pneus d’Airbus, une grille pare-buffle et une batterie de phares sur le devant, avec des projecteurs orientables sur le dessus, muni d’un échappement écologique au-dessus de l’habitacle, avec des vitres teintées et des pare-chocs chromés, épais et robustes. Ça impressionne. Assis à un mètre trente du sol, je vais dominer tous ceux qui m’entourent. Je veux leur faire peur, être respecté sur la route. Deux tonnes de métal, croyez-moi, ça force le respect. Je veux les voir me céder le passage, je veux voir les piétons reculer avant de s’engager. Je veux pouvoir participer à des rallyes en montagne, dans les coins inaccessibles, sur les pentes impressionnantes. En ville, j’escaladerai aisément les trottoirs pour
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 25 / 71
me ranger. Avec ça je vais crever la couche d’ozone, répandre 492 grammes de CO² au kilomètre. M’en fous, l’ozone ne se consomme pas à table. Vous êtes jaloux ? Quand nous serons tous en 4X4, et ça ne tardera pas, il n’y aura plus de jaloux. Croyez-moi, c’est la voiture de l’avenir.
Je vends le scooter, j’achète une moto.
Je veux être entendu de mes voisins à grands coups de décibels. Plus on va vite et moins de temps ça dure, c’est ce qu’ils devraient se dire. Je veux pouvoir passer partout, par tous les temps. Je veux un moteur nerveux, avec de la réserve de puissance pour avaler les rampes à 35 %, avec des pneus munis de petits crans qui accrochent sur le sol humide, la mousse et le sable. On n’abîme pas les chemins, on roule sous les arbres, dans les futaies, les baliveaux, les sous-bois. Le dimanche, à cinq ou six copains, on organise des enduros dans le sable et la boue, on va narguer les gardes forestiers, les écolos et les randonneurs, c’est super ! Quand le terrain devient trop meuble, on change de coin, on se fait un nouveau public. On nous respecte, on nous craint, on nous admire ! C’est super !
Quoi ? Qu’avez-vous ?... Je dérange ? Moi, on me la fait pas. Je veux appartenir à la confrérie des possesseurs de 4X4, être respecté, ressembler à ceux qui ressemblent à leur voiture. Poussez-vous, j’arrive.
La moto, c’est pas votre truc ? Essayez, c’est grisant, vous serez vite séduits. Faites comme moi, achetez une moto VTT, on organisera ensemble des sorties dans les bois.
Mon vélo ne vous plaît pas ? Vous avez encore à dire ? Vous n’avez rien compris, vous retardez, les amis. Ou alors vous n’êtes ni écolos ni sportifs.
L’In-Secte. 1-2006
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 26 / 71
Ma première maîtresseA l’heure où l’on s’entretue dans la déraison pour savoir qui aura raison, à l’heure où ceux qui ne tuent pas menacent de le faire en se faisant approuver par ceux qu’ils dominent, qu’ils achètent ou qu’ils effraient, je serai partisan. C’est pourquoi, par lâcheté ou par paresse d’esprit, je choisis aujourd’hui le refuge du dérisoire.
On massacre aussi le français.Mon institutrice est devenue professeure des écoles. Elle est par ailleurs auteure d’un recueil de chants enfantins. Sa sœur, officière de réserve, a été nommée lieutenante-colonelle par un décret paru au JO, signé de la ministre des armées. La fille de celle-ci, engagée dans la Marine nationale, vient d’être promue première maîtresse en attendant d’accéder au grade de quartière-maîtresse. Le 14 juillet, on a vu défiler une amirale suivie de madame la médecine générale inspectrice du service de santé des armées. Elles deviennent pasteures, ingénieures, chauffeures, huissières… Pourquoi pas scieures de long et témoines de moralité ? Soyons logiques et écrivons alors un fourgonnet, un camionnet, du vinaigret puisque fourgon, camion et vinaigre sont masculins.
On jargonne avec les z’euros : vingt z’euros, quatre-vingts t’euros et trois cents t’euros sont devenus courants (et, par parenthèse, l’s à euro au pluriel est une faute). On jargonne avec des mots comme initier (pour débuter, entreprendre ou mettre en place), le défi est devenu un challenge, commerce fait place à merchandising et management remplace la gestion. On jargonne avec le mot citoyen pour nous vendre une voiture citoyenne (le 4 X 4 citoyennement écologique !), on mêle le terme de citoyen au « développement durable » en l’envoyant pratiquer le tri citoyen des déchets ménagers. On jargonne avec des expressions comme « à l’ancienne » qui veulent rendre nobles des produits industriels dépourvus de saveur qui sont vendus à des millions d’unités (exemple : les camemberts Besnier moulés « à la louche » nous affirme l’étiquette). On jargonne en appelant technicienne de surface la femme de ménage qui se tape les bureaux dès potron-minet, en appelant préposé le facteur et en disant d’un dur de la feuille qu’il est malentendant. Si de surcroît celui-ci est nain, il devient par respect une personne de petite taille. A ce régime, le con borné est-il appelé un mal-comprenant ? Et devra-t-on rebaptiser la fable de La Fontaine : Le non-voyant et la personne à mobilité réduite ?
La radio nous offre son florilège : les quatre z’individus… une commande de quatre-vingts t’appareils… il sera t’accompagné… une centaine d’entre eux a pu rejoindre son domicile… On nous inflige en Avignon, en Arles (pourquoi pas en
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 27 / 71
Amiens, en Arras, en Amboise ?) et, dans le même temps, on donne la parole au maire de Le Raincy (pourquoi pas à le maire pendant que nous y sommes ?) à qui l’on demande ce qui s’est passé à Le Blanc-Mesnil. Sans oublier l’autre qui nous apprend qu’au Parqueu des Princes il a course-gagnée (malgré qu’il ait pied-mal dans ses neuves-chaussures ?) On ne peut plus écouter un disque, c’est un album. On nous le présente en praime-taème et en baize-toff enregistré en laève parce que ça fait mieux que de l’exprimer en français. Quand la presse écrite s’en mêle, n’en parlons pas. Les correcteurs n’étant pas « productifs », on les supprime et c’est à chaque rédacteur de se relire c’est-à-dire de fouler aux pieds le code typographique et celui des usages du français. On coupe désormais les mots là où ça tombe. Dans Le Monde de ce soir, je relève : en partic-ulier, dernièr-ement, mensual-ités et av-aient. Mais ce sont les blogs, ces messages écrits lancés au vent d’Internet, qui offrent le plus bel échantillon de ce qu’apprennent et retiennent ceux à qui la toile permet d’exprimer tout et n’importe quoi. Je cite sans me donner la peine de trop chercher dans l’anthologie : J’ai admirer… Tu dit dans ta phrase… La deuzième photo… On a manger au bord de l’eau… J’ai écris sa dans la fouler… Après mon bac, j’ai passer… Vener voir sur mon blog et répondé moi avec franchisse… Ce ne sont pas toujours des élèves de CM 1 qui s’expriment ainsi. Certains, avec bac + 2 ou + 4, sont à la recherche d’un emploi. Y z’écrivent comme y causent. On ne leur a pas appris ou ils n’ont pas retenu l’usage des prépositions, la concordance des temps, la sainte-axe qui replace les verbes dans le bon sens. Pire : ils pensent en texto, ce sabir fonétik qui fait écrire fot pour faute, foot, faut, faux ou féaux. Leurs lectures sont restées aux bulles des BD. Et à propos d’Internet, le comble est atteint avec l’un des hommes les plus fortunés et les plus adulés de France – et qui va devenir administrateur chez Danone (Le Monde du 6-09-2006) qui écrit sur son blog : Je part en vacance. Je vous remercier pour vous commentaires et pour les visites (sur le site) et je vous souhaite a bonn vacances a tous et moi lundi je pare au maroc pour 1 mois a bientots grand bisous je vous aimes merci. Z.Z.
A ce constat de faillite, j’ajoute que les tirages additionnés de la presse pipeule égalent en nombre le reste de la presse quotidienne régionale, c’est dire le haut niveau intellectuel du peuple qui se dit le plus cultivé de la terre.
Les ministres de l’Education nationale et ceux de la Culture qui se sont succédé depuis des décennies, relayés par les enseignants de la République qui ne réagissent pas, portent une lourde responsabilité devant ce négatif constat. Continuez, messieurs, nous parlerons bientôt tous l’américain politiquement correct, le basic french language. L’In-Secte, août 2006.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 28 / 71
Liberté… Egalité… Fraternité…
Liberté :Dans un rapport ayant trait à la presse, l’Institut Montaigne, fer de lance et caution du Medef, révise et légifère à sa manière la liberté de dire et d’écrire. Je cite : Fin des aides à la presse d’opinion… Aides aux groupes qui décentralisent ou qui font imprimer à l’étranger… Fin du périmètre d’exploitation des kiosquiers et liberté de vente dans les bars, restaurants et commerces divers… Paiement par avance des titres mis en vente… Fin des accords anti-concentration de la presse quotidienne de province… Fin du droit d’auteur accordé aux journalistes et photographes de presse… Fin de la clause de cession dont bénéficient dans leur métier les journalistes… On ne peut être plus clair. Il est précisé que si la presse quotidienne d’information prétend à un avenir, elle doit sans attendre écraser les statuts et les conventions issus des ordonnances de 1944 concernant les journalistes, les ouvriers de presse et les diffuseurs. Plus loin, pour ceux qui n’auraient pas compris ce que veut l’Institut Montaigne, il est dit que la Presse doit être le reflet de la pensée des décideurs de ce pays (lisez : la finance, les lobbys, la pensée libérale, les groupes de pression = Lagardère, Bolloré, Dassault et consort…). Ce que veut le Medef est clair : tenir en main la liberté d’exprimer, instaurer en France ce qui se pratique et réussit ailleurs à d’autres : Murdoch, Berlusconi, Betelsmann assurant le pluralisme de la presse à leur façon = un même produit vendu sous des emballages différents et, à terme, la mise à mort des titres réputés gênants ou non rentables : Libération montre la route à emprunter. Dans le même temps, Télé-Poubelle donne le ton en encourageant la course à l’Audimat pour nous vendre Danone et L’Oréal. Jour après jour, les chaînes dites nationales, prises dans la spirale de l’émulation et du profit, s’engagent vers la privatisation, font tout pour qu’elle se produise. On s’en rend compte avec le sieur de Carolis, protégé du pouvoir, mis en place par qui on sait pour ce que l’on sait. Voilà ce que veut faire de la liberté l’Institut Montaigne, fleuron du Medef et de la société libérale. Merci, on a assez donné.
Egalité : Il est juste que l’effort, la prise de responsabilités, la compétence ou le mérite soient rémunérés. Ceci nous fait accepter l’idée que nous ne sommes pas tous égaux, qu’il en est de plus égaux que d’autres. Il s’établit alors des échelles de valeurs qu’aucun système ou régime n’a jamais remis en cause ou combattu. A ce jeu, on atteint vite l’excès. Ce qui choque, c’est l’excès dans l’excès : un smicard devrait travailler huit cents ans – depuis l’époque des Croisades – pour atteindre le salaire moyen annuel d’un PDG du CAC 40. Exprimé d’une autre manière, c’est reconnaître et affirmer qu’un homme vaut huit cents de ses semblables. Au nom de quoi ? Sous quels critères ? Des parachutes en or, exonérés d’impôts, sont accordés sans commune mesure avec des besoins réels tandis que plus de six millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté. Un débat honteux sur les stocks options laisse penser que ces messieurs mettront un frein, fixeront une limite à leurs appétits (1 mois de SMIC = 135 secondes de travail d’un certain Zacharias, ex-PDG de Vinci). Scandaleux ! Néanmoins, des questions nous viennent à l’esprit : Quels mérites peuvent justifier de tels écarts astronomiques ? Que font-ils de tout cet argent ? Quels besoins fondamentaux ont-ils à satisfaire qui nécessitent de pareilles sommes ? Posons enfin la question : Où est l’égalité quand ceux qui ont le pouvoir de licencier, d’accroître la précarité en sont récompensés par de telles sommes ? Et ces sommes, d’où proviennent-elles sinon du produit de l’effort de ceux qu’ils ont précarisés. Cette « fracture sociale » (quelle superbe trouvaille électorale !) que disait vouloir combattre Chirac n’a fait que se creuser sous Raffarin et plus encore sous son successeur, Galouzeau de Villepin aux beaux effets de tribune et de manches devant micros et caméras.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 29 / 71
Dans l’esprit de ces gens, l’égalité reste dans les textes et le discours, dans leur volonté elle n’existe pas, ils n’en veulent pas, ils la combattent. Fraternité : Cachan… Toulouse… Les banlieues… Des tentes sur les quais de la Seine pour accueillir les sans-abris… Le Kärcher pour les jeunes qui réclament l’instruction, un emploi et l’égalité dans la dignité, les CRS pour ceux qui réclament un logement et le droit d’exister. On évacue sans ménagements ces salauds de pauvres sans se préoccuper de savoir s’ils seront hébergés dans un gymnase ou sous les arbres. On fait d’eux des non-personnes, des déchets. Opportunément, après les avoir volontairement oubliés, on se souvient qu’ils occupent illégalement un immeuble vétuste, on les en chasse manu militari. Après tout, ce ne sont que des nègres… Que la charité publique fasse son travail ! Et la dignité, dans tout ça ? On est en train de réinventer le colonialisme sur notre propre territoire, dans le pays des Droits de l’Homme. Où donc est la fraternité dans un pouvoir qui érige la misère au niveau d’une institution reconnue en nommant un ministre de la cohésion sociale, manière de prononcer gestion de la pauvreté, en la personne d’un spécialiste des effets d’annonce, l’électron libre Jean-Louis Borloo, ministre de la non-fraternité, ministre des différences sociales codifiées, institutionnalisées et entretenues. Cohésion sociale dit bien ce qu’il veut dire : faire tenir ensemble des éléments sociaux disparates, devenus antagonistes par la situation qui est la leur et, de la sorte, établir un fait social inéluctable, s’épargner de résoudre les inégalités et les dégâts que celles-ci pourraient générer, s’attaquer tardivement aux effets extrêmes qu’ils provoquent en négligeant et en ignorant volontairement les causes, gagner du temps, s’en tenir aux intentions, aux textes prometteurs, aux effets d’annonce, aux images pour le JT de 20 heures. Au-delà, que du vent !
Ailleurs et pas très loin, un de ses homologues aux dents acérées n’a rien trouvé d’autre qu’envoyer des agents en uniforme se faire caillasser sous les tours de nos banlieues après avoir mis fin au relationnel humain, supprimé les réseaux préventifs de proximité et coupé les subventions aux associations assurant la prévention dans les cités. Allumeur d’incendies pour mieux mettre en valeur son rôle de pompier de service, notre George-W Bush des cités-dortoirs mène sa guerre, se contredit, se dément sans rougir en truquant les chiffres, en accusant la justice de laxisme, en fanfaronnant devant les caméras convoquées pour chaque circonstance montée en épingle. Et ça marche. Il en rajoute et va en rajouter encore pour entretenir la peur, la haine de l’autre, il va se surpasser dans les faits à chaque occasion offerte ou créée, rassurer les « braves gens », faire monter son nom dans les sondages et reprendre des voix à son concurrent de droite, Le Pen, se montrer en vainqueur et aller pomper des voix chez son autre voisin de droite, le turbulent et fat vicomte de la France chrétienne. Il n’a que les mots « valeurs républicaines » à la bouche, il se comporte déjà en satrape, en monarque absolu.
Liberté, Egalité, Fraternité… La loi républicaine prévoit que chacun a droit à un emploi, à un logement, à l’instruction, à la santé et aux soins, à ce qui le place à l’abri des tracas, à ce qui lui offre la dignité d’être. La société décrite par l’Institut Montaigne (créé par Bébéar, émanation du trop connu Club de l’Horloge) nous oblige à l’inégalité, à la peur du lendemain, à l’incertitude. Elle rend le salarié craintif, docile et soumis, détruit sa dignité, lui enlève tout espoir de se réaliser et le ramène à sa seule dimension économique importante à ses yeux : une machine à produire de la plus-value pour le CAC 40.
Liberté, Egalité, Fraternité… On le proclame, on veut y croire encore. Ma feue mère ajoutait : « Solidarité, Paix, Travail… Mort aux 200 familles et vive la Sociale ! » Ils pensent et tentent d’imposer : Résignation, Soumission, Désespoir. Nous n’avons pas le droit de les laisser continuer. Nous devons proclamer et faire appliquer : Liberté, Egalité, Fraternité, devise de la République.
L’In-Secte – 4-2006.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 30 / 71
La PME devenue multinationale
J’emprunte à Roger-Pol Droit :« Au départ, un modeste artisan charpentier en Galilée et sa très petite entreprise : douze employés. L’un d’eux le dénonce aux autorités. Ce patron meurt jeune, dans des circonstances tragiques. Personne, à l’époque, n’avait l’idée d’investir dans sa minuscule société. C’était il y a un peu plus de deux mille ans. A l’arrivée, pourtant, on dénombre plus d’un milliard et demi de consommateurs. La marque, implantée dans le monde entier, contrôle des milliers de succursales. D’importantes Viliales ont fait sécession mais le PDG de la maison mère est encore très puissant. Ses déplacements attirent une foule immense de Vidèles clients. Clé de ce succès : la plus formidable campagne de marketing de toute l’histoire. Un certain Paul, chef de produit et directeur des ressources humaines, Vit quelques trouvailles innovantes. Il choisit comme logo un instrument de torture, s’adresse de vive voix ou par messages publicitaires écrits à des groupes ciblés et, surtout, fait preuve de génie dans le position-‐nement concurrentiel en suscitant chez ses clients la conviction qu’ils disposeront désormais d’un produit unique et universel. Jésus lave plus blanc, tel est le titre d’un ouvrage écrit par un spécialiste de la publicité, Bruno Ballardini (Ed. Liana Levi, 16 €).
Comment fidéliser le consommateur ? Le produit étant gratuit, comment en pérenniser la qualité ? Quelle animation musicale prévoir sur les points de vente ? Quel lieu choisir pour placer le produit ? Comment mettre en valeur son unicité en même temps que son universalité ? Comment mettre en place la stratégie de communication ? Quelle attitude adopter à l’égard de la concurrence ? Quel usage faire des déchets ?... Ballardini vient au-devant de nos interrogations et nous guide à travers les étages et les couloirs de la multinationale qui constitue la plus grosse escroquerie de ces deux derniers millénaires.
L’In-Secte. 4-2006
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 31 / 71
Je ne marche plusJe n’ai jamais été un randonneur infatigable, j’étais seulement un honnête
marcheur, un marcheur moyen, de bonne composition, attentif au paysage, aimant la compagnie d’autres marcheurs, sachant se repérer à l’aide d’une carte. J’ai marché derrière un allongeur de pas qui me semait dans les grimpettes, un meneur qui ne se serait pas arrêté plus de cinq secondes pour contempler un champignon ou une fleur, derrière le bucolique qui nous a fait rater des trains…
Je ne marche plus, je suis devenu le traînard qui peine dans les montées et fait rater les trains. Le souffle me manque et j’en sais la cause.
Je ne marche plus dans les deux sens du terme.
A dix ans, on m’a fait marcher pour apporter à l’école la vieille ferraille qui allait forger l’acier victorieux. Six mois plus tard, je courais vers le sud pour fuir ceux qu’on allait bientôt appeler l’Occupant. J’aurais dû en retenir la leçon. A treize ans, on m’a fait marcher pour agiter un petit drapeau sur le passage du maréchal. Notre instituteur, pourtant Parisien de souche, n’a jamais su trouver la rue de Rivoli où nous devions nous rendre, nous nous sommes malencon-treusement égarés dans le quartier de l’Arsenal. A dix-huit ans, j’ai marché en retroussant mes manches. Je marchais aussi au rythme des heures sup’ et des premières reconversions. On nous parlait alors de matériel moderne. J’ai marché sur les Grands Boulevards et dans le triangle République-Bastille-Nation en criant « Liberté ! Justice ! » et, plus tard : « Paix en Indochine ! » puis « Paix en Algérie ! ». On a aussi marché en criant « L’OAS ne passera pas ! » et l’on a eu Poujade et Le Pen. J’ai marché en criant : « Pompidou, des sous ! » On marchait allègrement, c’était dans l’air du temps.
Je me suis mis à réfléchir et me suis demandé en quoi Moulinex libère la femme. Libère de quoi ? me suis-je questionné. Je n’ai pas marché quand on m’a recommandé de mettre un tigre dans mon moteur. J’avais cessé de marcher quand Omo s’est mis à laver plus blanc. J’ai assisté à la marche en cortège de ceux qu’on invitait à suivre le bœuf.
J’entends d’ici : « Tu pratiques l’amalgame, le mélange des genres, en mêlant le politique au commercial ». Non car l’un et l’autre sont souvent (toujours !) intimement liés. Les lobbies sont là pour en faire la démonstration, lorsque par exemple on légifère pour rendre obligatoire le versement des salaires par virement bancaire : on contraint le prolo à se présenter devant le guichet d’une banque où il lui sera proposé insidieusement plus tard d’acquérir des valeurs maison pour faire fructifier son argent. Laissez venir à moi les petits cent francs… Et ça a marché avec l’actionnariat populaire (Salauds de grévistes qui vont faire chuter le cours de mes actions !)
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 32 / 71
Puisque nous vivons envahis par les slogans destinés à nous faire marcher, prenons-en un au hasard : Auchan ou la vraie vie. C’est placardé grand comme ça partout. Plaçons en regard un autre slogan de la même époque derrière lequel nous avons tous marché en 2002 : Nous devons réduire la fracture sociale !
La vraie vie donne l’envie d’aller adhérer en courant : La vraie vie va réduire la fracture sociale. Non ?
Regardons-la de plus près, cette vraie vie : la vraie vie, selon la famille Mulliez, qui possède et gère de manière népotique vingt enseignes satellites d’Auchan (Auchan qui automatise sans honte ses magasins pour supprimer les caissières, ces budgétivores), consiste à fidéliser une clientèle à laquelle elle vend à la tonne des produits de basse qualité en empochant des « marges arrière », à en tirer profit et à se domicilier en Belgique, afin d’échapper à l’impôt. Voyez Moulinex qui s’est libéré des femmes en décentralisant ses lieux de production en Chine ou ailleurs. Ils ne s’y sont pas trompés mais savent nous tromper : LA VOILA LEUR VRAIE VIE ! Quant à la fracture sociale, au nom des valeurs républicaines, celui qui a su si bien nous en parler nous a fait marcher. Il n’est plus descendu dans le métro depuis qu’il a inauguré la première ligne du RER, il ne se représente pas une famille de cinq personnes dans une chambre d’hôtel et, s’il se salit les mains, c’est en flattant le cul des vaches, un de ses sports favoris. Toutefois, promis-juré, celui qui se proclame le premier écologiste de France l’a affirmé, la fracture sociale sera réduite ! Oui, mon joli, et avec Omo je lave plus blanc, Auchan c’est la vraie vie, Moulinex libère la femme et avec Axa ma petite famille dort tranquille.
Un autre est en train de nous faire marcher. Courir, devrais-je écrire. L’homme à la fracture sociale a assuré sa pérennité. Son successeur putatif aux allures de prince, qui prononce Kärcher pour dire conciliation, émule de Jaurès, grand admirateur de Léon Blum et avant peu de Marcel Sembat et Benoît Frachon, est en train de nous faire le coup du « Je vous ai compris ! » de l’ancêtre. Sentez, camarades, comme je sens la sueur ! Plus ouvrier que moi, tu meurs ! Il tient à chacun le langage qu’il veut entendre, avec les mots et le ton pour le dire. Ecoutez-le avec la dame du Medef, il se fait tout aussi rassurant : « Je vous ai compris, je suis avec vous dans l’épreuve, comptez sur moi ! » Au grand bal des faux-culs, il se classe hors-concours.
Nous aussi avons compris. Il ne me fera pas marcher cette fois s’il se retrouve seul au second tour devant l’homme aux allures mussoliniennes et aux jeux de mots douteux. Merci, j’ai donné. Je ne marche plus.
L’In-Secte.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 33 / 71
Ali-Baba et le CAC 40… voleurLes Echos, journal financier bien informé, nous annonce que les actionnaires du CAC 40 vont se
partager 39 milliards d’€. L’équivalent du déficit de la France. Dans le même temps : la SA Arkema, filiale de Total, 45 millions d’€ de bénéfice = 226 suppressions d’emploi. Ça ne s’invente pas.
Les bénéfices de ces quarante sociétés vont approcher les 100 milliards d’€. Dans le même temps, ces quarante sociétés ont vu leurs effectifs diminuer en moyenne de 0,3 % (et à part ça le chômage a diminué). Relevons quelques vedettes de ce score peu glorieux à mettre au crédit du grand patronat :
Profiten millions €
en 2006
Evolution du profit
2002/2006
Evolution des effectifs2002/2006
AGFAir LiquideArcelor Axa BNPEDFEssilorLafarge Lagardère L’OréalLVMHPPR SAVinci
1.8991.0086.3495.1007.3085.605 3321.3721.3702.0611.879 6661.313
+ 608 % + 42 %
+ 2.370 %+ 437 %+ 158 %+ 153 % + 82 % + 200 % + 571 % + 41 %+ 66 %+ 58 %+ 174 %
- 2 % - 48 % - 28,6 % - 3,6 % + 8,6 % - 3,5 % - 24,8 % + 3 % - - 7,4 % - 3,3 % - 20 % + 19 %
Pour tempérer, précisons que les baisses d’effectifs ne touchent pas que la France et que les profits ne reviennent pas qu’à des Français puisque les actions du CAC 40 sont cotées sur les marchés internationaux et donc les actionnaires sont de toutes nationalités, notamment Américains. Un économiste distingué, David Thesmar, nous expose avec sérieux dans Le Monde du 24 février que la faute de la suspicion portée sur ces superprofits revient à ceux qui travaillent. Je cite : Si le revenu du capital est aussi élevé en France, c’est parce que le marché du travail y est resté rigide pendant que le marché du capital devenait plus 9luide. Comment n’y avait-on pas pensé ? Vous avez cru jusqu’alors, bande de naïfs, que les superprofits provenaient de la richesse créée par ceux qui la produisent et que par conséquent ils devraient être repartagés. Vous êtes trop rigides ! Il expose sa solution dans son ouvrage Le Grand méchant Marché dont l’article fait la promotion : In9léchir le système des retraites, raboter le système par répartition pour les Français ayant un certain niveau de revenus. Cotisant moins, ils seront incités à acheter des actions, ce qui permettra de développer les fonds de pension français. En deux mots, c’est : « Vous n’êtes pas contents du système de profit, achetez des actions… ça vous servira de retraite complémentaire ». Dans un récent article, j’ai affirmé que les lobbys bancaires avaient réussi à faire légiférer pour supprimer le versement des salaires en liquide et amener ouvriers et employés devant le comptoir des banques. Vu ? Qu’est-ce que des fonds de pension ? Une rente produite par la possession d’actions. J’achète du Bouygues chez mon banquier, tu remues les parpaings et les sacs de ciment, je touche ma mensualité. J’achète du Total, tu fais le plein, je touche. Pas con du tout. Seize millions d’Américains retraités vivent ainsi du produit des actions de valeurs européennes (chiffre à réactualiser à la hausse). Résumons : tu me prêtes deux thunes pour acheter de la graine de
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 34 / 71
macaronis, je bêche, je sème, je bine, j’arrose, je sarcle, je récolte, j’assure la vente et tu empoches les bénéfices de mon effort. Tu juges que je suis trop payé, que je n’en fais pas assez, que je ne suis pas assez rapide ou pas assez efficace et tu me menaces d’aller faire pousser les macaronis là où existent des rizières et où ils sont moins exigeants. Mercredi 14 mars, Jean-Christophe Victor dans l’émission Le dessous des cartes, nous a exposé ce que sont les délocalisations : déplacer le travail vers les lieux où la main-d’œuvre est la moins chère. Il n’a pas eu le temps d’ajouter mais c’était sous-entendu : pour le plus grand profit des actionnaires.
Ça va craquer !
Le pauvre est appelé à se consoler lorsqu’on lui montre plus pauvre que lui. De tout temps, les Eglises et les religions ont trouvé de belles et rassurantes paroles pour le retenir dans son état précaire. Le riche trouve son modèle parmi de plus riches que lui et il court après la richesse. Le nombre des pauvres, qui décroissait jusque vers le milieu des années 80, a tendance à augmenter en Europe et dans les pays émergents. Dans le même temps, le nombre des riches et surtout leur fortune, s’accroissait dans des proportions égales. On assiste à la confiscation des biens par une oligarchie qui s’en met plein les poches : les 200 familles des années 30 sont une vingtaine de millions au monde à jouir d’un revenu d’un million d’€ par an au détriment des quatre milliards qui voient le leur diminuer (peut-on d’ailleurs parler de revenu ?). La faim dans le monde, qui avait régressé, revient à la hausse. Des fortunes colossales se constituent en Russie, en Chine. La Chine communiste ? parlons-en : le yacht le plus long et le plus luxueux du monde est la propriété d’un Chinois (communiste sincère, sans doute ?). On n’est plus étonné d’apprendre que tel patron du CAC 40 a été remercié en empochant 20 millions d’€ de stock-options et qu’il jouira d’une retraire annuelle équivalente à 600 Smic. Le nombre des grandes fortunes dans le monde a doublé depuis 1980. C’est la très sérieuse revue Forbes qui l’affirme en citant quelques noms. Certaines de ces fortunes dépassent le budget d’Etats du tiers monde. Ce que gagnent certains patrons en une journée permettrait d’apporter l’eau à un village africain. Pour l’eau, on préfère faire appel aux ONG, à la charité publique. Les riches rigolent en douce en nous traitant de pauvres cons. Par leurs richesses et pour la montrer et l’entretenir, ils dilapident et détruisent la planète. Consommer toujours plus est la marque de leur réussite. Chauffer des villas inoccupées de 800 m², jeter des objets ou des vêtements qu’ils n’auront portés qu’une fois, rouler en consommant seize litres aux cents ne leur coûte rien, ils disent que ça fait marcher le commerce. Ils sont ainsi moins de 5 % à accaparer les richesses produites par les 95 % restants parmi lesquels près de la moitié vivent avec un dollar par jour. Un Américain moyen consomme trois fois plus d’énergie qu’un Européen lequel consomme sept fois celle d’un Africain. Nous serons (ils seront) dix milliards en 2020 sur la planète. Quand sera extrait le dernier sac de charbon, qu’aura été raffiné le dernier baril de pétrole et brûlé le dernier mètre cube de gaz naturel, de quoi vivra l’humanité sinon du retour à l’ère pastorale d’il y a cinq mille ans… pour qu’ils puissent rouler en limousine ou en 4X4. On nous raconte que la bio-énergie remplacera le pétrole, que le colza ou le tournesol permettront de garnir nos réservoirs. Mensonge : la totalité des hectares cultivables de la France ne suffiraient pas à faire circuler le quart des voitures de ce pays. La société repose sur le mensonge, on nous fait croire que l’essor favorise le confort de tous et que le progrès bénéficie à tous. A eux la tartine, à nous les miettes. Pensons à nos petits-enfants, camarades, et à leurs enfants. C’est dans quinze ans. Cela va-t-il durer longtemps ? Car on entend déjà la révolte qui gron-on-de !
L’In-Secte démuni.4-2007
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 35 / 71
Pendant les travaux, les affaires se poursuivent…
Pour montrer que Dieu n’a plus de temps à perdre, voyons ce qu’écrit Henri Tincq dans Le Monde daté du samedi 5 avril, alors que les chars américains progressent vers Bagdad (extraits) :
Les missionnaires américains ne perdent pas de temps. Ils campent aux portes de l’Irak, prêts à voler au secours « matériel » et « moral » de la population quand elle sera « libérée » de Saddam Hussein. La Convention baptiste du Sud, l’une des rares Eglises américaines à avoir approuvé la guerre, ainsi que la Samaritain’s Purse, association humanitaire dirigée par Franklin Graham, fils du célèbre évangéliste Billy Graham, disposent déjà d’équipes à la frontière jordanienne. L’association évangélique insiste sur l’importance du travail humanitaire mais, comme les baptistes, ces militants de la Bible veulent entrer en Irak pour proposer la foi chrétienne en évitant, promettent-ils, tout tapage. Ces initiatives soulèvent l’indignation. Le conseil d’amitié islamo-américaine s’est déclaré « consterné » par ce débarquement de missionnaires.
A quoi assiste-t-on ? On voit Monsieur Deubeliou se signer et prier en toute circonstance, entouré de ses cardinaux, Mars et Mercure, des nonces délégués aux Très Saintes Affaires Juteuses, prompts à se lancer dans la curée, suivi de ses évêques de l’ordre apostolique du Très Saint Pétrole et, en sourdine, les prêtres des confessions marginales aux arrière-pensées douteuses se placer à l’affût des « âmes » à sauver. C’était donc ça, leur guerre ?
L’In-Secte.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 36 / 71
Un homme dans un bateau ou… Histoire d’un fait divers
Qu’est-ce qui distingue une catastrophe d’un fait divers ? La distance qui nous en sépare et rien d’autre, dit-on. Quoi que…
Lundi 22 juillet Le Parisien Aujourd’hui en France traite pleine page une d’une catastrophe qui endeuille le pays tout entier et un pays ami. A Vizille, dans l’Isère, la descente de Laffrey a encore tué : vingt-six pèlerins polonais meurent carbonisés, une quinzaine sont gravement blessés. Ils descendaient de Notre-Dame-de-la-Salette où ils venaient de se recueillir dans la prière. Cette descente de Laffrey, nous la connaissons tous, nous l’avons tous empruntée. Ils revenaient de Fatima et de Lourdes (sans doute se rendaient-ils à Lisieux ?). Vingt-six morts nécessitent le déplacement de quatre ministres et du chef de l’Etat que l’on voit passer en boucle sur toutes les chaînes de télévision. C’est normal, il s’agit assurément d’une catastrophe nationale.
Les pèlerins polonais étaient vingt-six. C’est aussi le nombre des journalistes qui ont été passés par les armes en 2006 à travers le monde. Cent vingt-quatre, c’est le nombre de ceux qui, reporters, chroniqueurs, attendent en prison d’être jugés. Pour quel crime ?
Le même jour ou presque :
Cinquante-quatre Burkinabés, Maliens, Camerounais et Nigériens périssent noyés au large des îles Canaries, leur bateau de fortune, surchargé, s’étant retourné dans les vagues. Ils voulaient faire vivre décemment leur famille, Quarante-deux shiites (ou sunnites) perdent la vie sur un marché de Bagdad parce qu’un fanatique sunnite (ou shiite) s’est fait exploser avec sa ceinture de dynamite. Ils n’avaient qu’à être sunnites (ou shiites), ça n’arriverait pas, Cinq cents Hongrois décèdent, victimes de la canicule qui sévit dans toute l’Europe Centrale. Dans la région du lac Balaton, on en compte un parmi eux qui est d’origine française. Il occulte les 499 autres,En Afghanistan, les Talibans, ces étudiants intellectuels barbus qui promènent leurs mères et leurs sœurs drapées sous de longues lessiveuses noires, exécutent froidement 23 otages, des impies, Pas très loin d’ici, à Argenteuil, on utilise le Malodor contre les SDF. Punis d’être pauvres, punis d’être démunis et sans logis dans une ville au passé social brillant, devenue UMP par le miracle du suffrage universel. Casse-toi, tu pues et marche à l’ombre ! Fait divers ou fait de société ?
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 37 / 71
Partout ailleurs, faits divers et faits de société se succèdent et nous parviennent que nous ne prenons pas toujours le temps d’analyser… Au Bangladesh, en Inde, on parle de 2.200 morts, de 30 millions de sans-abri à la suite des inondations qui sévissent cet été. 30 millions, ça ne veut rien dire, c’est une approximation. C’est loin, c’est vague et, disons-le, qui a un cousin là-bas ? qui connaît un Bangladeshi ? On évalue entre trois cents et quatre cents le nombre des enfants et des femmes qui meurent chaque jour pour rien au Darfour. Un détail comparé au cas de Bartez qui, souffrant de la cuisse, ne pourra pas jouer contre Monaco.
Pendant ce temps, un homme (aisé mais modeste), connu pour son humanisme et sa grande probité, reçu en grande simplicité chez un de ses amis (anonyme mais fortuné) se fait agresser par des paparazzi qui nuisent à son honneur et à la tranquillité des siens alors qu’il passait des vacances paisibles et discrètes en famille, à l’abri des regards, sur les bords d’un lac états-unien. Les paparazzi, on le sait, sont dépourvus de scrupules et vous agressent pour des riens. Voilà donc que la presse en fait sa une, s’insurge contre ces gêneurs au nom des valeurs et de l’éthique qui régissent la profession. Radios et télés s’emparent du fait divers qui devient un fait de société, une « affaire » de droit public international. A juste titre, le fait divers nous émeut, s’impose à notre jugement, nous touche tous dans notre honneur et nos convictions, nous oblige à réagir. Ce que ne manquent pas de faire avec zèle les chroniqueurs unanimes qui, soudain pris d’une amnésie collective, oublient l’autocar polonais, les 42 shiites (ou sunnites), les 23 otages passés par les armes, les 26 journalistes assassinés et les 30 millions de sans-abri d’Asie du sud. La photo volée d’un père de famille en bateau sur un lac devient l’élément majeur de l’information de cet été 2007. Elle fait oublier les lois votées à la hâte en cette fin de juillet, les décrets d’application sortis des cartons avant même qu’on ait eu le temps d’en analyser le contenu.
A propos de la presse écrite, Le Courrier international s’interroge sur le fait de savoir comment il va devenir possible pour ses confrères journalistes de tous bords de traiter du moindre fait (divers, de politique ou de société) sans donner en priorité l’opinion du Président Sarkozy, sans citer au moins deux fois le nom de Nicolas Sarkozy, sans faire figurer le Président Sarkozy dans le titre, dans le corps de l’article et dans sa conclusion.
Nous assistons de jour en jour à un matraquage visuel et sonore qui n’aura de cesse qu’après la publication du fait divers nous annonçant qu’il a succombé à une crise (cardiaque, de confiance, d’autorité, de nerfs, d’ego, autres…).
L’In-Secte, 22-08-2007. -------------------------------------
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 38 / 71
La crueCrue : état par lequel le niveau d’un cours d’eau est si haut qu’il envahit les terres alentour.
La montée des eaux, la crue, est provoquée par l’excès de pluie, on le sait depuis toujours. Elle se dessinait, elle se réalise et nous submerge. C’est une pluie médiatique que nous subissons, une pluie mise en scène et déclenchée à dessein par un personnage pour qui communiquer est plus important qu’agir, pour qui paraître, donner une brillante image de soi est primordial.
Les médias toutes catégories confondues, domestiqués et en situation de suzeraineté ou d’appartenance, déversent sans limites leur flot de louanges, de révérences, de flatteries pour le reality show qui nous amène jour après jour jusque sous les draps du seul individu digne d’intérêt dans cette nation, l’hypertrophié du MOI que vous aurez reconnu.
Soumis sans qu’on le leur demande et n’écoutant aucune critique, ils régalent l’électorat qui se repaît des petites aventures d’alcôve et des bons mots de celui qui est en train de ruiner la dignité de la fonction présidentielle (« Maintenant, les Français ont un vrai mec à l’Elysée, un mec qui en a et qui s’en sert »), ils régalent les tenants du libéralisme à l’américaine qui voient ainsi se ternir l’image de la République citoyenne, se fondre les valeurs sociales, se dissoudre ou bafouer ce que nous avons toujours considéré comme « nos acquis » et qui font notre fierté : la justice sociale.
La crue n’est pas celle du Nil qui enrichit chaque année les terres qu’elle recouvre, elle est programmée pour corrompre et pour détruire : voyez les motifs de grogne justifiés des magistrats, un corps qui ne constitue pas, que l’on sache, le fer de lance de l’esprit révolutionnaire. Comme une plante qui pourrit sur pied, le Code du Travail subit de plein fouet les effets néfastes de la crue. L’un après l’autre les acquis de juin 36 et ceux décidés par le Conseil National de la Résistance sont les feuilles de cette plante que le Medef arrose d’acide afin qu’elle pourrisse au plus vite, qu’on en finisse avec les syndicats, les grèves, les voyageurs « pris en otage » et tout ce qui fait gripper la machine à produire et peut nuire à la progression du CAC 40. A ce propos, il est bon de rappeler qu’en termes de productivité la France se situe au quatrième rang mondial. Elle doit coûte que coûte tenir ce rang. On nous le martèle lors de chaque JT : travailler plus pour gagner plus… et produire de la plus-value afin que la Bourse soit et reste florissante (+ 18,6 % en 2007).
La crue s’étend et aucune voix ne s’élève, aucun cri ne jaillit de la rue devant le recul du pouvoir d’achat, devant l’obligation de travailler 164 trimestres au lieu de 150 pour mériter le
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 39 / 71
repos, devant le nombre des emplois précaires qui croît, devant la misère qui gagne maintenant ce qu’on désigne d’un euphémisme les classes moyennes, devant les attaques menées contre l’Egalité et la Fraternité et demain contre la Liberté qui figurent dans notre devise.
La crue nous prépare au pire avant de privatiser le système de santé du haut en bas, elle s’est emparée de l’énergie, elle va atteindre l’enseignement, le système carcéral et, pourquoi pas, la justice et la police…
La crue va nous habituer à l’idée que nous sommes tous les enfants naturels de la fille aînée de l’Eglise, que nous allons pratiquer la « laïcité positive » et que, naturellement, nous devrons avaler l’hostie du même cœur joyeux que nous avalons les couleuvres présidentielles. A quand la messe obligatoire à l’école et le crucifix dans les salles de classe ?
La crue nous montre sans discontinuer le plaisir que semble éprouver le monarque à nous infliger le spectacle de son pouvoir et l’immense satisfaction qu’il retire de la hauteur depuis laquelle il nous toise. C’est là un trait de tempérament des hommes petits que de chercher sans cesse à dominer. La crue nous culpabilise, désigne du doigt tous ceux qui ne se réjouissent pas devant les gesticulations du volatil Narcisse Ier, ceux qui n’approuvent pas les quotas d’Hortefeux et les provocs aux jeunes des cités qui font voter contre la peur… La crue nous montre les lignes de la culture à prendre pour modèles et qu’elle situe entre Disneyland et le tandem Bigard-Doc Gynéco… (Imaginons un instant de Gaulle ou Pompidou emmenant Jean Rigaud en visite au Vatican ! Quel tollé dans les colonnes du Figaro !) La crue nous oblige à confondre la fonction avec un spectacle, elle nous appelle à y croire et à adhérer. Sournoise ou tapageuse, elle progresse dans les esprits et dans les actes afin que ce qui semblait être une exception devienne une norme.
Moins ils ont à dire plus ils le crient fort. Laissons-‐les crier et attendons qu’apparaisse au grand jour ce qui restera comme la plus grande escroquerie de ce début de siècle : le sarkozisme.
C’est seulement quand les eaux se seront retirées que l’on pourra dresser le bilan négatif de la crue. En attendant, préparons-‐nous à réagir, que diable !
L’In-Secte. 1-2008
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 40 / 71
La secte UMPY en a marre de cette secte. Pas tout à fait une secte mais peu s’en faut.
Une secte qui marque son temps dans ce beau pays au contour hexagonal. En cinquante ans, dépourvue de doctrine mais pas de faculté d’adaptation, elle a changé dix fois de nom et de sigle. Un sigle en trois lettres, toujours rassembleur, toujours rassurant car on y retrouve souvent le beau mot de République. Un sigle associé à un label de qualité dont la secte s’est emparée et dont elle entend rester l’unique dépositaire. Un label qui confère à ses détenteurs la légitimité, le monopole et la pérennité qui leur permet de s’approprier la France, son passé, son devenir et tout ce qui touche l’esprit républicain. Un label auquel on doit se soumettre si l’on veut exprimer ce que sont la démocratie et les valeurs de notre société : liberté, égalité, fraternité. La secte ne possède pas de qualités, elle n’a que des vertus desquelles il est interdit de douter. (Nous avons tous en mémoire la République pure et dure des années 60, l’anti-France de Michel Debré qui désignait ainsi l’opposition et tout ce qui n’était pas l’UNR). La secte s’en est emparée, s’en gargarise et nous en rebat les oreilles : hors de l’UMP, point de salut, point de République, point de démocratie.
La secte s’attribue en tout domaine des brevets de bonne conduite qui lui permettent de détenir et d’exercer un pouvoir sans partage. Car celui-ci lui appartient historiquement, lui revient de droit par sa majorité (artificielle, cette majorité, on le sait et on laisse faire). Rassembleurs, oui, mais sous le label. Toute idée venant d’ailleurs est une hérésie, toute parole qui n’est pas frappée du label bleu et rouge est à rejeter ou à combattre. Ils se réclament du « libérateur historique du territoire » pour mieux se renier et déchirer les ordonnances de 45 et les principes définis par le Conseil National de la Résistance. Ils accolent à toutes leurs mesures qui accroissent la misère l’épithète de « sociale ». En deux mots, ils se sont appropriés la France, l’Etat, la nation, le pays, les gens et tout ce qui ressortit de la République française, leur propriété de droit (pas encore divin, ça pourrait venir).
La secte veut fédérer toutes les idées et pour ce faire elle s’en empare sans vergogne en les reprenant à son crédit. Jusque chez Le Pen pour fixer des quotas d’étrangers à expulser manu militari. La secte ne recule pas devant le mensonge et la démagogie. Ils mentent, se démentent et improvisent à coups d’effets d’annonces à peine crédibles claironnés fort pour effrayer ceux-ci et rassurer ceux-là. Et lorsqu’il s’agit de rassurer en usant de la démagogie, ça marche ! La secte possède à sa botte la presque totalité des médias et elle use de son droit de dicter leur conduite aux directeurs de chaînes de radio ou de télé, aux responsables des salles de rédaction où, sans que cela soit exigé, on fait allégeance par effet de la crainte des colères du prince. Gare aux rebelles qui tentent de lui échapper !
La secte ruine l’honneur, l’harmonie, la confiance et les finances de ce pays. On assiste au spectacle sans réagir. Quand s’apercevra-t-on que cette gigantesque supercherie appelée gaullisme ou UMP (Union pour le Mépris du Peuple), doit prendre fin ? Quel Jaurès, quel Albert Camus, quel Pierre Mendès-France aura l’audace de gravir la tribune et de s’emparer du micro pour crier « Assez ! », pour clamer la République, la vraie, la Démocratie, la vraie ?
L’In-Secte, avril 2008.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 41 / 71
Anti-conte de NoëlLe premier jour, Il prit Rien, en ?it une boulette qu’il pétrit, malaxa, réchauffa au creux de ses mains et déposa dans le vide. Il venait de créer la Terre, objet unique au milieu de Nulle Part. Après quoi, Il reprit sa respiration, gon?la de Rien ses poumons et souf?la. Il venait de créer l’air. Ensuite, pour que son œuvre soit visible partout, Il s’écria : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Il y eut un matin, il y eut un soir, ce fut le premier jour.
Le lendemain, s’emparant de Rien, Il le ?it couler. Les vallées s’emplirent, les mers s’étendirent à perte de vue. En même temps, Il créa le chaud et le froid. Il mit les eaux et l’air en mouvement. Il y eut des tempêtes et des orages, de la glace, des nuages, de la pluie et, plus tard, quelques traînées de vapeur laissées par le passage dans le ciel des Boeing.
Le troisième jour, Il sépara le mouillé du sec. Dans le mouillé, Il répandit des êtres vivants tels que la langouste, le cachalot, la rascasse, la sardine, la pieuvre, l’huître, le bigorneau et son rival l’anatife. Dans le sec, il créa la galinette cendrée, le moustique, le lézard, l’anophèle, l’oryctérope, le ver luisant, le chat-huant et le raton laveur auxquels Il cria : « Croissez et multipliez ! » Ce qu’ils ?irent. Il vit que c’était bien et, pour que cela fût visible, Il créa le Soleil et quelques astres et les ?it graviter autour de la Terre. Plus tard, Il y ajouterait Spoutnik et la navette spatiale.
Le quatrième jour, Il constata que la Terre était plate et nue. Il y ?it pousser des arbres fruitiers, du chiendent, des pissenlits, des roses, du thym et du hêtre, des chardons, du pin d’Oregon et des roseaux a?in qu’on puisse épier sans être vu. Sous les eaux Il ?it pousser des algues gluantes, de longues herbes dans lesquelles on se prend les pieds en nageant, des oursins pour emmerder les pêcheurs de crustacés et Il chargea le commandant Cousteau de surveiller tout ça. Il compléta l’étendue du ciel en y piquant quelques étoiles qui serviraient de repères aux chameliers du désert et aux randonneurs attardés.
Le cinquième jour, il se consacra à parfaire son œuvre partie de Rien. C’est rien de le dire mais il y avait du travail. Il fallait pérenniser tout cela, faire en sorte que la luzerne pousse pour nourrir les lapins, recompter les cerises a?in que le merle ait sa
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 42 / 71
subsistance, répandre du nectar a?in que les abeilles donnent du miel… Tenez, par exemple, il fallait que la mer des Sargasses produise ses six cent millions de tonnes d’algues a?in de favoriser la reproduction des anguilles et que le sable chaud accueille les œufs des tortues marines en même temps que les légionnaires, que les bactéries s’empiffrent de déjections et que l’eau pure continue de jaillir des sources. Quel boulot !
Le sixième jour, voyant qu’il allait manquer à tout cela un témoin observateur, il dit : « Faisons l’homme à notre image et selon notre ressemblance, qu’il domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, le bétail et tous les insectes de la Terre ». Alors, toujours avec Rien prélevé Nulle Part, Il créa l’homme et la femme.
Le septième jour – à dires d’expert en dieusologie c’était de cela il y a environ sept mille ans – Il ressentit comme une petite fatigue, Il bénit et sancti?ia son œuvre et se reposa. Il vit que c’était bien et Il appela ce jour le dimanche.
Peut-être me suis-je quelque peu emmêlé les pinceaux dans la chronologie de La Genèse mais vous venez de lire ce qu’on enseigne aux petits écoliers américains et bientôt européens si l’on n’y prend garde. C’est du créationnisme qu’il s’agit et plus d’un tiers des Américains y croient ferme. Buffon et Lamarck jetés à la poubelle, Darwin rayé des chapitres, tous remplacés par la divine parole de l’Inquisition qui pointe son museau sous le nom tout juste crédible de science créationniste.
Songez que c’est en 1952 – oui, en 1952 – que l’Eglise a reconnu que les théories de Kepler, Galilée et Copernic constituaient une réponse commode et probable mais pas une certitude établie au fait que la Terre tourne autour du Soleil. On venait de faire graviter un premier satellite autour de la Terre.
Après D’Alembert et le Siècle des Lumières, le XXIe siècle s’ouvre avec ses ayatollahs, ses grands prêcheurs de Vérité, en exercice au sein de la société qui se prétend la plus moderne au monde et qui entend dominer et gouverner l’univers.
L’In-Secte. 4-2008
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 43 / 71
La secte des otagesEcoutons ce qui se dit à la radio, lisons ce qui s’écrit dans la presse : « Les
membres du comité d’établissement de la Société Chose retiennent leur PDG en otage et exigent d’être Vixés sur le sort de l’entreprise ». Les termes variant selon le titre, Le Figaro écrira à propos des instigateurs les Cégétistes ou des gauchistes. Ailleurs on peut entendre : « Prenant les usagers en otage, les agents de conduite des lignes A et D du RER se sont mis en grève sans avertissement ». L’afVirmation est assortie d’un « micro-‐trottoir » dans lequel la colère s’exprime et les questions sont telles que l’interrogé doit prononcer ce mot d’otage.
Est-‐ce à dire que les voyageurs sont privés de liberté, qu’ils sont parqués sans possibilité de communiquer, placés sous surveillance armée, rationnés, accompagnés lorsqu’ils se rendent aux toilettes, astreints à l’immobilité et au silence dans l’attente d’une rançon ? Est-‐ce à dire que le patron de la société Chose est ligoté sur une chaise, giVlé et humilié s’il fait un geste, menacé de mort ou de représailles sur sa famille s’il n’obéit pas à ses tortionnaires ou si la rançon tarde à venir ?
Rien de tout cela. Une grève constitue une gêne et elle n’a pas pour seule Vinalité l’obtention d’avantages contractuels mais également la prise de conscience par le public qu’elle dérange de conditions de travail, de rémunération ou d’insécurité auxquelles le patronat ou le gouvernement restent insensibles. A ce prix, retenir un patron qui refuse de dialoguer est autant une prise d’otage que l’heure de colle inVligée à l’élève qui n’a pas appris sa leçon. L’otage, au sens propre du terme, s’il faut un exemple, c’est ce membre d’équipage d’un cargo arraisonné dans les eaux proches des côtes de Somalie, captif contre du dollar. Mais c’est là une autre histoire. La retenue d’un directeur de société est le recours du désespoir devant l’incertitude après des promesses restées vagues ou non tenues (Arcelor, Continental, Moulinex…), elle est la conséquence du manque de clairvoyance d’une classe qui s’acharne à vouloir ignorer le sort de son prochain.
L’In-Secte. 2-2009
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 44 / 71
Le gâteau du RMistePour quatre personnes : se procurer 500 g d’air frais, récolté au petit matin. Choisir un air sufVisant et sérieux mais pas compassé. Si vous ne savez où vous en procurer, nos médias n’en manquent jamais (nécessite d’être rincé sans
ménager sa peine). En faire deux parts égales en gardant au frais l’air convenu. Ne pas le laisser à l’air libre, conserver au frigo sous son emballage.
-‐ A la cocotte ou dans un faitout beurré : verser la moitié des 500 g d’air frais et faire revenir à feu vif en brassant sans discontinuer. Salez, poivrez, ajoutez un parfum de Provence ou de Gascogne tout en remuant. Les particules doivent dorer superViciellement en dégageant un air serein rappelant l’air du temps jadis.
-‐ Ensuite, sans porter à ébullition, cuire à l’étouffée, laisser à feu doux pendant une bonne heure jusqu’à ce que la pression soit retombée. Pour ne pas que les morceaux attachent, remuer de temps à autre.
-‐ Pendant la cuisson, couper menu la moitié restante d’air frais. Mêler un peu d’air entendu et passer à la poêle en remuant jusqu’à obtenir un air onctueux et bonasse, sans grumeaux.
-‐ Après cuisson dans la cocotte, laisser refroidir, découper en Vines tranches que l’on disposera dans un moule beurré. Prévoir un grand moule car le produit augmente de volume à la chaleur.
-‐ Avec précaution, verser le contenu de la poêle sur le tout en prenant soin qu’il ne reste plus d’air entre les tranches.
-‐ Passer au four à feu vif jusqu’à ce que la surface apparaisse dorée et croustillante mais pas cassante. L’aspect doit être engageant sans toutefois donner l’air d’être ce qu’il n’est pas.
-‐ Sortir du four, laisser refroidir, démouler en soufVlant sur les bords et garnir. -‐ -‐-‐ Servir froid mais pas glacé avec, en accompagnement, un air de fête, des airs à boire et un air de famille.
Se conserve à l’abri de l’air, quelques jours au réfrigérateur ou quelques mois au congélateur.
L’In-Secte Aéro-Phage. 4-2009
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 45 / 71
Séismes, catastrophes naturelles et… Identité
nationaleChassés par l’assèchement de leurs terres, poussés par la quête de nourriture, mon grand-père Cro-Magnon et son cousin Neandertal ont parcouru le continent africain, le proche Orient et toute l’Europe. Dans le même temps, alors qu’ils posent leur sac sur les rives de la Dordogne, d’autres hommes franchissent le détroit de Béring et s’aventurent sur le continent américain dans une longue marche qui les conduira à la Terre de Feu. Ailleurs, non loin de ce qui sera la bande de Gaza, des tribus sont chassées d’Israël et fuient à travers l’Egypte. Des réfugiés apatrides que l’on désigne de nos jours sous le vocable de Sépharades.
Sautons les millénaires et nous voyons en l’an 810 les Allemands du Nord, pourchassés par les excès religieux de Charlemagne, trouver refuge en Scandinavie pour former les Suèdes qu’on va appeler les Vikings que l’on verra remonter nos fleuves deux siècles plus tard : la Seine et le Rhône mais aussi le Pô, le Danube et le Dniepr. Des réfugiés de conviction en quête de terres où s’établir et prospérer.
Les Huguenots chassés vers l’Allemagne, Louis XVI arrêté à Varennes, Victor Hugo en exil à Guernesey, Marx replié à Londres, Lénine se cachant à Paris, Trotski à Mexico furent des réfugiés politiques. La Révolution d’Octobre va chasser les Russes de Biélorussie vers l’Europe occidentale tandis que dix ans plus tard le nazisme va provoquer l’évasion de plusieurs millions de juifs ou d’opposants politiques obligés de fuir pour survivre. Et ça se poursuit sous la pression des Etats totalitaires qui entretiennent la pensée obligatoire.
On assiste aujourd’hui à des migrations de réfugiés économiques attirés par les lumières de la ville. Les maçons Limousins et les charpentiers Vosgiens d’hier ont fait place à l’éboueur malien dont le produit du travail permet à la famille restée au village de survivre grâce au mandat envoyé mensuellement. C’est la misère partagée.
Attendons-nous désormais à ce qu’à ces derniers s’ajoutent les réfugiés climatiques. Haïti et Sumatra sont les derniers exemples en date mais nous n’avons pas à remonter loin pour trouver d’autres catastrophes qui pourraient (qui vont, c’est sûr !) survenir sans avertir. Pompeï est là pour nous rappeler quand et comment une cité prospère de 25.000 habitants fut brutalement rayée de la carte deux siècles après qu’un séisme eût dévasté le nord de la Perse, laissant une faille haute de plus de cent mètres, longue de plusieurs kilomètres. 27 août 1883 : l’éruption du Krakatoa provoque un tsunami qui ravage l’Indonésie, faisant plusieurs millions de victimes directes et autant de sans-abri jusqu’en Australie, en Inde et sur les côtes d’Afrique. 30 juin 1908 : une météorite géante percute la forêt sibérienne brûlant tout sur un rayon de trente kilomètres. Même parallèle que Saint-Pétersbourg, Stockholm ou Oslo. Par chance, le lieu était quasiment désert. Le Bangladesh compte 153 millions d’habitants dont les deux tiers vivent à moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer. Un delta que l’océan Indien envahit en continuant de s’élever centimètre par centimètre. Plus au sud, ce sont les îles Maldives qui sont appelées à être submergées puis englouties. Ailleurs ce sont les îles Tonga. Les terres émergées rétrécissent jour après jour tandis que croissent les populations. Nous avons affaire à des réfugiés climatiques.
La Terre et Dieu ne font pas toujours bon ménage. La générosité que l’on prête à ce dernier est mesurée, les surfaces cultivables ne sont pas extensibles, les volcans n’ont pas fini de tonner. Et on va devoir se serrer car nous serons bientôt dix milliards sur cette planète… Le HCR (Haut Comité pour les Réfugiés) n’a pas fini de faire parler de lui.Vous avez la solution ? Moi pas. Pour la France sarkozienne, en ce siècle commençant, la solution s’appelle Eric Besson. On devrait pouvoir trouver mieux.
L’In-Secte.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 46 / 71
Copenhague, le progrès, la pollution…
J’ai trouvé un truc formidable pour m’épargner de polluer mes petits camarades européens saturés de fumées industrielles. Changer le vent ? Non, l’astuce c’est de faire travailler la Chine, l’Inde, l’Indonésie…
Le progrès consistant à rendre les gens chaque jour un peu plus heureux, j’offre à ces pays en voie de développement de s’élever au rang enviable des nations européennes et en même temps j’offre à mes amis Européens le pouvoir de se procurer à bas coût des objets qu’ils n’auraient pu s’offrir. J’aide ainsi ces derniers à surmonter la crise et, faisant d’une pierre deux coups, j’aide les pays démunis dans leurs projets de développement économique. Avouez que cette idée n’est pas bête du tout ! Mon procédé fournit un travail considérable aux chantiers navals coréens et japonais qui construisent des porte-conteneurs pour transporter tout ça, des tankers pour amener le carburant sur les lieux de production, des camions par milliers pour alimenter les entrepôts et les quais des ports afin de garnir les bateaux. Ainsi, demain, je pourrai montrer du doigt la Chine et l’Inde : « Hou ! les vilains pollueurs ! »
Chez nous, ça ne pollue plus, c’est délocalisé.
Pourquoi croyez-vous que la Chine a ouvert une ligne de chemin de fer reliant Lhassa au reste du pays ? Pas pour trimballer deux cents touristes placés sous air pulsé. Dans cette affaire, il s’agit en premier lieu de mieux tenir politiquement le Tibet et en second lieu d’amener jusqu’aux quais de Shanghai les jouets en plastique et les chemises à 10 € qui garnissent les rayons de nos supermarchés. Des articles qui ne flanquent pas de boutons aux chantres de ce développement durable dont on nous rebat les oreilles. C’est bon marché, c’est accessible à tous et ça donne du pouvoir d’achat à des populations démunies : ils gagnaient un dollar par jour, ils en gagnent deux aujourd’hui.
Si le progrès consiste à acquérir des objets de moindre valeur qui auront fait deux fois le tour de la Terre pour me parvenir, je refuse ce progrès-là.
L’In-Secte.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 47 / 71
2.416 C’est le nombre de pages de publicité déposées dans ma boîte à
lettres entre le 16 mai et le 25 juin. J’ai pris le temps de les classer, peser et mesurer : 4 kg d’offres et de prix d’appel en couleurs, 176 m² de mensonges. A raison de 320 foyers Viscaux dans le village, ce sont 1.280 kg et 55.300 m² (cinq hectares 1/2) pour appeler le gogo à venir avec sa carte de crédit.
Je vous livre le détail :Citroën 4 et 8 pages Carrefour 96, 64, 96, 108 et 96 Lidl 28, 32, 32, 32Jysk 28, 12, 16 Gifi 16, 16, 8, 24 M. Meuble 24Casino 48, 40, 48, 36 Conforama 8, 8, 8 Picard 8, 8, 24Brico Dépôt 24, 24, 176 Hygenia 12 Peugeot 16Auchan 16, 24, 24 Kiabi 28, 32, 12 Castorama 40, 24M. Bricolage 24, 8 Foire Fouille 24, 16 But 8, 32Gedimat 24, 24 Intermarché 48, 40, 48, 36 Jardiland 48Maxi Toys 4, 28 Leclerc 44, 40, 104, 64, 36 Maxi-Froid 8, 16Art et fenêtres 16 Bricomarché 24, 16, 24, 28 Roady 12, 12Décathlon 32, 24 Leroy-Merlin 16, 48, 28 Lapeyre 8, 12Feu vert 24, 12 Divers 23
Soit plus de trente annonceurs auxquels vous payez la pollution publicitaire par vos achats.
Les esprits chagrins rétorqueront que cela fait vivre ceux qui élaborent, mettent en pages, impriment et diffusent ces publicités. La mise en pages est faite par des non professionnels, regardez de près ; l’imprimerie, quand elle est annoncée, est le plus souvent d’une origine étrangère ; la distribution est assurée par La Poste, société privée qui doit « faire du fric » et non plus assurer un service public. Les facteurs rouspètent mais sont tenus à l’obligation d’exécuter. Que d’énergie et de CO2 pour rien !
J’ajoute que la boîte à lettres porte la mention tout à fait légale : « Pas de publicité ».
Quant à la déforestation, n’en parlons pas. L’In-Secte, juin 2010.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 48 / 71
CNRIl s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance.
Retenez cette phrase, elle émane de Denis Kessler alors qu’il était vice-président du Medef, en octobre 2007. Le gouvernement s’y emploie, a-t-il ajouté pour conforter son auditoire.
Tandis que Bruxelles s’applique à codifier et normaliser, une centaine de fortunes et leurs lobbys mettent la pression pour déchirer les acquis du Front populaire et ceux des ordonnances de 1945 mettant en pratique la volonté du Conseil National de la Résistance. On les a vus s’approcher en sourdine. Soutenus par le satrape Nicolas Ier, ils opèrent désormais au grand jour.
Leur credo ? Privatiser et ouvrir à la concurrence afin de tirer le meilleur profit de tout. Le soutien de Bruxelles leur étant acquis sans faille, de la santé aux transports en passant par l’information, les notions de service public et de solidarité disparaissent pour laisser la place libre à la féodalité du profit.
Le programme du Conseil National de la Résistance, adopté le 15 mars 1944, appliqué dès après la Libération, stipule : 1 La pleine liberté de penser, de conscience et d’expression, la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent, des influences étrangères, 2 L’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités financières de la direction de l’économie,3 Le retour à la nation des grands moyens de production, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques, 4 Un plan complet de sécurité sociale et un régime de retraites par répartition visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat. La liberté de la presse et son indépendance ?
Les quotidiens appartiennent tous à de grands groupes financiers qui dictent ce qu’il faut penser de l’événement. Depuis Boussac avec L’Aurore, en passant par la pieuvre Hersant, cela n’a fait qu’empirer. Aujourd’hui, hormis le moribond Humanité, c’est la totalité de la presse quotidienne qui est placée sous l’influence d’un groupe de pression. La publicité, indispensable à l’équilibre financier du titre, sert de carotte et de bâton. La radio et la télévision d’Etat sont menacées sur tous leurs flancs, guettées par Bouygues et d’autres pour finir à la cotation en Bourse. L’édition (donc la culture) est entre les mains de cinq groupes (les mêmes que la presse) qui vendent aussi des yaourts, du béton, des parfums ou des armes. La culture est pour eux une marchandise.
La démocratie économique ? Les avis émis par le Conseil économique et social restent sans effet. On lit, on classe
et on laisse sous le coude. La presse fait en sorte qu’on n’en parle pas sinon en mal. La Caisse des Dépôts s’est mise au service du privé, la Caisse d’Epargne n’est plus sous le contrôle de l’Etat, elle s’ouvre au privé. On ne raisonne plus que par les marchés, le CAC 40 et le cours de l’euro par rapport au dollar. Le mot de démocratie n’est pas en usage dans
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 49 / 71
ces milieux où le raisonnement s’appuie sur ce que dictent les oligarchies dont on connaît la règle : privatiser le profit, nationaliser les pertes.
Les sociétés nationalisées ? Qu’il s’agisse des tuyaux du gaz, des fils du téléphone, des rails du chemin de fer ou
des câbles du réseau électrique posés et entretenus par des sociétés d’Etat, on ouvre au privé tout ce qui se négocie et produit de la plus-value en matière d’énergie. Bruxelles astreint GDF à céder au privé une partie du gaz qu’il distribue, EDF à céder son courant électrique à des sociétés qui nous le revendent… naturellement plus cher. Après les grandes banques de dépôt et les compagnies d’assurances, après Air France et les PTT, après les autoroutes et EDF-GDF, ils sont en train de privatiser la SNCF. On va revenir aux réseaux des années trente… jusqu’à ce qu’il soit fait appel à l’épargne publique pour combler les déficits que l’Etat-actionnaire laisse gonfler inconsidérément en astreignant les régions et en oubliant ensuite ses engagements.
La santé et les retraites ? Les hôpitaux « privés » se multiplient et dans le même temps on astreint les CHU au
strict respect d’un budget drastique. On ferme les structures « non rentables » au prétexte de regrou-pement des moyens. Un employé sur deux partant à la retraite n’est pas remplacé. Pour favoriser la réussite du privé, on limite le nombre des diplômes décernés aux personnels hospitaliers d’Etat. La santé sera bientôt entièrement dans les mains du privé, avec plusieurs tarifs… aux dépens du patient devenu client. Et pendant ce temps la Sécu est sommée de « dé-rembourser » un certain nombre de médicaments, ce qui assèche les mutuelles des corps de métier. Concernant les retraites par répartition, il sera demandé à chacun de cotiser selon ses moyens en confiant son argent à… des banques d’affaires ou des compagnies d’assurances. Ainsi, un trait est tiré sur la notion de solidarité. Dans le même temps, sans doute pour favoriser l’accès des jeunes au monde du travail, après être revenu sur les 35 heures, on repousse l’âge de la retraite.
Les partenaires sociaux ? Comités d’entreprise et syndicats sont écoutés avec cour-toisie pour mieux faire
oublier dans l’indifférence les mesures qu’ils préconisent. On a fait d’eux des potiches utiles aux desseins du patronat. Le « dialogue social » se tient quand toutes les dispositions ont été arrêtées, son but n’est autre que faire avaler la potion amère. Ailleurs, des sociétés « saucissonnent » afin que ne soit pas créé un comité d’entreprise auquel il faudrait rendre des comptes. Ils sont allés jusqu’à inventer l’auto-entrepreneur qui, à l’analyse, coupe totalement les intéressés du monde du travail sans les faire accepter dans celui de l’artisanat. De la poudre aux yeux ! Lancés sans préparation, dépourvus de réserves pour investir, les candidats sont d’autant plus vulnérables qu’ils sont portés par l’enthousiasme de promesses qui ne seront jamais tenues.
Si ce n’était que le programme du CNR. Mais la liste est longue. Et c’est le chef du parti gaulliste (gaulliste qu’il dit !), le chef de l’Etat, garant de notre Constitution, qui conduit cette opération de démolition systématique sous les encouragements admiratifs et réjouis du Medef. Sous les regards quasi indifférents de ceux qui en seront demain les victimes.
C’est un devoir citoyen qu’exiger le retour aux valeurs définies dans le programme du Conseil National de la Résistance.
L’In-Secte. 3-2010----------------------------------------------
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 50 / 71
Identité nationaleDans sa pêche aux voix extrémistes, ne reculant devant rien, le voilà qui mobilise préfets et grands corps de l’Etat et personnalités du devant de la scène politique et sociale pour les inviter à s’exprimer sur un dernier moyen de nous diviser sur le thème du nationalisme et de la pureté des origines. Comme si la Terre qui nous nourrit devait être répartie par décret entre bons et mauvais. Tout le contraire de ce qui est écrit dans la charte ajiste.
Ces mêmes qui nous gouvernent, qui prêchent pour une Europe unie, qui fêtent avec le reste du monde les vingt ans de la chute du mur de Berlin, oubliant que nos billets libellés en euro représentent des portes et des ponts, sont les premiers à vouloir fermer les ponts et élever des murs à la place des portes. Les mêmes s’empressent de proclamer qu’il faut favoriser le mondialisme économique et la biodiversité, répètent les mots d’amitié, de concorde et de partage des ressources. C’est Saint-Exupéry qui, dans un de ses ouvrages fait dire à l’aiguilleur auquel il demande à quoi il se livre : Je trie les gens par paquets de mille, répond l’homme. Avec ce qui précède, l’image devient réalité. Qui ne se souvient, il y a de cela soixante ans, du Geburtsurkunde (acte de naissance), du Staatsangehörigkeitsausweiss (certificat de nationalité) ces marques très officielles de traçabilité humaine exigées par l’Occupant en cas de doute ?
Bon public, je vais aller au-devant d’une probable rencontre avec l’autorité chargée de faire régner l’ordre dit républicain selon la nouvelle formule en vigueur :
Je suis né dans une ville fondée par les Romains, Lutèce. Je suis né d’un père issu des marches de l’Est, un Vandale.Je suis né d’une mère descendante de Burgondes, des Goths. Je suis affublé d’un patronyme en usage dans les Allobroges. Je suis imprégné de culture gréco-latine. Je suis habitué à écrire 616 ou six cent seize et non pas LCXVI. Je suis usager d’une langue dans laquelle se côtoient des mots slaves, germains, arabes, grecs, turcs, indous, scandinaves…
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 51 / 71
Je suis l’employeur occasionnel d’une Kabyle, d’un Malien et d’un Manouche de nulle part. Je suis abruti par les musiques anglo-saxonnes. Je suis voisin d’un Sépharade bien plus cultivé que moi sur toute l’histoire et les origines de mon pays. Je suis possesseur d’un ordinateur qui m’oblige à l’usage d’une langue qui n’est pas la mienne, faute de quoi… Je suis utilisateur d’une voiture de marque française, fabriquée en Slovénie parce que la main-d’œuvre y est moins chère. Je suis envahi par la publicité pour d’inutiles produits fabriqués en Chine ou en Indonésie. Je suis gros consommateur de dattes, de mangues, de bananes, de tous ces fruits qui ne poussent pas sous nos latitudes. Je suis citoyen d’un pays dirigé par un Magyar entouré de Celtes, de Francs, de Huns, de Goths, de Vikings… Je suis, moi aussi, issu de toutes les transhumances.
Alors bravo ! monsieur Sarkozy qui avez eu le génie d’inventer un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Bel effet d’annonce !Encore bravo ! monsieur Besson l’Exécuteur, demi chef de l’UMP et transfuge dont il est permis de se demander quel socialiste vous fûtes au temps où vous preniez la défense de Ségolène.
Interrogeons-nous et demandons-nous comment fut peuplée l’Europe sinon par des hordes de Barbares venues d’au-delà le Caucase, les Mongols et les Huns ; tout près d’ici, Neandertal et Cro-Magnon n’étaient-ils pas en leur temps des sans-papiers venus de la savane ? Et, comment fut peuplé le continent américain sinon par des SDF venus d’Asie par le détroit de Béring à la fin du Quaternaire ?
Va-t-on demain limiter le territoire des rennes, des truites, des bernaches qui se déplacent vers la nourriture et les lieux de reproduction, demander leurs papiers aux particules de pollen, aux graines volatiles et faire présenter leur passeport avec visa aux nuages que le vent nous apporte ?
L’In-Secte. 3-2010
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 52 / 71
La secte des communicants Jadis, lorsque se produisait un événement ou un fait social, la presse étant à cet usage, nous en étions informés. En 1914, avec la presse aux mains du Comité des Forges, on a connu le bobard puis la censure. Relayée dans les années trente par la TSF, on a vu apparaître le bouteillon (de Bouthéon, 9.620 habitants) puis la Cinquième colonne qui Mit fureur en 1940. La guerre d’Algérie vit naître l’Intox en même temps que se banalisait la télévision aux ordres d’un « ministre de l’infor-‐mation » c’est-‐à-‐dire ministre du mensonge. Aujourd’hui, on communique. On ajoute bout à bout des « effets d’annonce ». Après Super-Menteur, qui sut nous rouler dans la farine avec notre assentiment, son successeur l’a bien compris qui en a retenu la leçon et les méthodes. Le mensonge est la pierre angulaire de son discours et de son action. Elu avec les voix du FN par 53 % (32 % des exprimés au 1er tour, ¼ des inscrits, on ne le rappelle pas assez) faute d’un adversaire de poids en face lui, l’actuel Président a pris ses grandes décisions au Fouquet’s et dans ce qu’il appelle le « premier cercle » dont on connaît trop bien la composition. Un menteur de première.
Quelques citations :
« Je serai le Président d’une République irréprochable… A quoi pensait-‐il quand il a sorti ça ? Il savait la chose impossible et irréaliste et ne s’était
même pas interrogé. « Si je suis élu, mon gouvernement sera limité à quinze ministres pour être plus efficace… Il en nomme plus de quarante avec les secrétaires d’Etat.
« Compte tenu du progrès médical et de l’aspiration de nos concitoyens à vivre en bonne santé, l’investissement dans la santé sera forcément majeur. Ce sera ma priorité…
Des effets d’annonce et une augmentation banalisée de près de 20 % du coût pour le malade. Cette afMirmation a pour premier effet le déremboursement de certains médicaments, la pénalité au Mlacon et la non prise en charge de certains soins.
« Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer de même que les 35 heures continueront d’être la durée hebdomadaire légale du travail.
On voit ce que cela donne, ce sont surtout les patrons qui s’enrichissent avec le remboursement par l’Etat des heures sup.
« Je ferai de la lutte pour l’emploi ma priorité, je ferai en sorte que les Français travaillent plus pour gagner plus…
Guizot ajoutait : « Et enrichissez-‐vous ! » « Si je suis élu, je mettrai en place un grand plan Marshall de la formation des jeunes de nos quartiers pour qu’aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse disposer d’une formation et d’un travail…
Avec 16.000 postes d’enseignants plus les contrats aidés supprimés chaque année, c’est là une manière de se foutre de la gueule du peuple.
« Si je suis élu Président, je mettrai fin aux paradis fiscaux, à la pratique des bonus accordés aux traders, je ferai voter dès l’été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes…
Ce n’est même plus la peine de commenter. On a vu quel soutien a été apporté aux banques sans aucune contrepartie.
« Je serai le Président du pouvoir d’achat… On a vu, on voit, on constate, on subit.
Mensonges, mensonges, encore mensonges.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 53 / 71
Prenez une seule de ces afMirmations (la liste en com-‐porte 106), placez la réponse en face et analysez. C’est tout et son contraire. Et le mensonge continue de sévir. Car plus c’est gros et mieux ça passe. L’affaire Woerth-‐Bettancourt annexée à la liste en est une illustration qui restera dans l’histoire.
Son principe de fonctionnement repose sur l’expression orale. Ça le grise. Quand il est vrai et spontané, sans guide de lecture, c’est pour des termes inappropriés, des fautes d’accord ou de syntaxe ou c’est pour dire : « Casse-‐toi, pauv’ con ! ». Il s’est entouré de communicants (ils sont 60) qui l’aident à Mixer et développer des éléments de langage lesquels consistent tantôt à faire de l’adversaire un ennemi à éliminer, tantôt à pratiquer l’autosatisfaction et la louange sans discernement. La semaine agitée du 10 au 17 octobre fut à cet égard un modèle du genre : un déMilé de perroquets. Chaque jour, radios et télés ont vu déMiler ministres et grands ténors de l’UMP devant micros et caméras. Pas un JT, pas un débat sur nos radios sans la présence quasi exclusive à l’antenne d’un envoyé de l’Elysée venu communiquer avec les mêmes mots, les mêmes petites phrases et autres éléments de langage, les mêmes arguments et, le plus souvent, les mêmes épithètes trahissant leur auteur.
On n’informe plus, on « communique ». La différence est de taille. Car la formulation est telle que l’on ne peut remettre en cause ce qui est proclamé. Le communiqué est une non-‐information, une sorte de dictat qu’on ne discute pas, sur lequel on ne revient pas. On n’a pas à l’analyser, il contient par essence l’impossibilité de voir les choses d’une autre manière. Ceux qui s’y risquent sont derechef taxés d’adversaires, rejetés, noircis et insultés (allusions au nazisme ou au KGB).
Ils sont devenus sourds. Des sourds qui ne veulent pas entendre et qui appellent grognement le grondement de la rue. En cela c’est délibérément qu’ils nous ignorent.
Ils sont devenus autistes. Des autistes insensibles qui ne se préoccupent que d’eux-‐mêmes, de leurs privilèges et de leur caste qu’ils présentent comme la norme établie, celle du proMit : « Enrichissez-‐vous, à ce prix vous pourrez venir vous joindre à nous ! » En cela ils nous méprisent.
Ils sont devenus aveugles. Ils vivent dans leur monde, un monde qui, par l’argent, s’est extrait et s’éloigne de plus en plus des valeurs que sont le travail, la solidarité, la justice sociale, les droits humains fondamentaux… un monde où règne la sélection et l’élimination, un monde où seuls comptent le gain, le proMit et l’enrichissement. En cela ils nous rejettent.
Oui, mais… Lisez la presse internationale, regardez quelle place occupe notre pays lorsque ce n’est pas l’Elysée ou Le Figaro qui s’exprime ou qui établit le classement. Tous le disent et l’écrivent : la France des Droits de l’Homme est devenue une République bananière, le pays du mensonge ofMiciel institutionnalisé.
Et on laisse faire !L’In-Secte. 4-2010
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 54 / 71
Les mots pour le direDepuis quelques années, depuis que le chômeur est devenu « une
personne à la recherche d’emploi » et la femme de ménage une « technicienne de surface », on assiste à une évolution du langage qui n’est rien d’autre qu’une dérive des mots destinée à en faire oublier les conséquences qu’ils portent. Ainsi le mot réforme qui pourtant désigne la remise en question d’un texte en vue de l’amender, de l’améliorer, cache-‐t-‐il en réalité l’inverse de ce qu’il proclame. Voyez vous-‐mêmes : réforme scolaire, hospitalière, de la justice, des retraites, du code du travail… se traduisent par des sanctions bien plus que par l’amélioration des conditions de vie de la majorité de ceux qu’elles touchent. A chaque usage du mot réforme, il s’agit de mettre en valeur l’aspiration au mieux-‐être et d’en détourner le sens aVin de faire passer la politique programmée de démolition des acquis au proVit du seul capital.
Depuis que les hommes politiques alignent leur langage sur celui des commerciaux, on assiste au double phénomène du matraquage et du détournement des termes. On n’expose plus, on n’explique plus, on communique à coup de « petites phrases » élaborées par des gens issus des grandes écoles et dont la fonction est de détourner les mots de leur origine aVin de séduire et d’endormir : la valorisation du travail, les partenaires sociaux, les fruits de l’effort commun partagés, le redéploiement des tâches… pour dire récession, délocalisation, chômage banalisé et, en Vinale, proVits accrus assurés pour l’actionnaire.
In;lation verbale et langue de bois
En appelant libéralisme à visage humain le capitalisme sauvage, investisseurs les actionnaires, plans sociaux les licen-‐ciements et management la mise en pièces des entreprises, on voit où conduit le new langage en usage au sommet de l’Etat, dans la bouche des ministres chargés de véhiculer les éléments de langage. Ils nous servent quotidiennement par voie de presse et à grands coups de JT un breuvage infect à l’aspect si séduisant que nous l’absorbons sans même y prêter attention. A ces mots qui veulent tout résumer s’ajoute l’inVlation verbale où l’épithète bien choisie conduit à l’obligation de croire avec, sournoisement, le formatage de la pensée qui aboutit à l’inverse de
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 55 / 71
l’enseignement du siècle des Lumières : on cherchait à atteindre le niveau de pensée des philosophes, on s’aligne aujourd’hui sur les moins cultivés, les moins engagés (les braves gens, la France profonde, la France d’en bas, ceux qui se lèvent tôt…) qu’on Vlatte parce que c’est plus aisé et surtout plus fédérateur : de tel fait, vous devez penser ceci et non pas cela ! Aux citoyens conscients et organisés, on préfère des sujets silencieux et soumis, rassemblés, certes, mais pour accepter les turpitudes du CAC 40 et le diktat de Bruxelles.
L’exemple le plus frappant de détournement des mots est cette fausse querelle autour du mot laïcité et des lois de 1905. Même la Ville de son papa s’en est emparée pour se refaire une vertu après les propos tenus pendant quarante ans par son géniteur. On n’ose pas manifester de doutes à l’égard de l’Islam, on risquerait de passer pour anti-musulman ou raciste, alors on s’abrite derrière le bouclier des mots-‐valises en se gardant bien d’en fournir une déVinition claire. Les intéressés l’ont si bien compris qu’ils se laissent pousser la barbe et sortent des armoires burqas et tchadors tandis que, sur l’autre trottoir, déVilent d’autres barbus en redingotes et chapeaux d’un autre âge. En même temps, pour plaire au parti que l’on sait, on traite d’une identité nationale qui n’est autre qu’un mode de sélection, de rejet inavoué.
Conjointement, on fait porter toute la responsabilité du mal sur une catégorie ciblée : les immigrés et en premier sur leur partie la plus visible, les « sans-‐papiers », thème rassembleur s’il en est. Ils disent reconduite à la frontière pour expulsion, ils disent tolérance alors qu’il faut entendre mépris de l’autre. On fait ainsi oublier volontairement que s’ils parlent notre langue c’est parce que durant deux siècles nous leur avons apporté « la civilisation », sous-‐produit Vlatteur et contrepartie de la mise au pillage de leurs ressources naturelles.
Ecoutez, analysez les mots et les termes, ouvrez vos oreilles à la critique, demandez-‐vous pourquoi telle « petite phrase » et, à bon entendeur, salut !
L’In-Secte – 2-2011
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 56 / 71
Oncle Picsou et ses neveux (conte)
En barres, en feuilles, en rouleaux, en poudre, en fils, en pièces, Oncle Picsou possède de l’or à ne savoir qu’en faire. Il en entrepose dans des coffres, des caisses, des tonneaux, des malles, des sacs, des containers blindés qu’il cache comme il peut. Il est marié à la Fée Escarcelle laquelle ne lui a pas donné de descendance. Il est toutefois assisté de ses trois neveux, Profits, Dividende et Quitus, les trois petits cochons relégués jusqu’alors au rang de tirelires. Pour les encourager et valoriser leur statut de neveux de l’homme le plus riche au monde, il les a anoblis. Profits est devenu comte de Titres, Dividende a été fait comte d’Epargne et Quitus s’est vu gratifié au rang de comte Courant.
Se sentant légataires, ces derniers ont mis tout leur zèle au service de Picsou. Ils ont vite compris qu’ils auraient besoin de rabatteurs, d’espions, d’hommes de main, d’hommes de sous-main, d’hommes de paille et d’hommes de plume… Ils sont allés chercher les sept nains de Blanche-Neige qu’ils rebaptisèrent Agios, Pourcentage, Coupons, Court Terme, Placement, Valeur et Foncier. Qu’allait-il s’ensuivre ? Sur les conseils de Picsou, ils mirent au point l’argent virtuel, un procédé qui consiste à séparer l’or de sa valeur vénale exprimée sur du papier. « L’astuce est simple, leur a expliqué Picsou, vous achetez un paquet d’actions d’une société que vous mettez en difficulté, après quoi vous en devenez propriétaire. Pour ne pas vous en encombrer, vous la fusionnez avec une autre et ainsi vous avez doublé votre mise. – Même si ça n’est pas dans la même branche d’activités ? a demandé Profits. – Ça n’a pas d’importance, personne ne s’en rendra compte. Surtout si vous lui donnez un nom nouveau comme par exemple La Confiance Solidaire. »
Dividende, le plus audacieux, commença par racheter Danone, Lazard Frères, Michelin, Parfums Dior, Canal +, Vinci et Areva. Il fut suivi de Profits qui fit une bouchée de Sodexo, Veolia, EADS, Suez, Carrefour et Ciments Lafarge. Le dernier, Quitus, moins aventureux mais plus perspicace acheta LVMH, Natixis, Essilor, Total, BNP Paribas, Rio Tinto, Vallourec et Saint-Gobain.
Plus tard, et comme tout semblait bien rouler pour eux, ils décidèrent de se grouper en créant une holding qu’ils baptisèrent Code et Vie. Dans la foulée, ils achetèrent Air Liquide, la Dresdner Bank, Peugeot, Havas, Club Med, Socpress, Alcatel, France Télécom et Bouygues. Essentiellement des multinationales. Mais il n’était pas toujours aisé de transformer toute cette monnaie virtuelle en or solide. Certains actionnaires rechignaient, redoutaient un effondrement des cours et vendaient en catastrophe, parfois à perte. Nos trois compères créèrent alors des sociétés écrans affublées de noms étrangers, ils mirent au point des procédés de siphonage
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 57 / 71
pour séparer l’or du papier en réalisant des placements discrets mais juteux dans des îles accueillantes. Ils leur donnèrent le nom de « fonds de pension », ce qui conférait confiance et respectabilité.
Ils réalisèrent qu’ils étaient à la tête d’une multinationale qui les rendait propriétaires des mines d’or du Pérou, des industries de la Ruhr et de celles de la couronne d’Angleterre, du gaz de Sibérie, des plaines à blé du Manitoba, des forêts amazoniennes comme des puits de pétrole d’Arabie et que sais-je encore. A mesure qu’ils s’enrichissaient, ils transformaient le papier en or. Et cet or arrivait par camions, par wagons entiers. Ils agrandirent leurs réserves, ils firent creuser des galeries en un lieu appelé « Six Caves » pour entreposer cet or qui continuait d’affluer. Picsou avait fait daller ses salons de pavés d’or, ses neveux mangeaient dans de la vaisselle d’or et dormaient dans des lits en or.
Alentour, pièces et billets n’avaient plus de valeur. On en était revenu au troc : on payait l’autobus ou le pain avec des timbres-poste, on échangeait des chaussures ou un costume contre une encyclopédie et des encyclopédies contre des casseroles. L’or, réservé aux gros achats, se raréfiait dans les familles, on s’échangeait des morceaux de papier, des sortes d’assignats sur lesquels on écrivait une valeur estimée. Certains criaient à l’anarchie, d’autres se remettaient à thésauriser en collectionnant les timbres-poste ou les morceaux de papier, d’autres encore inventaient des systèmes de resquille.
Bon an mal an la vie se poursuivait jusqu’à ce que le loup de la fable, drapé de gris, un populiste à la voix forte et au geste tranché, prenne le pouvoir par un coup de force et décréta que l’or n’était somme toute qu’un métal comme un autre. Il remit en marche la planche à billets et entreprit une distribution parmi le peuple. Le calme fut rétabli. On revint à la monnaie en numéraire, on se remit à compter des pièces et à faire des liasses de billets. Picsou était alors très vieux, sur le point de mourir. Pour survivre, ses neveux furent contraints de vendre leur or au kilo, guère mieux payé que le cuivre ou l’étain.
Ceux qui élevaient le bétail, semaient le grain, brassaient le pain, cultivaient la vigne ou qui pêchaient en haute mer devinrent riches par leur travail. Ceux qui jusqu’à ce jour avaient vécu en assistés du produit de leurs actions se trouvaient à la tête d’un lot de papier propre à allumer le feu.
Et tout recommença.
L’économiste distingué, Comte Négatif.--------------------------------------------------
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 58 / 71
Anticipation ?Cette année-là, les élections présidentielles suivies des législatives avaient reconduit le vibrionnant président de l’UMP (Unité, Moralité, Probité) dans ses fonctions, suivi de très près par une jeune femme blonde remplie de fureur envers les étrangers. La Chambre vit sa composition modifiée par la venue massive d’élus du parti Force et Nation, le FN. Il fallut composer pour constituer un gouvernement équilibré. La femme blonde obtint le ministère de la Justice, un de ses adjoints, François Desouche, se vit attribuer l’Intérieur, Louis Aliot hérita des Armées, un certain Gollnisch fut affecté à l’Education nationale en raison de son passé universitaire tandis que Riofoul, connu sous le pseudonyme de Gold31, obtenait le secrétariat d’Etat à l’Information. Cette même année, les élections avaient amené au Parlement européen une nouvelle équipe. On notait peu de changements parmi les diverses tendances représentées : 42 % à droite, 37 % à gauche et 21 % au centre. Les incertains. Toutefois, lors de la constitution des groupes politiques, on releva que les nationalistes s’étaient rapprochés des souverainistes, ralliant quelques nostalgiques des années 30 conduits par des députés charismatiques et pugnaces. Il s’en suivit un sursaut européen protectionniste qui allait changer les règles en usage : l’Europe et seulement l’Europe ! Du débat qui suivit, il fut décidé d’en revenir aux frontières intra-européennes, de les renforcer. Schengen à l’envers. Saisi, le secrétaire général de l’ONU, un Suédois, refusa d’en débattre, laissant aux délégués des Etats le loisir de se prononcer sur les mesures restrictives décidées par Bruxelles. Le Conseil de Sécurité se déclara incompétent, laissant à l’Assemblée Générale le soin de décider. L’Europe aux Européens ? D’accord, déclarèrent les Etats minoritaires, nous allons faire de même. Et l’Assemblée Générale de l’ONU, par 98 voix sur 192, accoucha de la Résolution N° 1857 laquelle laissait aux Etats la liberté de gérer leurs frontières à leur guise.
En France, on s’accorda donc jusqu’au soir du 31 décembre pour mettre en place les mesures nouvelles dictées par cette très faible majorité : fermeture renforcée des frontières, expatriement des non-nationaux ne pouvant justifier trois générations sur notre sol, visas limités à une semaine, délivrés sur justification et applicables sous surveillance policière, obligation de déclarer une résidence d’accueil et de présenter le billet d’avion du retour, visite médicale sélective, etc. Les hostiles ou ceux qui refuseraient seraient retenus dans des « cités de regroupement » ad hoc.
Le 2 janvier, les mesures votées entrèrent en vigueur. On commença par tripler les effectifs de la PAF (Police de l’Air et des Frontières). Les fichiers étaient préparés de longue date, les listes étaient tenues à jour. Le ministre Desouche réquisitionna navires et avions qui furent garnis de tous ces indésirables. Des ponts aériens – comme lors du blocus de Berlin – furent instaurés pour ramener chez eux ceux qui avaient coûté si cher à notre Sécurité sociale, ceux qui vivaient de l’assistanat, ceux qui profitaient de nos HLM, de la gratuité des soins médicaux, des réductions accordées aux familles et j’en passe. Certains vivaient dit-on avec trois concubines et leurs marmailles et contraignaient leurs épouses à procréer pour percevoir des aides. Il se disait avec foi que des centaines de mille d’entre eux percevaient des secours en plusieurs lieux. On les regardait partir, on allait enfin respirer un air plus pur, ne plus entendre des musiques de rue, ne plus être incommodé par des senteurs de kebab.
Le 11 janvier, la Porte de Montreuil fut débarrassée de son marché aux puces. Le 16 février, on abattait les affreuses HLM de Nanterre qui défigurent La Défense. Le, 11 mars on vit tomber les
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 59 / 71
premières barres d’immeubles à Clichy-sous-Bois. Le 17, il y eut un début de révolte vite maîtrisé par les forces de l’ordre à cause d’un couple de Maliens qui refusait la séparation. Le 19, on pavoisa et l’on fit la fête à Stains après le départ du dernier Arabe. Le 27, c’est à La Courneuve qu’on festoya en regardant partir sous les huées d’irréductibles Congolais. Le 31, un Boeing rempli de « reconduits » s’écrasa près d’Oran : 187 morts. A cette occasion Le Figaro titra : « Onze Français périssent dans le crash d’un avion au sud d’Oran ». Dans le même temps, on vit partir les Roms et leurs luxueuses roulottes, les Polonais et Lettons, les Cap-Verdiens et les Turcs, les Pakistanais et les Croates. On fit toutefois exception pour les Serbes et pour les Magyars mais pas pour les Kosovars ni pour les Tchétchènes. …………….
Le 16 avril, cela commença par la fermeture à Aulnay-sous-Bois de l’usine de montage Citroën. Le 23, Sochaux suivit. Le 28, c’est Renault à Sandouville qui ferma. Ce même jour, les trains supplémentaires prévus à l’occasion du week-end pascal furent supprimés car la société sous-traitante qui assure la maintenance des machines n’avait pu remplir son contrat. Le 6 mai, on vit fermer deux unités des Laiteries Besnier (la marque Président). Au sud d’Angoulême, le chantier du TGV Atlantique en direction de Bordeaux fut interrompu. A Saint-Bonnet-sur-Garance, le pain était livré par un retraité bénévole depuis le chef-lieu parce qu’Ahmed avait dû quitter le fournil du village. A Cannes (« Ville Propre »), les ordures ménagères n’étaient plus collectées. A Dôle, faute de personnel, l’usine Lapeyre dut fermer ses chaînes de fabrication. A Charleville, les Fonderies Gascoin durent éteindre les fours a cause du départ des Croates et Tunisiens. La France allait devoir importer des pneus car les usines Michelin de Clermont-Ferrand ne trouvaient pas de remplaçants aux Algériens rapatriés. A Gournay-sur-Meuse, Saint-Gobain a dû arrêter la chaîne de production du flaconnage pour la pharmacie (l‘action Saint-Gobain a perdu 27 % depuis janvier). Au nord de Millau, c’est le chantier de l’autoroute A9 qui a dû être stoppé faute d’embauche sous les tarifs pratiqués par Vinci. A Saint-Pardoux, Khaled fut contraint de fermer son épicerie... En Provence, les primeurs pourrissent sur pied faute de bras pour les mettre en cageots. Dans la Maurienne, où la saison de ski a été excellente, Dieu merci, Pechiney a fermé son usine de production d’aluminium. Dans la France entière, 1.235.000 ouvriers et employés en chômage technique induit s’ajoutent aux statistiques.
Des gens disent qu’il faut faire quelque chose. D’autres crient que ça ne peut plus durer. L’opposition, réduite et divisée, est aphone. La presse, comme tétanisée, reste muette ou approuve. A la télé, TF1 nous montre les taudis abandonnés par les partants, les dégradations commises, les files de voitures sur les quais du port de Marseille, les postes frontières encombrés tandis qu’Arte diffuse des reportages à Bamako, Zagreb, Alger, montrant l’accueil fait aux rapatriés, considérés au pays comme des étrangers.
Mais certains se réjouissent d’avoir enfin obtenu satisfaction. On ne voit plus ces groupes de jeunes désœuvrés au pied des escaliers de nos immeubles, le soir on peut sortir sans crainte, dans la rue et les transports publics on ne subit plus leur charabia, on ne croise plus de gens dans des accoutrements bizarres, dans les cours on n’entend plus ces musiques barbares… Et puis on peut enfin emprunter la rue de la Goutte-d’Or sans risquer de chuter contre des gens en prière.
L’In-Secte. 3-2011
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 60 / 71
La copropriété Nous sommes près de quatre cents familles à habiter Beauséjour, un ensemble de cinq immeubles distribués en gradins à flanc de colline et comportant chacun soixante-quatorze appartements répartis sur quatre escaliers équipés d’ascenseurs. Vue sur la mer à gauche, vue sur la montagne à droite. La chance fait que l’ensemble est édifié dans un superbe parc paysager.
Dans le lointain des temps, l’ensemble appartenait à un propriétaire unique, un nommé Leroy, qui faisait sa loi, prélevait les loyers sans se soucier des revenus ou de la situation sociale des occupants. Puis le régime a changé, du temps s’est écoulé que des orages ont parfois bousculé, des réparations ont été menées à bien et, finalement, des dispositions législatives nouvelles ont permis à chacun de devenir propriétaire. Mais ce ne fut pas le cas de tous.
L’ensemble, comme de nombreux autres, comporte des défauts. Pas seulement dans sa structure, victime de l’entropie, mais aussi dans son mode de gestion, dans les pouvoirs accordés au syndic et dans le manque de réactivité de certains des occupants. Il faut préciser aussi que si tous habitent la même adresse, tous ne sont pas logés à la même enseigne. L’immeuble A, le mieux situé, accueille des cadres, des hauts revenus, le B accueille des professions libérales. Le C est occupé par des employés, la maîtrise et quelques artisans. Le D et le E regroupent les moins chanceux, les besogneux, quelques précaires et même des chômeurs. Tous ne sont donc pas égaux devant la fatalité.
C’est du syndic que je veux parler. A l’origine, il y a de cela un peu plus d’un demi-siècle, le monde sortait d’un conflit qui avait tout bouleversé et c’est à un militaire que fut confiée la rédaction d’une charte du résident de Beauséjour. Sous la pression de ceux qui avaient pris une part active au conflit, ce militaire avisé consentit à introduire dans le règlement de copropriété des notions de partage, de solidarité, de répartition des dépenses et des recettes. Ainsi le remplacement d’un ascenseur ou le colmatage d’une fuite sur l’une des terrasses était pris en compte par l’ensemble de la copropriété. Pour quelques francs par foyer, la dépense était ainsi étalée entre tous. Pour d’autres cas, une réserve fut créée afin qu’un malade de longue durée ne soit pas saisi s’il ne pouvait faire face aux échéances de ses remboursements d’emprunt. Les gestionnaires se succédèrent, certains furent reconduits dans la fonction et l’on vit que les temps changeaient ainsi que les mœurs. Cette notion de solidarité, chère à certains, vola en éclats à l’occasion d’une fuite dans les conduits d’évacuation des eaux usées. C’est du bâtiment E qu’il s’agissait, celui où l’on se lève tôt. La somme était élevée et l’on soupçonna le syndic d’alors d’avoir perçu un pot de vin, d’avoir employé des gens au noir, favorisé ceux de sa province, la Corrèze. A cette occasion, ceux du A et du B refusèrent de s’associer à la dépense. C’était nouveau, inattendu. D’un débat qui eut lieu, on constata que certains étaient plus privilégiés que d’autres, mieux chauffés et mieux isolés, avec une vue plus large sur le lointain et sur le parc, possédant un parking plus accessible et mieux protégé, des allées et des abords mieux entretenus… Et ce sont ceux-là mêmes qui s’opposaient à la répartition des dépenses entre tous. Le conseil syndical démissionna.
On assista alors à des divisions mieux marquées. On vit se grouper les tenants de l’ancien système de gestion solidaire, traités de passéistes par les « séparatistes » qui entendaient régler les dépenses par immeuble, voire par cage d’escalier, menés par les accusateurs, ceux qui montraient du doigt les occupants du bâtiment E, traités de fauteurs de troubles, de profiteurs. Les indifférents, râleurs et jamais satisfaits, eurent vite fait de se rallier aux accusateurs.
C’est alors que parmi eux une voix s’est élevée… Un homme petit par la taille mais immense dans ses ambitions. On l’a senti décidé. Ses accents de sincérité, sa détermination, son expérience et son charisme ont fait qu’il a été écouté et suivi. Surtout par ceux du A. Il a pris la parole en désignant l’avenir : « Je vais réhabiliter à Beauséjour la fonction de syndic… Je vous promets une gestion irréprochable… Ensemble, tout
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 61 / 71
est possible et nous allons rétablir les finances… Nous devons innover et pour ce faire nous allons modifier nos statuts… Je vous fais la promesse qu’il n’y aura pas d’augmentation des charges… Comptez sur moi pour assurer le bon état d’entretien de la copropriété… Beauséjour doit servir de modèle à toutes les copropriétés de ce pays… ».
Nombreux y ont cru. Il a été élu syndic.
Il a commencé par fêter ça avec ceux du A dans un des meilleurs restaurants du Bois de Boulogne avant de s’offrir une croisière entre amis sur la Seine et d’augmenter les honoraires attachés à la fonction. Il a fait venir des experts qui ont conclu qu’il faudrait placer des doubles vitrages, procéder au ravalement, moderniser les ascenseurs. Sans attendre, il a ordonné l’exécution des travaux au bâtiment A. Les autres immeubles attendront. Ainsi, il applique le principe de diviser pour régner. Il n’a pas augmenté les charges, il en a seulement modifié la distribution sans dire qu’il en créait de nouvelles comme ce système d’arrosage automatique pouvant remplacer un jardinier ou la parution d’un journal à sa gloire montrant qu’il était déjà en campagne pour sa réélection. Il a confié la facturation à une société spécialisée dans le recouvrement des créances. Puis il a mis fin au contrat des deux femmes de ménage et a établi une entente avec une société de prestation de services qui assure l’entretien. Il n’a pas remplacé un des deux jardiniers parti à la retraite. Celui qui reste se fait aider quand il le faut par un journalier. Il a licencié le couple de gardiens à demeure, remplacés par des digicodes et un système de vidéosurveillance. Il a dû emprunter « pour le bien commun », dit-il.
Les charges ont peu augmenté, c’est juste de le dire. Ce sont les services rendus qui ont diminué en valeur et en qualité. A onze heures le matin, les poubelles vides sont toujours sur les trottoirs ; par économie, l’eau chaude est coupée entre quatorze et dix-huit heures ainsi que la nuit ; à la saison fraîche, la température dans les appartements n’excède pas 18°C ; remplacer une ampoule sur un palier demande trois semaines. Il a supprimé les fleurs qui ornaient les massifs au prétexte que les gens n’y prêtent pas attention et marchent sur les pelouses. Aussi, de jour en jour, la copropriété se clochardise. Despote et dispendieux, il a trouvé un truc pour dissuader (ou punir) les mauvais payeurs, il leur fait déneiger et balayer les allées joignant les bâtiments entre eux ainsi que les parkings et leurs accès.
C’est un malin, lorsque le correspondant du Petit Patriote est venu pour rédiger son article sur Beauséjour, ils ont fait une rapide visite d’un des halls du bâtiment A - où les boîtes à lettres venaient d’être changées - après quoi ils ont terminé la matinée à La Belle Meunière. Ainsi les esprits chagrins et les opposants critiques n’ont pas eu droit à la parole. L’article, digne du Figaro, fut élogieux. Il se dit aussi que la nièce du journaliste, nouvellement mariée, pourrait emménager au quatrième étage du bâtiment C où un appartement va être libéré.
La grogne commence à s’entendre jusque dans les rues avoisinantes et l’organisme de contrôle, le comptable, se demande s’il ne doit pas prendre des mesures conservatoires. Toutefois, il se trouve toujours des gens pour le soutenir et approuver sa gestion. A l’exception du bâtiment A où il conserve et entretient ses soutiens, tout se dégrade et nous allons tous en faire les frais. Tous, car il a peu de chances d’être reconduit dans sa fonction en 2012. Il va laisser un désastre. Il a beau soigner son image, se montrer au pied des escaliers pour serrer des mains en souriant et en tutoyant, ils sont de moins en moins nombreux à croire en ses belles paroles, à ses promesses non tenues.
Peut-être voyez-vous de qui je veux parler ? L’In-Secte. 4-2011
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 62 / 71
Marche, marchons, marchés…Je ne marche plus, c’est notoire. C’est notoire et c’est d’ordre médical. Je suis devenu arthrosien. J’en reste le soufVle court. Je me console en constatant que je ne suis pas seul à ne plus marcher.Même pour me rendre au marché.
Nous marchons, c’est habituel puisqu’on nous fait marcher. Marchons au pas, camarades, marchons au pas, hardiment… Car la Liberté nous attend. Pour la Liberté, nous marchons… Collectivement, nous marchons derrière un étendard, un slogan, une croyance ou un refus. Nous marchons groupés, ainsi le nombre renforce ou fait oublier le mobile qui nous fait marcher.En ordre, nous marchons. Même en débandade, nous marchons encore.
Vous ne me croyez pas ? Ecoutez ce qui se dit :La pile Wonder ne s'use que si l'on s'en sert… Avec SABENA, vous y seriez déjà… Plus blanc que blanc !... Du pain, du vin, du Boursin et je vais bien… (comme si le Boursin était une médication !) Qui souvent se pèse bien se connaît… (on le sait, la balance est un produit thérapeutique). On a toujours besoin de petits pois chez soi !... Darty, le contrat de con?iance !... Auchan, la vie, la vraie vie… (oui, avec vos vrais sous !) Venez vous dépayser avec le Club Med !... Bouygues Telecom en fait plus pour vous… (oui, il sufVit de regarder TF1), et la meilleure pour Vinir : Moulinex libère la femme (et en Vinale il les libère de leur travail !).
On a tous marché un jour ou l’autre. Notre temps de cerveau disponible n’a pas réagi assez vite et on a marché, on a craqué pour un superbe plat en étain, une reproduction de Matisse, un merveilleux petit ensemble ou d’adorables petites chaussures…
Tenez, à propos de marchés, les marchés nous font marcher. C’est justement à cela que je pensais en me rendant au marché.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 63 / 71
Oui, au fait, c’est quoi ces marchés qui nous font tant marcher ? Vous ne me croyez pas ? Ecoutez ce qui se dit :
Les marchés restent stables. Quel bonheur ! Les marchés sont fragiles. Il faut les protéger. Les marchés résistent. Vous voyez bien qu’il faut leur faire conViance ! Les marchés risquent de devenir volatiles. Interdisons alors la volatilité des marchés. Les marchés s’essouf?lent. Qu’on les ventile, que diable ! Les marchés mondiaux envahissent la Bourse de Paris. Voilà donc des « sans-‐papiers » qui passent les frontières sans autorisation ?Les marchés restent soutenus. Ouf ! Je me sens soudain mieux. L’alimentation reste le garant de la stabilité des marchés. Alors, devenons tous obèses !Les marchés sont inquiets. Nous devons les rassurer. Les marchés sont frileux. C’est la faute des Grecs, des Chinois, des directives de Bruxelles et du prix du baril de pétrole. Les marchés sont confortés. Quel bonheur pour tous ! Les produits de luxe sont la locomotive des marchés. Et moi, je suis un des wagons ? Les marchés ?inanciers frissonnent. Sortons la petite laine. Les prix des céréales pèsent sur l’ensemble des marchés. Z’ont qu’à manger autre chose. Les marchés de la zone euro sont menacés. Qu’attendez-‐vous pour vous porter à leur secours ? Les marchés rebondissent. Pourvu qu’ils ne s’envolent pas !Les marchés sont menacés. Mobilisation générale !L’ensemble des marchés européens a bien réagi. Vous voyez que l’Europe unie ça sert à quelque chose ! Les fonds de pension pèsent sur l’équilibre des marchés. C’est bien ce que je dis, il y a trop de retraités. Les marchés passent dans le rouge. Seraient-‐ils communistes ?Les marchés repassent dans le vert. Non, les voilà devenus écolos.Les marchés subissent des prises de béné?ices. C’est quoi, ce truc ? Au proVit de qui ?
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 64 / 71
Les marchés devraient se consolider. Ça ne coûte rien de le dire. Les marchés revoient leurs objectifs à la baisse. C’est normal, c’est comme mon pouvoir d’achat.La Banque Fédérale redonne de l’oxygène aux marchés. Et à nous, elle donne quoi ?Les marchés sont en progression. Rien à voir avec le progrès.Les marchés européens sont suspendus aux chiffres du chômage aux Etats-Unis. Le chômage en France, ils s’en foutent.Les marchés retiennent leur souf?le. Pas trop tout de même.Les propos de monsieur Untel vont peser favorablement sur
l’équilibre des marchés. Et vive monsieur Untel !Les marchés captent la croissance. Sur quelle longueur d’onde ?Les marchés connaissent une embellie. Une fée serait-‐elle passée par-‐là ?Le dollar vient au secours des marchés. On le savait généreux et désintéressé. Les marchés sont désormais rassurés. Oui, merci. Et combien d’emplois supprimés ? Les fonds structurels pèsent sur l’avenir des marchés. Moi, c’est la sciatique et l’arthrose qui pèsent sur mon avenir. Les marchés retrouvent leur vigueur. Il était temps ! Les marchés européens sont honnêtement conduits. Qui donc aurait pu en douter ? Les marchés tablent sur un rapide retour de la croissance par la consommation. Ah ? Avec quels sous ?Les marchés sont pessimistes. Nous le sommes également.Les marchés sont au service de l’homme. Comment pourrait-‐il en être autrement ?Les marchés repartent… Qu’ils aillent au diable !Les marchés ont besoin d’oxygène. Avec tout ça moi aussi.
L’In-Secte démarché. 3-2012
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 65 / 71
Le progrèsAlors que nous étions jeunes Ajistes, des conférenciers nous expliquaient que la
machine allait bientôt remplacer l’homme dans ses tâches. Des revues l’affirmaient, des livres l’expliquaient et les radios nous disaient que nous allions entrer dans la civilisation des loisirs. On y a cru.
C’est dans ces années-là que la fonderie typographique s’est dispensée de mes services et j’ai dû me reconvertir. Dans le même temps, dans les années cinquante, une exposition graphique tenue au Grand Palais donnait à voir une machine à composer à distance. Ça n’était pas une fiction, elle fonctionnait sous nos yeux. D’autres de même type étaient en service dans la très catholique Imprimerie Mame, à Tours. C’est le progrès ! clamait-on alors.
Ce progrès consistait à faire composer des textes sur une machine laquelle, branchée sur le téléphone, envoyait en quelques minutes toute la composition d’un livre depuis le domicile d’une dame qui assurait la frappe chez elle sur une bande perforée jusqu’à l’imprimerie où ledit livre passerait sous forme de pages de composition au plomb pour être imprimé. On appelait cela la « télécomposition ». Aujourd’hui, nous avons l’ordinateur et Internet. Les grands quotidiens nationaux ont tous des éditions de province mais une unique rédaction et un seul atelier de composition à Paris. Les textes mis en page enregistrent le bon à tirer simultanément à Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Lille.
Dans ces années-là, j’ai lu dans L’Auto-Journal qu’il fallait 123 personnes à la chaîne Renault pour fabriquer une Dauphine. Ce chiffre incluait la sous-traitance et les commerciaux. Et, toujours dans ces années-là, est apparu insidieusement le terme devenu à la mode de productivité.
On s’est alors souvenu d’un certain Winslow Taylor. Le taylorisme consiste en une organisation rationnelle du travail qui est divisé en tâches élémentaires, simples et répétitives, confiées à des travailleurs spécialisés. A chaque décennie, dix emplois étaient remplacés par des machines. Souvenez-vous des regards ébahis que nous portions alors sur les robots auxquels on confiait les tâches les plus risquées ou les plus nuisibles pour la santé, notamment aux presses et dans les ateliers de peinture. A ce jour, moins de vingt ouvriers suffisent pour sortir une berline 4 places sur la chaîne de montage. La machine remplace les manquants.
C’est le progrès.
Chaque ménage français devra posséder sa voiture, a alors proclamé haut et fort un ministre lors de l’inauguration d’un salon de l’Auto. Pour ce faire, au nom du progrès on allait produire et produire plus encore. Les chaînes tournaient 24/24. Pour en assurer la continuité, on faisait venir du Portugal, d’Algérie, du Mali, des ouvriers formés à la hâte et logés à la diable. Il fallait produire et produire toujours. Produire et écouler rapidement. On inventa le crédit automobile, on décréta qu’il faudrait prévoir des places de parking dans les HLM, on décida d’un réseau autoroutier entre la France et ses voisins, on lança des tankers géants pour amener le carburant aux raffineries, on décida d’un périphérique autour des grandes villes, on élargit les routes nationales, on expropria pour créer des
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 66 / 71
rocades. Négligeant le transport par fer, on a fermé les lignes « non rentables », développé le TGV et encouragé le tout-camion, système fortement soutenu par Bruxelles.
C’est le progrès ! continuait-on d’expliquer.
Elle est où, dans tout ça, ma civilisation des loisirs ?
Tout dernièrement, l’autre rigolo nous en a fourni sa version en claironnant : travailler plus pour gagner plus. Avec Moulinex qui libère la femme (de son emploi), on voit où conduit le terme de productivité. On fait exécuter en Chine ou en Malaisie les objets du progrès et l’on offre les loisirs de Paul Emploi à ceux qui les fabriquaient jadis et à qui on demande de les acheter. Au nom de la Sainte Productivité.
En 1938, à qui achetait une voiture on affirmait que c’était pour la vie entière. L’objet s’inscrivait dans la durée. Aujourd’hui, un représentant honnête vous confiera qu’une voiture doit durer cinq ans et pas davantage. Il faut que la machine tourne, que les chiffres de production soient à la hausse, que l’action PSA tienne la cote. Il se dit même que la carte-mémoire de certains appareils est programmée pour limiter la durée de leur usage, que dans chaque appareil domestique il est introduit un « maillon faible » afin que ceux-ci soient tels qu’il sera devenu moins couteux de les remplacer que de les faire réparer (une imprimante informatique coûte 100 €, en panne après cinq années de service, il en coûte 75 € pour la faire réparer ou 90 € pour acquérir le dernier modèle plus performant).
Produire, toujours produire ! Et le système nous rend captifs car ces objets du progrès qu’hier nous jugions à peine utiles sont devenus indispensables.
Subrepticement, on est passé de la notion de production à celle de productivité ; ce dernier mot en cachait un autre, celui de compétitivité. Exprimé par des mots simples, cela revient à produire davantage afin de faire fructifier le plus rapidement possible l’argent investi. Si vous n’avez pas compris, écoutez ce qu’en dit un quotidien plus vendu à Neuilly qu’à Belleville : « On ne ramènera la compétitivité à un chiffre raisonnable pour l’investisseur qu’en pratiquant des coupes claires dans la valeur travail et en opérant des choix judicieux dans les investissements ». L’auteur de l’article a bien écrit : « la valeur travail ». C’est-à-dire l’ouvrier, celui qui produit, qui transforme la matière en objet. Pour s’en libérer, le robot est devenu l’ouvrier parfait. Des machines qui ne sont pas syndiquées, qui font le boulot sans heures sup et sans réclamer les 35 heures et des congés payés, qui opèrent 24/24 sans se mettre en grève et auxquelles on n’aura pas à servir une retraite face à des hommes sans travail et finalement sans moyens d’acheter ce que produisent les machines. Et ils osent appeler ça le progrès !
C’est ça, leur civilisation des loisirs ? L’In-Secte, 4-2012.
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Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 67 / 71
Après le travail en miettes, la société en miettes
Jadis, il n’y a pas si longtemps, on a commencé à parler du travail en miettes. On a pris pour cela l’exemple de l’artisan sabotier qui confec-tionne une paire de sabots sur commande. Que va faire ce brave homme ?
Tout d’abord il s’enquiert de la pointure du destinataire et de ses goûts. Ensuite il choisit parmi les essences : saule, frêne ou peuplier selon l’usage prévu, puis il prépare ses gouges, racloirs et herminettes qu’il affûte avant de se mettre au travail. Les deux sabots viendront naturellement de la même pièce de bois. Une fois son œuvre achevée, il la lardera de cuir, la décorera au fer d’un dessin stylisé puis il lui donnera une couche de verni de protection. Il aura ainsi réalisé la totalité des opérations. En finale, il est fier d’y graver son enseigne : Charles Lefort, Maître Sabotier à Couzon.
Quand est venue la mécanisation, quatorze machines (peut-être vingt-trois) alignées dans un atelier « moderne » vont réaliser des paires de sabots à la chaîne. Pieds gauche ici, pieds droits là. Une douzaine d’ouvriers alimentent et surveillent les machines sans se soucier si les deux éléments de chaque paire proviennent du même arbre et du même bois, mettent deux gouttes d’huile sur un engrenage, restent attentifs à la bonne marche de la production sans en connaître les destinataires. Toutes les pièces se ressemblent. Dessous, on trouve une étiquette autocollante précisant « SARL Fortin et Cie, Découzu ».
D’un côté nous avons Charles l’artisan qui fabrique de ses mains deux paires de sabots par jour, de l’autre, les ouvriers et employés de la société Fortin qui, dans l’indifférence mais avec célérité, en fabriqueront quatre cent-soixante paires vendues deux fois moins cher.
Découzu, c’est le mot qui convient. C’est le travail en miettes, le travail parcellaire. Finie la joie de voir le fruit de son travail, on s’exprime en chiffres de production, en courbes de ventes, en termes de marché. Chaque jour, le directeur de la société Fortin s’interroge : « Quel poste puis-je supprimer pour réduire la masse salariale » ? Car son premier souci consiste à satisfaire les commanditaires, les actionnaires de Fortin et Cie. De quoi s’embarrasserait-il puisque « ça se vend bien ».
Des miettes qui viennent de partout
Le moteur de ma Clio est fabriqué en Slovénie, les sièges proviennent de Hongrie, les organes de roulement sont belges, les éléments du tableau de bord viennent de Malaisie, les freins sont italiens, le radiateur est allemand, la boîte de vitesses est de provenance marocaine, les phares sont faits au Portugal mais ma voiture est française puisqu’elle est montée à Sandouville. Outre que cela fait beaucoup de camions sur nos routes, on voit par cette démonstration que les miettes suivent de près les lois du marché. D’un curieux marché puisqu’il s’agit de la main-d’œuvre à laquelle on demande de s’adapter, d’accepter la « flexibilité », une des dernières inventions du patronat pour obtenir davantage de production tout en diminuant la charge salariale. Les Slovènes, les Belges, les Hongrois ne sont pas meilleurs, ils sont « moins chers ». Alors on éparpille la production vers le moins-disant.
Des miettes dans les têtes
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 68 / 71
N’y a-t-il que le travail qui est morcelé ? Pas du tout peuvent répondre les Ajistes qui ont vécu et éprouvé l’effort collectif et sa récompense vécue : la communion du feu de camp, du chant choral, de la rando, du béton partagé, du dortoir et des projets de lendemains heureux.
Hélas ! vint le scooter qui favorisa les sorties en individuel, puis la bagnole qui décima les foyers ajistes en créant des catégories. La mise en miettes de la société voulue par le Conseil National de la Résistance débutait, cette mise en miettes annonçait la mort de l’ajisme.
L’émiettement s’est amorcé dans les années cinquante lorsqu’on a commencé à entasser ceux qui sentent la sueur dans des barres et des tours, lorsqu’on a favorisé le transport individuel en criant haro sur le service public, lorsqu’on a laissé se créer des super et des hyper où l’habitant des barres et des tours est devenu totalement anonyme, lorsqu’on s’est mis à légiférer pour restreindre les acquis issus du Conseil National de la Résistance.
La TSF, bientôt relayée par la télévision allait immerger les jeunes générations dans l’individualisme, le consumérisme, le culte de la vedette. On veut nous laisser croire que vivre est un combat pour être le meilleur, pour dominer. On veut nous laisser entendre que nous pouvons atteindre les sommets de l’enrichissement par l’effort individuel, c’est-à-dire la sélection, l’élitisme. C’en est fini des valeurs collectives chantées en 36 et reprises en 45, des élans vers un avenir solidaire et généreux. L’esprit collectif n’a de valeur aujourd’hui que lorsqu’il reflète un esprit de caste dont l’emblème est le papier monnaie.
Il y a deux mots que le Medef abhorre : fonctionnaires et monopole. Les petites phrases et les mots d’ordre repris par une presse bienveillante produisent leur effet. Le terme de contribuable s’est substitué à celui de citoyen, celui de solidarité a disparu du registre, il faut parler de « charges ». Oui, les trente glorieuses sont bien finies !
En légiférant pour obliger les patrons à régler les salaires en chèques ou par virement, on a conduit jusqu’au comptoir des banques l’OS de Renault à qui ont été proposées les « valeurs maison » pour faire fructifier ses économies. Pour le faire courir plus vite, on a inventé pour lui des « avantages fiscaux », on l’a rendu actionnaire de sa propre entreprise (salauds de grévistes qui vont faire chuter mes actions !) après quoi, soutenues par Bruxelles, les nations se sont mises à privatiser tout ce qui pouvait l’être. Les régies d’eau et de transport sont visées, les autoroutes, les sociétés de service public sont reprises par des géants comme Veolia ou Vinci qui en empochent les profits, les organismes de prévention vont être mis en concurrence avec les banques et les grandes compagnies d’assurances, les soins privés prennent le pas sur l’hôpital public, les arsenaux ont laissé la place à Thalys, les lois PPP (Partenariat Public-Privé) vont rendre Bouygues possesseur du ministère des Armées, d’autres constructeurs seront propriétaires de prisons, d’hôpitaux ou d’établissements scolaires.
Avec quel leader de quel pays et à quel moment tout cela finira-t-il ?
Car on entend déjà la révolte qui gronde…
L’In-Secte. 1-2013
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 69 / 71
Questions et réelexions sur des accidents aériens
Charters… Où est le risque ? Charter n’est pas un type d’avion, c’est un mode de paiement, une charte, un acte. Selon le
principe qu’il ne suffit pas de faire voler des avions mais qu’il faut aussi les remplir, les gros porteurs mis en service dans les années 70 (B 747, DC-10, Airbus A-300) ont créé la nécessité d’attirer sur leurs sièges une clientèle qui n’avait jusqu’alors jamais pris l’avion en raison de son coût. Les avions triplant leur capacité, on est passé du transport élitiste pour PDG et starlettes au transport de masse. Dans le même temps des chaînes hôtelières se créent dont les compagnies aériennes sont le premier actionnaire (Novotel) : le passager captif devient client de l’hôtel.
Il y a donc d’une part des vols réguliers qui offrent les sièges vacants à une clientèle dite charter laquelle se déclare prête à payer moins cher mais plusieurs mois à l’avance un billet pour une destination donnée et, d’autre part, des « vols affrétés » à classe unique, composés de groupes constitués ratissés par les agences de voyages dont c’est la vocation (Club Med, Nouvelles Frontières, Go Voyages, Fram…). Pour assurer ce service à la demande, des compagnies dites charter se sont créées dans chaque pays (cherchez la banque qui se trouve derrière !).
La déréglementation, le libéralisme économique sauvage, les accords de Bruxelles, voici réunis les trois facteurs du risque aérien.
La déréglementation, c’est : je vis dans une société libérale, je me moque de ce que fait le voisin, je baisse mes tarifs afin de tirer mon coefficient de remplissage vers le haut, si possible les 100 %. Je supprime les services à bord, j’opère à minima, je me contente d’appareils de l’ancienne génération que j’entretiens en ayant recours à la sous-traitance, je paie mon personnel en bas de la grille des salaires.
Voyons ce que disent les accords de Bruxelles : une société belge achète aux Lithuaniens avec des capitaux espagnols des avions issus des surplus russes et obtient le permis d’exploiter une ligne Munich-Toulouse. Normal, au nom de la liberté d’entreprendre, Bruxelles ne peut que donner son accord et pénaliserait l’Etat qui s’y opposerait. Pareillement, la compagnie grecque Machinopoulos peut venir exploiter en France une ligne Bordeaux-Chambéry si elle le souhaite et si elle se trouve une clientèle, Paris ne peut pas s’y opposer, Bruxelles soutiendra.
Le matériel. La vie d’un avion est d’environ trente ans. A la condition qu’il soit parfaitement entretenu.
Que fait donc une compagnie aérienne d’avions parvenus en fin de course dont elle veut se dessaisir ? Une compagnie sérieuse les « ferraille », les vend à un casseur au prix du kilo de métal. Gain : 1.000 €. Mais on trouvait, à la fin des années 80, des Caravelle en état de vol pour 500.000 F.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 70 / 71
Que fait un riche potentat d’une République latino-américaine qui veut investir et créer sa propre compagnie ? Il s’informe du marché de l’occasion qui déborde d’appareils retirés des compagnies honnêtes et met en service des appareils de 2e, de 3e main. Le potentat peut aussi s’appeler Banque Machin et créer à Paris sa compagnie « Low Cost », à bas coût. Dans les textes, elle présente toutes les garanties requises. On n’exige de son PDG aucune autre compétence que financière. Les actionnaires de la Banque Machin vivent du produit de l’argent, qu’il s’agisse de yaourts, de vêtements de confection ou d’aviation, ils attendent un profit à deux chiffres. Et ainsi Internet fourmille de propositions de billetterie à prix cassés pour toutes les destinations du monde. Il faut impérativement remplir les avions à 100 %, les rentabiliser en les faisant voler 24/24.
Toutes les compagnies dites charters ne sont pas des moutons noirs et il en est même qui, conscientes de leurs insuffisances, confient la maintenance de leurs appareils à des compagnies nationales (Air France-KLM peut le prouver). Mais la tentation demeure d’aller au plus économique, de tirer sur les normes et, en finale, de compromettre la sécurité.
La sanction ?
L’OACI, Organisation internationale de l’Aviation civile, fournit des recommandations, édicte des règles strictes, impose des obligations. Mais ne sanctionne pas. C’est aux Etats de faire le ménage chez eux. C’est la porte ouverte aux pavillons de complaisance. Ainsi la mort d’Air Afrique a donné naissance à des micro-compagnies locales qui se donnent des vocations internationales, prestige oblige, et dont la fiabilité prête à commentaires. Mais prendrait-on le risque de fâcher le président Untel chez qui le sous-sol regorge de pétrole en refusant qu’un de ses avions se pose à Roissy ? Cornélien.
La DGAC, Direction générale de l’Aviation civile, fait appliquer les règles, opère des contrôles, sanctionne les moutons noirs… lorsqu’elle les débusque. Un contrôleur pour 1.700 mouve-ments d’avions c’est dire que les mailles du filet sont larges. Ces gens sont compétents, ils se tiennent informés, se livrent sans relâche à une chasse aux avions vétustes mais ils sont trop peu nombreux. Ils sont le gendarme au bord de la route, ils incitent à lever le pied.
Il incombe avant tout aux agences de voyages de se livrer à des investigations, d’exiger des garanties, d’opérer une sélection.
Une note optimiste maintenant : environ 18.000 appareils assurent une moyenne de six vols commerciaux quotidiens. Plus de vols que de secondes dans une journée. Plus de six millions de personnes franchissent chaque jour la passerelle d’un avion, près de deux milliards de passagers/an. Ce chiffre est en augmentation de 6 à 7 % par an. La sécurité s’est multipliée par 35 en 25 ans. Ne perdons pas non plus de vue que l’eau polluée tue chaque jour autant de personnes que 30 Boeing 747 peuvent en contenir : 12.000 chaque jour, 4 millions par an. C’est moins spectaculaire, ça ne paraît pas dans la presse.
L’In-Secte.
Extraits In-secte de « Notre Amitié » Bulletin Anaaj Paris page 71 / 71