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PERSPEKTIVEN
PERSPECTIVES
La miniature indienne et les questions de perspective
Représenter en perspective signifie reproduire des objets en trois dimensions sur une surface plane, tout en donnant à l’image une impression de profondeur. La perspective linéaire, axée sur un point de fuite, nous semble aujourd’hui presque naturelle et logique. En Occident, elle s’est depuis longtemps muée en habi-tude et en critère de référence. Grâce à la photogra-phie et au cinéma, elle est devenue l’essence même de la manière naturelle de voir, et, par conséquent, de la manière naturelle de peindre. Les images qui ne répondent pas à ces critères sont souvent jugées, à tort, « naïves », peu évoluées ou imparfaites. L’exposi-tion « Perspectives » remet en question ce point de vue et offre une introduction à l’utilisation de la perspec-tive et aux façons particulières de représenter et de regarder que l’on trouve dans la miniature indienne.
En peinture, l’histoire de l’art démontre que la représen-tation de la perspective est, en Europe aussi, le résultat d’une longue évolution. En fait, ce n’est que depuis la Renaissance que la perspective telle que nous la con-naissons existe. Filippo Brunelleschi est communément considéré comme l’inventeur de la perspective fondée sur des principes mathématiques. Les peintres italiens – qui, souvent, étaient également des érudits dans divers domaines tels que les mathématiques, la philosophie et l’architecture – l’appliquèrent à leurs oeuvres et con-tinuèrent à la développer. On peut citer ici en exemple Masaccio (Tommaso di Ser Giovanni di Mone Cassai).
Dans le monde germanophone, Albrecht Dürer joua un rôle majeur dans la propagation de ces nouvelles tech-niques de représentation de la profondeur. A l’époque moderne, la perspective perdit à nouveau en importance dans les arts plastiques, voire disparut complètement.
Dans le sous-continent indien, la représentation de la profondeur connaît une évolution toute particulière. Tandis qu’au XIIème siècle les corps sont représentés dans un espace tridimensionnel et possèdent une forte plasticité grâce à de fines nuances de couleurs, cette manière de produire un effet de perspective passe à nouveau à l’arrière-plan aux siècles suivants. La con-naissance de l’art européen, qui prend de l’ampleur à cette époque, enrichit le répertoire des miniaturistes d’autres techniques picturales de représentation de la perspective. Aussi bien la perspective axonométrique, si importante en architecture, que la perspective liné-aire sont employées dans la peinture indienne à partir de la deuxième moitié du XVIIème siècle afin de produire un effet de profondeur. Toutes deux sont cependant appliquées de façon très créative qui tiennent compte des habitudes visuelles locales tout en conservant les conventions picturales et les traditions existantes.
Au cours des siècles durant lesquels les artistes tentaient de rendre une impression de perspective grâce à diverses techniques, ils subirent de nombreu-ses critiques. Platon déjà qualifiait ce type d’images
d’« illusions », qui cherchaient à imiter la réalité sans tenir compte de la nature des choses : un homme n’est pas plus petit parce qu’il se tient plus loin de nous, il apparaît seulement ainsi. Ce « jeu » d’illusion optique devint par là même un motif populaire pour les peintres.
Ce jeu ne fonctionne que si le public s’y laisse prendre, se laisse « tromper » par les changements de per-spective fabriqués par les peintres. Dans la miniature indienne, les peintres choisissent consciemment de ne pas imiter la réalité visible. Il s’agit surtout – selon l’esthétique indienne – de l’essence de la réalité et de son « goût ». Ainsi, la représentation de la perspective demeure jusqu’au bout une question de perspective…
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Au cours des siècles, l’usage de la perspective dans la miniature indienne varie sans cesse. La peinture des manuscrits anciens sur feuille de palme ou écorce de bouleau est très proche des fresques des monastères troglodytes et représente les divinités de face, comme des sculptures dans leurs niches. Les corps, dans diver-ses postures, se distinguent par leur plasticité et leur profondeur. Cette façon de peindre se poursuit égale-ment dans la peinture plus tardive, sur papier, où les figures humaines tournent au moins le torse de trois-quarts vers le spectateur. C’est uniquement dans la représentation des yeux que, sur certaines images, les artistes renoncent à une représentation « correcte » : l’œil qui serait, logiquement, entièrement ou partielle-ment caché est rendu apparent, car il doit être visible afin de conférer plus de vivacité aux personnages. A l’inverse, pour les animaux ou les structures architectu-rales ainsi que les autres éléments inanimés, la repré-sentation de profil prend de plus en plus d’importance.
Durant la phase suivante, des éléments naturels du décor, comme les arbres, sont intégrés à l’image afin de transmettre une impression de profondeur. Bien que leur taille ne soit pas « à l’échelle », on a l’impression qu’ils se trouvent « derrière » les personnages, car ils sont en partie cachés par ceux-ci. On observe la même chose dans les représentations de groupes de personnes. Cette technique n’est que rarement employée dans la
1 Développement de la perspective dans la peinture indienne
Ausstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 1
Folio extrait d’un manuscrit bouddhiqueArtiste inconnu du NépalNépal, autour de 1600Musée Rietberg Zurich | RNE 100
Un Tirthankara s’arrache rituellement les cheveuxFolio extrait d‘un manuscript du Kalpa SutraArtiste inconnu du GujaratInde, XVème siècleDon de la Collection Eva et Konrad SeitzMusée Rietberg Zurich | 2019.444
L’amie de Radha plaide la cause de KrishnaFolio 184 du troisième Rasikapriya d’OrchhaInde, Bundelkhand, 1610–1615Don de la Collection Eva et Konrad SeitzMusée Rietberg Zurich | 2019.519
peinture la plus ancienne du Bundelkhand. Les diffé-rentes parties de l’image sont en général peintes avec un certain espace entre chacune d’elles. Les surfaces textiles comme les tapis ne sont pas dessinées de côté ni en biais, mais à la verticale. La combinaison de ces surfaces avec les structures architecturales produit un effet inhabituel, mais c’est ainsi que les motifs com-pliqués des étoffes deviennent clairement visibles.
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Punyaki RaginiFolio extrait du « premier » Ragamala de Devidasa Attribué à Devidasa de NurpurInde, région de Pahari, autour de 1690Don de la famille PremchandMusée Rietberg Zurich | RVI 1903
6 Inspiration de la peinture moghole
Une représentation de l’espace très différente de celle que l’on trouve dans les miniatures des cours princiè-res hindoues est présente très tôt déjà dans la peinture moghole (images 7–9). Rien que le format à la verticale de la feuille de papier produit une impression de plus grande profondeur. À cela s’ajoute la division classique de l’image en trois tableaux superposés qui constituent, du point de vue de la mise en scène, un premier plan, un plan moyen et un arrière-plan. Tandis qu’en Perse cette divi-sion correspondait à l’origine à une succession temporelle d’événements, dans les peintures mogholes, l’événement principal est représenté au centre de l’image. Le haut du tableau, selon le modèle européen, montre en général l’ho-rizon, le ciel et quelques petites habitations. L’espace de l’image est ainsi ouvert, et le regard est censé pouvoir se perdre dans le lointain. Ce type de construction d’image se retrouve aussi fréquemment dans la peinture duDeccan, fortement influencée par la miniature moghole.
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Attaque contre des fugitifs Folio extrait du manuscrit de l’Akbarnama dit de la Chester Beatty/British LibraryAttribué à Dharam DasInde, époque moghole, 1593–1596Don de Balthasar et Nanni ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 1792
Une dame au templeAttribué à Muhammad Faqirullah KhanInde, époque moghole, autour de 1740Don anonymeMusée Rietberg Zurich | 2010.54
Au plus tard à partir du XVIIème siècle, et plus encore à partir de la deuxième moitié du XVIIIème siècle, les repré-sentations architecturales en perspective deviennent également partie intégrante du répertoire des ate-liers de peinture hors de la cour moghole. Toutefois, émergent des formes et des applications particulières qui tiennent également compte des habitudes visu-elles traditionnelles. Par conséquent, la combinaison de différentes perspectives ne doit pas être perçue uniquement comme une première approche d’une technique nouvelle. Elle reste en effet courante par la suite et se développe en élément stylistique qui joue consciemment avec le regard du spectateur et crée volontairement des structures d’image captivantes.
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Kedara RaginiFolio extrait d’un RagamalaArtiste inconnu de HyderabadInde, Deccan, autour de 1765–1780Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2076
Vamana avataraFolio extrait d’une série illustrant les dix avatars de Vishnu Artiste inconnu de la cour de Mankot, peut-être Meju Inde, région de Pahari, autour de 1700Legs de la Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1211
Rama et Lakshmana arrivent chez DasharathaFolio extrait du Ramayana de Guler de 1775/1780 Maître de la première génération après Manaku et Nainsukh de Guler Inde, région de Pahari, autour de 1775Prêt permanent de la Collection Eberhard et Barbara Fischer
12 La perspective linéaire et la force de l’habitude Pour l’oeil des visiteurs occidentaux contemporains, les peintures indiennes troublent à cause de leur absence de perspective linéaire, ou en raison de leur emploi uni-quement partiel de cette technique picturale. Pour cette raison, elles sont souvent qualifiées de « naïves », et leurs
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peintres sont perçus comme dépourvus de certai-nes aptitudes. La représentation en profondeur d’ob-jets sur des surfaces planes ne dépend cependant pas uniquement des compétences artistiques ou des traditions et intentions de représentation ; elle doit également tenir compte des habitudes du public.
C’est en tombant sur une « erreur » que nous apparaît en général le fait que la miniature indienne applique la perspective de manière différente. Dans certains cas, ces « erreurs » nous sautent aux yeux ; dans d’autres, ce n’est qu’en regardant plus attentivement qu’on les aperçoit. La perspective linéaire n’est en effet pas appli-quée rigoureusement : les poteaux soutenant une tente semblent se dresser au « mauvais » endroit, le support des baldaquins sont « de biais », certaines surfaces paraissent comme « dépliées », ou des personnages et des objets ne sont pas placés « correctement » ou sem-blent « trop grands ». Dans d’autres tableaux, les points de fuite ont l’air d’être répartis « aléatoirement » dans l’image, de sorte qu’un objet doit être vu depuis la droite, un autre depuis la gauche, et encore un autre depuis le haut ou alors depuis le bas. Toutefois, ce type de repré-sentation permet de voir chaque élément d’une image pour lui et en tant que tel, et pas uniquement comme une pièce appartenant à un espace fermé, qui ne peut être vu que sous un seul angle. Chaque motif, unique, gagne ainsi en importance et raconte sa propre histoire.
Patamanjari Ragini Folio extrait du Ragamala G.K. Kanoria-Mewar Artiste inconnu du MewarInde, Rajasthan, autour de 1690Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | 1937
Vishnu et Lakshmi entourés de servantesRuknuddin de BikanerInde, Rajasthan, daté de 1678Acquis grâce au legs de Lucy RudolphMusée Rietberg Zurich | 1854
Krishna se prépare à dormirArtiste inconnu du MewarInde, Rajasthan, 1725–1750Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | 1084
La confusion de RadhaAttribué à Sajnu de KangraInde, région de Pahari, autour de 1810Acquis avec des fonds de Lucy RudolphMusée Rietberg Zurich | RVI 886
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Krishna prodigue ses conseilsFolio extrait d’une série au thème inconnuArtiste inconnu de KangraInde, région de Pahari, 1800–1825Legs de la Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1335
Vamana avataraFolio extrait d’une série illustrant les dix avatars de VishnuAttribué à Mahesh de ChambaInde, région de Pahari, 1725–1750Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | 1254
Ragini BangaliFolio extrait d’un RagamalaArtiste inconnu du DeccanInde, Deccan, autour de 1800Don de Georgette BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 951
Ragini GujariFolio extrait d’un RagamalaArtiste inconnu à AurangabadInde, Deccan, fin du XVIIème siècle Musée Rietberg Zurich | RVI 1687
Krishna vainc le roi-serpent Kaliya Folio extrait du Harivamsha de Chandigarh Purkhu de KangraInde, région de Pahari, 1800–1825Don de H. et J. Tobler, B. et E. FischerMusée Rietberg Zurich | RVI 1901
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Dans certaines miniatures, l’usage des perspectives peut être effectivement considéré comme un défaut ; dans d’autres, cependant, ce mode de représentation poursuit clairement un objectif précis. Les artistes indiens excel-laient dans ce « jeu » avec les spectateurs de l’œuvre, qui se demandaient constamment ce que l’artiste sou-haitait leur faire voir et ce que l’on gagnait grâce à cette représentation particulière. L’emploi de divers points de fuite et la combinaison de diverses perspectives (la perspective multiple) permettaient notamment de voir des objets, des surfaces ou des recoins qui auraient été sinon distordus ou entièrement cachés en raison de la création d’un effet de profondeur. Les motifs artistiques des tapis ou les ornements de l’intérieur d’un baldaquin devenaient alors visibles dans toute leur splendeur. De la même manière, une fontaine près d’un bâtiment, un mur d’enceinte ou encore des balustrades bien déco-rées pouvaient être entièrement intégrées à l’image.
En sachant cela, les miniatures peuvent évoquer dans notre imaginaire un théâtre de papier, ou encore un événement reproduit en trois dimensions, semblable à une maquette. En même temps, l’artiste nous emmène avec lui dans un voyage presque réel dans la scène qu’il peint, et ne nous laisse pas demeurer des observateurs extérieurs, hors de l’événement. Si l’on s’y laisse prendre, de magnifiques et touchantes expériences visuelles s’ouvrent à nous.
22 Les miniatures indiennes changent notre regardAusstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 2
Scène de théâtre : un roi sage donne audienceFolio extrait d’une série au thème inconnuArtiste inconnu de l’époque d’AkbarInde, Delhi, 1575–1615Acquis avec des fonds de Balthasar et Nanni ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 925
Krishna à VrajArtiste inconnu de NathadwaraInde, Rajasthan, 1875–1900Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 1992
Markandeya a la vision de KrishnaArtiste inconnu de MankotInde, région de Pahari, autour de 1750Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1219
Petit temple de Radha et KrishnaArtiste inconnu du MewarInde, Rajasthan, autour de 1850Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1130
Couronnement de RamaFolio extrait d’un RamayanaArtiste inconnu de Lucknow ou Murshidabad Inde, Awadh, 1725–1750Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1040
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Rituels sur le ghat d’un lieu de pèlerinageMaître de la première génération après Manaku et Nainsukh de Guler Inde, région de Pahari, autour de 1775Don de la Collection Werner ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 2207
Procession de pèlerins en direction d’Amarnath au Cachemire Artiste inconnu de JammuInde, région de Pahari, autour de 1850Legs de Rudolf et Lotte TreuMusée Rietberg Zurich | RVI 2176
Bhizan en prisonFolio extrait d’un Shahnama « jainesque »Artiste inconnu de Malwa ou du BundelkhandInde, époque du sultanat de Delhi, autour de 1425–1450Don d’Ursula DohrnMusée Rietberg Zurich | RVI 1883
Temple de Durga Folio, éventuellement extrait d’une série de vues de templesAttribué à SajnuInde, région de Pahari, peut-être Kangra, autour de 1810Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2128
Devi est adorée par dieux et ascètesFolio extrait de l’hymne SaundalahariArtiste inconnu de MandiInde, région de Pahari, peut-être Kangra, autour de 1810Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2129
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Dans une image, les points de fuite – et les ajustements géométriques qui en découlent – sont des composan-tes essentielles de la transmission de l’impression d’espace. Toutefois, les nuances de couleurs, produi-sant des effets de plasticité et d’ombre et de lumière, sont tout aussi importantes. De même, l’arrangement et la superposition des personnages joue un rôle, ainsi que l’impression de rapetissement optique dû à un plus grand éloignement. La représentation de la profon-deur provoque la superposition de certains éléments de l’image et l’ajustement des proportions. La lumière change, s’estompant à l’horizon, par exemple lors de la représentation d’un paysage. Tout cela contribue grandement à ce qu’un tableau soit perçu comme illu-sionniste et, par conséquent, comme « naturaliste ».
Les miniatures indiennes, quant à elles, n’ont pas pour but premier d’imiter la vision naturelle. Il s’agit bien plus d’une expérience artistique qui transmet des idées, des conceptions et des émotions, raconte des histoires et
34 La perspective de l’expérience et des savoirs
33 Le maharana Jagat Singh II se laisse conduire à son palais-île sur le lac Pichola Artiste inconnu à la cour du maharana Sangram Singh II d’Udaipur Inde, Rajasthan, Mewar, autour de 1750Acquis avec des fonds de Balthasar et Nanni ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 1832
les enrichit d’une myriade de détails, faisant ainsi appel à tous les sens – même à notre force d’imagination. Le sentiment de danger ou d’exiguïté se traduit automati-quement dans l’esprit du public par des murs courbes ou des paysages distordus, et, au contraire, la joie est exprimée par des motifs floraux répartis généreusement et avec goût sur l’ensemble du tableau. Une miniature indienne est ainsi la somme de nombreuses expérien-ces et de savoirs qui peuvent être mis en relation avec ce qui est représenté. Une image est le produit d’une intense réflexion, jointe à une grande habileté artistique et à une profonde sensibilité au dialogue avec le public.
Bhairavi RaginiFolio extrait d’un Ragamala accompagné du texte du poème dans un cartouche carré Artiste inconnu de JaipurInde, Rajasthan, autour de 1800Don de la Collection Werner ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 2225
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Sudama se rend au palais de Krishna à DwarkaDessin pour une série illustrant la légende de Krishna et SudamaMaître de première génération après Manaku et Nainsukh de GulterInde, région de Pahari, autour de 1770Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1454
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41 Danse des bergersFolio extrait du Bhagavata Purana de Tularam Artiste inconnu de SuratInde, Gujarat, autour de 1640Musée Rietberg Zurich | RVI 829
Parvati donne vie à KaushikiFolio extrait du Devimahatmya dit « à la bordure bleue » Artiste inconnu de GulerInde, région de Pahari, 1780–1800Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2123
Jarasandha fait le siège de MathuraFolio extrait d’un Bhagavata Purana Artiste inconnu de MalwaInde, Bundelkhand, 1650–1660Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 1923
Un repas est offert aux brahmanesFolio inachevé extrait d’un manuscrit illustrant la légende de Nala et DamayantiMaître de la première génération après Manaku et Nainsukh de Guler Inde, région de Pahari, 1790–1800Musée Rietberg Zurich | RVI 1513
Krishna libère les bergers prisonniers de Brahma Folio extrait d’un manuscrit du Bhagavata Purana Artiste inconnu de l’OrissaInde, autour de 1800Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2090
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Au plus tard au XVIIème siècle, les corps, plus particulière-ment, gagnent à nouveau en plasticité dans la peinture indienne, notamment grâce grâce au drapé des étoffes aux motifs soigneusement peints et à leurs nuances de coloris. Les artistes rendent également avec précision et réalisme les attitudes et les mouvements. Les ombres, par contre, jouent à peine un rôle dans ces images. Les tableaux diurnes semblent être constamment éclai-rés de manière uniforme. C’est uniquement dans les scènes nocturnes que les artistes jouent avec diverses sources de lumière, introduisant ainsi de vifs contrastes. Cependant, les tableaux de nuit sont également souvent éclaircis, et la pâleur des couleurs rend la lumière froide de la lune presque palpable. Pour les artistes indiens, il était au fond plus important de transmettre ce senti-ment que la luminosité « authentique » de la nuit.
Les artistes emploient en outre la perspective et la division spatiale de l’image afin de séparer diverses scènes les unes des autres. Celles-ci forment alors comme de petits tableaux à part entière au sein d’un tableau plus large. Les recoins des paysages ou les pièces d’un bâtiment possèdent toujours leur propre logique et, par conséquent, leur propre perspective.
Une autre perspective essentielle dans la peinture indienne est celle du rôle attribué aux objets représentés : la taille des éléments de l’image est proportionnelle au degré d’im-
42 La diversité des perspectivesAusstellungsräume Indische Malerei Park-Villa Raum 3SALLE 3
portance qu’ils revêtent, et la perspective correspond également à la place qu’occupent les divers motifs. Ainsi, les personnages sont rarement tous de la même gran-deur, peu importe leur taille physique réelle. Les édifices ou autres éléments d’un tableau sont en outre peints selon leur importance, contrairement aux habitudes de la peinture européenne. Les bâtiments sont par consé-quent toujours beaucoup trop petits proportionnellement aux êtres humains – mais peuvent également s’étaler dans toute leur monumentalité sur d’autres images. Dans cette manière de représenter se reflète l’art d’influen-cer volontairement le public et de dialoguer avec lui.
Hanuman de nuit dans le palais de RavanaÉbauche pour la suite du Ramayana de Guler de 1775/1780 Maître de la première génération après Manaku et Nainsukh de Guler Inde, région de Pahari, autour de 1790Collection Eva et Konrad SeitzMusée Rietberg Zurich | 2005.137
Krishna en vacherFolio extrait d’un Bhagavata Purana Artiste inconnu de DatiaInde, Madhya Pradesh, autour de 1770Don de la Collection Danielle PorretMusée Rietberg Zurich | 2010.7
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La paternité de DharmaFolio extrait d’un manuscrit du MahabharataAtelier de Purkhu de KangraInde, région de Pahari, autour de 1850Musée Rietberg Zurich | RVI 1810
Aristocrate rêvassantFolio extrait d’une série inconnue Maître de la première génération après Manaku et Nainsukh de GulerInde, région de Pahari, 1760–1780Don de Balthasar et Nanni ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 1895
Le mois de Kvar et le festival de Dussehra (septembre/octobre) Folio extrait d’un manuscrit illustrant le Barahmasa (poème des douze mois) Artiste inconnu de Bundi ou d’UniaraInde, Rajasthan, autour de 1770Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2038
Abhilasha – le désir Folio extrait d’un manuscrit du Rasikapriya Artiste inconnu du MewarInde, Rajasthan, autour de 1650Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 1934
La force du destinFolio extrait d’une série illustrant la Sarangadhara Paddhati Artiste inconnu d’UdaipurInde, Rajasthan, Mewar, autour de 1690Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 1941
La chasseFolio extrait d’un manuscrit illustrant la légende Rupa BasantaArtiste inconnu de KangraInde, région de Pahari, 1825–1850Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1349
Le prince héritier Pratap Singh du Mewar avec des invitésArtiste inconnu d’UdaipurInde, Rajasthan, Mewar, 1735–1740Legs de Rudolf et Lotte TreuMusée Rietberg Zurich | RVI 2185
Un jeune prince et sa suite dans leur campement Artiste inconnu de JaipurInde, Rajasthan, autour de 1800Don de la Collection Werner ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 2226
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Le mariage de Rama et SitaFolio extrait d’un manuscrit du Ramayana Artiste inconnu de LucknowInde, Uttar Pradesh, autour de 1775Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1039
Krishna admire Radha sur une terrasse du palais Attribué à Bahavani Das de Kishangarh Inde, Rajasthan, 1730–1735Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 1985
L’enlèvement des femmes au clair de lune Folio extrait d’un manuscrit du Bhagavata Purana Maître de la première génération après Manaku et Nainsukh de Guler Inde, région de Pahari, autour de 1780Collection Eva et Konrad SeitzMusée Rietberg Zurich | 2005.92
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Avec les contacts plus fréquents avec l’Occident et la présence croissante d’Européens en Asie du Sud, les artistes indiens modifièrent à nouveau leur manière de peindre et s’adaptèrent aux nouvelles circonstances. D’une part, ils se virent de plus en plus confrontés à des tableaux européens et purent ainsi plus aisément étudier les techniques qui leur correspondaient et se les approprier. Ce contact avec les peintres occidentaux engendra une inspiration mutuelle fructueuse entre les artistes. D’autre part, une nouvelle clientèle s’ouvrit aussi aux peintres, clientèle qui n’était pas accoutumée aux manières tradition-nelles de peindre du sous-continent et exigeait des motifs plus familiers, plus « modernes ». Cela provoqua des innovations en peinture, dans lesquelles les influences occidentales se font sentir à différents degrés. Certains artistes combinèrent habilement des éléments indiens et des éléments occidentaux, ou alors conférèrent intentionnellement à leurs images une couleur supposément traditionnelle ou exotique, « locale » ou « naïve ». D’autres eurent plutôt tendance à travailler dans le nouveau style. Les deux attitudes correspondaient à des exigen-ces différentes, et répondaient ainsi aux divers besoins du nou-veau public. On observe ici la large palette et les aptitudes des peintres indiens, qui employaient habilement des techniques, des styles et des motifs nouveaux et variés, et les appliquaient selon la nécessité du moment. Cette versatilité était déjà pré-sente aux siècles précédents, mais se renforça encore au début du XIXème siècle avec un accent mis sur l’Europe. Les artistes indiens réussirent ainsi de manière époustouflante à rester fidèles à eux-mêmes et surtout à rester fidèles à leurs prédé-cesseurs sans pour autant demeurer prisonniers du passé.
56 Le jeu avec l’Occident Vue de la ville de BenarèsFolio extrait d’une série de vues de villes Artiste inconnuInde, région de Pahari ou plaine du Panjab, 1850–1875Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1129
Vue de la péninsule de DwarkaFolio extrait d’une série de vues de villesArtiste inconnu de JaipurInde, Rajasthan, 1850–1875Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1123
Vue de BarsanaFolio extrait d’une série de vues de villesRamchander Chajuram de JaipurInde, Rajasthan, 1850–1900Don de la Collection Werner ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 2230
Vue de VrindavanFolio extrait d’une série de vues de villesRamchander Chajuram de JaipurInde, Rajasthan, 1850–1900Don de la Collection Werner ReinhartMusée Rietberg Zurich | RVI 2231
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ImpressumTextes: Caroline WidmerTraduction: Rosine VuilleRelecture: Céline GasserMise en page: Simon Hofmann© Musée Rietberg Zurich
Vue de JaipurFolio extrait d’une série de vues de villesArtiste inconnu de JaipurInde, Rajasthan, 1850–1875Collection Alice BonerMusée Rietberg Zurich | RVI 1122
Vue du palais de BhujArtiste inconnu du KutchInde, Gujarat, autour de 1800Musée Rietberg Zurich | RVI 995
Danseuses à la cour Image destinée aux touristes Artiste inconnu de la « Company School » de Delhi ou du BiharInde, autour de 1800Don de la Collection Horst MetzgerMusée Rietberg Zurich | RVI 2094
Vue de la place Saint-Marc à VeniseCopie effectuée d’après une gravure anglaise Artiste inconnu du Gujarat Inde, Gujarat, autour de 1800 Musée Rietberg Zurich | RVI 996
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