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ACTUALITE FISCALE ALLEMANDE
Luxembourg
26 novembre 2013
Oliver Stein, Avocat & Rechtsanwalt
GEBAUER STEIN Rechtsanwälte Avocats
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F-67002 Strasbourg cedex
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SOMMAIRE
I. EVOLUTIONS EN MATIERE DE TVA
I.1. Obligations documentaires des entreprises allemandes dans le cadre
d’une livraison intracommunautaire de biens
Etat de droit jusqu’au 30 septembre 2013
Etat de droit depuis le 1er octobre 2013
I.2. La bonne foi du livreur en cas de livraison intracommunautaire – BFH,
V R28/11, 25.04.2013
I.3. Le groupe fiscal en matière de TVA (« Umsatzsteuerliche Organschaft »)
II. EVOLUTIONS EN MATIERE DE PRIX DE TRANSFERT
II.1. La suprématie du droit conventionnel sur les règles nationales – BFH,
IR 75/11, 11.10.2012
Redressement uniquement pour inobservation de la forme
Prise de position du BFH en cas d’application d’une convention
fiscale
Conséquences pour les prix de transfert pratiqués avec le
Luxembourg
II.2. La conformité de l’obligation de documentation en matière de prix de
transfert avec le droit européen – BFH, IR 45/11, 10.04.2013
1) La conformité avec le droit européen
2) La notion du « lien étroit » en présence d’une fiducie
II.3. L’état de la discussion en Allemagne relative à la délocalisation fiscale
(BEPS)
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I. EVOLUTIONS EN MATIERE DE TVA
I.1 - Obligations documentaires des entreprises allemandes dans le cadre d'une livraison
intracommunautaire de biens
La livraison intracommunautaire d'un bien est exonérée de TVA dans l'État du vendeur. La
facture de ce dernier est, par conséquent, émise hors TVA. La facturation sans TVA est
cependant soumise, par le législateur allemand, au respect d'une obligation de
documentation spécifique. En cas de non-respect desdites obligations, l'entreprise
fournisseur du bien se voit redresser en paiement de la TVA afférente à la livraison.
État de droit (depuis le 1er janvier 2012) jusqu'au 30 septembre 2013 :
L'entreprise concernée doit être en possession des documents suivants :
- Double de la facture
- Attestation de l'acquéreur intracommunautaire (Gelangensbestätigung)
comprenant obligatoirement les éléments suivants :
o nom et adresse de l'acquéreur
o dénomination et quantité du bien livré, dans le cas de véhicules terrestres
à moteur le numéro d'identification du véhicule
o lieu et date de la réception voire de la fin du transport (si l'acquéreur
assure lui-même le transport)
o date de l'attestation
o signature de l'acquéreur
Aucun autre moyen de preuve n’est accepté par l'administration fiscale
(néanmoins, en réponse aux contestations que le régime a soulevées,
l'administration fiscale a décidé de ne pas appliquer la mesure jusqu'à modification
de la loi. Problème : Devant les tribunaux, ladite mesure de tempérament n'a pas
de valeur puisqu’elle ne lie que l'administration et que les tribunaux sont tenus
d'une application de la loi seule).
État de droit depuis le 1er octobre 2013 :
Désormais, l'arrivée du bien chez l'acquéreur intracommunautaire auquel il est destiné peut
être prouvée par :
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- Double de la facture
- Tout justificatif pouvant apporter la preuve de l'arrivée du bien à destination
L'attestation d'arrivée à destination d'un bien n'est donc plus le seul document par la
production duquel l'entreprise allemande peut prouver la réalité d'une livraison
intracommunautaire justifiant la facturation horsr TVA.
L’article 17 a UStDV (Umsatzsteuer-Durchführungsverordnung), dans ses alinéas 2 et 3,
énumère plusieurs moyens étant reconnus d'office comme constituant une preuve de la
réalité de la livraison intracommunautaire. Il s'agit de :
1) Article 17 a, alinéa 2, n° 2 UStDV : Attestation d'arrivée à destination :
Contenue : Attestation émanant de l'acquéreur intracommunautaire du bien
contenant les éléments suivants :
- nom et adresse de l'acquéreur
- dénomination et quantité du bien et numéro d'identification en cas de
livraison d'un véhicule
- lieu et mois de la réception voire de la fin du transport (si l'acquéreur
assure lui-même le transport)
- date de l'attestation
- signature de l'acquéreur ou d'une personne habilitée par ce dernier à
recevoir le bien
- la transmission électronique de l'attestation est désormais possible. Il est
également possible que l'attestation porte sur un ensemble de livraisons
en se référant aux différents numéros de facture. Une seule attestation
peut regrouper ainsi tous les achats ayant eu lieu lors d'une période d'un
trimestre au plus.
2) Article 17 a, alinéa 3 UStDV prévoit d'autres moyens de preuve encore que
l'administration fiscale devra accepter d'office (Attention : Les numéros 1 et 2 ne
s’appliquent que dans l’hypothèse où le bien est transporté par un transporteur et
non pas par l’une des parties à la vente) :
N° 1 a) : Lettre de transport ou double de la lettre de transport laquelle
contient :
la signature du donneur d'ordre du transport
la signature de l'acquéreur attestant de la réception du bien
Problème (de timing) : En pratique, la signature de l'acquéreur
attestant de la réception du bien ne sera pas encore parvenue
entre les mains de l’entreprise fournisseur au moment de l'envoi
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du bien, moment qui correspond dans la plupart des cas au
moment de la facturation.
N° 1 b) : Attestation du transporteur
N° 1 c) : Ordre de transport émis par écrit ou par voie électronique assorti
d'un protocole track-and-trace, à savoir d'un protocole faisant apparaître
l’ensemble du transport (la chaîne de transport) jusqu'au moment de la
réception du bien par l'acquéreur
N° 1 d) : Recommandée postale : Attestation d'un prestataire de services
postaux portant sur la réception par ce dernier du bien destiné à
l'acquéreur intracommunautaire, assortie d'une quittance attestant du
paiement du port
N° 2 : Attestation préalable du transporteur :
Le transport doit être payé moyennant virement bancaire à partir
d'un compte de l'acquéreur intracommunautaire
Dans la mesure où le transporteur ne fait que déclarer qu'il
effectuera le transport à destination de l'acquéreur
intracommunautaire, sans qu'il soit attesté des lieu et date de la
réception par ce dernier, ledit moyen de preuve est de moindre
valeur que les autres et peut être contesté par l'administration
fiscale qui peut, en cas de contestation, demander que la preuve
soit apportée par les autres moyens reconnus par la loi.
1er problème : Il est permis de douter de la praticabilité de ce
moyen dans la mesure où l'acquéreur doit fournir au vendeur du
bien un extrait bancaire justifiant le paiement du coût du transport
auprès du transport.
2ième problème : L'insécurité juridique. L'administration fiscale est
en mesure de refuser ce moyen de preuve même si les
documents requis sont matériellement produits, en alléguant des
doutes sérieux sur l'arrivée réelle du bien dans l'autre État
membre. Or, le fournisseur de bonne foi subit ainsi les
conséquences d'une situation sur laquelle il n'a aucune influence.
Ceci, tout est en ayant rempli les conditions formelles prévues par
la loi.
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N° 3 : Procédure d'expédition intracommunautaire
N° 4 : Bien soumis aux droits d'accises : procédure EMCS ou
production du document d'accompagnement
N° 5 : Véhicules terrestres : La preuve se fait par production du
justificatif selon lequel le véhicule a été immatriculé dans l’État de
destination au nom de l’acquéreur. Ce moyen ne devrait donc pas
trouver application dans des opérations en chaîne, à moins que le
revendeur acquéreur intracommunautaire immatricule le véhicule à
son nom.
Résumé : Hormis les difficultés rencontrées lors de l'utilisation d’une lettre de transport
ainsi que d'une attestation préalable du transporteur, aucune solution n'est apportée dans
les situations où la livraison du bien se fait chez le vendeur et où l'acquéreur assure lui-
même le transport à destination de son entreprise. C’est notamment le cas d'une entreprise
luxembourgeoise qui achète directement un bien dans une entreprise allemande payant le
prix cash. A priori, il n'y a que deux possibilités, l’une aussi insatisfaisante que l'autre, à
savoir l’émission d'une facturation toutes taxes comprises avec une éventuelle rectification
de la facture ultérieurement (après réception de l'attestation par le vendeur), ou bien la
facturation hors taxes, le vendeur devant faire confiance à son client pour que ce dernier lui
adresse l'attestation ultérieurement.
L’instruction du ministère des finances allemand (BMF-Schreiben) parue en date du 16
septembre 2013 n’apporte pas de solution à ce sujet.
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I.2 - La bonne foi du livreur en cas de livraison intracommunautaire – BFH, V R 28/11, 25
avril 2013
L’article 6a, alinéa 3, phrase 1 UStG (Umsatzsteuergesetz – Loi TVA) oblige le fournisseur
d’un bien d'apporter la preuve de la réalité d'une livraison intracommunautaire. Il incombe
donc au fournisseur la charge de la preuve que les conditions suivantes sont remplies :
- Transport ou expédition en direction d'un autre État membre (cf. à ce sujet les
obligations érigées par l'article 17 a UStDV mentionnées supra au I.1
- Le preneur est une entreprise acquérant le bien pour les besoins de celle-ci
- L'acquisition est soumise au régime de la TVA dans l'autre État membre.
Article 6 a, alinéa 4 UStG : La bonne foi du livreur
L'alinéa 4 de l'article 6 a UStG permet la facturation hors taxes de la livraison même si les
conditions d'une livraison intracommunautaire mentionnées ci-dessus ne sont pas
remplies, dans les conditions suivantes :
- Le preneur a fait une fausse déclaration
- Le fournisseur n'a pas pu s'en apercevoir, malgré toutes précautions prises
Arrêt du BFH, V R 28/11, du 25 avril 2013 :
Situation : (2004)
Vente de
Entreprise allemande
2 voitures
- Contact se faisait par une personne dénommée KP agissant en tant que gérant de
la société luxembourgeoise.
- Selon carte d’identité de KP, celui-ci était résident allemand
- Correspondance avec société luxembourgeoise se faisait moyennant un numéro de
téléphone mobile allemand ainsi qu’un numéro de fax allemand
- Documents en possession du vendeur allemand au moment de la conclusion de la
vente :
Soc. (Sàrl) de droit luxembourgeois ayant son siège au Luxembourg
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Extrait Kbis de la société luxembourgeoise mentionnant KP en tant que
gérant
Pouvoir établi sur papier en-tête de la société luxembourgeoise habilitant
une personne dénommée L à réceptionner les voitures
Copie de la carte d’identité de KP
- Sur demande de l’entreprise allemande, le « Bundesamt für Finanzen » avait
confirmé la validité du n° TVA intracommunautaire utilisé par la société
luxembourgeoise
- L’entreprise allemande livrait les deux véhicules à L qui payait le prix de vente en
liquide
- Sur les doubles de facture, L attestait du transport des deux voitures vers le
Luxembourg
- Le lieu d’immatriculation des deux véhicules est désormais inconnu
Lors d’un contrôle fiscal de l’entreprise allemande, l’administration fiscale révélait que :
la société luxembourgeoise a été dissoute en 1996
les cartes d’identité de KP et L étaient des faux
Considérant que les conditions d’une livraison intracommunautaire n’étaient pas remplies,
l’administration fiscale a redressé l’entreprise allemande en la faisant payer la TVA sur la
vente des deux véhicules.
En première instance, l’avis de redressement a été annulé, puis le BFH l’a rétabli pour les
motifs suivants :
1) Le vendeur n’est pas de bonne foi, même si la documentation requise par la loi (cf.
art. 17a UStDV) est complète, si les circonstances appellent à une vigilance accrue
du vendeur. C’est le cas notamment lors d’une vente en liquide d’un bien de haute
valeur.
2) En l’espèce, il y avait matière à douter que la vente allait être conclue avec la
société luxembourgeoise pour les raisons suivantes :
Le vendeur aurait, selon le BFH, dû tenter de contacter celle-ci au moins
une fois à l’adresse de son siège au Luxembourg.
Le seul contact moyennant des numéros de téléphone/fax allemands
aurait dû réveiller sa méfiance.
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Le fait que les pièces d’identité de KP et L étaient des faux, n’est cependant pas
considéré comme étant déterminant.
I.3 – Le groupe fiscal en matière de TVA (« Umsatzsteuerliche Organschaft »)
Le régime allemand du groupe fiscal en matière de TVA est censé évoluer sous l’influence
d’une jurisprudence récente de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), à savoir :
- CJUE, C-480-10, Commission/Suède, du 25 avril 2013
- CJUE, C-85/11, Commission/Irlande, du 9 avril 2013
Les litiges portaient sur la question de savoir quelle était la marge de manœuvre des Etats
membres lorsque ceux-ci font usage de la possibilité offerte par l’article 11 de la Directive
TVA (2006/112/CE).
Le tableau suivant mettra en relief les différentes conditions prévues par le texte européen,
d’une part, et par le texte allemand, d’autre part :
Art. 11
Dir. TVA 2006/112/CE
_______________________
- Après consultation du comité consultatif de
la TVA, chaque Etat membre peut
considérer comme un seul assujetti
- les personnes établies sur le territoire de
ce même Etat membre
- qui sont indépendantes du point de vue
juridique mais qui sont étroitement liées
entre elles sur les plans
* financier
* économique
* et de l’organisation
Art. 2, alinéa 2, n° 2 UStG
En droit allemand
_______________________
- L’activité commerciale ou professionnelle
n’est pas exercée à titre indépendant
- lorsqu’une personne morale est
- en considération de l’ensemble des
éléments et circonstances réels
- incorporée au sein de l’entreprise
principale (« Organträger »)
- sur le plan
* financier
* économique
* et de l’organisation
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- Un état membre qui fait usage de la faculté
prévue au premier alinéa peut prendre
toutes mesures utiles pour éviter que
l’application de cette disposition rende la
fraude ou l’évasion fiscales possibles.
Ces entreprises sont considérées comme
une seule entreprise.
Les questions auxquelles la CJUE a porté une réponse :
1) « Chaque Etat peut considérer … » - Quelle est la marge de manœuvre des Etats
membres lorsqu’ils font usage de leur faculté d’instaurer un régime du groupe fiscal TVA en
leur droit interne ? Ont-ils la possibilité d’instaurer un régime restrictif ?
Par exemple en Suède : limitation du groupe fiscal TVA aux entreprises de la finance
Ou en Allemagne : aux personnes morales en ce qui concerne les entreprises
« incorporées »
Réponse : La CJUE exige une interprétation cohérente et autonome dans toute l’Union
Européenne, malgré le fait qu’il s’agit d’un régime facultatif.
Notamment interdiction de toute condition allant au-delà des conditions prévues par
l’article 11 de la directive.
Les objectifs de la norme sont à respecter :
Simplification pour l’administration
Lutte efficace contre fraude et évasions fiscales
Neutralité de la forme juridique de l’entreprise
2) « Chaque Etat peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le
territoire de ce même Etat » - Quelles sont les personnes pouvant intégrer le groupe fiscal
TVA ? Y-a-t’il la possibilité notamment d’étendre le groupe à des personnes qui ne sont pas
des entreprises ?
Par exemple, l’Irlande où le groupe fiscal TVA n’a à inclure qu’une seule entreprise
assujettie à la TVA, les autres membres du groupe pouvant être des non-assujettis.
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Réponse : La rédaction de l’article 11 de la directive ne limitant pas le groupe fiscal TVA à
des seuls membres du groupe assujettis eux-mêmes à la TVA, rien – et notamment pas les
objectifs de la norme, à savoir la simplification et la lutte contre la fraude fiscale –
n’empêche que des non-assujettis fassent aussi partie du groupe. Au contraire, ceci
pourrait aider dans la lutte contre la fraude et apporter une simplification.
Conséquences pour le régime du groupe fiscal TVA en droit allemand :
Mise en cause :
de la limitation aux seules personnes morales concernant les
personnes/entreprises « incorporées »
de la condition de l’incorporation au sens d’une subordination entre « Organträger »
et « Organgesellschaft »
= assujetti au sein du groupe fiscal TVA
Entreprise « incorporée »
= non-assujetti au sein du groupe fiscal
TVA
L’article 11 de la directive TVA n’exige qu’un « lien étroit sur le plan financier, économique
et de l’organisation », lien dont l’existence ne suppose pas une relation de subordination
entre les différents membres du groupe.
Attention ! Le régime du groupe fiscal TVA n’étant pas un régime d’option, les
conséquences d’un changement des conditions en droit allemand sont susceptibles de
s’appliquer de droit.
Ainsi, un groupe peut être considéré là où il n’y en avait pas auparavant. Il en va de même
pour des groupes existants jusqu’ici, mais qui pourront disparaître.
Organträger
Relation de subordination
Organgesellschaft
= personne morale
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Un changement du régime allemand opérant une ouverture du groupe notamment à des
non-assujettis offre de nouvelles possibilités, mais, le cas échéant, aussi de nouvelles
difficultés pour les entreprises concernées.
Exemple :
1) Aujourd’hui :
2) Demain :
Holding
(Non-assujetti TVA)
Assujetti groupe
Société mère
Non-assujetti groupe
Société mère
Non-assujetti groupe
Filiale
Non-assujetti groupe
Filiale
Non-assujetti groupe
Prestations
hors TVA
Holding
Non-assujetti TVA
(ne fait partie du groupe TVA)
Société mère
Assujettie groupe I
Société mère
Assujetti groupe II Prestations
soumises à TVA
Filiale
Non-assujetti groupe I Filiale
Non-assujetti groupe II
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II. LES EVOLUTIONS EN MATIERE DE PRIX DE TRANSFERT
II.1. – La suprématie du droit conventionnel sur les règles nationales – BFH, IR 75/11,
11.10.2012
Objet du litige :
Il n’est pas contesté que :
les prestations facturées aient réellement été effectuées
le prix payé par la GmbH correspondait à un prix de marché tel que des
parties tierces en auraient convenu
Redressement uniquement pour inobservation de forme :
Pour redresser la GmbH au motif d’une distribution de dividende déguisée (« verdeckte
Gewinnausschüttung ») en vertu de l’article 8, alinéa 3, phrase 2 KStG
(Körperschaftsteuergesetz – Loi sur l’impôt sur les sociétés), l’administration fiscale
s’appuyait uniquement sur le non-respect des dispositions du deuxième alinéa de la
directive sur l’impôt sur les sociétés KStR 36 (Körperschaftsteuerrichtlinien) lequel prévoit :
« Est généralement considérée comme étant motivée par les seuls liens
capitalistiques entre la société et son associé, une distribution, lorsqu’une
convention
• relative au prix payable pour une prestation d’un associé
• valable en vertu du droit civil
• claire et non équivoque
• conclue préalablement à l’exécution du contrat
Société néerlandaise
GmbH
Prestations effectuées en
2004 et facturées à la filiale 100 %
Contrat conclu
verbalement fin 2003.
Signature d’un contrat
écrit le 29.12.2004 avec
effet au 01.01.2004
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fait défaut. »
En l’espèce, le contrat n’a été signé que tardivement, ce qui a permis à l’administration
fiscale de redresser la GmbH malgré la réalité non contestée de la prestation et malgré une
contrepartie respectant le principe des « arm’s-length-prices ».
Prise de position du BFH en cas d’application d’une convention fiscale :
En cas d’application d’une convention fiscale bilatérale contenant une clause proche de
l’article 9.1 de la convention modèle OCDE, le BFH tranche enfin la question de savoir si les
conditions spéciales du droit allemand (cf. KStR 36, cf. ci-dessus) trouvent à s’appliquer.
Les conditions spéciales posées en droit allemand n’ont pas vocation à s’appliquer en
présence d’une convention fiscale qui contient une clause proche de celle de l’article
9.1. de la convention modèle OCDE (contrairement à la position de l’administration
fiscale).
En ce qui concerne notamment les éléments contractuels tenant à la forme du contrat, à
savoir :
sa date de conclusion pour un contrat écrit
les sincérité et validité des autres clauses du contrat (délais, pénalités,
obligations contractuelles diverses, droit applicable, etc.)
ceux-ci ne sont pas à prendre en considération.
Conséquences pour les prix de transfert pratiqués avec le Luxembourg :
L’article 9.1. de la convention fiscale du 23 avril 2012 correspondant à l’article 9.1. de la
convention modèle OCDE, la jurisprudence s’applique pleinement au contrôle des prix de
transfert pratiqués avec le Luxembourg.
Or, la rédaction d’un contrat contenant les clauses usuelles reste de mise.
En effet, le contrat reste un élément clé de la documentation des prix de transfert dans la
mesure où il :
définit les obligations des parties et donc l’objet de leur relation
détermine et/ou reflète les fonctions et risques encourus par chaque
contractant
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Toutes ces données ont une influence sur les prix que des tiers fixeraient en pareil cas.
II.2 – La conformité de l’obligation de documentation en matière de prix de transfert avec le
droit européen – BFH, I R 45/11, 10.04.2013
Situation :
(1) Acquisition en février 2008
(2) Cession des parts de la Lux AG à la Lux S.A. en mars 2008
(3) « Service agreement » conclu au mois d’avril 2008
• Objet social de la GmbH : Gestion de son patrimoine propre (titres financiers)
• Objet du « Service Agreement » :
Identification de plateformes de courtage de titres financiers
Identification de prestataires dans le domaine du « prime brokerage »
Identification de courtiers en valeurs mobilières
100 %
(1)
Lux Holding
Lux AG Lux S.A.
100 % 100
GmbH
(3)
Gestion de titres
+ Fiduciaire
(« Treuhand »)
Lux Fonds
(Fonds commun de placement)
(2)
100 % (3)
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Objet du litige :
Dans le cadre d’un contrôle portant sur l’année 2008, l’administration fiscale allemande
demande à la GmbH de mettre à sa disposition, sous 60 jours, une documentation de prix
de transfert en vertu de l’article 90, alinéa 3 A0 (Abgabenordnung – Loi de procédure
fiscale). En effet, la lux AG a émis des factures relatives à ses prestations dans le cadre de
plusieurs opérations d’achat et de revente d’actions de sociétés allemandes, effectuées par
la GmbH entre avril et juillet 2008, pour un montant de plus de 4,6 millions d’euros.
L’administration fiscale demande la documentation afin de vérifier si la rémunération
perçue par la Lux AG respecte le principe des « arm’s-length-prices ».
Art. 90, alinéa 3 A0 :
« En présence d’une opération réalisée avec une entreprise d’un Etat étranger, le
contribuable est tenu d’établir une documentation relative à la nature, l’objet et au
contenu de ses relations d’affaires qu’il entretient avec des personnes lui étant
étroitement liées au sens de l’article 1, alinéa 2 AStG (Außensteuergesetz – Loi
fiscale relative aux relations avec l’étranger).
La documentation comprend également les éléments économiques et juridiques
qui sont déterminants pour la fixation des prix et autres conditions contractuelles
dans le respect du principe des « arm’s-length-prices ».
Les éléments économiques et juridiques déterminants pour la fixation des prix du transfert
ayant fait défaut en l’occurrence, l’administration fiscale a adressé une injonction des les
produire à la GmbH, injonction dont cette dernière a contesté le bien-fondé devant les
tribunaux.
La solution du BFH :
1) La conformité avec le droit européen
Le BFH s’est prononcé sur la question de savoir si l’obligation érigée par l’article 90, al. 3
A0 était compatible ou non avec la liberté de prestation de services en droit européen.
Tout en constatant que l’obligation documentaire constitue une restriction de la libre
prestation de services dans le cadre européen, puisqu’elle concerne systématiquement des
entreprises ayant des relations d’affaires avec des entreprises étrangères tandis que les
entreprises évoluant dans le seul cadre national ne se trouvent pas êtres soumises à une
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telle obligation, la Cour justifie cette obligation par l’intérêt public dans un contrôle fiscal
efficace.
Ce dernier ne pourra notamment pas être assuré moyennant des mesures moins
contraignantes comme par exemple l’entraide administrative. En effet, l’administration
étrangère sera elle-même obligée de s’adresser à l’entreprise sise sur son territoire afin
d’obtenir les informations recherchées.
Cette réponse n’étant, à vrai dire, pas très surprenante, l’arrêt livre un deuxième
enseignement qui mérite, pour sa part, d’être relevé :
2) La notion du « lien étroit » en présence d’une fiducie
L’article 1, alinéa 2 AStG définit le « lien étroit » entre deux personnes comme un lien
capitalistique (seuil de participation de 25 % dans le capital social ou plus). La détention de
la participation par une tierce personne peut aussi créer ce lien (cas dans les groupes de
sociétés).
La Cour s’est en particulier arrêtée sur la question de savoir si la conclusion d’un contrat de
gestion de titres entre la Lux S.A. et le Lux Fonds rompait ce lien étroit entre la GmbH et la
Lux AG.
Lux Holding
Lux AG Lux S.A.
100% (≥25%) 100 % (≥25%)
GmbH
Gestion de
titres
Lux Fonds
(Fonds commun de placement)
100 % (≥25%) « Lien étroit »
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La réponse fut négative pour les motifs suivants :
- La loi distingue clairement entre lien capitalistique et contrôle (autrement que par
la participation dans le capital) ce qui confère, selon la Cour, une autonomie
complète à l’élément du seuil de participation.
Par conséquent, le franchissement du seuil de participation de 25 % créé toujours
un lien étroit, ceci indépendamment de tout autre élément qui pourrait, le cas
échéant, être pris en considération.
- L’existence d’obligations contractuelles telles que celles découlant d’une fiducie
(Treuhand) ne peut exclure la possibilité d’un avantage procuré par la fiduciaire à
sa société sœur. Le cas échéant, la fiduciaire s’expose à des dommages et intérêts
vis-à-vis du fonds commun de placement.
II.3 – L’état de la discussion en Allemagne relative à la délocalisation fiscale (BEPS)
Sur demande du G20, l'OCDE a rédigé un rapport denommé "Adressing base erosion and
profit shifting" en date du 12 février 2013. D'où, on parle aujourd'hui de la problématique
"BEPS".
Les experts allemands sont bien d'accord que dans cette discussion, il faut bien se garder
de glisser dans une polémique stigmatisant tout groupe internationale de pratiquer une
optimisation fiscale "à outrance".
D'un côté, il est souvent rappelé que l'optimisation fiscale - si lieu elle a sur le plan
international - se fait dans le cadre légal et qu'elle est même souvent le simple effet des lois
fiscales existantes dans les Etats dans lesquels les entreprises concernées développent
une activité.
D'autre part, une étude analytique comparant les taux d'imposition moyens des groupes
internationaux allemands avec des entreprises ou groupes allemands évoluant dans le seul
cadre national, a tenté de démontrer l'absence d'effet fiscal lié à une optimisation active
voire aggressive. Selon cette étude, parue dans Internationales Steuerrecht (IStR) 2013,
n°17, p. 660, le taux effectif d'imposition des groupes internationaux allemands était plus
élevé que celui des entreprises dont l'activité était limitée au seul marché allemand, dans
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les années 2008-2011. Cet effet fiscal serait cependant plutôt dû à l’activité internationale
en soi.
Groupes internationaux allemands Groupes nationaux allemands 2003-2007 2008-2011 2003-2007 2008-2011
26,35 % 25,56 % 31,52 % 23,71 % Source: Langkau, Rubart, Base Erosion and Profit Shifting – Eine empirische Untersuchung der Gewinnverlagerung deutscher multinationaler Konzerne, in: IStR 2013, N° 13, p. 660, 662
L'étude fait observer que le taux moyen d'imposition des groupes internationaux allemands
pourrait notamment être lié à une meilleure résistance de ceux-ci à la crise économique,
résistance due notamment à une activité répartie sur plusieurs marchés nationaux
différents.
En ce qui concerne les entreprises allemandes, il est d'ailleurs incontestable que le droit
fiscal allemand dispose déjà de toute une panoplie de mesures luttant, de manière
efficace, contre ce que l'on pourrait appeler une délocalisation fiscale.
C'est pourquoi le législateur est appelé à agir prudemment quand il s'agit d'introduire de
nouvelles mesures en matière de BEPS.
Une bonne partie des mesures existantes en droit fiscal allemand se trouvent dans l'AStG
(Außensteuergesetz - Loi fiscale relative aux relations avec l'étranger).
Aussi, l'article 90, alinéa 3 AO dont nous avons parlé plus haut, autorise le ministère des
finances à régler les obligations des contribuables allemands ayant des relations d'affaires
avec des entreprises liées étrangères par décret. Ledit décret, à savoir le décret relatif à la
nature, le contenu et l'étendue de la documentation en vertu de l'article 90, alinéa 3 AO
(Gewinnabgrenzungsaufzeichnungsverordnung) a été modifié récemment (30 juin 2013).