Post on 17-Feb-2018
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
1/21
Lucien Musset
Relations et changes d'influences dans l'Europe du Nord-Ouest
(Xe-XIe sicles)In: Cahiers de civilisation mdivale. 1e anne (n1), Janvier-mars 1958. pp. 63-82.
Citer ce document / Cite this document :
Musset Lucien. Relations et changes d'influences dans l'Europe du Nord-Ouest (Xe-XIe sicles). In: Cahiers de civilisationmdivale. 1e anne (n1), Janvier-mars 1958. pp. 63-82.
doi : 10.3406/ccmed.1958.1034
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1958_num_1_1_1034
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_ccmed_24http://dx.doi.org/10.3406/ccmed.1958.1034http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1958_num_1_1_1034http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1958_num_1_1_1034http://dx.doi.org/10.3406/ccmed.1958.1034http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_ccmed_247/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
2/21
Lucien
MUSSET
Relations
et
changes
d influences
dans
l Europe
du
Nord-Ouest
(Xe-XIe sicles)
A
ces
deux leons
nous avons
volontairement conserv, en les abrgeant,
leur forme orale. On
se
souviendra,
en les lisant,
que
leur auteur
a sim
plement voulu exposer un auditoire non
spcialis
quelques
interpr
tations
ouvelles,
quelques
points de
vue personnels. Sur
des faits
qui
ont donn lieu, sans tre toujours bien connus, des discussions inter
minables il n'a aucunement
prtendu dire
le
dernier
mot.
Il
a mme
sciemment accept de faire leur
large
part la conjecture et l hypo
thse
e travail,
dfaut qui sera
sans
doute plus apparent dans
l'imprim
que dans l'improvisation orale.
L aire gographique
que
nous
avons
choisi d tudier
correspond,
en
gros,
au
domaine
de l expansion
Scandinave. Tournons-nous donc vers
la Scandinavie
pour tenter
de
trouver la clef des principaux problmes
(i).
Vers la
fin
du vme sicle,
la suite de
rvolutions
dans la
technique
nautique et d une
pousse dmographique, les
Scandinaves avaient
dcouvert les
chemins de la haute
mer
(2).
Signals
pour la
premire fois en Angleterre entre
786
et
793,
en Irlande en
795, en
Gaule
en 799
ou
800, ils vont
couvrir
trs
rapidement toutes
les
mers de
l Occident (et
bientt aussi la mer
Noire et
la
Caspienne)
de leurs
embarcations, les
snekkjur, les
esnques
,
pour employer
le terme
sous la
forme
o
il fut, un temps,
naturalis en Normandie (3). L ge des
Vikings
commence.
(1 ) On trouvera une bibliographie,
laquelle
nous renvoyons
une fois
pour toutes, dans notre ouvrage :
L. Mussbt, Les peuples Scandinaves au
moyen
ge, Paris,
1951
;
sur
la priode des Vikings, les exposs les
plus
commodes restent
: T. D. Kendrick, A History of the
Vikings,
Londres,
1930, et
H. Arbman
et
M.
Stenberger, Vikingar i
Vsterled,
Stockholm, 1935, en attendant la prochaine parution de : H. Arbman,
The Vikings,
dans la
coll.
< Ancient
Peoples
and
Places
, Londres,
d.
Thames and
Hudson.
(2 )
Sur les
premires expditions
vers l'Ouest, nous restons fidle aux vues raisonnables d'A.
Johannson,
Die
erste
Vestrviking,
dans Acta philologica scandinavica , t.
IX, 1934,
p.
1-68,
sans retenir les thses
aven
tureuses soutenues sans nettet par
Arne
Melvinger, Les
premires
invasions des Vikings en Occident d'aprs
les sources arabes,
Upsal, 1955
(propose de dater les premiers raids en Espagne du milieu du vin*
sicle).
(3 )
Esnque : ingens paro qui
barbant
lingua isnechia
dicitur
, texte du xi sicle, Miracula S.
Vulfranni
dans AA.SS., mars,
III,
153
; voir galement
plus
loin, n. 47. On
se souviendra
que l'expression
un
drakkar
est un solcisme viter.
63
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
3/21
L. MUSSET
L Occident, stupfait,
assista
cette gigantesque expansion
sans
trouver de riposte
approprie.
Ni
les
garde-ctes de
Charlemagne,
ni
les
ponts fortifis de Charles le
Chauve
n avaient
t efficaces
;
la
flotte
mme
d'Alfred
le
Grand, plus
utile
et
plus
durable,
tait
venue
trop tard. Les uns
aprs les
autres,
les
princes avaient d
consentir aux
Vikings des avantages considrables,
d abord
financiers (danegeld), puis, et surtout,
territoriaux. Ainsi taient
ns
outre-mer divers
tats Scandinaves.
Les uns taient des
territoires occups sans conscration
juridique: ainsi
l Islande, les Orcades, les Shet
land, Man et les Hbrides, les ports d Irlande (Dublin et
Limerick
surtout, puis
Water-
ford, Wexford et Cork). D autres tous ceux o les Danois semblent avoir
tenu
un
rle prdominant avaient t lgitims par une concession en bonne et due forme ;
le IXe sicle
avait vu
s en constituer cinq, presque tous phmres
(en 826
aux bouches
de la Weser,
en 841 aux
bouches
de
l Elbe, en
876
York,
en 877 dans l Est
de la
Mercie
autour
des
Cinq
Bourgs
,
en
879
en
Estanglie)
;
deux encore
natront
au
dbut du
Xe sicle : en
911
autour
de
Rouen, en
919
autour
de Nantes.
De
toutes
ces crations,
deux seulement eurent
une relle
importance : le royaume d York et le duch
de
Nor
mandie.
Le dchet,
on
le
voit, fut considrable.
Cette
constatation
force
examiner de plus
prs une
opinion reue, juste sans doute dans
une certaine mesure,
mais
qu il
serait
imprudent
de gnraliser.
On a coutume
d admirer la
brusque mutation par
laquelle
les
Vikings, de dtestables
pirates, d individualistes effrns, impatients
de
toute autorit,
se
sont mus
en fondateurs d tats, et
mme d tats dont
l organisation tait
singu
lirement en
avance
sur leur
temps
:
la
Russie kivienne,
la
Normandie
et ses
filiales.
C est
d abord
oublier que la mentalit des
Vikings nous
est surtout connue par des
textes norvgiens, tandis
que
ces
tats
sont sudois ou danois. C est surtout faire fi
des gnrations, oublier que
cinq
vies d hommes
se
sont coules
de
Rollon Guillaume
le Conqurant, et plus
sans
doute encore
depuis
l obscure fondation du
khanat
des
Russes jusqu aux jours
o la
principaut
kivienne devint une
puissance apprcia-
ble (4).
La vrit,
si l on
prte
la
chronologie toute l attention
voulue, c est que,
malgr leurs
multiples tentatives,
les
Vikings du IXe et du dbut du Xe sicle ont t
peu prs
inca
pables d'difier des constructions politiques valables. Rien
de
plus instable,
de
plus
informe, que
les
crations dont ils furent
d abord
responsables. Ce n'est que beaucoup
plus tard, une fois la notion d tat naturalise
dans
le Nord, que
les
Scandinaves,
mris
par
une
longue
exprience,
russirent, en
se
mettant
l cole
de
l'tranger,
devenir des fondateurs
d tats.
(4)
L'expression khanat des Russes est un emprunt aux Annales de Saint-Bertin, anno
839
: rex i l lorum
(se. Rhos), Chacanus vocabulo .
Son
emploi
est
justifi par l'article
fondamental
de Ad.
Stender-Peter-
sen, Dos
Problem
der ltesten byzantinisch-russisch-nordischen
Beziehungen,
dans Xe Congrs international
des sciences
historiques,
Rome,
1955, * IH P- 165-188.
Pour
tout ce
qui
concerne les Vargues,
on se
contentera de ce renvoi et de F. Braun,
Das
historische Russland
im
nordischen
Schrifttum,
dans Festschrift
Eug. Mogk , Halle, 1924, p. 150-196 :
il
n'est nul
besoin
d'entrer ici
dans
les querelles
des
normannistes
et
des slavisants.
64
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
4/21
A
e
r
b
\
\
w
r
a
n
D
r
a
v
f
e
r
e
E
A
-
*
j
^
r
n
^
J
'
R
n
N
*
L
n
?
^
\
C
R
O
Q
U
I
S
D
E
>
P
n
p
u
t
n
r
r
d
*
*
G
n
v
e
c
m
m
e
r
a
e
d
9
E
m
p
O
C
m
p
m
i
t
r
d
n
s
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
5/21
L.
MUSSET
Ces dbuts difficiles,
ces
longs
ttonnements,
ne
peuvent
tre mieux saisis en
leur
complexit que dans le Nord-Est de l'Angleterre (5). Aprs une trentaine d annes de
ravages
dsordonns,
dbarque
en
865 une grande arme
danoise,
dont
l organisation
apparat fort
efficace. Elle
a
des
chefs nergiques,
apparents
vraisemblablement aux
rois danois,
Ivarr et
Halfdan. Leurs mthodes de
combat
sont
trs souples (ils savent
improviser
sur
place une cavalerie
et
s en
servir), leur habilet
diplomatique vidente
(par
exemple
quand
en
867 ils imposent
York, leur
conqute, un
roi-fantoche
anglais,
Ecgbert) : tout cela semble
prouver leurs
aptitudes politiques. De
fait, ils
se
proccupent
trs tt
d tablir,
sur les ruines
accumules,
un
embryon
d tat : on les voit
battre
monnaie. Le successeur
de
Halfdan, Guthred, fils
de
Harthaknut (882-894), va beaucoup
plus loin : comme plus tard Rollon en Normandie, il
est
chrtien,
il rappelle dans sa
cathdrale
l archevque
Wulfhere, il traite
avec
le roi Alfred le Grand. Cet tat danois
du Nord
dispose
mme
d un
lment de
stabilit inhabituel pareille date :
une vraie
capitale,
York,
qui
est
aussi
une mtropole commerciale.
Et
pourtant
l chec
de
cet
tat
est
patent. Son fondateur, Halfdan, a
t
expuls par ses
troupes
au bout d un
an
;
aprs
le
rgne
de Guthred, c est un vrai tourbillon de souverains on trouve deux rois
en quatre ans, un
interrgne,
un
roi
anglais qui
rgne
deux ans, un nouvel
interrgne,
assez
prolong puis les Danois font appel un Norvgien
d Irlande, Ragnald,
fils
du
roi
de
Waterford, qui meurt ds
923
;
aprs
lui quatre ou
cinq
de
ses neveux ou cousins
se
disputent York, o par deux fois
les
Anglais rentrent (avec Athelstan de 925 940 ;
avec
Edmond
et Edred de 944 946). Entre temps, c est un ex-roi de Norvge, Eric la Hache
sanglante, qui gouverne en 946-947 et en 952-954... Au milieu
de
ces troubles, les colons
nordiques se
sont
diviss en deux partis, l un favorable
aux princes
paens venus d Ir
lande,
l autre aimant
mieux
se
soumettre
aux
rois
trs
chrtiens
des
Anglo-Saxons.
En
954 ce second parti triomphe : le royaume d York avcu.
Les
deux
autres
tats Scan
dinaves
d Angleterre
sont
dj
morts
depuis
longtemps,
aprs
des carrires
beaucoup
moins brillantes, celui des Cinq Bourgs en
942,
celui d Estanglie
ds
917.
On
pourrait
exposer paralllement
les origines
de la Normandie,
et aboutir aux
mmes
conclusions.
Au moment
mme
o
vacille
le royaume d York, la fondation de Rollon
est bien prs de disparatre,
aprs
l assassinat
de Guillaume
Longue-Epe
Picquigny
en 944. Cette anne, o Edmond
rentre
dans York, l autorit carolingienne se rintroduit
Rouen. Et aussitt
les
habitants
de la
Normandie se
divisent en deux
partis,
comme
ceux de la
Northumbrie : les
uns
se
rallient
aux
Franais
quidam principes se
rgi
committunt,
quidam Hugoni
duci,
crit
Flodoard,
tandis
que
d autres
font
appel
des
paens venus d'outre-mer, sous la direction d un certain Haigrold.
La
diffrence est
que ces derniers ont finalement triomph,
le
13 juillet 945, dans la
valle
de la
Dive (6).
(5 ) L'histoire du royaume d'York a
t
clairement rsume par Charles Oman, The Danish Kingdom
of
York,
dans Archaeological
Journal
, t. XCI,
1934,
P- I 21
mais il reste
indispensable
de se
reporter
dire
ctement
aux diverses versions de
la
Chronique anglo-saxonne.
(6 )
II ne saurait tre question de donner
ici une
bibliographie
normande
;
contentons-nous
d'un
renvoi
H. Prentout, Etude critique
sur
Dudon de Saint-Quentin, Paris,
1916
; J. Steenstrup,
Normandiets
Histori
under
de
syv
farsteHertuger, Copenhague,
1925
; et, pour les
vnements
de 944-945, P.
Lauer, Le rgne
de
Louis
IV
d O utremer,
Paris,
1900.
66
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
6/21
EUROPE DU NORD-OUEST
Ainsi, il faut se rendre l vidence vers le milieu du Xe sicle, le
succs
politique des
Vikings tait encore incertain,
vacillant, sans
profondeur.
Les
Scandinaves ne devinrent,
politiquement,
les
matres de
l Occident
pour
paraphraser
un mot
clbre
de
sir
F. M. Stenton
(7)
que sensiblement plus
tard,
une poque o l'esprit des
Vikings
s tait bien modifi,
o mme l on
ne
peut
plus exactement parler
de
Vikings.
En effet, si,
prolongeant l ouvrage de Vogel (8),
on
essaie de reconstituer la succession
des raids
Scandinaves
au Xe sicle,
on
dcouvre que, de 930
980
en gros, se
place une
csure extrmement profonde.
Non
que razzias et
escarmouches
viennent
cesser. Mais
on ne
voit
plus oprer
de grandes armes navales.
Que
l on
dpouille
la
chronique
anglo-saxonne
ou
les sources
continentales,
l impression d accalmie
est
concordante. En
Angleterre aucun dbarquement Scandinave n'est cit entre 954 et 980. Dans le
secteur
norvgien
le repos
est
moins net on note
quelques
raids en Galles et en Westmore-
land,deux
attaques
srieuses contre
le
califat
de
Cordoue,
mais
il y
a
tout de mme
un relatif rpit
dans
les catastrophes qu enregistrent les
annales
irlandaises,
jusqu
la
bataille
de
Tara en
980
(9). Dans l tat
actuel
des
recherches,
les causes
de ce
temps
d arrt au milieu du Xe sicle restent
obscures.
On
peut
tout au plus relever
quelques
concidences chronologiques,
dont la
valeur explicative est
assez mince
:
c est l poque
des grands
succs des
Vargues en Europe orientale, celle
o l argent
iranien afflue
en Scandinavie, o culmine l activit commerciale dans
la Baltique
et en Russie. C est le
moment
o
les
tats norvgien et danois prennent figure dfinitive : l'unification de la
Norvge, uvre de Harald
aux
Beaux cheveux,
mort vers
930,
commence porter
ses
fruits ; au Danemark
surtout,
ce sont
les
rgnes dcisifs des rois de Jelling, Gorm l Ancien
(mort
vers
940)
et
son
fils
Harald
la
Dent bleue
(mort
vers
986).
Il
se
peut
que
le
Nord
ait t
absorb
par
ses
problmes
intrieurs
et
par
l expansion vers le Sud-Est. Quoi qu il
en soit, cette csure
met
fin,
aprs cinq
gnrations (vers 79O-vers93o), la vritable re
des Vikings. L expansion
Scandinave
s'est presque arrte
durant
deux vies
d hommes.
Mais ce n'est
pas
seulement
un
chec politique, une trve
militaire
qu il faut
enregistrer
au
milieu du Xe sicle.
Un
changement complet des structures
conomiques affecte
aussi l Europe du Nord. Le commerce du Nord,
peu
prs
exclusivement
fond sur des
articles de luxe (vins
et
textiles
d Occident,
changs contre fourrures et esclaves) [10],
avait pour
axe
principal,
au
ixe
sicle
et dans la premire moiti du Xe, l'itinraire
ctier
menant des
bouches
du Rhin
vers
l'isthme d u
Slesvig et
la rgion du
Malar, en
Sude
centrale.
Par
cette voie entraient
en
communication
des
milieux
trs
diffrents
;
(7 )
Ce mot s'applique aux Normands de
1066
: F. M. Stenton, Anglo-Saxon England (
The
Oxford History
of
England ), t. II, Oxford,
2 d.,
1947, p.
678.
(8 )
W. Vogel, Die Normannen
uni
das frnkische
Reich, Heidelberg, 1906.
(9 )
Nous avons procd une vrification mthodique
sur
les diverses annales irlandaises ; voir galement
H.
Shetelig,
An Introduction
to
the Viking History of Western Europe ( Viking Antiquities in Great Bri-
tain and Ireland , t. I), Oslo, 1940, p.
46-61.
(10) Les
plus
sages considrations sur la nature du commerce Scandinave nous paraissent tre celles de
J. Bjernum, Vikingetidens
Handel
og dons Betydning for Nordens Folk,
dans
Aarboger for nordisk Oldkyn-
dighed og Histori , 1948, p. 294-302 ; mais
il
e6t toujours
utile
de consulter P. Kletler, Nordmesteurofas
Verhehr im frilhen MittelaUer, Vienne, 1924.
67
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
7/21
L.
MUSSET
le
signe
le
plus manifeste de leur
opposition
est l emploi
fait
de la
monnaie
: usuel dans
le
monde
carolingien, d o
partait
le trafic, et chez
les
Frisons,
ses
principaux agents,
il
est,
sinon inconnu, du moins tout
fait
nglig
dans
le
Nord. Sitt
arrives en Scan
dinavie, les pices occidentales
sont fondues
en barres
ou
en
anneaux (baugar), que
l'on pse
la
balance,
et
cela
jusque vers
940-960.
Le contact
entre l conomie occident
let cette conomie reste un stade prmontaire est videmment trs profitable
ceux qui
s en
instituent les intermdiaires.
Ainsi s explique la
floraison
des grandes
sta
t ions
de traite : Dorestad (Wijk bij Duurstede), au
point
de
dpart,
l'extrme sud de
la Frise,
sur le delta Meuse-Rhin ; Hedeby, aux portes
de l actuelle
Slesvig ; et Birka,
une
vingtaine
de
kilomtres
l ouest de
Stockholm. Ce
sont des
emporta trs originaux,
disposant certainement
d une
relative autonomie politique,
o
les
trangers
abondent ;
comme
marchands ou
comme esclaves, les
chrtiens y sont
assez
nombreux ds
le
milieu
du
IXe
sicle.
De
Hedeby
et
de
Birka,
quelques
rameaux
du
trafic
se prolongent
vers
la
rive orientale de la
Baltique, vers les escales (saeborgir)
de la Courlande,
aux mains
de
Sudois
ou de
Gotlandais (11).
Cet antique commerce de traite disparat vers le milieu du Xe sicle, pour faire place
des formes
d changes
plus avances, qui s alignent
sur
les normes reues en Occident.
Entre
la
Scandinavie et le
reste
du monde,
de
nouveaux
itinraires
apparaissent,
qui relaient la vieille route des Frisons. On en
possde
de multiples indices, qu il est
encore
assez malais
de
coordonner.
La
monnaie, d abord, fait son
apparition dans le
Nord (12).
Les
premires missions
srieuses se placent Hedeby vers
940,
sans avoir
d ailleurs beaucoup d importance conomique. C est
surtout
sous
la
forme d espces
trangres
que la
monnaie
est utilise :
pices
anglaises, dont l'afflux commence
avec
le
rgne
d Edgar
(959-975), et, dans un sens oppos, pices
musulmanes
dites
coufiques ,
provenant en majorit des tats samnides du Turkestan aujourd hui russe, dont le
flot
culmine vers 910-940,
se
prolonge jusque vers 1000 et
amne
en Sude plus de
80.000
pices
actuellement connues.
Vers
le mme
temps, les
emporta de traite commenc
entdcliner.
Birka,
menace par des troubles
dans
la rgion du Mlar, doit
se
forti
fier ers 940-950 et disparat tout
fait vers 975 ; son
hritire,
Sigtuna, qui apparat
au dbut du xie sicle,
sera
toujours
beaucoup
plus efface.
Hedeby,
d abord
demi
autonome
sous une dynastie
sudoise, est conquise en
934
par Henri Ier d Allemagne,
change
de caractre
elle
reoit une colonie
saxonne, sans doute un vch,
et,
(11)
Sur les
emporta
de
l'Europe
du Nord,
les
travaux
fondamentaux sont
:
Hedeby
:
H.
Jankuhn, Haithabu,
ein
Handelsplatz
der
Wikingerzeit,
Neumtinster,
3e d.,
1956
;
Birka
:
H.
Arbman,
Birka
Sveriges
ldsta
handelstad, Stockholm,
1939
; Dorestad : publications diverses, dont on
trouvera
un commode rsum dans
B. Rohwer, Der friesische Handel im frhen
Mittelalter,
Borna, 1937, P-
45
e^ ss- saeborgir : B. Nerman
Sveriges fgrsta storhetstid, Stockholm,
1942,
p. 26-125 ;
Ed.
Sturms, Schwedische
Kolonien
in Lettland, dans
Fornvnnen , t. XLIV, 1949, p. 205-217.
(12) Sur
l'histoire
de
la
monnaie, voir avant
tout,
dans
la srie
Nordisk Kultur,
le
t. XXIX,
Mont, d.
par
Svend Aakjaer, Copenhague, 1936, et R. Skovmand, De
danske Skaitefund
fra Vinkingetiden og
den
aeldste
Middelalder indtil 1150,
dans Aarbger
for nordisk Oldkyndighed of
Histori,
1942, p. 1-275. Consulter ga
lement, pour l'Occident, L. Musset,
Les
relations extrieures
de
la Normandie du IXe
au
XIe
sicle,
d'aprs
quelques
trouvailles
montaires rcentes,
dans
Annales
de
Normandie,
t. IV, 1954, P-
3I-3^
et pour l'Orient
la
trs commode mise au point de U. Linder-Welin,
Arabiska mynt,
dans Kulturleksikon
for nordisk
Middelalder ,
1.
1, Copenhague, 1956,
col. 182-194.
68
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
8/21
EUROPE
DU NORD-OUEST
aprs 970,
dcline
rapidement ;
son site
sera
abandonn vers
1040.
Enfin
le trafic se
dplace. On
voit l'itinraire
direct Angleterre-Scandinavie
prendre une grande
impor
tance
(la
prsence
des
colons
Scandinaves
du
Danelaw
y
est
pour
beaucoup),
tandis
que
se dveloppent les routes
transbaltiques, relies
elles-mmes aux grands fleuves
orientaux.
Aux
dpens
de l Uppland
(Sude
centrale), on
voit
fleurir
Wollin,
aux bouches
de
l Oder,
ou
Holmgard (Novgorod),
et surtout Gotland.
Ainsi,
pour
toutes ces
raisons,
politiques, militaires, conomiques, on
peut
admettre que,
vers
le milieu du Xe sicle, une premire forme de l expansion Scandinave a pris
fin.
Mais le mouvement
n est pas
dfinitivement arrt.
Il va
bientt, assez
diffrent
de
lui-mme,
reprendre un
nouveau
dpart, et enregistrer cette fois
des
succs sensiblement
plus importants.
Cette seconde phase
occupe, en gros, les
annes
980-990 1020. Ce
renouveau d activit
s'tend
tout le
monde
Scandinave. Il touche
la
Sude,
o
il
culmine
et
prend
fin
avec
la
grande
et
catastrophique
expdition
du
prince
upplandais
Ingvar
vers
le Serkland
les pays
musulmans
au sud-est de la Russie, peu
avant
1040.
Il agite
la
Norvge ;
une
nouvelle et vive
pousse
en Irlande est encadre par les
deux
dates
de 980
(bataille de Tara) et
de
1014 (bataille
de
Clontarf). Mais c est au Dane
mark
qu il
est le plus
net, et qu il
faudra
surtout
l tudier.
Enfin c est l poque
o,
dans
un contexte passablement diffrent, la seule
domination
politique durable fonde par
les
Vikings, la Normandie,
se
mue
en un
vritable
tat, capable
de
tenir un
rle de
premier
ordre dans
le jeu politique de l Occident.
La profonde transformation
de la puissance
danoise, au
cours de la
seconde moiti
du
Xe et des
premires
annes
du
XIe sicle, n tait
que
trs
imparfaitement
souponne
voici dix
ou
quinze
ans,
grce
quelques
mentions
dans les
chroniques,
ou
l'illustre
inscription runique de Jelling, plus laconique encore.
On constatait
bien qu un
change
mentonsidrable
avait
eu lieu ;
la
conqute
de
l'Angleterre par un Sven
la Barbe
fourchue, ou plus encore un Knut le Grand, ne ressemble videmment en rien l action
des Halfdan et des Ivarr cent cinquante ans plus
tt.
Mais on tait hors d tat de dis
cerner
pourquoi et comment
les
entreprises danoises avaient soudain acquis
cette formi
dable efficacit. Grce l'une des russites
les
plus remarquables de
l archologie
Scan
dinave,
l'historien peut aujourd hui en rendre
compte
d une manire point
trop
incomp
lte 13).
On connat
depuis
longtemps, par des rcits d allure
trs
lgendaire
{Jmsvkinga
saga,
avant
tout),
l existence,
vers
la
fin
du
Xe
sicle, en
pays
slave,
prs de
l embouchure
de
l'Oder, Jmsborg, d une socit de jeunes
guerriers
soumis une
discipline
efficace
(13) Sur la question des camps de Vikings danois du xie sicle, la bibliographie
est
encore trs disperse. Sur
Jmsborg,
le
plus sage est de s'en tenir la seule source existante, la Jmsvkinga saga,
d.
Cari af Peter-
sens, Copenhague, 1882, trad. anglaise de
Lee
M. Hollander, Austin
(Texas), 1955
; pour
Trelleborg,
publication monumentale de
Poul
Nrdlund, Trelleborg ( Nordiske Fortidsminder, IV, 1),
Copenhague,
1948
; rsums commodes en franais de M. de Board,
Un
camp viking, Trelleborg,
dans
Annales
de
Normandie ,
t. I, 1951, p.
1
18-124 ; en
anglais de
P.
Hunter
Blair, An Introduction
to
Anglo-Saxon
En-
gland,
Cambridge, 1956. Publication provisoire
des
fouilles d'Aggersborg : C.
G. Schultz,
Aggersborg,
Vikingelejren ved Limfjorden,
dans Fra Nationalmuseets Arbejdsmark ,
1949,
p. 91-108
;
les
fouilles
de
Fyrkat
n'ont pas
encore
fait l'objet de publications commodes.
69
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
9/21
L.
MUSSET
et prcise.
Si
sa fondation parle
Viking
Palnatoki
doit sans doute tre
relgue parmi
les
mythes, on possde,
partir de 985 environ, des mentions
assez convaincantes
de son
intervention
dans les
affaires
danoises, puis anglaises.
Il se
peut
que
les deux
conqurants
de l'Angleterre,
Sven et Knut, aient d
une
partie
de
leur formation militaire aux
Vikings
de
Jmsborg. En tout cas, les Jmsvikings conduits par leur
chef
Thorkell le
Haut,
jourent un
rle
dcisif,
partir de
1009, dans
l arme de Sven.
/
La
prodigieuse
organisation
du
camp danois
d'Aggersborg Jutland)
d'aprs
G. Schultz
12 carrs forms chacun de
4
maisons
murs
courbes
de no pieds de long.
Jmsborg n tait pas un organisme
accidentel, isol.
Depuis
1936, les
admirables fouilles
de P.
Nrlund
ont rvl
Trelleborg, entre Slagelse et Korsr, dans
l le de
Sjaelland,
le
cadre matriel o avait vcu une
socit toute
semblable,
mais ignore
des textes.
Il
s agit
d un camp fortifi tabli sur
la
cte
la
fin
du Xe
sicle. Une muraille en
terre
rigoureusement
circulaire, paisse de 17
m. 60, enserre
une
place
de
137 m.
de
diamtre,
divise
en quatre
par
deux
voies se coupant
angle
droit.
Dans
chaque
quartier s lvent
quatre
maisons
de bois
longues
de 29
m.
disposes
en
carr. L ensemble hbergeait
sans
peine
de 1000
1.500 guerriers ; on l agrandit d ailleurs ultrieurement. Ce camp fut
abandonn vers le milieu du xie sicle. Ce seul
dtail
que
les
charpentes
exigrent plus
de 8.000
pieds
de chne,
suffit montrer combien devait tre puissante l autorit qui
le fit difier.
La
publication de cette trouvaille fit
aussitt
chez les historiens une impres
sion
onsidrable.
Mais
il y a plus presque aussitt
aprs,
C. G. Schultz dcouvrait et fouillait, Aggers-
70
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
10/21
EUROPE DU NORD-OUEST
borg (sur le Limfjord, l'ouest
d Aalborg),
un
camp
encore plus vaste et non moins
rigoureusement ordonn.
Il
y avait ici douze quartiers, au lieu de
quatre,
et quarante-
huit
maisons
(plus grand es),
au
lieu de
seize
:
un logement
pour
toute
une
arme.
Ce
camp,
cr en
mme temps
peu prs
que
Tvt
leborg,
fut dtruit en
1085
par
une
insurrection locale. Depuis lors, deux camps ont encore t dcouverts : Fyrkat
(prs de Hobro), et
Odense. Tout
cela rvle une armature politique et
militaire
extrmement
solide,
telle
que nul autre tat europen n en possdait
alors.
Dans ces
camps s'est forg, pour
la
conqute de l'Angleterre,
un instrument
remarquablement
efficace. D o a
pu
venir l ide
premire d une telle
organisation ? On n en sait encore
peu prs rien,
quoique certains indices
d'ordre mtrologique, notamment
paraissent orienter vers des pays o les
traditions de
l Empire romain
pouvaient
survivre. Un rudit allemand, O.
Hfler,
a tent de prouver que la
pierre
runique de
Rk,
en Sude,
attestait
ds
le
IXe
sicle l existence
de groupements
analogues
parmi
les
Vikings : ses thses aventureuses ont fait
peu
de convertis (14).
Sans
doute, ds
l'origine,
les
Vikings
danois se
sont distingus
par un
plus grand sens de l'ordre et par la
hirarchie. En dpit de ces
rserves,
il semble bien s'agir d une cration autochtone,
originale et fort
russie du Xe
sicle danois.
Sur
le
matriel
humain
entran
dans ces camps, la tradition crite,
anglo-saxonne
ou
Scandinave, apporte des lumires
suffisantes. Selon
la meilleure tradition des Vikings,
il
tait fort ml : une majorit de Danois
se
sont joints,
on
l a vu,
beaucoup
de Jmsvi-
kings
et
pas mal
de
Sudois. Ces bandes
taient rgulirement
salaries sur les
produits
du
danegeld ;
n'en cherchons pour
preuve
que la
belle
inscription
runique
sudoise
d Yttergarden,
en
Uppland, qui
clbre un certain
Ulf,
bien connu
comme
artiste en
pierres runiques
:
... mais Ulf a
trois fois pris part
un
tribut
en
Angleterre, la pre
mire lors du
tribut
de
Tosti sans doute un danegeld
lev lors d une des premires exp
ditions
de Sven
la Barbe
fourchue),
la seconde lors du
tribut
de Thorketill
(Thorkell
le
Haut, de
Jmsborg ; danegeld
lev
en 1010),
la
troisime lors
du
tribut
de Knut
(dane
geld ev par Knut le Grand en 1018). (15).
Il est vident
que ces
formes nouvelles d encadrement militaire et politique
rendent
les
assaillants Scandinaves
de la deuxime
vague beaucoup
plus aptes
se
muer
en or
nisateurs d tats. Le succs presque miraculeux
de
Knut le Grand en Angleterre s ex
plique
sans
doute en partie par les qualits personnelles du roi,
mais
s explique encore
plus par cet instrument
remarquable
dont il disposait et qui
avait
t mis au point
au Danemark
durant les
deux gnrations
qui l avaient
prcd.
L activit Scandinave
reprend,
avons-nous
dit,
vers 980.
Sous
cette
date, la
chronique
anglo-saxonne note : Et cette mme
anne,
Southampton fut
mise
sac
par
une force
navale, et
la
plupart
des
habitants furent
tus ou
pris ;
la mme
anne
Thanet (
l em
bouchure
de la Tamise) fut ravage, et le pays de
Chester
fut
ravag
par une flotte venue
du Nord.
Quelques
entreprises de piraterie
individuelle
se manifestent nouveau sur
(14)
O.
HOfler, Gertnanisches Sahraknigtum,
1.
L, Der Runenstein von Rk, Tiibingen, 1952, p.
308
et ss.
(15) E. Brate,
Sveriges
runristare,
Stockholm,
1925, p. 11, n 2.
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
11/21
L. MUSSET
les
ctes du continent, par exemple en
991,
contre Stavoren, en
Frise,
ou
vers
1000,
quand la
vicomtesse
de Limoges Emma est enleve
sur
la cte poitevine.
Aux
Orcades,
Man
et
surtout
Dublin,
l activit
des
flottes
norvgiennes
se rveille.
On voit
ds l abord que
cette seconde
vague du
mouvement viking est beaucoup plus
limite que la
premire. Elle
n'est vritablement importante que pour
l'histoire
des
les Britanniques. Notre propos n'est pas d en
retracer
ici
les
tapes : des raids isols
jusqu en
991,
puis de grandes armes navales levant d normes danegelds, et,
aprs
une
brve accalmie de 1000 1002, le paroxysme, dclench par le
massacre
de la Saint-
Brice (13 novembre 1002),
enfin
l enchanement qui ne s arrtera plus
avant la
totale
conqute
de
l'Angleterre par
les
Danois,
en 1014 puis en 1018. Insistons
plutt
sur
ce
tournant dcisif de l anne 1002. Sans nul doute, aprs le meurtre de sa sur
Gunnhild,
Sven
la Barbe fourchue a
conu,
premier
des chefs vikings, un programme net :
se
venger des
Anglais
en
les
soumettant
entirement.
Pour la
premire
fois,
l'historien
peut
vraiment parler d une politique danoise l gard de l'Angleterre.
Bientt,
quand
dix ans de luttes acharnes auront mri
les esprits, on assistera
mme la
naissance
et
au
dveloppement
d un vritable jeu diplomatique
participants
multiples, ce qui
tait une notion
absolument
trangre au
premier
mouvement viking.
Jusqu en 1002, l'histoire des entreprises Scandinaves est
d une
sinistre
monotonie, une
histoire-batailles
au scnario
simpliste
: les Vikings
se
jettent sur leurs victimes,
les
malmnent horriblement, et s en retournent
avec
leur
butin, peu
prs sans
ennuis.
C est un drame deux acteurs, l un
presque
toujours vainqueur et l autre toujours
atrocement
pill. Mais maintenant tout change. Depuis 990
peu
prs, dans
leur
lutte
contre
l'Angleterre, les
Danois
rencontrent
plus
d un
partenaire. A ct de leurs
grands
ennemis, les
rois de la dynastie de
Wessex,
il leur faut
tenir compte
de plusieurs
concur
rents
u allis, le jeune duch de
Normandie
avant tout,
mais
aussi la Flandre, la
Norvge,
etc.
A
partir de la premire dcade du xie sicle, nous assistons une
intrigue
fort serre, mais trs
intressante,
trois
ou quatre acteurs.
Il
est indispensable de
camper
ici un bref portrait de cette Normandie, bientt
prota
goniste sur
la
scne anglaise. Nous sommes
alors vers les
dbuts du long
rgne
de
Richard II (996-1026),
au
moment
o le duch, pour la premire fois, apparat
avec des
traits assez
nets,
bien que largement, conjecturaux encore.
Il
semble que,
depuis
l ori
gine (911),
l autorit
ducale ait deux faces.
Le descendant
de Rollon est videmment
d abord, pour
ses
compagnons Scandinaves,
le
jarl de
Rouen,
Ruihu jarl,
comme
diront
les
sagas
(16).
Le pre du
duc
rgnant avait
encore bien appris le norois (17). Des chefs
nordiques
sont
encore
souvent reus
la cour de
Rouen : vers
1003
un Sven, qui
est
peut-tre le roi
de Danemark
Sven
la Barbe
fourchue ; vers 1013-1014 Olaf le
Gros,
le futur
saint
Olaf ; et encore
vers
1025 le scalde islandais Sigvatr Thordharson.
Les
(16) L'expression Rudhu
jarl
est employe la fois par
Snorri
Sturluson,
Heimskringla
(Saga d'Olaf le
Saint, 20 ;
saga de
Harald le Svre,
75
et 95) et par
des
sources
indpendantes (Landnmabk,
Hauks-
bk,
270
; Sturlubk,
309
; Morkinskinna,
etc.)
; malgr le caractre tardif de ces sources,
il est
sans
doute
permis de retenir ce titre pour les
Xe et
xi sicles.
(17) Dudon de Saint-Quentin, d.
Lair,
p.
221
; Guillaume de
Jumiges,
d. Marx, p. 41.
72
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
12/21
EUROPE DU NORD-OUEST
chefs de plusieurs
grandes
familles se targuent
de
leur origine Scandinave ex
North-
mannis
Northmannus
(18). L historien officiel
des ducs,
Dudon
de Saint-Quentin,
ne
perd
pas
une
occasion
de
vanter
ce
qui,
dans
leur
tat,
est
exotique.
Le
pote
favori de
l archevque Robert,
frre
du
duc,
Garnier,
souhaite
son protecteur de
vaincre les
Franais orgueilleux
(19).
Au retour
de leurs expditions,
les Vikings
viennent
rgu
lirement mettre
en
vente sur
les marchs
de la
Seine
leur butin,
leurs
esclaves.
Mais, en mme temps, le duc est intgr la hirarchie franque.
En
911,
il a t ins
tall,
sans doute comme vassal du roi
de
France, en tout
cas
pro tutela regni.
Il
a hrit,
peut-tre en vertu d une concession en bonne et due forme,
des
fiscs royaux et des
domaines des abbayes
f
ranques sises dans son duch ; il protge et nomme
les
vques,
avant tout
l archevque
de Rouen.
Comte
de
Rouen,
tout indique qu il a hrit des pr
rogatives des comtes carolingiens de cette ville, peut-tre aussi si l on
en croit
J.
Dhondt
des
charges
d un marquis prpos
la
dfense des ctes.
Laquelle
de ces
deux
faces
est
la
plus vridique ? La seconde,
probablement
(20). Un
fait,
cet
gard, est rvlateur : l organisation
territoriale de la
Normandie est reste
presque entirement
franque.
Elle repose sur les fagi,
dont
les limites se
sont mme
mieux maintenues qu ailleurs ; seul le Nord du Cotentin a pu voir
natre,
titre
d ailleurs
trs
passager, des circonscriptions noms Scandinaves
(Sarnes,
Helgenes ?) (21).
Nulle part
les
things, institution de base des
socits
nordiques,
que
ce soit dans la mre
patrie ou dans ses colonies
(Islande,
Groenland, Danelaw), ne
se
sont
implants.
Le
rgime
social
est
peu prs exclusivement franc,
sauf
en
ce
qui
concerne certains aspects
de l esclavage domestique. Le
rgime
foncier parat intgralement
franc,
et mme remar
quablement
conservateur. Mme
dans l organisation
militaire,
on
ne
voit
rien
de
typ
iquement
Scandinave.
Seules quelques institutions
prives, pnales
(touchant
la famille
du
duc,
sa personne,
sa
paix)
ou maritimes ont des
racines
videmment
nordiques (22).
Dans cette cration
assez htroclite,
beaucoup
d historiens
commencer
par l un
des
plus
notables,
M . D. Douglas
ne veulent voir encore vers l an mil
qu un
tat
barbare, informe,
et pensent que
l unification
du duch,
l tablissement
de
l autorit
(18) Le mot
est
de Roger
II
de
Montgommery,
vers
1082
: R. N. Sauvage, L'abbaye de Saint-Martin de
Troarn, Caen, 1911, p. 352, n
III.
(19) L. Musset, Le
satiriste
Garnier de Rouen et son milieu, dans Revue du moyen
ge
latin , t. X, 1954,
p.
237-266,
la p. 266.
(20)
L'unit
de
vues n'est
pas
encore
ralise
sur
les
origines
du
pouvoir ducal
en Normandie
;
en
attendant
un
ouvrage
dtaill,
un
rsum de notre thse
a
t
donn
:
L.
Musset,
Ruine
et
reconstruction
d'une
admin
istration
de la Neustrie franque la Normandie ducale, dans Rev. hist. de droit
franc.
, t. XXX, 1952, p.
275
contra : M. de Bouard, De la Neustrie carolingienne la Normandie fodale, continuit ou discontinuit
?,
dans
Bulletin of
the Institute of Historical Research ,
t.
XXVIII,
1955, p. 1-14.
Consulter galement
J.
Yver,
Le dveloppement du pouvoir
ducal
en Normandie,
de
Vavnement
de
Guillaume
le
Conqurant la
mort d'Henri Ier (1035-1135), dans Atti del convegno internaz. di studi Ruggeriani , Paenne, t. 1, 1955,
p. 183-1204.
(21)
Sur
ces
noms,
L. Musset,
Aperu
sur
la colonisation Scandinave dans le
Nord du Cotentin,
dans
Annuaire
des
cinq dpartements
de
la
Normandie ,
t.
CXI,
1953,
p.
34-37.
(22) Voir avant tout J. Yver,
L'interdiction
de
la
guerre
prive
dans le trs
ancien droit normand, dans
Tra
vaux
de
la
semaine
d'histoire du droit
normand de Guernesey , Caen,
1928,
p. 307-347,
et
R.
Besnier,
La
coutume
de
Normandie,
histoire
externe,
Paris,
1935.
73
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
13/21
L.
MUSSET
ducale, ont t l uvre personnelle de Guillaume le Conqurant,
beaucoup
plus tard,
entre
1047 et 1066
(23).
Nous
ne
saurions
partager cette
opinion. D abord, ce
n tait
pas
celle
des
contemporains
:
l immense
prestige
des
ducs
de
la
fin
du
xe
et
du
dbut
du
XIe sicle interdit
de voir
en eux
de
simples
Vikings
peine
assagis. Comment
croire
qu un
Richard
II
n ait
t qu un
archipirate
,
pour
parler comme Richer, quand on
voit
le Bourguignon
Raoul
Glaber, renseign par un
tmoin
aussi exigeant
que
le rfo
rmat eur Guillaume
de Volpiano, clbrer
avec un zle redondant
la
paix
commune ,
la
concorde d une foi
inviolable , l honntet
commerciale
qui rgnent
dans son
tat ? Quand
sa
rputation rayonne jusqu au Sina (d o
l on vient
lui demander
l aumne)
? Quand un Richard
de
Saint-Vanne place
sous son
patronage
une
expdition
en
Terre
Sainte ? (24). Il
y aurait
encore
bien
d autres arguments,
que ce n'est pas
le
lieu
de
dvelopper ici.
Sans
doute
la
Normandie
fodale,
qui
triomphera
en 1066,
est-elle
une
cration
relativ
ementardive, gure antrieure au second quart du xie sicle. Mais avant
elle,
avec
science, avec nergie, Richard
Ier
et surtout Richard II avaient su difier
un systme
administratif, admirable d efficacit pour l poque, o le duc commandait des comtes
choisis dans sa famille, rvocables ad
nutum,
ou des vicomtes
qui
taient de simples
fonctionnaires, dans sa dpendance troite (25). Un
chef, qui
a
su
conserver ou
ressusci
ter
son
profit les plus
utiles des droits rgaliens
dont
avaient joui
les
Carolingiens,
commande une
aristocratie
qui a gard toute l'activit, toute l nergie des
Vikings
:
tel
est le rsum le plus simple et le plus juste que l'on puisse prsenter de la situation
en Normandie
vers l an
mil.
Le
duch normand
n'est
pas
encore
une
puissance
;
mais
il
a
maintenant toutes
les
ressources
ncessaires
pour en devenir une. Comme le
Danemark
de Sven et
de
Knut,
il s y est prpar par une rapide et rigoureuse rorganisation intrieure. A
ses
portes,
un
drame
se droule :
la cure de
l'Angleterre. La Normandie saura y
prendre sa
place, modeste d abord, au temps de
la
prpondrance danoise, et bientt,
aprs
la
ruine de
la
dynastie de Knut, prpondrante.
C est vers le troisime quart
du
Xe sicle
qu apparaissent
les
premiers
documents uti
lisables sur les relations anglo-normandes : des
paves
d une correspondance
de
bon
voisinage
entre
les moines
de Saint-Ouen
et
le
roi Edgar (26).
Mais bientt la
seconde
vague
des Vikings commence dferler sur
l'Angleterre,
et les
esnques
trouvent souvent
un
abri
dans les ports normands. En
991,
l anne du premier
danegeld
et
de la
bataille
de
Maldon, le
problme normand, pour la premire
fois, s impose
l attention d un roi
anglais. Ethelred
II
envoie l vque de Sherborne en ambassade auprs de Richard Ier
tandis
que
s'entremet l apocrisiaire Lon,
ce
commis par Rome, et un accord satis-
(23) David
Douglas,
The Rise of Normandy,
dans
Proceedings
of the British Academy , t.
XXXIII,
1947.
(24) Richer,
d.
Latouche, I, p.
156
;
II,
p. 293, 329... ; Raoul
Glaber, d.
Prou, p.
20
;
Hugues
de
Flavigny,
M.G.H., SS., VIII, 393.
(25) Voir l'excellent article de D.
Douglas,
The
Earliest Norman
Counts,
dans
English
Historical Review
,. LXI, 1946, p. 129-156.
(26)
Ed.
W. Stubbs, Memorials of Saint-Dunstan ( Rolls
Sries
, n 63), Londres, 1874, p.
363.
74
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
14/21
EUROPE
DU NORD-OUEST
faisant est conclu le Ier mars 991 :
la
paix
rgnera
entre
Anglais et
Normands,
aucune
des parties ne donnera asile
aux
transfuges ou
aux
ennemis de l autre (27). Le
duc
de
Rouen
ne
se
sentait
donc
aucun
degr
solidaire
des
Vikings
danois
;
il
tenait
bien
davantage
ses
bonnes relations commerciales surtout,
sans
doute
avec
le royaume
d Outre-Manche.
Mais bientt, sous
les
coups
rpts
de Sven,
l'Angleterre
tombe
en
ruines
:
la tentation
de reprendre
les
vieilles habitudes
se
fait la
plus forte. Dans l t
de
l an mil,
une
flottille
qui venait
de ravager le
Kent
est
autorise (par le duc ?
ou
par quelque chef
local
? on
ne sait) faire
relche
en Normandie
avant de
retourner p iller le Devon (28). Il semble
que ce
geste
inconsidr
entrana un
raid
d avertissement
anglais
en
Cotentin.
L amiti,
cependant,
persiste
entre Richard II et Ethelred : au
printemps
1002, le roi anglais,
veuf, se remarie
avec
Emma, sur
du
duc normand,
quelques
mois
avant ce
massacre
de
la
Saint-Brice
qui
va
amener
la
guerre
inexpiable
entre
le
Danemark
et
la
dynastie
de Wessex. L vnement, on le sait, fut gros de
consquences,
que l on ne pouvait aper
cevoir
toutes en 1002 : il valut Ethelred, pour tout le reste de sa vie, la neutralit
trs bienveillante
de la
Normandie
;
il
dressa dfinitivement au moins jusqu en 1086
la dynastie normande
contre
celle de Danemark
; il
introduisit
en
Angleterre
un
premier noyau normand, dans l entourage de la reine qui, bien que rebaptise Aelfgifu,
resta
d abord trs
normande enfin il
jeta la semence des
bouleversements
de
1066 (29).
Il
se peut que
Sven
ait aperu une
partie
du danger,
si, comme l'affirme
Guillaume de
Jumiges,
il trouva le
temps,
en 1003,
de venir
Rouen
signer avec
Richard
un
trait
d amiti (30).
Le
geste resta sans effets ; mais il
est
significatif
de voir, presque
en
mme
temps,
les deux
adversaires
solliciter
l amiti
normande.
Un dernier partenaire,
enfin,
ne saurait tre oubli : la
colonie
Scandinave tablie,
depuis le milieu
du ixe
sicle,
dans le Nord de
l'Angleterre. Rallis
la
couronne anglaise
depuis
954, ces
gens
du Danelaw taient rests jusque vers 1013 assez
en
dehors du dbat
entre Ethelred
et Sven. Le
massacre
de 1002
ne semble
pas
les
avoir
touchs. Pratique
mentous les grands
raids
danois depuis
991 ont
eu
pour thtre
le Sud
ou
le
Sud-Est
de l'le, Hamsphire,
Sussex,
Kent, Essex, Estanglie. Le
Nord
continuait sa vie part ;
sous
la direction assez
lointaine
du
roi anglais, il dpendait, en
fait, d une
dynastie locale
toute Scandinave, dont
le
reprsentant tait
alors le
comte Ucthred,
fils
de Waltheof,
sur
lequel
on possde
une
curieuse saga
latine
qui mriterait
d tre tudie de prs
(31).
(27)
Texte
de
la
paix
:
d.
Stubbs,
ibid.,
p.
397
;
Guillaume
de Malmesbury,
Gesta
regum,
d.
Stubbs,
t. I, p. 191 ; P.L., CXXXVII, 843. Commentaires : H.
Prentout,
op. cit., p.
398
; Steenstrup, op. cit.,
p. 157-
(28) Chronique anglo-saxonne, anno
1000
; M. Ashdown, English and Norse
Documents
Relatin to the
Reign of Ethelred the Unready, Cambridge, 1930, p. 46.
(29) Pour ce qui concerne la reine Emma,
voir le
travail trs inform d'Alistair Campbell, Encomium
Emmae reginae,
Londres,
1949.
(30) Guillaume de Jumiges, d. Marx, p.
80.
(31) Le texte
est
publi par
Th.
Arnold, sous le titre
De
obsessionsDunelmi et de probitate Ucthredi comitis ,
a
la suite
de son
dition
de Symeon
de Durham,
Londres,
1882, t.
I, p.
215-220 ; la
seule
tude littraire
semble en tre celle,
trs
partielle, de C. E. Wright, The Cuttivation of Saga in Anglo-Saxon England, Edim
bourg et
Londres,
1939, p. 182
et
ss.
75
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
15/21
L.
MUSSET
Cet
Ucthred,
gendre
par
son
troisime mariage
du
roi
Ethelred,
resta
dans
l ensemble
assez
fidle
son
beau-pre. Mais en 1013, sans doute
entran
par ses troupes, il se
rallia
Sven,
et
avec
lui, dit
la
chronique
saxonne,
toute l arme
(ce
terme
dsigne
les colons danois) au Nord de la Watling
Street
. Cette dfection du Nord scella le
destin
d Ethelred, qui fuit vers l le
de
Wight, puis vers Rouen.
Sautons quelques
annes. Sans doute les
morts
successives
de Sven,
puis
d Ethelred
et
d Edmond,
ont
amen bien
des pripties.
Mais l automne
1016 Knut
se
trouve
seul
matre de l'Angleterre.
En
juillet 1017
il pouse Emma,
veuve de son
prdcesseur et
ennemi, un mariage
videmment politique: il s agit de politique
intrieure,
de concilier
l ancienne
dynastie et
la
nouvelle, beaucoup plus
que de se
raccommoder
avec la
Nor
mandie.
Emma,
en effet, soutiendra dsormais sans restriction
le parti de son
deuxime
mari,
tandis que
la
dfiance persiste
entre
Richard
II
et
Knut.
La
Normandie
continue
donner
asile
aux
enfants
d Ethelred
;
Knut accueille
les
bannis
normands,
notamment
un ancien
comte d Avranches,
Richard, qui
avait complot l assassinat de
Richard II.
Ces rapports
tendus
durrent tant
que
rgna en Angleterre
la
dynastie danoise.
L opposition normande resta assez inoffensive pour Knut tant que vcut Richard
II.
Elle se durcit sous son
successeur Robert
le Magnifique. Ce
duc
parat avoir encourag
le
jeune Edouard
prendre
le titre royal
(32)
;
sa
sur
Godgifu il
procura un mariage
intressant
(avec
Dreu, comte de Vexin) ; peut-tre mme, en croire Guillaume de
Jumiges
et Guillaume de Malmesbury, songea-t-il une expdition maritime
en Angle
terre (33). Knut,
dont le
pouvoir
solidement
tabli
n avait gure
s mouvoir de
ces
piqres
d'pingle,
n exera
pas de rtorsion
;
il
parat
mme qu il excepta
les
gens
d glise
de
l inimiti
qu il
portait
aux
Normands (34). D ailleurs,
tendu
tout
entier
vers ses entreprises
nordiques,
il ne
se
souciait sans doute
pas de
faire natre des comp
lications
sur
la
Manche.
Mais
l pisode
eut, pour la Normandie, des rpercussions
considrables : il
acheva de la
dtacher
de l espace
Scandinave.
Le
duch
n avait
sans
doute jamais
t
qu une
dpendance marginale du monde
nordique ; mais enfin c tait
du
Nord
que
lui venaient les secours en
cas de
danger, c est vers le Nord
(Angleterre
ou
Irlande)
que
ses
aventuriers
se
dirigeaient (35)
;
son commerce, surtout
celui
de
Rouen,
s anastomosait
au commerce nordique (les
monnaies
normandes du Xe sicle
se retrouvent
en
Ecosse,
au Danemark, en Pomranie, en Pologne,
mme
en Russie) ;
l un
des
potes favoris
de la cour de
Rouen sous Richard
II,
Moriuht, tait un
Irlandais
(32)
Edwardus
rex
apparat
seulement
dans
une
charte dite
par Ch.
H.
Haskins,
Norman
Institutions,
Cambridge
(Mass.),
191
7, p. 260-263 e^e
n'est
pas
l'abri de
tout soupon d'un remaniement postrieur
1042.
(33)
Guillaume de
Jumiges,
d. Marx, p. 109-110; Guillaume de Malmesbury, Gesta regutn, d.
Stubbs,
1. 1,
p. 418. Les
deux versions diffrent d'ailleurs
profondment.
(34) Cf. la donation consentie Fcamp,
d.
Ch. H. Haskins, dans English Historical
Review
, t. XXXIII,
1918,
p.
343-344-
(35) Aventuriers normands en Angleterre : R. T. Graeme Ritchie,
The
Normans in En gland Before Edward
the Con)
essor,
Exeter,
1948
;
y joindre le
comte Richard
d'Avranches, cit plus haut
: Vita Gauzlini,
d.
L. De-
lisle, dans Mmoires de la Socit archologique de l'Orlanais , t. II, 1853, p. 282-283, e* un certain
Osmond Drengot :
Orderic
Vital,
d.
Le Prvost, t. II, p.
53
; Irlande : A. J. Goedheer, Irish and
Norse
Traditions
A bout the Battle of Clontarf, Haarlem, 1938.
76
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
16/21
EUROPE DU NORD-OUEST
vendu comme esclave par des Vikings...
Tout
cela cesse dans
la
gnration qui suit
l an mil : la Normandie, dsormais, regarde vers le Sud et le
Sud-Est. Les
aventuriers
normands
gagnent
l Espagne,
l Italie
surtout,
et
mme
l Empire
Grec.
Le
duc
Robert,
leur digne
chef,
leur montre
la route. Ainsi, au moment o elle
devient
la
principale
concurrente des
Danois en
Angleterre,
la Normandie cesse d tre Scandinave.
Knut
avait
su organiser sa conqute avec un rare talent. Jamais,
avant
1066, l Angle
terre a
t
mieux
administre,
mieux
gouverne que
par
ce
Danois. En
adoptant
leurs
murs, en
protgeant
leur clerg, il
sut
se
faire
accepter,
respecter,
et
mme
aimer
de
ses
sujets
anglais. En un
passage
qui
mriterait
d tre fameux, Guillaume
de
Malmes-
bury
vante, au dbut du xne sicle
encore,
sa facilit ,
oppose
l implacable rigueur
du conqurant normand de 1066 (36). Roi des
Danois,
d autre part, Knut n eut pas de
peine mettre fin
aux
attaques des
Vikings
contre l'Angleterre ; bien plus : il
russit,
dans
leurs
bandes,
oprer
un
tri,
conservant
avec
lui
quelques
lments
utiles
pour
former sa garde redoutable, la
thingmannalidh,
compose de
housecarles
maniant la
grande
hache
deux mains (ceux-l mme qui devaient tre Hastings le
dernier
rem
part de l indpendance anglaise),
mais
renvoyant la grande masse, pourvue d un copieux
danegeld, dans
ses
pays d'origine.
Tout en
gardant l anglais
comme langue
de
l tat,
il donne
les
postes de
commande
des Scandinaves ou des Anglais compltement
rallis
aux
murs
danoises, comme
le fameux Godwine, pre de Harold. C est un vne
ment digne de
remarque
:
il
y avait
en
Angleterre une
aristocratie
danoise implante
depuis
150 ans,
mais
jamais aucun de
ses
chefs n avait accd
encore
la direction
suprieure de
l tat. Le
caractre
nordique
de l'Angleterre, vraiment
peu
sensible dans
la
gnration de saint
Dunstan
et
de
ses
disciples,
en
sera
profondment
raviv.
Knut a attnu le caractre brutal de sa conqute, en
essayant
de faire natre quelque
chose qui dpasse le cadre du pays conqurant
comme
du pays conquis.
Faute
de docu
ments, on
hsite souvent sur la signification de l Empire de Knut ; construction
toute
personnelle, dont
il envisageait le
dmembrement
sa
mort ?
ou
empire
de la mer du
Nord ? La vrit est entre les
deux.
Sans doute il ne faut
pas
se
laisser hypnotiser
par
ce
titre
de basileus
qu il prend quelquefois,
ou
par les
a
cinq royaumes dont l hist
oriographie lui
fait souvent
honneur. Il semble
que Knut
a
tenu
deux choses :
tablir
une
solide prpondrance danoise dans
les
pays
riverains de la mer
du Nord ; mettre
la porte
des
Danois la civilisation anglaise. Sans doute envisageait-il cette harmonie
anglo-danoise
dans un cadre dynastique,
entre
des princes parents et allis, plutt que
dans
un
empire unitaire
(37).
Ces considrations permettent
de
porter sur l uvre
de Knut
un jugement plus nuanc
qu on ne le fait d habitude.
Sur
le plan dynastique, elle a chou,
vite
et
compltement.
(36) Guillaume db Malmesbury, Gesta
regum,
d. Stubbs, t.
II,
p. 312-313.
(37) Sur
l'Empire de Knut, il faut toujours se
reporter
aux
travaux
de
L.
M. Larson, The
Politicai Policies
of
Cnut
as
King of En land,
dans
American
Historical Review , 1909-1910,
p.
720-743,
et Canute the Great
and the
Rise
of the Danish
Imperialism,
New-York
et
Londres,
1931 (2e
d.). Mais il faut tenir compte
gal
ement des nombreuses
inscriptions
runiques sudoises relatives ses soldats
et
de
la
critique des sagas
par
O.
Moberg, Olav
Haraldsson,
Knut
den store
och
Sverige, Lund, 1941.
77
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
17/21
L.
MUSSET
par
la mdiocrit de
ses fils Harald
et
Harthaknut,
peut-tre
aussi en
raison de
cette
espce de paralysie
qui, on ne sait
pourquoi (raisons de
sant ?), parat avoir
frapp
les dernires
annes
du
rgne
de
Knut. Mais, dans
ce
qu elle
avait d essentiel,
son uvre
lui a survcu : seul Guillaume le Conqurant viendra bout
de la dtruire.
Jusque-l
les Danois
sont rests
en
effet
l lment dirigeant
de
l'Angleterre. Cette suprmatie
s exprime surtout par la
prpondrance
de la famille de Godwine, plus danoise presque
qu anglaise,
mais
aussi par le rle
dvolu
bien d autres personnages,
comme
ce Bjrn,
frre du
roi danois
Sven
Estridsen,
qui
fut earl
des Angles du
Centre
jusqu en
1049,
comme cet Osgod Clapa, staller du roi
Edouard,
mais
aussi
chef
en 1049 d un
vrai
raid de
Vikings
contre le Kent et
l Essex.
Mme sous le
trs
danophobe roi Edouard,
le
cur
de l arme reste
form
par
les
housecarles, tous d ascendance et de murs nor
diques. Et,
inversement,
la civilisation
anglaise
continue pntrer profondm ent
au
Danemark,
au
cours du
long rgne
de
Sven
Estridsen
(1047-1076),
qui
verra
dans
les
Anglais,
les
clercs surtout, un instrument utile pour combattre ce que
les
influences
allemandes auraient pu avoir de menaant.
Passons
sur les
rgnes insignifiants des
fils
de Knut. Comment la
situation
internationale
se
prsente-t-elle
la
mort de Harthaknut,
le 8 juin
1042 ? En Normandie, depuis
1035,
une minorit
met
la puissance
ducale peu prs hors
de jeu, et ce jusqu 1047 ou
s'affirmera,
au Val-s-Dunes,
la
supriorit
de
Guillaume
le
Conqurant
sur
les barons.
Cependant s accomplit
une
grande
rorganisation
intrieure, qui fera
du duch le
modle des tats fodaux. Au Danemark, des
luttes
dynastiques,
d abord
entre
Har
thaknut et son rival Magnus le Bon, roi
de
Norvge, puis
entre
Sven Estridsen, neveu
de Knut, et Harald le Svre, successeurde Magnus, absorbent toutes
les
forces du pays :
le
Danemark
ne redeviendra une puissance de premier plan
que par la mort
de
Harald
le Svre, en 1066. L Angleterre, prsent,
pourrait
donc
tre
rendue elle-mme et ses
dbats intrieurs. Mais deux nouvelles puissances prennent part l'intrigue,
la
Norvge
et la Flandre.
La Norvge, tout
fait
annihile comme
force politique
entre
la bataille de
Svolder
(1000) et les
annes
1030, venait
de
se
relever d une
manire
assez
sensationnelle. De
son
vivant,
saint Olaf avait
tent, sans succs,
d'liminer la
suzerainet danoise. Sa
gloire posthume, plus efficace, ralliera tous les Norvgiens ; ds
avant
1035 les agents
de Knut sont
expulss. Magnus
le
Bon, fils
d Olaf (1035-1047),
puis et
surtout
Harald
le Svre (1047-1066),
Viking parfait
aprs avoir
t
le plus grand
des
Vargues, auront
vite fait
de
pousser
la
Norvge
au
premier
rang
(38).
La
Flandre avait
depuis longtemps port
intrt
aux affaires d'Angleterre. Edouard le
Confesseur jeune y
avait
plusieurs fois sjourn. C est aussi
de Flandre qu tait
venu le
pangyriste
d Emma
et de
Knut,
le
moine
de Saint-Bertin
auteur
de VEncomium
Emmae.
Finalement,
et sans doute cause
de sa rivalit sur
le
continent
avec
la
Nor-
(38)
Le rle
de
la
Norvge dans les
affaires anglaises
ne peut tre
lucid que grce
Al. Bugge,
Smaa
bidrag
til Norges
histori paa lOOO-tallet ( Videnskapsselskapets
Skritfer
, II, Hist-Filos. Klasse, 1914 n
2),
Kris-
tiania, 191 4.
78
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
18/21
EUROPE DU NORD-OUEST
mandie, la
Flandre
adhra,
dans les
annes
1030, au parti
de la
reine
Emma
et
des
Danois. Elle
lui
restera fidle
jusqu
la fin du XIe sicle, sauf
durant
la
passagre
rcon
ciliation
avec
la
Normandie qui
suivit
le mariage
du
Conqurant
et
de
Mathilde
de
Flandre.
Entre tant
d ambitions
rivales,
l'Angleterre d Edouard
est sans cesse ballotte. Devenu
demi normand
par ses
annes d'exil,
le
souverain
ne saura
pas maintenir
autour
de
lui
l unanimit qui
l avait
rappel au
trne
en
104a.
Sans qu il puisse
ragir, de prilleuses
preuves de force
s'instituent entre les
trangers de
l entourage
du
roi et les anciens lie
utenants
de
Knut le Grand.
D autre
part Edouard n'est qu une solution provisoire ;
cl
ibataire jusqu en
1045,
il ne s accommodera jamais du mariage qu on
lui
fera contracter
avec
une
fille de Godwine.
De
1043
1053,
le
roi,
par son
antipathie
systmatique
l gard
des Anglo-Danois, manque
d'attirer
sur
l'Angleterre
la
catastrophe
d une
nouvelle conqute Scandinave.
C'est
d abord
(novembre
1043)
l'arrestation
et l'internement
de la
reine-mre Emma qui,
faute
d hr
itier
danois,
est
convaincue d avoir
report
ses espoirs sur Magnus
de
Norvge. Celui-
ci
veut
riposter ; sa
mort
seule sauve
l'Angleterre
d une
invasion. Avec l avnement de
Harald
le Svre, le pril ne fait que crotre. En
1048,
pour la premire fois
depuis
trente ans, une flotte de
Vikings
apparat dans la Manche, sous deux chefs norvgiens,
Lothen et Yrling, et
la Flandre l accueille
dans ses ports (39). En 1049 l'Angleterre
semble revenue la situation
dsespre
du dbut du sicle : Osgod Clapa,
avec
39 navi
res
anois, bass Wulpe en Flandre,
ravage
la cte Sud-Est,
laquelle
s attaque aussi
Sweyn,
fils de Godwine ; venus d Irlande, 36 navires norvgiens pillent
les confins gallois.
Comme
jadis
son
pre Ethelred,
Edouard
s en
prit
d abord
l ennemi
intrieur
;
mais
il
n'y eut pas de nouvelle Saint-Brice
: le roi
se
borna
bannir
les chefs
du
parti Scandi
nave,
Godwine
et ses fils, en
septembre 1051.
En mme temps, Edouard
se
tournait rsolument
vers
les
Normands : leur duc, vain
queur des barons en 1047,
venait
d'touffer le
dernier
germe
de
rbellion
en enlevant
Brionne
(1050) ;
il allait
pouser Mathilde de Flandre ; la
Normandie
pouvait rentrer
en
scne. Guillaume
vint-il en
Angleterre
l appel
de
son oncle
?
Ce n'est gure probab
lemais il reut sans
doute, avec des
demandes de secours
assez
prcises,
des
enga
gements successoraux. Pourtant, le duc
n paula pas srieusement la
monarchie n
glaise (40). Dans l'immdiat, d ailleurs,
la
succession
du Maine,
qui venait
de
s'ouvrir,
l'intressait plus. Et surtout il ne disposait pas
des
forces navales qui seules eussent
pu
sauver
Edouard.
La
flotte
anglaise,
base
Sandwich,
suffisait
peine
tenir
la
Flandre en respect. Harold avait toute libert pour cumer la mer d Irlande
partir
de
Dublin.
Danemark et Norvge venaient de renoncer pour quelques annes
leurs
quer
elles, et
leurs
flottes redevenaient disponibles. L alliance normande, enfin, tait
trs
(39) Lothen et Yrling : Chronique anglo-saxonne,
anno
1048, version E. Sur la politique danoise, consul
terrincipalement L. M. Larson, The
Efforts
of
the
Danish Kings
to
Recover
the
English Crown After
the
Death
of
Harthacnut,
dans
Annual Report of the
American Historical Association ,
1910, p. 69-81.
(40)
Sur
ce problme trs controvers, voir D.
Douglas,
Edward the Con) essor, Duke
William
of Normandy
and the
English Succession,
dans
English
Historical Review ,
t. LXVIII, 1953,
P-
526-545-
79
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
19/21
L.
MUSSET
impopulaire
en
Angleterre. Le
systme
de dfense
imagin
par
Edouard s'effondra
totalement. A
l t
105a, Harold et Godwine,
les
Norvgiens d Irlande et
les
Danois de
Flandre
coordonnent leurs
mouvements,
se
joignent
au
large
de
Wight
et
forcent
Edouard
capituler.
Le 14 septembre
Godwine
et sa famille ressaisissent le
pouvoir
;
jusqu sa mort
le
roi reste
un
otage
aux
mains du
clan
danois.
Ces
premires annes d Edouard nous
ont
longtemps retenu. C est qu elles
sont singu
lirement
instructives.
On y voit, pour la premire
fois,
durant le
court
gouvernement
personnel
du
roi
(sept. 1051
-
sept. 1052), l'Angleterre
hsiter entre
l attraction Scandi
nave t
l attraction
normande :
les
vnements de 1066 s y trouvent
prfigurs. La
Normandie, cette fois, n osa pas jouer tout son
jeu
infiniment risqu et l pisode
se solde par un
ultime
triomphe
de la politique prpare par Knut
le Grand.
Pour la
dernire fois, au cours
de
ces annes 1052-1066
(ou,
plus exactement, 1052-1070,
car c est
la
grande
dvastation
des
comts
du
Nord par
le
Conqurant qui
est le
vrai
terme),
monde
anglo-saxon et monde Scandinave sont en
contact
et en communication,
de
plain-pied. La
tradition
littraire norvgienne rapporte
qu un
scalde
de la cour de
Norvge, Sneglu-Halli, visita
la
cour du Confesseur o, apparemment, il y avait encore
des gens
capables
de le comprendre et de l admirer ;
mais tel
n tait pas le cas du
roi,
tranger toute
culture
nordique : le scalde
se
conduisit envers lui en mauvais plaisant,
dclamant
srieusement,
sous
couleur
de
pomes, des propos sans suite... (41). Dans le
Nord, cependant, il subsistait, autour des jarls anglo-scandinaves, un milieu capable
d apprcier, et mme de faire clore,
les
posies scaldiques : le norvgien Thorkell
Skallason
composera
encore une posie
funbre
(Valthjfsflokkr) la mmoire du
dernier
reprsentant de leur dynastie,
le
comte Waltheof
que
le
Conqurant
fit
mettre
mort
en 1076... (42). Beaucoup plus tard, au xine sicle, en
des
termes nostalgiques, et
sans
nul doute exagrs, une saga islandaise
passablement
romanesque, la Gunnlaugs saga
Ormstungu,
clbre
cette poque
comme
celle o
on parlait
la mme
langue en
Anglet
erre
u en
Norvge
;
elle
ajoute : Les langues ne
changrent qu aprs la conqute de
l'Angleterre par Guillaume
le Btard.
(43).
Toute une
branche de l art anglais,
sous
Edouard le Confesseur, reste dcidment Scandinave ;
dcrivant une girouette de bronze
trouve dans
la
plus anglaise des
villes
anglaises,
Winchester,
et proposant
de la
dater
des annes
1050-1060, le
grand archologue anglais T.
D. Kendrick crit :
Nothing
is
English in it,
but Viking work
and Viking taste. (44). Une
bonne
part
de
l art
ornemental
anglais d alors
est
en effet, purement et
simplement,
un rameau
du
style
Scandinave
dit
du Ringerike
.
La fin
du
rgne d Edouard et
l invasion
normande
sont
choses
trop connues pour que
(41) Finnur
Jonsson,
Den oldnorske og oldislandske
Litteraturs
Histori, Copenhague, 2e d., t. I, 1920,
p. 620-622 ;
Jon
Helgason,
Norges
og Islands Digtning ( Nordisk Kultur , VIII
B), Copenhague,
1953,
p. 128.
(42) Ce
pome est
connu par les citations de
Snorri
Sturluson,
Heimskringla, saga
de Harald
le
Svre,
96
et
97
; cf. Finnur
Jonsson,
Der norsk-islandske Skjaldedigtning, I A, p.
414.
(43) Saga de Gunnlaug Langue-de-serpent, 7.
(44)
T.
D.
Kendrick,
Late
Saxon and
Viking Art,
Londres,
1949, p. 100.
80
7/23/2019 Musset (Lucien)_Relations Et changes d'Influences Dans l'Europe Du Nord-Ouest, Xe-XIe s. (CCM 1:1, 1958, 63-82)
20/21
EUROPE DU NORD-OUEST
nous entreprenions de
les raconter,
mme brivement.
Il
suffira, pour
finir,
d attirer
l attention sur deux questions.
Insistons
d abord sur
le rle essentiel que tint, en toute cette affaire, l'lment
Scandi
nave u
Danelaw.
Harold a succomb
Hastings
parce que son
arme
tait puise par
le
combat
de Stamfordbridge,
livr
dix-neuf jours
plus tt contre les Norvgiens
l autre bout
de l'Angleterre.
Or l'intervention norvgienne
s explique
presque unique
ment
ar les incidents dont le Nord
du
Danelaw fut
le thtre en.1065-1066
(et
non,
croyons-nous, par une entente
entre
Guillaume
et
Harald, que tout destinait
tre
concurrents plutt qu allis).
La population tait en
mauvais
termes
avec son chef,
Tosti, frre
de
Harold, un
brutal
, qui