L'état sanitaire grec se dégrade

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ÉGYPTEIncertitude politiqueLes Frères musulmansrevendiquent la victoire de leurcandidat Mohammad Morsià l’élection présidentielle. Celle-ciest contestée par son rivalAhmad Chafiq. PAGE 19

MARDI 19 JUIN 2012 L’EXPRESS - L’IMPARTIAL

L’ACTUSUISSE | MONDE | ÉCONOMIE

KEYS

TONE

CRISE Désormais en attente de son nouveau gouvernement, le pays est en proieà la dégradation de son système de santé sur fond de recrudescence du sida.

L’état sanitaire grec se dégradeATHÈNESAGNÈS MATRAHJI

Aux lendemains des élections,les Grecs restent plongés dans lemarasme économique, au pointd’en perdre jusqu’à leur «kéfi»,cette bonne humeur qui en fai-sait un peuple jovial et chaleu-reux. Le climat de désespoir estpalpable.

La désolation se lit dans les re-gards, la colère et la hargne dansles propos. Le taux de suicide, se-lon les chiffres de la police, aaugmenté de 40%. Pour les car-diologues, la recrudescence desinfarctus et des attaques céré-brales est liée à la crise. Les ma-ladies psychiatriques progres-sent. Et surtout, le sida fait desravages avec une épidémie re-partie à la hausse.

L’état sanitaire du pays estgrave. Les pharmaciens ne dis-tribuent plus les médicamentsque le gouvernement, au traversde l’office central de santé (Eop-py), ne rembourse plus. Depuis2011, il a creusé une dette de500 millions d’euros envers lesofficines. En cas d’urgence, lesassurés achètent leur traitementà crédit. Les hôpitaux publicsn’ayant pas honoré les paie-ments des fournisseurs de maté-riel, annulent les interventionschirurgicales, ferment certainsservices.

Dans ces conditions, il devientimpossible au gouvernementd’aider certaines associationsqui œuvrent contre les maladieschez les enfants ou un orga-nisme qui lutte contre les dro-gues telle Okana qui s’occupedes jeunes dépendants.

Faillite sanitaireDéjà fin 2011, le ministre de la

Santé Andréas Loverdos signa-lait à l’Organisation mondiale dela santé la réapparition de certai-nes maladies transmissibles et lahausse dramatique des séroposi-tifs chez les consommateurs desubstances illicites.

Toujours selon le ministre de laSanté, cette hausse a été de580% en 2011 et de 1500% en2012.Lesraisonsdecettevertigi-neuse hausse sont la prostitu-

tion illégale et l’utilisation multi-ple des seringues…

Aujourd’hui, Andreas Lover-dos tire la sonnette d’alarme carl’état de faillite sanitaire du paysrisque bien de déborder les fron-tières de la Grèce. Il prévient:«Nous voyons réapparaître desmaladies transmissibles à cause del’émigration illégale, il y a aura unecontamination de ces maladies dela Grèce au reste de l’Europe.»

S‘il avait annoncé la distribu-tion gratuite de seringues, dansune tentative de frein à la trans-mission vertigineuse du virus, iln’a cependant pas pu le fairepour des raisons économiques.Pourtant, selon les sources duCentre de contrôle et de préven-tion des maladies, (Keelpno)pour qui la hausse des séroposi-tifs est de 1200% chez les con-sommateurs de drogues, expli-que que cette hausse est due à63% aux injections intraveineu-ses.

On constate donc un change-ment significatif de l’épidémie.Jusqu’alors les contaminés parinjections intraveineusesétaient peu nombreux, mais en2011, un cas de sida sur quatreest un «junkie». Pour chercherà endiguer le phénomène, Oka-na a pu distribuer, une fois seule-ment, 100 000 seringues et pré-servatifs uniquement sur lesvilles d’Athènes et de Thessalo-nique.

La recrudescence de sida sem-ble particulièrement imputéeaux utilisateurs de drogues in-jectables, particulièrement ci-blés par les actions des autoritésde santé publique et les associa-tions non gouvernementalesd’aide aux toxicomanes.

Système effondréDe plus, la faculté de méde-

cine d’Athènes note que l’épi-démie s’accompagne aussid’une progression importante

des cas d’hépatites. Devant detels dangers, déjà pour toute laGrèce, le député Nikolopoulosa critiqué le manque de déci-sions de la part du Ministère dela santé en ce qui concerne lesutilisateurs de drogues injecta-bles. Il a ajouté que: «Chacun sedoit de faire pression pour quesoient prises des mesures de san-té publique, que soient donnéesdes aides financières pour soula-ger le désespoir des jeunes, quesoit limitée l’expansion du sidaavant que la situation ne soit irré-versible».

Keelpno poursuit avec de fai-bles moyens sa politique de pré-vention dans le centre de la ca-pitale grâce à des unités desoins et d‘informations. Ainsi,elle a pu, depuis septem-bre 2011, examiner 24 000 per-sonnes à risque. Il a été distri-bué un grand nombre deseringues et ouvert plus de servi-ces dans les grands hôpitaux.

Sept établissements étaientspécialisés pour cette demande,on en compte 26 maintenant.

Mais on peut douter de l’effi-cacité des services hospitaliers,puisque l’ensemble du systèmede santé s’est effondré avec laréduction précipitée des dépen-ses de santé en échange del’aide internationale.

A Athènes, Dimitris Pistolas,administrateur de l’hôpitalEvangélismos, qui a enregistréune augmentation de 30% defréquentation, explique que levrai problème est «le manqued’effectif».

Dans le secteur de la méde-cine, il n’y a pas d’embauche, lesgardes et les heures supplémen-taires n’ont pas été payés depuisle début de l’année pour le per-sonnel soignant. Les restric-tions budgétaires sont faites audétriment de la santé publique.

Dans un système de santé dé-labré, qui ne peut plus payer ni

les médecins ni les pharma-ciens fréquemment en grève,l’effondrement n’est évité dejustesse que grâce au «filoti-mo», ce sens du devoir et del’honneur des Grecs à s’entrai-der. Ils essaient de faire face à lapénurie de médicaments, aucoût des soins devenus prohibi-tifs pour les plus démunis parl’entraide. Pour combien detemps encore?�

Délabré, le système de santé grec ne peut plus payer ni les médecins ni les pharmaciens d’ailleurs fréquemment en grève. KEYSTONE

UN RENDEZ-VOUS EUROPÉENL’organisation Médecins du monde intervient auprès de la population grec-que comme elle interviendrait auprès d’une population du tiers monde. Na-thalie Simonnot, adjointe au secrétaire général du réseau international deMédecins du monde explique «Les médecins demandent aux patientsd’acheter eux-mêmes pansements, seringues et gazes parce que certainshôpitaux sont en rupture de stock». C’est dans ce contexte que les partenai-res de la santé grecque et européenne sont appelés à se réunir le 21 juin pourune conférence ministérielle sur le thème: «Le sida et les maladies sexuel-lement transmissibles dans les populations à risques en Europe: émigrés,personnes dépendantes et consommateurs de stupéfiants». A cette occasion,il sera débattu des derniers résultats des taux de contamination du virus HIV-sida en Grèce, tant sur l’ensemble de la population que sur les groupes àrisques. On évoquera aussi les dysfonctionnements du système grec desanté à cause de la crise économique.�

= L’AVIS DE

BAKER KALLASMÉDÉCIN URGENTISTEDAS L’ÎLE DE MYTILÈNE

«Des actes devandalisme ontété commis dansmon petit hôpital»En province, dans les îles, la situa-tion sanitaire n’est pas meilleure.Baker Kallas, médecin urgentiste,directeur d’un Centre de soins dansl’île de Mytilène, (Lesbos): «Je nepeux plus faire face aux besoins desanté de base, non seulement jen’ai plus de gaze ou de médica-ments de première urgence, maisje n’ai plus non plus assez de serin-gues, j’en garde une dizaine en casd’accident grave…Je ne peux donc plus répondre à lademande des jeunes drogués, deplus en plus nombreux et agressifsqui passent au dispensaire pourobtenir des seringues neuves ouun substitut à leur dose. Je ne peuxque leur fournir un simple placebo,qui ne les soulagera pas, qui lestrompera mais leur dépendancerestera et s’affirmera par des con-duites violentes.A plusieurs reprises, des actes devandalisme ont été commis dansmon petit hôpital de campagne etle personnel a dû faire appel à lapolice. Je vous laisse envisager cequi se passe dans les centres hos-pitaliers des grands centres ur-bains, surtout le samedi soir…»

AMA

La Grèce «n’est pas sortie de l’auberge» etl’austérité va se poursuivre dans ce pays,pour l’ex-conseiller national Josef Zisyadis.Pour Syriza, la gauche radicale, en revan-che, la progression ne fait que commenceret il s’attend à de nouvelles mobilisations.Les partis favorables au Mémorandumavec l’UE ont à nouveau gagné. «Mais pourcombien de temps?», se demande le Gréco-vaudois au lendemain des législatives. Si leParti socialiste (Pasok) entre dans un gou-vernement avec Nouvelle Démocratie, «ilva appliquer une politique de droite, ce qu’il adéjà fait lui-même, et il n’aura plus aucune

différenciation» avec cette droite conserva-trice, selon l’ancien parlementaire de LaGauche. Et le Vaudois d’ajouter qu’avec lesdeux partis qui ont provoqué les problè-mes du pays, «on n’est pas sorti de l’au-berge». Il s’attend également à de nouvellesmobilisations importantes dans les pro-chains mois.

L’envoi des feuilles d’impôt a été décaléaprès le scrutin et la question de la paupé-risationdelapopulationresteposée.Surcesujet, Syriza souhaitait des impôts cibléssur les populations «qui jusqu’à présent neles ont pas payés ou se sont arrangées pour ne

pas les payer» comme l’Eglise ou les arma-teurs, insiste-t-il. Un programme de «me-sures quasiment sociales-démocrates»,ajoute-t-il.

Le Pasok a été remplacé dans les faits parla gauche radicale comme contrepied à ladroite. Et Syriza est «la seule force consé-quente d’opposition», souligne-t-il. Le parti,qui regroupe 11 mouvements, est pragma-tique, proche des «problèmes des gens» et asu s’unir. Des éléments qui pourraientaussi peut-être bientôt fonctionner pourla gauche radicale au Portugal ou en Espa-gne, glisse-t-il.� ATS-AFP

La Grèce n’est pas encore «sortie de l’auberge»