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Les etudes hydrologiques sur la Haute-Durance
Hydrological investigations on the upper Durance
p a r L . S E R E A ,
C I I K F D E L A D I V I S I O N H Y D B O L O G I E A U S E R V I C E D E S E T U D E S E T R E C H E H C H E S H V D B . A U L I Q U B S D E L ' K L E C T I U C . I T E D E F R A N C E
Elude, des facteurs conditionnels des débits : choix des emplacements des postes pluviomé-triques en fonction des (rois vents pluvieux, principaux : vent du Midi, Lombarde et Marin. Mise au point de pluviomètres à augets bascu-leurs, munis d'enregistreurs de longue durée et chauffés au propane. Mesure de la quantité de neige restant sur te sot par source radio-active et compteur Geiger-Muller. Enregistrement des températures, du vent au sol. Etude géologique du terrain. Etude des débits à la station de l'Archidiacre : aménagement de la station, hydrogramme de crue, influence de la durée de la pluie, de son étendue dans l'espace et de sa direction de propagation sur la forme de l'hydrogramme. Utilisation des probabilités d'apparition et de propagation des pluies.
Study of the factors conditioning the discharge; choice of sites for pluviomctric posts, account being taken of the three main rain winds : south wind, Lombardy mind and ocean mind. Development of tip-container pluviometers equipped with recording instruments and heated by propane.. Measurement of quantity of snow remaining on ground by radio-activity and Geiger-Muller counters, Recording of tern-per<itures and of wind at ground-level. Geological study of the land. Study of the discharges at the Archidiacre gauging post : equipment of the post, flood hydrogramme, influence of length of rainfall period, of the surface it covers and of its direction of propagation on the shape of the hydrogramme. Utilization of probabilities of rain occurence and propagation.
En dépit du nombre relativement élevé de stations de. jaugeage ayant fonctionné sur le bassin supérieur de la Durance, les débits de ce cours d'eau — débits moyens et surtout débits extrêmes (étiages et crues) — sont encore assez mal connus.
Les observations anciennes et les courbes de tarage de la plupart des stations sont trop souvent sujettes à caution. Souvent aussi des lacunes viennent fâcheusement interrompre les séries de relevés. Tout cela rend difficile, sinon parfois impossible, l'utilisation des méthodes statistiques.
Nous avons donc été conduits à attaquer le problème d'une autre façon. Et au lieu de décrire seulement comment ont évolué les débits de la Durance, nous essaierons de comprendre pourquoi ils ont évolué dans tel ou tel sens en vue
de dégager les lois qui régironl les écoulements futurs.
Une telle analyse du phénomène ne peut se faire que par l'élude minutieuse, portant sur quelques années, des facteurs essentiels qui conditionnent les débits.
Précisons immédiatement (pie le soin apporté à l'équipement de la Haulc-Durancc en appareils d'observations hydroinétéorologiques se justifie par l 'importance des aménagements envisagés. Le barrage de Serre-Ponçon, avec ses 100 m de hauteur, retiendra plus d'un milliard de m : i d'eau. C'est dire l'intérêt qui s'attache à la connaissance la plus exacte possible de la crue maximum pour pouvoir dimensionner les ouvrages évacuateurs et se prémunir ainsi contre les risques de catastrophes que la rupture d'un tel barrage ne manquerait pas de provoquer à l'aval.
Article published by SHF and available at http://www.shf-lhb.org or http://dx.doi.org/10.1051/lhb/1953007
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I. — ÉTUDE DES FACTEURS CONDITIONNELS DU DÉBIT
A. - LES PRÉCIPITATIONS
a) P R É C I P I T A T I O N S I .HJI ' IDKS.
Au début de nos études, nous avons trouve en place un réseau de postes pluviométriques, installés soit par la Météorologie Nationale, soit par le Centre Hydrométéorologique de Lyon (Direction de l'Exploitation E.D.F.).
Mais ce réseau nous est vite apparu insuffisant : - - A quelques rares exceptions près, les postes
étaient situés dans des fonds de vallées. Donc peu ou pas de renseignements pluviométriques sur les régions de haute altitude et loin de tous lieux habités.
— Il n'était et il n'est encore fait dans ces postes qu'une seule lecture journalière. Or, les sources de la Durance ou de ses affluents ne se trouvent qu'à une centaine de kilomètres au plus de Serre-Ponçon et le flot met moins de vingt-quatre heures pour venir des points extrêmes.
Nous avions donc besoin de connaître, en plus de leur intensité totale, les heures de début et de fin d'averse ainsi que la forme des « diagrammes de pluies ».
C'est ainsi que nous avons été conduits à faire un large emploi des pluviomètres enregistreurs.
Choix des emplacements des postes pluviométriques.
La Haute-Durance (en englobant aussi sous ce terme les bassins versants du Guil et de l'Ubayc, c'est-à-dire en somme lout le bassin versant de Serre-Ponçon) est soumise à l'influence de trois vents pluvieux d'origine, de nature cl d'aire d'application différentes.
1. Le « Vent du Midi », qui souffle du S.-S.W. : on peut dire très brièvement que les pluies qui l 'accompagnent sont d'origine atlantique. Elles sont généralisées sur tout le bassin, mais avec plus ou moins d'intensité suivant les conditions locales d'orientation et de relief.
Plus abondantes sur la Moyenne-Du-rance et le Guil que dans le bassin de l'Ubaye, elles sont beaucoup plus faibles encore sur la Durance Supérieure.
2. La « Lombarde », d'E.-S.E., vent dominant au voisinage de la frontière italienne, fréquemment associé à la pluie ou à la neige. Dans la région qui nous intéresse, son
aire d'application se limite à la haute vallée de la Durance et à un degré moindre à celle du Guil. L'Ubaye est peu affectée.
;i. Le « Marin » enfin, vent du S.E., qui amène des pluies d'origine méditerranéenne. Leur aire d'extension ne va pas au nord plus loin que le bassin de l'Ubaye. Elles n'intéressent donc la région étudiée que pour une part assez faible.
Disons tout de suite — mais nous y reviendrons plus loin — qu'il ne peut y avoir coexistence de ces trois vents pluvieux. On n 'aura donc pas à craindre l'arrivé simultanée à Serre-Ponçon de trois flots importants.
De même, il ne peut y avoir en même temps superposition de pluies abondantes et de fonte rapide du manteau neigeux due à un elïet du fôehn. Le foehn souffle ici de l'E.-S.E. et ne peut coexister avec un vent de pluie généralisée du S.W.
Installation des appareils.
Sur la base de ce schéma de distribution des pluies dans le bassin de Serre-Ponçon, nous nous sommes donc attachés à mettre en place un réseau d'appareils enregistreurs permettant de suivre, dans le temps et dans l'espace, l'évolution des perturbations pluvieuses.
Pas de difficultés spéciales pour l'installation des postes au voisinage des lieux habités. Nous avons utilisé les pluviomètres enregistreurs classiques à augets basculeurs, auxquels nous avons adjoint pour la saison froide un dispositif de chauffage électrique alimenté par le réseau.
Pour les régions éloignées ou d'accès difficile, nous avions envisagé plusieurs solutions :
1. Utilisation de nivo-pluviomètres totalisateurs. Mais ces appareils présentent l'inconvénient grave de ne donner que le total des précipitations recueillies entre le moment de l'installation — en général octobre —-et le moment où se font les relevés — fin de printemps et souvent octobre de l'année suivante. On les a donc abandonnés.
2. Utilisation de pluviomètres enregistreurs classiques munis de dispositifs de télémesure par fil ou sans fil. Solution abandonnée aussi en raison de trop grands risques de pannes d'exploitation en hiver.
3. Mise au point d'enregistreurs spéciaux de longue durée et spécialement adaptés aux conditions particulièrement sévères d'emploi en haute montagne.
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Type retenu : pluviomètre à augets bascu-leurs. — Enregistreur commandé par une horloge électrique alimentée par des piles spéciales résistant aux plus grands froids. — Autonomie de marche : six mois.
Inscription sur papier paraffiné, par une pointe sèche pour éviter l'encrassement des plumes dû au gel de l'encre. Longueur du rouleau : 60 m, avancement : 12,5 mm à l'heure par saccades toutes les secondes.
Chauffage ; il ne pouvait être question de chauffage électrique (distances trop grandes pour « tirer » des lignes risquant d'ailleurs d'être rompues par le gel ou les ava~
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lanches). D'où système de chauffage inédit par bouteilles de propane à 33 kg (8 bouteilles en série donnant une autonomie de six mois). — Brûleur double spécial commandé par thermostat.
L'ensemble des enregistreurs est contenu dans un coffre métallique calorifuge à double paroi (bourré de 5 cm de laine de verre). Le coffre est en éléments démontables pour le transport à dos de mulets. Le tout est fixé sur une charpente métallique avec plateforme à 2 m de haut, le réceptacle du pluviomètre se trouvant ainsi à 3,50 m au-dessus du sol.
La carte I indique les emplacements :
s
PHOTO 3 . — D i s p o s i t i f de chauf fage . Los huit b o u t e i l l e s de propane en sér ie avec leurs d é t e n d e u r s , le t h e r m o s t a t
et la co l l ere t te de chauf fage .
PHOTO 1. 1 ' l u v i o i n è l r c e n r e g i s t r e u r de h a u t e m o n t a g n e . PHOTO 2. — Déta i l du d i s p o s a i t à a u g e t s foascnleurs. \ 'ue d ' e n s e m b l e (appare i l ouver t ) ; On d i s t i n g u e à la par t i e s u p é r i e u r e
à l ' extér ieur , s u r le p a n n e a u de dro i te , la co l l ere t te de chauffage de l ' en tonno ir , la n iche du t h e r m o m è t r e enreg i s t reur .
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P H O T O 4, — - Vue d ' e n s e m b l e d'un pare m é t é o r o l o g i q u e de l i au lu m o n t a g n e , A dro i te du p l u v i o m è t r e enreg i s t reur , les d e u x mâts - support
du c o m p t e u r de ( î e iger -Mul ler pour la m e s u r e de l ' épa i s seur de ne ige par r a d i o - i s o t o p e s .
- Des enregistreurs type courant (34 appareils en service);
Des enregistreurs type spécial de haute montagne (10 prévus dont 7 en service, tous à des altitudes comprises entre 2.000.et 2.400 m). Quelques photos donnent des vues d'ensemble et de détail de ces appareils.
b) P R É C I P I T A T I O N S S O L I D E S .
Deux genres de mesures sont effectués :
a) Mesure de la quantité de neige tombée. Elle est faîte d'une part par les pluviomètres
enregistreurs eux-mêmes. D'autre part, auprès des postes pluviométri-
ques simples (où il n'est fait qu'une lecture journalière) sont disposées soit des cuves à neige, soit des tables à neige à bascule donnant le total journalier de la précipitation tombée sous forme solide.
b) Mesure de la quantité de neige restant sur le sol (nécessaire pour étudier le mécanisme de fusion du stock neigeux et son influence sur les débits).
Là aussi, deux méthodes :
-— Des perches à neige ont été installées sur le bassin. Au cours de tournées périodiques se font les lectures «le la hauteur de neige. La densité (d'où l'on lire la « valeur en eau ») est déterminée par carrotlage et pesée. Mais les tournées sont rares parce que longues, difficiles et parfois dangereuses.
— Reprenant une idée, trouvée dans des publications américaines, nous avons donc mis au point un dispositif permettant d'avoir la valeur du stock neigeux de façon automatique et continue.
Le principe en est simple :
Si I„ est l'intensité d'un rayonnement ra-
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dio-aetif, lorsqu'on interpose sur son trajet un écran d'épaisseur .r, le rayonnement traversant l'écran a pour intensité :
I = l 0 e-r-s
;J. est une constante ne dépendant que de la nature du matériau constituant l'écran. Elle est en particulier indépendante de l'état physique de ce dernier. Dans le cas de la neige, le rapport I / I 0 ne dépend donc que de la « hauteur d'eau équivalente » qui est justement l'élément qui nous intéresse.
Pratiquement, le dispositif comprend en gros :
— Une source radio-active (100 me. de cobalt 60) placée au niveau du sol et émettant à la verticale un pinceau fin de rayons y-
— Un compteur de GKIGER-MULLKH maintenu à 4 m du sol dans le faisceau des rayons.
— Un enregistreur de « tops » alimenté par une horloge électrique. — Bande de papier paraffiné se déroulant à vitesse constante.
Nous n'entrerons pas dans les détails techniques de fonctionnement. Notons seulement que l'appareil effectue 4 mesures par jour avec une autonomie de 8 mois.
Ces appareils de mesure de neige par radio-isotopes sont placés près des pluviomètres enregistreurs de haute montagne dans des petits parcs météorologiques clos de barbelés. (Voir leur emplacement carte I.)
B. — LES TEMPÉRATURES
— Dans les postes pluviométriques de vallée, il est l'ait deux lectures de température par jour.
— De plus, chacun des dix postes de haute montagne comporte sur la paroi extérieure du coffre un thermomètre à tension de vapeur. Le distributeur d'impulsions du pluviomètre actionne aussi le style d'un enregistreur thermo
métrique. On a donc un enregistrement continu des températures qui se fait sur la même bande de papier paraffiné que les relevés pluviométriques.
C. — LE VENT
— Vent en altitude (pour l'étude de la propagation des perturbations pluvieuses).
Nous utilisons pour cela les observations très détaillées faites à la station d 'Embrun qui est un « poste synoptique » du réseau de la Météorologie Nationale.
Des observations moins détaillées mais également utiles sont faites aussi au poste auxiliaire synoptique du Bois de l 'Ours à Briançon.
— Vent au sol (pour l'étude des rafales au sol et leur influence sur les indications des pluviomètres — et pour l'étude de l'évaporalion et la fusion du stock de neige).
Nous envisageons d'adjoindre à cinq des postes pluviométriques de haute montagne des appareils enregistrant la vitesse et la direction du vent. Ces anémomètres et girouettes seront placés sur des supports de 4 m de haut. Pour l'instant, nous en sommes à l'étude d'un prototype (en soufflerie, en chambre froide à —-40" et dans la nature) pour voir surtout comment se comporteront les parties tournantes en cas de givre. Nous pensons pouvoir mettre les appareils en place dans le courant de l'été 1954.
C. - NATURE GÉOLOGIQUE DES SOLS
Notre programme comporte également l'établissement d'une carte hydrogéologique de la Haute-Durance telle qu'elle a été dessinée pour certaines régions de la Tunisie. Nous sommes pour cela en relation avec les géologues qui ont inauguré et mis au point un tel mode de représentation des terrains, et à moins d'imprévu une campagne de prospection et d'études sur le terrain pourra être entreprise dès que les conditions atmosphériques le permettront.
III. — ÉTUDE DES DÉBITS
Concurremment à l'étude des facteurs condi-lionnels du débit, nous poursuivons naturellement l'étude des débits eux-mêmes.
Un certain nombre de stations de jaugeage existaient déjà sur la Durance et ses affluents. Une élude critique des conditions dans lesquelles elles furent exploitées nous a d'abord permis
d'extraire quelques résultats utilisables d'une masse informe de relevés. Puis certaines de ces stations ont été « reprises » et re-équipées. D'autres stations nouvelles ont été enfin mises en service.
Ce sont en général des stations du type classique munies de limnigraphes et sur lesquelles il
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est inutile d'insister. Leurs emplacements ont été reportés sur la carte II.
Les jaugeages se l'ont par la méthode chimique (sauf en trois stations de la Durance où le brassage n'est plus suffisant : la Roehe-de-Rame, Saint-Clément et l'Archidiacre).
Les courbes de tarage viennent d'être terminées. Elles seront, bien entendu, tenues à jour.
Parmi toutes les stations de jaugeage du bassin, une mention spéciale doit être réservée à l'Archidiacre. C'est pour ainsi dire la :< station principale » du bassin, la plus voisine de l'em
placement de Serre-Poneon, donc celle où peuvent être mesurés à très peu de chose près les débits qui alimenteront le barrage. (Le seul bassin versant intermédiaire entre Serre-Poneon el l'Archiadiacre est en effet constitué par celui du petit torrent de Thetrs el celui de la Blanche -qui au surplus sera plus tard dérivé dans Serre-Ponçon — soit 167 km- sur un total de 3.884, c'est-à-dire environ 4 % ) .
La station de l'Archidiacre a été suffisamment décrite par ailleurs.
Rappelons seulement que les aménagements qui lui ont été apportés (passerelle mobile rou-
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huit sur rails) permettent des jaugeages au moulinet même par les plus fortes crues. Au surplus, un appareil à prélèvement continu permet de déterminer de façon précise et détaillée la courbe des débits solides en fonction du temps.
Enfin, le charriage des matériaux est évalué
par la formule de M E Y E K - P K T K H , la granulométrie étant déterminée au moyen de prélèvements paillasses à graviers, et l'appréciation du début de charriage faite par un détecteur hydrophonique dont l 'enregistrement est effectué sur un magnétophone.
III. — UTILISATION DES DONNÉES EXPÉRIMENTALES
Chaque bassin versant élémentaire, avec sa station de jaugeage et ses pluviomètres, constitue un « ensemble ». La corrélation entre débits et pluies ou autres éléments météorologiques permet de déterminer pour chacun d'eux l 'hydrogramme correspondant à telle ou telle condition initiale.
Nous montrerons à titre d'exemple le genre d'études effectuées sur la station de l'Archidiacre, totalisatrice du bassin de Serre-Ponçon.
Le problème essentiel est ici celui de la crue maximum à prévoir.
Une première « information » préalable et que l'on ne saurait négliger nous est donnée par la station de Ventavon un peu à l'aval (4.216 k m 2
au lieu de 3.834 km 2 ) où trente années de mesure ont montré que les crues de la Durance dans ce secteur sont assez nettement localisées dans le temps.
Elles apparaissent :
- Soit en fin de printemps, c'est-à-dire en mai-juin. La fonte des neiges participe au gonflement des débits;
--- Soit en automne : septembre-octobre-novembre. Les crues sont alors dues aux précipitations seules.
Il doit donc a priori exister deux types d'hy-drogrammes de crues.
.Jusqu'à présent, l'unité de temps ne pouvait être que le jour puisqu'on ne faisait aux stations pluviométriques qu'une lecture journalière. Nos appareils enregistreurs nous permettront de serrer davantage la réalité.
Sans entrer dans le détail de la méthode qui pourra faire l'objet d'un autre exposé, rappelons que :
a) Si une pluie couvre la totalité du bassin, la forme de l 'hydrogramme de l'écoulement (c'est-à-dire débit en fonction du temps) dépend, pour une intensité de pluie donnée, d'une part de la durée de la pluie comparée au temps de concentration à la station, d'autre part de la forme même du diagramme de pluie (toutes ces quantités peuvent être mesurées).
b) Si la pluie ne couvre qu'une partie du bassin, elle peut :
- Soit traverser le bassin perpendiculairement à la direction générale du cours d'eau, et l'on a là un cas analogue à celui de l'orage stalionnaire sur une partie du bassin;
- - Soit ic traverser parallèlement au sens de l'écoulement. Si elle remonte le sens de l'écoulement, on aura une suite de crues élémentaires donnant à la limite un hydrogramme aplati et allongé. Si elle descend au contraire le sens de l'écoulement, il conviendra de comparer sa vitesse de marche V avec la vitesse v de propagation de l'onde de crue. Le cas le plus défavorable est celui où V = v.
L'hydrogramme devient alors très pointu et l'on observera une montée des eaux rapide et intense.
Appliquons ces quelques considérations forcément très résumées au cas de Serre-Ponçon.
L'orientation générale de la Durance est sensiblement N.E.-S.W. Nous avons vu, dans l'étude des vents pluvieux, que des pluies abondantes venant du N.E. et descendant tout le long de la Durance n'étaient pas à craindre. Donc, pas de crue intense avec montée d'eau très rapide du type désigné pins haut sous le nom de « cas Je plus défavorable ».
Mais nous pourrons avoir les cas suivants : a) Pluies d'ouest (de N.W. à S.W.) couvrant
tout le bassin. Elles peuvent être continues, mais d'intensité relativement faible : hydrogramme aplati.
b) Pluies de S.E. plus intenses mais limitées à la partie inférieure du bassin : hydrogramme pointu et crues plus dangereuses.
c) Succession de pluies de ces différents secteurs :
Si elles se font dans l'ordre : pluies de S.E. suivies de pluies d'W. (schéma &-(-«); on n'observera à Serre-Ponçon qu'une suite de crues élémentaires.
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Si elle se fait dans l'ordre inverse (schéma a -f b), on aura d'abord un débit soutenu et pouvant être relativement élevé dù aux pluies généralisées d'ouest. C'est sur ce Ilot de base que viendra se superposer l 'hydrogramme pointu dù aux pluies de S.E. Au total, possibilité de forte crue.
C'est cette possibilité que nous nous nous efforçons maintenant de chiffrer.
Nous sommes pour cela en relation étroite avec les Services de Climatologie et de Prévision de la Météorologie Nationale.
Un certain nombre d'études fort importantes ont déjà été effectuées sur 1' « Evolution des types cle temps en Europe Occidentale ». Citons surtout l'actuelle mise à jour d'un calendrier, dit « calendrier de B A I H », qui donne depuis LS81 la suite chronologique de toutes les situa-lions isobarîques observées au niveau de la mer et classées en 2(> types de temps principaux.
Partant de ces Ira vaux de base, il doit être possible de déterminer pour une région telle que le Sud-Est de la France :
-- La probabilité d'apparition de phénomènes successifs : en particulier pour le problème des crues de Serre-Ponçon, pluies d'ouest suivies de pluies de S.E.;
La probabilité de vitesse de marche de ces phénomènes, ou. bien la probabilité de persistance des pluies exceptionnellement abondantes et la quantité maximum à attendre en vingt-quatre heures, en douze heures ou en moins de temps encore;
- Les probabilités de réchauffement ou de baisse de température et leur corrélation avec l'apparition de précipitations abondantes. Ces points sont particulièrement intéressants à examiner pendant les périodes — printemps et début de l'été — au cours desquelles la fusion nivale participe pour une large part au gonflement des débits.
*
Nous avions dit au début de cette note que
les méthodes statistiques nous paraissaient d'emploi difficile sinon impossible pour l'élude des débits de la Durance. Nous y voici cependant revenus mais par une voie détournée. C'est que le problème n'est plus le même : il ne s'agit plus de traiter par l'appareil mathématique des séries plus ou moins longues et surtout plus ou moins valables de relevés de débits et d'extrapoler les résultats jusqu'aux valeurs limites qui sont les débits de crue.
Les observations faites sur la Hauie-Duranec à l'aide de nos appareils enregistreurs doivent permettre d'analyser le phénomène de l'écoulement (c'est-à-dire le passage pluies-débits) et de déterminer ainsi en chaque bassin partiel et pour le bassin lotal la forme des « hydrograimues unitaires ». Et ce n'esl que ce slade franchi, que la Statistique apparaîtra : l'évaluation des probabilités d'apparition de Ici ou Ici lype de perturbations pluvieuses permettra en définitive, el compte tenu des « informations expérimentales » recueillies sur le bassin puis traduites en hydrogrammes, de résoudre le problème qui nous était posé : la détermination de la crue maximum à craindre à Serre-Ponçon.
Nous ne terminerons pas ce rapide exposé sans souligner l'absolue nécessité pour l'étude d'un problème de celle importance d'une étroite collaboration entre Services divers : — Service des Etudes et Recherches Hydrauli
ques, chargé de la coordination et de l'élaboration des éludes.
- - Région d'Equipement Hydraulique Alpes III nui a mis en place, parfois dans des conditions très dures, toutes les stations de mesures pluviomélriques el hydromelri-cfues et en assure l'exploitation.
- - Services de la Météorologie Nationale enfin, dont les études sur les types de temps et leurs possibilités d'apparition constituent un maillon indispensable dans l'étude qui a été entreprise.
D I S C U S S I O N
( P r e s i d e n t : M . A I I . M Î H K T »
•M. le P r é s i d e n t r e m e r c i e M . S E I I K A e t s o u l i g n e l ' i n t é r ê t de l ' é l u d e s y n t h é t i q u e de l a D u r a n c e q u i a f a i t l ' o b j e t d e s o n e x p o s é : il r a p p e l l e q u e l e p r o j e t d ' a m é n a g e m e n t d e c e t t e r i v i è r e , n é c e s s i t a n t d e s b a s e s h y d r o l o g i q u e s p l u s p r é c i s e s e t c o m p l è t e s q u e ce l l e s q u e l ' on p o u v a i t t i r e r d e s s t a t i s t i q u e s d i s p o n i b l e s , a m o t i v é ce l l e é t u d e p h y s i q u e d e s f a c t e u r s de l ' é v o l u t i o n dos d é b i t s a u m o y e n d ' a p p a r e i l s d e m e s u r e p a r t i c u l i è r e m e n t c o n ç u s à cet effet.
S u r ht d e m a n d e d e M . D U F F A C T , M. S K H H A i n d i q u e q u e le coût u n i t a i r e m o y e n a p p r o x i m a t i f d ' u n a p p a r e i l p r o t o t y p e u t i l i s é e s t d e l ' o r d r e d e « 0 0 . 0 0 0 f r a n c s .
M . le P r é s i d e n t p r é c i s e q u e ce p r i x r e l a t i v e m e n t é l evé es t d û p o u r u n e l a r g e p a r t à la m i s e a u po in t d ' u n a p p a r e i l l a g e n o u v e a u d a n s u n e r é g i o n diff ic i le .
M . D I . T F A C T d o m a n d o q u o i es t l ' i n t é r ê t e x a c t de l 'on-
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r e g i s t r e m e n l d e la p l u i e et d e l a n e i g e p u i s q u e ce l l e - c i , n o t a m m e n t , n e f o n d p a s c o n t i n u e l l e m e n t à l ' a l t i t u d e du b a s s i n .
M. S E H H A p r é c i s e q u e la m e s u r e d e la n e i g e p a r r a d i o -i s o t o p e n ' e s t f a i t e q u e q u a t r e fo is p a r j o u r , e t q u e , d ' a u t r e p a r t , l ' e n r e g i s t r e m e n t de la p l u i e q u i t o m b e sert, à é t u d i e r le m é c a n i s m e d e la f u s i o n d e la n e i g e s o u s l 'effet d e la c h u t e d e l a p l u i e .
S I . le P r é s i d e n t , a p p u y é p a r M . C H E S C E N T , c o n f i r m e ce t effet en r a p p e l a n t q u ' i l a é t é n o t a m m e n t à l ' o r i g i n e d e s c r u e s d u H a u t - D r a c e n 1928 : ce t effet n ' e s t p a s d û à la t e m p é r a t u r e d e s g o u t t e s d e p l u i e , m a i s à l ' a i r c h a u d q u i a c c o m p a g n e g é n é r a l e m e n t l e u r c h u t e .
M . S E H H A a j o u t e q u e l e s t h e r m o m è t r e s e n r e g i s t r e u r s d e
l ' a p p a r e i l l a g e d é c r i t p r é c i s e n t c e t t e t e m p é r a t u r e d e l ' a i r . B i e n q u e m o i n s i n t e n s e q u e d a n s les A l p e s s e p t e n t r i o n a l e s , l 'effet d e f ô h n es t s e n s i b l e d a n s le h a u t b a s s i n d e la D u r a n e e ( M o n t - G e n è v r e , co l d e l ' I s o a r d ) .
M. le P r é s i d e n t a y a n t r a p p e l é la c o m p l e x i t é d e l ' é v o l u t i o n d e s d é b i t s , i n s i s t e s u r l ' i n t é r ê t d e l ' u t i l i s a t i o n d e s r a y o n s y p o u r la p e s é e à d i s t a n c e d e s m a t i è r e s d ' u n m é l a n g e d a n s u n s o l i d e d o n n é : le p r o c é d é a d e n o m b r e u s e s a p p l i c a t i o n s e t s e m b l e t o u t à f a i t j u s t i f i é p o u r m e s u r e r p é r i o d i q u e m e n t l ' é p a i s s e u r d e l a n e i g e en u n p o i n t d ' a c c è s d i f f i c i l e . U n a u t r e a s p e c t à r e t e n i r d e l ' i n t é r ê t d e s r a y o n s y p o u r l ' e x p é r i m e n t a t i o n e s t l ' a c c u m u l a t i o n d ' é n e r g i e s o u s u n p e t i t v o l u m e e t u n e f o r m e t r è s m a n i a b l e .