Post on 06-Mar-2020
Quelle lecture de la guerre est officiellement adoptée en Algérie à partir de
1962. Comment s’impose-t-elle? Quelles sont les difficultés qui persistent
vis-à-vis de cette vision des évènements ? Rue d’Alger, juillet 1962.
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« Il est très difficile en Algérie d’écrire une histoire de la guerre qui ne soit pas passée au crible des
critiques idéologiques et partisanes.
Dès l’été 1962, les principaux acteurs de cette guerre d’indépendance sont écartés : Mohamed Boudiaf, Krim
Belkacem, Hocine Aït Ahmed, Ferhat Abbas. Et le coup d’État de 1965, qui renverse Ahmed ben Bella, chef
historique du FLN, au profit de Houari Boumediene (pendant la guerre chef des armées situées aux frontières),
installe à la tête du pays les militaires qui prennent en main la manière dont doit être racontée l’histoire.
Ajoutons que, pendant la guerre d’indépendance déjà, la mise à l’écart de Messali Hadj (le pionnier de la lutte
indépendantiste) et l’éviction des messalistes du MNA ont interdit d’emblée le consensus autour de l’idée
nationale, confisquée par un clan du FLN.
Il n’y a pas non plus d’effort pour la réconciliation nationale. Si les messalistes sont tenus pour des « traîtres »,
imaginez ce qu’il peut en être des harkis, musulmans qui s’étaient engagés du côté des forces françaises. En
Algérie (…) les mémoires sont entrées en conflit pendant la guerre elle-même, et cela n’a pas cessé après 1962. »
Entretien avec Benjamin STORA, L’Histoire, Septembre 2010, n°356.
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« L’histoire chez nous, c’est le serpent de mer de la culture algérienne, dans ce
sens qu’elle est tout le temps falsifiée, tout le temps piétinée (…). L’Histoire, c’est
une série de dogmes qu’on diffuse dans la société. (…). Les gens comme Messali
Hadj, (…), les communistes, tous étaient totalement écartés. »
Interview de Mohamed HARBI, militant du mouvement nationaliste,
acteur de la guerre et historien algérien par Emmanuel LAURENTIN sur
France Culture, 21 novembre 2005.
Photographies du Mémorial du martyr à Alger. Chaque commune d’Algérie possède son monument des martyrs
de l’indépendance. Celui d’Alger surplombe la ville. Il a été inauguré en 1982 afin de commémorer le 20e
anniversaire de l’indépendance d’Algérie. Ce monument fait partie d’une vaste esplanade où brûle une « flamme
éternelle », une crypte, un amphithéâtre et le musée du Moujahid (combattant).
« Cette histoire anticolonialiste, presque aussi simplificatrice dans ses conclusions que l’histoire
coloniale traditionnelle, présuppose que l’ensemble de la communauté arabo-berbère de l’Algérie était animée
d’une conscience nationale véritable, et aspirait à l’indépendance. (…) Cette conception d’une société
indifférenciée, « guidée » par un parti unique, implique une vision particulière de la nation. Après
l’indépendance, bloc indécomposable, la nation est perçue comme une figure indissociable unie et unanime. Le
thème du « peuple uni » doit réduire les menaces d’agression externes et de désagrégation interne. Ce dernier
aspect concerne essentiellement la question berbère, niée dans la mise en place des institutions nationales de
l’après-guerre. »
Benjamin STORA, La Gangrène et l’Oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, 1991.
LES MEMOIRES DE LA GUERRE EN ALGERIE
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LES MEMOIRES DE LA GUERRE EN ALGERIE
En 2005, « La Coordination nationale des enfants des
moudjahidine (…) conditionne la signature du traité
d’amitié avec la France à une série de revendications.
L’association demande de « comptabiliser avec précision
le nombre exact des Algériens tués depuis 1830, ainsi que
le nombre de villages brûlés, de tribus décimées et de
richesses volées ». Autre fait inédit : l’Algérie entend
porter devant les juridictions internationales l’Affaire des
Algériens exécutés par l’armée française durant la guerre
d’Algérie. (…) Le 1er
juin 2009, El Khabar, grand quotidien
arabophone, intitule son éditorial : « nos martyrs ne sont
pas vos criminels ». « Les propos du responsable français
sur le fait qu’il y a eu des criminels des deux côtés blessent
tous les Algériens ».
Benjamin STORA, Le Monde hors-série, février-
mars 2012.
Dessin de DILEM paru dans le quotidien algérien Liberté, le 2
novembre 2009 et relatif à la demande faite à la France par le
président Abdelaziz BOUTEFLIKA de présenter des excuses
officielles à l’Algérie.
« En Algérie aussi, la mémoire de cette guerre évolue. Une autre nation algérienne a émergé, et l’Etat perd progressivement le
monopole de l’écriture de l’histoire (…). Les histoires héroïques, les légendes et les stéréotypes sont rejetés par la jeunesse qui
veut désormais savoir ce qui s’est réellement joué dans cette guerre entre l’Algérie et la France (…). »
Benjamin STORA, « les accélérations de la mémoire, 1999-2003 » in Mohammed HARBI et Benjamin STORA, La Guerre d’Algérie,
la fin de l’amnésie, 1954-2004, Robert Laffont, 2004.
Maurice AUDIN est un jeune militant communiste d’Alger. Il est arrêté et
torturé par l’armée française en 1957, puis porté disparu. L’Etat français a longtemps
refusé de reconnaître officiellement sa mort, affirmant qu’il s’était évadé. En 2000, le
général AUSSARESSES affirme avoir donné l’ordre de le tuer mais l’Etat français
continuer à nier les faits. En 2001, Sa veuve porte plainte contre X pour crime contre
l’humanité. Ce n’est qu’en 2014 que le président François HOLLANDE reconnaît la mort
de Maurice AUDIN en détention mais sans rendre public les documents le concernant.
Une place porte son nom, dans le centre d’Alger, depuis l’indépendance.
A Paris, une place à son nom est également inaugurée le 26 mai 2004.
Comment d’autres mémoires s’imposent-elles en Algérie à partir des années 1980 ? Quels rapports
les autorités algériennes entretiennent-elles avec l’Etat français ?
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