Le Début des Tatous

Post on 24-Mar-2016

223 views 0 download

description

Rudyard Kipling

Transcript of Le Début des Tatous

LE DÉBUT DES TATOUS

Rudyard Kipling

LE DÉBUT DES TATOUS

Rudyard Kipling

illustration :Laura Henderson

Voilà, ô Mieux Aimée, une autre histoire des Temps Lointains et Reculés. Au beau milieu de cette époque, il y avait un Hérisson Pique-Pointe ; il vivait sur les berges de la trouble Amazone se nourrissant d’escargots et autres coquilles.

Et il avait une amie, une Tortue Lourde-Lente qui vivait

sur les berges de la trouble Amazone, se nourrissant de

laitue et autres verdures. Et donc tout allait bien, n’est-ce pas,

Mieux Aimée ?

Mais à la même époque, dans ces Temps Lointains et Reculés, il y avait un Jaguar Tacheté ; il vivait lui aussi sur les berges de la trouble Amazone et se nourrissait de tout ce qu’il pouvait attraper. S’il manquait de cerfs ou de singes, il se contentait de grenouilles et de scarabées ; et s’il n’y avait ni grenouilles ni scarabées, il allait voir Maman Jaguar pour qu’elle lui apprenne à manger les hérissons et les tortues. Maintes fois, elle lui avait répété en ondulant gracieusement de la queue :- Mon fils, si tu trouves un Hérisson, jette-le aussitôt dans l’eau pour qu’il se déroule ; et si tu attrapes une Tortue, utilise ta patte comme une cuillère pour la sortir de sa carapace.Et donc, tout allait bien, Mieux Aimée.

Par une belle nuit, sur les berges de la trouble Amazone, Jaguar Tacheté découvrit Hérisson Pique-Pointe et Tortue Lourde-Lente, installés contre un tronc d’arbre tombé à terre. Comme il leur était impossible de s’enfuir, Pique-Pointe se mit en boule puisqu’il était un Hérisson et Lourde-Lente rentra pattes et tête le plus loin possible au fond de sa carapace, parce qu’elle était une Tortue ; et donc, tout allait bien, Mieux Aimée. Tu es d’accord ?

Ils continuèrent leur entraînement jusqu’au matin, en s’aidant mutuellement ; et lorsque le soleil fut haut dans le ciel, ils s’allongèrent pour se faire sécher. Ils s’aperçurent alors qu’ils étaient tous les deux bien différents de ce qu’ils avaient été.- Pique-Pointe, dit la Tortue après le petit-déjeuner, je ne suis plus ce que j’étais hier ; mais je crois que je peux encore m’amuser de Jaguar Tacheté.

C’était exactement ce que j’étais en train de penser,

répondit Pique-Pointe. Les écailles représentent un progrès

considérable par rapport aux piquants – sans parler du fait de

savoir nager. Oh ! Jaguar tacheté va être sacrément étonné !

Allons donc le chercher.

- Bonjour ! dit Pique-Pointe. Comment va ta charmante chère maman ce matin ?- Elle va très bien, merci répondit Jaguar Tacheté ; mais il faut me pardonner, là tout de suite, je ne me souviens plus de vos noms.- Ce n’est pas très gentil de ta part, dit Pique-Pointe, étant donné que hier à la même heure, tu as tenté de m’arracher de ma carapace d’un coup de patte.Mais tu n’avais pas de carapace. Tu n’avais que des piquants, répliqua Jaguar Tacheté. Je le sais très bien. Regarde donc ma patte !

Tu m’as dit d’aller me jeter dans la trouble Amazone et

de m’y noyer, dit Lourde-Lente. Pourquoi aujourd’ hui te montres-tu si grossier et si

étourdi ?- Tu ne te souviens pas de ce que t’a dit ta mère ? demanda Pique-

Pointe ;- Si ça ne s’enroule pas, ça nage

C’est elle, Lourde-Lente !Si ça ne nage pas, ça s’enroule

C’est lui, Pique-Pointe !

Après quoi, il partit à la recherche de sa mère.- Maman, il y a deux nouveaux animaux dans les bois, et celui dont tu disais qu’il ne savait pas nager, nage, et celui dont tu disais qu’il ne pouvait pas s’enrouler sur lui-même, s’enroule : et ils ont dû se partager les piquants, je crois, parce qu’ils sont couverts d’écailles tous les deux, au lieu qu’il y en ait un lisse et un tout hérissé ; et en plus de ça, ils n’arrêtent pas de tourner autour de moi et je ne me senspas bien du tout.

- Mais ce n’est pas un Hérisson et ce n’est pas une Tortue. C’est

un peu les deux, et je ne sais pas comment ça s’appelle.

- Sottises ! dit Maman Jaguar. Tout a un nom. Si j’étais toi, je

les appellerais « Tatou » jusqu’à ce que je découvre leur vrai nom.

Et en attendant, je ne m’en occuperais plus.

Ailleurs, naturellement, il y a des Hérissons et des Tortues

(et même dans mon jardin) mais les vieux de la vieille tellement malins, avec leurs écailles qui

se chevauchent ric-rac comme celles d’une pomme de pin,

ceux qui vivaient sur les berges de la trouble Amazone dans les

temps Lointains et reculés on les appelle toujours Tatous, parce qu’ils étaient si malins. Donc,

tout va bien, Mieux Aimée. D’accord ?

conc

epti

on g

raph

ique

: La

ura

HE

ND

ER

SON