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DIPLME D'TAT D'INFIRMIER Session Juin 2016
Mmoire de fin d'tudes
La responsabilit infirmire : Quand
le soignant prend des risques
Grgory RENONCOURT
Promotion 2013-2016
Institut de Formation en Soins Infirmiers
Institut de Formation aux Professions de Sant
La Roche-sur-Yon
DIPLME D'TAT D'INFIRMIER
Session Juin 2016
Mmoire de fin d'tudes
La responsabilit infirmire : Quand
le soignant prend des risques
Grgory RENONCOURT
Promotion 2013-2016
Institut de Formation en Soins Infirmiers
Institut de Formation aux Professions de Sant
La Roche-sur-Yon
Pour commencer, je veux adresser mes remerciements mon guidant de mmoire, Benoit
Janire, pour sa grande disponibilit et ses encouragements tout au long de la rdaction de
ce mmoire.
Je remercie galement les personnes qui ont de prs ou de loin contribu ce travail. Je
pense notamment aux infirmires rencontres, mes collgues de promotion ainsi qu ma
maman.
Enfin jadresse mes remerciements ma femme et mes enfants qui ont su mattendre
pendant ces trois annes.
Les responsabilits nous envahissent, c'est vrai. Mais, sans elles, qu'est-ce qu'on s'ennuie.
Franois Mitterrand
SOMMAIRE
INTRODUCTION ................................................................................................................... 6
I. Questionnement de dpart Point dappel ......................................................................... 8
I.1 Histoire du choix du thme ............................................................................................ 8
I.2 Questionnement .......................................................................................................... 10
II. Construction de la problmatique ..................................................................................... 13
II.1 Linfirmier(e) diplm(e) dtat .................................................................................... 13
II.2 La Responsabilit ....................................................................................................... 16
II.2.1 Responsabilit juridique ....................................................................................... 16
II.2.2 Responsabilit morale ......................................................................................... 20
II.2.1 La responsabilit partage ou la coresponsabilit ............................................... 21
II.2.2 La responsabilit infirmire, ses spcificits ......................................................... 22
II.3 Prendre soin ............................................................................................................... 23
II.4 La responsabilit dans le prendre soin ....................................................................... 24
II.4.1 Les aspects positifs .............................................................................................. 25
II.4.2 Les difficults rencontres ................................................................................... 27
II.4.3 Les impacts .......................................................................................................... 28
II.5 Synthse et question de recherche ............................................................................ 31
III. Phase de recherche ........................................................................................................ 33
III.1 Choix de la mthode de recherche ............................................................................ 33
III.2 Analyse des entretiens de recherche ......................................................................... 34
III.2.1 Mthode danalyse des entretiens ....................................................................... 34
III.2.2 Le vcu personnel des soignantes ...................................................................... 34
III.2.3 Les conditions et les intentions ........................................................................... 35
III.2.4 Les lments qui permettent de mieux apprhender ........................................... 37
III.2.5 Les lments qui protgent ................................................................................. 38
III.3 clairage conceptuel ................................................................................................. 39
III.3.1 Exprience et expertise....................................................................................... 39
III.3.2 Relation de confiance ......................................................................................... 41
III.4 Synthse ................................................................................................................... 42
CONCLUSION ..................................................................................................................... 45
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES ....................................................................................... 47
ANNEXES ........................................................................................................................... 51
Annexe I : Grille dentretien exploratoire ................................................................................. I
Annexe II : Tableau de synthse des entretiens exploratoires ............................................... II
Annexe IV: Verbatim dentretien de recherche infirmire A ................................................... IV
Annexe V : Verbatim dentretien de recherche infirmire B ................................................... IX
Annexe VI : Verbatim dentretien de recherche infirmire C ............................................... XVI
INTRODUCTION
6
INTRODUCTION
De la cration des premires coles dinfirmires par Florence Nightingale la
parution du nouveau rfrentiel de formation en soins infirmiers en 2009 environ 150 ans se
sont couls. Durant ce laps de temps, la profession infirmire na cess d'voluer passant
du statut dassistant du mdecin celui de praticien reconnu dot dun rle autonome. Cette
volution se traduit aussi par un accroissement des responsabilits soignantes.
La responsabilit infirmire sera le thme de ce mmoire de fin dtudes. Cet crit
sinscrit en lien direct avec linitiation la recherche porte par les UE1 suivantes : Initiation
la dmarche de recherche et Analyse de la qualit et traitement des donnes
scientifiques et professionnelles . Je vais vous prsenter mon travail sur l'influence de la
responsabilit dans le prendre soin.
Pour cela je dvelopperai mon thme et les raisons qui m'ont pouss l'investir. Puis
je mettrai en avant les concepts de la responsabilit et du prendre soin. J'exposerai ensuite
le fruit de mon questionnement par la mise en lien de ces deux concepts travers mes
lectures et des entretiens exploratoires. Enfin, j'analyserai mes entretiens afin d'apporter un
clairage sur ma question de recherche.
1 UE, lire partout Unit dEnseignement
Questionnement de dpart
8
I. Questionnement de dpart Point dappel
I.1 Histoire du choix du thme
Informaticien de part ma formation initiale, jai choisi de me rorienter vers la
profession dinfirmier pour diverses raisons. Parmi elles, le souhait daccompagner les
patients au cours de leur maladie, laspect relationnel bien sr, mais aussi la technicit
demande sans oublier une certaine responsabilit que je qualifiais au dpart de diffrente.
Sur ces bases, jai dcid de me rorienter.
videmment jaurais pu voluer dans mon domaine professionnel initial pour voir
voluer mes responsabilits mais je cherchais autre chose. Pour moi passer dun statut de
responsable de bases de donnes la prise en charge dun patient signifiait une toute autre
responsabilit. Je trouvais cela plus motivant davoir des responsabilits en lien avec un tre
humain, une personne, avec ses envies, ses peurs, ses joies, en dautres termes son
intgrit physique. Cest dailleurs ce que grand nombre dinfirmires rencontres mont
confi : On a la vie des patients entre nos mains ! .
Cette responsabilit, jai pu lapprhender ds le dbut de ma formation travers
plusieurs situations. Tout dabord durant mon stage du semestre 2 dans un EHPAD2.
Linfirmire avec qui je travaillais me laissa prendre en charge un secteur de patients. La
plupart tant diabtiques insulino-dpendants. Elle expliqua quelle mavait vu raliser les
soins lis cette pathologie et que lon avait revu ensemble la conduite tenir en cas de
signes cliniques et/ou de valeurs glycmiques anormales. Ainsi, la professionnelle, en me
validant des comptences, avait augment mon degr dautonomie et donc de
responsabilit.
Cest cet instant prcis que je suis rentr pleinement dans le rle de futur infirmier.
Jtais la fois fier, heureux mais dans le mme temps stress. Une erreur de lecture, un
signe clinique non peru peut avoir des consquences graves pour le patient. La citation la
responsabilit trouve son origine dans le soin 3 prend ici tout son sens.
2 EHPAD, lire partout tablissement dhbergement pour Personnes ges Dpendantes. 3 Worms F. Le soin lorigine de la responsabilit . in Sant Mentale, Dcembre 2006, N 113. p 28
9
Dans le mme temps je dcidais de mimpliquer au sein de la formation en devenant
dlgu de ma promotion. Il sagit dun statut reconnu avec des missions particulires4.
Endosser ce rle impliquant un aspect moral ainsi que des obligations de rserve qui
sapparentent finalement au travail de linfirmier(e) dans un service. Javais connaissance
des dossiers de certains de mes camarades en difficult. Il me fallait la fois avoir le regard
de ltudiant mais galement celui du futur professionnel afin de me positionner au mieux.
Par exemple, la faute commise par un tudiant en soins infirmiers est-elle acceptable pour
son niveau de formation ?
De plus, certains faits tragiques mont questionn sur la responsabilit. Je repense
notamment cette tudiante bordelaise ayant commis une erreur dadministration
mdicamenteuse5 qui avait entrain la mort du patient ou bien encore cette infirmire qui
avait inject du chlorure de magnsium un enfant6.
Ainsi la responsabilit soignante me questionne. Je maperois que la question est
souleve par un grand nombre dentre nous. Une enqute de 20107 montre que sur 306
tudiants qui arrtent leur formation, 40% voquent le sujet de la responsabilit comme
facteur prpondrant, ce qui semble tre confirm par les propos de Catherine Didier8
de trop nombreux tudiants vivent leur responsabilit comme un poids. 9. Selon le
Larousse, le poids est quelque chose de dur supporter 10.
Dans le mme temps la responsabilit me fait peur et me stimule. Il sagit dune
responsabilit bien diffrente que celle que jai connue prcdemment. Je me retrouve
pleinement dans les mots dA. Bioy11 qui va mme jusqu parler dun sentiment de
4 Arrt du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramdicaux5 ActuSoins. (page consulte le 21/04/2016) Lerreur dune tudiante infirmire provoque le dcs du patient [en ligne]. Adresse URL : http://www.actusoins.com/24810/lerreur-dune-etudiante-infirmiere-provoque-deces-dun-patient.html 6 Le Figaro. (page consulte le 21/04/2016) Lerreur dune infirmire cause le dcs dun enfant[en ligne]. Adresse URL : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/12/26/01016-20081226ARTFIG00013-l-erreur-d-une-infirmiere-cause-la-mort-d-un-enfant-.php 7 Estryn-Behar M. Interruptions et abandons dans la formation en soins infirmiers en le-de-France . in Soins Cadre, Fvrier 2010, N 73. p 49. 8 Catherine Didier est coordinatrice pdagogique en Institut de Formation en Soins Infirmiers 9 Didier C. La gestion des risques en formation initiale, engagement et responsabilit . in Soins, Juin 2010, N746. p 58 10 Larousse. (page consulte le 21/04/2016) Dictionnaire en ligne [en ligne]. Adresse URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ 11 Antoine Bioy est professeur de psychologie clinique et de psychopathologie
10
responsabilit quil distingue par il est indispensable toute pratique soignante et en mme
temps lourd porter. 12.
I.2 Questionnement
Aprs ma dcision de morienter vers le thme de la responsabilit soignante, jai entrepris
des lectures partir darticles issus de revues et de sites internet pour bien dlimiter le
sujet. Jai aussi repris les cours enseigns lors du semestre 1 et 2 concernant la
responsabilit, inclus dans lUE 1.3 Lgislation, thique et dontologie .
Je me suis par la suite pench sur des ouvrages dauteurs faisant rfrence en la
matire. Je pense notamment Gilles Devers, ancien infirmier devenu avocat qui connait
bien la problmatique de la responsabilit. Jai cherch comprendre ce qui se cachait
derrire le terme de responsabilit et comment les soignants la vivait.
Quentend-on rellement par le terme de responsabilit ?
Quelle est la signification concrte de la formule tre responsable ?
Comment les infirmires investissent-elles cette responsabilit ?
Comment grent-elles cette responsabilit ?
Est-ce facile dtre responsable lorsque lon est infirmire ?
Y a-t-il plusieurs niveaux de responsabilit ?
Le sentiment de responsabilit et la responsabilit sont-ils synonymes ?
Jusquo stend la responsabilit de linfirmire dans la prise en soins des patients ?
Peut-on parler dune responsabilit soignante ?
Comment la responsabilit infirmire a telle volu au cours du temps ?
Quest-ce qui aide prendre ses responsabilits ?
La responsabilit a-t-elle un impact dans la relation avec lquipe ? Avec le patient ?
Et, plus globalement, quel est limpact de la responsabilit soignante dans le prendre
soin ?
Cette question est intressante puisquelle regroupe elle seule une grande partie de
mon questionnement prcdent. De plus, elle permet de faire le lien entre le soignant et
le soign par le biais du prendre soin. Enfin, cest une question qui nappelle pas de
rponse immdiate et dont le rsultat mapparait comme bnfique pour mon futur
12 Bioy A. & Fouque D. Manuel de psychologie du soin. Paris : Bral, 2002. p 35
11
professionnel. En effet, avoir connaissance des impacts peut me permettre de mieux les
grer par la suite.
Lanalyse des concepts suivants, linfirmier(e) diplm(e)s dtat, la responsabilit, le prendre
soin, seront les amorces de rponses la question pose.
Construction de la problmatique
13
II. Construction de la problmatique
II.1 Linfirmier(e) diplm(e) dtat
Selon le Larousse, un(e) infirmier(e) est une : Personne habilite assurer la
surveillance des malades et les soigner sur prescription mdicale. .
Le code de la sant publique indique : Est considr(e) comme exerant la
profession dinfirmire ou dinfirmier toute personne qui donne habituellement des soins
infirmiers sur prescription ou conseil mdical, ou en application de son rle propre qui lui est
dvolu. 13
La profession est rglemente par plusieurs textes dont certains sont communs
plusieurs professions de sant. Citons tout dabord la loi du 4 Mars 2002 dite Loi
Kouchner . Celle-ci affirme le droit des patients et donc induit des obligations pour les
soignants. Voici notamment les droits concernant le patient :
Droit la protection de la sant
Droit au respect de la dignit
Droit au respect de la vie prive et au secret des informations
Droit recevoir des soins les plus appropris et traitements dont lefficacit est
reconnue
Droit recevoir des soins visant soulager la douleur
De mme, la loi dite Loi Claeys-Lonetti 14 adopte en fvrier 2016 tablit des
droits pour les personnes malades en fin de vie. En plus de renforcer la dignit de la
personne soigne, elle stipule que les soignants ne doivent pas se trouver dans lobstination
draisonnable. Elle introduit aussi les directives anticipes, le double effet, les procdures
collgiales auxquelles peut participer un(e) infirmier(e).
13 Article L4311-1 du code de la sant publique, relatif lexercice de la profession. 14 LOI n 2016-87 du 2 fvrier 2016 crant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie
14
Citons aussi la charte du patient hospitalis que chaque soignant se doit de respecter15. Des
dispositions spcifiques pour les patients hospitaliss dans des tablissements relevant de la
psychiatrie16. Il faut galement aborder des textes plus gnraux qui ne sadressent pas
uniquement au milieu mdical mais tout un chacun notamment la dclaration universelle
des droits de lhomme. Enfin, le code de sant publique encadre et dfinit les actes17 et les
devoirs18 des infirmier(e)s diplm(e)s dtat.
Ainsi linfirmier exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne
humaine. Il respecte la dignit et lintimit du patient et de sa famille 19.
Lexercice de la profession de linfirmier ou de linfirmire comporte
lanalyse, lorganisation, la ralisation de soins infirmiers et leur
valuation, la contribution au recueil de donnes cliniques et
pidmiologiques et la participation des actions de prvention,
dpistage, de formation et dducation la sant 20
Lexamen du dcret nous permet de dfinir lexistence de quatre types dactes21 : le rle
autonome, sous prescription mdicale, sous protocole, en collaboration avec un mdecin.
Le rle autonome revient la surveillance clinique des patients, les soins dhygine
ainsi que lducation. Il ne ncessite pas de contrle mdical et est effectu en
autonomie. Il est bon de noter que, depuis peu, les infirmier(e)s sont habilit(e)s
raliser des prescriptions mdicales22 ainsi que des vaccins sous certaines
conditions.
15 Ministre de la Sant et des affaires sociales. (page consulte le 21/04/2016) Charte de la personne hospitalise [en ligne]. Adresse URL : https://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/charte_a4_couleur.pd 16 Loi n2011- 803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et la protection des personnes faisant lobjet de soins psychiatriques et aux modalits de leur prise en charge. 17 Article R4311-3 R4311-15 du code de la sant publique, relatif aux actes professionnels. 18 Article R4312-1 R4312-32 du code de la sant publique, relatif aux devoirs. 19 Article L4312-2 du code de la sant publique, relatif aux devoirs gnraux. 20 Article L4311-1 du code de la sant publique, relatif lexercice de la profession. 21 Lautard V. Glissement de comptences entre infirmiers et mdecins : une inscurit juridique permanente. Toulouse : Universit de Toulouse, 2012. 22 Lassurance maladie. (page consulte le 21/04/2016) Droit de prescription des infirmiers [en ligne]. Adresse URL : http://www.ameli.fr/professionnels-de-sante/pharmaciens/exercer-au-quotidien/droit-de-prescription-des-dispositifs-medicaux/droit-de-prescription-des-infirmiers.php
15
Le rle sous prescription mdicale est associ la ralisation dactes plus ou moins
techniques sous condition que ceux-ci fassent lobjet dune prescription mdicale
valide.
Le rle sous protocole. Linfirmier(e) peut, si un protocole valide existe, raliser des
actes sans avoir besoin dune prescription mdicale. On trouve ainsi dans de
nombreux tablissements hospitaliers des protocoles permettant aux infirmier(e)s de
donner des antalgiques de palier 1 aux patients qui rpondent certains critres
prcis.
Le rle en collaboration. Ici linfirmier(e) intervient en tant quassistant du mdecin, le
geste tant ralis par ce dernier.
En plus de ces diffrents rles, linfirmier(e) doit galement encadrer le personnel
plac sous son autorit tel que les aides-soignants, les tudiants en soins infirmiers, les
lves aide-soignant. Depuis la rforme de la formation en 2009, linfirmier(e) valide
galement les comptences de ltudiant en soins infirmiers durant le stage dans son
service.
Enfin nous retrouvons dans le cadre de lurgence le dcret permettant dapporter des
prcisions quand la pratique infirmire. Larticle R. 4311-14 stipule en effet que :
En l'absence d'un mdecin, l'infirmier ou l'infirmire est habilit,
aprs avoir reconnu une situation comme relevant de l'urgence ou de
la dtresse psychologique, mettre en uvre des protocoles de
soins d'urgence, pralablement crits, dats et signs par le mdecin
responsable. Dans ce cas, l'infirmier ou l'infirmire accomplit les
actes conservatoires ncessaires jusqu' l'intervention d'un mdecin.
Ces actes doivent obligatoirement faire l'objet de sa part d'un compte
rendu crit, dat, sign, remis au mdecin et annex au dossier du
patient. En cas d'urgence et en dehors de la mise en uvre du
protocole, l'infirmier ou l'infirmire dcide des gestes pratiquer en
attendant que puisse intervenir un mdecin. Il prend toutes mesures
en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la
plus approprie son tat .
16
Tous ces lments posent donc un cadre rglementaire la fois strict et prcis sur ce que
peut et doit raliser un infirmier(e) dans le cadre de ses fonctions.
Il en rsulte qu : un infirmier ne peut pas tre tenu pour responsable de ne pas avoir
ralis une action qui nentre pas dans son champ 23.
II.2 La Responsabilit
Il sagit dune notion difficile apprhender. On entend diverses dclinaisons sur ce
sujet et beaucoup dexpressions diffrentes. Ne dit-on pas avoir le sens des
responsabilits , le sentiment de responsabilit , avoir un mtier avec beaucoup ou
linverse peu de responsabilit , Prendre ses responsabilits , ce nest pas de ma
responsabilit .
Le Larousse donne la dfinition suivante : obligation ou ncessit morale de
rpondre, de se porter garant de ses actions ou de celles des autres 24.
Il sagit dune dfinition qui reprend la ligne principale, qui est de rpondre de ses actions.
Rpondre, oui mais de quelle matire et quel moment ?
Au travers de ces deux premiers termes que sont lobligation et la ncessit morale,
jai choisi dintroduire les deux grands types de responsabilit. Je ferai correspondre
lobligation la responsabilit juridique et la ncessit morale la responsabilit morale. Par
la suite nous verrons comment les diffrencier. Enfin nous aborderons la responsabilit de
linfirmire.
II.2.1 Responsabilit juridique
La responsabilit juridique intervient postriori de laction. Elle va permettre
lexamen dune situation, par une juridiction comptente, afin de savoir si la responsabilit
dune personne ou dun groupe de personnes est engage ou non. Nous ne choisissons pas
dtre responsable, cela simpose nous25. Elle-mme se divise en plusieurs branches.
Dans le cadre des infirmier(e)s, jen retiendrais principalement trois dclinaisons :
23 Caumes G. La responsabilit civile et pnale de linfirmier . in La revue de linfirmire, Juin-Juillet 2012, N182. p 26. 24 Larousse Op. Cit.25 Devers G. Responsabilit : un mot pour plusieurs significations . in Objectif soins et management, Avril 2015, N235. p 16.
17
La responsabilit civile et administrative engage afin dobtenir rparation.
Il sagit de la premire branche de la responsabilit juridique. Elle est dite de
rparation , elle comprend la responsabilit civile et administrative. Sa finalit est de rparer
un dommage caus au patient par le versement dune indemnisation. Pour cela le patient
demandeur doit rapporter la preuve dune faute, dun dommage et dun lien entre les deux.
Cependant la loi du 4 mars 2002 a apport un lment nouveau puisque, au del de
la responsabilit pour faute, est institue une responsabilit sans faute lie aux affections
iatrognes et infection nosocomiales.
Lorsque la responsabilit d'un professionnel, d'un tablissement, service ou organisme
mentionn au I ou d'un producteur de produits n'est pas engage, un accident mdical, une
affection iatrogne ou une infection nosocomiale ouvrent droit la rparation des prjudices
du patient 26.
Cette responsabilit est civile lorsque linfirmier(e) est issu dune filire librale ou
relve dun statut de droit priv. La procdure sera dirige vers le tribunal de grande
instance. La responsabilit est administrative lorsque linfirmier(e) mis en cause relve dune
administration hospitalire. La procdure fera intervenir le tribunal administratif.
Dans le secteur public, cest la faute administrative de lhpital qui sera retenue.
Toutefois en cas de faute personnelle dtachable du service il appartient linfirmier(e) dy
rpondre titre personnel. Cest donc la qualification de la faute (faute de service ou faute
personnelle) qui fera la distinction des entits responsables (hpital ou personnel infirmier).
La faute de service peut tre de deux ordres, soit il sagit dune faute lie lacte, soit
il sagit dune faute lie au mauvais fonctionnement du service. Il peut sagir pour linfirmier(e)
dune ngligence, dune imprudence, dune inattention. On pourra citer le dfaut de
surveillance dun patient, linattention dans le dosage dun traitement mdicamenteux. La
faute personnelle est le fruit dun comportement inappropri de la part de linfirmier(e)
comme le vol, la violence envers le patient mais galement lorsquil dpasse les
comptences dfinies dans le code de la sant publique. Le non respect du secret
26 Article L1142-1 du code de la sant publique, relatif aux risques sanitaires rsultant du systme de sant.
18
professionnel, la ralisation dun acte mdical ou la dlivrance de mdicament sans
ordonnance entrainent la responsabilit personnelle de linfirmier27.
Cette notion de faute est ne pas confondre avec lala ou lerreur28. Lala tant la
consquence non maitrise dun acte irrprochable et lerreur tant un acte ou une
dcision prudent, attentif, et attentionn, qui tmoigne dun bon comportement professionnel,
mais dont le rsultat savre insatisfaisant 29. Toutes ces diffrences peuvent paraitre
subtiles mais elles sont primordiales pour le soignant. La responsabilit civile ou
administrative nest engage quen cas de faute.
La responsabilit pnale engage afin que le professionnel de sant ou son
employeur soient sanctionns.
La responsabilit pnale cest lobligation de rpondre de ses actes dlictueux en
subissant une sanction pnale dans les conditions et selon les formes prescrites par la loi.
Plus spcialement, cette expression est utilise propos de certaines personnes en raison
d'une qualit qui leur est propre 30.
Selon lorganisme dassurance la MACSF : La responsabilit pnale a pour objectif
de punir le comportement dangereux ou illicite dun professionnel de sant du fait des
dommages quil a pu causer son patient ou du simple fait davoir fait courir un risque
injustifi celui-ci. 31
Il sagit donc de condamner individuellement la personne afin de sanctionner la faute
quelle a commise si celle-ci est considre comme une infraction la loi et constitue une
atteinte au droit commun.
Deux types datteintes sont constats32 ; les atteintes volontaires et celles qui sont
involontaires.
27 Lautard V. Op. Cit. p. 14. 28 Devers G. Lettre dun avocat une amie infirmire. Ruel-malmaison : Lamarre, 2003. p. 49. 29 Devers G. Droit, responsabilit et pratique du soin. Ruel-malmaison : Lamarre, 2007. p. 45. 30 Loc. Cit.31 MACSF. (page consulte le 21/04/2016) Les 3 responsabilits professionnelles de linfirmire[en ligne]. Adresse URL : https://www.macsf-exerciceprofessionnel.fr/Responsabilite/Cadre-general/responsabilites-infirmiere32 Caumes G. Op. Cit. p. 26
19
Les atteintes volontaires peuvent rsulter dune infraction au code de la sant
publique comme une pratique professionnelle illgale (exercer la profession
dinfirmier sans tre dtenteur du diplme dtat par exemple) ou une infraction
rglementaire sur les stupfiants. Elles peuvent aussi provenir dune infraction au
code pnal comme la violation du secret professionnel ou bien encore dune atteinte
volontaire la vie.
Les atteintes involontaires se rpartissent dune part entre les homicides involontaires
dont la cause serait un acte dlictueux commis par maladresse, inattention ou
ngligence et les dommages corporels involontaires trouvant leur origine dans les
actes dlictueux ou de fautes professionnelles assorties dun manque de surveillance
entrainant un dommage corporel pour le patient.
Cest au procureur, reprsentant ltat, dtablir la culpabilit de la personne et de
sanctionner la faute. La sanction va de la simple amende une peine demprisonnement
mais elle peut galement se formaliser en une remise en cause dexercer la profession.
titre indicatif, la peine maximale pour des blessures est de 3 ans demprisonnements et 45
000 damende.
Pour Gille Devers, cest la responsabilit la plus redoute des soignants33. Car mme
sil est un professionnel comptent, linfirmier(e) nest pas labri dun acte dfectueux ou
dune inattention. Je repense ces nuits passes durant un stage en mdecine, lorsqu 6
heures du matin alors que les yeux sont lourds et les rflexes diminus par la fatigue, nous
devions effectuer notre dernier tour de surveillance.
Une infirmire est plus expose en terme de responsabilit quun avocat 34.
La responsabilit disciplinaire
Elle existe tant pour les personnels relevant du droit public que du droit priv. La
responsabilit disciplinaire permet de sanctionner le comportement dun(e) infirmier(e) dans
lexercice de son mtier. Elle est voque quand il y a une violation de rgles
professionnelles indiques dans les articles R. 4312-1 R. 4312-89 ou bien encore un
dpassement des comptences rglementaires tel que prvu dans les articles R 4311-1 R.
4311-15 du code de la sant publique.
33 Devers G. Op.Cit. p. 57. 34 Loc. Cit.
20
Les sanctions peuvent tre lavertissement, le blme, la mise pied mais galement
le licenciement selon la structure dans laquelle travaille linfirmier(e).
Pour les infirmier(e)s exerant domicile, cest le conseil rgional des assurances sociales
qui prononce la sanction.
Ainsi ces trois registres de la responsabilit juridique sont les garants de la protection
du patient.
Aprs avoir tudi la responsabilit juridique supporte par linfirmier(e), je vais
prsent expliciter la responsabilit morale.
II.2.2 Responsabilit morale
Le Larousse dfinit la morale comme un : ensemble de rgles de conduite,
considres comme bonnes de faon absolue ou dcoulant dune certaine conception de
vie. 35.
Selon Gilles Devers, la responsabilit morale renvoie au sens du devoir. Cest
lexigence morale : faire ce qui est bien et se garder de ce qui est mal 36. Il va mme jusqu
la dcrire comme une sorte de culpabilit morale37.
Dans le dictionnaire humaniste infirmier la responsabilit morale repose sur la
notion de devoir lgard des autres sans attendre de rciprocit ou de retour 38.
Autrement dit, il sagit, contrairement la responsabilit juridique dune notion plus
subjective. En effet, notre morale est lie notre ducation, nos croyances, nos valeurs.
Mais quel est le lien entre responsabilit morale et culpabilit ? La culpabilit tant
dfinie par un sentiment de faute ressentie par un sujet, que celle-ci soit relle ou
imaginaire. 39. Ce qui est confirm par Gilles Devers : Elle ressent une obligation morale :
une russite ou un chec relve de sa responsabilit 40. Cest ce qui pose problme pour
35 Larousse Op. Cit.36 Id. Responsabilit : un mot pour plusieurs significations . in Objectif soins et management, Avril 2015, N235. p 15. 37 Id. Droit, responsabilit et pratique du soin. Ruel-malmaison : Lamarre, 2007. p. 44. 38 Paillard C. Dictionnaire humaniste infirmier. Noisy le grand : Setes, 2013. p. 237. 39 Larousse Op. Cit.40 Devers G. Op.Cit. p. 45.
21
certains soignants puisquils se sentent responsables mme lorsque leur responsabilit
juridique nest pas engage. Durant mes entretiens exploratoires, une infirmire me dira Je
me sens coupable lorsque ce nest pas bien fait ou bien encore A la moindre erreur je me
dis que cest moi, jaurai du le dtecter. . Mais do vient ce sentiment de responsabilit
morale exacerbe ? Selon Mme Maugin41, cela est li la volont de rparation qui est trs
prsente dans les mtiers qui sous tendent un engagement dans laide lautre. Dun point
de vue psychanalytique : cest le surmoi qui est le sige de la culpabilit, le surmoi prenant
naissance durant la priode dipienne comme identification au pre. Il est important alors
pour le soignant de bien identifier les raisons qui le poussent se lancer dans un mtier de
laide la personne.
Ainsi la responsabilit morale des personnels infirmiers sanalyse comme tant
prgnante ; Gilles Devers dira ce sujet parce que connaissant bien leurs comptences et
la souffrance du patient, ils discernent tous les manquements commencer par les leurs 42
et rajoute toujours en parlant de la responsabilit morale cest elle qui est le vritable
moteur de la qualit des soins et du respect des patients 43.
Cest travers notre parcours de vie mais aussi grce aux enseignements ports par
les instituts que se forme notre responsabilit morale. Bien sr, celle-ci restera subjective car
elle est dans le mme temps personnelle et uniformise. Il faut entendre pour responsabilit
morale uniformise une notion bien prsente pendant la formation en soins infirmiers. Le
projet pdagogique de lIFPS44 dfinit la responsabilit morale comme valeur en conception
de formation45.
II.2.1 La responsabilit partage ou la coresponsabilit
Parce que linfirmier ne travaille jamais seul, je souhaite galement aborder la notion
de coresponsabilit. Elle intervient dans le cadre dun travail en quipe. Une quipe tant
constitue dau moins deux individus qui sont en relations directe et travaillant pour un
41 Mme Maugin est psychologue clinicienne 42 id. Responsabilit : un mot pour plusieurs significations . in Objectif soins et management, Avril 2015, N235. p 15. 43 Loc. Cit.44 IFPS, lire partout Institut de Formation aux Professions de la Sant 45 IFPS Vende. (page consulte le 21/04/2016) Le projet pdagogique [en ligne]. Adresse URL :http://www.ifps-vendee.fr/sites/ifps-vendee/files/fichiers/Intranet/IFSI/projet_pedagogique_promotion_2013-_2016.pdf
22
objectif commun avec un leader de dsign46. Si un dommage survient, il est alors possible
que la justice recherche la responsabilit des autres membres de lquipe. Les exemples qui
reviennent frquemment sont la responsabilit partage du mdecin et de linfirmier ou bien
encore celle de linfirmier(e) et de laide-soignant.
II.2.2 La responsabilit infirmire, ses spcificits
La responsabilit infirmire est en quelque sorte le lien entre la responsabilit
juridique et la responsabilit morale. David Smadja parle, lui, dune responsabilit
spcifique 47.
John Ballet crit : Pour le soignant, sa responsabilit est rgulirement engage. Il vit dans
un contexte professionnel o chaque dcision peut tre dcisive pour lquilibre vital de la
personne soigne. 48. Je peux tablir un lien avec la question pose aux infirmires Avez-
vous de la responsabilit ? 49. Elles sont deux sur trois me rpondre sans attendre la fin
de ma question : oui beaucoup, on a la vie des patients entre nos mains. . La prise de
dcision est un lment important dans notre profession et cela implique de notre part une
rflexion qui appelle la vigilance.
Le site internet ddi aux soins palliatifs dans le dpartement de la Loire-Atlantique
en brosse une trs juste dfinition :
Cest la capacit de prendre des dcisions sans en rfrer
pralablement lautorit suprieure mais en acceptant den rendre
des comptes. Elle comporte :
une rflexion, une analyse qui se feront grce lintelligence claire
par la conscience,
un choix qui se fera grce la libert,
un acte qui se fera grce la volont. 50
46 Desserprit G. La dfinition du travail en quipe et de sa dynamique . in Soins Cadre, Fvrier 2015, N 93. p. 61 47 Smadja D. Engagement et responsabilit . in Sant Mentale, Dcembre 2006, N 113. p. 24 48 Ballet J. Cours La responsabilit promotion 2013-2016. La Roche-sur-Yon : IFPS, 2014. 49 cf. Annexe I 50 Rseau de soins palliatifs de lestuaire de la Loire. (page consulte le 21/04/2016) La responsabilit soignante [en ligne]. Adresse URL : respel.org/fileadmin/telechargements/responsabilit__IDE.pdf
23
Il est possible de faire le lien entre les trois attributs cits et la profession. Ainsi
lintelligence claire par la conscience pourrait sapparenter au raisonnement clinique. Le
choix qui se fait grce la libert sinscrit dans le cadre de lautonomie et lacte grce la
volont peut tre mis en lien avec lengagement que nous avons pour la profession. Ma
dfinition de la responsabilit infirmire serait la suivante : il sagit de la capacit prendre
des dcisions, les transformer en actes et tre capable den rpondre devant sa propre
conscience ainsi que devant la socit en ayant comme repre les lois, les normes ainsi que
nos valeurs.
II.3 Prendre soin
Prendre soin cest suivant le Larousse : sen occuper, veiller sur lui .
Ce concept tient son origine de la langue anglo-saxonne pour laquelle prendre soin
se traduit par caring. Jean Watson, infirmire amricaine introduit le caring comme une
dmarche soignante favorisant soit le dveloppement ou le maintien de la sant soit une
mort paisible 51.
Cependant, si je ne devais retenir quun seul nom, ce serait celui de Walter Hesbeen.
Cet infirmier de formation, nous fait partager travers ses ouvrages, son point de vue sur le
prendre soin. Pour lui, prendre soin consiste : porter une attention particulire une
personne qui vit une situation qui lui est particulire et ce dans une perspective de lui venir
en aide, de contribuer son bien tre, sa sant 52.
Cette dfinition rsume elle seule, une des motivations qui ma pouss franchir la
porte de lIFSI afin de me former aux soins infirmiers. Et je rejoins ses crits quand il parle de
prendre soin comme une valeur53.
Walter Hesbeen fait par ailleurs la distinction entre prendre soin et faire des soins. Le
premier ntant pas le rle exclusif des infirmier(e)s mais de tout le monde. Il rappelle
galement que les soins infirmiers sont inscrits dans le prendre soins. Le soins infirmier
sinscrit ainsi dans une dmarche interpersonnelle et comprend tout ce que les infirmires et
51 Vigil-Ripoche MA., Les concepts en sciences infirmires, 2me dition : Prendre soin, care et caring. Lyon : Mallet conseil, 2012. p. 245. 52 Ibid.p. 246. 53 Hesbeen W. Prendre soins lhpital : inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Paris : Masson, 1997. p. 37.
24
les infirmiers font, dans les limites de leurs comptences, pour prendre soin des
personnes. 54.
Prendre soin de quelquun apparait donc comme tre lcoute de la personne, et de
lui apporter notre aide selon notre champ de comptences. Ce que Walter Hesbeen nomme
Les mille et un dtails 55. Cela va donc de la pose dune perfusion une toilette en
passant par une ducation thrapeutique. Mais sy trouvent aussi le rglage dun poste de
radio qui capte mal France Inter, une partie dUno ou bien encore couter, sans parler, le
dsarroi dune nuit sans sommeil. Je comprends donc le prendre soin travers mon
exprience professionnelle et personnelle comme avoir de linquitude et de la curiosit pour
lautre.
Ce concept, ou plutt cette valeur, est en lien direct avec la responsabilit.
Responsabilit juridique car linfirmier le devoir de soigner et de contribuer au bien tre du
patient, responsabilit morale car je me sens pleinement responsable des patients que je
rencontre dans le cadre de mon travail et cela sans attendre quun texte ou une loi ne me
limpose.
II.4 La responsabilit dans le prendre soin
Mais concrtement quest-ce que la responsabilit dans le prendre soin pour un(e)
infirmier(e) ? Est-ce une valeur commune aux professionnels ? Ont-ils tous la mme
dfinition de ce quest la responsabilit ? Comment la responsabilit est-elle vcue au
quotidien par les soignants ?
Pour rpondre ces questions et sur les conseils de mon guidant, jai ralis des
entretiens exploratoires pour confronter mes apports thoriques avec la ralit. Je me suis
galement aid darticles prsents dans des revues ou des magazines professionnels. Il
faudra garder en mmoire quavec le recueil de trois infirmires les conclusions nauront pas
de caractre gnraliste. En effet, jaurais pu obtenir un rsultat diffrent en interviewant un
plus grand nombre dinfirmier(e)s.
54 Ibid. p. 65 55 Ibid. p. 69
25
Larticulation du compte rendu de ma phase exploratoire sest attache aborder
successivement les aspects positifs puis les aspects ngatifs.
II.4.1 Les aspects positifs
Il y a tout dabord un aspect que je souhaitais introduire qui est celui de la
reconnaissance sociale qui, de mon point de vue, est importante. Ballet John dit : se sentir
responsable est intimement li au fait de se sentir reconnu et utile socialement. 56.
Pour aller plus loin dans les aspects positifs je suis rest sur les crits de Gilles
Devers qui dit : La responsabilit a un contenu positif dans la mesure o elle signifie
relation lautre, reconnaissance de comptence, libert dinitiative. 57. Ainsi pour le
soignant la responsabilit cest tre autonome dans sa fonction. Comme le dit Nathalie
Warchol Il ne peut y avoir autonomie sans responsabilit 58. Effectivement, si jassume les
consquences de mes actes et que je peux dcider seul, je suis autonome. Je fais le
parallle avec ma situation. Quand, durant mon stage, jai eu des apports sur le diabte par
linfirmire jtais en capacit de prendre certaines dcisions seul, cest pourquoi javais plus
dautonomie et donc de responsabilit. Cet exemple ouvre galement la voie vers la
responsabilit comme reconnaissance de comptence. Perrenoud crit que les taches
qualifies entrainent une responsabilit morale et juridique personnelle, quon ne peut
assumer quen tant le premier matre de ses actes 59. Mais comment tre matre de ses
actes ? Toujours selon le mme auteur60, cela viendrait de la comptence : une
comptence est une capacit daction efficace face des familles de situations quon arrive
matriser parce quon dispose la fois des connaissances ncessaires [] pour identifier
et rsoudre de vrais problmes .
La comptence est pour le Larousse : capacit reconnue en telle ou telle matire
en raison de connaissances possdes et qui donne le droit den juger 61. Cette dfinition
contient deux notions fondamentales que recouvrent la comptence, savoir les
connaissances et la capacit de jugement.
56 Ballet J. Cours Op. Cit.57 Devers G. Op.Cit. p. 45. 58 Warchol N., Les concepts en sciences infirmires, 2me dition : Autonomie. Lyon : Mallet conseil, 2012. p. 88. 59 Loc. Cit.60 ibid p. 111. 61 Larousse Op. Cit.
26
Cest un ensemble de savoir-faire oprationnels, de connaissances
gnrales et techniques et de comportements professionnels,
structur, mobilis et utilisable en fonction des activits raliser
dans des situations de travail actuelles et futures. Cest aussi la
matrise dun savoir-faire oprationnel relatif aux activits dune
situation dtermine, requrant des connaissances associes ces
savoir-faire et des savoir-tre. 62.
Cette dfinition vient complter la suivante en mettant en avant les diffrents types de
connaissances requises et tablit le lien indissociable qui existe entre le savoir-faire et le
savoir thorique. Cela fait le lien avec les dix comptences que les tudiants infirmiers
doivent valider au cours de leur formation.
La responsabilit dans le prendre soin a des aspects positifs pour les soignants mais
galement pour le patient. Toujours selon Gilles Devers : tre infirmire cest prendre ses
responsabilits pour assurer la meilleure prise en charge du patient. 63. Avoir des soignants
responsables est ainsi gage de recevoir des soins de qualit. Mais quest-ce quun soin de
qualit ? Pour lHAS64, il sagit dun soin efficace, adquat, sr, quitable, accessible,
continu, efficient et associant le patient65. Ce soin ne peut tre de qualit que si il est fourni
par des soignants responsables et donc comptents. Rentre en compte galement laspect
juridique qui permet au patient davoir lassurance de voir son intimit, sa dignit prserve
par le biais de lois que nous avons dtailles plus haut. Mais galement par laspect moral.
Je souhaite citer Frderic Worms qui crit la chose suivante : Il y a de toute vidence un
lien intime ente le soin et la responsabilit. Prendre de soin de quelque chose ou de
quelquun cest en quelque sorte en rpondre comme de soi mme. 66.
La responsabilit dans le prendre soin est donc le gage la fois pour le soignant
mais galement pour le patient dune reconnaissance mutuelle qui savre bnfique. Cela
peut balayer une version quelque peu idyllique du milieu du travail dans lequel nous
62Le rpertoire des mtiers de la fonction publique infirmire. (page consulte le 21/04/2016) Lexique
des notions cls utilises dans le rpertoire des mtiers [en ligne]. Adresse URL : http://www.metiers-fonctionpubliquehospitaliere.sante.gouv.fr/lexique-des-notions-cles-utilisees.html63 Devers G. Op. Cit. p. 45. 64 HAS, lire partout Haute Autorit de la Sant 65 HAS. (page consulte le 21/04/2016) Guide mthodologique de diffusion des indicateurs [en ligne]. Adresse URL : https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012011/guide_methodologique_diffusion_indicateurs.pdf 66 Worms F. Op. Cit. p. 28.
27
voluons. Oui mais quand la prise en charge dun patient savre difficile pour le soignant ?
Existe-t-il des drives ce modle ?
II.4.2 Les difficults rencontres
Les trois soignantes que jai interroges mont donn une dfinition semblable de ce
que reprsentait pour elles la responsabilit, savoir Agir en tant conscient du pourquoi
et des consquences de ses actes , ou bien encore savoir ce que lon fait et pourquoi .
Puis elles ont voqus les situations qui, pour elles, taient difficiles grer en lien avec la
responsabilit. Il y a tout dabord la prise en soins simultane de plusieurs patients
notamment aux urgences. Elles voquent aussi la prparation dinjectables contenants de la
morphine, des solutions hypertoniques ou des amines. Elles parlent galement de savoir
bien reconnatre les signes de gravit prcurseurs dun ventuel tat de choc chez les
patients. Citons en exemple les hypotensions ou les bradycardies mal tolres. Enfin, il y a
la gestion des prescriptions anticipes dans le cadre de la fin de vie. Linfirmire parle des
difficults pour savoir quand les dbuter, savoir juger sans se faire influencer par lentourage
du patient qui peut parfois tre trop insistant. Les infirmires ont aussi mis en avant un
sentiment de culpabilit lors dun oubli ou dune erreur durant leur travail. Ce sentiment de
culpabilit qui renvoie ce que jai crit plus haut concernant la responsabilit morale.
Elles ont galement parl des glissements de tches. Notamment lors de soins
comme par exemple la premire pose de sonde urinaire chez un homme, celle-ci devant
normalement tre effectue par un mdecin. Plus globalement, je peux inclure les actes
effectus en dehors de notre domaine de comptence tel que la distribution dun antalgique
sans ordonnance pralable par exemple.
De mes lectures et de mon exprience professionnelle, je rajouterai comme situations
difficiles celles o les patients refusent les soins ou sont dans lincapacit dexprimer leurs
souhaits67. Je fais aussi le parallle avec lUE 1.3 du semestre 4 Lgislation, thique et
dontologie 68, les situations qui questionnent le sens du soin telles que les situations de fin
de vie et lacharnement thrapeutique. Celles-ci obligent le soignant se positionner.
67 Peyr A. Refus de soins dhygine et responsabilit soignante . in La revue de linfirmire, Mars 2013, N 139. p. 32. 68 Profession Infirmier. Recueil des principaux textes relatifs la formation prparant au diplme dtat et lexercice de la profession. ditions Berger-Levrault, jour le 01/08/2013, p 67.
28
II.4.3 Les impacts
A laune de ce long inventaire il apparait que le terme de responsabilit trouve cho
tant auprs du soignant, que du patient et de lquipe.
Pour le patient tout dabord. Anne Pey crit que : le soignant, peu peu,
dveloppe un sentiment accru de responsabilit vis--vis dautrui, du patient et donc de la
personne vulnrable en face de lui 69. Ce sentiment de responsabilit quand il est surinvesti
peut entrainer des dbordements notamment pour les patients dont les capacits cognitives
sont altres. Le soignant pourra se sentir dans lobligation de choisir pour le patient, choix
des vtements, des menus, de lheure du coucher, etc. jusqu une dshumanisation du
soign. 70.
Concernant les soignants, deux lments importants se dgagent. Lun de ceux-ci est
voqu par les infirmires interroges. Elles mindiquent que ces situations les mnent se
sentir stresses. Attardons nous sur cette notion de stress. Le stress et plus prcisment le
stress des soignants est pour Schaufeli et Enzmann : un tat transitoire de dsadaptation
fonctionnelle se manifestant court ou moyen terme, dont les symptmes psychiques,
physiologique et comportementaux manifestent une tentative dadaptation non encore
russie. 71. Quand le soignant est stress, il tente de sadapter la situation par des
adaptations peu efficaces. Il peut devenir tour tour agressif, cynique, autoritaire, incapable
de se concentrer. Les symptmes physiologiques sont par exemple une oppression
thoracique, des troubles du transit, des palpitations ou bien encore des bgaiements.
Japprends ensuite que : les facteurs de stress sont plus souvent prouvs comme tels par
les professionnels impliqus directement dans les soins aux patients et ayant un haut niveau
de responsabilit. 72. Ce qui est appuy par Marc Loriol73 : En raison des responsabilits,
du contact avec la souffrance, la mort et la salet et dune pratique professionnelle qui
sappuie sur des comptences difficiles objectiver, lactivit infirmire est gnralement
perue comme stressante et fatiguante. 74. La responsabilit des infirmier(e)s est donc
inductrice dun stress important.
69 Peyr A. Op. Cit. p. 34. 70 Loc. Cit.71 Schaufeli et Enzmann, cits par Linard A., Merckaert I., Delvaux N. et Razavi D. Stress et burnout des soignants . 2008. p. 279. 72 Ibid. p. 280 73 Loriol M. est chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique 74 Loriol M., La fatigue, le stress et le travail motionnel de linfirmire . in Prvenir, 2001, N 40. p. 1.
29
Mes recherches sur le stress et la responsabilit mamnent explorer le concept du
burnout. Selon Vronique Haberey-Knuessi il sagit d: une usure professionnelle
engendre par un stress chronique dont les sources sont multiples. Il se caractrise par un
puisement des ressources psychiques, mais galement motionnelles et mentales. 75.
Plusieurs thories tentent de comprendre lorigine de cette maladie. Je retiendrais celle de
Maslach et Jackson. Il sagit dun lien entre trois dimensions prsentes dans les mtiers des
soins. Il y a la dimension motionnelle, relationnelle et laccomplissement personnel. Face
un stress rpt le soignant va tenter de sadapter avec des stratgies dadaptation qui se
rvleront inefficaces. Ainsi le soignant va devenir dans limpossibilit de donner lautre, il
va avoir une attitude ngative avec ses collgues ou les patients et enfin comme il naura
plus le sentiment daccomplissement personnel il se dvalorisera76. Des facteurs associs
existent, ils concernent lenvironnement professionnel des soignants tels que la charge de
travail, les difficults administratives, la crainte dune erreur thrapeutique. Le burnout
produit a ainsi des consquences la fois sur le plan institutionnel et personnel.
Institutionnel car il est lorigine dune hausse de labsentisme, derreurs professionnelles
ou au contraire dun sur-prsentisme . Sur le plan personnel le soignant pourra ressentir
une fatigue extrme avec une labilit motionnelle difficile contrler, il sera en incapacit
dentrer en relation avec un patient. Il pourra aussi dvelopper une addiction certaines
substances.
Lanalyse ci-dessus me conduit ce passage dun article portant sur les motions :
Lenjeu est alors une responsabilit de soi, une invitation prendre
soin son tour de son propre quilibre affectif, autant par respect de
sa personne que pour tenir durablement dans son engagement
professionnel. Il sagit dune responsabilit collective pour lquipe
soignante 77
Une autre rpercussion de la responsabilit dans le prendre soin est la mis en danger
de linfirmire lorsque celle-ci excute un soin en dehors de son champ de comptence. Un
75 Haberey-Knuessi N., Les concepts en sciences infirmires, 2me dition : Burnout. Lyon : Mallet conseil, 2012. p. 102. 76 Schaufeli et Enzmann, cits par Linard A., Merckaert I., Delvaux N. et Razavi D. Loc. Cit. 2008. p. 285. 77 Bourdeaut F., Les motions dans la relation de soin : des racines de leur expression aux enjeux de leur rpression . in Ethique et sant, 2006, N 2. p. 136.
30
article78 de la revue Actu soins indique quil sagit dune pratique courante mais dangereuse
pour les infirmier(e)s. Dangereuse car ils(elles) risquent gros. Je fais le lien avec la
responsabilit juridique voque ci-dessus. Le fait deffectuer un acte rserv au mdecin ou
bien encore dagir sans prescription est apparent un exercice illgal de la mdecine tout
comme lindique larticle L. 4161-1 du code de la sant publique :
Toute personne qui prend part habituellement ou par direction
suivie, mme en prsence d'un mdecin, l'tablissement d'un
diagnostic ou au traitement de maladies, congnitales ou acquises,
relles ou supposes, par actes personnels, consultations verbales
ou crites ou par tous autres procds quels qu'ils soient, ou pratique
l'un des actes professionnels prvus dans une nomenclature fixe
par arrt du ministre charg de la sant pris aprs avis de
l'Acadmie nationale de mdecine, sans tre titulaire d'un diplme,
certificat ou autre titre mentionn l'article L. 4131-1 et exig pour
l'exercice de la profession de mdecin 79
Le dernier alina de larticle prcise cependant que : Les dispositions du prsent
article ne s'appliquent pas aux tudiants en mdecine ni aux sages-femmes, ni aux infirmiers
ou gardes-malades qui agissent comme aides d'un mdecin ou que celui-ci place auprs de
ses malades 80. Ainsi les infirmier(e)s sont autoris(e)s intervenir comme aide du mdecin
pour certains actes mais ils ne sont pas admis les raliser. Dans le cas contraire, la peine
encourue est de 2 ans demprisonnement et de 30 000 damende associe ou non une
interdiction dexercer la profession dinfirmier.
Enfin, pour lquipe, la responsabilit soignante peut tre gnratrice de tension
notamment pour les situations dont le sens du soin questionne les soignants. Je pense aux
extraits du film les yeux ouverts 81, quand les soignants ne sont pas tous daccord entre
eux sur la prise en charge adopter pour un patient en situation de fin de vie. Et cest l, une
confrontation entre les responsabilits morales de chacun qui sexpriment dans le sens o
nous navons pas tous le mme niveau dengagement.
78 ActuSoins. (page consulte le 21/04/2016) Glissement de tche, une ralit cache [en ligne]. Adresse URL : http://www.actusoins.com/7675/glissement-de-taches-realite-cachee.html 79 Article L4161-1 du code de la sant publique, relatif lexercice illgal de la mdecine. 80 Loc. Cit.81 Chaudier F. Les yeux ouverts. Paris : Flair Films, 2010. [DVD] (93 mn.).
31
Bien entendu cette liste nest pas exhaustive mais tout ceci dmontre que la
responsabilit a un impact dans le prendre soin. Sous le terme dimpact jentends, bien sr,
la dfinition donne par le Larousse : Effet produit par quelque chose ; contrecoup,
influence . La responsabilit a donc une incidence sur le prendre soin. Nous venons den
dcrire les difficults, mais ces dernires sont les contreparties dune prise en charge de
qualit pour le patient. Il est naturel dvoquer ces difficults qui montre que les soignants
sont investis dans leur rle et ne se contentent pas deffectuer une suite de tches sans y
donner un sens.
II.5 Synthse et question de recherche
Afin dapporter des lments de rponse ma question de dpart, jai choisi de
confronter la responsabilit soignante et le prendre soin au travers de lectures ainsi que des
tmoignages. Des lments positifs en ressortent tels que lautonomie du soignant, la
valorisation et la reconnaissance de comptences mais aussi une garantie pour le soign
dun soin de qualit. linverse jobserve un pan que je qualifierai de ngatif : le stress, le
burnout, le glissement de tches ainsi que le positionnement sur les questions difficiles.
Ainsi la recherche conceptuelle, les entretiens mont permis dapporter des rponses
mes questions mais galement de soulever dautres problmatiques suivant la nature de
ces impacts. De tous ces impacts un seul sera dvelopp dans ce mmoire. Il sagit dune
pratique que jai moi-mme rencontr et exerc durant ma formation. Si jai souhait la
dvelopper cest avant tout pour faire voluer ma pratique et trouver des lments de
rponse. Il sagit des actes effectus en dehors du cadre rglementaire. La question de
recherche sera donc la suivante :
En quoi, malgr la connaissance de leur responsabilit, les infirmier(e)s drogent-ils
(elles) leur exercice pour prendre soin ?
Phase de recherche
33
III. Phase de recherche
III.1 Choix de la mthode de recherche
Jai choisi de travailler sur le thme de la responsabilit infirmire. A laide de mes
lectures ainsi que de mes entretiens exploratoires jai pu affiner mon thme de dpart pour
aboutir une question de recherche : En quoi, malgr la connaissance de leurs
responsabilits, les infirmier(e)s drogent-ils (elles) leur exercice pour prendre soin ?
Au regard des apports thoriques de lunit denseignement 3.4 initiation la
dmarche de recherche , la question de recherche rpond une dmarche empirico-
inductive. Il sagit donc dobtenir un dbut de rponse la question pose82. En effet, je
cherche travers cette question, comprendre un phnomne. Mais alors quels outils
utiliser ? Dun commun accord avec mon guidant, le choix sest port sur des entretiens
semi-directifs. Cette mthode va me permettre de recueillir les propos des personnes
interviewes mais galement de les laisser aborder des points non prvus 83, tout cela
dans le but den faire une analyse. Je pourrai donc travers cette mthode garder le
contrle de lentretien tout en laissant suffisamment de libert la personne interviewe.
Toujours laide de mon guidant, jai choisi de raliser trois entretiens auprs
dinfirmires ayant plusieurs annes de pratiques. Il sagit dun lment important prendre
en compte puisque cela me donne une variable fixe pour mes entretiens.
Il y a tout dabord Mme A., infirmire avec dix ans dexprience actuellement en
chirurgie ambulatoire qui tait auparavant en chirurgie urologique. Puis Mme B., infirmire en
ranimation avec quatorze ans dexprience dans ce service et Mme C. en poste dans un
EHPAD. Ces soignants sont bien sr diffrents de ceux rencontrs pour mes entretiens
exploratoires.
La construction de la grille dentretien
Elle est base sur deux questions principales. A savoir :
Avez-vous dj drog lexercice soignant pour prendre soin ?
Dans quelles conditions ?
82 Cotel A. Cours Le processus de recherche promotion 2013-2016. La Roche-sur-Yon : IFPS, 2014. 83 Frappier L. & Bonnet B. Cours Les outils denqutes : les entretiens promotion 2013-2016. La Roche-sur-Yon : IFPS, 2015
34
Je dois tre trs attentif leur discours pour pouvoir pousser au plus loin leur rflexion.
Pour ce qui est des entretiens, ceux-ci ce sont drouls dans des lieux et des
temporalits diffrentes. Pour la premire infirmire, celle-ci travaillait dans le service o je
faisais mon stage. Nous avons profit dun moment de pause pour raliser lentretien. La
deuxime infirmire a accept de me recevoir son domicile en dehors de son temps de
travail. La troisime infirmire ma reu sur son lieu de travail aprs ses transmissions.
III.2 Analyse des entretiens de recherche
III.2.1 Mthode danalyse des entretiens
Pour raliser lanalyse de mes entretiens, je me suis inspir dun crit sur lanalyse de
contenu84. Je me suis donc attach slectionner les ides exprimes par les diffrentes
soignantes pour les mettre sous forme de mots-cls. Puis jai regroup ces mots-clefs afin de
former des thmes communs. Ainsi cinq thmes se sont dgags de mon analyse : le vcu
personnel des soignantes, lexprience, les conditions et les intentions, les lments qui
permettent une meilleure apprhension, la protection.
III.2.2 Le vcu personnel des soignantes
Durant ces entretiens les points de vu mont paru unanimes concernant la question
des actes effectus en dehors des champs de comptences.
Mme A. dit en parlant de mdicament antalgique Effectivement a mest dj
arrive den donner sans forcment pralablement avoir la prescription mdicale, oui a
mest dj arriv85 et parle mme de il ny avait pas eu de bilan de contrle prescrit et de
mon propre chef en fait, euh, lors dun bilan, ben, le matin, en fait, euh, jai rajout une
numration pour avoir en plus, euh, le contrle en fait, euh, de lhmoglobine du jour86 .
Tout comme Mme B. qui voque Aprs on sait aussi en connaissance de cause
que lon dpasse nos comptences, enfin, a cest enfin je connais pas une infirmire qui
84 Cotel A. Cours Lanalyse de contenu promotion 2013-2016. La Roche-sur-Yon : IFPS, 2014. 85 cf. Annexe IV 86 cf. Annexe IV
35
nait pas pleinement conscience que, oui, le premier sondage chez un homme doit tre fait
par un mdecin87. Enfin Mme C. voque galement la notion de conscience.
Cest ainsi que je peux faire le lien avec le concept de responsabilit tudi
prcdemment pour lequel la conscience faisait partie des attributs.
Cependant le fait dvoquer cette problmatique au travers dun entretien montre quil
y a des ressentis diffrents. Le discours de Mme A est ponctu de euh au dbut de
lentretien notamment lorsque je lui demande si elle a dj drog son exercice. Ces
interjections diminuent au fils des questions, mais cela pourrait signifier une certaine gne
lvocation de ce sujet.
Mme C va mme plus loin en me disant Alors, euh, cest un peu dlicat ce que vous
me demandez 88 en rponse ma question est-ce que durant votre travail vous avez dj
drog votre exercice 89. Elle sexprimera cependant lors de la suite de lentretien Euh
par contre si il faut lui donner un antalgique ou un antibiotique voil parce que en ce moment
il y a une pidmie de bronchite. Il y a voil, cest, hein, cest bah, oui on le fait 90.
Mme B est plus directe, ds le dbut de lentretien elle commence par Alors on passe notre
temps droger. On passe clairement notre temps droger parce quil y a des actes qui ne
sont jamais faits par les mdecins 91.
Ainsi malgr une conscience collective partage quand le soignant est amen
droger, lexpression de cette pratique nest pas vcue de la mme manire.
III.2.3 Les conditions et les intentions
Durant les entretiens les infirmires se sont exprimes galement sur ce qui relve
des conditions, qu'est-ce qu'il faisait qu' un moment donn elles drogeaient de leur
exercice. Pour Mme A et Mme C il s'agit tout d'abord de la difficult d'avoir un mdecin
prsent dans le service en permanence. Mme C dit mme par moment les mdecins sont
pas forcment tout le temps prsent quand on a besoin quils soient prsents 92. Enfin Mme
87 cf. Annexe V 88 cf. Annexe VI 89 cf. Annexe VI 90 cf. Annexe VI 91 cf. Annexe V92 cf. Annexe VI
36
B parle aussi de geste technique que l'infirmire effectue mieux que le mdecin pourtant seul
habilit le faire. A plusieurs reprises durant l'entretien en parlant du premier sondage
urinaire chez un homme elle dit : je pense que pour le coup on est beaucoup plus doues
queux pour a 93. Ce qu'elle explique par le fait que les mdecins ne pratiquent pas assez
cet acte: Aprs, entre un mdecin qui nen a pas pos depuis 10 ans et une infirmire qui
en pose une deux par semaine. Lequel est le plus qualifi pour pouvoir poser une sonde
urinaire 94, je pense que sur tous les mdecins quon a, ils ont du poser cinq ou six
sondes urinaires et puis voil quoi 95.
Durant les entretiens les infirmires cite aussi des conditions que je qualifierai plus
d'intention. Il y a tout d'abord celle du gain de temps comme le dit Mme A qui choisit de
prlever des tubes supplmentaires non prescrits pour gagner du temps sur la prise en
charge je lai faite euh avant la visite pour avoir les rsultats et pour pouvoir gagner du
temps sur le traitement en consquence 96. Ce qui est corrobor par Mme B qui parle aussi
de il faut quil y ait des choses qui soient faites trs trs vite pour que lon ait les rsultats
trs trs vite97.
Mais le matre mot qui est revenu dans deux entretiens sur trois est celui de
l'anticipation. Anticiper les gestes, anticiper les traitements, connatre la prise en charge d'un
patient venu pour telle ou telle raison. Mme A dira : ctait plutt dans le prendre soin dans
lanticipation de euh dune ventuelle transfusion que jai anticip 98, ce qui sera repris par
Mme B travers : Alors aprs cest de lanticipation je sais pas si a a grand-chose voir
avec de la responsabilit mais implicitement voil quand on sait quon va intuber un patient
en prescription orale on aura dj nous mis les deux mdicaments qui nous servent intuber
les gens avec le dosage parce que on sait dj en fonction du poids ce que les mdecins
vont nous demander . Cela se traduit par des prises d'initiative que Mme B appelle tout
dabord sous le terme de largesse je mautorise et je pense comme beaucoup danciens
prendre des largesses sur certaines choses 99 quelle traduira par la suite sous le terme de
prises dinitiatives, cest vrai quon sautorise une prise dinitiative sur tel ou tel
93 cf. Annexe V 94 cf. Annexe V 95 cf. Annexe V 96 cf. Annexe IV 97 cf. Annexe V 98 cf. Annexe IV 99cf. Annexe V
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pathologie 100. Mme C mettra galement cette hypothse Et quand on a un peu
dexprience et de maturit on a on hsite moins peut tre et puis on a peut tre plus de
facilit pour valuer une situation et peut tre quon a moins peur de prendre certaines
initiatives101.
Enfin la dernire intention, fait le lien avec le concept de prendre soin nonc plus
haut. Mme A dit mme toujours en vue de soulager le patient. Prendre soin du patient.102,
Mme C parle de la contention comme une scurit du patient. Mme B parle elle de Aprs
bnfice risque pour le patient surtout si il a un globe, ben il faut quon lve le globe le plus
vite possible parce quil est pas bien, il a mal 103. Il est possible de faire le lien avec la
responsabilit morale et le concept de prendre soin.
III.2.4 Les lments qui permettent de mieux apprhender
Mais alors qu'est-ce qui permet ces prises d'initiatives chez le soignant. Pour les
professionnelles interroges, c'est en lien avec l'exprience, comme dit Mme A alors peut
tre effectivement avec lexprience a permet danticiper 104, elle finit par faire la
comparaison entre une infirmire qui a de lexprience et une jeune diplme C'est--dire
que avec lexprience on sait que lon va commencer par tel antalgique et puis aprs que
lon va continuer avec un autre tandis que jeune diplm tu es quand mme un peu moins
laise avec tous les traitements au dpart. 105.
Mme B en parlant de ses largesses voque galement la diffrence entre elle et les
jeunes diplmes moi jai 14 ans derrire donc euh je mautorise et je pense comme
beaucoup danciens prendre des largesses sur certaines choses mais aprs je suis
pleinement consciente de a aussi et je sais comment me protger aussi. Et cest
linconvnient des jeunes diplms cest quil y a plein de choses quils ont pas la notion106.
Mme B dit mme, On se trompe pas souvent 107 mais ajoute par la suite il y a des
choses quon va faire parce quon sait quon peut. Dautre ben il va falloir tre hyper
100 cf. Annexe V 101 cf. Annexe VI 102 cf. Annexe IV 103 cf. Annexe V 104 cf. Annexe IV 105 cf. Annexe V 106 cf. Annexe V 107
cf. Annexe V
38
vigilant 108. Mme C voque Euh on sadapte donc par contre euh bon il faut quand mme
avoir un peu de discernement et pas faire nimporte quoi bien sr 109.
Mme A ajoute mme que c'est finalement son exprience qui lui permet de moins
droger son exercice, car elle anticipe tellement qu'elle demande au mdecin avant d'avoir
besoin : Je dirai que cest pas avec lexprience que jme dis janticipe plus sans
prescription. Au contraire janticipe plus dans ma dmarche de demander au mdecin
quil faut ventuellement prescrire cela 110.
La relation de confiance revient aussi durant les entretiens, Mme B dira par 2 fois
Donc aprs il y a aussi une histoire de confiance avec le mdecin avec qui tu travailles
puisque si tas pas confiance, il y a de choses que tu vas pas faire. Aprs forcment on sait
quon a confiance et quil le prescrira aprs et quon aura plus qu valider ce quon a
fait 111, les mdecins auront plus confiance dans les vieilles infirmires comme moi que
dans des ptites jeunes qui arrivent 112. Sans voquer directement ce lien de confiance Mme
C parle de Faut aussi avertir la famille, faut travailler avec les familles aussi 113, Et au
final cest de toujours avoir ladhsion car ce que je veux dire on est un peu le lien entre la
famille, le rsident le mdecin donc on a un rle de coordination de liaison dintermdiaire,
ben cest important davoir ladhsion de tout le monde pour pouvoir faire quelque chose 114.
III.2.5 Les lments qui protgent
Le dernier thme qui ressortait de ces entretiens est celui des lments apportant
une protection au soignant. C'est un lment repris par Mme B qu'elle entend par Nous on
apprend beaucoup nos jeunes diplms de verrouiller. C'est--dire quoi quils fassent de le
noter 115 puis par Mais je mets toujours un petit commentaire en plus pour me
protger 116. Mme C parle galement de se protger en Faut se protger quand mme.
108 cf. Annexe V 109 cf. Annexe VI 110 cf. Annexe IV 111 cf. Annexe V 112 cf. Annexe V 113 cf. Annexe VI 114 cf. Annexe VI 115
cf. Annexe V116 cf. Annexe V
39
Voil cest .., je pense quil faut en avoir conscience quil faut se protger. Cest pour cela
que je note tout ce que je fais117.
On trouve aussi la mise en place des protocoles, qui permettent aux soignants de
raliser des actes sans avoir besoin den rfrer obligatoirement au mdecin, tout du moins
davoir une prescription mdicale chaque fois. Mme C dit ce propos : Alors on a des
protocoles quand mme. Pour justement avec ces protocoles qui ont t valids par des
mdecins, donc a nous permet quand mme de prendre voil de faire des choses en toute
quitude parce quon a le protocole qui a t valid par le mdecin coordonnateur 118. Pour
Mme A cest les prescriptions anticipes via le logiciel informatique qui permettent de
rpondre ce besoin de protection juridique on a maintenant un logiciel informatis ce qui
fait que lon a des prescriptions par anticipation par exemple selon la douleur, selon la
constipation donc maintenant euh on a toujours les prescriptions au cas o 119.
III.3 clairage conceptuel
III.3.1 Exprience et expertise
Le dictionnaire Larousse donne la dfinition suivante de lexprience : Pratique de
quelque chose, de quelquun, preuve de quelque chose, dont dcoule une connaissance,
un savoir, une habitude ; connaissance tir de cette pratique. 120.
Patricia Brenner121 dans son ouvrage De novice expert , dcrit lexprience
infirmire travers la comptence. Les infirmires ont des comptences mais ces
comptences sont exploites avec diffrents niveaux de matrise. P. Brenner a tabli grce
au modle Dreyfus122 cinq stades123 auxquels se trouvent les infirmires depuis leur entre
dans la formation jusqu un niveau quelle va qualifier dexcellence :
Stade 1 Novice : Ces infirmires ne sont pas exprimentes. Elles ont acquis
un bagage de connaissances thoriques mais ont des difficults pour faire le lien
117 cf. Annexe VI 118 cf. Annexe VI 119 cf. Annexe IV 120 Larousse Op. Cit.121 Brenner P. De novice lexpert, lexcellence en soins infirmiers. Issy-les-moulineaux : Masson, 1995. 253 p. 122 Stuart Dreyfus (mathmaticien et analyste des systmes) et Hubert Dreyfus (Philosophe) ont mis au point un modle dacquisition des comptences 123 Brenner P. Op. Cit. p. 23.
40
avec les situations rencontres dans les services. Elles possdent des outils qui
leur permettent de travailler mais ne savent pas encore prioriser les actes en
fonction de lutilit. On retrouve ce stade toutes les tudiantes en soins
infirmiers ainsi que les infirmires plus exprimentes intgrant un nouveau
service.
Stade 2 Dbutante : Ici, les infirmires commencent acqurir de lexprience
et arrivent rassembler des facteurs inhrents aux situations en rapport avec
leurs expriences antrieures.
Stade 3 Comptente : Linfirmire travaille dans un service depuis plus de
deux ans et a acquis une vision plus globale des prises en charge. Elle a le
sentiment de matriser les choses et dtre capable de matriser les situations
imprvues.
Stade 4 Performante : Linfirmire performante apprend par lexprience
quels vnements typiques risquent darriver dans une situation donne et
comment il faut modifier ce qui a t prvu 124. Elle arrive partir de ses
expriences vcues auparavant grer des situations complexes (par exemple le
sevrage dun patient sous respirateur) sans toujours en rfrer au mdecin.
Stade 5 Experte : Elle a emmagasine un grand nombre de situations. Elles
ont acquis une capacit danalyse trs dveloppe et se dtache par moment des
outils danalyse pour se fier leur propre interprtation de la situation. Quand on
les interroge elles parlent de ressenti, dintuition. Elles arrivent dtecter
prcocement un changement clinique du patient avant que celui-ci ne saggrave.
Ainsi les infirmires interroges dans le cadre de mon travail de recherche
appartiennent un niveau de performante voire dexperte. Cela permet dapporter un
lment de comprhension de la phase danalyse. Une infirmire exprimente anticipe
beaucoup les soins au cours dune prise en charge dun patient. Cest ce que lon peut
observer chez Mme A, qui rajoute des lments au bilan sanguin de prescrit ou bien encore
Mme B qui dit prparer le plateau dintubation contenant le matriel et les mdicaments
injecter. Lexprience aide et permet de grer des situations complexes.
124Ibid. p. 29
41
III.3.2 Relation de confiance
La notion de relation de confiance est ici employe dans le cadre du travail en quipe
et notamment du travail avec le mdecin. Mais il faut noter que la relation de confiance est
avant tout utilise pour parler de la relation soignant/soign.
Le Larousse donne la dfinition suivante de la relation : Personne que lon connait
avec laquelle on a des rapports mondains, professionnels, etc. 125. Il donne galement la
dfinition de ce quest la confiance : Sentiment de quelquun qui se fie entirement
quelquun dautre, quelque chose. 126.
La relation de confiance doit se dfinir comme le fait de se fier entirement une
personne que lon connait. Dans le cadre de ce mmoire je retiens que la relation de
confiance quun mdecin peut tablir ne se fera que sil connait linfirmier avec lequel il
travaille. Cest ce que Lynne Zucker appelle la confiance relationnelle127. Selon elle, la
relation de confiance repose sur des changes entre collgues afin de tisser des liens, de
sengager ensemble dans une production commune 128.
Alain Duluc dresse les lments qui favorisent la relation de confiance selon trois niveaux129 :
Les leviers organisationnels : la reconnaissance, la participation, la
responsabilisation, lhumanisme, la rcompense, la transparence.
Les leviers relationnels : lamabilit, la coopration, la maturit, lhonntet, la
valorisation, le dynamisme.
Les leviers personnels : la sympathie, la comptence professionnelle, la prsence,
la dtermination personnelle, limportance, la conscience de soi.
Les lments ports en caractres gras sont ceux qui ont t prcdemment voqus dans
le cadre de ce mmoire. Cela met ainsi en vidence une imbrication complexe de tous ces
concepts, chacun tant reli lautre par ce que jappellerai une interdpendance commune.
125 Larousse Op. Cit.126 Ibid.127 Michon F. La confiance, un levier de la qualit des soins . in Soins, Octobre 2013, N779. p. 37 128 Loc. Cit.129
Loc. Cit.
42
III.4 Synthse
Reprenons ma question de recherche: En quoi, malgr la connaissance de leur
responsabilit, les infirmier(e)s drogent-ils (elles) leur exercice pour prendre soin ? .
La ralisation de trois entretiens auprs dinfirmires diplmes dtat ma permis de
dgager quatre thmes en lien avec cette question de recherche.
Jai ainsi dvelopp le vcu personnel des soignants, les conditions et les intentions,
les lments qui facilitent lapprhension, les lments qui protgent.
Concernant le vcu personnel des soignants, il apparait que ceux-ci ont tous
conscience de raliser par moment des actes sans avoir au pralable une ordonnance
mdicale. Cependant le ressenti est diffrents entre les soignants. Certains nosent pas
lavouer, dautres le font demi-mot, dautres au contraire ne sen cachent pas.
Les conditions faisaient rfrence aux conditions de travail du soignant. Il est ainsi
apparu que la disponibilit du mdecin tait questionne dans le sens ou ceux-ci ne sont pas
toujours disponibles lorsquil y a un besoin. La matrise de certains actes techniques a t
aborde. Certain(e)s infirmier(e)s seraient plus comptents pour les raliser que les
mdecins car ils(elles) pratiquent plus. Pour les intentions, jai relev tout dabord un dsir de
gagner du temps dans la prise en soins du patient. Ensuite jai retrouv une capacit
anticiper les soins et galement une volont de prendre soin du patient.
propos des lments qui permettent de mieux apprhender cette drogation,
lexprience est le concept qui est revenu durant ces trois entretiens. Lexprience tant
dfinie par la connaissance issue dune pratique sur une longue priode. A noter que
comme le dit une infirmire, lexprience naide pas forcment favoriser la drogation mais
anticiper les soins pour viter de droger. Enfin, la relation de confiance avec le corps
mdical est une aide, dans le sens o le soignant se sent soutenue par le mdecin qui
validera par la suite le geste ou la prescription.
Enfin, les lments qui protgent, sont les actions mises en place pour protger dun
point de vue juridique le soignant. Les transmissions crites sont importante car elles font
offices de preuve dans le cas ou une action en justice serait intente. Il est important de
tracer le moindre appel, la moindre conversation dans le cadre notamment dune prescription
43
orale. Pour finir les protocoles mis en place dans certains tablissements aident les
soignants dans leur exercice car ils peuvent administrer un mdicament sous certaines
conditions en labsence dun mdecin.
Je souhaiterais galement voquer dans cette synthse, une discussion que jai pu
avoir avec Monsieur Gille Devers quand je lui ai soumis lobjet de mon mmoire et ma
question de recherche. Selon lui, les glissements de tche sont quasi quotidiens pour le
soignant et les tribunaux sont indulgents en ce qui concerne cette pratique. En effet, laction
en justice nest intente que lorsquil y a un dommage pour le patient. Les cas sont donc trs
rares et il ny a pas toujours de reconnaissance de responsabilit car le tribunal part du
principe que le geste, mme ralis par le mdecin aurait eu le mme effet. Reste la
responsabilit disciplinaire, mais il nexiste aucune donne.
CONCLUSION
45
CONCLUSION
J'tais loin de m'imaginer au dpart de ce travail que celui-ci me conduirait poser
cette question de recherche. La remise en question a t un point fort de ce travail, ce qui
m'a amen pousser ma rflexion au-del de ce dont je me sentais capable. Mes lectures
ainsi que de nombreux changes avec des personnes clefs m'ont permis de comprendre,
d'analyser la responsabilit de l'infirmier dans le prendre soin. Cependant en poussant plus
loin ma dmarche rflexive j'ai pu comprendre l'intrt que reprsente la recherche pour
viter de tomber dans des reprsentations ou des ides prconues.
A partir de mon thme initial qui est la responsabilit infirmire, je me suis aperu
qu'une multitude de questionnement tait possible. Mes lectures et mes interrogations
pralables m'ont invit confronter deux de mes valeurs qui forgent ma conception du soin
savoir la responsabilit et le prendre soin. Des lments positifs s'en dgagent bien
entendu mais j'ai souhait mettre l'accent sur les difficults rencontres et ce que cela
engendrait chez le soignant, le patient ou l'quipe de soins. Par la suite j'ai fait le choix
d'orienter ma question de recherche sur une de ces difficults. J'ai pu ainsi comprendre le
rle prpondrant de l'exprience et de la relation de confiance dans la pratique infirmire.
Cependant, loin de vouloir apporter de la lgitimit cette pratique, je m'interroge sur
un possible transfert de comptences effectuer afin d'viter aux soignants de rester dans
ce flou lgislatif et moral. Un dbut de rponse pourrait tre apport par la mise en place de
la pratique avance chez l'infirmire. Linfirmire qui exerce en pratique avance est une
infirmire diplme qui a acquis des connaissances thoriques, le savoir faire ncessaire
aux prises de dcisions complexes, de mme que les comptences cliniques indispensables
la pratique avance de sa profession. Les caractristiques de cette pratique avance sont
dtermines par le contexte dans lequel linfirmire sera autorise exercer (Conseil
International des infirmires, 2008).
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
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SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
TEXTES RGLEMENTAIRES
- Profession Infirmier. Recueil des principaux textes relatifs la formation
prparant au diplme dtat et lexercice de la profession. ditions Berger-
Levrault, jour le 01/08/2013. 205 p.
DICTIONNAIRES, ENCYCLOPDIES
- Paillard C. Dictionnaire humaniste infirmier. Noisy le grand : Setes, 2013. 356 p.
- Blay M. Dictionnaire des concepts philosophiques. Paris : CNRS dition, 2006.
879 p.
- Formarier M., Jovic L., Les concepts en sciences infirmires, 2me dition. Lyon :
Mallet conseil, 2012. 328 p.
LIVRES
- Hesbeen W. Prendre soins lhopital : inscrire le soin infirmier dans une
perspective soignante. Paris : Masson, 1997. 195 p.
- Bioy A. & Fouque D. Manuel de psychologie du soin. Paris : Bral, 2002. 317 p.
- Brenner P. De novice lexpert, lexcell