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LA LETTRE DU PLAN SEISME 1er TRIMESTRE 2018
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Sismicité récente en France
Antilles
Un séisme de magnitude modérée Mw=5.8, localisé à environ 67 km de profondeur, a frappé le Nord-Est des îles du Nord (Guadeloupe) le 24 décembre 2017 peu après 11h (heure locale). D’après l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe (OVSG), l’épicentre de ce séisme a été localisé au nord-nord-est de Saint Barthélémy, à environ 28 kilomètres de l’île. Ce séisme a été largement ressenti dans les îles du Nord avec une intensité maximale estimée à V dans la zone proche de l’épicentre selon le Bureau Central Sismologique Français (BCSF) sur la base d’une cinquantaine de témoignages recueillis dans la zone.
Nouvelle Calédonie
Un séisme de magnitude Mw=7,0, localisé à environ 85 km des îles Loyauté et à 10 km de profondeur, a frappé la Nouvelle-Calédonie le 20 novembre 2017 à 09h44 heure locale (soit le 19 novembre à 23h44 heure de métropole).
D’après le Service Géologique Américain (USGS), ce séisme fait suite à une série de forts tremblements de terre qui secoue les îles Loyauté depuis le 31 octobre 2017 avec une première secousse de magnitude 6,8 et plus de 135 séismes de magnitude supérieure à 4 depuis lors. Le séisme du 19 novembre 2017 a été fortement ressenti sur les îles Loyauté, notamment à Maré, l’île la plus proche de l’épicentre, et jusqu’à Nouméa, sans provoquer de dégâts matériels. Une alerte tsunami a été émise par le Pacific Tsunami Warning Center peu de temps après la secousse, incitant les autorités à préconiser l'évacuation des bandes côtières des îles Loyauté, de Grande-Terre et de l'île des Pins. De fait, des mouvements anormaux du niveau de la mer ont été observés en Nouvelle-Calédonie et à Vanuatu après le séisme. La Nouvelle-Calédonie est située dans la zone de convergence entre les plaques Pacifique et Australie, fortement active. L’aléa sismique y est néanmoins considéré comme faible à très faible sur la plus grande partie du territoire du fait de l’éloignement des sources tectoniques les plus puissantes. Les zones les plus exposées sont les îles d’Ouvéa, Lifou et Maré (aléa modéré à moyen). Depuis 2010, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un réseau sismologique géré par l’Institut de Recherche pour le
AU SOMMAIRE
ACTUALITES - Sismicité récente en France
- 10 ans séisme Martinique
- SURICATE-Nat
- 2nde phase plan séisme
Antilles
- Reconstruction post-
cyclonique
- Journées « renforcement
parasismique »
DOSSIER - Prédire où et quand aura lieu
le prochain séisme
destructeur
POUR FINIR - Ça s’est passé par chez vous :
RISVAL
- Allô la FAQ ?
- Quezaco ? Epicentre
Localisation du séisme néo-calédonien du 19 novembre 2017 (source : IRD)
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Développement (IRD) et composé de sept stations
réparties essentiellement sur les zones les plus
actives de la région, à savoir le sud de Grande-
Terre et les îles Loyauté (www.seisme.nc).
Essaim sismique en Maurienne Entre mi-octobre et mi-novembre 2017, la zone de
La Chapelle dans la vallée de la Maurienne a été
secouée par une série de séismes superficiels
(environ 5 km de profondeur) de magnitudes
majoritairement faibles mais allant jusqu’à des
valeurs comprises entre 3,0 et 3,7 pour les
tremblements de terre principaux (M=3,7 par
exemple pour le séisme du 27 octobre 2017). Ces
séismes étant très superficiels, ils peuvent être
fortement ressentis par la population.
D’après le réseau d’observation de la sismicité
alpine SISmalp, cette activité fait partie d'un
essaim actif depuis 2015, qui montre une très
nette recrudescence d'activité depuis l’automne
2017 avec plusieurs centaines de séismes de faible
magnitude enregistrés chaque jour suite aux
chocs principaux.
Représentation en 3D de la localisation des épicentres de l’essaim sismique « de la Chapelle » (Maurienne) de septembre à novembre 2017 (source : SISMalp)
10 ans du séisme de Martinique du 29 novembre 2007
Les Antilles sont régulièrement frappées par des séismes de magnitude modérée comme celui du 24 décembre 2017, mais ont aussi été le siège de plusieurs séismes historiques destructeurs, dont les plus notables demeurent ceux du 11 janvier 1839 et du 8 février 1843, qui ravagèrent à
quelques années d’écart la Martinique puis la Guadeloupe.
Le 29 Novembre 2007 à 15h00 (heure locale), un très fort séisme de magnitude 7.4 a été enregistré à 17 km au nord-est de Basse-Pointe en Martinique, à 152 km de profondeur. Ce séisme a été ressenti sur l’ensemble de l’arc antillais et a provoqué des dégâts matériels sur l’île de la Martinique. Les intensités macrosismiques maximales observées durant ce séisme ont atteint un degré VI-VII sur l’Est et le Sud de la Martinique et à Fort-de-France.
SURICATE-Nat : Analyse automatique des séismes via Twitter
L’expérience montre que, en cas de survenue de
catastrophe naturelle et tout particulièrement de
séismes, il y a souvent des citoyens « connectés »
au plus près des événements qui partagent en
temps-réel leurs expériences ou leur vision de la
situation via les réseaux-sociaux. Ce fut le cas dès
2010 lors du séisme qui ravagea Haïti, puis au
Japon en 2011, en Italie en 2012 puis 2016, etc. Du
fait de son principe de messages courts avec la
possibilité d’attacher du contenu multimédia, le
réseau social Twitter, qui fédère une communauté
habituée à commenter en direct le moindre
événement / la moindre expérience du quotidien,
est particulièrement efficace pour diffuser de
premières informations extrêmement rapidement
après la survenue d’un événement d’ampleur à tel
point de pouvoir être utilisé quasiment comme un
« capteur ».
Fort de ce constat, le BRGM développe, en
collaboration avec l’UTT (Université de
technologie de Troyes) et avec le soutien de la
Fondation MAIF, une plateforme participative
d’analyse semi-automatique des messages en lien
avec les catastrophes naturelles émis sur Twitter.
Dénommée SURICATE-Nat (www.suricatenat.fr),
cette plateforme considère chaque individu
comme un capteur doué de 5 sens capable de
restituer ses observations de manière spontanée
et rapide. Mise en ligne en décembre 2017, la
première version de SURICATE-Nat couvre à ce
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jour les séismes, avant de s’ouvrir prochainement
aux inondations, puis à d’autres aléas naturels. En
pratique, chaque Tweet émis en langue française
et faisant référence à des termes liés aux séismes,
est collecté est traité automatiquement par des
algorithmes d’intelligence artificielle. Dans un
second temps, ces messages sont également
soumis aux internautes qui peuvent ainsi
contribuer à l’analyse pour compléter et améliorer
les modèles prédictifs. La plateforme étant
actuellement en phase de test, ses auteurs
encouragent les utilisateurs à leur faire part de
leurs impressions.
Vue de la plateforme SURICATE-Nat, et flux d’activité Twitter associé au séisme de l’Ubaye du 7 avril 2014 (source : BRGM/UTT)
Cette initiative originale ne s’inscrit pas en
concurrence des canaux traditionnels de
remontée d’information, mais bien en
complémentarité : pour les séismes, il s’agit donc
de compléter ce que « voient » les sismomètres
ainsi que les citoyens engagés qui témoignent via
le site internet du BCSF.
Bilan de la première année (2016) de la 2nde phase du Plan Séisme Antilles
Des travaux considérables restant à mener à
l’issue de la première phase du plan séisme
Antilles (2007-2015), notamment sur les actions
de réduction de la vulnérabilité du bâti, une
seconde phase du plan séisme Antilles (PSA2) a
été lancée lors du conseil des ministres du 27
juillet 2016 pour la période 2016-2020. Pour cette
deuxième phase, l’État s’est engagé à mobiliser un
montant total de 450 M€ (dont 290 M€ sur le
fonds de prévention des risques naturels
majeurs), soit une augmentation de 30% par
rapport à la première phase du plan, pour soutenir
notamment les travaux de confortement
parasismique ou de reconstruction des
collectivités, des bailleurs sociaux, des SDIS et
pour réduire la vulnérabilité de ses propres
bâtiments.
Un premier bilan du PSA2 au 31 décembre 2016
est disponible ici. Dans le cadre de la réduction de
la vulnérabilité du bâti, des actions de
renforcement du bâti ont été achevées en 2016
sur quatorze établissements scolaires (12 écoles
primaires et 2 collèges), sur dix établissements
hospitaliers, sur des infrastructures de gestion de
crise, sur le parc de logements sociaux (plus de 70
opérations terminées ou en cours à fin 2016) et
sur des bâtiments de l’Etat. Dans le cadre des
actions de prévention du risque sismique, le bilan
à fin 2016 met en exergue notamment
l’élaboration de 4 PPRS pilotes, la finalisation des
microzonages sismiques de St Martin et St
Barthélémy, la tenue de la 8ème tenue des
biennales du Réseau Accélérométrique
Permanent (RAP) en Guadeloupe dans le cadre
des semaines SISMIK et la préparation d’un
exercice séisme de grande ampleur financé par la
Commission Européenne (exercice Richter
Caraïbes). Cet exercice s’est déroulé du 24 au 27
mars 2017.
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Prise en compte du risque sismique dans la reconstruction post-cyclonique
Après les importants dégâts subis par les îles de Saint Martin et Saint Barthélémy suite au cyclone Irma, la phase de reconstruction est venue. Cette phase de reconstruction s’avère complexe aussi bien sur le plan technique puisqu’il faut tenir compte à la fois des risques liés aux cyclones mais également aux autres aléas naturels comme les séismes (les îles du Nord sont en zone de sismicité 5, la plus forte en France), mais également sur le plan institutionnel. En effet, depuis le changement de statut des deux îles en 2007, l’urbanisme est sous la compétence des collectivités de Saint Martin et Saint Barthélémy, l’état intervenant pour le contrôle de la légalité. Le 21 novembre 2017, un protocole de coopération pour « une reconstruction exemplaire et solidaire » a été signé entre l’Etat et la collectivité territoriale de Saint Martin sur la base des préconisations proposées par M. Philippe Gustin, Délégué Interministériel pour la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ces préconisations prévoient notamment la révision des documents d’urbanisme locaux tenant compte des prescriptions du plan de prévention des risques naturels élaboré par les services de l’état, et qui prend notamment en considération le risque sismique.
Retour sur les journées « renforcement parasismique » à Lourdes et aux Antilles
Une journée technique sur le renforcement parasismique s’est tenue le 29 septembre à Lourdes avec une quarantaine de participants. Cette journée a été organisée par la mairie de Lourdes, la Préfecture des Hautes-Pyrénées, le Centre Pyrénéen des Risques Majeurs (C-PRIM) et l'Association Française de Génie Parasismique (AFPS), avec le soutien du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES). Le but de cette journée était de présenter aux maîtres d’ouvrages, aux maîtres d’œuvre et plus largement à tous les professionnels du Génie Civil les outils méthodologiques développés récemment pour les guider ou les assister dans une démarche de renforcement, ainsi qu’un certain nombre d’exemples opérationnels de renforcements sismiques déjà mis en œuvre sur différents types d’ouvrages : bâtiments, ponts, ouvrages géotechniques… Elle s’inscrit à ce titre dans les objectifs du Cadre d’Actions pour la Prévention du Risque Sismique en cours sur le Massif Pyrénéen (CAPRiS) et piloté par la DREAL Occitanie.
Une journée du même type, organisée par l’AFPS avec le soutien de la Direction Générale de Prévention des Risques (DGPR) du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES), s’est tenue les 24 et 27 octobre 2017 respectivement en Martinique et en Guadeloupe.
Le Chiffre
25
C ’est le nombre d’alertes sismiques déclarées par le
CEA en 2017, correspondant à des séismes significatifs survenus en France Métropolitaine.
Agenda
23 mars 2018 (Paris) Restitution de la mission postsismique AFPS de Puebla (Mexique)
Présentation de la journée
renforcement parasismique à Lourdes (source : cliché La Dépêche
du Midi)
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Dossier : Prédire où et quand aura lieu le prochain séisme destructeur
Saura-t-on un jour prévoir les séismes comme on prévoit à quelques heures la trajectoire d’un ouragan ?
L’enjeu est considérable pour la protection des vies humaines. D’innombrables pistes ont déjà été
explorées. En vain, aucune n’a jusqu’ici donné de résultat suffisamment robuste pour permettre par
exemple d’évacuer préventivement des populations. Véritable Graal de la sismologie, la prévision fiable
à court terme est-elle un objectif utopique inatteignable en raison de la nature même des séismes, ou
un espoir à long terme grâce aux progrès des connaissances et des technologies ?
De curieux phénomènes qui précèdent les
séismes
Depuis que les sages philosophes de l’Antiquité
ont tenté de comprendre le monde qui les
entourait par des causes rationnelles, de
nombreuses observations de phénomènes faites à
l’occasion de séismes ont été soigneusement
consignées et nous sont parvenues. Ainsi, très tôt
ont été mentionnées des coïncidences étranges
entre la survenus des séismes, et des phénomènes
aussi divers que des conditions météorologiques
anormales préalablement au séisme (pluies
intenses ou au contraire grandes sécheresses),
des observations astrophysiques particulières
telles que le passage d’une comète ou
l’observation d’une tâche solaire, des
comportements animaux anormaux, ou encore la
fluctuation du niveau d’eau dans les puits. Il ne
s’agissait tout d’abord donc pas tant d’utiliser ces
signes pour alerter, mais bien pour tenter de
comprendre ce qui pouvait bien faire trembler la
Terre. Encore que quelques philosophes furent
connus en leur temps pour avoir prédit avec
succès des séismes, comme Phérécyde de Syros
(qui fit entre autres prédictions, celui du naufrage
d’un navire ou du siège de la ville de Messène)
dont la prédiction d’un séisme fit dire à Cicéron
qu’il méritait « moins le titre de devin que celui de
physicien ».
Ce n’est que plus tard que, le temps et la
compréhension scientifique des choses avançant,
les savants se sont véritablement mis en devoir de
soumettre les séismes par la prédiction, comme ils
l’avaient fait naguère pour la météorologie. Ce
qu’exprimait quasiment mot pour mot Camille
Flammarion au lendemain du séisme de Lambesc
qui ravagea la Provence le 11 juin 1909 : « Le
progrès marche, et le génie de l’homme prendra
possession de la Terre comme il a su prendre
possession du ciel, en soumettant au calcul tous les
grands phénomènes cosmiques ».
Ce n’est que dans les années 1960/1970 que le
sujet a vraiment commencé à mobiliser largement
la communauté scientifique, avec des
programmes d’ampleur d’acquisition de données,
à la fois en laboratoire et sur le terrain.
En la matière, l’exemple le plus notable est celui
de la Chine qui s’investit massivement sur le sujet
après avoir subi plusieurs séismes meurtriers. La
« Révolution culturelle » privilégiant alors la
mobilisation de la foule immense et anonyme du
peuple plutôt que celle des intellectuels, 100.000
chinois furent sensibilisés à la va-vite à la
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détection des « anomalies présismiques » :
élévation du sol ou de niveau des puits,
comportements animaux suspects… Rapidement,
les zones les plus sismiques de Chine sont ainsi
instrumentées à tout va avec des instruments de
fortune, et les comportement animaux observés
tout azimut, la quantité des données collectées
primant sur leur qualité.
L’observation simultanée et croisée de toutes ces
observations donna lieu à la prédiction du séisme
de magnitude 7.3 qui ravagea la ville de Haicheng
le 4 février 1975, ce dont se glorifia la Chine et
impressionna le monde entier. Néanmoins, ce
n’est semble-t-il pas l’alerte décrétée par les
autorités qui encouragea les habitants à évacuer
en masse leurs domiciles, mais bien les
nombreuses secousses qui ont précédé le choc
principal. Par ailleurs, la même méthode échouera
un an plus tard à prédire le séisme de magnitude
7,8 qui ravagea la ville de Tangshan et fit près de
600 000 victimes. L’analyse après coup des
montagnes de données collectées avant le séisme
permis cependant aux scientifiques chinois de
repérer des effets présismiques, tels que des
variations rapides et significatives de niveaux
d’eau dans des puits, ou des variations de
résistivité électrique du sol.
Parallèlement, les japonais, les russes et les
américains compilèrent chacun de très
nombreuses données démontrant que les séismes
s’accompagnent souvent de manifestation
présismiques : variation de l’activité sismique avec
apparition « d’essaims sismiques », phénomènes
électromagnétiques et lumineux, élévation du
niveau du sol, modification de l’écoulement des
sources et de la composition chimique des eaux...
Mais il s’agit là le plus souvent d’observations
reliées apostériori à la survenue de grands
séismes : difficilement compréhensibles avant la
secousse, ils ne furent interprétés qu’après coup
comme autant de probables signes précurseurs.
Restait donc encore à comprendre les
phénomènes responsables de ces manifestations,
et caractériser leur potentiel prédictif.
Anomalie présismique du potentiel électrique spontané des sols observée avant le séisme de Haicheng du 4 février 1975 (source : American Geophysical Union, 1977)
Des signes révélateurs des contraintes
exercées en profondeur
Plusieurs des signes présismiques observés
seraient naturellement liées à la compression des
roches autour de la zone de faille, celle-ci se
traduisant par l’apparition de microfissures ou par
un changement de propriétés des matériaux. La
surveillance fine de ces phénomènes pourrait
donc potentiellement nous alerter de l’imminence
d’une rupture.
Dans les années 60, des scientifiques Russes ont
par exemple remarqué des ralentissements
significatifs de la vitesse de propagation des ondes
sismiques peu de temps avant la survenue de
tremblements de terre. Imputées au phénomène
dit de « dilatance », de fracturation de roches
créant des fissures en profondeur susceptibles de
ralentir la propagation des ondes, ces
observations auguraient donc la perspective
d’une prédiction opérationnelle via des dispositifs
de mesures répétées de la vitesse des ondes
sismiques dans le sol. Las, la reproductibilité du
phénomène n’a pas été au rendez-vous, et de
telles variations ont également été observées sans
qu’aucun séisme ne survienne ensuite...
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Dans les années 80, ce sont des anomalies dans les
mesures des courants électriques naturels dans le
sous-sol qui ont été mis en évidence à l’approche
de séismes. La cause de ce phénomène,
probablement la compression des cristaux de
quartz (présents en quantité dans nombre de
formations géologiques) qui ont une propriété
piézoélectrique bien connue de produire un
courant électrique lorsqu’on leur applique une
contrainte. Cette méthode, appelée « VAN » du
nom de ses inventeurs (Varotsos, Alexopoulos,
Nomicos), a suscité de nombreux espoirs
notamment en Grèce où elle a donné lieu à
plusieurs prévisions couronnées de succès.
Cependant, cette méthode « magique » avait
contre elle d’être scientifiquement fragile : il est
par exemple physiquement difficile de justifier
que de telles perturbations électriques soit
repérables à plusieurs centaines de kilomètres
d’une faille prête à rompre, à moins que celle-ci ne
soit capable de créer des tensions de plusieurs
centaines de Volts !!! Difficile également
d’admettre que des anomalies électriques
apparaissent avant les séismes et jamais pendant,
alors que les déformations intenses qui sont alors
produites devraient également faire réagir les
cristaux de quartz...
Compressées comme des éponges sous l’effet des
contraintes, les zones de failles prêtes à rompre
mettent les eaux souterraines sous pression, ce
qui peut également expliquer en partie de
nombreux effets présismiques. Ainsi a-t-on déjà
évoqué les très nombreux exemples de séismes
qui ont été précédés d’une modification des
chemins d’écoulement des eaux souterraines,
pouvant par exemple donner lieu au tarissement
de sources ou à la modification du niveau de
remplissage des puits. De plus, la composition
chimique même de ces eaux est souvent changée,
comme l’attestent les concentrations
anormalement fortes en radon ou en sels dissouts
observées avant certains séismes. La raison à
cela ?
En haut : Quelques exemples de l’abondante littérature scientifique consacrée à la méthode VAN pour la critiquer (à gauche) ou la défendre (à droite)
En bas : Haroun Tazieff aux côtés du professeur Panayotis Varotsos en 1989, pour l’implantation de stations VAN dans les Alpes françaises (source : Lyon Figaro)
La fracturation des roches augmenterait leur
perméabilité, créant ainsi de nouveaux chemins
de remontée des eaux souterraines naturellement
riches en gaz et minéraux de toutes sortes. La
portée prédictive de ces observations n’est
cependant pas évidente, tant les comportements
varient d’un séisme à l’autre. Concernant le cas
spécifique du radon, et bien qu’un lien formel ait
pu être établi entre sa concentration et la
sismicité, d’autres facteurs entrent en jeu, telles
que les conditions météorologiques, ce qui
complique beaucoup la prédiction.
Anomalie présismique des concentrations de radon avant le séisme de l’Aquila du 6 avril 2009 (source : Pulinets, 2016)
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Des petits tremblements qui peuvent en
annoncer des gros
Une autre indication de l’imminence d’un séisme
peu également venir de l’étude du niveau
d’activité sismique. Ainsi, de nombreux séismes
importants sont précédés de ce que l’on nomme
rétrospectivement des « séismes précurseurs ».
Mais une fois encore, bien maline est la personne
pouvant affirmer qu’un séisme donné est bien
annonciateur d’un séisme plus important... ou
simplement l’expression du réarrangement de
contraintes sous-terraines.
De manière moins caricaturale, il n’est
pas rare d’observer de petites crises
sismiques dites « en essaims » qui
précèdent à des séismes importants,
lesquels essaims agissent parfois
comme des ordres d’évacuation
naturels de populations inquiétées par
ces vibrations incessantes. Mais - car
comme toujours il y a un « mais » -
certaines crises en essaims ne se
concluent heureusement pas par un
séisme destructeur, ce qui est fort heureux pour
les habitants de la région de Barcelonnette (Alpes-
de-Haute-Provence) qui présente une tendance
naturelle à de telles sursauts d’activité sismique.
Quand les animaux entrent dans la partie
S’ils ne concentrent aujourd’hui plus guère
d’espoir au sein de la communauté scientifique en
matière de future prédiction opérationnelle des
séismes, les comportements animaux étranges
résument à eux seuls la problématique de la
prévision des séismes aux yeux du grand-public.
Facilement observables, ces comportements sont
d’ailleurs régulièrement mentionnés depuis
l’Antiquité dans le monde entier, et tout
particulièrement au Japon et en Chine. Certains
penseurs illustres s’en sont fait écho, comme Kant
qui reporte ainsi que « huit jours avant la secousse
[ndlr. liée au grand séisme de Lisbonne de 1755],
le sol des environs de Cadiz était recouvert d’une
multitude de vers de terre qui avaient émergé du
sol ». Fasciné par cette grande catastrophe que fut
la destruction de Lisbonne par un séisme suivie
d’un tsunami, Kant s’est beaucoup documenté sur
ce séisme, mais il n’en était cependant pas le
témoin, pas plus que celui de ces étranges
comportements de lombrics.
Pour autant, les observations émanant de témoins
directs sont si nombreuses, qu’il n’est pas permis
de douter de la véracité du phénomène, ce qui
laisse à présumer d’hypersensibilité de certaines
espèces animales à quelques effets présismiques.
Concernant le témoignage de Kant, il est par
exemple conforté par des observations similaires
effectuées lors d’un séisme taïwanais en 1999.
A gauche : Vers de terre émergeant en masse à la surface aperçus à Taiwan quelque jours avant un séisme survenu en 1999 (source : Ikeya, 2004)
A droite : Fuite massive de crapauds observée cinq jours avant le séisme du Sichuan du 12 mai 2008 dans la ville de Mianzhu (source : Asian News)
A l’instar des verres de terres, les effets les plus
marquants sont ceux de colonies entières
d’animaux fuyant leur habitat, faisant fit du risque
de périr dans cette fuite : ainsi ne compte-t-on
plus les mentions de routes envahies par
d’innombrables crapauds, souris ou autres
serpents quelques jours avant la survenue de
séismes importants. Et pas besoin de revenir à de
vagues témoignages de temps anciens, de telles
observations nous parviennent encore
régulièrement, photos à l’appui, comme
préalablement aux séismes du Sichuan (Chine)
survenu en 2008 et à celui de l’Aquila (Italie)
survenu en 2009, où des crapauds ont
préventivement fait leurs valises.
Mais ce sont également des éléphants fuyant la
côte avant le déferlement du tsunami à Sumatra
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en 2004, des chevaux devenus fous ou des
poissons des grandes profondeurs qui remontent
et s’échouent sur les plages, etc.
Peu d’étude sérieuses ont cependant à ce jour été
consacrées au sujet en l’étudiant avec la rigueur
scientifique requise. L’enjeu est pourtant
important, puisqu’il s’agit de dépasser l’idée
collective selon laquelle « il paraitrait que les
animaux peuvent ressentir l’imminence de
séismes » par la vérification de la robustesse
statistique de cette hypothèse, et le cas échéant
par une identification des mécanismes à l’œuvre.
La tâche est cependant ardue dans la mesure où
les observations disponibles sont souvent
subjectives, les manifestations anormales étant le
plus souvent déclarées comme telles qu’après
l’occurrence des séismes, les mêmes
comportements non suivis de séismes passant
généralement dans le même temps sous silence,
non consignés dans de savantes notes.
Le clin d’œil d’Éric Appéré
C’est que - comme chez les humains - les
comportements irrationnels demeurent
relativement fréquents, et qu’ils ne sont pas tous
suivi de séismes. Inversement, de nombreux
séismes surviennent dans une apparente
insouciance de nos amis les bêtes...
La prévision des séismes a-t-elle un sens ?
D’un point de vue théorique, l’idée même qu’un
séisme puisse être prédit a fait l’objet d’un intense
débat scientifique. La raison à cela ? Les séismes
résultent d’un phénomène chaotique hautement
imprévisible qui dépend de manière très sensible
d’une infinité de paramètres qu’il nous sera à tout
jamais impossible de caractériser avec une
précision suffisante. Ainsi, au moment où une
rupture s’initie, celle-ci peut aussi bien se
propager à l’ensemble d’un segment de faille (voir
de plusieurs segments voisins) pour provoquer un
important séisme, ou au contraire être
rapidement stoppé. La différence ? Presque rien :
une petite aspérité le long de la faille qui suffit à
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bloquer le glissement à temps, un peu moins
d’eau sous pression pour participer au
décollement des lèvres de la faille, une
structuration minéralogique qui favorise ou non la
propagation de la rupture, etc., etc.
Cette vision a en effet de quoi doucher tout espoir
de prévision, dans la mesure où elle suggère que
quand bien même nous aurions une connaissance
parfaite des phénomènes physico-chimiques à
l’œuvre et que nous serions en mesure de les
modéliser, nous ne serons jamais en mesure
d’instrumenter suffisamment les failles – objets
qui s’étendent parfois sur des centaines de
kilomètres de profondeurs et qui plongent à des
kilomètres sous nos pieds – pour en définir
précisément l’état à un moment donné, et ainsi
disposer des valeurs des innombrables
paramètres requis par les modèles.
Des perspectives plutôt encourageantes
Le débat en était là, fondé sur des arguments
imparables issus de la sismologie classique fondée
sur l’idée de cycles sismiques : blocage de la faille,
accumulation lente de contraintes avec
déformations élastiques, puis brusque
relâchement des contraintes – le séisme -,
nouveau blocage, etc. La multiplication de
l’instrumentation des grandes failles partout dans
le monde, a cependant apporté son lot
d’observations étranges suggérant un
phénomène sismique encore bien plus complexe.
C’est ainsi que l’on apprit que les failles ne
relâchaient pas forcement toujours leurs
contraintes de manière brutale sous forme de
séismes, mais qu’elles pouvaient également
périodiquement glisser progressivement en ce
que l’on appelle des « séismes lents », produire de
faibles grondements transitoires appelés «
tremors », ou encore des séismes très basses
fréquences... La découverte de ces phénomènes
transitoires et leur alternance avec des phases
sismiques classiques, ouvrent de nouvelles
perspectives pour la prévision des séismes. Les
observations réalisées au Chili montrent par
exemple que des phases de glissements
asismiques (« séismes lents ») ont précédé au
grand séisme du Maule de magnitude 8,2 du 1er
avril 2014, ainsi qu’à ses séismes précurseurs et
ses répliques. L’utilisation à des fins de prédiction
semble cependant encore lointaine tant la
complexité est grande.
Temps restant avant la prochaine rupture telle que prévue par le modèle d’intelligence artificielle par analyse des données de laboratoire (source : d’après B. Rouet-Leduc et al., 2017)
Des nouvelles récentes parviennent également
des laboratoires, où les scientifiques tentent
depuis des dizaines d’années de comprendre ce
qui se passe à l’échelle des failles en tentant de les
reconstituer – en miniature – dans leurs machines
capables de mettre des échantillons de roches
sous des conditions de pression et de température
extrêmes. Récemment, des travaux menés au
laboratoire américain de Los Alamos ont ainsi
conduit à établir un modèle de prédiction
redoutablement précis des ruptures de telles
« failles artificielles ». Ce modèle permet, à partir
de l’analyse de très nombreux enregistrements
sismiques, d’estimer l’état de friction de la faille et
d’en déduire le temps restant avant la prochaine
rupture. Selon Bertrand Rouet-Leduc, chercheur
français ayant conduit les travaux, ces progrès ont
été rendus possible grâce au recours à des
techniques d’intelligence artificielle et ouvrent
une nouvelle voie dans la recherche sur la
prévision des séismes. La puissance des
calculateurs permet en effet de prendre en
compte l’ensemble des enregistrements, y
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compris ceux jusqu’ici laissés de côté et qui
pourtant semblent d’après ces travaux porteurs
d’informations essentielles. La transposition de ce
modèle de laboratoire aux failles réelles demeure
en revanche un défi de taille, même si les premiers
résultats obtenus sur une faille réelle de forme
simple sont encourageants (cf. entretien avec
Bertrand Rouet-Leduc).
Les chercheurs n’ont donc pas dit leur dernier mot
pour prédire les séismes et les progrès de la
science sont en la matière actuellement très
rapides. Quelque puissent être les espoirs suscités
par ces travaux, encore serait-il utile de préciser
ce que l’on entend par « prévision », et surtout ce
que l’on en attend.
Une prévision court ou long terme ?
Nous l’avons vu, si l’observation apostériori - sur
quelques séismes particuliers - d’effets
présismiques ou de séismes précurseurs a souvent
paru prometteuse, les espoirs ont
systématiquement été déçus lorsqu’il s’est agi de
s’en servir comme signes annonciateurs de
l’imminence de séismes. Car, pour les humains
que nous sommes, prédire c’est être en mesure de
pouvoir dire - de manière reproductible - à la fois
où surviendra un séisme, quand, et quelle sera son
importance, autrement dit sa magnitude.
Il faut donc juger de la prédictibilité au regard de
critères clairs et quantifiés : s’agit-il d’une
prévision utile que de dire qu’une province
japonaise donnée sera très probablement
affectée par un séisme dans les six mois qui
viennent, sachant que l’aléa sismique y est tel que
des dizaines de séismes de magnitude supérieure
à 5 y surviennent chaque année, des centaines de
magnitude supérieures à 4, des milliers de
magnitude supérieure à 3 ? Car prédire
l’occurrence prochaine d’un séisme dans les
régions les plus sismiques du globe, n’a pas plus
de valeur que d’annoncer un temps pluvieux dans
le mois à venir lorsqu’on habite en Bretagne.
Posée autrement, la question pourrait être de
savoir si la méthode de prévision proposée est
suffisamment précise pour pouvoir aider les
autorités d’une ville à décider de la pertinence ou
non d’en évacuer les habitants de manière
préventive du fait de l’imminence d’un séisme,
sachant qu’il ne sera vraisemblablement pas jugé
acceptable d’évacuer des régions entières, et que
de telles évacuations ne semblent pas
envisageables pendant plus de quelques jours...
Voici en ce qui concerne la vision de la prédiction
à court terme, compatible avec les échelles de
temps et d’espace dans lequel nous évoluons,
nous agissons. Mais mettons en perspective la
problématique de la prévision avec le phénomène
naturel considéré, le séisme, qui est l’expression
A gauche : Carte d’aléa sismique de l’Italie (source : INGV) A droite : Probabilité hebdomadaire de dépassement d’intensités macrosismiques VII (courbes grises) et VIII (courbes noires) dans un rayon de 10 kilomètres autour de la ville de Norcia (source : d’après Marzocchi et al., 2017)
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d’une activité tectonique qui s’applique à des
échelles continentales. Qui résulte de la mise en
mouvement de failles dont la taille peu atteindre
des dizaines, voire des centaines de kilomètres, et
sur lesquelles l’occurrence de deux événements
d’ampleur comparable peut être séparé de
dizaines, de centaines voire de milliers d’années.
Nous percevons dans ce cas la difficulté du
problème, et vu ainsi, il parait déjà satisfaisant
d’être en mesure de « prédire » la survenue d’un
séisme de magnitude supérieure ou égale à une
valeur donnée, à l’échelle d’une région et à un
horizon d’une cinquantaine d’années. Cette forme
de prédiction à long terme à un nom, il s’agit de
l’évaluation de l’aléa sismique : ainsi, la carte
d’aléa sismique de la France (dont découle le
zonage sismique réglementaire) en est une
parfaite illustration. Certes il est difficile d’établir
des actions immédiates de protection-civile de
court terme avec de telles prédictions, mais il est
en revanche possible de les utiliser pour établir
des règles parasismiques adéquates pour réduire
les pertes lorsque des séismes importants
surviendront.
Soulignons qu’il existe désormais des approches
de « prédiction opérationnelle des séismes »
permettant de moduler ces cartes d’aléa (de long
terme donc) pour donner des indications sur le
court terme, par la prise en compte des
nombreuses observations évolutives en
provenance du terrain : sismicité et
microsismicité, mesures des champs de
contraintes...
Très concrètement, cela consiste en la production
de cartes régulièrement mises à jour
(quotidiennement ou de manière hebdomadaire)
représentant la probabilité d’occurrence d’un
séisme de magnitude donnée dans la semaine ou
le mois à venir. Mais que dire d’une augmentation
rapide de cette probabilité d’un facteur 100,
lorsque sa valeur demeure intrinsèquement très
faible (disons une chance sur 10.000) ?
Présentation des conclusions des travaux de la commission internationale pour l’étude de la prédiction, à la direction générale de la protection civile italienne en mai 2011 (source : protection civile italienne)
C’est pour apporter des pistes de réponse à ce
type de questions qu’après le séisme meurtrier
de l’Aquila survenu en Italie centrale en avril
2009, une commission internationale pour
l’étude de la prédiction des séismes fut
constituée dans l’urgence : elle recommanda,
outre le fait de poursuivre les efforts de
recherche en la matière, d’établir des protocoles
quantitatifs et transparents pour étayer la prise
de décision face à de telles incertitudes. D’ici là,
en attendant que de nouvelles avancées sur la
prévision à court terme des tremblements de
terre n’apporte des solutions opérationnelles, la
prévention et la préparation des populations
demeurent aujourd’hui la meilleure parade pour
nous protéger des séismes.
POUR ALLER PLUS LOIN :1
- Rapport d’état de l’art du BRGM - Ouvrage de Pascal Bernard « Pourquoi la Terre tremble » - Article du Musée de sismologie de Strasbourg sur la prédiction des séismes
1 Remerciements à Anne Lemoine, chercheuse au BRGM, pour ses conseils dans la rédaction de ce dossier.
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3 questions à Bertrand Rouet-Leduc
Bertrand Rouet-Leduc est chercheur au Laboratoire de Los Alamos (Etats-Unis).
Il est l’un des auteurs d’un article publié en mars 2017 sur la capacité de
l’intelligence artificielle à prédire les séismes en laboratoire1
" En laboratoire, notre modèle permet effectivement de prévoir le moment où la faille
va se rompre. Mais nous sommes loin de pouvoir affirmer que cela est transposable aux
conditions réelles bien plus complexes..."
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle et qu’apporte-t-elle à la recherche sur la prévision des séismes
?
L’intelligence artificielle est la capacité des ordinateurs à appliquer la méthode scientifique de façon
automatique sur un très grand nombre de données : analyser, modéliser et vérifier. Une station
sismique peut enregistrer des centaines de données à la seconde et certaines le font depuis 20 ans.
Traiter l’ensemble est impossible pour l’homme et était encore impossible pour les machines il y a
seulement quelques années. L’intelligence artificielle permet d’utiliser pour la modélisation toutes
les données issues d’une station sismique ou d’une expérience en laboratoire. Jusqu’ici les
sismologues utilisent des catalogues de données, c’est-à-dire uniquement les signaux clairs et bien
corrélés entre les stations. Or, nos travaux en laboratoire sur une faille artificielle ont montré
l’intérêt du signal en continu pour établir un lien de causalité entre l’état de la faille, caractéristique
macroscopique, et les réarrangements microscopiques des fragments de roches de la faille qui
émettent un signal sismique.
Peut-on parler de prédiction assez précise pour envisager une évacuation préventive ?
Notre méthode caractérise l’état de la faille et permet à la fois de faire des prévisions à court et à
long terme, selon que l’analyse du signal sismique continu établit que la faille est dans un état
critique proche de la rupture ou non. En laboratoire, notre modèle permet effectivement de prévoir
le moment où la faille va se rompre. Mais nous sommes loin de pouvoir affirmer que cela est
transposable aux conditions réelles bien plus complexes. Dans les zones sismiques, plusieurs failles
se côtoient souvent et de multiples facteurs peuvent venir perturber le signal. Pour s’approcher des
conditions de laboratoire, nous testons notre modèle actuellement sur une faille réelle mais simple
et isolée. Il s’agit de la faille des Cascades située sous l’île de Vancouver qui cède lentement tous les
13 à 14 mois. Nos premiers constats sont encourageants. Les valeurs calculées par le modèle pour
l’état de la faille semblent bien corrélées à des caractéristiques du signal sismique continu.
Cela ouvrerait-t-il des perspectives pour l’ensemble des zones sismiques ?
C’est trop tôt pour le dire. Il faudrait ensuite tester notre modèle sur d’autres failles plus complexes.
Par ailleurs, il faut que la faille concernée soit bien instrumentée pour disposer de données de
bonne qualité. Dans tous les cas, nous avons le sentiment d’avoir ouvert un important champ de
travail pour la recherche grâce à la prise de conscience de l’intérêt du signal sismique continu.
1. Rouet-Leduc, B., Hulbert, C., Lubbers, N., Barros, K., Humphreys, C. J., & Johnson, P. A. (2017). Machine learning
predicts laboratory earthquakes. Geophysical Research Letters, 44, 9276
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Ça s’est passé par chez vous
Quel risque sismique pour les Alpes-Maritimes (Nice)
La préfecture des Alpes-Maritimes et la Métropole Nice-Côte d’Azur
ont organisé à Nice, le 3 octobre dernier, une journée d’information
et de sensibilisation au risque sismique. Cette journée, qui fut un
véritable succès mobilisant un large public, a été ponctuée par des
expositions, des ateliers de sensibilisation avec une table-vibrante,
ainsi qu’une démonstration par les pompiers d’une opération de
sauvetage-déblaiement. Deux conférences publiques ont
également été organisées : l’une sur la prise en compte du risque
sismique dans le département, et l’autre le plan de prévention des
risques sismique de la ville de Nice.
Allô la FAQ
Quelle est la signification des « zones de sismicité » ? Le territoire national est divisé en cinq zones de sismicité croissante (découpage au niveau communal),
de la zone de sismicité très faible (1) à la zone de sismicité forte (5). Ce zonage a été établi à partir
d’une étude d’évaluation probabiliste de l’aléa sismique de la France, c’est à dire prenant en compte
la probabilité d’occurrence des séismes.
L’arrêté du 22 octobre 2010, relatif à la classification et aux règles de construction parasismique
applicables aux bâtiments de la classe dite « à risque normal », fixe, pour chaque zone de sismicité, un
certain niveau d’accélération du sol, à prendre en compte pour l’application des règles de construction
parasismique aux bâtiments. Par exemple, la zone de sismicité moyenne (dans les Pyrénées, dans les
Alpes, en Provence et en Alsace) correspond à une accélération de 1.6 m/s² ou environ 0.16 g (1 g
correspond à l’accélération gravitationnelle terrestre).
Lire l’intégralité de l’article en ligne
QUEZAC ? Dispositions ORSEC « séisme » Le dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) est un programme d'organisation
des secours à l'échelon départemental ou zonal, en cas de catastrophe. Il permet une mise en œuvre
rapide et efficace de tous les moyens nécessaires sous l'autorité du préfet.
Ce dispositif prévoit à la fois des « dispositions générales » applicables en
toutes circonstances, et des « dispositions spécifiques » propres à
certains risques particuliers. C’est le cas des dispositions spécifiques
« séisme », qui sont mises en place dans les régions présentant un risque
sismique important, et permettent de planifier la réponse opérationnelle
en prenant en compte les spécificités du séisme : prise en compte des
phénomènes de répliques et d’effets induits, secours aux victimes
impliquant la mobilisation d’équipes sauvetage-déblaiement,
mobilisation du dispositif « URGENCE » de l’AFPS pour réaliser des
diagnostics de vulnérabilité des bâtiments avant leur réintégration, etc.