Post on 16-Aug-2020
Joëlle BOUCHER-KIROUAC
Sous la direction de Mme Ece Ozlem ATIKCAN
Migrations et sécurité en Espagne : Les raisons sous-jacentes au processus de sécurisation
Essai final de maîtrise en études internationales
INSTITUT QUÉBÉCOIS DES HAUTES ÉTUDES INTERNATIONALES
Août 2015
ii MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION iii
TABLES DES MATIÈRES
LISTE DES ACRONYMES v
INTRODUCTION 1
CHAPITRE I LA SÉCURISATION DE L’IMMIGRATION 4
1.1. Les migrations et la sécurité 4
1.2. De la politisation à la sécurisation 8
1.3. La sécurisation 10
1.4. Les catégorisations de l’immigrant menaçant 13
1.4.1. Le secteur sociétal 14
1.4.2. Le secteur étatique 16
CHAPITRE II LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LE PROCESSUS DE
SÉCURISATION DE L’IMMIGRATION EN ESPAGNE 20
2.1 La sécurisation de l’immigration au niveau européen 21
2.1.1 L’Accord de Schengen : début de la sécurisation de l’immigration en Europe 21
2.1.2. La communautarisation des enjeux sécuritaires en matière d’immigration 24
2.2. Les effets de la sécurisation européenne en Espagne 27
2.2.1. La LOEX 28
2.2.2. Le cloisonnement des enclaves et la surveillance du détroit de Gibraltar 31
CHAPITRE III LES MOTIVATIONS NATIONALES À LA SÉCURISATION 35
3.1. La sécurisation de l’immigration par le Parti populaire espagnol 35
3.1.1. Le discours du Partido popular sur l’immigration 37
3.1.2. Les mesures mises en places par le PP pour protéger le référent 42
3.1.2.1. La loi 4/2000 et la loi 8/2000 42
3.1.2.2. Le SIVE et la militarisation du détroit de Gibraltar 45
3.2. Interprétations du discours par la société espagnole 46
3.2.1. L’immigration, vers une priorité pour les Espagnols. 47
3.2.2. Les évènements de El Ejido 49
3.2.3. Le changement de cap du PSOE 51
CONCLUSION 53
BIBLIOGRAPHIE 57
ANNEXES 68
iv MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION v
LISTE DES ACRONYMES
CE Communautés européennes
CIS Centro de investigación en sociológicas (Centre de recherches sociologiques)
COPRI Centre sur la paix et les conflits à Copenhague
ETA Euskadi Ta Askatasuna
LOEX Ley Orgánica de Extranjería (Loi organique sur les étrangers)
PNUD Programme des Nations Unies pour le développement
PP Partido Popular (Parti populaire)
PSOE Partido Socialista Obrero Español (Parti socialiste ouvrier espagnol)
SIVE Sistema Integrado de Vigilancia Exterior (Système intégré de surveillance
extérieur)
OIM Organisation internationale pour les migrations
ONU Organisation des Nations Unies
UE Union européenne
vi MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 1
INTRODUCTION
Au cours des dernières années, la migration internationale a fait son chemin pour
être érigée au numéro un des priorités sur les programmes de sécurité de plusieurs pays,
particulièrement en Europe et en Espagne. En effet, la perception de l’immigration en
tant que menace sécuritaire s’est développée aux côtés d’une augmentation rapide du
nombre de migrants à travers le monde : depuis 1980, nous sommes entrés dans la
seconde grande vague de migration depuis la période contemporaine.1 Dans ce contexte
d’après-guerre froide, les frontières sont devenues un enjeu stratégique et prioritaire pour
la plupart des pays, et particulièrement pour les pays membres de l’Union européenne
(UE) en raison notamment de l’espace Schengen. Ces pays ont donc adopté des mesures
sécuritaires pour se prémunir de l’immigration, celle-ci étant perçue comme une
« menace ». À titre d’exemple, l’Espagne a adopté, il y a quelques mois, la Ley Orgánica
4/2015 (Loi organique) sur la protection et la sécurité citoyenne qui prévoit des
reconduites à la frontière (devoluciones en caliente).2 Cette pratique extraordinaire, qui
consiste à remettre aux autorités marocaines les migrants tout juste après qu’ils aient posé
le pied en sol espagnol, est à priori contraire au principe de non-refoulement régi par la
Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et dans la jurisprudence des droits de
la personne.3
Pourtant, jusqu’aux années 1980, l’Espagne est un pays d’émigrants et exporte
une grande quantité de main-d’œuvre. En effet, durant une bonne partie du XXe siècle,
l’Espagne est exclusivement un espace d’émigration. La transformation des flux
commence à s’effectuer tranquillement lorsque se produisent, vers le milieu du siècle, des
changements socioéconomiques majeurs au pays. Il est alors possible de noter au début
des années 1980 un léger accroissement des arrivées d’immigrants majoritairement
composés d’Européens retraités ainsi que quelques immigrés d’Amérique latine. Les flux
1 Catherine WIHTOL DE WENDEN, La question migratoire au XXIe siècle, Migrants, réfugiés et
relations internationales, 2e édition, Les Presses de SciencePo. Paris, 2013, p. 11.
2 Ley Orgánica 4/2015 de protección de la seguridad ciudadana, BOE n° 77, 30 mars 2015, Disposición
final primera. Régimen especial de Ceuta y Melilla. 3 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, article
33, paragraphe 1 ; Olivier DELAS, Le principe de non-refoulement dans la jurisprudence internationale
des droits de l'homme : de la consécration à la contestation, Bruylant, Bruxelles, 2011.
2 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
s’intensifient plus tard dans les années 1990 et surtout au début du millénaire avec des
immigrants de provenances nouvelles par ses zones d’origines (Afrique du Nord et
Afrique subsaharienne) et par ses cultures et ses religions non chrétiennes.4
Pour l’Espagne, cette transformation des flux constitue un tournant majeur dans
l’histoire du pays. Cependant, qu’est-ce qui explique que l’Espagne ait réellement décidé
de s’engager dans un processus de sécurisation de l’immigration? Les conditions
économiques de l’époque sont pourtant favorables à l’entrée d’immigrants sur le territoire
espagnol. L’objectif de ce travail est donc de comprendre les raisons qui ont poussé le
gouvernement espagnol à faire de l’immigration un enjeu sécuritaire à cette époque. En
d’autres mots, l’essai tente de répondre à la question suivante : pourquoi l’Espagne a
décidé de sécuriser l’immigration irrégulière au tournant du millénaire?
Afin de répondre à cette question, ce travail utilise comme cadre théorique la
théorie de la sécurisation, concept forgé par des auteurs constructivistes de l’École de
Copenhague et complété par la suite par les tenants du constructivisme critique ou de la
sociologie politique internationale.5 La littérature sur la théorie de la sécurisation permet
de comprendre comment certains objets, thèmes ou entités sont constitués en tant
qu’enjeux de sécurité requérant des mesures spécifiques et parfois extraordinaires pour
défendre le référent.
Cet essai prétend donc que l’Espagne sécurise l’immigration pour des raisons
externes et internes. Au niveau externe, c’est l’interdépendance entre l’Espagne et l’UE
qui explique que le gouvernement espagnol ait amorcé un processus de sécurisation par
l’implantation de « pratiques sécuritaires », alors que la question n’était même pas
considérée comme un problème aux yeux des politiques et du public espagnol. Une fois
4
Lorenzo CACHON, « L’immigration en Espagne (1996-2006) : logique de marché et
“institutionnalisation” », Travail et emploi, 115, juillet-septembre, [En ligne], 2008,
http://travailemploi.revues.org/4270 (Page consultée le 25 juin 2015), p. 81. 5 Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, Security, a New Framework for Analysis, Londres,
Lynne Rienner Publishers, 1998 ; Didier BIGO, « Sécurité et immigration: vers une gouvernementalité par
l'inquiétude ? ». Cultures et conflits, 31-32, 1998 : 13-38 ; Jef HUYSMANS, « The European Union and
the Securitization of Migration », Journal of Common Market Studies, 38(5), 2000 : 751-777 ; Alex
MACLEOD, « Les études de sécurité : du constructivisme dominant au constructivisme critique », Cultures
et conflits, 54, 2004 : 13-51, pour ne nommer qu’eux.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 3
le processus de sécurisation amorcée par ces pratiques sécuritaires, ce sont les discours du
gouvernement espagnol, en adhérant à la sécurisation au niveau européen, qui ont
véhiculé certaines menaces en regard à l’immigration. Ce sont donc ces perceptions de
menaces qui expliquent les motivations sous-jacentes à la sécurisation de l’immigration
au niveau national.
Cette recherche se concentre exclusivement sur l’ensemble du territoire espagnol,
comprenant également les enclaves Melilla et Ceuta en sol africain. Le but de la
recherche n’est pas de faire l’inventaire des discours ni des politiques migratoires en
Espagne, mais d’exposer les principales raisons à la sécurisation de l’immigration. Pour
se faire, l’analyse prend pour point de départ la première règlementation en matière
d’immigration en Espagne : la Ley Orgánica de Extranjería de 1985 (Loi organique sur
les étrangers - LOEX) et elle se poursuit jusqu’en 2004 en incluant dans un premier
temps, des pratiques sécuritaires et dans un second temps, les discours du principal acteur
de la sécurisation au niveau national; le Partido Popular (PP). Cette période de temps est
critique pour trouver les raisons sous-jacentes au processus de sécurisation de
l’immigration en Espagne. En effet, l’analyse permet de révéler que le processus de
sécurisation commence réellement durant cette période.
Enfin, l’essai se place dans une démarche hypothéticodéductive en raison de la
nature causale du problème. Les unités d’analyse de cet essai sont l’État et la société
espagnole. En effet, selon la théorie de la sécurisation, ces deux unités d’analyse peuvent
être le référent à protéger lors de la sécurisation d’un objet. L’analyse qualitative porte
sur deux niveaux de gouvernances : européen et national. Au niveau européen, elle se
concentre sur l’interdépendance entre l’Espagne et l’UE en matière d’immigration. Au
niveau national, l’analyse se fait au niveau politique, en étudiant le processus de
sécurisation du PP, principal acteur ayant mené le processus de sécurisation. Les données
analysées ici sont les discours et les pratiques du PP ainsi que les perceptions des
Espagnols en ce qui a trait à l’immigration qui se trouvent dans la littérature et les
sondages d’opinion.
4 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
CHAPITRE I LA SÉCURISATION DE L’IMMIGRATION
Ce premier chapitre a pour objectif de justifier et d’expliquer le cadre théorique
choisi : la théorie de la sécurisation. Ainsi, la première sous-section compare cette théorie
avec deux autres principales approches (le réalisme/néoréalisme et la sécurité humaine)
qui permettent d’expliquer le lien entre migration et sécurité. Une fois la justification
faite, les sections suivantes exposent la théorie de la sécurisation en expliquant tout
d’abord la différence entre politisation et sécurisation et en présentant par la suite les
différentes écoles de la théorie. Ces différentiations sont importantes pour comprendre le
rôle de l’UE dans le processus de sécurisation de l’immigration en Espagne. Enfin, pour
comprendre les motivations au niveau national, le chapitre se termine par une
présentation des catégorisations de l’immigrant « menaçant » établies par Den Boer, Bigo
et Huysmans. Le travail utilise ces catégorisations pour déceler les explications au niveau
national.
1.1. Les migrations et la sécurité
En science politique, le champ d’études sur la sécurité a longtemps été dominé par
les approches stratégiques issues des courants réalistes et néoréalistes des relations
internationales. Sous l’emprise de cette théorie, les relations internationales se sont
cantonnées à étudier la sécurité comme un objet empirique plutôt que comme un concept.
Ceci s’explique notamment par la fusion du concept de sécurité et de pouvoir.6 Ce
courant postule que dans un système anarchique, l’intérêt fondamental de l’État est de
survivre ou en d’autres termes, de rester souverain. Ainsi, « For decades strategic studies
had focused almost exclusively on the doctrinal and strategic aspects of conducting war,
military alliances, and managing military threats in the international state system ».7
Cependant, la fin de la Guerre froide, la multiplication des conflits intraétatiques
et identitaires ainsi que la mondialisation offrent un contexte international qui permet de
6 Ayse CEYHAND, « Analyser la sécurité : Dillon, Weaver, Williams et autres », Cultures et conflits, 31-
32, printemps-été, [En ligne], 1998, http://conflits.revues.org/541 (Page consulté le 25 juin 2015), p. 2. 7 Jef HUYSMANS, The Politics of Insecurity: Fear, migration and Asylium in the EU, Londres ; New
York, Routledge, 2006, p. 16.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 5
développer de nouvelles conceptions de la sécurité. Dans ce contexte, la gestion des
frontières est devenue à la fois un enjeu de sécurité intérieure et extérieure. Les menaces
ne proviennent pas tant des autres États eux-mêmes que des acteurs non étatiques tels les
groupes criminels transnationaux et le terrorisme international pour ne nommer que
celles-ci.8 C’est dans ce contexte qu’apparaît la corrélation entre migrations et sécurité.
En effet, l’intensification des flux migratoires pose plusieurs problèmes quant à l’intégrité
territoriale des États, au respect des droits de la personne, en plus de reconfigurer les
identités circonscrites par les États nations. Ces conséquences aux multiples facettes ont
alors fait couler beaucoup d’encre, notamment sur les défis qu’elles posent au plan
sécuritaire. Afin de choisir le cadre théorique pertinent pour répondre aux objectifs de
l’essai, cette section présente brièvement trois approches : le réalisme/néoréalisme, la
sécurité humaine et le constructivisme critique.
Tout d’abord, sous l’angle réaliste, c’est principalement à Weiner que l’on doit
l’étude des migrations.9 Dans cette perspective, les États sont confrontés à la migration à
travers le prisme de l’intérêt national.10
Pour Weiner, il existe cinq situations où
l’immigrant peut poser un problème à la sécurité nationale d’un État ou à la sécurité
internationale. Au niveau national, les immigrants peuvent être perçus comme une
menace s’ils sont opposés au régime en place. Ils peuvent également menacer l’identité
ou l’économie nationale en raison de leur nombre et de leur démographie. Dans les
relations interétatiques, les réfugiés, tout comme les immigrants opposés au régime en
place dans leur pays d’origine, peuvent exacerber les tensions entre deux États.
L’utilisation de ceux-ci dans la politique étrangère peut également avoir le même effet.
D’autres auteurs issus de ce courant tels que Rudolph et Adamson ont également soulevé
que les migrations ont un impact sur la sécurité géopolitique, l’accumulation de richesse,
la cohésion sociale, le contrôle des frontières et la préservation de l’identité nationale.11
8 Fiona B. ADAMSON, « Globalization, Transnational Political Mobilization and Networks of Violence »,
Cambridge Review of International Affairs, 18(1), 2005, p. 35-53. 9 Miron WEINER, « Security, Stability, and International Migration », International Study, 17(3), 1992,
p. 105-117. 10
Christopher RUDOLPH, « Security and the Political Economy of Migration », American Political
Science Review, 97(4), 2003, p. 605. 11
Christopher RUDOLPH, « Security and the Political […], op. cit., et Christopher RUDOLPH, National
Security and Immigration, Stanford, Standford University Press, 2006 ; Fiona B ADAMSON,
6 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
Ainsi, les migrations, en raison de leur relation avec les enjeux de sécurité et d’intérêt
national, peuvent déterminer la nature et la forme des rapports étatiques. Dès lors, les
politiques étrangères des États, façonnées par les migrations, ont pour principal objectif
de satisfaire l’intérêt national et de préserver la sécurité nationale.
Dans les années 1990, une autre approche s’est développée privilégiant plutôt
l’individu au lieu de l’État comme référent principal de la sécurité. Ainsi, le concept de
sécurité s’est élargi pour y inclure des dimensions non militaires allant de l’économie à
l’immigration, en passant par l’environnement. S’inscrivant ici dans le courant libéral des
relations internationales, le concept de sécurité humaine milite pour que l’individu
devienne la source et la finalité de toutes actions sécuritaires.12
Dans ce cadre, la
« sécurité » devient une combinaison de politiques de défense pour répondre à chacune
des catégories de besoins humains.13
Cette approche normative et pragmatique a été
développée par les puissances moyennes et au sein de l’Organisation des Nations Unies
(ONU). Plus particulièrement, c’est le rapport mondial sur le développement humain de
1994 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) qui introduit ce
concept.14
La sécurité humaine transposée au domaine de la migration met l’accent sur
les principaux défis que pose notamment le trafic humain et la protection des réfugiés et
des demandeurs d’asile. Elle s’inscrit dans les principes véhiculés par la gouvernance
globale des migrations.15
L’approche de la sécurité humaine pour les migrations, en
élargissent le champ d’étude sur la sécurité, a ainsi le mérite de soulever l’aspect
fondamental et éthique de la protection des droits des migrants. Cependant, tout comme
le réalisme et le néoréalisme, la sécurité humaine est une approche statique qui tient pour
acquis que des menaces et une sécurité « réelles » existent. Ces deux approches ne
remettent point en question le lien entre migration et sécurité et ne permettent donc pas
« International Migration and National Security », International Security, 31(1), 2006 : 165-199. 12
Aurélie CAMPANA, Notes du cours, ETI-7026 : Séminaire pluridisciplinaire sur la sécurité
internationale, Université Laval, Hiver 2015. 13
Johan GALTUNG, « Twenty-Five Years of Peace Research: Ten Challenges and Some Responses »
Journal of Peace Research, 22(2), 1985, p. 144. 14
Roland PARIS, « Human Security, Paradigm Shift or Hot Air ? », International Security, 26(2), 2001,
p. 89 ; PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT, Rapport mondial sur le
développement humain 1994, Paris, PNUD, 1994. 15
GLOBAL COMMISSION ON INTERNATIONAL COMMISSION, Migration in a interconnected
world : New directions for action, Suisse, GCIM, 2005.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 7
de comprendre pourquoi un enjeu peut devenir menaçant pour la survie des États ou
d’une société. Ce travail s’intéresse plutôt à la fluidité de la construction et de la
déconstruction des menaces, ce à quoi s’intéresse également le courant critique sur la
sécurité.
Le constructivisme critique regroupe des écoles de pensées distinctes partageant
cependant un même postulat : la sécurité est « socialement construite ». Il est donc
impossible d’évaluer pleinement si les menaces sont « réelles » ou non. Par conséquent,
les chercheurs du champ d’études de la sécurité devraient plutôt étudier le processus par
lequel un sujet (la migration, par exemple) devient socialement construit en tant que
menace à la sécurité. La sécurisation est un champ d’étude théorique relativement jeune
qui s’est développé au Centre sur la paix et les conflits à Copenhague (COPRI)
aujourd’hui appelé « Danish institute for international studies ».16
Buzan et Weaver sont
les principaux auteurs de cette école ayant jeté les bases de la théorie de la sécurisation.17
Tout comme pour la sécurité humaine, l’émergence du concept s’inscrit dans le contexte
d’un développement plus large des théories sur la sécurité. En effet comme le souligne
Williams, « While securitization theory must be seen in the context of shifting agendas of
security, and as part of the broader theoretical movement to study the social construction
of security, the Copenhagen School has developed a distinctive position within these
debates ».18
Pour ces chercheurs, la littérature s’est trop longtemps attardée qu’à l’objet
d’étude de la sécurité, c’est-à-dire les menaces militaires. Ainsi, Buzan, Weaver et de
Wilde cherche à répondre à la question « qu’est-ce que la sécurité? », apportant par le fait
même, une dose de constructivisme dans un champ d’études de tradition réaliste.19
Pour
eux, la sécurité n’est donc pas le contraire de l’insécurité.
L’École de Copenhague s’intéresse avant tout au processus intersubjectif de
construction sociale et de reconnaissance de la menace par la société. Dès lors, la sécurité
n’est plus étudiée comme une condition objective, mais comme une pratique résultant
16
DANISH INSTITUTE FOR INTERNATIONAL STUDIES : http://www.diis.dk/en (consultée le 22 juin
2015). 17
Jef HUYSMANS, « Revisiting Copenhagen: […] », op. cit., p. 479. 18
Michael C. WILLIAMS, « Words, Images, Enemies: Securitizations and International Politics »,
International Studies Quarterly, 47(4), 2003, p. 513. 19
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op.cit., p. 21.
8 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
d’un processus social. La sécurité réfère à une relation avec d’autres sujets ou par rapport
à un environnement. Cependant, le processus ne peut être construit qu’en rapport avec un
autre objet, faisant de la sécurité une donnée subjective. Un individu pourrait se sentir
menacé par un objet, alors qu’un autre pourrait se sentir en sécurité. L’étude de la
sécurité se fait donc au travers de trois questions : a) qui est à défendre ou à protéger (le
référent)? b) quelles sont les menaces qui pèsent sur le référent? et c) quels sont les
moyens pris pour protéger le référent?
Si traditionnellement le référent était l’État, que les autres États étaient les
menaces et que les moyens pris pour protéger le référent étaient militaires, le courant
constructiviste a voulu élargir l’application du concept à d’autres secteurs. Bien que cette
théorie adopte une forme de constructivisme sociale, ses racines se trouvent également
dans les traditions réalistes.20
Ainsi, l’École de Copenhague a développé une approche
qui implique à la fois les tenants des approches traditionnelles et ceux qui désirent élargir
le concept en faisant bien attention de différencier la sécurité et le processus de
sécurisation. Plusieurs auteurs se sont donc intéressés à la théorie de la sécurisation à
travers la question de la migration. Pour les buts de l’essai, c’est le courant critique qui
est le plus apte à expliquer les raisons qui expliquent que l’État espagnol ait adopté des
mesures drastiques pour contrer l’immigration à travers le concept de sécurisation,
concept plus amplement explicité dans les trois prochaines sections.
1.2. De la politisation à la sécurisation
L’École de Copenhague prétend que la nature de la sécurité octroie aux États la
possibilité de prendre des mesures exceptionnelles pour faire face au danger. Ainsi,
The invocation of security has been the key to legitimizing the use of force, but
more generally it has opened the way for state to mobilize, or to take special
powers, to handle existential threats. Traditionally by saying “security,” a state
representative declares an emergency condition, thus claiming a right to use
whatever means are necessary to block a threatening development.21
20
Michael C. WILLIAMS, op. cit., p. 512. 21
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op.cit., p. 21.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 9
Dès lors, la sécurisation peut être vue comme une force extrême de la politisation.22
De
Cobb et Elder jusqu’à Lascoumes, en passant par Baumgartner et Jones, l’étude de
politisation a pris de divers chemins tant au niveau théorique, méthodologique que
paradigmatique.23
Pour les besoins de l’essai, la définition de la politisation retenue sera
celle de Guiraudon, qui qualifie la politisation comme l’entrée d’un sujet dans l’arène des
politiques publiques.24
Ainsi, tout thème relevant de la politique d’un État peut être placé sur un
continuum allant de la non-politisation à la sécurisation. Selon Buzan, Weaver et de
Wilde, la disposition d’un sujet sur le spectre dépend à la fois de chaque État et du
contexte.25
À l’extrême de la non-politisation, un sujet n’est pas régi par l’État et il ne fait
ni l’objet de décisions politiques ni de débats publics. C’est le cas de l’immigration en
Espagne avant les années 1980. Si un thème obtient une plus grande attention du public et
qu’il fait l’objet d’un débat politique et public, il commence alors à être politisé. Cette
politisation peut être à l’initiative de la population ou de l’État. En effet, la population
peut demander au gouvernement de se pencher sur un thème en particulier afin de
produire une réflexion ou une législation. De l’autre côté, un gouvernement peut lui-
même décider de mettre un sujet à l’agenda et de produire une législation requérant un
investissement ou tout autre type de gouvernances.
À l’autre extrême du spectre se trouve la sécurisation. Ici, le sujet est un enjeu
politisé dont l’existence menace la survie de l’État. Selon Buzan, Weaver et de Wilde, un
enjeu sécuritaire « have to be staged as existential threats to a referent object by a
securitizing actor who thereby generates endorsements of emergency measures beyond
22
Ibid,, p. 23. 23
Roger COBB et Charles D. ELDER, Participation in American Politics, The Dynamics of Agenda
Building, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1972 ; Pierre LASCOUMES, La politisation,
Paris, Belin, 2003 ; Pierre LASCOUMES, « Les compromis parlementaires, combinaisons de
surpolitisation et de sous-politisation », Revue française de science politique, 59 (3), 2009 : 455-478 ;
Frank R. BAUMGARTNER et Bryan D. JONES, « Agenda Dynamics and Policy Subsystems », The
Journal of Politics, 53 (4), 1991 : 1044-1074. 24
Virginie GUIRAUDON, « Citizenship Rights for Non-Citizens: France, Germany, and the Netherlands »,
dans Christian JOPPKE (sous la direction de), Challenge to the Nation-State, Oxford, Oxford University
Press, 1998 : 272-318. 25
Ibid,, p. 24.
10 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
rules that would otherwise bind ».26
Parce que la survie de l’État est en jeu, une réponse
immédiate est nécessaire afin d’empêcher que la situation devienne irréversible. La
sécurisation justifie donc l’utilisation de ces moyens extraordinaires en dehors du cadre
d’application régulier des politiques. Cette forme extrême de politisation pose toutefois
un problème à l’essence même de la démocratie, c’est-à-dire au pouvoir du peuple.
1.3. La sécurisation
Contrairement au concept de sécurité, qui renvoi à une relation avec une autre
entité ou un environnement, la sécurisation renvoi à la relation entre des agents qui
sécurisent un objet et la population qui accepte que cet objet soit sécurisé par des moyens
exceptionnels pouvant parfois restreindre les droits et les libertés des individus. Pour
Buzan, Weaver et de Wilde, cette acception de la population est une condition nécessaire
au processus de sécurisation. L’objet doit donc être reconnu comme une menace
existentielle pour la population. La sécurisation est donc un processus intersubjectif :
« Security (as all politics) ultimately rests neither with the objects nor with the subjects,
but among the subjects ».27
La réponse de l’auditoire est toutefois très importante : « The
way the securitization processes of one actor fit with the perceptions of others about what
constitutes a “real” threat matters in shaping the interplay of securities within the
international system ».28
Pour être réussie, la sécurisation doit être menée par des
dirigeants politiques, des bureaucraties, un gouvernement, des lobbyistes, des experts sur
le sujet, etc., bref des acteurs qui auront une position de pouvoir ainsi qu’une capacité à
convaincre leur auditoire.29
Les relations sont donc asymétriques dans ce processus.
Pour les auteurs de l’École de Copenhague, la sécurisation est un acte de langage
performatif qui a pour effet de placer un sujet en dehors des termes habituels du débat en
le formulant comme un danger face auquel le recours à des moyens exceptionnel serait
nécessaire.30
Les auteurs s’appuient sur le concept des fonctions illocutoires développé
26
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op. cit., p. 5. 27
Ibid,, p. 31. 28
Loc. cit. 29
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op. cit., p. 32. 30
Ole WAEVER « Securitization and desecuritization », dans Ronnie D LIPSCHUTZ (sous la direction
de), On security, Colombia University Press, New York, 1995, p. 54-57.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 11
par John Austin.31
Ces actes de langues (speech acts) de portée conventionnelle, au-delà
d’être un simple constat, créent une réalité intersubjective : « security issues come into
being through a discursive process that dramatizes and prioritises them ».32
Ainsi, pour
Wæver et ses collègues, il n’y a pas de problème de sécurité en eux-mêmes, mais
uniquement des sujets qui ont été « labellisés », c’est-à-dire qui ont été construits en tant
que telle grâce au discours. Pour les auteurs de cette école, la sécurisation est un
processus qui passe trois étapes : 1) tout d’abord, il y a l’affirmation qu’un objet en
particulier constitue une menace 2) ensuite, il y a la réclamation d’un droit d’utiliser des
mesures extraordinaires pour contrer cette menace 3) et enfin, il y a la persuasion de
l’auditoire que ces mesures mises en place sont légitimes et nécessaires.33
Ces trois étapes
seront utilisées en dernière analyse (chapitre III) pour expliquer les motivations au niveau
national de cette sécurisation. Bien que certains auteurs aient noté le manque de
clarification sur les conditions de succès et sur la durée du processus, cette théorie est tout
de même la plus adéquate pour répondre au besoin de l’essai, considérant qu’il y a
toujours une sécurisation de l’immigration en Espagne et en Europe.34
L’originalité du travail de l’École de Copenhague sur la sécurisation a suscité un
vif débat dans le champ d’études sur la sécurité au cours des dernières années et certains
chercheurs ont voulu apporter quelques suggestions afin de développer et d’affiner la
version originale de cette approche. Les tenants du constructivisme critique ou de la
sociologie politique internationale, associés à l’École de Paris, ont ainsi souligné
certaines limites à la définition proposée par les auteurs de l’École de Copenhague.35
D’abord, en voulant montrer que toutes les questions sont potentiellement sécurisables
grâce aux discours performatifs, les partisans de l’École de Copenhague omettent
d’examiner la position sociale de ceux qui l’énoncent. Puisque tous les discours n’ont pas
le même poids, l’analyse écarte les rapports de forces et ne tient pas compte de tous les
31
John AUSTIN, Quand dire, c'est faire = How to do things with words, Paris, Éditions du Seuil, 1970. 32
Ole WAEVER, op. cit., p.54-57 ; Sarah LÉONARD, « EU border security and migration in the European
Union : Frontex and securisation through practices », European Security, 19(2), 2010, p. 8-14. 33
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op. cit., p. 23-26. 34
Amir LUPOVICI, « The Limits of Securitization Theory : Observational Criticism and the Curious
Absence of Israel », International Study Review, 16, 2014, p. 391. 35
Didier BIGO, « Sécurité et immigration: […] », op. cit., Jef HUYSMANS, « The European Union and
the Securitization of Migration », op. cit. ; Alex MACLEOD, « Les études de sécurité : du constructivisme
dominant au constructivisme critique », op.cit.
12 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
actes qui ne relèvent pas directement de l’acte de parole : les gestes, les manœuvres, les
rituels et les démonstrations de force.36
De plus, la plupart des travaux se fondant sur la
démarche de l’École de Copenhague ne fournissent qu’une explication purement
théorique. À l’inverse, pour parier à cette limite, ce travail apporte plusieurs données
empiriques sur les discours des acteurs de la sécurisation.
Néanmoins, selon Huysmans,
applying policing routines and knowledge in the area of migration policy is not
simply a practice of managing migration. It is also a practice of reframing in
which the existing security routines and knowledge redefine both the nature of
the problem and the solutions.37
Bigo ajout également que « It is possible to securitize certain problems without speech or
discourse and the military and the police have known this for a long time. The practical
work, discipline, and expertise are as important as all forms of discourse ».38
Les auteurs
de l’École de Paris conçoivent donc la sécurisation comme un processus qui n’est pas que
discursif, mais qui se caractérise également par une dimension « spectaculaire » de la
pratique politique.39
Autrement dit, les actes des structures bureaucratiques liés à des
pratiques sécuritaires peuvent avoir un rôle plus actif dans le processus de sécurisation
que les actes de langages.40
Enfin, Léonard a également fait valoir la possibilité de combiner les deux
approches décrites ci-dessus pour étudier à la fois les discours et les pratiques.41
Comme
l’a noté Bigo, une telle stratégie permet de révéler des différences intéressantes entre les
pratiques quotidiennes d’une part et les discours officiels et les politiques de l’autre.42
36
Denis DUEZ, L’Union européenne et l’immigration clandestine, de la sécurité intérieure à la
construction de la communauté politique, Bruxelles, Édition de l’Université de Bruxelles, 2008, p. 70. 37
Jef HUYSMANS, The Politics of Insecurity […] , op. cit., p. 32. 38
Didier BIGO, « When two become one: internal and external securitizations in Europe », dans Michael
C. WILLIAMS (sous la direction de), International Relations Theory and the Politics of European
Integration : Power, Security and community, Routledge, 2000, p. 194. 39
Denis DUEZ, op. cit., p. 33. 40
Sarah LEONARD, op. cit., p. 235. 41
Sarah LEORNARD, The European Union and the ‘securitization’ of asylum and migration: beyond the
Copenhagen school’s framework. Thesis (PhD). University of Wales, Aberystwyth, 2007. 42
Didier BIGO, « Sécurité et immigration: […] », op. cit., ; Didier BIGO, « The Möbius ribbon of internal
and external security(ies) » dans Mathias ALBERT, David JACOBSON et Yosef LAPID (sous la direction
de), Identities, borders, orders: rethinking international relations theory, University of Minnesota Press,
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 13
Considérant l’intégration de l’Espagne à l’UE, cet essai privilégie donc cette approche
mixte pour analyser les raisons sous-jacentes aux motivations espagnoles de faire de
l’immigration un enjeu sécuritaire.
1.4. Les catégorisations de l’immigrant menaçant
Pour identifier les raisons de la sécurisation de l’immigration en Espagne au
niveau national (chapitre III), ce travail se fonde sur la catégorisation de l’« étranger
menaçant » dressé par les Den Boer, Bigo et Huysmans; économique et sociale,
criminelle, souveraineté, sécurité nationale..43
Il est donc nécessaire de présenter les
différentes représentations sociales négatives associées à l’immigration, et plus
particulièrement à l’immigration clandestine selon la théorie de la sécurisation. Ces
représentations sociales négatives se trouvent à être les raisons motivant le processus la
sécurisation de l’immigration. Elles forment pour ainsi dire la première étape du
processus de sécurisation : l’identification de la menace. En recherchant les différentes
représentations sociales de l’immigrant dans les discours politiques, il sera donc possible
de comprendre les motivations des acteurs politiques à sécuriser l’immigration. Ces
représentations sociales puisent dans différents registres discursifs qui renvoient à
plusieurs figures du « péril migratoire ».44
Ces figures menacent d’une part le secteur
sociétal et le secteur étatique de l’autre. Cette présentation permettra en seconde analyse
d’affirmer que l’Espagne sécurise l’immigration pour protéger le secteur sociétal, le
secteur étatique ou les deux et plus précisément, de comprendre à quelles figures du
« péril migratoire » elle se réfère.
2001 : 91-116. 43
Monica DEN BOER, « Crime et immigration dans l’Union européenne », Cultures & Conflits, 31-32,
Printemps-été, [En ligne], 1998, http://conflits.revues.org/551 (Page consultée le 18 février 2015) ; Didier
BIGO, « Editorial - L’idéologie de la menace du Sud », Cultures & Conflits, [En ligne], 1991,
http://conflits.revues.org/2012 (Page consultée le 18 février 2015) ; Jef HUYSMANS, « Revisiting
Copenhagen: Or, on the creative development of a security studies agenda in Europe », European Journal
of international relations, 4(4) 1998 : 479-505. 44
Denis DUEZ, op. cit.,p. 179.
14 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
1.4.1. Le secteur sociétal
La sécurité nationale a été définie comme un concept clé dans l’étude de la
sécurité, mettant ainsi de côté la réflexion sur la nation. Pour les auteurs de l’École de
Copenhague, « Only rarely are state and societal boundaries coterminous ».45
Les États
sont fondés sur des frontières qui établissent un territoire fixe ainsi qu’une adhésion
formelle, tandis que la société est liée à la question d’identité, d’autoconception de la
communauté et des individus s’identifiant à cette communauté.46
À cet égard, l’insécurité
sociétale existe lorsqu’une communauté définit un sujet comme une menace potentielle
(l’immigration) à la survie de la communauté ou en d’autres termes, à son identité.
L’identité est quelque chose de subjectif : c’est la manière dont les gens se voient, se
reconnaissent et se perçoivent en tant que groupe ou communauté.
Pour Buzan et ces collègues, le secteur sociétal peut être menacé par trois types de
variables : la compétition horizontale (influence culturelle prépondérante qui menace
d’exterminer la culture présente), la compétition verticale (projet d’intégration ou de
sécession) et l’immigration.47
Les vulnérabilités d’une identité dépendent de la
construction de cette dernière. À cet égard, un État ayant construit son identité sur le
recul et l’isolement considéra la venue d’immigrant comme un changement bouleversant
la communauté. De plus, la production de l’identité nationale est souvent faite en
réflexion de l’étranger, contre ceux qui ne font pas partie de ce groupe. Les menaces à
l’identité s’inscrivent donc dans une construction faite par la discrimination entre le
« eux » et le « nous ».48
Comme le note Buonfino, « The continued repression of what is
excluded, in fact, is the condition of possibility not only for the existence but also for the
essence of the social identity in question ».49
Dans cette optique, les migrants deviennent une menace existentielle qui remet en
cause l’évolution « normale » des identités qui aurait eu lieu dans un contexte dépourvu
45
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op. cit., p. 119. 46
Loc. cit. 47
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op. cit., p. 121. 48
Didier BIGO, « Sécurité et immigration: […] », op. cit., p. 5. 49
Alessandra BUONFINO, « Between unity and plurality: the politicization and securitization of the
discourse of immigration in Europe », New Political Science, 26(1), 2004, p. 39.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 15
de migrations. Il existe une crainte quant à l’incapacité d’assimiler les immigrés;
l’incohérence et l’opposition de modèles sociaux et culturels au sein d’une même société
pourraient détruire l’identité nationale. La lutte contre l’immigration serait donc le moyen
privilégié afin de protéger les fondements essentiels de cette société.50
Ainsi,
l’immigration internationale peut affecter l’identité soit parce qu’elle représente une
possible redéfinition de soi (de la communauté) ou parce qu’elle risque de modifier
physiquement la composition de la population.51
Buonfino suggère que c’est la peur de
perdre cette identité qui provoque le sentiment de menace : « thus, it is the constructed
identity that produces fear of the “excluded” (the migrant in this case) and, in so doing, it
is identity that constitutes risk ».52
Rudolph prétend pour sa part que ce n’est pas la
transmission de culture à travers le commerce et le mouvement des capitaux qui est le
plus menaçant pour les identités. Au contraire,
the most volatile threat to notions of stable identity comes with the movement of
people. Social fears about a loss of national identity may be most acute in
countries where identity is based on perceived familial or blood ties
(ethnonationalism), but they are by no means limited to them.53
Enfin, la théorie de la sécurisation affirme que l’identité d’une communauté
permet une certaine cohésion et une stabilité facilitant des sentiments d’appartenance à un
groupe et un patriotisme. L’arrivée de migrants est donc perçue comme menaçant cette
stabilité en venant modifier ce sentiment d’appartenance à la société. Ainsi, comme le
résume Roe, l’École de Copenhague « tends to sit somewhere in between the culturalist
and constructivist viewpoints: yes, identities are socially constructed, but once
constructed they can be regarded as temporarily fixed (for a certain period of time until
they are reconstructed again) ».54
En d’autres termes, les identités peuvent être
socialement construites et donc être considérées comme des objets autour desquels il peut
y avoir un processus de sécurisation.
50
Denis DUEZ, op. cit., p. 232. 51
Barry BUZAN, Ole WEAVER et Japp DE WILDE, op. cit., p. 131. 52
Alessandra, BUONFINO, op. cit., p. 40. 53
Christopher RUDOLPH, « Security and the Political Economy of Migration », op. cit., p. 21. 54
Paul, ROE, « The Intrastate Security Dilemma: Ethnic Conflict as a 'Tragedy'? », Journal of Peace
Research, 36(2), 1999, p. 193.
16 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
1.4.2. Le secteur étatique
L’État est l’entité la plus importante dans les relations internationales et, dans le
cadre de cet essai, l’État est une entité unitaire cherchant à défendre sa souveraineté.
Cependant, les politiques d’immigrations relèvent de la politique interne de chaque État
et il est donc difficile d’expliquer le comportement des États sans tenir compte de l’aspect
social. Certains auteurs considèrent que les menaces à l’État en matière d’immigration
peuvent concerner tant la souveraineté étatique que la stabilité interne de la société.
Ainsi, l’immigration peut être d’abord perçue comme une menace économique et
sociale. Les migrations reliées à l’emploi sont aujourd’hui une des priorités sur le
programme politique de plusieurs pays, notamment occidentaux. Par ailleurs, l’OIM
prétend que la majorité des immigrants sont irréguliers.55
En favorisant le développement
d’une économie souterraine, les flux migratoires irréguliers peuvent provoquer une
dérégulation du marché du travail qui conduirait à la perte d’acquis sociaux dans un État.
Propre aux périodes de récession, ce discours émerge en Europe à partir des
années 1970.56
Avant cela, le migrant irrégulier palliait les manques de main-d’œuvre
dans les métiers délaissés par les nationaux (3D jobs « dirty, demanding, dangerous »).57
La rhétorique sous-jacente à ce type de menaces utilise des termes tels que :
« l’invasion », le « raz-de-marée » ou encore le « trou dans la digue » aux Pays-Bas58
et
est qualifiée de welfare chauvinism.59
Cette expression désigne le migrant comme étant
uniquement guidé par l’objectif de venir tirer avantage du système de l’État-Providence
et des richesses européennes. Dès lors, le migrant peut-être perçu comme une source
potentielle de soulèvement et de révolte.60
L’immigration clandestine peut également être perçue comme une menace
à l’ordre public et une menace criminelle. Cette connexion crime/immigration peut se
55
ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS : http://www.iom.int/fr (consulté le
4 juin 2015). 56
Denis DUEZ, op. cit., p.77-79. 57
James HAMPSHIRE, « The politics of immigration – Contradictions of the Liberal state », Polity Press,
2013, Grande-Bretagne, p. 39. 58
Didier BIGO, « Sécurité et immigration : […] », op. cit., p. 15. 59
Jef HUYSMANS, « Revisiting Copenhagen: […] », op. cit., p. 767-770. 60
Maggie IBRAHIM, « The Securitization of Migration: A Racial Discourse », International Migration,
43(5), 2005, p. 172.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 17
faire au niveau de mécanismes sociaux plus généraux. En effet, les minorités ethniques
sont perçues comme des groupes sociaux isolés notamment en raison de leur culture, leur
langue, leur origine géographique, leurs codes, leurs valeurs et leur loyauté à un groupe
de référence. Pour Ibrahim, en érigeant l’immigration en tant qu’enjeu de sécurité,
l’accent est mis sur les « différences culturelles » pour associer les menaces et donc :
« this use of “cultural difference” as a criterion for exclusion can be understood as a racist
discourse ».61
Les clandestins souffrant de stéréotypes raciaux peuvent être ainsi associés
à une menace « criminelle » étant donné leur recours à des réseaux illégaux de passeurs et
de traite d’êtres humains pour entrer sur le territoire d’un État. Ils ne sont plus considérés
comme des victimes, mais plutôt comme des coupables.62
Ensuite, plusieurs auteurs tels que Dauvergne, Hollifield et Bosnkiak,
mentionnent que l’immigration clandestine est une attaque directe à la souveraineté
étatique et au pouvoir de chaque État de décider qui peut entrer ou non sur son
territoire.63
En effet, comme Bosnkiak le mentionne, « By definition, their designation as
"irregular" migrants or immigrants presupposes either the breach or the failure of national
territorial borders ».64
Le principe de la souveraineté territoriale est un principe directeur
fondamental du système juridique international. Plus que tout, l’État désire conserver son
droit de déterminer qui sera accepté ou refusé sur son territoire, malgré le fait que le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce que « toute personne est
libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien ».65
Un État percevant perdre le
contrôle de ses frontières peut décider d’adopter des mesures extraordinaires. La
mondialisation affaiblit déjà le pouvoir des États à contrôler ce qui entre et sort sur son
territoire en matière de circulations des biens et des capitaux. Ainsi, comme souligne
61
Maggie IBRAHIM, op. cit., p. 165. 62
Denis DUEZ, op. cit., p. 178-179. 63
Catherine DAUVERGNE, « Sovereignty, Migration and the Rule of Law in Global Times », The Modern
Law Review, 67(4), 2004 ;James HOLLIFIELD, Frank, Philip L. MARTIN et Pia M. ORRENIUS (sous la
direction de), Controlling immigration : a global perspective, 3e édition, Standford University Press,
Standford, 2014 ; Linda S., BOSNIAK « Human Rights, State Sovereignty and the Protection of
Undocumented Migrants under the International Migrant Workers Convention », International Migration
Review, 25(4), 1991. 64
Linda S., BOSNIAK , op. cit., p. 742. 65
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, article 12, paragraphe 2.
18 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
Dauverne, « Migration law is transformed into the new last bastion of sovereignty ».66
Réguler les mouvements de population à ses portes permet à l’État de défendre et de
contrôler son territoire : « an absolute power over territory and people both aspect of
sovereignty and are necessarily intertwined ».67
Pour répondre à cette problématique, les
États mettent donc de plus en plus l’accent sur le sentiment d’appartenance dans les
politiques migratoires, liant de manière plus forte encore « État », « territoire » et
« nation ».68
Enfin, le dernier archétype est celui du migrant posant menace à la sécurité
nationale où il est identifié à un maillon des réseaux terroristes transnationaux. Cela
s’incarne discursivement par l’emploi de termes comme « l’ennemi intérieur » ou la
« cinquième colonne ».69
Ici, le terroriste – contrairement au criminel dont l’acte est
motivé avant tout par la recherche d’un profit personnel – cherche à attaquer les
fondements politiques de la société. La nuisance sociale est donc volontaire et assumée,
contrairement à ce qui est avancé dans la notion de « sécurité sociétale » de Weaver.
Cette figure n’est toutefois pas que réservée aux immigrés clandestins. Elle peut inclure
certains nationaux, mais elle prolonge facilement celles déjà attribuées aux migrants
clandestins. Dans cette optique, le dispositif de sécurisation des frontières vise à prévenir
la menace terroriste.70
Contrairement à ce que plusieurs pensent, ce lien
immigration/terrorisme n’apparaît pas avec les évènements du 11 septembre. Dès 1992,
les travaux du groupe de TRÉVI tentaient de répondre de manière coordonnée aux
menaces terroristes européennes provenant majoritairement du Moyen-Orient.71
Les
attentats du 11 septembre ont toutefois permis un rapprochement de cette dimension en le
systématisant. Cette figure du migrant comme menace extérieure à la sécurité nationale
permet donc de légitimer toutes les mesures exceptionnelles et l’emploi de moyens
militaires qui sont le résultat d’un processus de sécurisation.
66
Catherine DAUVERGNE, op. cit, p. 588. 67
Ibid,, p. 595. 68
Ibid, p. 588. 69
Ayse CEYHAND, « La fin de l’en-dehors : les nouvelles constructions discursives de l’ennemi intérieur
en Californie », Cultures et conflits, 43, Automne, [En ligne], 2001,
http://conflits.revues.org/569?lang=en#quotation (Page consulté le 20 mars 2015), p. 66. 70
Valsamis MITISLEGAS, « Contrôle des étrangers, des passagers, des citoyens : surveillance et anti-
terrorisme », Culture et Conflits, 46, 2002, p. 59. 71
Denis DUEZ, op. cit., p. 79.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 19
Une fois la présentation de la théorie de la sécurisation faite, il est maintenant
possible d’amorcer l’analyse dans les chapitres suivants afin de comprendre les
différentes raisons externes et internes à la sécurisation de l’immigration en Espagne. En
effet, la différentiation entre politisation et sécurisation permettra de comprendre le rôle
de l’UE dans ce processus et les catégorisations de « l’immigrant » menaçant fourniront
des réponses lors de l’analyse discursive au niveau national.
20 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
CHAPITRE II LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LE PROCESSUS DE SÉCURISATION DE L’IMMIGRATION EN ESPAGNE
Selon l’École de Copenhague, pour analyser le processus de sécurisation, il faut
dans un premier temps repérer les menaces aux référents présentées à l’auditoire par
l’agent de la sécurisation. Par la suite, il faut établir le lien entre ces menaces et les
mesures prises ou proposées par les agents pour assurer la survie du référent. Ces deux
étapes permettent d’établir les rapprochements entre l’immigration et des facteurs
politiques expliquant les motivations sous-jacentes à la sécurisation.
Cependant, le cas de l’Espagne est différent par son contexte et de son intégration
dans l’UE. En effet, comme le souligne López Sala, « La particularité dans le cas de
l’Espagne est que l’immigration fait l’objet d’une intervention politique, avant de se
transformer, pour ainsi dire, en un problème ».72
Le point de départ de la réglementation
et de la politique d’immigration espagnole est l’adoption de la LOEX en 1985. À cette
date, le nombre d’immigrants en Espagne est d’environ 250 000 et ces derniers
proviennent majoritairement des pays dits « développés ».73
L’intervention du
gouvernement, dirigé à l’époque par Felipe González à la tête du Partido Socialista
Obrero Español (PSOE), ne peut donc pas être le fruit du nombre ou de la composition de
ces étrangers. López Sala affirme donc que « le facteur d’impulsion de l’élaboration de la
Loi et, par conséquent, de l’apparition d’une politique d’immigration fut, sans aucun
doute, l’entrée de l’Espagne dans l’Union européenne ».74
La sécurisation étant un processus, il est donc nécessaire de faire un bon en arrière
chronologiquement afin de replacer l’Espagne dans son contexte au sein de l’UE. Il faut
savoir que l’UE a amorcé un processus de sécurisation des enjeux migratoires bien avant
l’Espagne. En effet, la sécurisation de l’immigration a joué un rôle clé dans la
communautarisation des enjeux migratoires et de l’européanisation.75
La perspective
72
Ana María LÓPEZ SALA, « La transition migratoire espagnole et sa politique », Migrance, 21, 2002, p.
134. 73
Loc. cit. 74
Loc. cit. 75
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration espagnole : ambigüités et
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 21
européenne permet donc d’interpréter les enjeux à la base de la politique d’immigration
espagnole tout en permettant de saisir les raisons expliquant le processus de sécurisations.
Ce chapitre présente donc le premier facteur explicatif qui est de nature externe à
l’Espagne, c’est-à-dire le rôle de l’UE. Il est question d’observer, dans un premier temps,
le processus de sécurisation en Europe avec l’Accord de Schengen et la
communautarisation de la question migratoire sous Maastricht et Amsterdam. Une fois le
rôle de la sécurisation de l’immigration présenté dans la construction de l’UE, il est
possible d’analyser les effets de cette interdépendance en Espagne. Ainsi, ce chapitre
permet de déduire que l’impératif européen est l’une des raisons qui expliquent pourquoi
l’Espagne sécurise l’immigration.
2.1 La sécurisation de l’immigration au niveau européen
2.1.1 L’Accord de Schengen : début de la sécurisation de l’immigration en Europe
Les développements de l’Accord de Schengen sont capitaux pour l’analyse de la
sécurisation de l’immigration en Europe. En effet, l’Accord de Schengen est
généralement considéré comme le point de départ de cette sécurisation. Il s’agit
également du premier moment où l’on s’occupe des ressortissants étrangers hors du cadre
national. C’est à l’intérieur du Groupe de TRÉVI que s’effectuent les travaux pour
aboutir à la signature du Traité de Schengen en 1978. Ce cadre intergouvernemental
permet ainsi une approche commune dans un domaine fortement imprégné de
souveraineté nationale. Depuis 1976, les ministres européens de l’Intérieur et de la Justice
se rencontrent périodiquement dans ce forum. À l’origine, le groupe avait été mis sur pied
pour combattre le terrorisme à travers la coopération policière, mais son champ d’intérêt
a été élargi par la suite pour y inclure le crime transnational, le trafic de drogue et les
aspects sécuritaires liés à la libre circulation.76
Ainsi, les documents issus de ce forum,
comme le souligne Bunyan, « show the often repetitive yet progressive development of
ambivalences à travers le cas des migrations ouest-africaines, Thèses. Institut d'études de Bordeaux,
Bordeaux, 2011, p. 169. 76
Marin HEISLER O. et Zig LAYTON-HENRY, « Migration and the links between social and societal
security », dans Ole WÆVER, Barry BUZAN, Morten KELSTRUP et Pierre LEMAITRE, (sous la
direction de), Identity, Migration and the New Security Agenda in Europe, London, Pinter Publishers, 1993,
p. 164.
22 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
policies on terrorism, policing, drug trafficking, and the interface between policing and
immigration controls ».77
Les développements précédant l’Accord ont été si importants
pour l’UE qu’il est maintenant impossible d’examiner les politiques d’immigration de
celle-ci sans se référer à l’expérience de Schengen.78
D’autre part, pour s’occuper de l’augmentation des demandes d’asiles, la
présidence britannique de l’UE met en place un groupe de travail communautaire ad hoc
qui aboutit, moins de six mois après sa création, à un accord sur la politique de visas, le
contrôle des frontières extérieures et le rapatriement des citoyens des pays tiers présents
irrégulièrement en Europe.79
Par ailleurs, c’est dans ce groupe que commencent les
travaux relatifs à la prévention des demandes simultanées ou successives d’asile,
concrétisé par la suite dans la convention de Dublin relative à la détermination de l’État
responsable de l’examen d’une demande d’asile.80
Avant, la migration était considérée
dans le contexte des droits économiques et sociaux et de la construction d’un marché de
travail intégré dans lequel les travailleurs pourraient se déplacer librement entre les États
membres.81
Vers le milieu des années 1980, l’immigration commence à se politiser à
travers la question de l’asile, ou plus précisément à travers la confusion entre
l’immigration et l’asile. D’ailleurs, la présidence autrichienne a explicitement fait
référence au lien entre l’immigration clandestine et les demandes d’asile : « In recent
years the steep rise in the number of illegal immigrants (and therefore potential asylum-
seekers) caught has revealed the increasing need to include their fingerprints in the
system […] ».82
Il est intéressant de noter que la composition de ces forums (officiers de
l’Intérieur et de la Justice) favorise une approche sécuritaire quant aux questions
d’immigration. À cet effet, Bigo et Guild mentionnent que
77
Tony BUNYAN, « Trevi, Europol and the European State », dans Tony BUNYAN (sous la direction de),
Statewatching the New Europe, A Handbook on the European State, London, Statewatch, 1993, p. 20. 78
Mehmet UGUR, « Freedom of Movement vs. Exclusion: A Reinterpretation of the `Insider'- `Outsider'
Divide in the European Union », International Migration Review, 29(4), 1995, p. 986. 79
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration espagnole : ambigüités et
ambivalences à travers le cas des migrations ouest-africaines, op.cit. p. 176 80
Loc. cit. 81
Jef HUYSMANS, The Politics of Insecurity […], op. cit., p. 66 82
STATEWATCH, « Austrian Presidency Work Programme », Statewatch European Monitor 1(1), 1998,
p. 6.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 23
les réseaux de police et de services de renseignement s’étaient saisis des
questions de l’immigration, mais aussi de l’asile et du franchissement des
frontières et, via Schengen avaient imposé une certaine vision de ces évolutions
mondiales en termes de problèmes de sécurité.83
De plus, le déplacement des enjeux migratoires aux acteurs de l’Intérieur et de la
Justice témoigne d’un changement des relations de pouvoirs à leur faveur. Sans oublier
que cette activité d’élaboration des politiques se produit loin des parlements nationaux et
du Parlement européen. Bien que ces groupes ne fassent pas officiellement partie des
institutions européennes, ils ont tout de même eu un poids significatif dans l’introduction
graduelle de la politique d’immigration au niveau européen. Guinaudon définit ce
déplacement des enjeux comme « venue-shopping through vertical policy-making ».84
D’après cette auteure, l’utilisation du cadre intergouvernemental est une tentative
d’échapper au pouvoir judiciaire.85
Ceci étant dit, il est donc possible d’observer ici des
éléments du processus de sécurisation de l’immigration au niveau européen. Des mesures
sont donc prises, et ce de manières exceptionnelles, sans l’intromission d’une Cour de
justice supranationale.86
Avec Schengen, la suppression des frontières intérieures mène à un renforcement
du contrôle des frontières extérieures. C’est ce que Whitol De Wenden appelle le double
principe « d’ouverture à l’intérieur et de fermeture à l’extérieur ».87
Il y a donc eu un
déplacement de la libre circulation économique à celui de la sécurité : abolir les frontières
intérieures pose problème à l’ordre public. Le problème, c’est que ce lien a été si bien
construit qu’il est aujourd’hui considéré comme le « bon sens ».88
La focalisation sur le
contrôle des frontières extérieures a donc été, et est toujours, la mesure visant à protéger
le référent. La figure de l’immigrant criminel commence donc à s’ancrer au niveau
européen en raison de ces enceintes intergouvernementales, qui ont systématiquement
83
Didier BIGO et Elspeth GUILD, « De Tampere à Séville, vers une ultra gouvernementalisation de la
domination transnationale ? », Cultures et conflits, 45, 2002, p. 6. 84
Virginie GUIRAUDON, « European Integration and Migration Policy: Vertical Policy-Making as Venue
Shopping », Journal of Common Market Studies, 38(2), 2000, p. 257. 85
(Loc. cit.) Virginie GUIRAUDON, « European Integration and Migration Policy: […] », op. cit., p. 257. 86
Elspeth GUILD, « Amsterdam et Tampere: les ressortissants extra-communautaires et l’'Union
européenne », Cultures & Conflits, 45, printemps 2002, [En ligne], 2000,
http://conflits.revues.org.acces.bibl.ulaval.ca/769 (Page consultée le 04 juillet 2015), p. 5. 87
Catherine WITHOL DE WENDEN, « De Maastricht à Amsterdam : les inconnues de la politique
d’immigration », Hommes et Migrations, 1216, novembre-décembre, 1998, p. 7. 88
Jef HUYSMANS, The Politics of Insecurity:[…], op. cit., p. 69.
24 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
associé dans leurs travaux des couples conceptuels tels que circulation/sécurité et
immigration/menace. Or, comme l’explique Huysmans, « border controls are not
necessarily the main obstacle to the free movement of people in modern societies […]
Staying in a country after a visa has expired is a common form of becoming an illegal
immigrant ».89
Cette focalisation sur les frontières et l’exclusion des étrangers « non
désirés » renforce les stigmatisations sur les étrangers en plus de faciliter l’amalgame
entre l’immigration et d’autres questions de sécurité telles que le terrorisme ou le trafic de
drogue.90
2.1.2. La communautarisation des enjeux sécuritaires en matière d’immigration
Par la suite, le Traité de Maastricht, créant l’UE, a changé la nature des
Communautés en établissant la citoyenneté européenne, une coopération
intergouvernementale externe en sécurité (le « deuxième pilier »), ainsi que la justice et
les affaires intérieures (le « troisième pilier »).91
C’est donc à l’intérieur de ce troisième
pilier que sont placées les questions de l’immigration et de l’asile. De cette manière, le
traité cherche à résoudre la faiblesse de l’informalité des politiques d’immigrations et
d’asile dans la phrase précédente de coordination.92
De plus, en déplaçant l’immigration
et l’asile du cadre intergouvernemental vers le cadre institutionnel communautaire, on
continue d’échapper à la supranationalisation des enjeux migratoires tout en éliminant la
ratification obligatoire dans le droit national de chaque État membre.93
Sous Maastricht,
la procédure décisionnelle reste caractérisée par la prépondérance du Conseil, bien que la
Commission garde un droit d’initiative. Vu l’article 100 D du traité, le Comité de
coordination contribue à la préparation des travaux du Conseil dans le domaine de la liste
des visas, ce qui témoigne de la continuité du rôle des groupes de rencontres et des
89
Jef HUYSMANS, The Politics of Insecurity: [..], op. cit., p. 70. 90
Mehmet UGUR, op. cit., p. 987. 91
Emilio DE CAPITANI, « The Schengen system after Lisbon: from cooperation to integration », ERA
Forum, 15, 2014, p. 107. 92
Andrew GEDDES, « International Migration and State Sovereignty in an Integrating Europe »,
International Migration, 39(6), 2001, p. 25. 93
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op. cit., p. 183.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 25
comités. Ainsi, comme le souligne Bigo et Guild, ceci implique la reconnaissance
intergouvernementale dans le cadre institutionnel communautaire.94
Malgré ces quelques changements, il n’y a pas de réels avancements vers une
communautarisation des enjeux migratoires sous Maastricht. Lavenex explique que la
Commission et le Parlement manquaient de compétences formelles pour modifier le
programme du Conseil, concentrant ainsi l’effort sur le contrôle des frontières.95
Cette
phase du processus d’européanisation illustre toutefois l’extension du discours sécuritaire
de l’immigration dans le champ politique : « “Output” during this period was also limited
in its legal effect; but more significant in developing and consolidating a security-
oriented way of understanding immigration and asylum ».96
Il est donc possible
d’observer dans le Traité de Maastricht la logique de Schengen, comme le note Ugur, à
travers le plan d’action qui oriente la préparation du texte.97
En effet, ce plan, adopté à
Maastricht en tant que document séparé, maintient une approche d’exclusion auprès des
nouveaux immigrants.
C’est néanmoins le Traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er
mai 1999, qui
apporte un changement sensible dans ce cadre en déplaçant l’immigration et l’asile du
troisième au premier pilier, dans le nouvel « espace de Liberté, Sécurité et Justice ». Ce
traité instaure une communautarisation des politiques d’immigrations en fournissant une
base légale au processus des normes en la matière.98
Ce nouveau processus décisionnel
prévoit donc un rôle pour la Commission, le Parlement et la Cour européenne de justice,
avec toutefois certaines limites dans les pouvoirs de ces organes supranationaux99
, ce que
94
Elspeth GUILD et Didier BIGO, « Désaccord aux frontières et politique des visas : les relations entre
Schengen et l'Union », Cultures & Conflits, [49 | printemps 2003, En ligne], 2003,
http://conflits.revues.org.acces.bibl.ulaval.ca/927 (Page consultée le 04 juillet 2015), p. 4. 95
Sandra LAVENEX, « Shifting Up and Out: The Foreign Policy of European Immigration Control », West
European Politics, 29(2), 2006, p. 333. 96
Andrew GEDDES, op. cit., p. 25. 97
Mehmet UGUR, op.cit., p. 989. 98
Traité d’Amsterdam modifiant le Traité du l’Union européenne, les traités instituant les communautés
européennes et certains actes connexes, 2 octobre 1997, article 73 O. 99
Il est statué que le Parlement européen aura exclusivement un rôle consultatif alors que la Commission,
partage avec les pays membres le droit d’initiative. Pour Guild et Bigo, ce rôle est limité à la coordination
des volontés des gouvernements des pays membres, en particulier des ministères de l'Intérieur et de la
Justice. À cet égard, voir Elspeth GUILD et Didier BIGO, « Désaccord aux frontières et politique des
visas : […] », op. cit.
26 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
Geddes qualifie de « communautarisation prudente ».100
En effet, si la procédure est
inscrite dans le pilier communautaire, elle se singularise toutefois par des éléments de
nature intergouvernementale et par sa nature évolutive.101
Un des effets de ce traité sur le processus de sécurisation est la
communautarisation de la politique de visas.102
Bien que cette dernière était déjà une
compétence sous Maastricht, dans la pratique, il existait un double régime de visas : l’un
était relatif à l’espace Schengen et l’autre était relatif à l’UE.103
La communautarisation
de la politique des visas sous Amsterdam est un élément d’innovation important qui
constitue une « stratégie alternative de police à distance visant à remédier aux difficultés
de la gestion aux frontières ».104
Elle est toutefois présentée comme un point technique de
collaboration, ce que Bigo et Guild dénoncent être « une tentative d’échapper aux regards
des citoyens et des ONG les plus concernées ».105
Le Traité d’Amsterdam incorpore aussi l’acquis communautaire : tant l’Accord de
Schengen que sa Convention d’application de 1990, ainsi que tous les actes adoptés dans
le cadre intergouvernemental.106
Selon Geddes, cette incorporation soulève de graves
problèmes au niveau de la démocratie et de la responsabilité étant donné que le contenu,
largement développé dans des forums secrets, atteint désormais le rang de loi
européenne.107
Geddes ajoute que « Even national parliamentarians had some difficulty
discovering what the thousands of pages of the acquis contained ».108
Ainsi, le glissement
progressif des enjeux migratoires vers l’UE produit une communautarisation des
orientations sécurisantes issues des forums intergouvernementaux.
100
Andrew GEDDES, op. cit., p. 25-26. 101
Rosa TROTTA, « La dimension extérieure de la circulation des personnes après Amsterdam », dans
Marianne DONY (sous la direction de), L’Union européenne et le monde après Amsterdam, Éditions de
l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1999, p. 127. 102
Traité d’Amsterdam, Titre III. 103
Traité de Maastricht sur l’Union européenne, 7 février 1992, article 100 C ; Lorenzo GABRIELLI, La
construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 185 ; Traité de Maastricht sur l’Union
européenne, article 100 C, paragraphe 7. 104
Elspeth GUILD et Didier BIGO, « Désaccord aux frontières et politique des visas : […] », op. cit., p. 17. 105
Loc. cit. 106
Traité d’Amsterdam, Protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne. 107
Andrew GEDDES, op. cit., p. 26. 108
Loc. cit.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 27
Cette communautarisation est également particulière en raison de l’équilibre entre
le maintien des compétences nationales en matière de flux migratoires formels et une
européanisation des contrôles du flux informels, particulièrement pour la surveillance des
frontières extérieures de l’UE.109
Il est possible d’observer cette tendance lors du Conseil
de Tampere en octobre 1999. En effet, le Conseil fait preuve de prudence en matière
d’harmonisation des conditions d’admission des migrants. À cet égard, le Conseil
reconnaît la nécessité d’un rapprochement des législations nationales relatives
aux conditions d’admission et de séjour des ressortissants de pays tiers, fondé sur
une évaluation commune tant de l’évolution économique et démographique au
sein de l’Union que de la situation dans les pays d’origine. Il demande à cette fin
au Conseil d’arrêter rapidement des décisions sur la base de propositions de la
Commission. Ces décisions devraient tenir compte non seulement de la capacité
d’accueil de chaque État membre, mais aussi de leurs liens historiques et culturels
avec les pays d’origine.110
En même temps, le Conseil affirme « la nécessité d’exercer aux frontières
extérieures un contrôle cohérent afin de stopper l’immigration clandestine et de s’opposer
à ceux qui l’organisent et commettent ainsi des infractions relevant de la criminalité
internationale ».111
Ainsi, cette section a permis de constater que l’approche sécuritaire de la question
migratoire dans l’UE, avec pour principal outil le contrôle aux frontières, acquiert plus de
force tout en exerçant une influence de plus en plus grande à l’égard des États membres.
La prochaine section se concentre donc sur l’interdépendance sécuritaire entre l’UE et
l’Espagne pour comprendre le rôle de l’UE dans le processus de sécurisation en Espagne.
2.2. Les effets de la sécurisation européenne en Espagne
L’évolution de la sécurisation des enjeux migratoires dans l’UE permet d’analyser
les effets sur la politique nationale en Espagne. En effet, pour répondre aux obligations
européennes, l’Espagne prend des mesures de natures sécuritaires en matière
109
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 186. 110
CONSEIL EUROPÉEN DE TAMPERE, Conclusion de la présidence, Tampere, Conseil européen, 15
et 16 octobre 1999, [En ligne], http://www.europarl.europa.eu/summits/tam_fr.htm, (page consultée le 4
juillet 2015), paragraphe 20. 111
CONSEIL EUROPÉEN DE TAMPERE, op. cit., paragraphe 3.
28 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
d’immigration. Elle reste tout de même plutôt passive face au processus de sécurisation
européen, cherchant principalement l’équilibre entre ses obligations communautaires et
ses intérêts. Néanmoins, l’adoption de la LOEX et la mise en place de mesures
sécuritaires portant sur le contrôle des frontières pour répondre aux exigences de l’UE ont
eu pour effet de politiser la question migratoire. Non seulement il y a eu politisation, mais
la question fait également l’objet d’un profond débat national. Les pratiques sécuritaires
présentées ci-dessous peuvent donc être vues comme étant les racines du processus de
sécurisations de l’immigration en Espagne, remplaçant les discours dans la première
étape de ce processus.
2.2.1. La LOEX
Avant l’adhésion espagnole aux Communautés européennes (CE) en 1986,
certains États membres avaient énoncé des inquiétudes quant à la facilité d’entrer
illégalement en Espagne. Ainsi, la Commission européenne s’est avérée être un acteur
décisif dans l’élaboration de la LOEX; celle-ci déterminait à la fois le moment
d’intervention et le type de politique appliquée.112
Selon Aja, cette législation a pour
objectif de faciliter le contrôle d’entrées des étrangers et leur expulsion lorsqu’ils se
trouvent en situation irrégulière.113
Pour répondre à ces objectifs, la LOEX se fonde sur
trois piliers : l’article 11 qui réglemente l’entrée dans le pays, l’article 26 qui énonce les
conditions et modalités d’expulsions, et l’article 36.2 qui introduit l’expulsion. Dès lors,
comme le souligne Aja, en dépit du nom de la loi, son contenu ne tient ni aux droits ni
aux libertés des étrangers.114
En plus, comme le souligne Gabrielli, le filtre d’entrée est double. Tout d’abord,
au niveau des visas, de nombreux accords bilatéraux entre l’Espagne et certains pays sud-
américains exonéraient cette obligation pour les ressortissants de ces pays. Ensuite, la loi
prévoit une mesure d’enfermement et deux types de dispositions d’éloignement.
L’enfermement, c’est-à-dire la détention et la privation de libertés dans un centre de
112
Ana María LÓPEZ SALA, « La transition migratoire espagnole et sa politique », op. cit., p. 134. 113
Eliseo AJA, « La evolución de la normativa sobre inmigración », dans Eliseo AJA et Joaquín ARANGO
(sous la direction de), Veinte años de inmigración en España, Perspectivas jurídica y sociológica (1985-
2004), Barcelona, Fundació CIDOB, 2006, p. 21. 114
Ibid. p. 20.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 29
rétention pour les étrangers, pouvait durée jusqu’à 40 jours, alors que pour les nationaux,
il s’agissait d’un maximum de 72 heures.115
En ce qui a trait à l’éloignement, il y avait
d’un côté le rejet à la frontière116
et de l’autre, le rapatriement sommaire117
, soit deux
mesures administratives. La loi établit également en plus une discrimination tout à fait
délibérée entre les candidats à l’immigration; les articles 18 et 23 privilégient les
ressortissants des anciennes colonies espagnoles ainsi que les séfarades.118
Par ailleurs, la LOEX donne des pouvoirs étendus, et dans certains cas, mal
définis, au ministère de l’Intérieur.119
La loi comporte certaines imprécisions, notamment
pour ce qui concerne les mesures de rejets à la frontière, de rapatriement et d’expulsion,
ce qui mène à une gestion arbitraire de la question migratoire. Aja fait remarquer que les
causes d’une expulsion, énoncées à l’article 26.1, sont grandement élastiques et ne font
point de distinction entre les degrés de gravité des fautes.120
L’adoption du règlement
d’actuation de la LOEX121
ne vient pas modifier la situation. Au contraire, il reconnaît le
pouvoir discrétionnaire de l’administration. De plus, il ajoute la possibilité pour la police
de contrôler la documentation personnelle des individus. La loi est donc fondée sur une
conception policière pour contrôler la frontière européenne, ce qui a pour effet de
percevoir les étrangers comme un problème d’ordre public.122
À cet égard, il faut noter
que la loi ne prévoit pas de programmes pour les étrangers en matière d’insertion
(éducation, services sociaux et emploi, etc.).
Pour López Sala, « les experts s’accordent à dire que la loi doit être une condition
juridique imposée pour l’entrée [de l’Espagne] dans l’UE et, qu’au cours de la rédaction
de cette loi, ne se sont posées ni la question de son adéquation sociale ni celle de son
115
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 54. 116
Ley Orgánica 7/1985 sobre derechos y libertades de los extranjeros en España, BOE n° 158, 1er juillet
1985, article 11, paragraphe 4. 117
Ibid., article 36, paragraphe 2. 118
Les Sérafades sont les descendants des juifs expulsés d’Espagne en 1492. 119
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 54. 120
Eliseo AJA, « La evolución de la normativa sobre inmigración », op. cit., p. 21. 121
Real Decreto 1119/1986 por el que se aprueba el Reglamento de ejecución de la Ley Orgánica 7/1985,
26 mai 1986. 122
Carlos PEREDA, Walter ACTIS et Miguel Ángel DE PRADA, « La inmigración extranjera en España:
sus características diferenciales en el contexto europeo », dans Jesús CONTRERAS (sous la direction de),
Los Retos de la Inmigración, Madrid, Talasa Ediciones, 1994, p. 118-119.
30 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
effectivité régulatrice ».123
La LOEX est adoptée six mois avant l’entrée de l’Espagne à
l’UE et à ce moment, la question n’est point politisée; la société espagnole n’avait pas
conscience que ce domaine nécessitait une intervention politique.124
Ce fut bien plus le
résultat de pressions externes, qu’une réponse directe à un processus interne. En effet, le
gouvernement espagnol ne pouvait agir en dehors du cadre des droits établis par l’UE,
expliquant ainsi la faible participation de la société civile à l’élaboration de cette loi.
L’approbation de la LOEX amplifie cependant un peu le débat avec pour résultat la
déclaration de l’inconstitutionnalité de certains articles.125
Néanmoins, l’intérêt pour la
question migratoire de la société et des médias est assez limité à cette époque.126
Tant
l’opinion publique que la classe politique considèrent cette question comme un problème
de deuxième ordre, beaucoup moins important que le chômage, l’économie et le
terrorisme.127
Il est tout de même possible de constater à l’époque que la LOEX est
imprégnée de la vision sécuritaire issue des forums intergouvernementaux.
Avec l’entrée de l’Espagne à l’espace Schengen en 1996, la pression européenne
en matière de contrôle frontalier reprend de plus belle. À cet égard, Huntoon remarque
que « some of the northern members are concerned that “too many” non-EU nationals
will enter a borderless Europe through an “unprotected southern flank” that includes the
southern coast of Spain which faces North Africa ».128
Le gouvernement espagnol doit
donc mettre en place des contrôles aux frontières, même si cela représente une tâche
extrêmement compliquée en raison la position et de la configuration géographique de ce
pays. Le Maroc n’est qu’à quelques kilomètres de l’Espagne et les îles enclavées en
territoire marocain (Ceuta et Melilla) représentent les seules frontières terrestres
européennes en contact avec le continent africain. Pour éviter les critiques, l’Espagne,
tout comme l’Italie et la Grèce, est prête « à prendre des mesures symboliques pour la
gestion des opinions publiques des pays du noyau Schengen initial, mais [n’est] pas
disposé à lancer des programmes très coûteux et sans doute peu efficaces de contrôle de
123
Ana María LÓPEZ SALA, « La transition migratoire espagnole et sa politique », op. cit., p. 134. 124
Ibid. p. 135. 125
Eliseo AJA, « La evolución de la normativa sobre inmigración », op. cit., p. 25. 126
Loc. cit. 127
Loc. cit 128
Laura HUNTOON, « Immigration to Spain: implications for a unified European Union immigration
policy », International Migration Review, 32(2), 1998, p. 424.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 31
[ses] côtes ».129
Ainsi, le gouvernement de Felipe González concentre la surveillance
frontalière des enclaves Ceuta et Melilla et de la zone du détroit de Gibraltar. La
signature de l’Accord de Schengen jette ainsi les bases de la transformation progressive
de l’Espagne comme frontière d’une Europe forteresse, qui se concrétisera par la suite
avec le Traité de Maastricht et d’Amsterdam.
2.2.2. Le cloisonnement des enclaves et la surveillance du détroit de Gibraltar
Parallèlement à la signature de l’Accord de Schengen, commence donc le
renforcement des barrières à Ceuta et à Melilla, deux minuscules enclaves de 31
kilomètres carrés à elles deux sur le continent africain. Le gouvernement met en place des
barrières hautes trois mètres et s’étendant sur huit kilomètres. Les travaux avancent
cependant lentement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la question ne semble pas être
une priorité du gouvernement.130
Puis, comme le souligne Pérés, les deux cités vivent du
tourisme, des échanges commerciaux et de la contrebande avec la population
environnante.131
La population marocaine bénéficie donc d’exemptions de visas pour se
rendre dans ces deux villes. De plus, la situation géographique présente plusieurs collines
et pentes supérieures à 35 %, ce qui complique largement la tâche.132
Le gouvernement
espagnol, pour qui la question ne semble pas prioritaire, tente donc de mettre en place des
initiatives à caractère sécuritaire afin de tranquilliser ses partenaires européens, sans
toutefois intervenir fortement, puisque la question n’est pas encore un enjeu de politique
national. Les incohérences du gouvernement vont également plus loin; en même temps
qu’il construit la barrière, il octroie des permis de travail et de résidence aux étrangers
présents dans les deux villes.
Néanmoins, la migration nette en Espagne augmente de 319 000 à 796 000 entre
1990 et 1999, ce qui correspond à une augmentation de 150 %.133
Soddu note d’ailleurs
129
Elspeth GUILD et Didier BIGO, « Désaccord aux frontières et politique des visas : […] », op. cit., p. 6. 130
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 188. 131
Hubert PÉRÉS, « L’Europe commence à Gibraltar: le dilemme espagnol face à la découverte de
l’immigration », Pôle Sud, 11, 1999, p. 16. 132
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 190. 133
BANQUE MONDIALE, Migration nette, Banque mondiale, 2015, [En ligne],
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SM.POP.NETM?page=4&order=wbapi_data_value_1987%
20wbapi_data_value%20wbapi_data_value-first&sort=asc, (page consultée le 6 juillet 2015).
32 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
que les flux migratoires vers Ceuta et Melilla en provenance d’Afrique subsaharienne
augmentent considérablement à partir de 1994.134
Ces deux enclaves « font office de lieu
d’échouage pour plusieurs centaines de Marocains et d’immigrants d’Afrique Noire et
d’Algérie […] en attente d’une traversée ». Les critiques finissent par abonder en 1998 et
les migrants gagnent ainsi une certaine visibilité. En effet, les critiques dénoncent
l’inefficacité des barrières ainsi que le coût des travaux.135
La muraille humaine
n’empêche pas l’entrée de plusieurs Africains majoritairement composés de Maliens, de
Nigériens et d’Algériens. Ces derniers se retrouvent entassés dans des camps insalubres
que les ONG dénoncent de façon récurrente, ce qui contraint le gouvernement à transférer
une partie de sa population vers la péninsule.136
S’en suit alors une médiatisation
croissante des évènements de Ceuta et de Melilla ainsi qu’un débat sur la scène nationale.
De l’autre côté, le gouvernement espagnol axe sa vigilance frontalière sur la zone
du détroit de Gibraltar qui sépare de seulement 14,4 km le Maroc de l’Espagne, voire
l’Afrique de l’Europe. Comme le note Le Boedec, « le détroit de Gibraltar est aussi un
point de rencontre entre le Nord et le Sud, au même titre que la frontière Mexique/États-
Unis, canalisant, mais accentuant aussi les peurs de l’Occident ».137
Il devient le point
central de la politique européenne de contrôle frontalier qui a pour principale fonction de
dissuader les migrants clandestins. Tout comme les enclaves, cette zone a été peu
contrôlée avant les années 1990. À ce sujet, Pérés souligne que l’Espagne ne voulait pas
empirer les relations hispano-marocaines qui avaient déjà été mises à mal par la question
du Sahara occidental et les conflits relatifs.138
En 1993, quand les premières pateras commencent à traverser la mer
Méditerranée pour atteindre les côtes andalouses, le gouvernement espagnol décide
d’imposer un contrôle plus strict dans cette zone. En effet, à partir de 1994, l’Andalousie
134
Pietro SODDU, Inmigración extra-comunitaria en Europa : el caso de Ceuta y Melilla, Ceuta, Archivo
Central, 2002, p. 47 et ss. 135
Miguel YUSTE, « La valla que costó 5.000 millones no logra frenar la avalancha de inmigrantes en
Ceuta », El País, 5 juillet 1998, [En ligne], http://www.udel.edu/leipzig/010498/ela05078.htm, (page
consultée le 6 juillet 2015). 136
Hubert PÉRÉS, « L’Europe commence à Gibraltar […] », op. cit., p. 16. 137
Guillaume LE BOEDEC, « Le détroit de Gibraltar, Les limites d’un espace modèle de la lute
européenne contre les migrations irrégulières », EchoGeo, 2007, [En ligne],
http://echogeo.revues.org/1488, (Page consultée le 6 juillet 2015), p. 3-4. 138
Hubert PÉRÉS, « L’Europe commence à Gibraltar […] », op. cit., p. 15.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 33
devient le théâtre de plus en plus de dévolutions et de déportations de migrants arrivés en
pateras. Ces pratiques ont pour effet d’augmenter les tentatives les plus périlleuses pour
rejoindre le territoire espagnol depuis les côtes marocaines. À ce sujet, Pérés note que
« Les deux associations de travailleurs marocains en Espagne avancent le nombre de
deux à cinq mille noyés depuis l’instauration du visa, dont mille pour l’année 1998. Mais
cette évaluation est évidemment invérifiable ».139
Dès lors, tout comme le cloisonnement
des enclaves, ceci a eu pour effet de propulser la question migratoire sur la scène
publique et politique. Pour Tamayo et Delgado, l’immigration en Espagne est un exemple
parfait du processus par lequel un problème relativement limité commence à se politiser.
En effet, selon ces auteurs, la concentration géographique du phénomène migratoire a eu
pour effet d’augmenter sa visibilité et d’amplifier son ampleur aux yeux de la société.140
La sécurisation de la question migratoire, selon la théorie de la sécurisation, se
construit tant par le discours que par les pratiques. Pour le cas espagnol, il est possible
d’observer que ce sont les pratiques sécurisantes de l’immigration qui anticipe le discours
en raison des obligations communautaires et de son entrée dans l’espace Schengen.
Comme il a été démontré, ce sont les impératifs européens qui poussent initialement
l’Espagne à mettre en place des pratiques sécuritaires orientées sur le contrôle des flux
migratoires aux frontières. L’importance de la question avant la fin des années 1990 était
considérablement faible sur la scène politique nationale. Ces pratiques ont donc eu pour
effet de politiser la question migratoire au niveau national, notamment avec la médiation
des évènements aux portes de l’Espagne. Selon Ritaine la « double altérité, celle de la
présence migratoire et celle de la norme européenne, dote la question migratoire d’une
valeur catalytique bien supérieure à la dimension quantitative du phénomène
migratoire ».141
L’impératif européen est donc un facteur déterminant de la mise à
l’agenda de la question migratoire en Espagne, tout comme dans d’autres pays d’Europe
du Sud.
139
Hubert PÉRÉS, « L’Europe commence à Gibraltar […] », op. cit., p. 22. 140
M. TAMAYO, et L. DELGADO, La definición del problema de la inmigración en España, Documents
de travail de l’Institut Universitaire, Ortega y Gasset, Madrid, 1998, p. 7. 141
Évelyne RITAINE, « Présentation : convergence des normes, différenciation des débats, Enjeux
migratoires en Europe du Sud », Pôle Sud, 11, 1999, p. 3.
34 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
Néanmoins, comme le souligne la même auteure, la pression des instances
européennes n’est pas le seul facteur structurant le processus de sécurisation de la
question migratoire en Espagne. Pour analyser les raisons du processus de sécurisation, il
est maintenant important d’observer les facteurs internes ayant motivé le gouvernement à
sécuriser la question migratoire.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 35
CHAPITRE III LES MOTIVATIONS NATIONALES À LA SÉCURISATION
Ce troisième et dernier chapitre expose les motivations nationales à la sécurisation
de l’immigration. L’analyse se concentre donc sur les discours du PP (au pouvoir durant
cette période - 1996-2004) en matière d’immigration. Plus particulièrement, il est
question de relever dans les propos des différents acteurs de ce parti les principales
raisons qui expliquent que l’immigration menace les référents (État et société). Les
menaces retrouvées dans les discours sont donc les facteurs explicatifs au niveau national
de la sécurisation de l’immigration par le PP.
Cependant, l’énonciation seule de menaces ne peut être garante d’une
sécurisation. Il s’agit donc ici de suivre les trois étapes du processus de sécurisation selon
l’École de Copenhague : 1) l’énonciation de la menace, 2) la prise de mesures pour
protéger le référent et 3) la persuasion de l’auditoire que ces mesures sont légitimes et
nécessaires. La seconde partie de ce chapitre met donc l’accent sur la prise de mesures du
PP pour protéger le référent afin d’établir le lien entre les menaces et les mesures. De
cette manière, il est possible de vérifier quelles raisons motivent le gouvernement à
sécuriser l’immigration (économique, identitaire, sécurité nationale, souveraineté, etc.). Il
s’agit également de démontrer que ces mesures sont prises dans un cadre différent de
celles prises auparavant pour répondre aux obligations européennes. Enfin, pour
compléter l’analyse, comme il s’agit d’un processus intersubjectif, la dernière section
analyse la perception des immigrants dans la population espagnole durant cette période. Il
s’agit de vérifier si la population adhère ou non au discours, si elle considère que
l’immigration est une menace pour sa survie. Si oui, pour quelles raisons?
3.1. La sécurisation de l’immigration par le Parti populaire espagnol
Comme il a été démontré au chapitre précédent, à partir des pratiques sécurisantes
mises en place dans le but de respecter les obligations européennes, il est possible
d’observer une politisation de la question migratoire en Espagne. Cependant, à la veille
des élections de 2000, la transformation soudaine de la question migratoire en enjeu de
36 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
politique centrale a influencé le processus de sécurisation. Pour la première fois dans
l’histoire du pays, les partis politiques espagnols utilisent cette question en tant que
thématique partisane liée à des questions idéologiques.142
Pour le PSOE, il s’agit d’une
question transversale, alors que pour le PP, la question lui permet de se différencier au
plan électoral.143
À cet égard, Ritaine affirme que « la politisation de la question […] fut
surtout placée sous le signe d’une stratégie sécuritaire du gouvernement lui-même ».144
Ceci explique donc le fait que le sujet a été de plus en plus fréquent dans les débats
parlementaires et dans les forums politiques. D’ailleurs, Zapata-Barrero affirme que
l’immigration a été l’un des thèmes les plus récurrents tout au long de la campagne
électorale ainsi qu’un point de discorde entre les différents partis politiques.145
À partir de ce moment, le PP s’approprie de plus en plus le discours sécurisant de
l’UE et devient de plus en plus actif dans la dynamique de sécurisation de l’enjeu
migratoire. Dans cette deuxième phase du processus, ce sont les discours de ces acteurs
politiques nationaux qui agissent en tant qu’éléments sécurisants, comme en témoignent
les propos de Mayor Oreja, ministre de l’Intérieur, qui affirme que l’immigration
clandestine est la principale menace à l’ordre public et à la paix sociale.146
Avant de
passer à l’analyse du discours du PP, une brève présentation du parti s’impose pour
mieux comprendre dans quelle dynamique s’inscrit la sécurisation de l’immigration à
cette époque.
Le Parti populaire espagnol est l’un des deux principaux partis politiques en
Espagne avec le PSOE. Il se considère comme un parti réformiste de centre à vocation
européenne claire et inspirée par des valeurs de liberté, de démocratie, de tolérance et
d’humanisme chrétien de tradition occidentale.147
C’est principalement à lui que l’on doit
les raisons de la sécurisation de l’immigration en Espagne. En mars 1996, le PP remporte
142
Ana María LÓPEZ SALA, « La transition migratoire espagnole et sa politique », op. cit., p. 137. 143
Ricard ZAPATA-BARRERO, Elisabet GONZÁLEZ et Elena SÁNCHEZ MONTIJANO, El discurso
politico en torno a la inmigración en España y en la Unión Europea, Ministerio de Trabajo e Inmigración,
Madrid, 2008, p. 86. 144
Évelyne RITAINE, « Dos à la mer ? Les pays européens du Sud face à l’immigration », Critique
internationale, 18, 2003, p. 149. 145
Ricard ZAPATA-BARRERO, Elisabet GONZÁLEZ et Elena SÁNCHEZ MONTIJANO, op. cit., p. 92. 146
Victor PÉREZ-DIAZ, Berta ÁLVAREZ-MIRANDA et Carmen, GONZÁLEZ-ENRIQUE, España ante
la inmigración, Colección, Estudios Sociales, n° 8, Barcelona, Fundación “la Caixa”, 2001, p. 110. 147
PARTIDO POPULAR : http://www.pp.es/ (consulté le 5 juillet 2015).
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 37
pour la première fois dans l’histoire de la démocratie espagnole l’élection générale au
Congrès des députés, mettant ainsi fin au règne de quatorze ans du PSOE.148
À son arrivé
au pouvoir, le contexte migratoire en Espagne est tout à fait différent de celui quelques
années auparavant. En effet, le nombre total de résidants étrangers en Espagne est de
538 984 personnes, ce qui équivaut à une augmentation de 39 211 d’étrangers par rapport
au recensement de 1995.149
Bien que 60 % d’entre eux soient des résidents
communautaires, il est toutefois possible d’observer une augmentation des étrangers
extracommunautaires.150
Vers la fin de l’année 1999, coïncidant avec la fin de la VIe
législature, la population étrangère résidant en Espagne a atteint le nombre de 801 416
personnes.151
Le taux de résidents étrangers par 1000 habitants enregistré en Espagne se
tient à environ 20 %.152
À la veille des élections de 2000, l’idée du PP, après avoir démontré qu’il était
capable de gouverner de façon démocratique le pays, est de retourner au pouvoir en
réaffirmant ses valeurs de « puissance étatique » et de « pérennité de la nation ».153
Par
conséquent, le gouvernement oriente son discours sur l’ordre public et l’État de droit pour
réaffirmer le contrôle du territoire à travers un programme fortement sécuritaire. Ce
programme vise dans un premier temps l’ennemi intérieur, c’est-à-dire le groupe
terroriste basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA) et dans un second temps, le danger
extérieur représenté par l’immigration clandestine.
3.1.1. Le discours du Partido popular sur l’immigration
En recensant les discours du PP dans la littérature (débats parlementaires et
entrevus politiques), il est possible d’observer trois des archétypes du migrant selon la
catégorisation énoncée dans le premier chapitre : l’immigrant en tant que menace
identitaire et criminelle ainsi que posant menace à la souveraineté étatique de l’Espagne.
148
EUROPE POLITIQUE, Élections législatives espagnoles (1977 à 2011), Europe politique, 2014, [En
ligne], http://www.europe-politique.eu/elections-espagne.htm#2011, (page consultée le 20 juin 2015). 149
Ricard ZAPATA-BARRERO, Elisabet GONZÁLEZ et Elena SÁNCHEZ MONTIJANO, op. cit., p. 87. 150
Loc. cit. 151
Loc. cit. 152
Loc. cit. 153
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 197.
38 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
Tout d’abord, le PP reprend le discours européen qui met l’accent sur la
nécessité de distinguer l’immigration légale de celle étant clandestine.154
L’immigration
clandestine remet ainsi en cause la souveraineté de l’État espagnole et la sécurité de ses
frontières. À ce propos, Mayor Oreja affirme que
Nous voulons une immigration légale. Établir un contrôle. Cela est dans le but de
protéger les droits des immigrants, pour leur assurer un statut, un salaire et des
conditions de vie décentes. Le contraire, c’est promouvoir l’exploitation illégale
(traduction libre).155
Le discours de Mayor Oreja semble donc établir que le contrôle de l’immigration
illégale est quelque chose de bénéfique pour les migrants. En effet, l’immigration légale
est, selon le PP, la meilleure manière de lutter contre le trafic humain. Cela permet donc
de justifier le contrôle aux frontières ainsi que l’expulsion des immigrants clandestins
pour leur bien et pour celui des Espagnols. Apparaît ici un amalgame entre les
immigrants et les réseaux criminels en raison du recours à des réseaux illégaux de
passeurs et de traite d’êtres humains pour entrer sur le territoire d’un État. Ce discours est
également repris par celui du successeur de Mayor Oreja, Mariano Rajoy, qui prétend
que : « L’immigration ne peut pas être infinie […], l’illégalité finit par générer
l’exclusion et la marginalisation finit par générer la criminalité. […] par conséquent, nous
devons lutter fermement contre l’illégalité » (traduction libre). 156 Le PP a ainsi une
tendance à établir des liens entre immigration, marginalité et délinquance.
Par ailleurs, le PP affirme que l’augmentation de la criminalité en Espagne est
directement liée à l’immigration illégale.157
À titre d’exemple, dans un entretien avec
Carbonero, Alberto Fernández, membre du PP, affirme que « L’immigration clandestine
est liée à la criminalité accrue. Un test : 90 % des détenus qui entrent dans le modèle sont
154
Gema Rubio CARBONERO, Los discursos políticos del partido popular sobre inmigración, Thèse,
Universitat Pompeu Fabra, Barcelone, 2010, p. 106. 155
EL PAÍS, « Mayor: "¡Basta ya de buenos sentimientos!" », El PAÍS, 4 août 2000, [En ligne],
http://elpais.com/diario/2000/08/04/espana/965340007_850215.html, (page consultée le 30 juin 2015). 156
CONGRESO DE LOS DIPUTADOS, Pleno y diputación permanente, VII Legislatura, 160, Madrid, 8
mai 2002, [En linge],
http://www.congreso.es/portal/page/portal/Congreso/PopUpCGI?CMD=VERLST&BASE=puw7&DOCS=
1-1&QUERY=%28CDP200205080160.CODI.%29, (page consultée le 8 juillet 2015). 157
Gema Rubio CARBONERO, « Representacion social de la inmigracion en el discurso del Partido
Popular », Culture, language and representation, 9, 2011, p. 182.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 39
des immigrants » (traduction libre).158
Un autre exemple de cette représentation de
l’immigrant en tant que menace criminelle peut également s’observer dans les propos de
Mariano Rajoy :
Par exemple, le nombre d’arrestations d’immigrants a augmenté de 60 % à
Valence et de 40 % pour l’ensemble de l’Espagne. Dans de nombreux cas, les
personnes arrêtées sont des criminels ou des individus en situation de marginalité.
Nous devons agir contre la criminalité et faire un effort pour éviter les situations
de marginalisation (traduction libre).159
Ces propos ont pour effet de créer des stéréotypes à caractères négatifs sur les
migrants en plus de créer un sentiment d’insécurité au sein de la population. Cette
association constante de l’immigration avec la transgression des règles, comme le note
Santamaría, assimile la présence des migrants en Espagne avec d’autres « alarmes »
sociales qui, comme la criminalité, le trafic drogue et le terrorisme, représentent une
menace fatale à l’égard de laquelle la société d’installation ne peut se prémunir ou se
défendre.160
De plus, l’utilisation de chiffres présente les affirmations comme des faits
objectifs, incontestables, et irréfutables » (traduction libre).161
Les migrants sont alors
érigés au rang de la première classe dangereuse au sein de la société espagnole.
Puis cette marginalité n’est pas seulement liée à la menace criminelle, mais
également à la menace identitaire. En effet, selon le PP, la marginalité ne peut être évitée
que par le passage légal à la frontière. Cette volonté de distinguer entre le migrant légal
de l’illégal permet donc aussi de justifier une meilleure intégration.162
Toujours selon le
ministre, seule l’immigration légale garantit une meilleure intégration sociale. La
régularisation des migrants est donc une, voire la condition nécessaire à leur intégration.
L’augmentation du nombre de migrants accroît également la menace identitaire. En effet,
les discours du PP contiennent des métaphores hyperboliques associées aux catastrophes
naturelles, menaçant la stabilité en Espagne.163
La rhétorique sous-jacente du PP
emprunte donc des termes comme « l’invasion », « les vagues », « les avalanches » et « le
158
Loc. cit. 159
Gema Rubio CARBONERO, Los discursos políticos del partido popular […], op. cit., p. 189. 160
Enrique SANTAMARÍA, « Inmigración y barbarie. La construcción social y política del inmigrante
como amenaza », Universitat Autònoma de Barcelona, Papers, 66, 2002, p. 69. 161
Gema Rubio CARBONERO, « Representacion social de la inmigracion […] », op. cit., p. 183. 162
Gema Rubio CARBONERO, Los discursos políticos del partido popular […], op. cit., p. 242. 163
Gema Rubio CARBONERO, « Representacion social de la inmigracion […] », op. cit., p. 184.
40 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
raz-de-marée ».164
À titre d’exemple, Josep Piqué, ministre des Affaires étrangères,
affirme qu’il « y a une préoccupation au sujet des vagues d’immigration illégales en
provenance de certains pays, et la plupart ne sont pas que latines, mais proviennent plutôt
du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et du continent asiatique » (traduction libre).165
De plus, selon Santamaría, dans le discours sur l’immigration
extracommunautaire, la présence de migrants introduit des différences culturelles et
ethniques qui donnent lieu à des sociétés de plus en plus multiculturelles pouvant
menacer la survie de la société espagnole.166
En effet, l’accent est mis sur les différences
culturelles et religieuses, mais dans une moindre mesure par rapport au lien
criminalité/immigration.167
Comme le souligne Enrique Fernández-Miranda, l’avenir de
la société européenne est multiracial, mais pas multiculturel et par conséquent, il doit y
avoir des dénominateurs communs basés sur des règles de vie commune.168
Ainsi,
Carbonero affirme qu’il y a une tendance à représenter de manière homogène la culture
du groupe immigrant (musulmane) comme une menace aux principes des États
démocratiques et à la dépeindre comme ouvertement sexiste et fondamentaliste, ce qui va
à l’encontre de la Constitution espagnole et de l’État de droit.169
À titre d’exemple, le PP
met l’accent sur le fait que la religion des immigrants favorise l’inégalité entre les
hommes et les femmes.170
Cela suppose que dans la société espagnole, il existe une
égalité entre les genres et que le groupe immigrant menace ce principe issu des principes
démocratiques de l’État espagnol. Il est par ailleurs intéressant de noter que dans le
discours culturel, il y a une tendance à sympathiser davantage avec les immigrants issus
des pays d’Amérique latine. Ces derniers sont représentés comme plus proches de la
culture espagnole et donc seraient plus faciles à intégrer, contrairement aux immigrants
issus des pays islamiques qui sont perçus comme une menace en raison de leur culture
164
Enrique SANTAMARÍA, op. cit., p. 68. 165
Gema Rubio CARBONERO, « Representacion social de la inmigracion […] », op. cit., p 184. 166
Enrique SANTAMARÍA, op. cit., p. 70. 167
L’étude de Carbonero démontre que la fréquence du thème de la religion et de la culture dans les
discours sur l’immigration du PP sont respectivement de 4,56 et 9,82 %, en dernière position. Les
thématiques les plus fréquentes sont d’abord la défense de la nouvelle loi avec 22,11 % suivi de la
délinquance avec 13, 68 %. Gema Rubio CARBONERO, « Representacion social de la inmigracion […] »,
op. cit., p. 179. 168
Gema Rubio CARBONERO, Los discursos políticos del partido popular […], op. cit., p. 202. 169
Gema Rubio CARBONERO, « Representacion social de la inmigracion […] », op. cit., p. 191. 170
Gema Rubio CARBONERO, Los discursos políticos del partido popular […], op. cit., p. 119.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 41
incompatible.171
Il y a donc un effet de catégorisation du « eux » contre « nous ». Il faut
que le « eux » se transforment en « nous » et cela ne peut se faire que par l’immigration
légale, seule manière efficace d’intégrer les migrants selon le PP.
La distinction entre immigration légale et illégale s’explique également par le
besoin de main-d’œuvre non qualifiée à cette époque. Il n’est donc pas possible
d’observer dans les discours une représentation de l’immigrant posant menace à
l’économie. En effet, à la veille des élections de 2000, le Président Aznar affirme que « la
situation démographique et l’évolution du marché du travail font en sorte que l’Espagne a
besoin d’une augmentation du nombre des immigrants » (traduction libre).172
Enfin, un autre élément important dans les discours du PP concerne les
obligations européennes. Le PP souligne ainsi la nécessité de mettre la normativité en
conformité avec les compromis acquis au niveau communautaire. Les références aux
compromis européens, en particulier ceux de Schengen et de Tampere, reviennent donc
de manière récurrente dans les discours de plusieurs ministres. Néanmoins, la littérature
sur les discours des acteurs politiques, et plus particulièrement sur le PP, ne fait pas état
d’une menace à la sécurité nationale à cette époque. En effet, il n’est pas possible de
relever dans les discours un lien entre immigration et terrorisme. Les seules mentions
faites au sujet du terrorisme par les acteurs politiques du PP concernent le groupe ETA.
Cette section démontre donc que la sécurisation de l’immigration est perceptible
dans le discours du PP, alors qu’il la présente comme un enjeu vital autant pour la société
que pour l’État espagnol. L’immigration pose menace à la souveraineté de l’État
espagnol et est présentée également en tant que menace criminelle et identitaire en raison
de son caractère irrégulier. Ce sont pour ces raisons que le gouvernement espagnol
sécurise l’immigration à cette époque. Ainsi, la première condition à la sécurisation, qui
est la reconnaissance de menaces existentielles à la survie, est remplie et permet
d’exposer les principales raisons au niveau national de la sécurisation de l’immigration en
171
Ibid., p. 191. 172
CONGRESO DE LOS DIPUTADOS, Pleno y diputación permanente, VII Legislatura, 2, Madrid 25
avril 2000, [En linge], http://www.congreso.es/public_oficiales/L7/CONG/DS/PL/PL_002.PDF, (page
consultée le 7 juillet 2015), p. 27.
42 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
Espagne. L’énonciation de menaces ne peut cependant pas affirmer qu’il y a une réelle
sécurisation en la matière. Il est donc nécessaire de confirmer ces menaces à travers la
prise de mesures pour assurer la survie du référent.
3.1.2. Les mesures mises en places par le PP pour protéger le référent
Les mesures qui sont analysées dans cette section se divisent en deux catégories.
Dans un premier temps, le travail se concentre sur une analyse juridique des réformes
légales en matière d’immigration à cette époque. Dans un second temps, il est présenté
brièvement une pratique sécuritaire qui s’inscrit dans la logique du contrôle des frontières
pour protéger les référents. Ces mesures se différencient de celles prises auparavant pour
répondre à l’impératif européen puisqu’on y note une réelle volonté du gouvernement à
faire de l’immigration un enjeu sécuritaire.
3.1.2.1. La loi 4/2000 et la loi 8/2000
Au début de l’an 2000, quelque temps avec les élections, est votée la première
réforme législative qui constitue l’aboutissement d’une logique libérale et pragmatique
face à l’immigration en opposition au cadre répressif de la loi de 1985.173
La Ley de
Extranjería 4/2000 se concrétise dans un long débat national où est grandement
impliquée l’activité judiciaire. En effet, comme le note Gabrielli, « Il s’agit du débat le
plus sérieux sur la question migratoire tenu dans le pays jusque-là, signe que l’Espagne a
acquis une certaine conscience de son statut de pays d’immigration ».174
Néanmoins, vers
la fin de l’année 1999, un peu avant l’approbation de la loi, certains ministres ainsi que le
président du gouvernement s’opposent à ce projet puisqu’il serait, selon eux, contraire
aux orientations communautaires. La loi finit par être approuvée par tous les partis
politiques à l’exception du PP.
Comme le souligne Carnet, la loi 4/2000 est l’une des plus progressistes à ce
moment dans l’UE.175
Elle éclaircit le statut des étrangers par rapport aux limites et aux
173
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 151. 174
(Ibid. p. 155.) Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 155. 175
Pauline, CARNET, Passer et quitter la frontiere ? Les migrants africains « clandestins » à la frontière
sud espagnole, Thèse, Université Toulouse le Mirail, Toulouse, 2011, p. 121.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 43
zones d’ombre de la loi précédente en reconnaissant la jurisprudence constitutionnelle.176
Elle établit également l’égalité de droits entre les nationaux et les étrangers réguliers.
Parallèlement, elle introduit une clause sanctionnant toute discrimination à l’égard des
immigrants.177
La loi reconnaît également le droit à l’assistance juridique gratuite dans
toutes les procédures administratives pouvant mener à l’expulsion ainsi que dans toutes
procédures judiciaires. Elle n’établit toutefois pas une tutelle juridictionnelle efficace
dans les expulsions. De plus, la loi reconnaît officiellement le droit au regroupement
familial dans des termes cohérents à la jurisprudence du Tribunal européen des Droits de
l’Homme.178
Une nouveauté importante de la loi concerne une double reconnaissance;
l’existence d’une population de migrants irréguliers sur son territoire et l’inefficacité de
combattre ce phénomène aux moyens d’expulsions.179
La loi reconnaît en plus certains
droits aux migrants en situation irrégulière comme la prestation de services sanitaires et
le droit à l’éducation.180
Enfin, la loi organique s’accompagne d’un processus
extraordinaire de régularisation.
Cette loi n’incarne donc pas la logique sécuritaire émanant du discours du PP à
l’époque et c’est probablement une des raisons pour laquelle, au lendemain des élections
de 2000, lorsque le PP obtient une majorité absolue, procède à la réforme de la loi
4/2000, comme il avait été promis lors la campagne électorale. Le 22 décembre 2000,
mois d’un an après l’adoption de la loi précédente, est adoptée la Ley Organica 8/2000.
La réforme de la loi se fonde sur des orientations significativement différentes par rapport
à la loi 4/2000. À travers cette réforme de la gestion du phénomène migratoire, le
deuxième exécutif d’Aznar poursuit le processus de sécurisation de la question en
limitant le débat politique en raison de la majorité absolue qu’il dispose.
Ainsi, les positions du gouvernement sur les migrants irréguliers se reflètent tant
dans la structure que dans le contenu de la nouvelle loi organique. Comme le note De
Lucas, la loi « insiste sur le rétablissement de frontières entre les différentes catégories
176
Eliseo AJA, « La evolución de la normativa sobre inmigración », op. cit., p. 29. 177
Ley Orgánica 4/2000, de 11 de enero, sobre derechos y libertades de los extranjeros en España y su
integración social, BOE n° 10, 12 janvier 2000, article 23. 178
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 160. 179
Ibid., p. 156-157. 180
Ley Orgánica 4/2000, article 12 ; Ley Orgánica 4/2000, article 9.
44 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
d’immigrants, institutionnalise l’exclusion des immigrants illégaux et se montre à
nouveau propice à un discours d’ordre ».181
Ceci reflète donc le discours du PP sur la
menace à la souveraineté. Conséquemment, le point le plus radical de la réforme
concerne les migrants en situation irrégulière dans le pays, un domaine où se produisent
des changements essentiels. Tout d’abord, le gouvernement rejette toutes mesures visant
à favoriser tant l’intégration que la régularisation des migrants en situation irrégulière. La
loi retire donc la plupart des droits qui avaient été conférés aux migrants irréguliers dans
la loi 4/2000. Elle réintroduit également l’expulsion pour sanctionner ceux qui se
trouvent sans permis de résidence ou visa de travail, clause qui avait été supprimée un an
auparavant. À cela, le gouvernement ajoute un processus préférentiel d’expulsion
autorisant l’administration à réaliser cette tâche en moins de 48 heures, ce qui limite
considérablement les possibilités de tutelle judiciaire. La loi prévoit également des
sanctions pour les transporteurs faisant entrer des migrants qui n’ont pas les papiers
nécessaires. Selon Aja, la réintroduction de l’expulsion comme sanction à l’irrégularité
administrative permet de renforcer à nouveau le rôle du contrôle policier ainsi que des
centres de rétention dans le la politique du contrôle des flux migratoires.182
Ensuite, toujours dans la logique de réprimer les migrants irréguliers, la loi 8/2000
leur nie expressément l’exercice de droits politiques et syndicaux. La loi modifie
également certaines dispositions sur le regroupement familial, dont le droit avait été
institué dans la loi 4/2000. Ainsi Gabrielli souligne que
Par la réforme, le gouvernement introduit de nombreuses limitations à cet égard,
relatives au titulaire du droit qui redevient seulement l’immigrant résident (en
excluant ainsi les familiers), aux catégories de familiers avec lesquels on peut se
regrouper et aux conditions (au moins un an de résidence dans le pays et un
permis pour un an de plus).183
Le gouvernement d’Aznar fait également une reformulation profonde du système
de quotas annuels d’entrée des travailleurs étrangers. En effet, la loi 8/2000 oblige les
travailleurs entrants dans la politique de quotas à être dans leur pays d’origine lors de la
181
Javier DE LUCAS, « Une réponse juridique virtuelle: le cadre légal de l'immigration en Espagne »,
Migrance, 21, 2002, p. 149-150. 182
Eliseo AJA, « La evolución de la normativa sobre inmigración », op. cit., p. 31. 183
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., 163.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 45
demande, ce qui met fin à l’utilisation de ce mécanisme de régularisation cachée.184
Ainsi, par ce bref survole juridique, il est possible d’affirmer que le contrôle aux
frontières et la lutte à l’immigration clandestine est au cœur de la loi 8/2000.
3.1.2.2. Le SIVE et la militarisation du détroit de Gibraltar
Une autre mesure prise par le PP à l’époque pour protéger le référent concerne le
contrôle du détroit de Gibraltar avec des moyens militaires. En effet, vers la fin des
années 1990, le gouvernement d’Aznar met en place le Sistema Integrado de Vigilancia
Exterior (Système intégré de surveillance extérieur - SIVE). Plus précisément, le 24 mai
1999, Aznar présente un « plan de blindage » de la frontière sud-espagnole, en particulier
pour la zone du détroit de Gibraltar. Bien que ce système fait face à de nombreuses
critiques, le gouvernement utilise la rhétorique des obligations européennes pour justifier
tant le projet que ses coûts. Il entrera en fonction par la suite à partir de 2002 à Algésiras
pour être ensuite étendu à Tarifa et Malaga l’année suivante, à Cadix et Huelva en 2004,
à Ceuta et Melilla en 2005 et à Almeria en 2006.185
Le SIVE est un système intégré muni
de radars et de caméras qui permettent à la Guarda civil de surveiller en continu les eaux
du détroit dans le but de dissuader les migrants à traverser illégalement la frontière.
Ce qu’il est intéressant de constater ici est qu’à l’origine, la Guarda civil est un
acteur semi-militaire responsable des questions de sécurités traditionnelles que sont les
attaques militaires d’un État tiers, la piraterie, le trafic de drogue, etc.186
Ainsi, Gabrielli
souligne que « La mise en place progressive de ce système le long d’une partie de la
frontière méditerranéenne, produit une dynamique de militarisation du contrôle, qui
s’étend peu à peu à partir des zones proches au détroit de Gibraltar ».187
En effet, le
dispositif SIVE est la matérialisation de cette dynamique de militarisation du contrôle des
frontières qui a pour but de protéger autant la société espagnole que l’État.
Ainsi, les deux types de mesures analysées, l’une juridique et l’autre pratique,
permettent d’établir le lien entre immigration et menace à la société espagnole. En effet,
184
Ibid., p. 163. 185
Guillaume LE BOEDEC, op. cit., p. 6. 186
Sara LÉONARD, « EU border security and migration in the European Union […] », op. cit., p. 242. 187
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 193.
46 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
les moyens pris, qui se concentrent principalement sur le contrôle des frontières, sont de
natures exceptionnelles et militaires et cherchent à protéger le référent. Il est également
possible d’affirmer que ces mesures sont différentes de celles prises auparavant pour
répondre aux impératifs européens. D’abord, il est possible de voir un réel intérêt pour la
question migratoire au sein du PP, notamment dans la réforme de la loi 8/2000. Cet
intérêt se traduit par une vision sécuritaire. Ces mesures sont par ailleurs beaucoup plus
strictes et axées sur la sécurité rejoignant ainsi le discours du PP. Il est donc possible
d’affirmer que la deuxième condition à la sécurisation (la prise de mesures pour protéger
le référent) est remplie. Ainsi, comme le souligne Gabrielli, « À partir de ce moment,
l’Espagne prend l’initiative et commence à pousser son agenda pour impulser une
politique d’immigration commune, même s’il s’agit principalement de la
communautarisation des coûts et des efforts de contrôle des frontières ».188
Considérant qu’il s’agit d’un processus intersubjectif, il est maintenant nécessaire
d’observer la réaction du référent par rapport à ce discours et à ces nouvelles pratiques
sécuritaires. Il s’agit de prouver que la population est influencée par le discours
sécuritaire afin de boucler le processus et d’affirmer les raisons de cette sécurisation. La
prochaine section observe donc l’interprétation du discours par la société espagnole.
3.2. Interprétations du discours par la société espagnole
Pour observer si la population espagnole adhère au mouvement sécuritaire
impulsé par les pratiques sécuritaires issues des volontés européennes et par la suite
reprises à l’initiative du PP, il est nécessaire d’observer les sondages d’opinion sur la
question migratoire en tant que problème. Cela permet de vérifier si l’immigration est une
priorité pour les espagnols et tel est le cas, à partir de quel moment le devient-elle? Pour
appuyer les sondages d’opinion, le travail expose également les évènements xénophobes
de El Ejido ainsi que le changement de cap du parti d’opposition (PSOE) en matière
d’immigration pour témoigner d’une adhésion quasi homogène à la sécurisation de
l’immigration en Espagne.
188
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 202.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 47
3.2.1. L’immigration, vers une priorité pour les Espagnols.
En consultant les données du baromètre espagnol, il est possible d’observer que
c’est seulement à partir du mois de novembre 1995 que la question migratoire fait
surface. Avant cette date, le baromètre espagnol ne pose aucune question en matière
d’immigration à la population espagnole. Ainsi, cela semble démontrer que la question
migration ne préoccupe aucunement les Espagnols. En 1995, seulement 7,6 % de la
population considère les « migrations du tiers monde vers les pays développés » comme
l’un des plus grands risques à la sécurité et à la paix, plaçant ainsi la question migratoire
au 7e rang des enjeux prioritaires.
189 Il est à noter qu’il n’est nullement précisé la
provenance des migrations dans ce sondage. Il n’est pas possible de percevoir la pointe
d’une menace identitaire.
Puis, en avril 1996, la question posée dans le sondage d’opinion a pour objectif de
vérifier si les Espagnols sont préoccupés ou non par l’augmentation du nombre
d’immigrants sur le territoire. Il en ressort que 11,6 % des sondés ne sont pas préoccupés
du tout par cette question, alors que 16 % d’entre eux se disent très préoccupés.190
Néanmoins, à partir de l’année suivante, une majorité des Espagnols affirme vouloir
contrôler, dans des mesures diverses, l’entrée de travailleurs étrangers sur le territoire
espagnol.191
Il commence donc à y avoir une préoccupation au sein de la population
envers la question migratoire, sans toutefois être considérée comme un enjeu sécuritaire.
Cette préoccupation va de pair avec la politisation de la question migratoire qui émane
des obligations européennes.
Quelques mois plus tard, en janvier 1998, le baromètre d’opinion du CIS révèle
que 36,9 % des Espagnols ont une opinion négative sur l’immigration marocaine, ce qui
correspond au discours du PP à l’époque, démontrant tranquillement une adhésion au
189
CENTRO DE INVESTIGACIÓN EN SOCIOLÓGICAS, Barómetro noviembre 1995 – Resultados,
CIS, 2197, 8 novembre 1995, [En ligne], http://www.cis.es/cis/export/sites/default/-
Archivos/Marginales/2180_2199/2197/e219700.html, (page consultée le 7 juillet 2015). 190
CENTRO DE INVESTIGACIÓN EN SOCIOLÓGICAS, Barómetro abril 1996 – Resultados, CIS,
2212, 13 avril 1996, [En ligne], http://www.cis.es/cis/export/sites/default/-
Archivos/Marginales/2200_2219/2212/e221200.html, (page consulté le 7 juillet 2015). 191
Voir l’Annexe A.
48 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
discours sécuritaire de cet acteur.192
Si les sondages d’opinion de l’année 1999 ne font
aucune mention de l’immigration ou des étrangers en général, le tiers du questionnaire de
février 2000 se concentre sur l’enjeu. En effet, à la suite des évènements de El Ejido, qui
seront explicités ci-dessous, la question migratoire se retrouve au centre de l’attention
publique et politique. Ainsi, 64,7 % des sondés croient que le gouvernement devrait
faciliter seulement l’entrée de migrants possédant un contrat de travail, ce qui reflète
également le discours du PP sur la différentiation de l’immigration illégale de celle
légale.193
Aussi, tout comme le PP le promulgue, 61,3 % de la population croit qu’il est
nécessaire que les politiques en matière d’immigration soient communes au sein
de l’UE.194
En ce qui concerne le traitement général des immigrants par les Espagnols,
46,8 % d’entre eux considèrent que les Espagnols traitent les immigrants avec méfiance,
témoignant donc la perception d’une menace à l’identité et à l’ordre public.195
Enfin, le
sondage affirme que la majorité des Espagnols (54,2 %) considèrent la question
migratoire comme étant un problème important.196
Le début de l’année 2000 témoigne
donc d’une acception générale au sein de la population espagnole de la question
migratoire en tant que menace à la société, principalement pour des raisons identitaires et
criminelles, et qu’il est nécessaire de prendre des mesures sécuritaires pour la contrer.
Si à la fin de l’année 2000, seulement 6 % de la population considère
l’immigration comme l’un des trois problèmes les plus importants en Espagne, il est
possible d’observer une réelle augmentation pour les années suivantes. En effet, pendant
le deuxième mandat du PP, l’immigration s’élève au 5e et 4
e rang des trois problèmes
principaux en Espagne et généralement entre le 10e et 8
e rang en tant que problème qui
touche personnellement les Espagnols.197
Les résultats des sondages d’opinion coïncident
192
CENTRO DE INVESTIGACIÓN EN SOCIOLÓGICAS, Barómetro enero 1998 – Resultados, CIS,
2274, 23 janvier 1998, [En ligne], http://www.cis.es/cis/export/sites/default/-
Archivos/Marginales/2260_2279/2274/e227400.html, (page consultée le 7 juillet 2015). 193
CENTRO DE INVESTIGACIÓN EN SOCIOLÓGICAS, Barómetro febrero 2000 – Resultados, CIS,
2383, 25 février 2000, [En ligne], http://www.cis.es/cis/export/sites/default/-
Archivos/Marginales/2380_2399/2383/e238300.html, (page consultée le 7 juillet 2015). 194
Loc. cit. 195
Loc. cit. 196
Loc. cit. 197
Voir l’Annexe B.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 49
donc presque parfaitement avec l’apparition du discours sécuritaire sur l’immigration du
PP.
3.2.2. Les évènements de El Ejido
Pour appuyer les résultats de l’analyse des sondages d’opinion, il est intéressant
de fournir un exemple concret d’un évènement qui témoigne de l’influence du discours
du PP sur la population espagnol. Comme le souligne Zapata Barrero, « De tous les
évènements sociaux, El Ejido est celui qui a joué un rôle déterminant dans l’encadrement
du débat politique et social, puisqu’il synthétise les questions les plus importantes quant à
la gestion de l’immigration en Espagne ».198 Ce survol permet donc de démontrer
comment l’immigration est entrée définitivement dans l’agenda sécuritaire en Espagne.
Une semaine après l’approbation de la loi 4/2000 se produit dans la ville de El
Ejido des évènements à caractères xénophobes qui marquent de façon cruciale le
processus de sécurisation en Espagne. Durant les premiers jours de février de cette année,
il se produit l’un des plus graves cas d’agression contre les étrangers au pays. Il faut
savoir que, durant les années 1980, cette petite ville s’est transformée en l’un des
principaux centres d’agricultures intensives sous plastique au pays.199
Par conséquent, un
nombre important de migrants, majoritairement employés de manières informelles, se
concentrent dans les environs de la ville.
Les évènements commencent lorsqu’une femme, âgée de 26 ans, est assassinée
par un individu de nationalité marocaine souffrant de problèmes mentaux.200
Se produit
alors une manifestation qui dégénère dans la soirée en une brutale attaque xénophobe. Le
lendemain, les agressions se poursuivent, portées par des centaines de personnes armées
de bâtons, de battes de baseball et de barres d’acier. Les attaques se tournent également
vers les dirigeants politiques et les journalistes. Des maisons sont brulées et les étrangers
sont obligés de s’enfuir. Pour répondre à l’ampleur des attaques, le ministre de l’Intérieur
198
ZAPATA-BARRERO, Ricard, « The Spanisch Context in 2000-2001 : The inclusion of immigration on
the Political and Social Agenda », Journal of Immigration and Integration, 4(4), 2003, p. 524. 199
(Ibid. p. )Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 159. 200
François MUSSEAU, « Retour sur les émeutes racistes d’El Ejido », Liberation, 17 février 2000, [En
ligne], http://www.liberation.fr/monde/2000/02/17/grand-angle-retour-sur-les-emeutes-racistes-d-el-ejido-
les-chiens-andalous-samedi-5-fevrier-el-ejido_318134, (page consultée le 10 juillet 2015).
50 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
envoie 500 agents pour renforcer le corps policier la ville.201
En fin de compte, 22
personnes ont été blessées et plusieurs locaux appartenant aux étrangers ont été détruits,
dont la mosquée. Cependant, aucun agresseur n’a été arrêté, ce qui a pour effet de porter
les critiques sur le ministre de l’Intérieur ainsi que sur la police. El Ejido aura été deux
jours hors de contrôle et cela a pour effet de marquer les consciences en plus de donner
une grande visibilité à la question migratoire.
Avec ces évènements, il est possible d’observer l’émergence de l’immigration en
tant que problème social en cohérence avec les discours du PP. À ce sujet, Caro affirme
que les évènements sont une conséquence directe du « racisme euro centrique » dont
l’Espagne a pris part en intégrant l’UE.202
Il faut noter que les évènements témoignent de
l’acceptation du discours du PP selon lequel les migrants, en particulier ceux dont la
religion est l’Islam, sont une menace à l’ordre public et que leur « marginalité » facilite le
crime. De plus, selon Zapata-Barrero, ces évènements se veulent être un moyen extrême,
voire radical, de protéger principalement l’identité espagnole contre une culture qui est
perçue comme impossible à intégrer.203
Cet exemple s’inscrit pleinement dans le débat
sur l’immigration promu par le PP lui-même. Comme le note Zapata-Barrero, les citoyens
ont simplement exprimé leur support aux discours et aux agissements de leur maire qui
avait déclaré que « the entrance of more “shameless persons” is to reinforce borders and
increase security, that is, the two main issues leading the debate in Spain ». 204
S’il est
toutefois possible d’observer d’autres agressions à caractères racistes auparavant, il faut
noter que les évènements de El Ejido sont d’une importance majeure en raison de leur
durée, du nombre de personnes touchées et de leur couverture médiatique.205
Ils marquent
considérablement les esprits et n’ont rien à voir les autres incidents racistes plus mineurs.
Il est également intéressant de noter ici que ces évènements n’ont pas seulement
été le reflet du discours du PP et plus généralement celui de l’UE. Ils ont aussi contribué
201
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 159. 202
Manuel J. CARO, « Tying Racism in El Ejido to Spanish and European Politics », Rutgers Laws
Review, 54, 2001, p. 906. 203
Ricard ZAPATA-BARRERO, op. cit., p. 533. 204
Ricard ZAPATA-BARRERO, op. cit., p. 530. 205
Voir SOS RACISMO, « El Ejido, Racismo y explotacion laboral », Icaria Mas Madara, 27, 2001, p. 33-
42.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 51
à l’argumentaire du PP par la suite dans la sécurisation de l’immigration. Ces évènements
ont été instrumentalisés par le PP pour justifier leur loi plus stricte (8/2000) en matière
d’immigration. En effet, la principale justification de ces évènements selon le PP puisait
dans le caractère trop permissif de la loi 4/2000.
3.2.3. Le changement de cap du PSOE
Enfin, pour témoigner d’une homogénéisation des pensées sécuritaires en
Espagne en matière d’immigration, il est intéressant de regarder le comportement du parti
de l’opposition à cette époque. Entre la première et la deuxième loi sur l’immigration, il
est effectivement possible d’observer un changement de position au sein du PSOE en
matière d’immigration.206
Comme le souligne Gabrielli, « son discours se nuance et la
confrontation avec le PP baisse notablement d’un ton ».207
Ceci peut s’expliquer par le
fait que le PSOE ait perçu le potentiel mobilisateur en terme électoral des positions plus
restrictives en matière d’immigration.208
Ainsi, la proposition de signer un « pacte
d’État » avec le gouvernement sur l’immigration fondée sur des positions plus répressives
s’inscrit dans ce changement.209
Le PSOE préfère donc une certaine collaboration avec
son adversaire politique dans la « contre-réforme » de la loi. Il faut toutefois noter que le
changement du PSOE est plus masqué et maintient certaines ambigüités en raison des
orientations idéologiques de son électorat. Ainsi, le PSOE oscille entre négociation et
critique avec le PP. À ce propos, Gabrielli note que le PSOE se définit comme
« opposition utile à la société, c’est-à-dire qui ne cherche pas une confrontation politique,
mais plutôt la résolution d’un problème central pour le futur du pays ».210
La nuance du PSOE sur la question migratoire a pour effet de créer, ce que
plusieurs auteurs appellent une « communauté de discours » autour d’une politique plus
restrictive en matière d’immigration. 211
En effet, cette consolidation de la sécurisation de
l’immigration a pour effet d’aligner le débat politique espagnol sur le discours européen à
206
Ibid., p. 200. 207
Loc. cit. 208
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 201. 209
Loc. cit. 210
Loc. cit. 211
Victor PÉREZ-DIAZ, Berta ÁLVAREZ-MIRANDA et Carmen, GONZÁLEZ-ENRIQUE, España ante
la inmigración, Colección, Estudios Sociales, n° 8, Barcelona, Fundación “la Caixa”, 2001, p. 114.
52 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
caractère sécuritaire.212
Cette communauté de discours concerne particulièrement le
contrôle des frontières et l’expulsion comme moyen de répondre à l’immigration
irrégulière. Il reste néanmoins quelques divergences entre les deux partis en matière de
droits des étrangers et de régularisation.
Enfin, cette présentation de l’opinion publique et politique en matière
d’immigration démontre donc qu’il se produit une adhésion générale en Espagne au
mouvement sécuritaire européen. En effet, les sondages d’opinion sur la question
migratoire de l’époque, appuyés par les évènements de El Ejido et le changement de cap
du PSOE, démontrent qu’il y a une tendance générale à considérer l’immigration en tant
que menace à la société espagnole, principalement en ce qui concerne l’immigration en
provenance d’Afrique. La troisième étape du processus de sécurisation (la persuasion de
la population que l’immigration est une menace et qu’il est nécessaire de prendre des
mesures pour contrer cette menace) est remplie. Ainsi, en suivant les trois étapes du
processus de sécurisation, il a tout d’abord été possible de trouver les raisons pour
lesquelles l’Espagne sécurise l’immigration et ensuite de prouver qu’il y a belle est bien
une sécurisation de l’immigration en Espagne à cette époque. Dès lors, si l’Espagne
sécurise l’immigration à ce moment, c’est principalement parce qu’elle considère
l’immigration comme une menace à l’ordre public en raison du lien établi avec la
criminalité, mais également comme une menace à l’identité. Il en ressort clairement dans
les discours, les pratiques et l’opinion publique une représentation de l’immigrant
(principalement musulman) menaçant l’identité espagnole. Cette menace identitaire pose
également problème à l’État et à l’intégrité territoriale de l’Espagne en raison des valeurs
qu’elle promulgue et de son caractère clandestin.
212
Lorenzo GABRIELLI, La construction de la politique d'immigration […], op.cit., p. 202.
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 53
CONCLUSION
Pour conclure, il a été démontré dans cet essai que plusieurs facteurs expliquent la
sécurisation de l’immigration en Espagne entre 1985 et 2004. Si le début de cette période
est marqué par un désintérêt de la question chez les hommes politiques et au sein de la
population, le début du XXIe siècle est, quant à lui, plutôt marqué par une forte
sécurisation. La sécurisation étant un processus, l’essai a donc voulu en démontrer les
étapes pour mieux expliquer ses raisons qui sont par ailleurs de natures diverses.
Ainsi, dans un premier temps, l’Espagne a commencé un processus de
sécurisation en raison de ses obligations communautaires et de son interdépendance avec
l’UE. Comme il a été possible de le voir au travers de l’analyse de l’Accord de Schengen,
du Traité de Maastricht et du Traité d’Amsterdam, l’UE a amorcé un processus de
sécurisation de l’immigration axé sur le contrôle des frontières extérieures. En effet, les
forums intergouvernementaux, formés par les officiers du ministre de l’Intérieur et de la
Justice des pays européens, ont imposé une vision sécuritaire en matière d’immigration à
l’ensemble des pays membres de l’UE. L’évolution de la question migratoire dans le
cadre communautaire a permis de comprendre le déplacement de la question au sein de
l’UE. La sécurisation de l’immigration peut donc être considérée comme un pilier sur
lequel s’est bâtie la communautarisation de la question migratoire en Europe.
Dès lors, il est possible d’affirmer que l’approche sécuritaire de la question
migratoire, avec pour principal outil le contrôle des frontières, a acquis un poids
considérable et une influence importante sur les États membres. L’analyse du processus
de sécurisation au sein de l’UE a permis ainsi de comprendre les effets de cette
sécurisation en Espagne. C’est principalement en raison de cette interdépendance que
l’Espagne sécurise l’immigration par l’implantation de mesures sécuritaires. En effet, afin
de répondre aux obligations européennes, l’Espagne n’a pas eu d’autres choix que de
mettre en place des mesures conformes à la vision sécuritaire de l’UE. Les pratiques
sécuritaires ont donc anticipé le discours en Espagne.
54 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
C’est ainsi qu’apparaît dans un premier temps, la LOEX pour répondre à ses
obligations avant l’entrée de l’Espagne aux CE. L’analyse de la LOEX a révélé son
caractère sécuritaire concordant avec la vision de l’UE. Puis quelques années plus tard,
alors que les inquiétudes des partenaires européens reprennent de plus belle à la veille de
l’application de l’Accord de Schengen en Espagne, le gouvernement met en place des
pratiques plus sécuritaires axées sur le contrôle des frontières à Melilla, Ceuta et dans le
détroit de Gibraltar. On dénote toutefois à cette époque un certain désintérêt des
politiques quant à la question migratoire. De plus, en raison du caractère sécuritaire de
ces mesures, il a été possible de déduire que ce sont les impératifs européens qui ont
initié le processus de sécurisation en Espagne. En effet, la mise en place de ces mesures
ont non seulement politisé la question, mais il s’en est suivi une grande médiatisation et
un débat au niveau national.
Si l’UE est à l’origine de cette sécurisation en Espagne, elle n’explique pas
pourquoi le gouvernement et la population y ont adhéré. Il a donc été nécessaire
d’analyser les raisons au niveau national. Pour se faire, l’analyse s’est basée sur les
catégorisations de « l’immigrant menaçant » faites par Monica Den Boer, Didier Bigo,
Jef Huysman et présentées dans le premier chapitre. Ainsi, la question était de savoir
pourquoi le gouvernement d’Aznar a sécurisé l’immigration. Le troisième chapitre s’est
donc concentré sur la détection des menaces perçues par cet acteur et l’ayant poussé à
mettre en place des mesures sécuritaires pour protéger le référent. Pour répondre à cette
question, la première section a analysé le discours du PP et a par la suite établi des liens
entre les menaces énoncées et les mesures sécuritaires prises.
Dans un premier temps, l’analyse du discours prononcé par ces acteurs et
retrouvée dans la littérature a permis de comprendre les raisons au niveau national de
cette sécurisation. En effet, le troisième chapitre établit que le gouvernement d’Aznar
sécurise la question migratoire parce qu’il considère l’immigration comme une menace à
la souveraineté, à l’ordre public, à l’identité et à l’État de droit. Néanmoins, l’analyse
aurait été incomplète si elle s’était arrêtée là. Il a été mentionné que l’Espagne a
commencé un processus de sécurisation avec la mise en place de mesures sécuritaires
pour répondre à ses obligations communautaires, mais est-il possible d’affirmer que le PP
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 55
sécurise réellement la question migratoire ou est-ce que son discours n’est pas seulement
que pour satisfaire ses partenaires européens?
Il a donc été nécessaire de compléter les étapes du processus de sécurisations.
Cela a donc permis d’établir le lien entre les menaces et la prise de mesures pour protéger
le référent. L’analyse des lois espagnoles en matière d’immigration au début du siècle et
la mise en place du SIVE ont témoigné de ce lien. En effet, l’étude de ces mesures révèle
dans un premier temps qu’elles ont été prises de manière indépendante à l’UE et qu’elle
relève d’une initiative du gouvernement espagnol en matière de sécurisation de
l’immigration. Puis, l’étude a également démontré le lien entre les menaces énoncées par
le discours et les mesures prises pour protéger le référent. Ces mesures mettent l’accent
sur le contrôle des frontières afin d’empêcher l’immigration clandestine qui menace à la
fois souveraineté de l’État espagnol, l’ordre public et le secteur sociétal. Le discours vient
d’ailleurs justifier l’utilisation de ces moyens spécifiques et extraordinaires à caractère
sécuritaire.
Enfin, pour compléter l’analyse intersubjective, il fallait observer si l’opinion
publique adhérait aux messages sécuritaires en matière d’immigration. Pour illustrer la
perception de menace au sein de la population, l’analyse s’est d’abord portée sur les
sondages d’opinion du baromètre du CIS qui ont démontré que l’immigration est
considérée à l’époque comme une question importante puisqu’elle menace à la fois
l’identité, l’ordre public et l’État de droit. Si les mesures prises par le gouvernement
d’Aznar permettent d’établir le lien avec la menace à la souveraineté de l’État espagnol,
il n’a cependant pas été possible de relever l’opinion de la population sur la perception de
l’immigration en tant que menace à la souveraineté. Ceci peut s’expliquer par le fait que
la population n’est par réellement préoccupée par le respect de la souveraineté étatique. Il
s’agit d’une question qui touche nécessairement plus l’État. Puis, pour appuyer les propos
issus des sondages, il a été exposé un évènement majeur, à caractère xénophobe, dans la
localité de El Ejido. Cet évènement témoigne de la perception de menace à l’identité et de
menace à l’ordre public. Puis, il a également été démontré un changement de cap du parti
à l’opposition en matière d’immigration. En effet, celui-ci a été de plus en plus favorable
56 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
à la sécurisation de l’immigration, installant ainsi une communauté de discours sur
l’immigration en Espagne.
Cet essai a donc permis de comprendre les raisons sous-jacentes à la sécurisation
de l’immigration en Espagne. Néanmoins, avec les évènements tragiques en mer
Méditerrané au Printemps dernier, considéré comme « le pire hécatombe jamais vue en
Méditerranée » 213
, il serait intéressant de voir si l’Europe et l’Espagne se dirigent vers
une « désécurisation » de l’immigration impliquant une dissociation progressive juridique
et conceptuelle de cette question par rapport aux enjeux classiques de sécurité nationale.
En effet, les crises au Moyen-Orient ne semblent pas tendre vers une amélioration de la
situation, mais en même temps, le terrorisme est de plus en plus présent en Europe, ce qui
facilite la création de couples terrorisme et immigration. 214
L’augmentation du budget de
l’opération Triton est peut-être une preuve de cette « désécurisation ». Cela reste
cependant à voir.215
213
LE MONDE, « Le naufrage en Méditerranée a fait 800 morts, selon le HCR », Le Monde, 21 avril 2015,
[En ligne], http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/04/21/des-survivants-du-naufrage-en-mediterranee-
sont-arrives-en-sicile-deux-arrestations_4619530_3214.html?xtmc=naufrage&xtcr=108, (page consultée le
17 juillet 2015). 214
Il suffit de penser à la fusillade de Charli Hebdo en janvier ou aux attentats de Saint-Quentin-Fallavier
au mois de juin. Voir RADIO-CANADA, « Un acte de guerre contre Charlie Hebdo », Radio-Canada, 25
mai 2015, [En ligne], http://ici.radio-canada.ca/sujet/attentat-charlie-hebdo, (page consultée le 17 juillet
2015 ; Denis COSNARD, « L’usine visée par l’attentat classée Seveso "seuil bas" », Le Monde, 26 juin
2015, [En ligne], http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/06/26/l-usine-d-air-products-en-isere-classee-
seveso-seuil-bas_4662592_3224.html?xtmc=attentat_de_saint_quentin_fallavier&xtcr=26, (page consultée
le 17 juillet 2015). 215
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Radio-Canada, 23 avril 2015 [En ligne], http://www.lapresse.ca/international/europe/201504/23/01-
4863616-lue-triple-le-budget-de-son-operation-de-sauvetage-en-mediterranee.php, (page consultée le 17
avril 2015).
LES RAISONS DU PROCESSUS DE SÉCURISATION 57
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68 MIGRATIONS ET SÉCURITÉ EN ESPAGNE
ANNEXES
Annexe A
Faciliter ou restreindre l’entrée de travailleurs étrangers en Espagne
(0 = faciliter au maximum et 10 restreindre au maximum)
%
Faciliter au maximum l’entrée de travailleurs étrangers (0) 8,7
1 à 3 15,9
4 à 6 33,9
7 à 9 21,3
Restreindre au maximum l’entrée de travailleurs étrangers (10) 9,9
N.S. 9,6
N.C. 0,8
Source : Centro de investigación en sociológicas (CIS), baromètre d’opinion, avril 1997.
Annexe B
Sondage sur les principaux problèmes se posant en Espagne et les problèmes
touchant le plus personnellement les Espagnols
Janvier de
chaque année
Principaux problèmes en
Espagne
Problèmes touchant le plus
personnellement les Espagnols.
Place de l’immigration % Place de l’immigration %
2001 4 16,5 10 4,1
2002 5 14,0 9 5,3
2003 4 13,4 8 5,6
2004 5 14,8 10 5,7
Source : Centro de investigación en sociológicas (CIS), baromètre d’opinion.