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Intégration des étrangersIntégration des étrangerset droits humainset droits humains
Les droits fondamentaux et Les droits fondamentaux et
l’intégration des étrangersl’intégration des étrangers
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Que dit la Constitution fédérale Que dit la Constitution fédérale
en matière de droits et de en matière de droits et de
devoirs?devoirs?
Pascal Mahon, Lausanne, 9 décembre 2008
IntroductionIntroduction … deux ou trois arrêts du Tribunal fédéral
ATF 134 I 49, Gemeinde Buchs, et 134 I 56, Gemeinde Birr, du 27 février 2008
TF 2C-149/2008, du 24 octobre 2008:
confirme la constitutionnalité durefus de dispenses des cours denatation en classes mixtes pourles enfants de religion musulmane
(≠ ATF 119 Ia 178, du 18 juin 1993,A. und M. gegen Regierungsrat desKantons Zürich)
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IntroductionIntroduction Plan
Introduction Droits et devoirs dans la Constitution en général
Rôle et fonctions de la Constitution Symétrie entre droits et devoirs?
L’intégration des étrangers dans la loi Brève histoire de l’idée d’intégration L’intégration dans la législation actuelle• dans la loi sur la nationalité• dans la loi sur l’asile• dans la loi sur les étrangers
Le sens et les moyens de l’intégration
Synthèse et conclusions
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Droits et devoirsDroits et devoirsdans la Constitution en généraldans la Constitution en général
absence de la notion d’«intégration des étrangers» ou de «devoir d’intégration» dans la Constitution
absence aussi de l’idée de «devoirs» explication: rôle et fonctions de la Constitution
idées des «Lumières» organise le pouvoir de l’Etat (≠ pouvoir absolu)
dessine les organes de l’Etat et définit leurs relations => partie «organique» ou «institutionnelle»
éventuellement définit les tâches de l’Etat surtout, limite le pouvoir de l’Etat
par des mesures «institutionnelles» (séparation des pouvoirs) mais surtout par la garantie de «droits fondamentaux»
• des libertés (personnelle, d’expression, de réunion, de religion, etc.)• des garanties de l’Etat de droit (égalité, non-discrimination)
=> partie «matérielle»
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Droits et devoirsDroits et devoirsdans la Constitution en généraldans la Constitution en général
=> la Constitution garantit des «droits fondamentaux» c’est même sa fonction première
dans l’idée de protéger des individus (et la société) contre le pouvoir de l’Etat
les droits fondamentaux sont donc conçus comme une limite au pouvoir de l’Etat
=> dans un Etat libéral et démocratique, un Etat de droit, la Constitution doit garantir des «droits»
la Constitution n’a donc pas pour fonction d’imposer des «devoirs» aux particuliers l’Etat n’a pas besoin de la Constitution pour imposer des
«devoirs», il le fera assez naturellement au travers de ses lois exemple «devoir fiscal», obligation scolaire, etc. ces devoirs représentent d’ailleurs autant de «restrictions», de
«limitations» des «droits» fondamentaux des individus
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Droits et devoirsDroits et devoirsdans la Constitution en généraldans la Constitution en général
idée de symétrie entre «droits» et «devoirs» fondamentaux idée répandue
«ce n’est pas le tout de réclamer ou d’accorder des droits, il faut aussi accepter ou imposer des devoirs!»
=> «fausse bonne idée»! ce n’est pas le rôle de la Constitution que de prévoir de tels
«devoirs» => généralement, pas véritablement de symétrie
exemple de la Constitution fédérale de 1999 un long et imposant catalogue de «droits fondamentaux» (art. 7 à
36) une seule petite disposition sur la «responsabilité individuelle et
sociale» (art. 6) mais, si la Constitution ne le fait pas, la loi, elle, impose des
devoirs …
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Art. 6 Responsabilité individuelle et sociale
Toute personne est responsable d’elle-même et contribue selon ses forces à l’accomplissement des tâches de l’Etat et de la société.
L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
Bref historique du droit des étrangers 1880: Suisse = pays d’émigration (1880: inversion) 1914: liberté d’établissement en Suisse (traités bilatéraux)
15,4% d’étrangers en 1914 1914: mesures de limitation («pouvoirs extraordinaires») 1925: compétence législative de la Confédération (art. 69ter)
loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE), du 26 mars 1931 (en vigueur 2007!)
1ère Guerre mondiale, crise économique et 2ème Guerre mondiale => 5,2% d’étrangers en 1941
dès 1945, essor conjoncturel => forte augmentation de la population étrangère
dès 1963, puis 1970, mesures de limitation («contingentement») 1981 et 1982: rejets initiative «être solidaires» et loi sur les étrangers haute conjoncture années 1980 => nouvelle augmentation => nouvelle politique de stabilisation («3 cercles», FF 1991 III 316) 19,6% d’étrangers en 2001 nouvelle loi 2005 (LEtr)
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L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
Brève histoire de l’idée d’intégration 1914-1920: «surpopulation étrangère» 2 types de mesures
limitation à l’entrée, au séjour et à l’établissement (message 1921) «incorporation» par le biais de la naturalisation (naturalisation
automatique des étrangers nés en Suisse d’un parent né en Suisse; jus soli; message 1920)
1952: loi sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse (loi sur la nationalité, LN, 29 septembre 1952) exigence de l’intégration dans la communauté suisse pour la
naturalisation ordinaire années 1960: première vague d’immigration «italienne»
problèmes d’«intégration»
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L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
Brève histoire de l’idée d’intégration fin des années 1990: apparition (timide) de l’idée d’intégration
26 juin 1998: révision LSEE => nouvel art. 25a («subventions pour l’intégration sociale des étrangers») (RO 1999 1111)
=> «ordonnance sur l’intégration des étrangers» du 13 septembre 2000, en vigueur dès le 1er octobre 2000 (RO 2000 2281)
nouvelle loi sur les étrangers 2005: l’idée d’intégration revient en force accent mis sur l’importance de la volonté des étrangers de s’intégrer => l’idée d’une sorte de devoir d’intégration
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L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
L’intégration dans la législation actuelle dans la loi sur l’acquisition et la perte de la nationalité
suisse (loi sur la nationalité, LN), du 29 septembre 1952 article 14, lettre a («aptitude» autorisation fédérale de
naturalisation)
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Art. 14 Aptitude
Avant l’octroi de l’autorisation, on s’assurera de l’aptitude du requérantà la naturalisation. On examinera en particulier si le requérant:a. s’est intégré dans la communauté suisse;b. s’est accoutumé au mode de vie et aux usages suisses;c. se conforme à l’ordre juridique suisse; et,d. ne compromet pas la sûreté intérieure ou extérieure de laSuisse.
L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
L’intégration dans la législation actuelle dans la loi sur l’asile (LAsi), du 26 juin 1998
diverses mesures, notamment sous forme de contributions financières, destinées à faciliter l’intégration des réfugiés
article 14, 2ème alinéa, lettre c l’ «intégration poussée» d’un requérant d’asile peut constituer un
critère de l’existence d’un «cas de rigueur grave» susceptible de justifier l’octroi d’une autorisation de séjour (en dépit du rejet de la demande d’asile)
application de la LEtr par renvoi (admission provisoire) dans la loi sur les étrangers (LEtr), du 16 décembre
2005 15 fois article 1er, 2ème phrase («objet»)• la présente loi … « règle en outre l’encouragement de l’intégration des
étrangers»
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L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
L’intégration dans la législation actuelle dans la loi sur les étrangers (LEtr)
article 4 («principes») => buts de l’intégration
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Art. 4 Intégration1 L’intégration des étrangers vise à favoriser la coexistence des populations suisse et étrangère sur la base des valeurs constitutionnelles ainsi que le respect et la tolérance mutuels.2 Elle doit permettre aux étrangers dont le séjour est légal et durable de participer à la vie économique, sociale et culturelle.3 L’intégration suppose d’une part que les étrangers sont disposés à s’intégrer, d’autre part que la population suisse fait preuve d’ouverture à leur égard.4 Il est indispensable que les étrangers se familiarisent avec la société et le mode de vie en Suisse et, en particulier, qu’ils apprennent une langue nationale.
L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
L’intégration dans la législation actuelle dans la loi sur les étrangers (LEtr)
tout le chapitre 8 LEtr («Intégration des étrangers»), art. 53 à 58• fait de l’intégration une tâche commune de la Confédération, des cantons, des
communes, des partenaires sociaux, des organisations non gouvernementales et des organisations d’étrangers
• spécialement art. 54 LEtr
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Art. 54 Modalités1 L’octroi d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation de courte durée peut être lié à la participation à un cours de langue ou à un cours d’intégration. Ce principe s’applique également à l’octroi d’une autorisation dans le cadre du regroupement familial (art. 43 à 45). L’obligation de participer à un cours peut être fixée dans une convention d’intégration. 2 Les autorités compétentes tiennent compte du degré d’intégration lors de l’octroi d’une autorisation d’établissement (art. 34, al. 4) et dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (art. 96), notamment en cas de renvoi, d’expulsion ou d’interdiction d’entrer en Suisse.
L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
L’intégration dans la législation actuelle dans la loi sur les étrangers (LEtr)
l’idée de l’«intégration» telle que prévue par la loi est précisée dans une ordonnance du Conseil fédéral, l’«ordonnance sur l’intégration des étrangers» (OIE), du 24 octobre 2007
chapitre 2 OIE («Contribution et devoirs des étrangers»)
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Art. 4 Contribution des étrangers à l’intégration
La contribution des étrangers à l’intégration se manifeste notamment par:a. le respect de l’ordre juridique et des valeurs de la Constitution fédérale;b. l’apprentissage de la langue nationale parlée sur le lieu de domicile;c. la connaissance du mode de vie suisse;d. la volonté de participer à la vie économique et d’acquérir une formation.
Art. 5 Convention d’intégration1 Lors de l’octroi ou de la prolongation d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation de séjour de courte durée, les autorités compétentes sont habilitées à conclure des conventions d’intégration avec les intéressés.2 La convention d’intégration fixe, après examen du cas particulier, les objectifs, les mesures convenues ainsi que les conséquences possibles de leur inobservation.3 La convention d’intégration a notamment pour but l’acquisition de la langue nationale parlée sur le lieu de domicile et l’acquisition de connaissances sur:a. l’environnement social et le mode de vie suisses;b. le système juridique suisse;c. les normes et les règles de base dont le respect est la condition sine qua non d’une cohabitation sans heurts.
L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
Bilan de l’intégration dans la législation actuelle plusieurs obligations (et niveaux) d’intégration? dans la loi sur les étrangers (LEtr) => constats
l’«intégration» tend à devenir un des critères d’octroi ou de refus (de prolongation) de l’autorisation de séjour et/ou d’établissement
mais il faut rappeler que tout ce chapitre sur l’intégration compris dans la LEtr ne s’applique pas, comme la LEtr elle-même, aux ressortissants de l’UE et de l’AELE, qui sont au bénéfice des accords sur la libre circulation des personnes
d’autre part, il faut constater que nulle part n’est définie l’«intégration», pas plus que n’est défini le niveau d’intégration à atteindre pour l’obtention du permis de séjour et/ou d’établissement => une grande liberté d’appréciation de l’autorité compétente
la question peut cependant faire l’objet d’une «convention d’intégration», susceptible de concrétiser ces exigences
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L’intégrationL’intégrationdes étrangers dans la loides étrangers dans la loi
Sens et moyens de l’intégration? ambiguïtés diverses de l’idée plusieurs d’intégration
la notion même d’«intégration» est plurielle et elle n’a pas – et ne saurait avoir – le même sens et la même portée l’exigence d’«intégration» de la loi sur la nationalité est-elle – et peut-elle être
– la même que l’intégration qu’on peut attendre d’un étranger «ordinaire», ou d’un réfugié ou encore d’un requérant d’asile
il y aurait donc une sorte de gradation de l’intensité de l’«intégration exigible» même si l’on reste dans la loi sur les étrangers, le rôle de l’«intégration»
n’est pas dépourvu d’ambiguïté: l’«intégration» est à la fois conçue et comprise comme un objectif de la
politique migratoire mais aussi comme un «instrument» de cette politique, en ce sens que
l’«intégration» devient une exigence, le défaut d’intégration pouvant servir de critère de non-délivrance du titre de séjour («intégration - sanction»)
or, il n’est pas certain que les deux conceptions se marient aisément => cette ambiguïté se retrouve dans les «conventions
d’intégration» nature juridique? effets? sanctions?
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SynthèseSynthèse Constitution muette en matière d’intégration des étrangers loi prolixe en la matière => synthèse?
si le Tribunal fédéral a pu rendre les arrêts évoqués au début, où il est à chaque fois question d’intégration en lien avec la Constitution fédérale,
c’est parce que la Constitution exige notamment, pour restreindre les droits fondamentaux qu’elle garantit, comme la liberté religieuse ou l’interdiction des discriminations fondées sur la religion par exemple, l’existence d’une base légale, d’une loi
en d’autres termes, la loi, et elle seule, permet de restreindre les droits fondamentaux des individus
c’est ce qui explique que l’exigence d’intégration nouvellement posée par la loi sur les étrangers a pu conduire le Tribunal fédéral à considérer – contrairement à sa jurisprudence antérieure – que le refus d’accorder des dispenses des cours de natation obligatoires en classes mixtes était légitime et conforme à la Constitution fédérale
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… … et conclusionet conclusion
«L’assimilation n’est pas semblable à la naturalisation, mais la naturalisation est la condition préalable nécessaire à une assimilation efficace. …
L’Etat ne peut pas faire grand chose d’autre pour gagner à sa cause les étrangers établis, que d’en faire des citoyens suisses, et il commettrait une grande erreur s’il s’en abstenait.»
Walter Burckhardt, 1913
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