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Groupe de Lyon
Mise à jour :
Les populismes en Europe
Atelier Démocratie
Juin 2019
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Introduction
Aussi différents soient-ils, les mouvements populistes ont vu leurs scores dans les élections
nationales progresser ces dernières années, amenant même une partie d’entre eux à gouverner,
comme en Italie, en Pologne, en Grèce, en Autriche et en Hongrie. Les deux cartes ci-dessous1
illustrent cette poussée sur les dix dernières années. (2018, le Royaume-Uni ne prend pas en
compte le parti du Brexit).
En 2016/2017, notre atelier Démocratie a publié deux rapports sur la montée des populismes
en Europe et la montée du populisme en Pologne2. Depuis cette date, les populismes se sont
développés jusqu’à constituer à l’occasion des élections au parlement européen de 2019 une
menace pour l’Union Européenne et son fonctionnement. Aussi nous a-t-il semblé intéressant
de compléter les travaux de 2016/2017 par des notes originales ou des synthèses d’articles,
parus dans la presse ou sur Internet, sur quelques Etats membres de l’UE. Nous n’avons pas
considéré le Royaume-Uni car il est toujours censé quitter l’UE très prochainement, ni la France
que nous connaissons bien.
Les élections européennes se traduisent globalement par une montée des partis populistes et
eurosceptiques (voire europhobes), même si la déferlante annoncée n’a pas eu lieu. Le
Parlement européen est plus éclaté que le précédent, la domination du Parti Populaire Européen
et de l’Alliance progressiste des socialistes n’existe plus, l’alliance de quatre groupes politiques
semble probable pour constituer une majorité. Les Populistes ne semblent pas en mesure de
constituer une force d’opposition forte à cause de leurs divisions, mais ils auront certainement
un pouvoir de nuisance ; Il conviendra de suivre attentivement l’affiliation des partis populistes
et eurosceptiques dans des groupes politiques européens.
Dans ce qui suit nous présentons quelques éléments concernant 8 Etats membres suivants :
Populistes au pouvoir : Hongrie, Italie, Pologne, République Tchèque.
Autres pays : Allemagne, Autriche, Espagne, Suède.
D’autres pays auraient été intéressants à étudier car ils ont des partis populistes plus ou moins
influents : les Danemark et les Pays-Bas, la Finlande et les pays Baltes, la Slovaquie …
1 https://www.lejdd.fr/International/Europe/carte-dix-ans-de-montee-des-populismes-en-europe-3760283 2 Pages personnelles du site Internet de Poursuivre : http://www.poursuivre.fr/democratie/
2018
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Allemagne : la montée de l’AfD, Pegida reste marginal
L’AfD, une création récente, une croissance très rapide, mais des querelles de chefs
« Alternative pour l’Allemagne » (AfD) a été créé en 2013 par un professeur d’économie et de
hauts fonctionnaires retraités. Sa naissance coïncide avec la crise de la dette dans la zone euro
et son programme était à l'origine essentiellement économique. Pour l'AfD, la monnaie unique
divise l'Europe, empêche les pays du Sud d'être compétitifs en contraignant d'autres Etats,
comme l'Allemagne, à approvisionner des fonds de secours : l’Allemagne n’a pas à payer pour
la Grèce. Le parti prône une zone euro plus restreinte. Surprise, quelques mois après sa création,
l’AfD manque de peu son entrée au Bundestag et en 2014 fait élire avec 7% des voix 7 députés
au Parlement européen. Lors des élections régionales de mars 2016, l'AfD réalise une poussée
importante, obtenant des élus dans plusieurs parlements régionaux ; en particulier, en
Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, l’AfD obtient 21,4% des voix. En septembre 2017, elle
gagne 93 députés (sur 709) au Bundestag. Aux Européennes de 2019, l’AfD atteint ses objectifs,
avec 11% des voix et 11 sièges. Ces élections sont donc un succès pour l’AfD qui est cependant
loin de doubler son score de 2014 comme certains sondages le laissaient envisager. Dans 3
régions d’Allemagne de l’Est qui votent en septembre, l’AfD peut espérer plus de 20% des
voix ; elle connaît une poussée nettement plus forte que dans son fief d’origine, la Bavière.
L’AfD aurait actuellement un peu moins de 40 000 adhérents, mais beaucoup de sympathisants
et une force électorale bien plus puissante.
La carte électorale par parti pour les Européennes de 2019 montre que le pays reste toujours
divisé entre Est et Ouest, trente ans après la chute du Mur de Berlin : les écologistes ont fait
leur meilleur score dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest, tandis que les votes en faveur de
l’extrême droite ont été les plus forts dans l’ancienne République démocratique d’Allemagne,
la RDA ; la place forte d’AfD n’est plus Munich. On remarque qu’à Berlin, le vote AfD est
faible, alors qu’il est fort pour les Verts.
Vote AfD VoteVerts
Mais la croissance de l’AfD ne se fait pas dans la sérénité. Son fondateur est renversé lors du
Congrès de juillet 2015 et remplacé par Frauke Petry, jeune chef d’entreprise dynamique. C'est
elle qui, dans un contexte d'arrivée massive de migrants en Allemagne, a orienté la ligne du
parti vers des positions hostiles à l'immigration et à la politique migratoire de Mme Merkel.
Elle est favorable à un rapprochement avec le Front National. L'AfD tonne contre cette
immigration "complètement incontrôlée", et brandit la menace d'une "invasion islamique" dans
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un pays qui compte 5,4 % à 5,7 % de musulmans. Mais au sein de l’AfD, il n’y a pas de leader
politique unique, il y a cinq dirigeants. Chacun joue avec la provocation verbale et politique,
afin d’être présent dans les médias. Ainsi Frauke Petry a à son tour été contestée par les tenants
d'une ligne plus radicale, par des cadres n'hésitant pas à prôner la fin de la "repentance" pour
les crimes nazis, à se dire "fiers de ce que les soldats allemands ont accompli pendant la
Deuxième Guerre mondiale" et à multiplier les attaques contre les migrants et les musulmans.
Fauke Petry a renoncé à siéger avec les autres élus au Bundestag, et les élus au Parlement
européen se sont éparpillés entre plusieurs groupes politiques, et elle quitte l’AfD. Alice
Weidel, adhérente de la première heure très eurosceptique et intransigeante, émerge en 2018 et
devient la présidente du groupe AfD au Bundestag ; bien que vivant en couple avec une femme
d’origine Sri-lankaise, elle est très hostile à l’Islam qui selon elle est incompatible avec
l’Allemagne. Elle dirige de fait l’AfD avec Alexander Gauland grand défenseur de l’ex
Allemagne de l’Est et spécifiquement de la Saxe. Ce dernier devient de plus en plus clivant.
Idéologie de l’AfD, programme politique
Contrairement au Front national, l'AfD n'a pas cherché à se dé diaboliser et a, à l'inverse, adopté
une ligne de plus en plus radicale. Alexander Gauland compare Angela Merkel à un
« dictateur », l'immigration à une tentative d'échanger une population contre une autre, en
l'occurrence les migrants à la place des Allemands. Il exige que la ministre de l'Intégration soit
« éliminée », n'hésitant pas à employer un terme qui évoque de sinistres souvenirs sous le IIIe
Reich. Une autre fois, il a assuré que, si les Français peuvent être fiers de leur empereur et les
Britanniques de Nelson, de Churchill, les Allemands peuvent être fiers des performances de
leurs soldats durant seconde Guerre Mondiale. Un autre dirigeant, Höcke a qualifié le Mémorial
de la Shoah à Berlin de monument de la honte. Gauland a également assuré que le terrorisme
trouvait ses racines dans le Coran. Et pour Alice Weidel, l'Allemagne est devenue un refuge
pour les criminels et les terroristes du monde entier…
Mais il ne faudrait pas réduire l’AfD à ces extrêmes. Le parti a un programme politique très
développé et complexe, comme on peut le constater dans la présentation en français de ce
programme sur le site officiel de l’AfD3. Il garde depuis sa création une forte coloration
eurosceptique et réservée par rapport à l’Euro. Alice Weidel, ancienne banquière, apporte toute
sa compétence au développement d’une offre très libérale. La sortie éventuelle de l’Union
européenne est envisagée4, mais le parti reste prudent sur ce sujet car les Allemands restent très
majoritairement fidèles à l’UE.
Comme le Front national en France, la politique de communication du mouvement repose sur
des coups d’éclat médiatiques et joue sur le retard de développement des lands de l’est. Depuis
peu, le mouvement a adopté une stratégie offensive sur Facebook où d'après le « Spiegel », le
mouvement d'extrême droite AfD est la force dominante en Allemagne ; l'AfD est le
mouvement dont les posts étaient les plus partagés sur Facebook. Ces partages occupent environ
85 % de cet espace, laissant 15 % à l'ensemble des autres partis, du centre droit à la gauche et
les idées de l'AfD se retrouvent partagées, comme ses petites phrases : « Les Syriens vont
pouvoir faire venir en Allemagne leur deuxième femme », ou « Des cellules terroristes
démantelées, l'islam est une religion pacifique et les frontières sont grandes ouvertes. Nous ne
3 https://www.afd.de/grundsatzprogramm/#franz%C3%B6sisch , 104 pages 4 https://www.lemonde.fr/international/article/2019/01/14/allemagne-l-afd-envisage-une-sortie-de-l-ue-mais-pas-a-court-terme_5408770_3210.html
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tolérerons plus ces mensonges ». Mais la Justice pourrait s’en mêler : L’Office fédéral de
protection de la Constitution ouvre une enquête5 afin de déterminer si la principale force
d’opposition porte atteinte aux principes de l’Etat de droit, au vu de « déclarations
incompatibles avec le respect de la dignité humaine ». La décision annoncée mardi ouvre
potentiellement la voie à une « mise sous surveillance » de l’AfD. Dans un tel cas, le service
chargé du renseignement intérieur pourrait intercepter les télécommunications des membres du
parti, stocker des données personnelles, ou encore recruter des informateurs, et ce, en toute
légalité.
Pegida, un mouvement dangereux, mais encore marginal
À l’automne 2014, l’Allemagne voit surgir un mouvement contestataire d’extrême droite
Pegida, « Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident » (Patriotische Europäer
gegen die Islamisierung des Abendlandes), qui dramatise la question de l’immigration. Il est
créé par un personnage sulfureux, Lutz Bachmann, ancien braqueur condamné pour trafic de
stupéfiants qui dirige Pegida jusqu’à la fin janvier 2015 : à cette date le quotidien Bild publie
une photo où Bachmann apparaît déguisé en Adolf Hitler, ce qui provoque l'indignation de la
population, des médias et embarrasse Pegida ; il est alors expulsé. Ancré dans le Land de Saxe
en Allemagne orientale, Pegida est d’abord un phénomène local. Pegida organise des
manifestations monstres à Dresde qui réunissent pendant plusieurs semaines des dizaines de
milliers de manifestants, et suscitent des contre-manifestations. Il rêve d’exporter ses idées à
travers l’Europe et notamment avec le Front National en France ; l’AfD envisage de se
rapprocher de lui. En août 2018, après la mort d’un Allemand imputée à deux migrants,
plusieurs milliers de partisans de l’extrême droite avaient défilé, bras tendus pour certains, à
Chemnitz, à l’appel de Pegida et d’AfD ; malgré une forte présence policière, des heurts avaient
éclaté en marge des manifestations, tandis que des militants avaient scandé des cris ou des saluts
nazis. Et la même année, le quatrième anniversaire de la création de Pegida avait rassemblé des
foules à Dresde. Mais en définitive, Pegida pèse peu dans les élections ; par exemple aux
élections européennes de 2019 il recueille moins de 1% des voix. C’est l’AfD qui se renforce à
l’Est au détriment de Pegida.
Philippe de Montgolfier, 3 juin 2019
5 https://www.lemonde.fr/international/article/2019/01/15/allemagne-le-parti-d-extreme-droite-afd-dans-le-collimateur-des-services-de-renseignement_5409554_3210.html
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Autriche
L'Autriche actuelle a 100 ans cette année, comme ses voisins, nés du démembrement de
l'empire austro-hongrois au traité de Versailles. Elle fut un des membres fondateurs de l'AELE
(Association Européenne de Libre Echange) en 1960 et n'a intégré l'UE qu'au 1/1/1995
L'année 2017 connaît un véritable séisme avec la fin du gouvernement de coalition
Conservateur-social-démocrate au pouvoir à plusieurs reprises depuis 1945; la droite du parti
conservateur (OVP) alliée à l'extrême droite (FPÖ) remporte les élections en octobre.
Sébastien KURTZ (OVP) devient chancelier en décembre, à 31 ans et Heinz Christian
STRACHE (FPÖ) vice-chancelier à 48 ans
S.KURTZ n'est pas un novice politique: dès 2009 , il préside la branche jeunesse du parti
populaire. En 2011, dans le gouvernement de coalition, il est, à 24 ans, secrétaire d'état à
l'intégration, au ministère de l'Intérieur. Il fait passer une loi interdisant la burqa et une autre
coupant les subventions aux candidats à l'intégration afin de les inciter à trouver un travail. A
27 ans, il devient ministre fédéral de l'intégration, des affaires européennes et internationales.
Il est le plus jeune ministre des Affaires étrangères de l'UE.
Dans ces fonctions, il appelle à la fermeture des frontières autrichiennes et prône la fin des
négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE. Il est le seul ministre de l'UE à réclamer la fin de
ces négociations.
En mai 2017 à la tête du parti populaire (OVP), il met fin à la grande coalition.
Les élections d'octobre avec l'alliance du parti d'extrême droite (FPÖ) le portent à la
chancellerie en décembre. L'expulsion d'imans turcs en juin 2018 provoque une vive réaction
d'Erdogan, mais est saluée par l'opposition des sociaux-démocrates comme « la première
décision sensée du gouvernement.
Nouvelle force politique: l'Extrême Droite FPÖ
Parti de la Liberté avec JORG HEIDER (1950 – 2008) cadre dirigeant dès 1970, ultra nationaliste, pangermaniste, anti-européen et athée, soutenu par d'anciens nazis. Député fédéral en 1979, HEIDER devient président du FPÖ en 1986. Le parti passe de 250.000 voix à 1 million
En 1992 et remporte les élections en Carinthie dont Heider devient gouverneur. Le parti est
connu en Europe pour sa politique de défense nationale et ses propos minimisant le rôle de
l'Autriche dans la traque des Juifs pendant la guerre, ses campagnes islamophobes et anti
immigrés. Heider meurt dans un accident de voiture en 2008.
L'actuel vice chancelier Hanz Christian STRACHE est président du parti depuis 2005 et l'a
fait évoluer, le présentant aujourd'hui comme chrétien nationaliste, pour une Europe réformée
la progression du parti est significative : aux élections législatives de 2006 : 11% ; en 2008:
18% en 2017: 26%. L'électorat est jeune, le quart chez les 16-30 ans.
Le FPÖ détient 3 ministères depuis 2017: Intérieur, Défense, Affaires étrangères
Déclarations du FPÖ concernant l'immigration
Nous voulons pouvoir décider quel immigré peut vivre chez nous. Que notre patrie,
l'Autriche, reste un pays où il fait bon vivre avec tous ses atouts culturels
Pour les bénéficiaires du droit d'asile le revenu minimum garanti sera plafonné à 520 euros
mensuel. Le montant cumulé de revenu garanti par foyer sera plafonné à 1500 le FPÖ accusant
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les familles nombreuses d'immigrés de cumuler les prestations familiales.
Renforcer la démocratie directe: point commun des populistes européens. Le FPÖ prône la
tenue d'un référendum sur le modèle suisse: un minimum de 100.000 électeurs pourra lancer
une initiative législative à ratifier par le Parlement.
Les jugements sur l'Autriche sont nuancés et contrastés
«L'Autriche de S. KÜRZ tente d'inventer un populisme présentable » titre un article du Figaro
Actualité Internationale du 27/1/2019
Pour le politologue P. Moreau , KÜRZ est conservateur au niveau des valeurs, libéral sur le plan
économique il n'admire pas Orban
Pour Le MONDE KÜRZ est un soutien d'Orban
MEDIAPART, «Tenant de l'aile droite du camp conservateur et défenseur d'une politique
sécuritaire, considéré comme opposant à l'immigration en Europe ».
L'Autriche en mars 2019
Une situation économique et financière satisfaisante
Un PNB par habitant le 2ème d'Europe
Une croissance à plus de 2,7% et un chômage en dessous de 5%
Un équilibre budgétaire. Elle va présenter à Bruxelles son programme de stabilité et de
réformes
Juin 2019
Avec un score de 34,9 % à 35,4 %, l'ÖVP de Kürz progresse d'environ 8 points par rapport au
scrutin de 2014. Touché par le scandale de l'« Ibizagate » qui a conduit à son départ du
gouvernement, le FPÖ recule d'un peu plus de deux points à 17,2 %. Kurz entendait se maintenir
au pouvoir jusqu'aux législatives et incarner « la stabilité », il est renversé par le Parlement le
27 mai 2019.
NB un rappel de l'histoire récente
OTTO de HABSBOURG (1912-2011) fils du dernier et éphémère empereur d'Autriche (1916-
1919) fut un grand Européen. Il a siégé au Parlement Européen de 1979 à 1999 comme
représentant de la Bavière et fut président de l'Union Européenne Internationale. Jose Manuel
BAROSO lui a rendu hommage.
Thérèse Chavanne, mars 2019, révisé 3 juin 2019
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Espagne
L’Espagne n’a pas connu de parti politique clairement populiste pendant plusieurs décennies.
Mais, à la suite du mouvement des Indignés, un nouveau parti politique Podemos (Nous
pouvons) est créé par Pablo Iglesias en mars 2014 pour convertir l’indignation en changement
politique. Podemos dénonçait « la caste » politicienne garante des intérêts des oligarques, des
capitalistes et de la monarchie. Il s'agissait de mettre fin aux politiques d'austérité administrées
par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy depuis 2011, de lutter contre la corruption
qui touchait les principales formations espagnoles et de replacer l'être humain au centre des
préoccupations de l'exécutif. Le programme de Podemos mouvement d’extrême gauche, a des
accents anti-système et populiste, mais pas anti-immigration. Très vite il connaît une très
grande popularité et connaît des succès électoraux locaux et nationaux. Mais Podemos, qui avait
conquis en 2015 les plus grandes villes espagnoles avec les autres mouvements de gauche
radicale, a perdu depuis ces municipalités et essuyé une défaite humiliante dans les urnes,
victime de ses divisions. Il est passé de 67 sièges au Parlement en 2016 à 42 en 2019 et n’obtient
que 6 élus au Parlement européen en 2019 (contre 11 en 2014).
En réalité, un véritable parti populiste d’extrême droite aux accents nationalistes et
Franquistes, Vox, est créé dès 2013 par Santiago Absacal, avant donc la création de Podemos.
Son programme : l’expulsion des immigrés illégaux, l’interdiction de l’enseignement de
l’Islam, la lutte contre les homosexuels, la fin des subventions aux organismes féministes, la
suppression des parlements régionaux … Il ne décolle pas dans l’opinion jusqu’à la tentative
de sécession de la Catalogne. Les positions de Vox et les discours d’Absacal contre la sécession
de la Catalogne et du Pays Basque lui ont permis d’avoir pour la première fois des élus en
Andalousie l’an dernier (11% des voix), puis d’obtenir 24 élus aux élections législatives
espagnoles de 2019 ; c’est un tremblement de terre dans la mesure où l’extrême droite n’était
plus représentée depuis la chute de Franco. Aux élections européennes, Vox a obtenu 6,20%
des voix, et 3 élus (0 en 2014).
Maurice Tron et Philippe de Montgolfier, 6 juin 2019
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La Hongrie entre 2014 et 2019
L’évolution de la Hongrie et la conceptualisation par Viktor Orban (au pouvoir depuis
2010) de la démocratie illibérale
L’évolution de la Hongrie entre 2014 et 2019
La Hongrie connaît le plein-emploi. Le chômage est de 4% aujourd’hui au lieu de 7,7% en
2012. Cela s’explique par l’expatriation de 600 000 Hongrois sur une population de 11 millions
d’habitants. Par ailleurs, la natalité est en baisse (1,49 enfants par couple).
Viktor Orban n’a pas cessé de remettre en cause l’équilibre des pouvoirs :
- il a limité le nombre de religions autorisées en insistant sur les origines chrétiennes de
la Hongrie,
- entravé le pluralisme de la presse en rachetant des journaux par l’intermédiaire de
banques sous contrôle,
- réformé le système judicaire par la mise à la retraite de juges remplacés par des affidés,
- modifié la loi électorale,
- criminalisé les SDF,
- lutté contre les migrants dont il a interdit l’accueil en Hongrie.
- Enfin, en janvier 2019, la loi dite esclavagiste et autoritaire a imposé de travailler 400
heures par an au lieu de 250. Les 150 heures supplémentaires ne seront payées que dans
3 ans. Cela a fait descendre dans la rue de nombreux Hongrois.
Le FIDESZT, parti de Orban, a perdu 3 points de popularité mais reste à 32%, loin
devant les partis d’opposition.
La démocratie illibérale ou illibéralisme
Orban théorise cet oxymore qui retient l’attention à la fois des mouvements populistes d’Europe
et des pays de l’ex URSS devenus européens. Ils sont au nombre de 11 ; ce sont la Pologne (de
Kazinski), la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Tchéquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie,
la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie (auxquels vient de se rajouter l’Italie). Ils ont adhéré à
l’OTAN et veulent davantage de pouvoirs nationaux. Avec l’Italie, Ils représentent 160 millions
d’habitants pour une population européenne, en 2018, de 512 millions d’habitants. Toutefois,
la Slovaquie vient d’élire une présidente non populiste et son premier ministre est de centre-
gauche.
Le groupe de Višegrad est composé initialement de 4 états : la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie
et la Slovaquie. Ce groupe est désireux de modifier l’Europe pour plus de souveraineté
nationale, il est anti-immigration et s’est opposé à la modification de la directive travailleurs
votée par le Conseil européen. Les 7 autres pays se joignent au groupe de Višegrad suivant leurs
intérêts pour les dossiers mis au vote du Conseil par la Commission.
Les pays qui ont été sous le joug de la Russie comme la Pologne - qui par ailleurs n’a pas existé
pendant 130 ans - craignent la disparition de la nation. En effet le libéralisme prône le retour à
une régulation minimale de l’économie et de la société par l’état. Il détricote le système social
socialiste soviétique (couverture sociale universelle, emploi pour tous et retraite). Les plus
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vieux ont une certaine nostalgie ancrée même si le système était loin de les satisfaire. A cela
s’ajoute une spectaculaire crise démographique, l’exode des plus jeunes (les plus instruits, les
plus entreprenants s’en vont) qui fait disparaître la solidarité intergénérationnelle. La critique
des élites, au sens des populistes, ainsi que les origines chrétiennes sont instrumentalisées. Le
peuple a alors le sentiment que le système démocratique et libéral existant aujourd’hui ne
permet pas de satisfaire les demandes légitimes du plus grand nombre à mener une vie normale
à l’occidentale. Il faut donc un nouveau système : la démocratie illibérale. Elle passe par la
réhabilitation du patriotisme. En 2018, Orban déclare : « seules les nations indépendantes
peuvent suivre leur propre chemin ». En renforçant le pouvoir de l’état-nation, en supprimant
les corps intermédiaires et les contrepouvoirs, il satisfait son ego et le peuple a l’illusion d’être
pris en charge par son chef et par l’état. La démocratie directe s’installe à la place de la
démocratie représentative pour « aboutir à une dictature des passions », comme dit Jean-Yves
Camus.
A la pluralité constitutive de la démocratie et avec la disparition des solidarités associatives, se
substitue un individualisme tout puissant. Viktor Orban souhaite rester dans une Europe dont il
a besoin pour sa sécurité par rapport à la Russie pour la repenser de l’intérieur suivant ses
critères.
Cependant l’organisation actuelle de l’Europe n’est pas compatible avec cette approche et le
PPE majoritaire a exclu pour une période indéterminée le FIDESZT de son rassemblement. Il
a nommé un collège d’experts qui donnera ses conclusions à l’automne sur la compatibilité de
la Hongrie avec les principes européens. Le PPE n’avait pas une majorité pour exclure
définitivement le FIDESZT.
A cela, aujourd’hui s’ajoute la querelle entre Orban et le milliardaire Soros (82 ans) qui fut son
mentor pour lui permettre de faire ses études en Occident. L’université libre d’Europe créée par
Soros et installée à Budapest a été obligée de déménager à Vienne, soupçonnée de soutenir et
d’organiser « l’invasion des migrants » en Europe.
L’Italie de Salvini et de la Ligua ainsi que la Hongrie de Orban souhaitent un résultat favorable
aux élections de mai 2019 qui leur permettrait, avec les partis populistes, d’être faiseurs de roi
dans le Parlement européen.
En conclusion, pour moi, il y a une réelle menace stratégique et conceptuelle menée par Orban
face à une Europe qui se cherche. Elle voit monter des populismes porteurs de ce concept alors
qu’elle prône une démocratie obligatoirement plurielle et faite de compromis.
Jean-Marie Pithon, avril 2019
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Mise à jour de l'étude du populisme en Italie depuis 2017
Depuis février 2014 l'Italie est gouvernée par Matteo Renzi, démocrate qui met en place une
réforme fiscale, lutte contre la corruption et organise un referendum constitutionnel visant à
supprimer le pouvoir exécutif du sénat et diminuer le pouvoir des régions. L'échec de ce
referendum entraîne sa démission le 7 décembre 2016.
L'Italie est alors un pays malade, vieillissant, où l'économie est en difficulté et la démocratie
représentative gravement malade. La dette est à 130 % du PIB, avec la politique de rigueur la
croissance est ralentie et la redistribution des richesses vers le Sud pauvre se fait de plus en plus
mal. Les conditions sont réunies pour l'ascension rapide de deux partis populistes et leur victoire
à l'élection présidentielle du 4 mars 2018 qui verra l'élimination des démocrates et de Forza
Italia de Berlusconi.
Un parti : la Ligue du nord dirigée par Matteo Salvini implanté au Nord remporte 17% des
voix. C'est un parti nationaliste, populiste de droite, raciste et xénophobe.
Un mouvement : 5 étoiles de Beppe Grillo, au sud d’une ligne Rimini-Naples mené par Luigi
di Maio le précède avec 32,6% des voix.
C'est un populisme qui ne se dit ni de gauche, ni de droite. Attrape-tout et inclassable.
C’est donc un gouvernement des deux populismes arrivés en tête qui s’installe, alliance
improbable fondée sur un malentendu idéologique. Ces mouvements et partis anti-système, aux
visions politiques instables et contradictoires, sans expérience dans l’administration de la res
publica, arrivent au pouvoir et s’apprêtent à gouverner,
Les deux partis ont tous les traits du populisme : anti-système, se méfiant des élites, aux
analyses simplistes, aux discours démagogiques. Le peuple souverain est tout puissant.
L'émotion et les peurs sont fréquemment sollicitées.
Leurs dirigeants.
Matteo Salvini, vice-président et ministre de l’Intérieur est un homme dont l'ambition est de
prendre la tête des partis nationalistes en Europe. Il aime se présenter comme un homme du
peuple, vivant comme l'italien moyen. Avec la violence de ses discours et ses revendications
sécuritaires il provoque volontiers et cherche à occuper le devant de la scène. Il incarne l'homme
providentiel.
Comme tout populiste, il a besoin d'ennemis, ce seront Roberto Saviano (journaliste et cinéaste
anti-mafia) en interne et E. Macron sur la scène européenne.
Luigi di Maio, vice-président et ministre du Développement économique, du Travail et des
Politiques sociales est jeune, peu brillant et sans expérience. Plus que raciste, il est surtout
dégagiste. Lui aussi souhaite rester dans l'Europe. Plus que la lutte des classes, il est pour la
lutte des castes. Il est davantage préoccupé par le social, prône en particulier les baisses
d’impôts et souhaite instituer un revenu universel. Il veut une démocratie participative, changer
les traités de l’UE et monétaire.
Président du conseil : Giuseppe Conte, proche du M5S mais sans étiquette politique, Professeur
de droit privé.
Enfin, président de la République, Sergio Mattarella, homme de gauche catholique, élu par les
deux Chambres réunies jouit d'un large pouvoir. Ainsi, il peut refuser tel ou tel candidat à la
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présidence du Conseil. Tel ou tel ministre. Il a aussi le droit de ne pas contresigner une loi qui
n'aurait pas, selon lui, une couverture financière adéquate. Il donne enfin le "la" sur la politique
étrangère et la Défense qui restent ses domaines réservés.
Les points communs entre la ligue du Nord et M5 portent essentiellement sur l'euroscepticisme
et la question migratoire.
Euroscepticisme
L’Europe adversaire idéal. Reposant sur la négociation et la norme, son pouvoir est par nature
mesuré, dilué, moins identifiable qu’un leadership national. L’Union européenne est ainsi
naturellement devenue la cible incarnée d’un « dégagisme ultime », libérant les classes
moyennes européennes des entraves qui font leur déclin.
Ainsi, le vice-Premier ministre italien, Luigi Di Maio, a confirmé que la majorité parlementaire
rejetterait l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, remettant ainsi en
question son existence même.
«Etre ici, pour moi, signifie revendiquer un peu de souverainisme sain. Si tu t'occupes de
produits italiens sur le marché, tu cherches à les défendre. [...] Nous devons défendre l'Italie et
l'économie italienne », a poursuivi Luigi Di Maio.
L'immigration : l’Italie est un pays d’arrivée des migrants et a dû faire face à une crise
migratoire et humanitaire de grande ampleur ces dernières années. Environ 600.000 migrants
en provenance de Libye, suivant les accords de Dublin, sont enregistrés sur place et doivent y
faire leur demande d’asile. Afin de soutenir l'Italie, l'Union européenne a mis en place un plan
de relocalisation des réfugiés. Mais cette solution s'est avérée être un échec, la pression est forte,
et devant le manque de solidarité européenne, un ressentiment et un sentiment d’abandon se
sont accrus.
La fermeture de la frontière de Vintimille entretient une mésentente avec la France.
Des désaccords cependant : Salvini, plus radical veut fermer les ports, expulser les clandestins
alors que di Maio cherche la négociation avec l’Europe
Beaucoup d’autres désaccords dans plusieurs domaines, à commencer par la politique
économique. Logiquement, parce que les partis jouissent du soutien d'électorats totalement
différents: pour les Cinq étoiles, celui du Sud pauvre et faiblement industrialisé; pour la Ligue,
celui du le Nord prospère et industrialisé. Aucun des deux partis de l'alliance – ne veut renoncer
aux mesures-phares qui lui ont permis de remporter les élections.
Le M5S a fait du « revenu de citoyenneté » son étendard. La Ligue ne renoncera pas à la « flat
tax », une taxation unique de 15 % des revenus. M5S et Ligue sont d'accord pour avancer l'âge
de départ à la retraite. L'addition totale est évaluée à une fourchette allant de 60 à 100 milliards
par an… Trop pour un pays dont la dette publique est de 132 % du PIB, la plus élevée en Europe
après celle de la Grèce. Il faudra faire des compromis.
Les chefs des deux partis au pouvoir s’opposent sur la construction de la liaison TGV Lyon-
Turin.
Qu’en est-il actuellement du fonctionnement de cette alliance ?
- Les fractures sont de plus en plus visibles.
M5 se range maintenant du côté de l’Europe, de l’euro, de l’Alliance Atlantique,
Matteo Salvini s’affiche grand admirateur de Vladimir Poutine et de Victor Orbàn.
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Dans les domaines de la politique européenne, le président Mattarella a dénoncé jeudi « le
souverainisme qui trompe les opinions publiques » et exalté la monnaie unique « plus haute
expression de la solidarité entre les pays de la zone euro. »
- Le rapport de forces s’inverse, M5 décroche de sa base cf les élections régionales dans les
Abruzzes du 10 février 2019-les déboires des maires de Rome et de Turin.
- Le budget présenté à la commission européenne a été refusé. Les ministres des finances de la
zone euro ont demandé à l'Italie de modifier son projet de budget 2019 du fait d’un déficit trop
important et de la dette du pays, et de respecter les règles budgétaires de l’Union européenne,
mais Rome a campé sur ses positions, disant qu’elle maintiendrait ses projets. Mais depuis elle
a été obligée de se rallier à la position de l’UE.
- Alors que l'alliance populiste au pouvoir se fissure doucement, le retour en récession de
l'économie transalpine pourrait accélérer sa décomposition.
66 % des italiens ne sont pas d’accord avec leur gouvernement et ont manifesté le 10 février
2019 pour dénoncer la politique économique et sociale.
- Surenchère électoraliste en ce qui concerne le conflit avec la France. Revendications : fin des
reconduites à la frontière entre la France et l’Italie mais aussi des tracasseries contre les
travailleurs frontaliers, et retour d’« une quinzaine » d’anciens militants d’extrême gauche des
années de plomb « qui ont été condamnés mais mènent la belle vie en France ».
La coalition pourrait exploser.
Marie-Françoise Cotte et Bernadette Husson, 1er Avril 2019
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La Pologne et l’Europe : quelques éléments d’information
Un sentiment populaire pro-européen, mais …
87% des Polonais considèrent que leur pays bénéficie de son appartenance à l’UE, ce qui est
très important, et 51% se disent intéressés par les élections européennes et pensent aller voter
(contre 24,5% pour le score le plus haut de 2009). Mais cela ne signifie pas qu’ils approuvent
la politique de l’UE sur le long terme.
Les Polonais sont un peuple fier qui souhaite garder son identité. Sans être individuellement
opposés aux Migrants, ils ne souhaitent pas que leur société devienne multiculturelle. Ils ont le
sentiment d’être un grand peuple pas assez respecté. Ils sont favorables à la libre circulation en
Europe et ne veulent pas la voir limitée, par exemple pour les travailleurs détachés. Une partie
d’entre eux souffre des disparités de développement entre les grands centres urbains et les villes
moyennes et les régions rurales. Sur le plan social, malgré une pratique religieuse en forte chute,
la majorité reste attachée aux valeurs liées à la famille, même si une minorité plus libertaire se
manifeste de plus en plus.
Le gouvernement actuel et sa politique
Après avoir été gouvernée pendant huit ans par un gouvernement de coalition associant les
libéraux de la Plateforme civique (PO) aux agrariens du Parti populaire (PSL), la Pologne a
donné en 2015 la majorité absolue des sièges à la Diète et au sénat au parti conservateur,
social et souverainiste « Droit et justice » (PiS, présidé par le sulfureux Jarosław Kaczyński).
Le gouvernement présidé par Andrzej Duda et son premier ministre Mateusz Morawiecki, va
mener une politique sociale d’envergure très appréciée, mais aussi prendre des réformes
successives pour mettre la main sur la justice (Tribunal constitutionnel, compétences du
procureur général, Tribunaux ordinaires, Cour Suprême, Conseil Supérieur de la Magistrature)
en partie contraire au droit européen. Le Conseil européen et la Commission européenne (avec
l’appui de la Cour de Justice de l’UE) ont entamé une procédure d’infraction (pouvant aller à
la suspension du droit de vote de la Pologne et à la diminution des financements de cohésion)
pour non-respect de l’indépendance de la Justice, concernant la loi sur les tribunaux de droit
commun et sur la loi relative à la réforme de la Cour suprême ; cela a été efficace et a conduit
le gouvernement à modifier un projet de loi.
Le PiS est un parti populiste, nationaliste attaché à la souveraineté nationale, eurosceptique
très critique sur « Bruxelles » et le fonctionnement de l’UE. Il prône le renforcement du Conseil
au détriment de la Commission. Il cherche à créer un contre-pouvoir aux dirigeants Français et
Allemands (voir plus loin). Sur le plan de la défense il veut un renforcement de la défense
européenne tout en s’appuyant à fond sur Trump et sur l’Otan. Il craint très fortement la Russie.
Sur le plan sociétal il prône les valeurs chrétiennes traditionnelles, s’efforce de prendre appui
sur l’Eglise catholique et rejette l’Islam. On constate une régression du droit des femmes, le
refus de l’avortement et des mariages homosexuels.
Immigration et Islam. Le gouvernement est fermement opposé à l’immigration, et tout
particulièrement à celle des Musulmans. C’est un élément fondamental de sa politique et il
cherche à monter la population contre l’immigration, mettant en avant un soit disant risque de
perte d’identité et de culture nationale chrétienne. En 2015-2016, il a refusé le plan européen
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de relocalisation en Pologne de demandeurs d’asile, et depuis il refuse d’accueillir tout nouvel
arrivé en provenance d’Italie, de Grèce ou d’Espagne. Or objectivement le problème de
l’invasion par les Musulmans ne se pose pas. En 2017, sur une population totale de 38 millions
d’habitants, il y a eu 620 000 Etrangers venant d’en dehors de l’UE, dont 500 000 Ukrainiens
et Biélorusses (orthodoxes) et par exemple seulement 7 700 Turcs. La contradiction est
d’autant plus forte que la Pologne manque de main d’œuvre, en partie à cause du départ de
nombreux jeunes. Le Gouvernement a donc, sur la demande du monde économique et sans
publicité intérieure, favorisé la venue légale de travailleurs ukrainiens, puis Philippins et très
récemment du Bengladesh.
Quelques données économiques
La Pologne est en excellente santé. Le PIB (en prix courants, 2017) s’élève à 465,60 Mds€ et
le PIB par habitant à 12 100 €. Quelques autres chiffres : Croissance (2017) : 4,6 %, Chômage
(2017) : 5,0 %, Inflation (2017) : 1,6 %. Le solde budgétaire et la balance commerciale sont
tous deux positifs. La Pologne est un pays développé et sain. Il bénéficie très largement des
financements européens (le premier des Etats membres, 100G€ sur la période 2014/2020). De
plus il bénéficie de l’apport financier des travailleurs détachés, a freiné l’adoption de la nouvelle
directive sur des travailleurs détachés et obtenu l’exclusion du domaine des transports routiers.
Un problème important pour la Pologne est l’indépendance énergétique. La Pologne roule au
charbon. C’est un des pays qui émet le plus de CO2 -7,69 tonnes par habitant- supérieur de 75%
à la moyenne mondiale et 22% à celle de l’UE. La Pologne est donc en contradiction avec les
objectifs de réduction de la pollution adoptés au niveau européen. Le charbon est la richesse
nationale déclare le gouvernement et il n’entend pas réduire sa consommation, bien au
contraire ; les réserves de houille et de lignite pourraient couvrir les besoins du pays pendant
150 ans. 81% de l’électricité est produite à partir du charbon. Le reste provient du gaz et du
nucléaire et de l’éolien. La Pologne ne dispose pas assez de gaz et s’approvisionne par navires
près de la Russie, du Qatar et du Nigéria. La Pologne envisageait en 2011 de se doter de deux
centrales nucléaires de 3 000 mégawatts chacune d'ici à 2024 ; le programme a pris du retard et
la première centrale devrait être opérationnelle en 2024, la seconde en 2035. Quant au parc
éolien, il a peu de rendement, et le PiS freine son développement. Ce problème a conforté la
Pologne dans sa recherche de coopérations régionales.
Le Groupe de Višegrad et l’Initiative des 3 mers
Le Groupe de Višegrad (ou V4) est une enceinte de concertation de 4 membres de l’empire
Austro-Hongrois (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie.) qui ont dès 1991 décidés de
préparer ensemble leur adhésion à l’OTAN et à L’Union européenne. Ils continuent depuis à
essayer de peser ensemble sur la politique de l’UE en faisant contrepoids aux membres
fondateurs. Ils discutent aussi d’enjeux économiques, et, sur l’initiative de la Pologne, ils ont
réuni dans l’Initiative des 3 mers, douze pays membres le long d'un axe nord-sud de la mer
Baltique à la mer Adriatique et la mer Noire : l'Autriche, la Bulgarie, la Croatie, la République
tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie
et la Slovénie. Tous, sauf l’Autriche, ont connu la dictature communiste, et disent qu’ils ne
veulent pas subir la « dictature de Bruxelles ». Cette alliance des 3 mers est considérée par les
pays participants comme complémentaire et non concurrente de l’UE, mais en réalité elle l’est.
Le premier axe de coopération envisagé concerne l’indépendance énergétique et la connexion
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des réseaux de transport et les ports. Un deuxième axe étudié est la création d’infrastructures
routières nord-sud.
Les tentatives de regroupement des populistes européens
Le PiS participe activement aux tentatives de regroupement des partis populistes et nationalistes
anti-immigration européens. Mais les divergences entre ces partis, notamment sur
l’immigration, vont probablement empêcher la création d’un groupe politique puissant au
Parlement européen.
Un nouvel acteur en Pologne
La Coalition européenne, rassemblement de 5 partis opposés au PiS, faisait dans les sondages
quelques jours avant l’élection européenne, jeu égal avec le PiS. En réalité elle a été largement
distancée par le PiS. Survivra-t-elle aux élections européennes et arrivera-t-elle à supplanter le
PiS aux élections législatives de novembre 2019 ? Ce serait un tournant majeur.
Bernadette Bovagnet et Philippe de Montgolfier, avril 2019
Pour en savoir plus :
Présentation de la Pologne et régime politique
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/pologne/presentation-de-la-pologne/
https://www.touteleurope.eu/pays/pologne.html
https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Pologne-sinstalle-populisme-2017-05-19-
1200848555
Démographie et politique migratoire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_de_la_Pologne
https://archiwum.mpips.gov.pl/analizy-i-raporty/cudzoziemcy-pracujacy-w-polsce-statystyki/
(ministère polonais du Travail)
https://www.lesechos.fr/monde/europe/le-grand-ecart-de-la-politique-migratoire-polonaise-
961192
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E » »
République Tchèque
Le parti ANO et son président
Le parti ANO, qui signifie "oui" en tchèque, c'est l'acronyme d'Action des citoyens mécontents.
Il a été créé en 2011 par Andrzej Babis qui est entré en politique en surfant sur le désaveu des
partis traditionnels. Comme dans d’autres pays d’Europe centrale, on constate un repli
identitaire, le sentiment que la prospérité européenne est trop loin, que la marche forcée vers la
zone euro est trop dure et que le devoir de solidarité, notamment sur les migrants ou face à la
menace russe, est trop contraignante.
Andrej Babis manie un discours anti-élites, sur fond de scandales de corruption, en faisant
également commerce de la peur, avec une rhétorique anti-migrants très éprouvée. M. Babis est
un magnat de l'agroalimentaire, de la chimie, des médias, avec son tentaculaire groupe Agrofert
comprenant plus de 200 entreprises. Il gagne les législatives de 2017 et devient Premier
ministre, alors qu’il avait perdu le ministère des finances plus tôt dans l’année à cause de
transactions douteuses.
Pour lui, hors de question de sortir de l'Europe. Il veut surtout en changer les règles dans un
sens plus libéral. Il est contre le "carcan bruxellois" et pour une Europe de libre-échange. Il
incarne plutôt le populisme entrepreneurial. Il est aussi très libéral sur des questions de société,
favorable notamment au mariage des couples homosexuels.
ANO arrive largement en tête des élections européennes de 2019 avec 21,72 % des suffrages
exprimés et obtient 6 sièges (+2) sur 21 ; il est le premier parti du pays. A quel groupe politique
participera ANO ? Rien n’est joué car M. Babis est jugé peu recommandable, étant toujours
soupçonné de fraude aux subventions européennes.
Éléments d'actualité de l’ambassade de France à Prague6
Situation économique
Avec 4,4 % de croissance et un taux de chômage de 2,9 %, l'économie tchèque est dynamique et les
finances publiques sont saines. Ces performances doivent beaucoup au poids (38 % duPIB) d'un secteur
industriel compétitif et fortement intégré aux chaînes de sous-traitance de l'appareil productif
allemand (secteur automobile, construction mécanique). Elles ont motivé la décision de la banque
centrale tchèque en avril 2017 d'abandonner le cours plancher de la couronne (27 CZK pour 1 EUR),
qui s'est appréciée depuis.
Certaines évolutions pourraient cependant compromettre la pérennité de ce modèle. La République
tchèque, alors qu'elle est l'un des principaux bénéficiaires de la politique régionale de l'Union
européenne, souffre en effet de l'insuffisance des investissements publics, en raison de nombreuses
irrégularités dans la gestion des fonds structurels et d'un taux d'absorption parmi les plus bas
d'Europe. Elle devra parvenir rapidement à maintenir sa compétitivité en assurant la montée en
6 https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/republique-tcheque/presentation-de-la-republique-tcheque/
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gamme de son industrie, afin de compenser la hausse prévisible des salaires liée à une démographie
atone et une situation de quasi plein emploi. Elle devra en outre mener à bien sa nécessaire
transition énergétique charbon conservant encore la première place dans son bouquet énergétique.
<,
Politique européenne
La République tchèque est entrée dans l'Union européenne le 1er mai 2004 (77,3 % de «oui» au
référendum de juin 2003), et dans l'espace Schengen en 2007. Prague a exercé la présidence du
Conseil de l'Union européenne au 1er semestre 2009, au cours de laquelle fut lancé le Partenariat
oriental (sommet du 7 mai 2009 à Prague).
Europe de la défense: dans le cadre des réflexions sur l'avenir de l'Union européenne, la
République tchèque est favorable au renforcement de l'Europe de la défense. Elle consacre 1 %
de son PIB à la défense. Le 14 novembre 2016, les ministres des Affaires étrangères français et
tchèque ont publié une tribune commune sur l'autonomie stratégique de l'Europe. Prague a
accueilli une conférence européenne sur ce thème le 9 juin 2017. La République tchèque a été
l'un des premiers Etats à rejoindre la coopération structurée permanente (CSP).
Elle participe à trois projets et est observatrice dans le cadre de trois autres. Le gouvernement
tchèque, après des réserves initiales liées à son souci de préserver son tissu industriel,
essentiellement composé de PME dans le domaine de l'armement, soutient également le Fonds
européen de défense.
Adoption de l'euro : M. Babis, ainsi que la classe politique tchèque dans son ensemble, fait de la
consolidation de la zone euro un préalable à l'adoption de la monnaie unique, bien que la
République tchèque respecte l'ensemble des critères requis.
Réfugiés: la République tchèque s'oppose à la mise en place d'un mécanisme permanent et
obligatoire de relocalisation des réfugiés et a voté contre la relocalisation de 120000 réfugiés
adoptée par le Conseil de l'Union européenne le 22 septembre 2015. Elle met l'accent sur le
renforcement de la protection des frontières extérieures de l'Union européenne et a soutenu la
création de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Elle n'a accueilli que
12 réfugiés relocalisés depuis la Grèce et l'Italie (sur 2691 prévus) et 50 réinstallés depuis le
Liban et la Jordanie (sur 400 prévus). Elle a annoncé en juin 2017 qu'elle suspendait la mise
en œuvre du programme de relocalisations. M. Babis, et surtout M. Zeman, rappellent
régulièrement leur hostilité concernant la relocalisation des réfugiés, insistant sur l'importance
du renforcement des frontières extérieures de l'Union européenne. La Commission
européenne a formé devant la Cour de justice de l'Union européenne un recours contre la
République tchèque (ainsi que contre la Hongrie et la Pologne), le 7 décembre 2017.
Politique régionale : la République tchèque est un bénéficiaire important des fonds
structurels, avec une enveloppe de près de 24 milliards € allouée pour la période 2014-2020.
Elle sera contributeur net dans le futur budget de l'Union européenne post-2020.
Travailleurs détachés et paquet mobilité : initialement réticente, la République tchèque a
voté en faveur de la révision de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs lors du
Conseil EPSCO du 23 octobre 2017. Elle a voté pour lors du vote sur le paquet mobilité au
Conseil TTE du 3 décembre 2018.
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Politique étrangère
Jusqu'à présent, la diplomatie tchèque s'est caractérisée par un ancrage consacré à la relation
transatlantique, à la diplomatique économique ainsi qu'aux droits de l'Homme.
OTAN: la République tchèque fonde sa sécurité sur son appartenance, depuis 1999, à
l'Alliance atlantique. Elle s'est engagée à accroître son budget de défense pour atteindre 1,4%
du PIB en 2020 et 2% en 2024.
Russie: la République tchèque soutient le Processus de Minsk et le maintien des sanctions
tant qu'il n'aura pas été mis en œuvre. Le président tchèque s'est rendu en Russie du 20 au 24
novembre 2017, et à rebours de la position du gouvernement tchèque, a notamment rappelé
son opposition aux sanctions contre la Russie.
Ukraine : la République tchèque défend l'intégrité territoriale de l'Ukraine et lui apporte une
aide matérielle via le groupe de Višegrad.
Solange Bonnefoy, avril et juin 2019
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Suède
Les Démocrates de Suède (SD), parti créé en 1988 par un ancien militant d'un parti ouvertement
néonazi, rassemble initialement divers groupuscules d'extrême droite et reste confidentiel
jusqu’au début des années 2000. Le parti se rapproche d'autres partis nationalistes européens
dont le FN (F) et le FPÖ (Au).
Sous la direction du jeune Jimmie Åkesson, le parti se transforme : il s’est débarrassé de ses
liens avec les néonazis et il est devenu un parti nationaliste anti-immigration et eurosceptique
qui ne remet pas en cause l’organisation démocratique du pays et l’Etat-providence.
Elections après élections, leur score ne cesse de croître, pour frôler les 18% aux élections
législatives de 2018. Aux Européennes de 2019 ils atteignent 16,9% des voix, et se placent en
troisième position, alors qu’ils n’avaient que 9,5% en 2014.
D’où vient ce succès ? Dominique Reynié souligne7 qu’il vient en très grande partie de la très
forte progression de la population non occidentale qui est passée entre 1982 et 2018 de 2% à
15%.
« Outre la générosité et l’optimisme foncier dont elle a fait preuve, la Suède a fait
beaucoup pour l’intégration des migrants, dans le domaine du logement, de l’éducation
et de la formation. Ces efforts, non sans effets, laissent cependant de côté des pans
entiers de la société suédoise. Et on a vu apparaître, dans certains quartiers où la
population d’origine immigrée est dominante, de nouvelles formes de criminalité. »
« Le fossé culturel entre les valeurs et le mode de vie suédois (égalité hommes-femmes,
liberté sexuelle, liberté vestimentaire, etc.) et celles des populations issues des pays non
occidentaux était probablement trop important. Progressivement, le consensus suédois
s’est fissuré. Les Suédois ont le sentiment que leur modèle ne fonctionne plus. »
« On a confondu la volonté d’accueillir, exprimée et mise en œuvre par les
gouvernements successifs, et les souhaits d’une partie grandissante de la population
suédoise de faire une pause. »
En définitive, le Gouvernement et les Intellectuels ont laissé aux Démocrates de Suède le
monopole de la question migratoire jusqu’en 2018.
Le succès moins important que prévu des Démocrates de Suède aux élections européennes de
2019 est sans doute dû aux mesures restrictives en matière d’immigration prises par le
gouvernement en 2018. On peut donc constater, pour les politique migratoire, un pouvoir
d’influence des Démocrates de Suède sur le parti au pouvoir.
Philippe de Montgolfier, 3 juin 2019
7 http://www.fondapol.org/dans-les-medias-fr/pourquoi-le-populisme-progresse-en-suede-tous-les-facteurs-etaient-reunis/