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- 1. ArticleContes de lintelligence et de la ruse. Du
conte-nouvelle lanecdote factieuse Josiane Bru Rabaska: revue
dethnologie de lAmrique franaise, vol. 6, 2008, p. 7-20.Pour citer
cet article, utiliser ladresse suivante
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September 2011 12:14
- 2. tude Contes de lintelligence et de la ruse. Du
conte-nouvelle lanecdote factieuse1 JOSIANE BRU LISST-Centre
danthropologie sociale Universit de Toulouse II [] Caen dentro de
la esfera de los jocosos buena parte de los llamados cuentos
romnticos, que son frequentemente en Espaa por lo menos puras
demonstraciones de agudeza (acertijos, enigmas, engaos). Maxime
Chevalier2Dans lintroduction au catalogue franais des
contes-nouvelles, Marie-LouiseTenze souligne la difficult quil y a
dfinir cette catgorie, dont lexistenceet la place dans la
classification internationale apparaissent intuitivementjustifies.
Les contes qui y sont classs sopposent aux contes merveilleuxpar
labsence de rfrence au monde surnaturel. Mais la platitude du
mondestrictement humain dans lequel voluent leurs hros prend un
singulier relieflorsque lon considre lacuit intellectuelle, la
lucidit, avec laquelle ilsagissent. Aussi ne stonnera-t-on pas des
glissements qui ont t oprsdans le passage de lAarne-Thompson
lAarne-Thompson-Uther, entrecontes-nouvelles et contes factieux.
Leur rattachement lune ou lautre deces deux catgories ne tient-il,
pour certains, qu une inflexion, la tonalitque leur donne le
conteur ? Ne tmoignent-elles pas plutt des diffrentesfaons dtre
ensemble et des manires daborder les conflits qui opposenthommes et
femmes, suprieurs et infrieurs ? Afin de contribuer claircir la
faon dont chaque catgorie de rcit enrend compte, on tentera
dexplorer la frontire parfois tnue qui spare contes-nouvelles et
contes factieux en interrogeant plus prcisment les liens entre 1.
Une premire version de cette tude a t prsente lors des journes de
travail du groupe ERGON/GRENO en mai 2008 : The Romantic
Folktales-Novellae/ Boundaries and Classification , 4th
EuropeanCongress about Classifying Folktales, Athnes, 8-10 mai 2008
(Centre for the Study and Disseminationof Myths and Folktales,
www.e-mythos.eu ; mythos@e-mythos.eu). 2. Tombent dans la sphre des
[contes] factieux une bonne part de ceux que lon nomme
contesromanesques, qui sont souvent au moins en Espagne de pures
dmonstrations de finesse (devinettes,nigmes, tromperies) . Maxime
Chevalier, Quinze cuentos jocosos , in Revista de dialectologia
ytradiciones populares, vol. 57, 2002, no 2, p. 121-122.
- 3. TUDE Josiane Brule conte-type 893 (Le Demi-Ami, absent des
rpertoires franais) et les contesdans lesquels sont prsents les
principaux motifs de ce type. Jai travaill partir de versions
franaises actuellement repres :versions transcrites, gnralement
issues de collectes anciennes. Mais il estvident que cette
dmonstration gagnera en nuance lorsque serontaccessibles les
versions contemporaines conserves dans les nombreusesphonothques
associatives de France. Il sera galement trs fructueux, pourltude
du conte et de sa variation, de voir comment les thmes traits
dansces contes se sont adapts au Nouveau Monde. Aussi cet expos
est-il aussiune invitation aux collecteurs-chercheurs franais
donner une visibilit leurs rcoltes, comme aux collgues
nord-amricains poursuivre la dmarchede publication du catalogue
entrepris par Luc Lacourcire. * * * Toute interrogation sur le
classement dobjets concrets aboutitinvitablement un dploiement de
la difficult classer, voire delimpossibilit le faire. Il serait
vain de prtendre tablir des principescohrents pour organiser des
objets aussi varis et mouvants que les contes.Aussi les nombreux
changements de numro de type et de catgorie queHans-Jrg Uther
effectue dans sa rvision de la classification dAarne etThompson 3
ne remettent-ils pas en question ldifice solidementempirique4 qui
nous est si utile pour apprhender la ralit des rcits orauxet lart
de leur mise en uvre. Dans la ncessit o je me trouve dtablir les
prochains volumes duCatalogue du conte populaire franais, toute
interrogation sur une catgoriedj traite par Paul Delarue ou
Marie-Louise Tenze est ncessairementsecondaire. Elle ne peut que
porter sur ses limites et explorer les points depassage : ici, la
circulation de certains thmes, motifs et contes-types entre
lasection des contes-nouvelles (T. 850 999, parfois nomms contes
ralistesou contes romanesques) et celle des contes factieux et
anecdotes (T. 1200 1999)5. 3. Hans-Jrg Uther, The Types of
International Folktales. A Classification and
Bibliography,Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, Folklore
Fellows Communications n 284, 285 et 286,2004 [dsormais ATU]. 4.
Jemprunte cette expression, qui est une revendication de principe,
Marie-Louise Tenze quije ddie ce travail en hommage chaleureux et
en remerciement pour ce que ma apport la priode derdaction du
catalogue franais des Contes-nouvelles durant laquelle jai eu la
chance de lassister. Cf. LeConte populaire franais : Contes
nouvelles, avec la collaboration de Josiane Bru, Paris, ditions
duCTHS, 2000 [dsormais Tenze 2000]. 5. Cf. ATU, vol. III, p. 10-11
: Changes in numbers. Les titres franais de sections ou de
contes-types classs aprs le T. 1000 sont donns titre indicatif en
attendant lavance du Catalogue. Il est doncsouvent utile de
mentionner les termes de la classification internationale (ATU).8
RABASKA
- 4. Contes de lintelligence et de la ruse TUDE Cette rflexion
partira donc de constats dambigut : Pour saluer sa mmoire et comme
un clin dil par-del la mort, celuide Maxime Chevalier qui souligne,
dans les contes-nouvelles, des caractrespropres bien des contes
rire. Il met en avant lintelligence ruse, lacuitintellectuelle et
verbale qui prside laction. Comme la Mtis grecque, elleagit par
dtournement de sens, par dplacement de point de vue et, droutantle
vis--vis, lui donne la place dun adversaire dup6. Aussi et surtout,
elle sappuiera sur les difficults exprimes par Marie-Louise Tenze
dans la prface la section du catalogue franais des contes-nouvelles
: difficult dlimiter cette catgorie et renvoi, pour certains
contes-types, aux volumes suivants du Catalogue7. Cette remarque ne
sapplique defait qu un seul conte, le T. 893, pour lequel elle
garde une entre, sanstoutefois lui attribuer un titre puisque, tel
quil est dfini dans la classificationinternationale, il nest pas
reprsent dans le domaine franais. Cest ce vide,cette absence que je
propose dinterroger aujourdhui.La liste vide du T. 893 (Le
Demi-Ami) Aarne-Thompson indique, au T. 893 : The Unreliable
Friends (The Half-Friend) : French 11. En fait toutes ces versions
de France nopposent pas lhomme ses amis, mais sa femme ; elles
seront donc traites dans le catalogue au T. 1381, Le Trsor trouv et
la femme bavarde. Marie-Louise Tenze8Dans le fichier manuel qui
constitue le premier tat du Catalogue du contepopulaire franais,
les rfrences des versions indexes en un premier tempscomme T. 893
ont effectivement t dplaces en T. 1381, soit dans la sectiondes
contes factieux. Seule, une version de Basse- Bretagne, publie par
Luzel,est renvoye vers le T. 910 et reste donc dans la catgorie des
contes-nouvelles. Sur quoi sappuient ces rapprochements et quelles
en sont les limites ? Au-del de ces questions que lanalyse des
versions et des diffrentslments de ces contes peut clairer, une
autre se pose : pourquoi loppositionhomme/femme dans le couple
est-elle ici ncessairement traite sur le modeplaisant ? La question
est bien videmment tendre aux clivages entre lescatgories de
classement, aux conflits dont elles traitent et la manire dontces
conflits sont rsolus ou laisss en suspens. 6. Maxime Chevalier
(1925-2007) est, avec Julio Camarena (19492004), le co-auteur des
quatrevolumes parus du Catalogue typologique des contes espagnols.
Catlogo tipolgico del cuento folklricoespaol : T. 1, Cuentos
maravillosos, et T. 2, Cuentos de animales, Madrid, Gredos, 1995 et
1997 ; T. 3,Cuentos religiosos, et T. 4, Cuentos-novela, Madrid,
Centro de Estudios Cervantinos, 2003. 7. Tenze 2000, p. 14. 8.
Ibid., p. 89volume 6 2008 9
- 5. TUDE Josiane BruLe stratagme du faux meurtre comme test de
fiabilitComme dans de nombreux cas, le rapprochement entre les
contes est tabli partir dun motif particulirement prgnant, une
image forte qui fait parfoispasser au second plan des diffrences
significatives de schma narratif ou detonalit du rcit9. T. 893 Un
jeune homme se vante davoir de nombreux amis. Son pre propose de
les mettre lpreuve. Il prtend que son fils a tu accidentellement un
homme et leur demande tour de rle de cacher le sac contenant le
cadavre (qui est en ralit un animal : blier, porc). Tous refusent.
Seul, un demi-ami de son pre accepte de lenterrer dans son
jardin.Le motif du stratagme au moyen du cadavre et le thme de la
solidaritautour du secret garder sur le meurtre dvelopps dans ce
conte-nouvellerenvoient effectivement au T. 1381, qui traite de la
non-fiabilit des femmes(indiscrtes, bavardes), plus prcisment, au
sous-type T. 1381C. T. 1381C Un homme, souhaitant mettre lpreuve sa
femme [bavarde], prtend avoir commis un meurtre. Il lui demande de
garder le secret, mais elle le confie la voisine, etc. Le mari est
arrt, mais on le libre lorsquon dterre le prtendu cadavre : un
blier, un porc, parfois mme un vgtal ou un insecte.Dans les deux
cas, limpossibilit de faire confiance la femme est tablie.Mais
dautres points que le statut et le sexe du personnage mis lpreuve
ami(s) dune part, pouse de lautre distinguent les deux rcits et
attirentlattention sur dautres contes-types dans lesquels certains
lments sontgalement prsents, tels quels ou avec des inflexions
autres. Lexamen deleur circulation montre aussi combien il est
hasardeux de classer les contes partir dun simple motif, mme
remarquable, lorsquils ne se limitent pas une action isole.Les
relations entre les personnagesSi la lecture du schma du T. 893
sattache non plus au motif du prtendumeurtre, soulign par
lexhibition voile dun sac sanguinolent, mais aux 9. Ces images, en
permettant de fixer langoisse, assurent lefficacit des thrapies
psychiques parle conte, comme le montrent les travaux du psychiatre
bordelais Pierre Lafforgue (Petit Poucet deviendragrand, Bordeaux,
Mollat diteur, 1995) et leur mise en pratique dans le traitement
denfants autistes oupsychotiques.10 RABASKA
- 6. Contes de lintelligence et de la ruse TUDEpersonnages
(actants) du rcit, on voit surgir des diffrences essentielles
quiles placent une distance considrable du T. 1381C. Dans le
conte-type duDemi-Ami, il est question dun jeune homme candide,
croyant la sincritdes sentiments quon lui manifeste, alors que le
hros du conte factieux estun homme mari parfaitement averti des
dfaillances humaines et agissanten consquence. Comme le montre
Jean-Pierre Pichette dans son tude sur lObservancedes conseils du
matre, le conte du Demi-Ami sintgre dans le cycle desBons conseils
formuls par le pre mourant10. Il ny a pas, en France, deforme du T.
893 o lhomme est oppos sa femme parce que cette opposition,toujours
pointe par le pre, sactualise dans le cadre du conte-type 910A,
LeMpris des conseils du pre mourant. T. 910A Le pre mourant donne
son fils plusieurs [trois] conseils dont le dernier est : Si tu as
un secret, ne le confie jamais ta femme . Le fils, qui a jusque-l
nglig impunment tous ces conseils, veut prouver que le dernier
aussi est sans valeur. Il met son pouse lpreuve en prtendant avoir
commis un forfait majeur (tu un homme ou bien lanimal favori du
seigneur dont il est lami). Elle promet de garder le secret mais le
trahit lorsquil la maltraite afin de tester sa fiabilit. Lhomme est
arrt et condamn mort. Une srie dvnements senclenche, prouvant la
validit de tous les autres conseils du pre. Lhomme se disculpe in
extremis en dvoilant le cadavre, qui est celui dun animal. La
question de lamiti illusoire est aussi prsente dans le T. 910A,
dontlintrigue, plus complexe, est base sur une chane de mises en
gardesuccessivement ngliges vis--vis de personnes de lentourage :
le preenjoint son fils de se dfier des puissants dont la protection
semble assure,se dfier aussi des enfants ns dun autre lit que le
sien ou des btards quilserait amen lever comme ses propres fils
Aprs les conseils concernantles relations entre hommes, vient celui
de se dfier de lpouse : Si tu as unsecret, ne le confie jamais ta
femme , mais sans doute ces conseils sont-ilsnoncs prmaturment et
dj quasiment oublis lorsque le fils parvient lge adulte. 10.
Jean-Pierre Pichette, LObservance des conseils du matre.
Monographie internationale duconte-type 910B prcde dune
introduction au cycle des bons conseils (A.T. 910-915), Helsinki,
FolkloreFellows Communcations no 250 ; et Sainte-Foy, Les Archives
de folklore , n 25, 1991. Lauteurspare les sous types A et B du T.
910 non en fonction de lagencement des conseils, mais selon
lusagequi en est fait. Il nest pas indiffrent de constater que,
gnralement, les conseils du matre sont suivisalors que ceux du pre
sont mpriss.volume 6 2008 11
- 7. TUDE Josiane Bru Le mpris du conseil de ne pas confier de
secret sa femme est, commelcrit M.-L. Tenze11, le tournant du rcit
en ce que, dans un mouvementinverse celui qui, dans les Randonnes
(Cumulative Tales, Kettenmrchen)revient sur lenchanement des refus,
il ouvre une dconstruction desassurances illusoires et des liens
prcdemment tablis. Tout se passe commesi toute actualisation dune
ventuelle forme du T. 893 opposant lhomme sa femme et non plus ses
amis, happe par le cadre trs fort de la relationpre/fils qui en
sont les personnages principaux, ne pouvait se raliser defaon
indpendante, autrement que comme un simple pisode du T. 910A. Dans
le T. 893, le fils se croit dj mancip, il se flatte davoir
sespropres amis, distincts de lentourage de son pre. Ce dernier,
bien vivant,doit donc ruser pour lui faire partager son exprience
de la vie. Il dmontredonc avant dnoncer. Mme sous-entendu ou formul
a posteriori, son conseilne peut qutre suivi, contrairement aux
prceptes du pre mourant. Le jeunehomme du T. 893 apprend en temps
utile de son pre ce que le hros duT. 910A comprend trop tard et ses
dpens. Mais dans les deux cas il nestplus le mme aprs avoir fait
lexprience concrte de la pertinence desconseils donns. Il a gagn en
maturit, en lucidit, il se trouve dsormaisplus apte conduire sa vie
et devenir pre son tour. Le hros du T. 1381Cest au contraire un
homme mr, expriment, qui nest dupe de rien nipersonne et surtout
pas de sa femme, ni des femmes en gnral.Lorientation et la tonalit
du conte : drame ou factieUn regard contemporain (voire fministe)
sur ces contes repre immdia-tement le dcalage entre les deux types
de trahison qui participent dun dramedans le conte-nouvelle, dune
farce dans le T. 1381C. Dans lpisode du conte-type 910A, o lhomme
teste les limites de ladiscrtion de son pouse, il la pousse bout,
provoquant ainsi sa vengeance.La femme apparat comme une figure
intermdiaire entre ces deux extrmesque sont dune part la Mgre,
oppose toute forme de domination de sonmari (T. 900, T. 901),
dautre part Grislidis (T. 887), parangon de cetteacceptation. Elle
est en effet demble solidaire de son mari dont elle peut etveut
garder le secret, mais sans doute considre-t-elle les mauvais
traitementsquil lui inflige comme une rupture du contrat conjugal.
Elle ne bavarde pas loreille de sa voisine, elle dnonce haut et
fort, qui veut lentendre, lamauvaise nature que son mari rvle. Il
se dessine en effet dans certainscontes-nouvelles lamorce dune
image de la femme plus positive que celleque dcrivent les proverbes
ou dautres formes de littrature orale, mais cetteimage est encore
contenue dans les limites dune socit dont la solidit se 11. Tenze
2000, p. 106.12 RABASKA
- 8. Contes de lintelligence et de la ruse TUDEfonde sur la
domination masculine et son rle de rgulateur dune nature fminine
domestiquer : Maintenant, Madame, cest mon tour de vousservir.
Noubliez jamais que je serai pour vous ce que vous serez pour moi
.La dame comprit la leon ; et, depuis, elle fut toujours soumise
son mari.12 Le T. 910A oppose lhomme dautres tres masculins, puis
sa femme,mais il sagit toujours dtres singuliers. Le conte de la
femme bavarde opposedeux univers spars quoique coexistant : celui
des hommes, fraternels,rationnels, efficaces, et celui des femmes,
inactives et futiles, doncnaturellement dangereuses. Dans le T.
1381C au contraire, lpouse bavardetrahit son mari involontairement,
par lgret, mesurant ensuite lesconsquences dsastreuses de son acte.
Certaines versions disent mme quelleest corrige de ce dfaut et
garde dsormais pour elle ce qui ne concerne queson couple. Le
ridicule dans lequel elle sest trouve et la peur prouve lorsde
larrestation de son mari ont eu raison de son bavardage. La
ncessitdtre discrte peut aussi sexprimer sous forme de conseil ou
dinjonctionau mari qui doit expliquer sa femme quil vaut mieux
travailler quebavarder13 . La perfectibilit de lpouse, son
arraisonnement possible, rapproche cesversions des
contes-nouvelles, mais laspect alatoire de ce changement, quinest
pas systmatique dans les versions, tient plus lhumeur du conteurqu
la logique du conte. Comme le ton lger du rcit, il renvoie sans
ambigutau registre factieux. Oubliant la finalit initiale du conte
qui met en questionle rapport homme/femme dans le couple, plusieurs
versions remanies parleurs transmetteurs se terminent sur limage
ostensiblement rassurante de labonne entente des hommes entre eux,
avec ou contre les gendarmes maistoujours distance des femmes. Un
auteur languedocien qui a camp unhros factieux utilisant bon
escient le bavardage de sa femme, termineainsi : Merci bien, mes
chers amis ! Vous mavez dcharg de la corve dejeter hors de mon
champ ces trois gros tas de pierre [...]. Aussi, jinvite leshommes
venir boire un verre de vin blanc au cellier du marquis et
lesfemmes aller faire la soupe !14 Variations sur lincontinence
verbaleLa lgret et le ton malicieux du rcit sont plus vidents
encore dans lautreforme du conte de la femme bavarde o le mari, sr
de lindiscrtion de son 12. Jean-Franois Blad, Contes populaires de
Gascogne, Paris, Maisonneuve et Larose, vol. III, Les Littratures
populaires de toutes les nations , p. 287-288, no 21 : La Dame
corrige . 13. Charles Joisten, Contes populaires du Dauphin,
Grenoble, Publication du Muse Dauphinois, Documents dethnologie
rgionale , vol. II, p. 16, n73.1. : La Bavarde (rsum) . 14. Dezeuze
dit Lescotaire , Contes dun pcheur de lune. Folklore languedocien,
Montpellier,1953, p. 171.volume 6 2008 13
- 9. TUDE Josiane Brupouse, met en place un stratagme afin den
contrecarrer lavance leseffets dsastreux. Cest cette forme, dans
laquelle la femme est indiffremmentbavarde ou sotte, qui est
rpertorie en T. 1381 dans la classificationinternationale sous le
titre gnrique de La Femme bavarde et le trsor trouv(The Talkative
Wife and the Discovered Treasure). T 1381 Un homme trouve un trsor
(valise, bourse). Craignant que sa femme bavarde ne divulgue le
secret, lobligeant ainsi restituer ou partager le trsor, il met en
scne des vnements aberrants, qui discrditeront sa parole lorsquon
linterrogera. Lorsquelle est amene tmoigner contre son mari qui
prtend navoir rien trouv, elle raconte ces vnements pour appuyer
son affirmation : Ctait le jour o. Elle passe pour folle et son
mari peut ainsi garder le trsor quil nie avoir trouv. Lenjeu est
ici plus faible que dans le T. 1381C, puisque la trahison dusecret
ne met pas en danger la vie du conjoint mais seulement lintrt
matrieldu couple, souvent dcrit comme pauvre. Une seule version15,
trs littraire, prsente le motif de linversion desproduits de la
chasse et de la pche : aprs lui avoir rvl sa dcouverte,lhomme,
braconnier, emmne sa femme relever les piges poss la veille.Ils
trouvent successivement deux livres pris au filet dans la rivire
puisdeux poissons pris au collet dans le bois. La femme nen croit
pas ses yeuxmais doit se rendre lvidence. Les autres versions sont,
du point de vue du stratagme, trs proches, lavariation des vnements
mis en scne pluie de lait ou de nourriture ytmoigne des spcialits
culinaires rgionales : sanciaux [beignets] enNivernais (Millien)
16, crpes et bignous [beignets] en Charente 17 ouBourbonnais18,
macaroni dans un conte de la Riviera italienne, tout prs de
lafrontire franaise19, etc. La nourriture tombe en pluie est
gnralementcarne ou crue (boudins, poissons) lorsque cest le mari
qui met en place la 15. Henri Iselin, Contes alsaciens, Paris, F.
Lanore, 1966, p. 33-44, n6 : Le Trsor dEnsisheim . 16. Ms
Millien-Delarue-Branchu : ce document lectronique, ralis par
Jacques Branchu, rassemble,analyse et classe lintgralit de la
collecte nivernaise dAchille Millien, ensuite confie Paul
Delarue.Il intgre en particulier le Ms Millien-Delarue, conserv au
MuCEM Paris (ex-Muse National des Artset Traditions Populaires). Je
remercie Jacques Branchu de mavoir confi des doubles de ce
documentindit et essentiel, auquel il met actuellement la dernire
main. 17. A. Esmein, La Vieille Charente : chansons et croquis
saintongeais. Contes populaires de laCharente, Angoulme,
Constantin, et Paris, Larose et Tenin, 1910, p. 135-137 : La
Cassette . 18. Camille Gagnon, Lgendes, contes et goguenettes du
Bourbonnais, Moulins, d. des Cahiersbourbonnais, 1976, p. 56-57 :
La Bourse vole. 19. James-Bruyn Andrews, Contes ligures. Traditions
de la Riviera, Paris, d. Leroux, Contes etchansons populaires , t.
17, 1892, p. 90, n22 : La Pluie de macaronis.14 RABASKA
- 10. Contes de lintelligence et de la ruse TUDEmystification,
alors quelle est plutt lacte et cuite lorsque cest la femmequi veut
abuser son mari. En effet, une partie des versions franaises relve
du sous-type ATU1381A, Le Mari est discrdit par une absurdit
(Husband Discredited byAbsurd Truth) o les rles sexuels sont
inverss : cest la femme qui, sachantson mari idiot incapable de
garder le secret, met en scne les vnementsaberrants dont le rcit le
discrditera. Alors quil est indiffrent que le trsor soit trouv par
lhomme ou par lafemme puisque seul importe le fait de taire la
trouvaille afin de la garder, ledplacement du bavardage vers la
btise (ou la conjonction des deux) lorsquily a permutation des rles
masculin et fminin mrite dtre soulign. Eneffet, pour que la femme
puisse prendre la direction de laction, il faut quelhomme en soit
empch de faon vidente. Lirresponsabilit, la btise, estce handicap
majeur qui, faisant agir lidiot contre lui-mme et contre lesintrts
du couple (cf. T. 1681B o lidiot dilapide les biens de sa mre ou
desa femme), oblige celle-ci porter les pantalons , comme dit
lexpressionpopulaire. Infantile, le sot ne voit dans le trsor trouv
quune chose quibrille : Cest moi qui ai trouv un joli sac de cuir
avec de beaux boutonsdedans ! Jaurai pour longtemps avec quoi
boutonner mes culottes20 . Parcette innocence, comme on le voit
aussi dans des contes du cycle de Jean-le-Sot, lhomme stupide,
cest--dire bte au sens premier du terme, estsymboliquement assimil
un tre femelle. On prtend que la poule, incapablede contourner un
obstacle pour accder sa nourriture, est lanimal le plusbte qui soit
; aussi nest-il pas tonnant que, dans certaines versions, en plusde
lui faire constater une pluie de nourriture, sa femme glisse un uf
dansson lit pendant son sommeil et lui fait ainsi croire quil a
pondu. Le motif mari stupide est bien lquivalent du motif femme
bavarde et le passagedu dfaut emblmatique des femmes un autre
dfaut, non gnrique maisdfinitivement invalidant, est bien le
corollaire du changement didentit duprotagoniste. Cette forme ne
semble pas donner lieu un dveloppementautonome puisquelle nest pas
rpertorie dans la seconde partie des Histoiresde couples, sur Le
Mari fou et son pouse (T. 1405 1429, The FoolishHusband and his
Wife) ; elle napparat que comme une variante de dtail duT. 1381.
Plusieurs versions (Millien en Nivernais, Andrews prs de la
frontireitalienne) prsentent naturellement une forme mixte, dans
laquelle la femmeest stupide et non bavarde, ce qui ne modifie en
rien la trame du conte. Demme, une version occitane souligne la
proximit de la sottise et du bavardage 20. Paul Sbillot, Littrature
orale de Haute-Bretagne, Paris, Maisonneuve et Larose,
LesLittratures populaires de toutes les nations , t. 1, 1881, p.
106-109 : Les Boutons dor .volume 6 2008 15
- 11. TUDE Josiane Brudu point de vue de lincontinence verbale en
dcrivant le mari comme bte ettrs bavard21. Les conteurs combinent
les diffrents lments et les enchanent dediverses faons comme pour
faire linventaire des configurations possibleset des nuances de
sens quelles sous-tendent. Cependant, mme si elles aident
apprhender le conte, toutes ces actualisations ne se ralisent
pasncessairement. Certaines sont absentes du territoire franais.
Cest pourquoi,nayant pas prendre en compte le matriau abondant et
complexe organisdans la classification internationale ATU, je
proposerai, pour le cataloguefranais, un descriptif simplifi du
conte-type 1381. Il importe toutefois de mentionner ici les
principaux sous-types dcritsdans lATU, parce que lon y trouve des
lments prsents dans des versionsfranaises ou qui renvoient dautres
contes-types, clairant ainsi le processusdengendrement des rcits
oraux.Du prtendu meurtre au meurtre rel : le stratagme du cadavreLe
conte-type ATU 1381B, dont je nai trouv aucune attestation en
France,apparat comme un intermdiaire, comme une synthse de
motifsremarquables prsents dans les contes que nous avons abords.
T. 1381B : le Fou meurtrier Un garon idiot a commis
accidentellement un meurtre. De crainte quil ne lavoue, sa mre lui
fait croire aux vnements aberrants et remplace la tte du cadavre
humain par celle dun animal.Il traite sa faon du thme du secret
prserver et se rattache au 1381A parle motif de la btise ; au 1381C
par celui du cadavre animal ; au 1381 et au1381A par les vnements
aberrants disqualifiant le tmoignage. Il serapproche dautre part du
T. 893 parce quil traite de filiation, mais le fils estidiot ; il a
rellement commis un meurtre ; il sagit dune relation mre/fils etnon
plus pre/fils, et celle-ci a un tout autre sens puisque le fils est
protgpar sa mre des consquences de son acte. Elle entrine la
dpendance quelui confre sa niaiserie. Ainsi quil est indiqu dans
lATU, le T. 1381B est aussi rapprocher duT. 1600 car, comme dans le
groupe de contes analyss ici, la mise en scnedes vnements aberrants
a la mme fonction que celle du cadavre animal. 21. Claude
Seignolle, Contes de Guyenne [3], recueillis auprs des lves de
Lanouaille (Dordogne)entre 1945 et 1947, MuCEM-MNATP, manuscrit n
91.82, f. 96-99 : Histoire naturelle .16 RABASKA
- 12. Contes de lintelligence et de la ruse TUDE T. 1600 : Le Fou
meurtrier ( The fool as murderer) Le fou a trouv un cadavre et va
tre accus du meurtre. Ses frres enterrent une tte de blier la place
de la tte de lhomme mort.Ces deux contes traitent leur faon de
linconditionnalit et de la soliditdu lien familial, biologique,
sans toutefois faire partie des histoires sur lescouples maris (T.
1350 T. 1439, Stories about Married Couples) quimarquent la limite
des versions du T. 1381. Par ailleurs, ces remarques
restentthoriques car, sous cette forme, le conte est absent des
collectes oralesfranaises indexes jusquici. Il en est de mme pour
les sous-types D et Edu T. 1381 que je me contenterai dvoquer
brivement. T 1381D : La femme amplifie le secret (The Wife
Multiplies the Secret) Un homme dit sa femme quil a pondu un uf et
lui demande de garder le secret. Elle le rpte et, en fin de journe,
le bruit court quil a pondu un grand nombre dufs.Dans la fable de
La Fontaine intitule Les Femmes et le secret (VIII.6)comme dans ses
sources anciennes, la ruse est labore par lhomme pour semoquer des
femmes, mais nous navons pas jusquici trouv de version
detransmission orale qui suive le mme schma. Le motif de luf ou des
ufspondu(s) par le mari est bien prsent dans plusieurs versions
franaises, maisil sintgre dans la srie des vnements incroyables mis
en scne pourdiscrditer la parole du conjoint. Il figure de tout
autre manire dans leT. 1381D o il a la mme fonction que le faux
meurtre dans le T. 1381C. Il enest de mme pour le motif du vieil
homme lcole, qui est au centre dusous-type suivant. T 1381E : Le
vieil homme est envoy lcole (Old Man Sent to School) Un vieil homme
va (ou est envoy) lcole. Il trouve sur son chemin une bourse. La
personne qui la perdue linterroge et il dit quil en a effectivement
trouv une en allant lcole. Lhomme croit que ctait au temps de sa
jeunesse et continue chercher sa bourse.Dans la version charentaise
intitule La Cassette , publie par Esmein en1910, le passage par
lcole a une double fonction : loigner lhomme nafau point de vouloir
restituer la bourse et le faire passer pour fou. Pendantquil est en
classe, en proie aux garnements qui se moquent de lui et luivolent
sa nourriture, sa femme organise la mise en scne des
vnementsincroyables []. Lorsquil relate sa trouvaille, la mention
du moment ovolume 6 2008 17
- 13. TUDE Josiane Bruelle a eu lieu, sur le chemin de lcole,
ajoute aux vnements relats,discrdite sa parole et permet ainsi son
pouse de garder la bourse22 . Ainsi se dessine un cycle de contes
relevant la fois du thme de ladiscrtion et de la ruse qui dclinent,
dans divers espaces narratifs tous situsau plus proche (famille,
couple), une palette de possibles sur laquelle chaquenuance
correspond un inflchissement smantique. On observe que,dans ce
cycle, comme lcrit Nicole Belmont, [i]l nexiste pas de
contesynonyme23 cependant que certaines configurations possibles ne
se ralisentpas faute, de toute vidence, dtre porteuses dun sens
particulier et quechaque conte-type, chaque version contribue aussi
dfinir un espace designification plus large.Les asprits dun monde
aplati L o le hros du conte merveilleux se caractrise par
louverture, la disponibilit laide (magique, surnaturelle), le hros
(ou lhrone) du conte-nouvelle est un tre autonome. Ce faisant,
autour de lui, le monde sest aplati. Marie-Louise Tenze24Amput de
la profondeur que donnent aux contes merveilleux la proximitet la
frquentation des lieux ou des tres de lau-del (infrieur ou
suprieur),le monde tout simplement humain des contes-nouvelles nest
pas lisse pourautant. Le relief, les asprits de lici-bas affleurent
dans la diversit desoppositions que ces rcits mettent en uvre,
quelles soient dordre social,familial ou sexuel25. Autonomes, les
hros ou les hrones de ces contesdoivent affronter seuls les preuves
auxquelles ils sont confronts ; et la faondont ils rgissent les
situations multiples de Ce monde et y font leur chemindistinguent
contes-nouvelles et contes factieux de mme que les anecdotesqui se
rattachent ces deux catgories narratives. Relevant de lune ou
lautre catgorie ou tendant sen rapprocher, suivantlorientation que
le conteur donne chaque version, lensemble des contes 22. On
remarquera que la ruse peut avoir le mme effet que le miracle :
dans les rcits lgendairesde la Fuite en gypte, la Vierge acclre le
temps et les soldats dHrode, qui le laboureur dit quil a vupasser
la Sainte Famille alors quil semait le bl quil vient de moissonner,
pensent que ctait quelquesmois auparavant et abandonnent la
poursuite. 23. Nicole Belmont, Du catalogue lhistoire cache. propos
de la typologie Aarne-Thompson, in Cahiers de littrature orale, n
50, 2001, p. 86. 24. Tenze 2000, p. 11. 25. En examinant les
caractres distinctifs des contes-nouvelles, Marie-Louise Tenze
(Tenze2000, p. 11) les rapproche des contes merveilleux un seul
mouvement, simples opposition interne( Distinctions fondamentales
dans la mise en ordre de lensemble des contes traditionnels franais
, inStudia fennica, Helsinki, vol. 20, 1976, p. 124-133), tels
quelle les analysera dans Les Contes merveilleuxfranais, tude de
leurs organisations narratives, Paris, Maisonneuve et Larose,
2004.18 RABASKA
- 14. Contes de lintelligence et de la ruse TUDEque nous avons
envisags trace les limites des relations humaines, met
enperspective les liens sociaux. Cet ensemble li par le motif du
secret place auplus haut, comme seule fiable et constructive, la
relation pre/fils : relationexclusivement virile et qui tire sa
force de la conjonction du lien biologiqueet du lien social. Par la
hirarchie des valeurs et des tres quils affirment etmalgr lmergence
de personnages plus diversifis et consistants que leshros des
contes merveilleux, les contes-nouvelles participent pleinement
dela socit coutumire. Aussi, si les drames de lactualit ne venaient
tropsouvent dmontrer le poids des anciennes reprsentations et la
force debarrires que lon croit dpasses, nous pourrions avoir
lillusion quils sesituent une incommensurable distance de la
tentative contemporaine deconstruire des liens familiaux, en
particulier de filiation, sans lien videntavec le biologique
(procration assiste ou fcondation artificielle,transparence de
ladoption, familles recomposes...)26. La Mtis, lintelligence ruse,
opre dans les contes-nouvelles les passagesque les tres surnaturels
ralisent dans les contes merveilleux, assurant lastabilit du couple
et le renouvellement des gnrations27. Dans les contesfactieux,
comme le note Propp28, [l]e hros remporte la victoire grce saruse ,
mais le combat gagn, comme la ruse elle-mme, ne sert qu produiredes
arrangements factices, assurer des satisfactions immdiates,
desrebondissements sans issue. Pour que la vie continue sans rel
rapprochementpossible. Vivre ensemble tient du statu quo : chacun
saccommode de sonsort ou joue avec les dfauts de lautre. Avec
toutes les prcautions quexige la prise en compte de
lorientation,qui conditionne et objective la tonalit des versions,
javancerai les termesdoptimisme et de pessimisme pour contribuer
diffrencier les deuxcatgories de contes de lintelligence et de la
ruse confrontes dans ce travail.Les contes-nouvelles sont des rcits
optimistes , dans lesquels unevolution positive se fait jour, o a
lieu un apaisement des tensions, unersolution des conflits qui,
dans loptique du conte de transmission orale etde la socit
traditionnelle, est assimilable une fin heureuse . Pliant devant
26. En particulier linjonction de mise distance des enfants btards
ou des beaux-fils : Tu neferas pas confiance un enfant qui ne sera
pas issu de toi ou Tu nlveras pas comme tien un enfantqui ne sera
pas n de ton lit . 27. Contrairement aux contes merveilleux, o la
mise niveau des poux seffectue gnralementavant le mariage, les
contes-nouvelles traitent de la relation entre poux dans la priode
qui suit.Lenchanement dun conte merveilleux structure simple et dun
conte-nouvelle nest pas rare, le conte-nouvelle fonctionnant alors
comme une seconde squence de contes merveilleux structure double
(cf.Tenze, Distinctions , op. cit., et Les Contes merveilleux
franais, op. cit. ; Josiane Bru, Contesdoubles et mariage, ou
Penser/classer la littrature orale , in Fabula, Berlin, 1997, nos
3-4, p. 13-24),mais la mise en danger du couple vient du mari lui
mme (Tenze 2000, p. 12-13). 28. Vladimir Propp, Morphologie du
conte, Paris, Seuil, Points/ Essais n 12, 1965, p. 64-65.volume 6
2008 19
- 15. TUDE Josiane Brulintelligence et la patience dont elle a
fait preuve, le mari comprend quil aeu tort de rpudier sa femme (T.
882, T. 890...) et le roi de bannir sa fille(T. 923) ; le seigneur
courrouc par les rponses du fils du paysan (T. 921) oulvque par
celles du meunier (T. 922) admet que la finesse desprit nestpas
lapanage des puissants ; le fils comprend la valeur de la
sagessepaternelle ; la femme, revche ou bavarde, se corrige ; le
couple vit dsormaisdans la bonne entente... et le respect de lordre
tabli ! Du ct du conte factieux au contraire, aucun progrs, aucune
volutionne se fait jour. Chacun reste ferm sur ses positions, dans
sa nature , dansson rle. Malgr son contenu dramatique et parce que
rien ni personne nepeut socialiser le garon idiot menac daccusation
de meurtre, la mise enscne du stratagme visant le protger prend un
tour factieux. Si les contestraitant de conflits entre poux
empruntent souvent le mme chemin, nest-ce pas parce que leur
impossible rsolution est la menace la plus grave pourle devenir de
la socit ? Des dfauts et des tares des autres, de leurindcrottable
nature , les contes factieux proposent de saccommoder. lirrductible
diffrence, limpossible arrangement des sexes sans lequelpourtant
aucune communaut humaine ne peut survivre, la seule rponse estle
rire qui ponctue le conte ou lanecdote et qui chasse, comme une
artedans la gorge, langoisse dune mort par immobilit29. 29. Dans le
conte-nouvelle T. 877, La Vieille corche, ce motif fait basculer le
destin de la jeunefille qui provoque le rire de la vieille fe et
chasse larte de sa gorge (Genevive Massignon, Contescorses,
Aix-en-Provence, d. Ophrys, Publications des Annales de la Facult
des Lettres dAix-en-Provence , n 40 ; version type reprise dans
Tenze 2000, p. 45-48).20 RABASKA