Economie des transports (cours 2/6) - Master TLTE Sorbonne … · 2016. 9. 27. · •Cours 3 :...

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Economie des transports (cours 2/9)

Master TLTE - Université Paris 4

Année 2016 – 2017

Martin Koning - IFSTTAR SPLOTT

martin.koning@ifsttar.fr

Plan du cours • Cours 1 : Introduction

• Cours 2 : Transports de marchandises

• Cours 3 : Transports de voyageurs

• Cours 4 : Transports urbains

• Cours 5 : Coûts sociaux des transports

• Cours 6 : Politiques publiques

• Cours 7 : Exemples de calculs socio-éco

• Cours 8 : Transports et choix de localisation

• Cours 9 : Examen

Plan du cours 2

• Déterminants du transport de marchandises

• Le transport de marchandises en France

• Quelques éléments sur la logistique

Pourquoi les nations commercent-elles? (1)

• Question centrale pour les sciences économiques, ayant largement motivé les premiers écrits :

– Tradition mercantiliste (17ème siècle) : un pays doit vendre des biens hors de ses frontières afin d’obtenir des devises (frappées en or le plus souvent) qui permettent aux souverains de financer leurs activités régaliennes (les guerres notamment)

– Tradition physiocrate (18ème) : primauté accordée à l’agriculture, le commerce international permet d’obtenir à un moindre coût les denrées alimentaires

Pourquoi les nations commercent-elles? (2)

• Tradition libérale (18ème) : les pays commercent entre eux car ils en retirent un gain mutuel, cela permet d’augmenter la division sociale du travail et la taille du marché, celles-ci améliorant la productivité et la « richesse des Nations » (D. Hume, A. Smith)

– Avantages absolus : j’exporte du vin vers B car je suis plus efficace que lui pour en produire (A. Smith)

– Avantages comparatifs : j’exporte du vin vers B et j’importe des draps depuis B car je suis relativement meilleur dans la production de vin (et lui relativement meilleur dans la production de drap) (D. Ricardo)

• Théorie du « doux commerce » (Montesquieu)

Pourquoi les nations commercent-elles? (3) • Théories « modernes » :

– Dotations factorielles (début 20ème) : je vais exporter un bien comptant relativement plus de capital que de travail car je dispose de plus de capital dans mon économie (ce qui fait donc baisser le prix relatif de cet input) (Hecksher-Ohlin-Samuelson)

– Cycle de vie (mi-20ème) : j’invente un produit pour le marché local puis ce bien se « standardise » et sa production s’effectue à l’étranger (importations), ensuite il devient « mature » et intéresse des pays moins riches (R. Vernon)

– Concurrence monopolistique (fin 20ème) : chaque entreprise est en monopole sur des biens non parfaitement homogènes (qualité) mais le marché a une étendue limitée ; le commerce international permet d’accroître la variété de biens proposés (commerce intra-branche, Brenner et Krugman)

Division internationale du travail et fragmentation de la production

• Les composants d’un bien sont rarement produits aux mêmes endroits (les flux intègrent le CI)

Effets du commerce international

• Ces théories justifient le « libre-échange » car cela conduit à la baisse des prix + hausse de la demande = gains de surplus économiques

• Exemple : D. Ricardo et les « corn laws » (1842) : importer du blé permet de

faire baisser les salaires, donc de repousser la baisse du taux de profit

• Remarque : certaines théories justifient toutefois le protectionnisme économique (F. List et la protection des « industries naissantes »), d’autres sont clairement critiques (S. Amin et « l’échange inégal », d’inspiration marxiste : les pays capitalistes importent des biens contenant peu de plus-value et exportent les biens ayant un fort contenu en plus-value)

q

p O1

O2

D2 D1

E1 E2

q2 q1

p1

p2

La « tyrannie de la distance » • Exemple de Paul Bairoch (1985) :

– Un homme peut transporter sur son dos 35-40 kg/jour sur 30-35 km, mais il doit consommer 1 kg/jour pour se ressourcer, soit 1kg/17 km (car aller-retour)

– Dès 300 km, la moitié du chargement est donc consommée, plus rien dès 600 km

• 1830 : les frais de transport du blé par voie maritime sur

1200 km représentent 100% de son prix • 1801 : en l’absence de canaux, le transport terrestre du blé

sur 400-500 km double son prix de revient • Les coûts de transport ont longtemps été un frein à la

progression des échanges internationaux, toujours vrai aujourd’hui ?

Baisse historique des coûts de transports

Les équations de gravité

• Elles sont inspirées de travaux de Newton sur la loi de la gravitation universelle (1864) :

• Les flux bilatéraux des biens (M) entre deux pays i et j augmentent avec leurs tailles (mesurées par la population ou le PIB/hab) et diminuent avec la distance entre les deux pays

• Cette équation sert de base à la majorité des travaux en commerce international

Corrélation entre PIB et transports

Corrélation entre distance et échanges

• La France commerce moins avec les pays plus éloignés, les coûts de transports restent donc un déterminant important des échanges

Exemple de l’enclavement

• Les pays n’ayant pas accès à la mer ont moins d’exportations

• Cela peut avoir des incidences sur le développement des nations (Indice de Développement Humain moindres pour ces pays)

• Enfin, les grandes villes/nations sont celles qui ont eu accès aux voies de communications maritimes (voir travaux de F. Braudel)

Des zones maritimes plus développées

La distance n’explique pas tout

• Dans l’Est des USA, certaines villes sont plus proches du Canada que de la côte Ouest (les échanges US/Canada devraient donc être supérieurs à ceux East/West, ce qu’on n’observe pas)

• Droits de douane, normes…: « effet frontière » (coûts de transaction) • A tailles/distances égales, les villes du Canada commercent 20 fois + entre elles qu’avec celles des USA

L’intégration européenne (=réduction des barrières à l’échange) ne règle pas tout

Le commerce international français • CI = Importations (29% du PIB) + Exportations (27%)

Remarque : beaucoup de commerce intra-branche

Structure des échanges en France

• 65% des biens transportés en France sont des flux intra-nationaux (20% pour le commerce international, 15% le transit)

• Près de 90% des tkm utilisent la route

Même constat au niveau européen

• Dans l’ensemble des pays membres de l’UE, le commerce intra-national (2ème colonne) l’emporte très largement (1ère colonne = commerce total, 3ème = commerce international)

Quel mode utiliser ? • Chaque mode présente des avantages/inconvénients

(offre, coût généralisé), à comparer selon les besoins des chargeurs (demande des consommateurs et firmes)

La valeur du temps des marchandises

• Elle dépend de la VA des produits (coût d’opportunité de l’immobilisation plus élevé)

• D’après la théorie, plus la valeur du temps est importante, et plus les modes utilisés doivent être rapides

Statistiques modales

• La voie maritime est surtout utilisée pour l’extracommunautaire (cargaisons lourdes, peu coûteuses sur longues distances)

• L’aérien est également utilisé pour l’extracommunautaire (mais pour les cargaisons plus légères et plus chères)

• La route est surtout utilisée pour l’intracommunautaire (courtes distances et produits moins lourds, avantages du « porte-à-porte » et de la fiabilité)

• Le fer est clairement en retrait (mais pour des cargaisons lourdes)

Le trafic intérieur français

• Sur le LT, prédominance du transport routier et recul du trafic ferroviaire, la navigation fluviale est marginale

• Comment expliquer cette prédominance ?

Importance de la distance

• La majorité des tonnages est transportée sur de courtes distances, il y a donc un avantage temporel certain pour le mode routier (meilleure fiabilité et « porte-à-porte »)

• Au contraire, le fret ferroviaire est plus lent, moins fiable, moins flexible (sauf si envois de lourdes cargaisons)

Structure des marchés (1) • Le secteur routier est très concurrentiel depuis les années 70’ :

– 34 000 entreprises de transports de marchandises par camion

– Les six premiers groupes ne couvrent même pas 10% du marché

– Proche de la concurrence pure et parfaite : atomicité, homogénéité, entrée et sortie facile (matériel roulant peu cher, possibilité de le revendre en cas de faillite)

• Enormément d’entreprises de toutes petites tailles :

– 77% (en nombre) et 15% (en chiffre d’affaires) des entreprises de transport par camions ont moins de 5 salariés

– 0,2% (nombre) et 12% (CA) ont plus de 250 salariés

• Cependant, les grands groupes de transport par camions en Europe sont des filiales de monopoles (ou d’ancien monopoles) dans d’autres secteurs :

– DB Schenker (DB), DHL (Deutsch Post), Geodis (SNCF), ABX Logistics (SNCB)

– Elles profitent du « transport combiné » (pour les entreprise issues de monopoles ou d’ex monopoles ferroviaires)

• Concurrence pure et parfaite, mais également le secteur dans lequel les conditions de travail sont les plus difficiles…

Organisation du transport routier

Renault, Iveco, Mercedes, Volvo, Scania, Man DAF,

etc.

Autoroutes: Concession (ASF,

SANEF, SAPN, APRR, etc.)

Dascher, ABX, Geodis, Schenker

et 34 000 PME

Construction et possession du

réseau

Entretien du réseau

Service de transport

Production véhicules

Etat, département,

ville

PSA, Renault, Ford, VW, Toyota,

etc.

Autres routes: Etat, Ville,

département

Fret (camions) Véhicules individuels

Non pertinent

+ autres usagers de la route (cars, taxis, 2 roues, vélo, etc.)

En rouge les monopoles, en vert les oligopoles et en

bleu les secteurs concurrentiels

OU

• La SNCF avait le monopole sur le fret ferroviaire jusqu’en 2003, plus précisément : – 7 mars 2003 pour les trafics internationaux – 31 mars 2006 pour les trafics nationaux

• Actuellement Fret SNCF, a toujours environ 70% des parts de marchés • De nombreuses entreprises plus petites, mais avec des parts de marchés

croissantes : – Euro Cargo Rail (Deutsch Bahn) +/- 20% de pdm – VFLI (groupe SNCF): +/- 5% de pdm – Europorte (appartenait auparavant à Veolia) +/- 4% de pdm – CFL Fret Services France (filiale opérateur luxembourgeois), spécialisé dans le

transport frontalier – Colas Rail (groupe Bouygues) spécialisé dans le matériel pour chantier – Petits opérateurs de proximité :

• TSO (sud ouest) • Ferovergne • Brocéliande Fret Entreprises

Structure des marchés (2)

Organisation du fret ferroviaire

Alstom, MTE

SNCF

Fret SNCF

Possession du matériel roulant

Réseau

Service de transport

Production véhicules

Au début des années 90s

Aujourd’hui

Alstom, Bombardier,

Siemens Alstom, MTE

SNCF

SNCF, ECR, Europorte, …

Entreprises de location de

wagon ferroviaire

Entreprises de location de

wagon ferroviaire

Tarification du fret ferroviaire

• Le fret ferroviaire est aujourd’hui en concurrence : – L’Etat n’a pas le droit de subventionner plus une entreprise qu’une

autre (interdiction des aides d’Etat au titre de l’article 107 du TFUE) – Les entreprises sont donc libres de fixer leurs prix, charge à elles de

vérifier que leurs ventes couvrent bien leurs coûts

• Néanmoins l’Etat continue d’« injecter » indirectement de l’argent dans le fret ferroviaire : – Séparation (artificielle) entre SNCF réseau et SNCF Fret – En principe, les entreprises ferroviaires doivent verser un péage à

SNCFR pour couvrir le coût d’utilisation des voies – Jusqu’en 2015, l’Etat versait une « compensation fret » : les

entreprises ne payaient pas le coût réel – Leur tarification était donc en dessous de leur coût marginal, ce qui

n’est pas conforme avec la théorie économique – Depuis fin 2015, hausse du prix des sillons pour le fret ferroviaire,

mais nombreuses réclamations des opérateurs (car trop cher, pour une mauvaise qualité de service, revenir à une subvention cachée ?)

Toutefois, avantage au secteur routier

• Secteur très compétitif en termes de prix, pourquoi ? – Est-ce dû à la concurrence pure et parfaite et à l’absence de pouvoir

de marché, qui permet une tarification au coût marginal ? – Est-ce dû aux mauvaises conditions de travail, notamment en termes

de rémunération des chauffeurs ? – Est-ce dû à l’insuffisante prise en compte des externalités négatives

(pollution, bruit, accidentologie) ? – Est-ce dû au pouvoir de négociation très important des chargeurs (en

particulier la grande distribution) qui font que les marges pour les transporteurs sont quasi nulles ?

– Es-ce dû au fait que le transport routier s’insère mieux dans la chaine logistique des entreprises ?

• La réponse est sans doute un peu de tout cela • Tendance contraire aux objectifs de développement durable à

cause des émissions de polluants des véhicules routiers • Toutefois, secteur en difficulté aujourd’hui

Compte propre vs. autrui (1)

• Depuis les années 90’, les chargeurs ont de plus en plus recours à des prestataires extérieurs pour transporter les biens : « faire faire » plutôt que « faire »

• Processus de libéralisation du secteur à la fin des 70’ • Il existe également des coûts de transaction, liés au recours

au marché (transporteurs pour compte d’autrui en l’occurrence), ils ont baissé ces dernières années

• Les innovations dans les TIC ont permis de : – Trouver plus facilement un prestataire – Gérer en temps réel les besoins/demandes – Passer plus facilement les ordres de commande – Contrôler l’acheminement des cargaisons – Faciliter les autres activités de logistique

• Tous ces éléments ont probablement diminué les coût du recours à l’externalisation (« faire faire »)

• Remarques : 1) les prestataires, dans un climat fortement concurrentiel, ont vu leurs conditions de travail se dégrader ; 2) cette vision est amplement débattue (slides de M. Bernardet)

Compte propre vs. autrui (2)

Quelques éléments sur la logistique (1)

• Les activités logistiques sont anciennes mais possèdent une fonction plus récente dans l’entreprise :

• « Terme employé dans l’industrie et le commerce pour décrire le

vaste spectre d’activités nécessaires pour obtenir un mouvement efficient de produits finis depuis la sortie des chaînes de fabrication jusqu’au consommateur et qui dans quelques cas inclut le mouvement des matières premières depuis leurs fournisseurs jusqu’au début des chaînes de fabrication. Une liste des activités que doit prendre en charge la logistique est ajoutée : le transport des marchandises, l’entreposage, la manutention, l’emballage, le contrôle des stocks, le choix des emplacements d’usines et d’entrepôts, le traitement des commandes, les prévisions de marché et service offert aux clients »

• Il s’agit donc de « piloter l’ensemble des flux » dans lesquels

s’inscrit la production et la distribution (« supply chain »)

La « supply chain » ou l’art de gérer tous les kilomètres

Un concept évolutif

Quelques éléments sur la logistique (2) • Le Supply Chain Management :

– Fonction stratégique : définir les moyens logistiques pour atteindre les objectifs stratégiques fixés par l’entreprise

– Fonction tactique : piloter les flux pour en assurer l’ordonnancement – Fonctions opérationnelles : transport (livraison, ramassage) ou

manutention (transbordement, groupage, préparation de commande)

• Dans un contexte de mondialisation et de concurrence, où les

entreprises/consommateurs ont besoin de « just in time », les firmes ont tendance à se recentrer sur leur cœur de métier

• Secteur logistique en croissance donc, mais surtout « hors » de l’entreprise (liens avec les progrès des NTIC)

• Remarques : – 1) Important réservoir de productivité et de gains environnementaux

(travaux d’E. Ballot sur « internet physique ») – 2) Grande variété d’organisations (pour le transport entre autres)

Nouvelles orga = nouveaux gains (1)

Nouvelles orga = nouveaux gains (2)

Les lieux de la logistique (1)

Forte concentration spatiale des entrepôts et plateformes logistiques

Les lieux de la logistique (2)

Recours important au compte propre Importance des grands groupes immobiliers

Faible intermodalité

Economie de la logistique (1) • Les outils des sciences économiques peuvent être utilisés

pour analyser les déterminants de certains choix logistiques

• Théorie de l’Inventaire (Baumol et Vinod, 1970)

• Le coût logistique total (CLT) :

• Avec s=taille, t=tps de transport, Q=flux annuel, b=coûts fixes, K=coûts variables, a= valeur du temps des marchandises

• La taille optimale de l’envoi minimise le CLT :

• Si on a des observations empiriques de s, Q, b et a; on peut tester ce modèle

• Combes (2011) a réalisé cet exercice à l’aide de la base de données ECHO (IFSTTAR)

• Il estime cette relation :

• Et il trouve :

• Autrement dit : (le log de) la taille des envois est fonction croissante du flux annuel; décroissante de la valeur des marchandises, elle augmente si on a recours au compte d’autrui, aux modes ferrés, aériens ou fluviaux

• Ce cadre d’analyse peut également servir à étudier le choix modal, ou le choix des types de véhicules…

Economie de la logistique (2)

Conclusion

• Le transport de marchandises est en partie lié au commerce international, mais surtout aux flux infranationaux

• La distance reste un frein important aux échanges, malgré la forte baisse des coûts de transports (mais ce n’est pas le seul frein)

• Le secteur routier domine largement le transport de marchandises en France et le fret ferroviaire perd des parts de marché

• Les activités logistiques sont primordiales et nécessitent d’être bien analysées