Post on 16-Sep-2018
Introduction
J'ai fait le choix de m'interroger sur l'éducation au développement durable (EDD) pour
plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est un sujet qui suscite pour moi beaucoup d'interrogations et
d'intérêt. Ensuite, c'est un sujet qui est très présent dans la société actuelle. La protection de
l'environnement et le devenir de notre planète constituent une préoccupation majeure du XXIe siècle.
En effet, force est de constater l’impact des activités de l'homme sur l'environnement, les inquiétudes
que cela suscite, et les informations parfois complexes entendues de toute part. Puis, il suffit d'ouvrir
un journal, d'écouter la radio ou d'allumer la télévision pour tomber tôt ou tard sur un « sujet » qui
relève du développement durable. Les enfants sont aussi face à de multiples informations parfois
contradictoires. Là se trouve le rôle fondamental de l'école : les éduquer au développement durable et
les impliquer dans le respect de leur environnement proche. Enfin, je me suis trouvé face à des élèves
qui avaient des représentations erronées sur cette question de la protection de l'environnement malgré
des besoins de réponse notamment au niveau de la vie de l'école. En effet, lors d'un Conseil d'Enfants
auquel j'ai participé, des élèves avaient constaté le gaspillage de l'eau dans les toilettes et cherchaient
des solutions pour la préserver.
Ainsi, je me suis interrogé sur la manière de conduire cet enseignement : l'entrée par les
sciences expérimentales est-elle la plus favorable pour une éducation au développement
durable au cycle III, notamment à travers le thème de l'eau?
Partant de l'hypothèse qu'une simple sensibilisation au fait que l'eau est une ressource
indispensable mais mal répartie sur la Terre et souvent polluée n'est pas suffisante pour qu'ils
comprennent la nécessité de préserver l'eau, j'ai décidé de faire vivre aux élèves une démarche
d'investigation scientifique inscrite dans un projet interdisciplinaire. Je me suis intéressé à cette
démarche scientifique principalement parce que les élèves ne la connaissaient pas et qu'elle était de
surcroît difficile à mener pour moi.
Pour répondre à la question posée, j’ai analysé dans un premier temps quelles pourraient être
les justifications pour introduire une éducation au développement durable. Dans un second temps, j'ai
étudié puis observé dans ma classe les apports d'une entrée par la démarche scientifique. Dans un
dernier temps, j'ai étudié puis observé dans ma classe l'intérêt d'une pédagogie de projet comme
instrument d'éducation au développement durable.
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Première partie : Quelles justifications pour introduire une éducation au développement
durable ?
Cette première partie, qui permet de donner un sens à mon action pédagogique, sera
l'occasion de montrer en quoi l'éducation au développement durable a toute sa place à l'école. Pour
cela, j'expliquerai dans un premier temps le concept d'éducation à l'environnement. Puis j'analyserai
ce qu'est l'EDD et la place qu’elle a pris au fil du temps dans le système éducatif français. Enfin, je
justifierai cet enseignement dans ma classe de stage filé et plus particulièrement à travers le choix
pédagogique du thème de l'eau.
A – Historique du concept d'éducation à l'environnement
L'historique du concept d'éducation à l'environnement permet de comprendre pourquoi
éduquer à l'environnement est devenu une nécessité.
1. Quelques définitions préalables
Avant tout, je pense qu'il est important d'apporter des précisions sur certains termes comme
« nature », « environnement » et « développement durable » pour comprendre plus facilement
l'éducation à l'environnement et ses évolutions. En effet, ces mots sont aujourd'hui à la mode mais il
n'est pas sûr que nous leur donnions tous le même sens.
Tout d'abord, définissons le terme de « nature ». Pour la plupart des gens qui vivent en grande
majorité dans les villes, la nature correspond à tout ce qui ne s'y trouve pas. Mais cette nature est-elle
vraiment « naturelle » ? La nature, c'est ce que l'homme n'a pas créé, ce qui vit sans lui ; c'est ce qui
existe sans le contrôle et la gestion par l'homme (les sols, les minéraux, les végétaux, les animaux).
Les milieux réellement naturels ne se rencontrent que dans de rares écosystèmes encore vierges de
toute action humaine. Ce qui est communément pris pour la « nature » résulte en fait de la
transformation par l'homme du milieu naturel. Il y a donc une grande différence entre ce qu'est la
« nature » aujourd'hui et les représentations que nous nous faisons d'elle.
Ensuite, il est intéressant de se pencher sur le mot « environnement » qui n'est réellement
apparu qu'en 1921, lorsque le géographe Vidal de la Blache le définit en tant que terme technique de
géographie, désignant le résultat de l'action de l'homme sur ce qui l'entoure. Jusqu'en 1960, ce mot
est absent des dictionnaires. Mais, avec l'émergence des problèmes environnementaux et des
catastrophes écologiques, la notion d'environnement entre dans l'actualité.
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Différentes définitions de cette notion seront proposées et vont se préciser avec le temps. Il y a sans
doute autant de définitions de l'environnement qu'il y a de personnes appelées à le définir. Pour
certains, l'environnement représente surtout un problème que nous devons résoudre. Pour d'autres,
c'est avant tout une ressource qu'il faut exploiter. Certains en parlent davantage comme étant la
nature, celle qu'il faut protéger. Enfin, de plus en plus de gens considèrent l'environnement comme
étant leur milieu de vie, celui qu'on aménage et qu'on protège. L'environnement, c'est un peu tout
cela. Dans une perspective éducative, il importe d'aborder l'environnement selon tous ces aspects. On
peut aujourd'hui définir l'environnement comme « l'ensemble des éléments qui, dans la complexité de
leurs relations, constitue le cadre, le milieu, les conditions de vie pour l'homme »1. Le concept
d'environnement est donc complexe et l'erreur la plus fréquente consiste à associer exclusivement
cette notion avec celle de la protection de la nature. Or, la nature n'est qu'une des composantes, certes
fondamentale, mais pas exclusive de notre environnement. Les domaines de l'environnement portent
aussi sur l'aménagement du territoire, sur la gestion de nos déchets, etc.
Enfin, on peut se demander ce qu'on entend par « développement durable ». Dans les pays
occidentaux, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le développement a été associé à une
simple augmentation de la quantité de richesses produites. Le développement est alors défini par un
critère quantitatif. Cette croissance a permis une augmentation du niveau de vie des pays
industrialisés durant les « trente glorieuses » mais s'est accompagnée d'effets négatifs sur
l'environnement et sur l'homme avec la dégradation des ressources naturelles, les risques liés à la
consommation d'énergies (changements climatiques) ou l'apparition de nouvelles inégalités entre
citoyens et pays. En effet, les modes de consommation et de production entraînent de multiples
pollutions, menacent d'épuisement les ressources naturelles. Cette situation est préoccupante alors
même qu'une grande part de l'humanité ne peut satisfaire ses besoins essentiels en matière
d'alimentation ou de santé. Par exemple, aujourd'hui, plus d'un milliard d'êtres humains n'ont pas
accès à l'eau potable. Il importe donc de trouver des solutions pour assurer de façon durable
l'amélioration de la qualité de vie de tous et le maintien de l'équilibre écologique de notre planète.
Des conceptions plus qualitatives sont aujourd'hui envisagées pour le développement. Ainsi, le
concept de développement durable a été avancé en 1988 pour la première fois par une commission
réunie sous l'égide des Nations Unies : « C'est un mode de développement qui permet de répondre
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs
propres besoins »2.
1 Citation de Pierre George, Géographe.2 Citation tirée du rapport « Bruntland », 1989 : « Notre avenir à tous ».
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Ainsi, contrairement à la simple croissance économique, le développement durable est un processus
qui a pour objectif d'améliorer la situation sur les plans à la fois environnemental (préserver la
nature et limiter notre empreinte écologique), social (satisfaire les besoins de tous et garantir l'équité)
et économique (concilier croissance et développement durable), ceci dans une perspective à long
terme. L'atteinte de ces objectifs est faite dans le respect de principes tels que la solidarité, le principe
de précaution et la participation.
1. Les conférences fondatrices
Le concept d'éducation à l'environnement a suivi la même évolution que celui
d'environnement. Les textes fondateurs incitent progressivement à passer d'une simple étude du
milieu à une véritable éducation à l'environnement puis à une éducation au développement durable.
Depuis les années 70, les instances internationales n'ont cessé d’interpeller les milieux éducatifs.
Le coup d'envoi de l'éducation à l'environnement est donné par la conférence des Nations Unies sur
l'environnement humain, réunie à Stockholm en juin 1972. Elle établit l'importance du rôle de l'école
dans l'éducation à l'environnement : « il convient d'établir un programme éducatif international
d'enseignement interdisciplinaire, scolaire, extrascolaire, relatif à l'environnement, […], en vue de
faire connaître à tous l'action simple qu'ils pourraient mener dans les limites de leur moyens, pour
gérer et protéger l'environnement ». À la suite de cette conférence, l'UNESCO en liaison avec le
Programme des Nations Unies pour l'environnement, fixe les grandes lignes d'un programme de
coopération internationale destiné à promouvoir l'éducation relative à l'environnement.
La conférence de Tbilissi (Géorgie) qui se tient en octobre 1977 est la première conférence
intergouvernementale relative à l'éducation à l'environnement. Les participants adoptent une série de
recommandations précisant les objectifs, les caractéristiques et la stratégie de l'éducation relative à
l'environnement.
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Le développement durable
L'objectif fondamental est précisé : « amener les individus et les collectivités à saisir la complexité
de l'environnement tant naturel que créé par l'homme […] ainsi qu'à acquérir les connaissances, les
valeurs, les compétences pratiques nécessaires pour participer de façon responsable et efficace à la
prévention et à la solution des problèmes de l'environnement. ». Dans les années 80, d'autres
initiatives sont prises et particulièrement en 1989, que certains nomment « L'année de
l'environnement ».
2. L'entrée en scène du développement durable
Dans les années 90, d'autres initiatives voient le jour. Mais c'est surtout l'entrée en scène de la
notion de développement durable qui marque ces années. En effet, en 1992, les Nations Unies
organisent la Conférence internationale de Rio sur l'environnement et le développement. Le chapitre
36 de l'Agenda 21 de Rio est consacré à l'éducation. En 2002, le Sommet mondial du développement
durable décide d'une décennie internationale d'éducation en vue du développement durable (2005-
2014). En 30 ans, au niveau international, on est ainsi passé d'une notion d'éducation relative à
l'environnement à une notion d'éducation au développement durable.
B- Mise en place progressive de l'éducation au développement durable dans le système
éducatif français
La France emboîte le pas aux instances internationales qui prônent la mise en place d'une
éducation relative à l'environnement. La mise en place et le développement de l'éducation à
l'environnement s'opèrent en France à travers une série de textes fondateurs. Cependant, elle a
éprouvé des difficultés à s'insérer réellement dans le système éducatif.
1. Des textes fondateurs mais des difficultés apparentes
L'éducation à l'environnement en France trouve ses racines pédagogiques dans l'étude du
milieu, celui-ci étant considéré par Dewey, Decroly, Freinet et le mouvement de l'École nouvelle
comme « La source essentielle au savoir » (Freinet). La prise en charge institutionnelle s'est faite
progressivement.
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L'acte de naissance de l'éducation à l'environnement en France s’appuie sur la circulaire du 1er
avril 1971 qui invite à mettre l'accent « sur tous les aspects qui aideront l’élève à prendre
conscience de la place de l’homme dans la biosphère, à réfléchir à son comportement dans la nature
et d’une manière générale le prépareront à reconnaître ses responsabilités dans le milieu auquel il
appartient »3. En 1977, la « Charte » de l'éducation à l'environnement publiée par R. Haby formule
des objectifs précis : développer une attitude d’observation, de compréhension et de responsabilité à
l’égard de l’environnement. En 1983, un protocole est signé entre le ministère de l'Éducation
Nationale et celui de l’Environnement pour apporter un soutien spécifique aux Projets d’Actions
Éducatives (PAE) relatifs à l’environnement. Bien qu'ayant encore du mal à trouver une vraie place à
l'école, l'éducation à l'environnement est présente dans les programmes de 1995 au niveau des
compétences transversales. Ce sont les programmes de 2002 qui font explicitement référence à cette
éducation à travers différentes disciplines. Malgré ces avancées, en avril 2003, un rapport de
l'inspection générale de l'Éducation Nationale a mis en valeur le caractère ponctuel, le manque de
cohérence et la non inscription des actions menées dans la perspective de l'éducation à
l'environnement pour un développement durable à l'école.
2. Vers l'éducation au développement durable en France
Pour pallier ces manques, la circulaire du 8 juillet 2004 met en place l'éducation à
l'environnement pour un développement durable (EEDD) s'appuyant sur les enseignements
disciplinaires et sur la mise en œuvre de démarches de projets, et rappelle le rôle déterminant de
l'école. Elle « vise à donner une dimension pédagogique nouvelle à l'éducation à l'environnement en
l'intégrant dans une perspective de développement durable ». Cette éducation est fondée sur
« l'acquisition de connaissances et comportements ancrés dans une démarche d'investigation des
problèmes liées à l'environnement »4 .
Le développement durable trouve aussi sa place dans le socle commun des connaissances et des
compétences publié le 12 juillet 2006. La mise en place de l'EDD repose ainsi sur les enseignements
obligatoires. Grâce à ce socle commun, le développement durable est désormais ancré dans la base
des savoirs fondamentaux. Ainsi, ce socle inclut la connaissance de « l’impact sur l’environnement »
des activités humaines, il fait référence à une attitude de « responsabilité face à l’environnement, au
monde vivant, à la santé », il mentionne le développement durable comme un moyen de
« comprendre l’unité et la complexité du monde »5.
3 Circulaire 71-118 du 1er avril 1971.4 Circulaire n°2004-110 du 8 juillet 2004.5 Décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006.
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La circulaire du 29 mars 2007 définit l'éducation au développement durable (EDD) et impulse une
seconde phase de généralisation de cette éducation par la volonté de généraliser cet enseignement par
des projets plus ambitieux et par la formation des enseignants aux problèmes environnementaux.
3. La place de l'EDD dans les programmes de 2008
Les nouveaux programmes de 2008 intègrent plus largement l'EDD notamment dans les
domaines des sciences et de la géographie. Pour les cycles 1 et 2, on parlera d’environnement ou de
milieu. C’est au cycle 3 que la notion d’EDD apparaît de façon plus explicite : « Familiarisés avec
une approche sensible de la nature, les élèves apprennent à être responsables face à
l’environnement, au monde vivant, à la santé. Ils comprennent que le développement durable
correspond aux besoins des générations actuelles et futures. En relation avec les enseignements de
culture humaniste et d’instruction civique, ils apprennent à agir dans cette perspective »6. Au cycle
3, l'EDD concerne les sciences expérimentales et technologie mais aussi l'histoire et la géographie.
Au cours de cette même année, des instructions pédagogiques parlent d’éducation au développement
et à la solidarité internationale.
C- Pourquoi ce choix dans ma classe ?
L'historique de cette éducation et les efforts qui ont été effectués pour sa mise en place à l'école
constituent à mon sens un argument qui justifie qu'on s'y intéresse dans les classes. C’est pourquoi
j'ai choisi d'éduquer au développement durable à travers le thème de l'eau.
1. L' EDD pour répondre à un besoin
J'ai fait le choix d'aborder l'EDD dans ma classe de stage filé de CM1 pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, je me suis très tôt intéressé à cette éducation et j'ai souhaité, dans le cadre de ma
formation professionnelle, savoir pourquoi et comment la mener au cycle 3. Puis cette idée m'est
venue lors d'un Conseil d'Enfants auquel j'ai assisté. En effet, durant cette réunion, les élèves
posaient le problème du gaspillage de l'eau dans les toilettes. Et, lors de la discussion de ce Conseil
dans la classe, j'ai observé que les élèves se posaient des questions comme « Comment peut-on faire
pour que les élèves ne gaspillent pas l'eau ? », « Mais, d'où vient l'eau du robinet ? Est-ce que c'est
payant l'eau ? ».
6BO hors-série n° 3 du 19 juin 2008.
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Beaucoup d'élèves avaient des représentations erronées aussi bien sur l'eau que sur la protection de
l'environnement en général. J'ai donc décidé de me renseigner sur l'intérêt de faire le choix du thème
de l'eau dans une perspective d'éducation au développement durable.
2. Le choix pédagogique du thème de l'eau
Il y a à mes yeux deux raisons qui justifient le choix pédagogique du thème de l'eau. Tout
d'abord, une entrée est possible dans les programmes de 2008 en sciences expérimentales et
technologie : la matière (l'eau : une ressource, le maintien de sa qualité pour ses utilisations). Ensuite,
les problèmes liés à l'eau expliquent qu'on s'y intéresse. En effet, jusqu'à une époque récente, l'eau
était encore considérée comme un bien gratuit et inépuisable qui ne posait pas beaucoup de
problèmes. Mais les problèmes liés à l'eau sont devenus chez nous de plus en plus apparents,
notamment par l’intermédiaire des médias qui mettent en avant la pollution de notre eau ou le
manque d’eau. Si l'on étudie de près la question de l'eau, on prend conscience de plusieurs
problématiques. Au niveau du globe, il faut savoir qu'il existe 1 342 409 250 000 000 000 tonnes
d'eau dont 97% est salée. L'essentiel du reste de cette masse d’eau se présente sous forme de neige ou
de glace et seul 0,01% est directement utilisable pour les activités humaines. Cette eau est
inégalement répartie dans le temps et dans l'espace. Au niveau industriel, la consommation d'eau a
quadruplé en 30 ans depuis 1950. On peut ajouter que l'eau est devenue un vecteur de pollution non
négligeable. Par ailleurs 1,3 milliards de personnes soit 25% de la population mondiale ne disposent
pas d'eau de consommation réellement potable. Selon une étude de l'ONU, c'est une des premières
causes de décès : les maladies transmises par l'eau tuent près de 25 000 000 d'individus par an. Ainsi,
l'eau douce apparaît de plus en plus comme une matière première précieuse, très mal répartie sur le
globe, rare ou trop abondante selon les régions, souvent gaspillée par certains, utile à la vie mais
pouvant aussi la détruire. La question est alors de savoir si l'Homme sera capable de gérer l'eau. Le
problème n'est pas seulement quantitatif : l'eau douce comme les océans peuvent fournir une
nourriture de qualité. Les milieux aquatiques représentent aussi un enjeu de conservation d'un
important patrimoine. Les eaux polluées par les déchets industriels, domestiques ou agricoles
représentent un danger considérable frappant principalement les populations les plus pauvres.
Ce paradoxe d’une eau, source de vie indispensable mais qui peut aussi se révéler dangereuse car
polluée montre tout l'intérêt de traiter de ce thème porteur pour l'EDD. Plus simplement, l’eau est un
thème porteur qui suscite l’intérêt des élèves.
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Au terme de cette première partie, on peut affirmer que cette éducation est nécessaire. Elle est
institutionnalisée dans le système éducatif français et elle prend toute sa place dans ma classe car liée
à un vrai questionnement de départ. Mais encore faut-il avoir une réflexion sur la manière de la
mettre en œuvre dans les classes.
Deuxième partie : La démarche scientifique au service de l'éducation au développement
durable.
Cette deuxième partie sera l'occasion d'analyser en quoi la démarche scientifique et plus
particulièrement l'approche expérimentale est au service de l'EDD. Ainsi, je montrerai dans un
premier temps les liens qui unissent démarche scientifique et EDD. Puis j'analyserai dans un second
temps le choix que j'ai fait de m’appuyer sur les sciences expérimentales pour rendre plus favorable
une éducation au développement durable dans ma classe.
A- Entrer par les sciences expérimentales pour éduquer au développement durable.
Je vais tenter ici de démontrer en quoi la démarche scientifique est particulièrement bien adaptée
à l'éducation au développement durable, en m'appuyant sur les instructions officielles, les recherches
scientifiques et pédagogiques effectuées avant d'aborder ce que j'ai mis en œuvre dans la classe.
1. Le point de vue des instructions officielles
Pour la circulaire du 8 juillet 2004, l'acquisition de connaissances et de comportements doit se
faire à travers la démarche d'investigation en cohérence avec la démarche scientifique issue du plan
de rénovation de l'enseignement des sciences et de la technologie à l'école. Il est aussi demandé de
privilégier : « des situations concrètes qui développeront chez les élèves la sensibilité, l'initiative, le
sens des responsabilités et de l'action. »7.
Dans le socle commun des connaissances et des compétences de 2006, la responsabilité face à
l'environnement est évoquée dans le domaine de la culture scientifique et technologique.
Dans les programmes de 2008, on trouve des références à l'éducation au développement durable au
cycle 3 au sujet des sciences expérimentales : « Les sciences expérimentales et les technologies ont
7 Circulaire n°2004-110 du 8 juillet 2004 « Généralisation d'une éducation à l'environnement pour un développement durable ».
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pour objectifs de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature et celui construit par
l'homme, d'agir sur lui, et de maîtriser les changements induits par l'activité humaine […]
Observation, questionnement, expérimentation et argumentation pratiqués, par exemple, selon
l'esprit de la Main à la pâte sont essentiels pour atteindre ses buts […] dans le cadre d'une
démarche d'investigation […] Familiarisés avec une approche sensible de la nature, les élèves
apprennent à être responsables face à l'environnement […] Ils comprennent que le développement
durable correspond aux besoins des générations actuelles et futures. »8
L'entrée par les sciences expérimentales est donc possible pour éduquer au développement durable.
Mais est-ce la meilleure entrée ? Qu'en est-il au niveau des recherches pédagogiques et
scientifiques ?
2. Adopter une approche scientifique et raisonnée
Le développement durable est une expression qui fait couler de l'encre car c'est un sujet qui
entraîne de multiples interprétations, vecteur de messages frisant parfois l'idéologie. Mais son succès
incite à prendre en compte une urgence sociale et écologique. Face aux idéologies, aux slogans
catastrophiques, aux informations diverses qui sont médiatisés sur les questions environnementales,
il est important de s'appuyer sur une approche scientifique et raisonnée des problèmes. Cette idée est
défendue par Sylvie Brunel, professeur de géographie, dans un article des Cahiers pédagogiques.
Pour elle, les slogans catastrophiques « démobilisent plutôt qu'alertent »9. Pour Michel Hagnerelle,
dans un article de la même revue, l'approche scientifique permet de former l'élève au questionnement
et au doute scientifique. En effet, il est important lorsque l'on fait de l'EDD de ne pas dresser un
simple état des lieux des activités humaines et de leurs conséquences sur l'environnement, et encore
moins de transmettre des savoirs permanents. Car le développement durable s'inscrit dans le présent
mais aussi dans le futur : ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera pas forcément demain. Les élèves sont
amenés à réfléchir par eux-mêmes aux conséquences durables de leurs actions. Ainsi, ils doivent être
capables d'adopter des réflexes de bon sens (ne pas jeter de déchets dans l'eau), mais aussi de faire
émerger différents choix possibles (analyser sa consommation d’eau et évaluer les actions possibles
pour la diminuer).
Cette approche permet de sortir des « petits gestes ». En effet, l'école a eu longtemps une visée
« impositive »10 pour reprendre les termes utilisé par Jean Simonneaux, de ce qui était bon ou
mauvais pour développer un comportement attendu (éteindre les lumières, trier ses déchets...). Ces
8 BO hors-série n° 3 du 19 juin 2008.
9 BRUNEL Sylvie, «Mettre à l’étude les slogans catastrophistes », Les Cahiers pédagogiques n°478, janvier 2010.10 SIMONNEAUX Jean, « Pour aller au-delà des petits gestes », Les Cahiers pédagogiques n°478, janvier 2010.
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gestes sont utiles mais cachent la vision plus globale du développement durable. Pourquoi fait-on ces
gestes, quelles en sont les conséquences ? Les réponses aux problèmes posés ne sont pas uniques et
simples, les composantes environnementales, sociales, économiques et éthiques du développement
durable entraînent une complexité des réponses.
Cette approche a pour objectif de développer l'esprit critique des élèves. En effet, ces savoirs doivent
être des outils d'analyse et de compréhension. À l'inverse des gestes imposés, il s'agit de former les
élèves pour qu'ils puissent penser par eux-mêmes et faire preuve de responsabilité. Il nous incombe
aussi, dans notre mission d'éducateurs, d'amener les élèves à décrypter les informations. Les sciences
sont utiles puisque la nature même de la démarche scientifique repose sur la controverse et non sur
un consensus.
La pédagogie « traditionnelle » qui consiste à « dicter » des connaissances et des comportements
n'est donc pas adaptée à l'EDD. On ne peut pas imposer une vision exclusive de ce qui doit être le
respect de l'environnement. L'école doit aider à faire les bons choix après analyse et questionnement.
Les sciences expérimentales trouvent donc toute leur place dans l'EDD. En effet, les connaissances
scientifiques acquises par l'enfant fournissent des savoirs, des images et des représentations du
monde. Ces savoirs lui permettent de mieux comprendre notre monde et notre environnement.
Un article de P. Meirieu intitulé « Du monde objet au monde projet » montre l'importance de la
démarche scientifique pour « faire exister le monde » 11. À l’évidence, la manipulation d'objets
permet à l'enfant de sortir de son imaginaire, de connaître la réalité du monde. Et nous devons faire
avec cette réalité-là qui résiste à notre pouvoir et à notre désir de tout contrôler et de tout nous
approprier. Pour lui, c'est le premier objectif fondateur de l'éducation à l'environnement.
Cette question sur le lien entre l'éducation scientifique et l'éducation à l'environnement n'a pas fini de
faire l'objet de recherches et de réflexions, d'autant plus que ces champs évoluent sans cesse. Dans le
n°48 du périodique ASTER de 2008, les auteurs se sont penchés sur l'interface entre ces deux
« éducations ». Ils constatent une prise en compte des réalités socioécologiques dans l'enseignement
des sciences. En effet, les sciences tendent à devenir plus « citoyennes ».
Cependant, ils se demandent comment faire cohabiter des questions incertaines et controversées sur
l'environnement et le développement, une « science en train de se faire »12, avec un enseignement
scientifique centré traditionnellement sur des savoirs établis. Ils prônent enfin une dynamique
d'échange entre tous les acteurs de cette éducation.
3. La démarche d'investigation : pourquoi ? Comment ? 11 Philippe Meirieu, « Éduquer à l’environnement, pourquoi, comment ? Du monde objet au monde projet », lors d’une conférence.12 N°48 du périodique ASTER de 2008, coordonné par Yves Girault et Lucie Sauvé, édité par l'INRP.
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Toutes les recherches en pédagogie montrent que l'enfant doit être acteur de ses
apprentissages. Les sciences expérimentales à travers la démarche d'investigation proposée par G.
Charpak dans l'opération « La main à la pâte », prônée par les instructions officielles, se situent dans
cette optique. J'ai donc fait le choix de m’appuyer sur les sciences par la démarche d'investigation
scientifique pour éduquer au développement durable.
Pour éduquer au développement durable, il faut commencer par faire émerger les représentations des
élèves, comme pour l'enseignement des sciences. Il est important de permettre aux élèves d'exprimer
leur point de vue initial (leurs représentations mentales) sur un sujet. Les obstacles pourront ainsi être
repérés et une stratégie efficace de remédiation pourra être entreprise.
Cette idée est défendue par Gérard De Vecchi et André Giordan dans « L'enseignement
scientifique : comment faire pour que ça marche ? ». Pour eux, si on ne tient pas compte des
conceptions préétablies des élèves, elles persistent et les élèves sont alors absents du processus
d'apprentissage car ils ne construisent pas leurs savoirs.
L'élève prend conscience de ses conceptions premières et les transforme par confrontation avec les
pairs et la réalité (représentations initiales des élèves - recherches - connaissances supérieures).
Voici la démarche préconisée par « La main à la pâte » :
- soumettre les élèves à la curiosité des objets et des phénomènes du monde qui les entoure pour
susciter un questionnement scientifique ;
- ce dernier amène à la formulation d'hypothèses destinées à être vérifiées ;
- la vérification se fait en testant par l'expérimentation ou en vérifiant par une recherche
documentaire.
Ainsi, les élèves s'approprient progressivement les concepts scientifiques et techniques opératoires.
B- Mise en œuvre dans la classe et analyse
Pour éduquer au développement durable, j'ai donc décidé d’analyser l’intérêt d'entrer par les
sciences avec une démarche d'investigation scientifique.
J'ai d’abord fait un état des lieux des conceptions des élèves de ma classe. Ensuite, une première
question a été traitée dans la classe et s'est résolue par l'expérimentation. Puis d'autres questions se
sont posées et ont pu être résolues par la recherche documentaire. Enfin, j'ai évalué les élèves pour
savoir si leurs représentations avaient évolué.
1. La prise en compte des représentations des enfants : évaluation diagnostique
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Lors de la première séance, j'ai donné aux élèves un questionnaire sur l'eau13 pour connaître leurs
représentations au sujet de l'accès à l'eau du robinet dans le monde, de la pollution de l'eau, du cycle
de l'eau dans la nature et du trajet de l'eau dans la ville. J'ai aussi demandé aux élèves s'ils se posaient
des questions sur l'eau.
Sur une classe de 19 élèves, sept d'entre eux pensaient que tous les humains ont accès à l'eau potable
dans le monde. J'ai ainsi décidé de traiter des besoins et des usages de l'eau dans le monde à la séance
suivante. En ce qui concerne la pollution de l'eau, la majorité des élèves a pensé aux déchets (objets
divers, nucléaire, poubelles, pétrole, piles) et parmi eux, un plus précisément à la responsabilité de
l'homme, mais certains ont mis en cause l'eau des égouts, des toilettes ou des moyens de transport
(bateaux, avions). J'ai donc constaté une certaine richesse dans les réponses mais j'ai décidé de
prévoir des séances sur ce sujet car il est nécessaire que les élèves connaissent les causes et les
conséquences de la pollution et ne mélangent pas pollution et traitement des eaux usées. J'ai souhaité
amener les élèves à analyser ces problèmes scientifiquement. Puis j'ai constaté que le processus du
cycle de l'eau n'était pas acquis par les élèves, ils ont simplement identifié quelques lieux où l'on
trouve de l'eau. Ensuite, j'ai demandé aux élèves de représenter par un schéma le trajet de l'eau avant
et après la maison. Les enfants ont eu beaucoup de difficultés à représenter ce trajet et quelques
conceptions erronées mais intéressantes sont ressorties. En effet, pour beaucoup d’entre eux, l'eau
que nous buvons provient de la mer, pour d'autres les eaux usées sont nettoyées et directement
utilisées dans la maison. Cependant, des usines ou des égouts apparaissent sur certains schémas. Les
élèves n'ont pas su dire exactement d'où vient l'eau du robinet et où vont les eaux usées. Ainsi, des
séances ont été menées pour changer les représentations des enfants.
Enfin, à la dernière question ouverte, les élèves se sont demandés où va l'eau après le robinet,
comment on lave l'eau, qui pollue l'eau, pourquoi il y a des déchets, etc.
L'analyse de ce questionnaire m'a été très utile pour construire ma séquence et mes séances.
2. L'expérimentation : « Comment nettoyer l'eau sale ? »14
Pour que les élèves prennent conscience de la difficulté de nettoyer l'eau sale, j'ai décidé par une
démarche d'investigation et par l'expérimentation de les amener en deux séances à répondre à la
question suivante : comment nettoyer l'eau sale ?
Objectifs visés :
13 En annexe se trouve l’évaluation diagnostique d’un élève caractéristique des représentations de la classe.14 En annexe, les fiches de préparation.
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- prendre conscience que pour rendre une eau potable il faut utiliser des dispositifs complexes et
nombreux (décantation, filtration) ;
- découvrir par une démarche d'investigation comment rendre une eau sale plus limpide.
Compétences développées :
- pratiquer une démarche d'investigation : savoir observer, questionner ;
- manipuler et expérimenter, formuler une hypothèse et la tester, argumenter ;
- mettre à l'essai plusieurs pistes de solutions.
Première séance :
*Situation pédagogique n°1 : Présentation de l'eau sale : vers un questionnement.
Lors de la séance précédente, on a vu qu'on utilisait beaucoup d'eau à la maison. J'ai expliqué
aux élèves que lorsqu'on se brosse les dents, l'eau sale part dans le lavabo ; lorsqu'on fait la vaisselle,
le liquide vaisselle et la saleté partent dans l'évier et lorsqu'on nettoie la salade, la terre mélangée à
l'eau part dans l'évier. Ensuite, j'ai posé aux élèves la question suivante : « Est-ce qu'on peut envoyer
toute cette eau sale dans la nature ? ». La majorité des élèves ont répondu négativement à cette
question en justifiant par la pollution que cela prouvait engendrer. J'ai ensuite montré une bouteille
d'eau sale que j'avais préparée (contenant de la terre, des feuilles, de l’huile, du colorant...). On a
discuté sur ce qu'il y avait dedans et les réactions des élèves étaient prévisibles. Ils ont trouvé cette
bouteille d'eau « répulsive » et ont affirmé qu'il fallait la nettoyer. On a donc été amenés à se poser la
question suivante : comment nettoyer l'eau sale ?
Ainsi, j'ai écrit la question sur la feuille d'expérience de la classe affichée au tableau sous l'intitulé
« La question que nous nous posons ».
J'ai souhaité ici développer la curiosité des élèves pour les amener à un questionnement scientifique.
*Situation pédagogique n°2 : Émission d’hypothèses.
L'étape suivante a été d'émettre des hypothèses. Voici celles qui ont été avancées par les
élèves et écrites sur la feuille d'expérience de la classe :
- on met du savon dans l'eau sale ;
- on met l'eau sur du coton ;
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- on nettoie l'eau avec une éponge ;
- on verse l'eau avec un filtre à café ;
- on enlève la saleté avec une cuillère ;
- on verse l'eau dans une passoire.
Cette phase a été délicate pour amener les élèves à faire des hypothèses et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les enfants n'ont jamais entendu parler de ce mot et n'ont pratiquement jamais émis
d'hypothèses sur une question scientifique. Ensuite, il a été difficile pour moi de les amener à
réfléchir sur de possibles solutions sans leur donner la réponse. Le matériel mentionné dans les
réponses était présent sur une table, c'est pourquoi toutes ces hypothèses y font référence. Peut-être
aurait-il fallu cacher le matériel pour cette étape, cependant, les réponses ont été très intéressantes car
elles amènent toutes à l'expérimentation. Ainsi, j'ai demandé aux élèves comment on pourrait faire
pour vérifier ces hypothèses. Nous sommes donc arrivés à comprendre la nécessité de tester les
hypothèses par l’expérimentation.
*Situation pédagogique n°3 : Choix du matériel et prévision des étapes de manipulation.
La classe a été divisée en cinq groupes, chacun d'entre eux avait une feuille d'expérience avec
les rubriques suivantes : la question que nous nous posons, nos hypothèses, ce que nous avons fait et
nos résultats. Dans chaque groupe, il y avait plusieurs responsabilités à se partager : le directeur de
recherche qui vérifie que chaque membre de l'équipe participe à l'expérience, le vérificateur du
travail demandé dans le calme, le gardien du temps et le rapporteur. J'ai mis en place ces
responsabilités car les élèves n'ont pas l'habitude de travailler en groupe et de faire des expériences
scientifiques. J'ai ainsi souhaité mieux cadrer cette activité afin d’éviter que les élèves voient
l'expérimentation seulement comme un temps d'amusement. Les élèves ont dû ensuite écrire la
question, le matériel qu'ils souhaitaient utiliser pour tester leur hypothèse et décrire chacune des
étapes prévues. Cette phase me semblait utile pour ne pas expérimenter n'importe quoi sans réflexion
préalable.
Voici ce que les groupes ont prévu de faire :
- groupes 1, 2 et 4 : nettoyer l'eau sale en la renversant dans une passoire, sur une éponge ou du
coton ;
- groupe 3 : nettoyer l'eau sale avec une passoire et un filtre à café ;
- groupe 5 : nettoyer l'eau sale avec une cuillère et du savon.
*Situation pédagogique n°4 : Expérimentation15.
15 En annexe, les photographies de l’expérimentation par les élèves.
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Les élèves ont été ensuite amenés à réaliser les expériences qu'ils ont imaginées après un
rappel des règles du travail en groupe. Ils ont pris beaucoup de plaisir et avec beaucoup d'intérêt cette
phase qui pour eux permettait d'apporter enfin une réponse par leurs propres moyens. Au cours de
l'activité, je me suis rendu compte que j'avais oublié de préciser qu’il fallait garder un échantillon de
l'eau entre chaque étape pour ceux qui testaient plusieurs techniques. J'ai aussi autorisé d'autres
expériences si les résultats obtenus n’étaient pas satisfaisants. La principale difficulté a été d'aider en
même temps que d'observer les démarches de chaque groupe et de prendre les photos.
Beaucoup de procédures ont été utilisées et certains groupes, une fois leur hypothèse testée, n’ont pas
été satisfaits du résultat. Ils ont alors souhaité utiliser d'autres matériels. En parallèles, les élèves
devaient dessiner les étapes réalisées sur leur feuille d'expérience mais les dessins obtenus n'ont pas
été très clairs et proches de la réalité. Il serait intéressant d'expliquer comment dessiner des
expériences (dessins simples avec des légendes). Enfin, à la fin de la séance, les élèves ont dû écrire
en une phrase les résultats obtenus : que reste-t-il dans l'eau ? Est-elle propre ?
Deuxième séance :
*Situation pédagogique n°1 : Mise en commun et validation des hypothèses.
Les feuilles d'expérience des différents groupes16 ont été affichées au tableau et chaque
rapporteur a été invité à présenter à la classe ce que son groupe avait testé, les procédures utilisées et
le résultat obtenu en observant l'eau nettoyée. Cette étape a permis de valider ou d'invalider certaines
hypothèses. Pour un groupe, à cause d'une mauvaise manipulation du matériel, il n'y a eu aucun
résultat. Pour ceux qui ont utilisé l'éponge, le coton ou la passoire, l'eau est restée sale (traces de
terre, d'huile) malgré les pierres et les feuilles enlevées. Pour le groupe qui a utilisé une cuillère et du
savon, on a observé que l'eau était toujours sale avec en plus des traces de mousse de savon.
On a donc conclu que le savon ne permet pas de rendre l'eau plus limpide. Le groupe qui a obtenu le
meilleur résultat est celui qui a filtré le mélange. Ce dernier a gardé un échantillon d'eau entre chaque
filtration. On a donc constaté que la filtration était la plus efficace pour nettoyer l'eau. Cependant,
quelques traces d'huile résidaient encore. Puis, nous avons constaté que dans tous les résultats
obtenus, le colorant était toujours présent.
La difficulté de cette phase a été dans le fait que certains groupes ont utilisé beaucoup de matériels
sans respecter les étapes prévues, avec des dessins peu clairs, rendant l'analyse compliquée.
*Situation pédagogique n°2 : Institutionnalisation et trace écrite17.
16 En annexe, la feuille d’expérience d’un groupe d’élèves.17 En annexe, la trace écrite (feuille d’expérience de la classe).
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J'ai montré au groupe classe qui était très curieux et attentif, les étapes pour nettoyer l'eau
sale. Tout d'abord, j'ai expliqué qu'il était utile avant tout de laisser reposer le mélange et que cette
technique s'appelle la décantation. On a ainsi pu observer que les matières les plus lourdes coulent au
fond tandis que les feuilles et l'huile restent à la surface. À partir de là, les élèves ont remarqué
qu'entre les deux, l'eau était moins sale et se sont demandés comment la récupérer. Un élève a eu
l'idée de faire un trou dans la bouteille pour la récupérer. J'ai donc percé la bouteille, récupéré l'eau
moins sale jusqu'à l'arrivée de l'huile et des feuilles. Ensuite, j'ai filtré le mélange plusieurs fois pour
obtenir une eau plus claire. Les enfants ont vite réagi en disant que le colorant était toujours présent.
Par manque de temps et de matériel pour les faire manipuler, j'ai donc montré que si on fait chauffer
l'eau colorée et que l'on place un sopalin au-dessus, ce dernier ne devient pas bleu car c'est seulement
l'eau qui s’évapore. On peut ainsi imaginer un mécanisme pour récupérer cette eau claire. Je me suis
rendu compte que l'utilisation du colorant n'était pas indispensable. À cette étape, je les ai amenés à
prendre conscience que cette eau plus claire n'était pas potable car des bactéries et microbes étaient
encore présents mais invisibles. Enfin, j'ai distribué la trace écrite de la feuille d'expérience de la
classe avec les photos des différentes étapes.
Au terme de ces deux séances, j'ai pu constater du côté des élèves leur motivation à
expérimenter, chercher, tester, manipuler et du côté de l’enseignant, la richesse de cette démarche
d’investigation par l’expérimentation mais aussi de la difficulté pour organiser et gérer ces activités.
De plus, l’enseignant doit constamment s’adapter à l’avancée des élèves dans leurs représentations.
Les objectifs que je m’étais fixés ont été atteints. Il aurait peut-être fallu diviser la première séance
en deux pour prendre plus de temps pour choisir le matériel, l’hypothèse à tester et pour anticiper les
étapes de l'expérimentation. J’aurais dû aussi vérifier davantage que les élèves restent bien sur leur
hypothèse à tester et ne partent pas dans tous les sens, mettant le résultat en inadéquation par rapport
à l’hypothèse de départ.
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Les élèves ont bien pris conscience par eux-mêmes de la difficulté de rendre l'eau propre. Cette eau
n'étant pas potable, les élèves ont été curieux de découvrir comment faire pour nettoyer les eaux
usées utilisées à la maison ou à l'école.
3. La recherche documentaire : « D'où vient l'eau du robinet ? Où vont les eaux usées ?» ;
« Comment préserver l’eau ? ».
Troisième séance :
Objectifs :
- comprendre la complexité pour obtenir de l'eau potable à travers les étapes du traitement de l'eau et
constater la richesse d'un patrimoine à respecter ;
- découvrir le cycle de l'eau dans la nature.
Compétences développées :
- formuler des hypothèses ;
- sélectionner des informations à partir d'un document vidéo, répondre à des questions par écrit ;
- lire un schéma.
*Situation pédagogique 1 : émettre des hypothèses sur le circuit de l'eau.
Il était important de voir si les conceptions des enfants avaient évolué depuis l'évaluation
diagnostique, en passant par l'expérimentation. À partir d'un poster qui montre un enfant se lavant les
mains au robinet, j'ai demandé aux enfants, selon eux, d'où vient l'eau du robinet. Dans une partie du
tableau, j'ai noté toutes les idées : de la montagne, des toilettes, des usines pour nettoyer, des sources,
des tuyaux.
Puis je leur ai demandé d'imaginer ce que devient l'eau qui échappe aux mains de l'enfant en train de
boire, mais aussi celle qui coule dans la douche, dans le lavabo de l'école, celle de la chasse d'eau,
etc. J'ai noté les réponses des enfants dans une autre partie du tableau : égouts, usines, montagne,
mer. Enfin, les enfants m’ont proposé des idées sur la façon de nommer ces eaux que j’ai aussi
inscrites au tableau : voyageuse, sale, polluée.
Après avoir fait l'expérimentation lors des séances précédentes, j'ai observé que les enfants avaient
plus d'idées que lors du questionnaire de départ sur le circuit de l'eau, notamment autour du
nettoyage. Cependant, il reste certaines conceptions erronées comme une eau puisée dans la
montagne et directement rejetée après utilisation. Il a été intéressant de constater qu'un élève pensait
que l'eau potable venait des toilettes : a-t-il bien compris la notion de cycle ?
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*Situation pédagogique 2 : répondre à un questionnaire à partie d'une vidéo tirée du DVD « C'est pas
sorcier », « Attention planète fragile »18.
J'ai annoncé qu'on allait étudier le cycle du traitement de l'eau afin de découvrir comment
l'eau circule et ce qu'il se passe avant et après le robinet à l'aide d'un documentaire et d'un
questionnaire. J'ai trouvé ce documentaire « De la source au robinet » très intéressant car ne pouvant
pas aller visiter des lieux comme la station d'épuration, il m'a semblé indispensable d'avoir une image
du circuit de l'eau en dehors de simples illustrations. J'ai bien évidemment stoppé la vidéo plusieurs
fois pour faire le point avec les élèves sur les connaissances (le cycle de l'eau dans la nature, le
traitement des eaux et la station d'épuration) et pour les questions qui posaient problème. À la fin du
visionnage, les élèves ont comparé les réponses entre eux pour favoriser le conflit socio-cognitif.
Pour les élèves les plus en difficulté, seulement les questions les plus importantes étaient à faire. Les
élèves ont été très curieux de découvrir le circuit de l'eau, ils ont reconnu quelques techniques
utilisées lors de leurs propres expérimentations (filtration, décantation...).
*Situation pédagogique 3 : Institutionnalisation et trace écrite19.
La trace écrite était constituée du circuit de l'eau domestique et d'un texte que l'on a complété en
collectif. Cependant, cette étape a pris beaucoup de temps du fait de la complexité du résumé. J'ai
terminé la séance en concluant sur l'idée que le traitement des eaux nécessite beaucoup de travail,
l'intervention de nombreuses personnes et qu'il coûte cher. Déjà quelques remarques d'élèves ont
surgi comme : « Il ne faut pas gaspiller l'eau ! » annonçant la suite de la séquence.
Quatrième séance :
Objectifs visés :
- adopter un comportement citoyen vis à vis de l'eau ;
- avoir compris et retenu les risques de pollution de l'eau et ses conséquences sur l'environnement ;
- rédiger une charte vis-à-vis de l'eau.
Compétences développées :
- exprimer et exploiter les résultats d'une mesure ou d'une recherche en utilisant un vocabulaire
scientifique à l'oral et à l'écrit ;
- tirer des informations d'un document et répondre à des questions ;
18 En annexe, le questionnaire : « Le circuit et le traitement de l’eau ».19 En annexe, la trace écrite : « Le circuit de l’eau domestique ».
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- donner son avis, argumenter.
Un document intitulé « Touche pas à mon eau »20 est distribué aux élèves avec trois questions :
- Quelles sont les différentes sources de pollution ? Le but était de distinguer les eaux sales des
habitations (savons, produits chimiques), les déchets, l'industrie (produits chimiques) et l'agriculture
(engrais, pesticides). J’ai noté une difficulté des élèves à comprendre le sens de « source ». On a
donc cherché dans le dictionnaire un synonyme de ce mot dans le respect du contexte et du sens de la
phrase.
- Quelles sont les conséquences de ces pollutions ? Les élèves devaient trouver : l'empoisonnement
de l'eau, le danger pour les animaux et insectes, le danger pour la santé de l'homme et le danger pour
les plantes.
- À ton avis, comment peut-on préserver l'eau ? Les élèves devaient écrire quelques idées par
groupes de deux. Puis la mise en commun s'est faite à l'oral, les enfants ont donné des idées et j'ai
divisé le tableau en trois colonnes sans donner de titre à chacune d'entre elles pour amener les enfants
à les trouver (ne pas utiliser l'eau inutilement, ne pas polluer l'eau, transmettre aux autres
l'importance de préserver l'eau). Les deux premières idées ont été trouvées facilement avec des
exemples tandis que l'importance de la communication n'a pas été avancée par les élèves. À partir de
ces trois comportements citoyens, nous avons collectivement rédigé une charte21 sur la protection de
l'eau et les élèves l'on signée. Nous n’avons pas eu assez de temps pour la rédaction de cette charte,
j’aurai souhaité prendre du temps pour débattre et réfléchir aux idées et à leurs conséquences, ce qui
est très important dans l’EDD.
4. Les évaluations
J'ai observé durant toute la séquence l'évolution des représentations des élèves. En effet, par
l’observation des stratégies des enfants et par des questions orales, j'ai pu constater des acquisitions
en termes de connaissances et de compétences des élèves et ainsi remédier à quelques situations
problématiques, notamment lors de l'expérimentation (les élèves pensaient que l'eau pouvait être
nettoyée par du savon, j'ai donc proposé que tous réalisent l'expérience et constatent que l'eau
n'étaient toujours pas propre, ni potable).
L'évaluation des compétences en termes de démarche d'investigation a été faite pour quelques élèves
mais la difficulté a été d'évaluer tous les élèves. Je pense que ces compétences sont à observer (à
l’aide d’une grille d’évaluation) tout au long de l'année à travers différents thèmes pour dire de façon
20 En annexe, le document intitulé « Touche pas à mon eau ! ».21 En annexe, la charte intitulée « Protégeons l’eau ! ».
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précise le niveau d'acquisition de telle ou telle compétence par tel ou tel élève en référence au socle
commun.
À un moment de la séquence, les élèves ont été amenés à pratiquer la co-évaluation de leur travail
lors du questionnaire vidéo.
En ce qui concerne l'évaluation sommative22 , voici les compétences et connaissances qui ont été
évaluées :
- maîtriser et mobiliser des connaissances sur l'eau et son traitement ;
- adopter un comportement citoyen vis à vis de l'eau.
Plusieurs exercices étaient proposés :
- schématisation d’une décantation ;
- au sujet de la filtration ;
- compléter un schéma du cycle du traitement des eaux ;
- au sujet de la pollution de l'eau et des moyens pour la préserver.
Après lecture et analyse des productions des élèves, j'ai constaté que la majorité des élèves a su
maîtriser et mobiliser ses connaissances sur l'eau et son traitement. Leur principale difficulté a été de
dessiner la décantation. En ce qui concerne le circuit du traitement des eaux, les élèves ont compris
le principe d’un circuit en deux parties : des eaux potables et des eaux usées. En comparant avec
l'évaluation diagnostique et les observations au cours de la séquence, j'ai observé que les propositions
des élèves en ce qui concerne la préservation de l’eau s'étaient beaucoup enrichies.
Le fait qu'il ne faut pas polluer l'eau a été la plus fréquente (déchets, engrais...), puis quelques idées
sur l'utilisation modérée de l'eau potable ont été avancées (ne pas gaspiller, fermer le robinet quand
on se brosse les dents) et seulement trois élèves se sont souvenu que pour préserver l'eau il faut aussi
en informer les autres.
Pour pouvoir affirmer plus précisément que la démarche d’investigation amène à de meilleurs
résultats, il aurait été intéressant de comparer les résultats de mes élèves avec ceux d’une autre classe
témoin qui aurait utilisé une démarche plus « traditionnelle ». Même si entre deux classes le niveau
des élèves peut être différent.
Au terme de cette partie, on peut dire que l'entrée par les sciences expérimentales est
nécessaire pour éduquer au développement durable car elle est préconisée par les instructions
officielles, les recherches scientifiques et j'ai pu observer par ma pratique de classe qu'elles étaient un
22 En annexe, l’évaluation sommative de l’élève qui a produit l’évaluation diagnostique aussi en annexe.
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réel atout. Elles doivent être le point de départ et le fil conducteur. Cette démarche permet un réel
apprentissage et remet en cause les représentations initiales des élèves pour les reconstruire à
l'inverse d'une simple sensibilisation ou d'un simple « cours magistral ».
Cependant, cette entrée, certes favorable, est-elle suffisante ?
Troisième partie : L’éducation au développement durable à travers une démarche de projet
Cette troisième partie a pour but de démontrer que l'EDD appelle à l'interdisciplinarité et à
une démarche de projet. Ainsi, j'expliquerai d'abord les liens qui unissent pédagogie du projet et
EDD. Puis je présenterai et j’analyserai le projet que j'ai décidé de mener dans ma classe ainsi que
son déroulement, avant de faire un bilan de celui-ci à travers les réussites et difficultés observées et
vécues.
A- Les caractéristiques du projet EDD
1. La pédagogie de projet : placer les élèves dans une perspective d'agir
L'EDD ne se réduit pas à l'acquisition de connaissances spécialisées, aussi nécessaires soient-
elles. Elle passe, comme le fait remarquer le Conseil National des Programmes, « par la réalisation
de projets alliant action et réflexion, débordant le cadre traditionnel des apprentissages ». Qui dit
projet, dit production, dit implication active des enfants. En effet, connaître ne suffit pas, il faut que
l'enfant apprenne que l'on peut et que l'on doit agir.
Le travail en projet est caractéristique de l'EDD pour placer l'élève dans une perspective d'agir. Il ne
doit pas consister en une succession d'activités dans les différentes disciplines mais, au contraire,
utiliser celles-ci au service du projet. Dans cette perspective, il est préférable de laisser aux élèves la
possibilité de formuler des initiatives et de se positionner comme acteurs du développement durable.
Le rôle de l'enseignant consiste à soutenir leur démarche, en en questionnant la faisabilité et en
accompagnant la réalisation.
Il faut mettre en place une véritable « pédagogie de l'agir », susceptible d'inclure dans l'éducation en
général, des pratiques permettant une véritable éducation à l'exercice de la citoyenneté.
Le projet EDD doit passer par plusieurs phases :
- une situation problématique ;
- une phase de sensibilisation où l'élève s'interroge, formule des questions, des hypothèses de
recherche, prend conscience des réalités, des problèmes qui se posent dans son environnement ;
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- une phase d'investigation où l'élève va observer, expérimenter, se documenter pour comprendre ;
- une phase de structuration et de réflexion pour mettre en ordre les faits observés, les données
récoltées ;
- une phase de communication et d'action, de réalisation du projet ;
- une phase d'évaluation du projet.
Mettre en œuvre un projet EDD, c'est d'abord le clarifier. C'est ensuite le mettre en œuvre et enfin le
mener jusqu'à son terme, et pour cela, pouvoir le réguler.
2. L' EDD appelle à l'interdisciplinarité
Tout d’abord, l'interdisciplinarité est prônée par les instructions officielles. En effet, dans le socle
commun, on trouve des références à cette éducation dans plusieurs piliers de compétences. Dans les
programmes de 2008, l’EDD est dite en relation avec les enseignements de la culture humaniste et
d'instruction civique. On trouve aussi des références en géographie : « Le programme de géographie
contribue, avec celui des sciences, à l’éducation au développement durable. ».L’éducation au développement durable a besoin de la sollicitation de différentes disciplines
pour envisager des solutions alternatives et des propositions d'actions qui développent chez l’enfant
des compétences relevant de divers champs disciplinaires. Les problématiques de l'EDD au cœur des
I.O cités ci-dessus, le travail en projets caractéristiques de l'EDD, font aussi appel à toutes les autres
disciplines : maîtrise de la langue, arts visuels, mathématiques....
L'interdisciplinarité souhaitée pour une EDD n'est ni une finalité ni un but en soi mais une modalité
pédagogique visant à l'efficacité de l'enseignant.
Elle est surtout un moyen pour permettre à l'apprenant de mieux se situer par rapport aux problèmes
d'environnement, qui eux ne peuvent se régler à l'intérieur d'une approche disciplinaire précise, tout
en acquérant les attitudes, démarches et concepts nécessaires.
Pour mettre en place une telle pratique, la pédagogie transdisciplinaire par projet est la plus attirante
pour une EDD. En effet, elle suppose de briser les cloisonnements disciplinaires traditionnels pour
que les diverses matières se mettent au service du projet. Mais c'est encore la démarche la moins
utilisée. Cette pédagogie est celle qui a le plus de sens et qui débouche sur une grande implication
des élèves.
3. Peut-on évaluer les effets des projets EDD ?
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L’évaluation de l’acquisition des connaissances et compétences des élèves en fin de parcours doit
avoir sa place mais n’est pas suffisante. En effet, il est nécessaire aussi d’évaluer la démarche de
projet, l’impact réel d’une action éducative et particulièrement dans le domaine de l'EDD et de
l'éducation à la citoyenneté. Cependant, c’est une tâche difficile d'autant que les retombées, si elles
existent, ne peuvent se manifester que sur le long terme.
Tout d'abord, je dirais qu'évaluer, c'est être observateur et à l'écoute tout au long de la progression
d'un projet. Il faut évaluer surtout l'évolution des représentations des élèves. En effet, l’émergence
des représentations des élèves, en début de projet, doit avoir permis de repérer leurs obstacles. Les
actions entreprises par la suite devraient avoir corrigé les unes et complété les autres. Il est donc
important de vérifier si les élèves à la fin du projet n'ont pas conservé ces manques.
Un des points que je n’ai pas pris en compte dans ce projet, à tort selon moi, c’est l’évaluation de
l’esprit critique des élèves largement lié à l’évolution de la confiance en soi à l’aide d’une grille
d’évaluation des niveaux d’acquisition d’une pensée critique.23
L'évaluation doit aussi servir à mesurer l'efficacité du travail du maître et la valeur du projet mis en
œuvre. C’est ce que je tenterai de faire dans l’analyse de mon projet.
B- Mise en œuvre du projet dans la classe et analyse
1. Cadre de mise en œuvre et choix des disciplines concernées
Le projet a été mis en œuvre dans une classe de CM1 de 19 élèves, à l'école élémentaire Nice
Flore 2 concernée par l'éducation prioritaire.
La mise en place du projet s'est déroulée entre les vacances de la Toussaint et celles de Noël. La
finalité du projet était d'élaborer une exposition où les enfants font vivre une démarche
d'investigation à une autre classe de l'école pour la sensibiliser au développement durable. J’ai fait le
choix de la communication qui m’a semblé primordiale pour que les élèves prennent conscience de
l’importance de transmettre aux autres, par l’écrit et par l’oral.
Pour réaliser ce projet, nous avons réfléchi avec les élèves à ce dont nous avions besoin :
- réaliser des expériences et faire des recherches documentaires pour maîtriser le sujet (sciences,
géographie).
- réaliser des affiches pour informer et sensibiliser l'autre classe dans le cadre des arts visuels et des
TICE.
23 D’après : Gérard De Vecchi, Enseigner l’expérimental en classe, Hachette, 2006.
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- réaliser des planches de BD pour sensibiliser à la problématique de l'eau dans le cadre de la
littérature.
2. Objectifs et compétences développées par le projet24
3. Description et analyse du projet
SENSIBILISATION : besoins et répartition en eau potable (géographie / sciences).
Avant de commencer la démarche d'investigation et la séquence de sciences expérimentales
décrite dans la partie précédente de cet écrit, j'ai souhaité donner au projet une dimension plus large
et introduire par les besoins et la répartition en eau potable. L'objectif était d'identifier les besoins et
les usages de l'eau et de comparer des modes de vie différents. J'ai visé les compétences suivantes :
lire une carte et établir une représentation schématique des données collectées. Pour comprendre le
caractère vital de l'eau, nous avons étudié l'influence de l'eau sur les paysages. Nous avons observé
que la Terre, cette planète bleue, était constituée de beaucoup d'eau mais qu’on parle pourtant de
manque d'eau. J'ai indiqué aussi qu'il y a de l'eau dans le corps de tous les êtres vivants et que ces
derniers en ont besoin pour vivre. Ensuite, j'ai amené les élèves à énumérer toutes les utilisations de
l'eau pour montrer qu'elle était très présente dans notre vie quotidienne. Puis ils ont analysé une carte
pour comprendre la répartition et l'accès à l'eau potable dans le monde. La séance s'est terminée par
une étude et une comparaison de l'eau d'« ici » et d'« ailleurs » à l'aide d'un poster. Les élèves ont pu
découvrir que tous les hommes dans le monde n'ont pas accès à l'eau potable du robinet et ils ont
réalisé un schéma du circuit de l'eau pour les enfants du Burkina Faso.
Cette séance était indispensable pour comprendre les enjeux de la problématique de l'eau, le
caractère indispensable de l'eau à la vie, son omniprésence chez nous, l'importance de l'eau potable
pour la santé et les inégalités qui existent. Le fait que certains pays n’ont pas d’eau potable n’a pas
été la justification de l’idée de la préservation de l’eau mais simplement pour donner une dimension
plus large à la problématique de l’eau, passer du solitaire à la solidarité, et en faire un prétexte pour
aborder la notion de potabilité ainsi que le circuit du traitement de l’eau des autres pays avant
d’étudier le nôtre.
24 En annexe se trouve l’organigramme du projet avec les objectifs et les compétences visés.
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Circuit de l'eau pour les enfants de l'école de Monkin (Burkina Faso)
Puits d'eau douce
Transport de l'eau
SÉQUENCE D’ART VISUEL / TICE : l'affiche publicitaire.
En parallèle à la séquence de sciences expérimentales, j'ai mis en œuvre dans la classe une
séquence autour de l'affiche publicitaire pour deux raisons. Tout d'abord, j'ai pensé que l'analyse des
affiches permettait de développer l’esprit critique, et qu’ensuite la création d'affiches était nécessaire
pour le projet. En effet, pour prévenir la classe de CM2 de l'exposition et des expériences tout en
sensibilisant à l'eau, l'affiche nous a semblé le meilleur moyen. Les élèves ont été très enthousiastes à
l’idée que leurs affiches seraient vues et lues par d’autres.
Objectifs :
- connaître les caractéristiques d'une affiche publicitaire ;
- décrire et analyser une affiche ;
- trouver un thème et un slogan pour son affiche ;
- développer l’esprit critique des élèves face à une affiche publicitaire ;
- réaliser une affiche.
Compétences développées :
- sélectionner des informations, comprendre un message ;
- être capable d'organiser les informations sur un espace plan ;
- être capable d'utiliser le dessin dans ses différentes fonctions en se servant de diverses techniques
Séance 1 : Découverte.
Lors de cette séance, l'objectif a été d'abord de comprendre l'utilité de l'affiche publicitaire
(pour faire connaître ou pour vendre un produit, pour faire connaître un événement ou pour
sensibiliser le public à un phénomène). À partir de là, j'ai expliqué aux élèves que leur rôle est de
faire passer des informations et un message clair, compréhensible, et de donner envie au public de
venir à l'exposition, de faire des expériences et de lui donner envie de protéger l'eau. Ensuite, les
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Filtration de l’eau
élèves ont été amenés par groupes à réaliser un premier jet. Enfin, la mise en commun a permis
d'observer ce qui est important de voir figurer sur une affiche et d'écarter ce qui ne correspond pas à
ce type de communication. En effet, certains groupes avaient présenté leur affiche sous forme de
lettre. Nous avons aussi constaté que nous n'avions pas assez d'informations sur l'eau, son traitement,
sa pollution pour réaliser la meilleure affiche possible. Les productions étaient donc vouées à
s'enrichir au fur et à mesure que l'on avançait dans la séquence sur l'eau en sciences. Il aurait été
intéressant de garder une trace écrite de ce que nous avions pensé mettre sur les affiches, car la mise
en commun ne s'est faite qu'à l'oral.
Séance 2 : J'observe une affiche, je cherche un thème et un slogan.
Cette séance a débuté par l'observation, la description et l'analyse des affiches relatives à la
protection de l'environnement ou au développement durable afin de dégager les caractéristiques de
l'affiche, dans le but d'améliorer les futures productions. Ensuite, j'ai donné à chaque groupe un
thème (protéger l'environnement, protéger l'eau, besoins en eau, pollution de l'eau, vivre une
expérience scientifique). Enfin, les élèves devaient trouver un ou plusieurs slogans après avoir
analysé quelques exemples relevés dans la presse ou les spots publicitaires et avoir différencié les
slogans par types de phrases.
L'observation des affiches et la définition du slogan se sont bien déroulées. La principale difficulté
des élèves a été de trouver des slogans. Ceci s'explique par le manque de temps accordé à cette phase
de recherche et peut-être par une analyse insuffisante de différents slogans. J'étais donc très présent
auprès des groupes pour les guider.
Séances 3 et 4 : Je réalise une affiche.
Avant de réaliser l'affiche, chaque groupe avait une grille à remplir qui comprenait les éléments
indispensables à faire figurer sur l'affiche que l'on avait dégagés ensemble (le public visé, le thème,
le slogan, le lieu, la date, l'horaire, les dessins, les images ou photos).
Ensuite, les élèves ont réalisé l'affiche. Enfin, ils devaient s'auto-évaluer en cochant dans leur grille
d'analyse les critères de réussite (l'affiche contient toutes les informations importantes, l'affiche est
claire et lisible, l'affiche est attirante, esthétique...) avant de faire une mise en commun collective des
différentes productions.
Un groupe devait réaliser son affiche sur l'ordinateur, ceci a été l'occasion d'une part de valider des
compétences du B2i pour ce petit groupe d'élèves et d'autre part de comparer l'effet produit par les
deux types de supports (papier et TICE).
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La grille s'est révélée très utile pour préparer l'affiche. La principale difficulté des élèves a été de se
mettre d'accord sur les dessins à effectuer, l'emplacement des informations sur l'affiche. Il était
difficile pour moi de gérer à la fois le groupe TICE et les autres très demandeurs. La mise en
commun s'est bien déroulée : les élèves ont fait preuve d'esprit critique et ont bien cerné les critères
d'évaluation.
SÉQUENCE DE LITTÉRATURE : la bande dessinée, un moyen de sensibilisation.
Ce projet s'est déroulé en parallèle avec une séquence menée en littérature autour de la bande
dessinée. Nous avons donc décidé pour la dernière séance de cette séquence de produire des planches
sur le thème de la préservation de l’eau afin de les exposer pour notre projet.
DESCRIPTION ET ANALYSE DE L’EXPOSITION/INSVESTIGATION : l'importance de la
communication et du partage.
Une demi-journée a été consacrée à la finalité du projet : l'exposition et l'investigation.
Objectifs généraux :
- adopter un comportement citoyen vis à vis de l'eau ;
- réinvestir les connaissances et compétences acquises ;
- participer à un projet collectif.
Compétences développées :
- pratiquer une démarche d'investigation ;
- prendre part à un dialogue, prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et justifier
un point de vue.
Dans un premier temps, j'ai fait un rappel de ce que nous avions appris depuis le début (la répartition
de l'eau potable sur la Terre, le circuit de l'eau domestique, la préservation de l'eau). Puis nous avons
affiché dans la classe les planches de bande dessinée et dans le couloir, les affiches réalisées pour
informer l'autre classe. Ensuite, j'ai expliqué aux élèves le déroulement et les consignes pour faire
vivre la démarche d'investigation à la classe voisine.
Les élèves ont été répartis par groupes et possédaient une feuille d'expérience. Chaque membre du
groupe avait une responsabilité (celui qui surveille, celui qui écrit les hypothèses, celui qui dessine
les expériences réalisés, celui qui apporte le vocabulaire spécifique).
Voici le déroulement :
Phase 1 : répartition dans les groupes ;
Phase 2 : les CM1 posent la question « Comment nettoyer l'eau sale ? », les CM2 font des
hypothèses ;
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Phase 3 : les CM2 expérimentent, testent leurs hypothèses, les CM1 font les schémas ;
Phase 4 : les CM1 apportent le vocabulaire spécifique tout en expliquant la démarche à suivre.
Nous étions deux professeurs des écoles pour surveiller le bon déroulement. L'après-midi s'est
terminé par une visite de notre classe pour observer les affiches et les planches de BD et par un bilan
des deux classes : sur le bon déroulement des expériences, sur l'explication des expériences réalisées,
sur l'observation des résultats de chaque groupe. Un débat a été lancé sur la façon de protéger l'eau.
Malgré quelques petites difficultés dans la gestion matérielle des différents groupes sur deux classes
voisines, cette séance a été très enrichissante pour les élèves et très intéressante pour moi, le projet a
abouti sur un échange constructif, les CM1 étaient ravis de partager leurs connaissances et leurs
compétences, de jouer leur rôle de citoyens. Les CM2 qui n'avaient pas l'habitude de pratiquer les
sciences par l’expérimentation ont été très motivés et impliqués. L'enseignante de la classe voisine a
été aussi très intéressée par la démarche d'investigation.
4. Bilan général du projet
Dans un premier temps, ce projet mis en œuvre dans la classe a permis de dégager quelques
points positifs. Tout d’abord, il a été une source de motivation pour que les élèves entrent dans les
apprentissages. Les enfants étaient très impliqués et très impatients de faire vivre à une autre classe
ce qu’eux-mêmes avaient vécu.
Quant au thème de la préservation de l’eau, il a été accueilli avec enthousiasme par la classe,
d’autant que l’EDD est quelque chose de nouveau pour eux. Puis ils ont découvert une nouvelle
façon de faire des sciences. Ils ont donc été très impliqués dans la démarche d’investigation qui je
pense trouve toute sa place dans l’EDD. Enfin, ce projet a permis, au-delà d’une sensibilisation aux
problématiques de l’eau, une réelle éducation à la citoyenneté et de réels apprentissages en termes de
connaissances et de compétences. Les objectifs que je m’étais fixés ont été je pense atteints.
Dans un second temps, je dirais qu’il y a quelques points qui méritaient d’être améliorés.
En effet, la démarche aurait pu être plus riche en ajoutant des expérimentations (exemple : l’engrais
dans le sol). De plus, il aurait été intéressant que la finalité du projet soit une idée des élèves face à
une situation problématique, laisser les enfants choisir le projet pour agir. En effet, l’EDD est une
éducation à la décision. Même s’ils n’ont pas choisi cette finalité, ils ont tout de même réfléchi aux
outils nécessaires comme l’affiche. Puis la notion d’environnement n’a pas été définie avec les
élèves et il aurait été intéressant de le faire. C’est le temps pour réaliser le projet qui a été le principal
problème dans le contexte d’un stage filé. Je pense qu’un projet EDD est plus efficace s’il est
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programmé sur une année scolaire ou intégré dans un projet d’école. Enfin, j’aurais pu axer
beaucoup plus sur le local, le vécu des enfants (comment l’eau arrive-t-elle jusqu’à l’école ?). Il est
bien évidement également que les points négatifs s’expliquent par le manque d’expérience.
Dans un dernier temps, j’aimerais proposer quelques prolongements possibles :
- aborder la problématique du gaspillage de l’eau et du coût de l’eau de façon plus précise (étude
d’une facture d’eau, observation des quantités d’eau utilisée et recherche de solutions) ;
- une sortie scolaire dans une station de traitement des eaux par exemple ;
- un contact avec des partenaires comme des associations, des parents, des élus ou des acteurs du
traitement des eaux car l’EDD doit être ancrée dans la réalité sociale et le travail en collaboration est
important ;
- aborder le thème de l’eau par la littérature de jeunesse ;
- organiser un jardin des sciences dans l’école sur le thème du développement durable avec un atelier
sur l’eau (l’école a d’ailleurs décidé de faire un jardin des sciences et les enseignants de l’école ont
été intéressés par le travail de ma classe sur le nettoyage de l’eau et souhaitent l’utiliser pour un
atelier).
Conclusion
L'éducation au développement durable n’est pas une discipline marginale mais une véritable
éducation à la responsabilité et à la citoyenneté où l’enfant fait la découverte de l’altérité. Elle est
surtout devenue une nécessité vitale pour l'avenir de notre planète, à moyen et même à court terme.
En effet, les enfants d’aujourd'hui auront la lourde tâche de survivre dans le monde que nous leur
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laissons en héritage : « Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos
enfants » (Saint-Exupéry).
Cela fait bien longtemps que nous ne sommes plus dans le ministère de l'Instruction Publique mais
dans celui de l'Éducation Nationale. Il serait vain de se contenter de seulement vouloir transmettre
des connaissances. Notre rôle d'enseignant va bien au-delà de ce simple objectif. Nous devons former
et éduquer de futurs écocitoyens en les impliquant personnellement dans des démarches autonomes
d'apprentissages et d'actions qui dépassent les murs de l'école. L'école peut ainsi faire entrer dans les
familles des réflexes écocitoyens par le biais de l'enfant.
Au terme de cet écrit, on peut dire que l’entrée par les sciences expérimentales notamment à travers
la démarche d’investigation scientifique est la plus favorable pour une éducation au développement
durable. Cependant, l’EDD doit se faire à l’intérieur d’un véritable projet dans lequel l'élève est au
cœur des apprentissages. Cela implique d'oser, de prendre du recul sur sa manière d'enseigner, de
bien définir des objectifs mais aussi des attitudes et des valeurs, de défendre une certaine éthique,
d'entrer dans une pédagogie de projet, de mettre en œuvre de véritables démarches de recherche, de
favoriser le travail en petits groupes, d'accepter le travail en équipe d'enseignants, de sortir de
l'établissement scolaire.
Cette double expérience, sur le terrain et dans cet écrit, m’a permis d’une part de développer des
compétences professionnelles et d’autre part de comprendre qu’il est important et intéressant
d’impliquer les élèves dans des projets ambitieux pour qu’ils construisent peut-être l’avenir un peu
mieux que nous ne l’avons fait nous-mêmes.
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